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Société Archéologique du Finistère - SAF 1916 tome 43 - Pages 249 à 262
LETTRES
d'un Tambour de la 1
République
Dans le dossier des papiers abandonnés par les fa
milles à l'Hôpital de Morlaix, nous avons découvert les
lettres suivantes d'un soldat de la Pr.emière Républi
que (1), Elles nous ont paru intéressantes à publier ,
par le rapprochement avec les événements actuels.
Notre homme n'étajt pas , cultivé. D'une famille mo-
deste son père, maître cordonnier, avait sans doute,
au plus, à son service, un ou deux ouvriers, , comme les ·
maîtres-cordonniers de nos jours, dans les petites vil-
les Thomas -Talabardon ne savait pas écrire, car
ses lettres furent rédigées par diverses mains. Son in-
formation manque, par suite, d'étendue. On peut le
regretter. Telles quelles, elles nous aident cependant à
llOUS renseigner sur l'esprit qui animait les pr, emiers
combattants de la Révolution . Elles nous donnent l'i
mage d'un bon soldat, « qui fait tous les jours son
possible, vis-à-vis de ses supérieurs », mais qui ne
dore, ni ne poétise son métier. Il en voit les misères, et
(1) Le dossier contient en outre quelques . papie,rs concer
nant la famille Talabardon : deux laissez-passer pour la
mère et la sœur de Thomas Talabardon, l'un du 30 ger
minal ,an 2, pour Lannion, visé par le Comité permanent
'révolutionnaire de Morlaix, l'autre du 9 floréal an 10, pour
Brest ; trois quittances 'de loyer; un extrait d'e mariage de
la sœur de Thomas Talabardon, Marie-Françoise, avec
Claude-François Potel le 19 janvier 1811, et un .acte de '
donation de ce sieur Potel à sa première f.emme . '
250
. parfois s'en plaint ; figure anticipée du grognard, qui
fut, avec plus ou moins de panache, le prototype de
milliers d'autres, ancêtres de nos moderhes poilus, sol-
dats d'une lutte entre la France et ses ennemis de
toujours.
L'orthographe, assez fantaisiste,et'dont les étrange
tés ne présentaient aucun intérêt, a été rectifiée, mais la
langue n:iême demeure telle queUe; seuls un petit nOlll
bre de mots ont été rétablis entre crochets. .
A Monsieur Talabardon (1), maître cordonnier, demeu
rant. dans la venelle au Pâté, à NIorlaix ..
A Brest, le 2 octobre (I791 ?)
Mon cher père et ma ch~re mère,
Je vous écris ces lignes pour m'informer de l'état de
votre santé. Qllant a la mienne [elle] esL très bonne. Je
souhaite que la votre soit de même, ainsi que celle de ma
sœur. Soyez persuadés que je vous aurais donné plus tôt
de mes nouvelles, si je n'eusse point été obligé de partir
aussitôt arrivé a Brest, mais le lendemain que j'arrivais, je
fus obligé de partir pour le détachement de Lesneven, et
de là. nous avons été il. Ploukerneau, et il. Plouescat, et à
Lannilis, quoi nous avons été l'espace de huit jours de-
hors marchant nuit et jour. .
Je vous dirai qu'environ dix heures du soir, le fel,J a
été pris dans le Bassin de Brest, plais cela n'a rien été. Je
vous dirai que Landez a frappé son sergent-major et il a
été condamné à. deux ans de fers qui se font aux galères .
(1) Talabardon Alain, fils mirieur de défunt Louis et de
Catherine Quéménel' , épousa le 21 juillet 1766, à Saint
Mathieu de Morlaix, Marguerite Le Meau, fiUe mineure de
défunt Hervé et d'Anne, Le Lay. .
De ce mariage naquit 6 enfants. Thomas Talabardonj
l',auteur des lettres que nous reproduisons, naquit le 3
Saint-Mathieu le 10 avril 1771. Seule, sa sœur Marie
Françoise, n ée le 2 mai 1773,' parait avoir survécue avec
lui.
251
Je vous prie, cher père, de faire mes assurances de res~
pects à tous mes parents, mais, cher père, je vous dirai
que tous les jours il arrive du monde de tous les côtés à
Brest, mais, au moins,' cher père, je vous prie de ne point
faire cette folie, parce que si toutefois vous saviez com
ment l'on est au régiment : unefois engagé, on a vendu
sa liberté. Si, toutefois, cher père, vous désirez venir vous
promener à Brest, je vous prierai de me marquer dans
votre réponse, quand ou quel jour vous arriverez ; si toute
fois vous venez, pour que j'aille vous devancer, tâchez de
venir à la ,fin du mois. .
Je vous ' dirai aussi que le fils 'de Herland fait un peu
mieux. Vous voudrez bien marquer pOUl ;:;!loi La Chapelle
est en prison. Pans le détachement 'ou nous étions, il y a
beaucoup de volontaires qui ont volé, et on leur avait dé
troussé leurs habits. Je vous dirai que j'ai vu mon oncle
qui est venu 'ou nous étions logés avant, et l'on n'entend
rien que dire qu'ils se 'volent entre eux. J'ai aussi oui dire
, que les jeunes gens sont partis pour les frontières.
Votre très humble et obéissant fils.
Thomas Talabardon, de 3
compagnie, en garnison a
Recouvrance .
DEUXIÈME LETTRE
S oit rendue à Alla;n Talabardon, demeura17t à M o· rlaix.
Recouvrance, le 31 mai I792 .
Ma chère mère,
,Je vous écris ces lignes pour m'informer de l'état de
votre santé, ainsi que de celle de mon cher père, dont je
suis on ne peut plus inquiet de savoir si sa 'santé n'est
pas de quelque peu augmentée, car l'on a dû malheureuse-
ment m ,annoncer, pour augmenter mes pe1l1es, que mon
père était à l'hôpital, malade (I). Et vous, ma mère; qui
m'avez écrit il y a quelques jours, vous . lTle l'avez caché;
(1) Son père. Allain Talabardon n', est pas mentio'nné sur
les r: egistre, s d'entrées de l'hôpital. Il mourut le 18 dé· cem
bre 1792, à son domicile en Saint-Mathieu, âgé de 48 ans .
-- 2'52
à qui dois-je reprocher cela, à votre tendresse pour mOl,
mais j'ai malgré cela pour vous la même soumission et le
même respect qu'auparavant, ' en vous suppfiant en grâce
de .ne point prendre de chagrin, car. ,malheureusement
pour nous, ' nous ne pourrons, ni par nos plaintes, ni [par]
nos chagrins, ni enfin [par] nos gémissements lui rendre
la santé que nous désirerions de lui rendre au péril de notre
vie. Mais la seule ressource qui nous reste, d'apres les
soins que nous lui devons, c'est de prier Dieu à son aide.
Voila ma mère les tristes consolations que je puis vous
donner, n'étant pas a portée de vous donner, ni à lui, les
seCOurS que ' je désirerais de tout mon cœur vous rendre' à
tous.
J'ai parle à Laviec à l'occasion de mes souliers, à qui
j'ai dit que son fils avait payé une paire pour moi, et il ·
111'a dit gLie oui, mais je n'ai vu ni son fils, ni les souliers,
ainsi je vous prie de faire à son père les payer.
Il me reste à vous dire que M. Loutre a six francs à
vous remettre que je lui ai donnés; vend.ez, ma chère mère,
tous les hardes que j'ai à la maison pour vous conserver,
et soutenir l'auteur de mes jours, et ne lui rien laisser
manquer de rien, non ,plus qu'à vous, tandis qu'il y aura.
Lorsque tout sera allé, il faut espérer que la grâce de Dieu
ne nous abandonnera pas dans nos peines et nos malheurs
qui ne cesseront qu'avec nos jours.
Je vous prie de faire venir ma sœur à la maison, car je
crois qu'il lui serait mieux d'être il. vous aider que d'être
ou elle est, et à secou'rir un père qui lui doit être aussi
cher et même plus qu'une tante .Je ne pas cependant
les secours qu'ene peut porter il. ma tante, mais le pre
mier de ses devoirs est de secourir un père languissant et
une mère désolée.
Je suis, ma chère
malheureux fils.
mere,
votre ' soumiS, respectueux et
Thomas TALABARDON.
TROISIf:ME LETTRE
A Mr11'guerite LI!: M éèw, femnze TaZabardol1, à. Morlaix, au
département du Finistère, district du même nom, à M or-
laix, par Paris, en ci-devant BretÇLgne .
253
Xôxer, en Vesphalie, le 10 mai I795 (1).
Ma chère mère,
Je m'empresse de saisir la .libeùé qui nous est accordée
de donner des nouvelles à nos parens de notre situation, ne
doutant point de votre affection pour moi. Je ne doute pas
non plus qu'il vous sera satisfaisant d'apprendre que, dans
le malheur d'une longue captivité, je jouis encore d'une
parfaite santé. Agréez aussi la sincérité des vœux que je
fais pour la bonté de la vôtrè. Esperons qu 'u~ jour nous
aurons le bonheur de nous voir réunis. Nous ignorons ,
dans l'attente journalière de . notre échange, quand elle'
pourrait.s'effectuer. C'est aujourd'hui le plus ardent et le
plus sincère de nos désirs. .
Le sensibie plaisir de revoir, et nos freres d'armes et
nos parens, nous dédommagera des petites incommodités
attachés à notre situation.
Depuis le 31 octobre 1793, je suis prisonnier de guerre
(1) Il peut être utile de rappeLer ici les événements géné
raux auxqilels lut mêlé notre tambour,
La premièr, e coalition . européenne s'était formée comre
la France révolutionmiire. Elle dura près de 5 ans (mars
1793 , octobre 1797) et eut deux périodes : pendant la pre
mière, la France fu en face d'une coalition générale qu', ell e·
réussit à vaincre et à disloquer, par les traités de Bàlp
(5 avril 1795), et de la Haye (10 mai 1795), L es seuls onnt '
mis restèl'ent ensuite les Anglais .et les Autrichiens ..
Talabardon fut fait prisonnier, à Marchiennes, au dé·
but de la guerre , lors de, la seconde invasion de la France,
qui fut arrêtée à Wattignies par Jourdan (15 et 16 octo.
bre 1793), et au Geisberg, par Hoche (24 décembre 1793).
C'est pendantqa captivité,en 1794 et 1795, que fut re
faite la . conquête de la Belgiqu e et de' la rive gauche du
Rhin, par Jourdan et Pi chegru . .
Incorporé après dans l'armée de Sambre et Meuse, que
commandaü Jou- l'dan, et qui devait, avec l'armée du Rhin,
dirigée par Moreau, prendre à revers Vienne que Bona·
parte attaquait p~r l'Italie, Talabardon participa. aux opé
rationseff,ectuées en Allemagne en 1796. On sait qu'elles
échouèrent. Jourdan arrivé par ·la vallée du Main, jus·
. qu'en Bohême, subit un grave échec qui le contraignit à
repasse l'la rive ' gauche du Rhin. Moreau dut suivre' le
mouvement, en eff,ectuant la savante r etr aite, dite du Val
d'Enfer, qui le rendit célèbre. .
254
au compte des Anglais, avec mes freres , d 'armes les ca
nonniers du Finistère, pris comme moi a Marchiennes. La
plus sensible consolation est d'être uni dans le malheur
avec. ses amis et , ses pays ',et encore cdle de savoir de vos
nouvelles, l'état de votre santé, de vos affaires, et quel
ques riouvelles du pays, pourvu qu'elles ne fassent aucune
mention de la g uerre. Croyez-moi touj ours, ma chère
mère, votre digne fils, n'oubliant jamais que, pour méri
ter votre estime et celle de mes concitoyens, l'honneur et
la probité me seront toujours chers.
Si vous voulez me procurer la satisfaction 'de m'écrire,
l'adresse est ci-j ointe.
Michelet, ignorant l'adresse de ses sœurs, vous prie
d'avoir la bonté de leur témoigner ses amitiés, et les prie,
::;' ils, en ont encore un souvenir, de lui écrire par votre
, occasion ; il se porte bien. Mon camarade de Quimper,
l'am i de Renaud, vous fait ses compliments. C'est mon
inséparable dans le malheur, nous nous fl attons de jouir
de la même union dans le bonheur a venir.
En attendant cette sensible satisfaction,
dans les sen timents les plus affect ueux.
Ma chere mère.
Votre tres soumis fils,
croyez-mol
, Thomas TALABARDON.
(fi la swite. )
!h~ Commissaire chargé de l'échange des prisonniers, à
son 'bttreatt à' Lille, pour remettre à Monsieur Ducelle,
z.ieutenant-c.olonel et Commissaire député de Sa Majesté
Britannique, po'tf' r faire tenir au citoy,m Talabardon,
prisonnier de gue' l're à la 3" Divis on, 12
escouade, en la
ville de I{ ûxer, en Tif! estphalie.
(Au dos de la lettre) .
Je vous prie d'annoncer a l'oncle de Renaud que son ne veu est mort prisonnier ~ l'hôpital. Mon camarade Dosse a
été blessé a Marchiennes. J'ignore, depuis ce moment, ce
qu'il est devenu.
255
moi, et ne m'oubliez pas dans le souvenir de tous mes
.parents. .
QUATRIÈME LETTRE
/1 la citoyenne TalabardOll, demeurant rue des Petits Péi-
tés, à l \11orlaix, département dt/, Finistère.
Namur, r
frimaire, 4' annee républicaille .
Ma chère mère,
Je prend, s la liberté de vo us écrire pour vous annoncer
mon arrivée au Dépôt de' la 9' demi-brigade, présentement
aux Récollets de Namur, pays conquis. En ' même temps,
pour m 'informer de votre santé, ainsi que de ma sœur. En
même temps, PQur vous demander si vous n'avez pas reçu
trois lettres que je vous ai écrites pendant que j'étais pour
savoir de vos nouvelles, et pour savoir de vous si ma sœur
est au service.
Je vous dis que nous avons été changés à. Vezel, ville de
Prusse, après deux ans d'esclavage que nous avons eus
dans les prisons de guerre, dont nous étions deux mille
prisonniers de guerre, lorsque nous avons été pris à Mar
chienne, ville de France. Donc, rendus a Vezel, nous avons
eu des ordres de venir ' à. notre dépôt pour nous' faire ha
biller, vus que ses gueux de tyrans nous ont tout dépouil
lés de tout notre butin.
Je vous annonce aussi que mon ami Louis Doz a été
blessé à. la cuisse ; nous l'avons ramené dans une maison,
que nous ne savons pas de quoi il est devenu, vu que nous
étions poursuivis de l'ennemi. Renaud La N ourice, le ne-
. veu de Françoise Gracien est mort à l'hôpita l.
Nous avons été tous malades en prison, mais, grâce à
Dieu, je jouis présentement d'une bonne santé. Nous
avons vu lW" Dudresnet (1); Mme Grislenne, M. Penne-
(1) Du Dresnay.
256
lée (2), .le Recteur de Plourin (3), ci-devant marchand de
bœuf, qui sont misérables, réduits a porter le ,sac sur leur
dos , comme des mendiants, l'autre. côté du Rhin.
Je vo us prie de faire mes compliments a ma sœur, et la
prier d'être toujours honnête fille, et suivre les bons con
,-;e ils que vous aurei l'amitié de lui donner. Et pour vous
prier de me mettre sur la lettre, que v,?us me ferez l'amitié
de m' écrire, combien les assignats peuvent valoir. Pour à
Namur, pays conquis, ou nous sommes, les assignats ne
valent qu' un liard de franc la livre; si les assignats Oill
cours en France, je vous les ferai passer aussitôt votre
lettre reçue. .
Je désïrerais, du meilleur de mon cœur, pouvoir vous
rendre service. Nous avons été changés le 27 vendémiaire
à Vezel, pour .. venir rejoindre notre dépôt. Faites mes ami
tiés à mon oncle Jeanno, ainsy qu'à ses enfants et à tous
mes parents.
Joseph Herlant de vous dire si son fils est à la ma ison,
et s'il est g uéri de la blessure qu'il a eue à la guerre ; je
serai charmé ~e le savoir. Et pour vous dire que je fais
mon possible tous les jours vis-à-vis de mes supérieurs ;
il n'était poin t possible d'aller à Morlaix. On n'accorde
a ucun congé à a ucun volontaire.
Bescon, Cavaric, le neveu de .Roucout Michelette, le fils
du petit Saint-Louis vous prie de faire ses compliments a
.tous ses parents . E t vous prie de faire mes compliments au .
citoyen Beau, et leur faire part de ma lettre, ainsi qu'à
monsieur commandant Traoulen et à son épouse. Et vous
(2) Probablement, Toussaint-lVlarie Le Bihan, comte Ub
P ennelé (près de Morlaix, en Saint-Martin-des-Champs),
li eutenant de ,'a isseau et chevalier de Saint-Louis, qm St:)
maria le 26 janvier 1775, à Marguerite-Adélaïde d, e Poul
piCJuet de CoëtJ.ez. M. Le Guennec , dans sa notice sur H :
Chàteau de Pennelé. indique qu e M. d· e Pennelé ém~gra
pendant la Révolution. Le district de Morlaix mit son châ teau so us séquestre. Il \.e r ecouvra à son retour d'exil.
(3) François-Olivier Le Goff, r ecteur de (plourin-Morlaix
depuis 1768. Après avoir d'abord prêté serment le 6 février
1791 en langue bretonne, à l'iss ue de la grand'messeen
l'église paroissi. ale, il s'était rétracté non moins solenn'elle
ment le 22 mai suivant; p\lis démis de' ses fonctions entre
le 3 juillet et le 28 août. (Archives .communales de Plourin.
Cf. L. Le Guennec, Une r étlractation d e serment à PlouTin) .
257
prie de me faire une réponse le plus tÔt possible par le pro-
chain courrier, sans délai. - .
Je finis en vous embrassant de tout mon cœur, en atten
dant de vos nouvelles, ma très chère mère; salut et fra
terni té, et suis pour la vie votre soumis fils .
Thomas T ALABARDON',
Tamb our des canonniers.
Mon adresse : au dépÔt de la ge t brigade, aux Récollets
de Namur, pays conquis.
CINQUIÈME LETTRE
A la. citoyenne veuve Ta.labardon, demeurant · rue du Mur,
Ù M orla1:x, département du Finistère
Cologne, 10 Nivose, 4' année républicaine .
Ma chère mère,
A mon arrivée à Namur, des prisons, je vous ai aussi-
tôt écrit pour m'informer de l'état de votre · santé, à insi
que de celle de ma sœur, mais je n'ai reçu aucune réponse.
J 'espère' que-' celle-ci me sera plus . favorable et que vous
voudrez bien, aussitôt reçu, m'en faire réponse. J'attends
cela de vous avec impatience, persuadé que . si Dieu vous
a laissé des jours, que vous ne m'oublierez pas.
Dans la première que je vous ai écrite, je vous donnais
un détail de la misère que j' ai souffert parmi ces tyrans,
rais, présentement, le tout est oublié, ma santé est bonne,
Dieu merci ; je désire du plus profond de mon cœur que la
'ôtre, ainsi que celle de ma sœur, en soit de même.
Je suis présentement dans le 3
bataillon de la ge t Bri
gade, 2° compagnie, commandée par le citoyen Laugée,
capitaine. .
Laudren vous prie d'assurer ses respects à sa mère,
ainsi qu'à ses oncles et tantes.
Je suis avec respect".
Votre souinis .fils.
Thomas TALABARDoN.
Tambour au 3
. Bat. d'infanterie, 9° t Brigade, 2
Com
pagnie, . rre division, armée de Sambre-et-Meuse, en gar
nison à Cologne.
258
- Le Sévère vous prie aussi de faire ses compliments à
sa mère.
SIXIÈME LETTRE
A la citoye1l11e veuve Talabardo17" demeurant rue de l'E
galité, à Morlaix, département du Finistère
Au Bivouacq, le I4
vendémiaire, Se année .
Ma chère mère,
J 'ai reçu votre lettre qui m'a fait un sensible plaisir
d'apprendre que vous jouissez, ainsi que ma sœur, d'une
bonne santé. Je suis bien fâché de n'avoir pu vous y ré
pondre plus tôt. Au reçu de la vôtre, nous avons été obli
gés de partir, et, depuis ce temps, nous sommes toujours
à la suite de l'ennemi ; nous avons essuyé différentes a:ta
ques et avons ét~ obligés de monter a l'assaut près d',lne
petite ville de Prusse où l'ennemi était retrJncll' ,~ ,i','CC
force . Malgré leur résistance, nous avons remporté le
champ de bataille, pris différentes pièces de canons et fait
4.000 prisonniers, et plus de 600 tant tués què blessés. De
' la nous les avons poursuivis jusqu'au, x frontières de la
Bohême, mais le défaut de vivres nous a forcés de' battre
en retraite jusqu'auprès du Rhin, et nous sommes tou
jours bivouaqués aux avants-postes, a une portée de fusil
d'eux.
Rien autre :hose à :vous marquer, si ce n'est que je ne
puis savoir le moment heureux de me trouver auprès de
vous. Qn ne parle nullement de paix ici, mais bien de la
guerre.
Je finis et suis, en espérant de vos nouvelles, pour la vie,
votre fidèle fi l s.
Thomas TALABARDoN.
- Je suis bien touché de savoir que ma cousine ne vous
a pas pries de ses noces; ne lui donnez nullement de mes
nouvelles.
M~s compliments a tous mes parents et amis en général,
et à tous ceux qu i demanderont de mes nouvelles.
Donnez-moi des 'nouveIles de Fleur-d' E.pine et faites les
compliments de Laudren et de Sévère a leurs parents.
259
Mon adresse est ': au citoyen Thomas Talabardon, tam-
. bour de 1 ;1 2
Compagnie du 3
Bataillon, de la 105 t Bri
gade d'infanterie, avant-garde, armee de Sambre-et-Meu
se, à l'Armee.
SEPTIÈME LETTRE
Il la citoyenne veuve Talabardon, rue de l'Egalité, à M or-
lm:x, département du Finistère
A Mayence, le I4 ventose, 6
annee republicaine.
Ma chère mère,
J'ai l'honneur de vous ecrire pour m'informer de l'etat
de votre ' sante, ainsi [q ue de] celle de ma sœur. Je desire
qu'elle egaie la mienne ,qui est toujours bonne, Dieu merci.
Je vous dirai pour nouvelle que nous , sommes presente ment en garnison à Mayence, et même casernes ; tout est
très cher, de manière qu'à peine on peut' suffire de son
preto
L'on donne presentement des conges limites ~t ceux gv'
ont des q :rtifisats qui attes~ent que 'leur presence est uti}
~t la maison, pour terminer leurs affaires de famill~. ~om~
me je me trouve de ce nombr, e, je vous prierai de demander
un certificat à la municipalite, qui attestera que ma pré
sence vous est u tile. D'un autre côte, vous pourrez pas
ser chez les ,citoyens Beau, et vo us les Dricorai cl 'avoir la
bonte de vous rendre ce service ; aussitôt que je l'aurai
reçu, je suis persuade d'en obtenir un sur le champ, et
j'aurai la douce satisfaction , de vous aller voir. Ainsi ne
tardez pas un instant à me le faire passer.
Je vous prie aussi de me marquer si Guyon, le fils de
l'imprimeur de Morlaix (1), vous a remis mon sabre. Je lui
a i donne pour aller à la maison. Vous lui ferez mes com pliments et l'embrasserez pour moi .
(1) Pierre Guyon, qui s'intitulait avant la Révolution, im
primeur du Roi, de la Ville de Morlaix et de la Société Lit
téraire. (Inventaire ~es archives du Finistèr, e·. T. III.
Quimper 1913. p. 210-211). Imprimeur à Morlaix depuis
1767. (Daumesnil, Histoire de Morlaix, p. 438-439) .
260
Le fils de Sévère se trouvant (pMtie déchirée) guéri de
la blessure qu'il a eue, il y a un an, espère obtenir son
congé dans les premiers jours pour aller voir sa mère; vous
l' enibrasserez pour lui. _ '.
Laudren vous prie d'assurer de ses respects à ses père et
mère, saris oubiier Herlan et sa femme. Vous direz à ces
derniers que je n'ai pas vu leur fils depuis le château de
Bamberg, rirès Meulem.
Je finis en vous embrassant de tout mon cœur, . ainsi
que ma sœur,. et suis 'pour la vie.
Votre fils,
. Thomas TAU.BARDON.
Quintin, mon camarade, vous prie d'assurer de ses
respects à sa tante, cuisinière du citoyen Dubernard, né
g ociant, rue de Bourret.
Mon adresse est :. au citoyen ,Talabardon, ·tambour de la
7" compagnie du r el' Bataillon de la 10° t Brigade d'infan
terie, en garnison à Mayence, armée de Mayence.
HUITIÈiVIE LETTRE
A la citoye11n e j \Iarguerite Le j 'vlaux, veuve TaZabardon, ' .
demeurant iL 1 \;[ orlaix, dépa7'tement du. Finistère
Du Puy, le J 2 Vendémiaire, an 7.
Ma chère mère,
J'ai reçu votre lettre, par laquelle vous me marquez que
vous jou issez d'une parfaite santé, ainsi que ma chère
sœur. Je soubaite que la présente vous trouve de même.
Tant qu'à moi, je me porte bien, grâce à l'Etre Suprême,
malgré tout le mal et la misère que nous avons dans la
ville ou nous sommes.
Nous sommes obligés de monter la garde toutes les
douze heures.
Comme vous voyez, nous n'avot1s qu'une nuit de bonne,
et quelquefois pas, et c'est rapport aux prisonniers 'que
nous sommes obligés de garder. Ce sont des nobles, des
prêtres, des assommeurs, des faiseurs de fausse mon-
naie (1), voila pourquoi nous les gardons de si près. L'on
craint que leurs complices ne 'voudraient les délivrer des
prisons, tant le reste est assez tranquille.
Les vivres ne sont pas chères ; cela n'empêche pas que
nou s avons bien de la peine a vivre avec nos 6 sols par
jour. Outre nos vivres, il nous faut du blanc, de la pou
dre. pommade, cire a cirer et payer le blanch issage de
notre linge. Comme vous voyez, il ne nous reste pas gran, d
chose pour faire le jeune homme, comme vous croyez que
je fais, et que vous avez dit au petit Guyon que je buvais.
Je ne crois pas gue c'est avec quatre ou cinq sols qui nous
reviennent toutes les décades que nous pouvons boire.
Comme vous pensez, ainsi que les père et mère des cama rades qui sont dans les bataillons, que nous sommes rem
pi is d'argent, c'est ce qui les tmmpe. La plupart de mes
camarades, ainsi que moi sont bien à plaindre pour J'hi
ver, car nous sommes tous bien mal habillés, et le pays
est bien froid. ' .
Rien autre chose a vo us dire, pour le moment, que de
faire mes compliments, a mes parents et amis, et tous
ceux qui dem'andùont de mes nouvelles. Le petit Guyon
vous fait ses compliments et vous prie de faire ses com pliments à ses sœurs, q uand vou s les verrez à la place.
Vous leur direz qu'il se porte bien, et qu'il les embrasse de
tout son cœur.
Je finis ma chère mère et ma chère sœu r en vous em brassa'Qt de tout mon cœur, et suis, pour la vie, votre fils.
Thomas TALABARDON .
La correspondance de notre Tambour s'arrête là. ~l
fut d'ailleurs tué peu après, comme l'atteste le certi
ficat suiv. ant délivré par le Conseil d'Administration de
105" Demi-Brigade d'infanterie, à ), aquelle appartenait
Thomas Talabardon.
(1) Ce passage ·est ainsi orthographié : des à sommeurs.
des feseure de fosse monnoit.
BULLETIN DE LA SOCIéTÉ ARCHÉ O _ . TOME XLIII (Mémoire 18)
I g" Division militaire
Place de Lyon
262
lOS e Demi-Brigade d 'lnfan terie
de ligne
Nous s-oussignes, membres composant le Conseil d' Ad
ministration de la lOSe t Brigade d'infanterie de ligne,
certifions que le citoyen Thomas Talabardon, tambour à
la 7
compagne, du 1
Bataillon, natif de Morlaix, canton
d 'idem, departement du Finistère, a ete tue d'un coup de
sabre dans une affaire particulière, le quatorze nivose, an
'. j e, et a ete raye du contr6le le même jour. En foy de quoy
nous avons delivre le present pour servir a ux fins que de
raiso n.
Fait il Lyon, le quatorze germinal, an 7 de ].a Republique
française, une et indivisible.
Signes: Yven,' capitaine ; Guyet, capitaine; Arnaut,
lieutenant ; H enri, fourrier ; K eranu x, s.-m. ; Crerdon,
'2hef de Bataillon.
Vu, par moi, Co,~lmissaire des guerres charge de la PU"
nce de ladite ~ BrigaJe d 'infanterie.
Signe : CORAT.
Le present transcri t aux registres des decès de la com
mune de Morlaix, le 28 germinal, l'an 7 de la Republique.
S ig ne : Philippe BELLEVILLE .
Jean MAnZJN .
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DEUXIEME PARTIE
Table des mémoiTes pub liés en 1916
1 Argud Absrwrac' h, Le Combat de l'Aberwracî1,
, çomposé par M. l'aBbé Goulven Morvan, tra
duit par :\1. le chanoine Abgrall . ... ,....... 3,
2 Inscl"ptions gravées et sCLllptées sur les églis·es .
~ et (tlonuments, recueillies par M. !e chanoine
Abg rall ........ . .... .. .. .. ... . . .. ............. .
3 :\1ottes :éodales, par :\1. l'abbé Méve' et M, Yves
Le F'eb\'re .......... . ... . ... .. ... . .. . . . . .. ... .
4 · Le vra i texte de l'histoire rniracu'euse de N.D.
du Folgoët, par M. Lécureux .. . . . .. .. ... , . ... ,
5 Le P·rieuré de Lochrist-an-Izelvet, . par M. Ogés ..
6 L'hymne alphabétique et l·es vies de saint Gué
nolé et de saint Idunet,' dans le cartu:ai·re . de
. Landévenn ec, par le P. de Bruyne .. , .. .. .. . .
7 Petite- chrenique· de l\1onsi,eur sainct Tugen, par
M. Le Carguet. . . .. . . ... ,. . ... . . . . . . 184, 213,
8 Notes sur l'établissement du Télégraphe Chappe,
par Daniel Bernard ............... , . , . ... . . , .
,9 Lettres d'un Tambour de la 1
Répub'ique r. e cueillie et publiées pal' M, Marzin... .. . 249,
10 Autour du Moulin-Blanc, 'avec planch'es, par
M. Le Gtiennec .. . ..... ......... .. . . .. . .... .. .
11 Que'qu,es bornes routières, du temps du duc
d'Aiguillon, paT M. le chan oine Abgrall . .. .. ,.
12 Ex· cufsiQn archéologique aux r uines romaines du
Pérenno u, par : -"'1. le chanoine Abgra' J .
13 Guilers, notic. e paroissiale, par M. le comte Co-
nen de Saint-Luc .......... . .. : . . .. . . ... . .... . .
14 Discours de fin d'année, par M. le Président. . ....
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