Responsive image
 

Bulletin SAF 1902


Télécharger le bulletin 1902

Démarches de Latour d’Auvergne-Corret pour la radiation de sa nièce, Mme de Kersauzic sur la liste des émigrés ; documents publiés par M. l’abbé Guirriec et introduction par M. l’abbé A. Favé

Abbé A. Favé

Avertissement : ce texte provient d'une reconnaissance optique de caractères (OCR). Il n'y a pas de mise en page et les erreurs de reconnaissance sont fréquentes


DÉMARCHES DE LA rrOUR 0' AUVERGNE CORRET
Pour la radiation de sa nièce Mme de Kersauzic
, sur la liste des émigrés .
PAR
M. l'Abbé GUIRRIEO
INTRODUCTION PAR M. ANTOINE FAVE

Chercheur infatigable, trouveur, heureux et fortuné, le recteur
de Loc Maria-Berrien, . l'abbé Pierre Gurrriec, notre ami, d'une
de plus de trente ans, offre à la Société archéologique Çlu
amitié
Finistère, le fruit de recherches fructueuses sur La Tour d'Au vergne.
tranche coupée ft
Aujourd'hui, nous présentons une première
même dans le précieux dossier qu'il a assemblé: nous y pUlserons
plus tard, des documents parfaitement inédits nous montrant le
premier grenadier de France, sous un aspect tout nouveau, point
soupçonné ,encore, le fier soldat et l'auteur des Origines gauloises,
le rêveur, l'idéaliste, se révélant homme pratique et minutieux
de ses biens.
régisseur
Puis après, des minutes de notaires, des indications de regisJres
paroissiaux scrupuleusement relevées, des généalogies recueillies
et confrontation, four­
aussi exactement que possible après révision
nissant les éléments d'une bonne et consciencieuse étude sur la
famille de la Tour d'Auvergne et ses alliances .
. La partie de ce recueil que nous présentons aujourd'hui sous le
titre précité intéressera: 1 les patriotes bretons qui oot au cœur
le culte de La Tour d'Auvr,rgoe : 2° les érudits qui s'intérE'ssent à
l'histoire de la Révolution de 1789 à 1815, et y trouvpron t u li
épisode instructif sur l'émigration r.t la situation qui fnt faite aux
ou aux suspects d'émigratlOn, sous le Directoire.
émigrés

A 3 kilomètres de la station du Huelgoat-Loc-Maria, sur l'ancienne
de Landerneau à Carhaix, le touriste rencontre le châtèa~
route
de La Haye. Il fut acquis, en 1289 de Guillaume, fils de Henn
de Ln Haye, par Hervé de Léon. La révolte du papier timbré, en aoû.t
1675, eut son contrecoup à La Haye qui fut saccagé et incendié;

sur les ruines, on éleva une construction moins féodale: un manoir,
une. gentilhommière. En 1584, les seigneurs de La Haye sont Fran­
çois de Kernéguez et Guillemette de Lesquélen: en 1620, nous y
trouvons René de TOl1ronce par mariage avec Françoise de Kerné­
guez ; puis le château passe de Touronce et le Postee des I1es,par
alliaoce. aux Poulmie, en 1726. En février 17i9 les Poulmic le ven­
à M. Guillard de Kersauzic.
dent
En mai 1786, après le mariage de Joachin-René-Mathias Guil-
lard de Kersauzie avec .Jeanne Sainte Limon du Timeur, cette
dernière entra comme dame et maîtresse à La Haye.
Le mariage fut célébré à Guingamp, le 11 mai: Kersauzic était
fils de Mathias-Alexandre et de Marie-Angélique de Tronson
orphelin,
Keryergart; Jea·nneMarie Saiute Limon du Timellr était fille mi­
neure d'Yves Limon du Timeur et de feue Marie-Anne-Michelle
de la Tour d'Auvergne Correl. et originaire et domiciliée à Guin­
gamp.
née à Guingamp, le 16 mai 1762: sa
Jeanne-Marie Sainle était
mère, l'aillée des Correl, mourut dans cette ville, le 26 décembre
1785, âgée de 45 ans; le cadet des fIls fut Joseph ·Olivier, et le derni6r
notre illustre Théophile Malo.
On comprend que le grand soldat qui fut La Tour d'Auvergne,
apres ses campagnes et ses garnisons multipliées, lorsqu'il se trou-
vait en permission. en congé, lui « vieux garçon », était heureux
de troll ver un foyer domestique où s'asseoir, une chambre où éta­
blir ses bouquins, où mettre en ordre ses notes et rédiger ses tra­
Où le cherchet'? A Carhaix? A Carhaix, il avqit bien
vaux.
une maison, fort modeste, un pied à terre, un pis-aller, un « garni ».
Au bivouac, il avait bie[) sou vent entendu ses grenadiers parler
et des douceurs du foyer prévues attendues
entre eux des joies
fi d' , ,
en 10 accor ees. Où avait-il désormais uue famille pour l'accueillir?
À. .. La H,aye ; . chez la fille de Set sœur aînée et aimée, chez S3
lllece, desorm31s tout son monde et sa toute famille : de là, ses

séjours accoutumés' à La' Haye où il se faisait adresser sa corres-
on le 'verra plus tard. . .
pondance, comme
Viennent les jours sombres de la Terreur. La Tour d'Auvergne
combat pour la République une et indivisible: l'indivisible, comme
le nom de la .France envahie, à
on disait aux armées: c'était alors
défendre.
Puis, vint Thermidor, le Directoire: la France faliguée attendait un
régime libérateur, mais la faction Jacobine affaiblie était toujours
et menaçante. La loi sur les émigrés était invoquée plus
puissante
que jamais pour donner satisfaction aux anciens terroristes qui
jam;:lÏs odieusement inter-
exigeaient des gages; elle est plus que
prétée par les pouvoirs publics. .
En même temps, La Tour d'Auvergne apprend et la radiation de
Kersauzic sur la liste des émigrés et le maintien de Mm. de Ker-
sauzic sur la liste: laquelle? Morbihan ou Côtes-du-Nord ? II n'en
sait rien et on n'en savait rien jusqu'alors! Et voilà ce qui fait son
désespoir. La loi sur la rentrée des émigrés est draèonnienne . dans
tout le sens du mot. Aussitôt, le brave soldat d'accumuler démar­
'sur démarches; il s'adresse à la St1reté générale, au représen-
ches
tant Roujoux. . . . . Son affection pour sa nièce lui fait, au dire
de Goyal de Toulgoët, commettre impairs sur impairs, maladressps
sur maladresses, imprudences sur imprudence:,.
La lettre de Toulgoët, la dernière du paquet de lettres que nous
plus .bas, justifie en détail son appréciation; dans cette
donnons
le brave et loyal soldat fut trop prompt à s'émotionner, et
affaire
trop lent à comprendre quelque chose aux chinoiseries adminis­
il faisait meilleure figure, après tout, sur un champ de
tratives;
bataille, que dans les couloirs d'un agent de la police, mt-il, dans
les hauts grades.
A la première nouvelle de l'inscription de sa nièce sur la li"te
des émigrés, La Tour d'Auvergne s'empresse d'écrire la lettre
que nous reproduisons à la page 42.
ANTOINE FA YÉ •

La radiation définitive de la liste des émigrés du citoyen
Guillard de Kersauzic eût lieu (le 13
Joachin-Hené-Mathias
germinal an VI) le 3 avril 1798.
P'rocès-verbal. (Canton d'Huelgoat)
Nous, administrateurs municipaux du canton d' Huelgoat,
département du Finistère, sur l'attestation des citoyens Oli­
vier Fegean, Pierre-Charles Duédal, Pierre-GuillaumeLabi­
gou et Yves-Marie Le Citoi domiciliés en la commune du
Huelgoat que nous déclarons bien connaître: certifions que le
citoyen Joachin-René-Mathias Guillard K~rsauzic proprié­
taire s'est présenté devant nous, qu'il réside en France
depuis sa naissance sans interruption et en son lieu de la
Haye commune de Loc Maria en ce canton et qu'il n'est point
tenu pour cause de suspicion ou contee révolution que même
le citoyen Guillal'd Kersauzic a donné en tout temps des
preuves non équivoques de son attachement à la Révolution
et à la Constitution de l'an 111 et au gouvernement républi­
cain, qu'il a toujours rempli avec zèle des fonctions publi­
ques sans interruption et qu'il remplit encore aujourd'hui
celle de président de cette administration et qu'il n'est pas
père d'émigrés. Signé:
DUÉDAL, FÉGEAN, LABIGOU, Y.-M. LE CITOL,
LE BAUD, LE BIDEAU, LE Roy, LE BIHAN,
PÉHON, GUILLOU, LE SERGENT.
Poliee
de la République.
- EGALlTÉ
Paris, le 27 messidor an VI (t 6 juillet 1798) une et indivisible.
La Tour d'Au/vergne Corret à Passy, rue Basse, nE> 66.
Il m'a été renvoyé, citoyen, par le Directoir'e exécutif une
pe~ltlOn q~e vous lui avez adressée tendante à ce que l'arrêtl~
pris par IUlle 13 germinal dernier en faveur de Joachin.René-

Mathias Guillard Kersa l}zic soit ' rendu commun avec la
son épouse.
citoyenne Limon,
J'ai examiné le dossier de cette affaire et je n'ai trouvé
aucun~ pièce qui puisse concerner la citoyenne Limon à
l'exception d'un certificat de non "émigration délivré à elle
et à son mari par le département du Finistère le 29 brumaire
an VI (21 nov. 1798).
Tous les certificats de résidence et tous les arrêtés des
départements des Côtes-du-Nord et du Finistère ne. concer­
nent que le citoyen Guillard. La citoyenne Limon, son
épouse, n'ayant p'oint réclamé ni produit de certificat de rési­
dence, on n'a pu la comprendre dans le rapport, ni dans l'ar­
rêté présenté au Directoire.
Salut et fraternité,
Le Chef' de la 3 division CARLIER
COARTIN
Au citoyen La Tour d'Auvergne Corret à Passy, 'rue Basse,
n° 66, Paris.
Lettre de la Tour d'A vergne.
Réflexions soumises au représentant du peuple Roujour, sur
l'affai'f'e de la citoyenne Kersauzic. "
D'après les dernièl'es communications faites par le citoyen
Guillard Kersauzic au repré 's~ntant du peuple Roujoux et au
capitaine la Tour d'Auvergne Corret, son oncle, il paraîtrait
que la citoyenne Kersauzic n'est décidément portée comme
émigrée ni comme présumée émigrée sur aucune liste, qu'ainsi
ce serait poursuivre une chimère que de donner de la suite
. à cette affaire pour obtenir .du Dil'ectoire exécutif une radia­
tion dont on assure n'avoir aucun besoin, surtout depuis
qu'un certificat du département du Finistère du ·15 fructidor
dernier (2 septembre) visé et enregistré par celui du Mor­
bihan, atteste que la citoyenne de Kersauzicn'est portée sur
auctlne liste d'émigrés; mais càmrne il n'est malheureuse­
ment que trop vrai que le citoyen Guillar-d Kersauzic et sa

femme ont été portés conjointement sur la liste des émigrés
suite de ses propres démarches et celles de son oncle) a
obtenu la radiation définitive du . Dil'ectoire tandis que la
citoyenne, son épouse, n'A pu obtenir la même justice parce
que les Bureaux de la police générale ont argué contre elle
que ses papiers n'étaient point en règle el qu'on ne pouvait
éluder à son égard le texte précis des lois.
Dans \Jet état de choses, l'on demande si le ministre de la
Police étant suivi depuis tl'eize mois de cette affaire et le
Directoire,juge suprême en pal'eilles matièl'es, n'ayant encore
rien prononcé, la citoyenne Kel'sè.1Uzic, dis-je, peut et doit. (tant
qu'il n'y aura pas eu de jugement rendu) se croire suffisam­
ment autorisée à regal'der comme illusoire son inscl'iption
sur la liste des émigrés du département du Morbihan, se fon­
dant uniquement sur ce gu!:' ce département a reconnu ou
paru reconnaître son el'reUI' en accordant son visa et son
enr'egistrement au cel,tificat dn département du Finistère du
13 fructidor (31 août) qui déclal'e formellement que la cito­
yenne Kersauzic n'a pas quitté un seul instant depuis 12 ans
le lieu de son domicile dans ce département, qu'elle n'y est
inscrite sur aucune liste d'émigrés.
Tel est en deux mots l'exposé de la malheureuse affaire de
la citoyenne Kersauzic dont le vœu serait aujourd'hui d'aban­
donner toute poursuite en demande de radiation et de
se borner à retirer des bureaux de la police le certificat du
13 fructidor (31 aOLlt) qui lui a été délivré par son départe­
ment, dans la pel'suasion que ce certificat seul peut la met­
tre à couvert de toutes poursuites et de toutes recherches
ultérieul'es, SUl'tout si elle parvenait à obtenir sur cette pièce
du Dit'ectoire ou du ministre de la Police.
impol'tallte le visa
Elle désirel'ait allssi qu'il fut possible de vérifier ou faire véri-
inscrit.

. Pardonnez-moi, je vous prie, tout ce griffonnage que je n'ai
pas eu le temps de mettre au net. '
LA TOUR D'AuVERGNE COR RET
P. S. La seule question à répondre dans l'affaire de la cito­
yenne Kersauzic parait. se réduire à savoir: 1 si le visa du
département du Morbihan sur le certificat du département
du Finistère équivaut de sa part à une déclaration formelle
que ma nièce n'est point inscrite sur les listes d'émigrés,
c'est que l'ayant été par erreur, elle cesse de l'être; 2 l'on
demande encore si une administration départementale est
revêtue d'assez d'autol'ité pour frapper de nullité ses propres
arrêtés et cela sans l'intervention du Directoire à qui la loi
a accordé l'initiative dans toutes les affaires qui se rappor­
tent,à l'émigration vraie ou supposée.
A tt représentant du peuple, le citoyen Roujoux demeurant
nte Belle-Chasse, faubourg Saint-Germain, n° 362 à Paris.
Boujoux
J'ai examiné, citoyen, 'les, papiers du citoyen Kersauzic,
sa lettre et vos réflexions cy cousus.
Ma réponse sera courte et précise.
D'abord il est certain que la citoyenne Kersauzic est
inscrite sur la liste des émigrés du Morbihan (et non du
Finistère comme l'a écrit par erreur· le ministre).
• Cette inscription est injustA, l'administration du Finistère
et du Morbihan l'ont ainsi déclaré, mais toute la terre le décla­
rerait cela ne suffit pas.
L'inscription existe, il faut qu'elle soit rayée par une auto­
rité compétente.
Aucun pouvoir n'a cette attribution que le Directoire exé­
cutif;
formes que
Et le Directoire ne peut en user que dans les

la loi lui prescrit.

Il faut donc remettre au ministre de la police les pièces
ui prouvent la non émigration et que ces pièces soient dans
Il faut que le ministre fasse un rapport au Directoire.
Il faut que le Directoi~e prononce par un arrêté.
Rien ne peut suppléer ces formes dont le directeur ne peut
s'écarter.
la citoyenne Guillard ne s'abuse d~nc 'pas, Jes certi-
Que
ficats ou arrêtés du Finistère et du MorbIhan ne la metten~
pas à l'abri. .
Si elle n'a pas eu ]a précaution de se faire mettre en sur-
veillance, eUe peut être arrêtée et jugée par une Commission
militaire.
Elle est très imprudente de sollicittr sa radiation sans
s'être mise en règle à cet égard. Elle serait plus imprudente
encore de regarder les arrêtés du Finistère ct du Morbihan
comme pouvant la dispenser de poursuivre sa radiation. Son .
nom est sur une liste, il faut qu'il soit rayé dans les formes
ou qu'elle courre tous les dangers des émigrés rentrés.
Engagez-la donc à se faire mettre en surveillance et à
déposer les pièces que le ministre lui demandc.
Je vous renouyelle,avec plaisir,l'a~surance de mon dévoû-
ment. BouJOux

. Représentant du peuple

LIBEUTÉ EGALITÉ
Paris le 4 Thermidor an VI (2.3 juillet 1798) de la République
une et indivisible. '
Le ministre de la Police générale de la Bépublique au citoyen
La Tour d'Auvergne COT'ret, capitaine de grenadiers, rue
Basse, n° 66 à Passy. .
Je vous transmets ci-joint, citoyen, les renseignements que
vous me demandez relativement à la femme Guillard Kersau-
sur la liste des émigrés. .
zic inscrite
Salut et fraternité,
LE CARLIER.

Le Commissail'e du Directoire exécutif près l'administra_
tion centrale du Finistère.
Vu la pétition du citoyen Joachin-Hené-Mathias Guillard
Kersauzic et de Jeanrie-Marie-Sainte Limon TimeiIl', son
épouse., tendant à faire déclarer qu'ils ne sont pas inscrits sur
la liste des émigrés du Finistère, département de leur domi-
cile et que ce ne peut .être que par erreur que la citoyenne

Kersauzic a pu être inscrite sur celle du Morbihan .
Vu le nombre de 14 certificats de résidence délivrés le 10
septembre. 10 octobre et 1 el' novemhl'e 1792 par les officiers
municipaux de lacommune de Loc-Maria faisant aujourd'hui
partie du callton du Huelgoat et par l'administration cantonale
d'Huelgoat, les 27 janvier, 31 mai, 18 août, et 28 octobre
1793. les 18 pluviôse, 19 ventôse, 19 prairial, an lI, 2 ven­
démiaire, 24 pluviôse, 17 thermidor, an III et 22 bl'umaire
an VI desquels il résulte que les pétitionnaires résident et
ont résidé sans intel'ruption depuis et même antérieurement
à 1789 au, lieu de la Haye, canton du Huelgoat, qu'ils tiennent
el cultivent par eux-mêmes.
Vu le procès-veI\bal de l'Assemblée primaire tenue en la
commune de Loc-Maria le 17 février l790, séance présidée
par le citoyen Guillard Kersauzic et ayant pour objet l'orga­
nisation de la municipalité confol'mément au décret de l'As­
semblée constituante le procès-verbal d'une aut.l'e séance
au chef-lieu du 'canton du Huelgoat tenue le 2 vendémiail'e
an IV poUl' accepter la Constitution de l'an UI, nommer les
électeurs, qui charge le citoyen Guillard Kel'sauzic des fonc­

tions d'électeur, - la liste imprimée des électeurs du Finis-

tèl'e pour l'an IV prouvant que ce citoyen y a été reconnu et
employé l'acte de notoriété donné le 27 brumaire dernier
pal' les officiers municipaux et commissaire du Directoire
exécutif, les notaires publics et les habitants du canton du
Huelgoat, desC[uelles pièces réunies, il résulte qu'à prendre
dès l'aurore de la Révolution le citoyen Kersauzic s'est fran-

l'exemple à ses concitoyens en prenant une part actIve aux
délibérations politiques, que depuis l'an II il remplitdes fonc­
agent
tions publiques, telles que celles d"officier municipal,
de la commune, officier public el qu'il est en ce moment pre-
sident en son canton dont les contl'ibutions pour l'an V sont
absolument acquittées, et qu'on doit en outre à son activité
et à ses soins de s'être préservé des prêtres réfractaires et de
la chouannerie.
Vu Jes listes des émigrés du Finistère qui n'offrent aucune
inscription qui puisse être applicable ni au citoyen Kersau- .
zic, ni à son épouse.
Vu aussi l'inscript.ion qui se trouve 'Guillard de Kersauzic
au Morbihan, district du Faouet. commune d II Sàint.
domicile
du supplément de la liste générale des émigrés de la Répu,:,
blique. "
Mais vu les deux arrêtés de main levée accordés. , ]e 13
décembre 1792 et 2 mai 1793 par les départements des Côtes­
du-Nord et du Finistère et par original Ulle lettre du 3 mes­
sidor an 11 par laquelle les administrateurs du Morbihan
déclarent au citoyen Guillard Kersauzic qu'ils ont mûrement
examiné la liste supplétive qu'ils ont arrêtée le7 germinal
précédant et qu'il n'y est porté ni sous son nom propre,ni sous
son surnom, desquelles pièces réunies il résulte que les péti- '
'qui n'ont pas à leur disposition ni la liste géné­
tionnaires
rale des émigrés ni les divers suppléments qui la complètent
ont dû rester dans la plus grande sécurité et sans former
aucune réclamation jusqu'au moment où ils ont appris que
leurs oiens' dans le Morbihan viennent d'être séquestrés en exé­
cution de la loi du 19 fructidor.
Considér ant que l'inscription ci-dessus référée présente
une irrégularité qui peut tenir de fort près à la malveillance.
(1) Le mot Révolution a été effacé et remplacé par Liberté •

€ln ce qu'elle suppose que le citoyen Guillard Kersauzic avait
son domicile en la commune du Saint, tandis qu'il est justi­
fié qu'à l'époque où ce supplément de liste a été fait, il rési-
daït depuis plusieurs années en la commune de Loc-Maria-
Berrien,canton d'Huelgoat,département du Finistère,et qu'il
a positivement été reconnu le 3 messidor an Il par les admi-
nistrateurs du Morbihan qu'il n'était pas compris sur les
suppléments qu'ils avaient arrêté le 7 germinal précédent.
2° Que du fait bien reconnu que le citoyen Guillard Ker­
sauzic a constamment résidé sur l'étendue du canton d'Huel-

goat, il en résulte la conséquence nécessaire que l'inscription
contre laquelle il réclame ne peut toucher que les propriétés
qu'il a dans le Morbihan sans y avoir jamais eu de domicile
et qU'Oh ne saurait en faire un principe pour prononcer sur
le fait de sa résidence sans intervertir l'ordre établi par tou-
tes les lois qu'en font juges naturels et nécessaires les admi­
nistrations du domicile.
3° Que cette inscription doit être considérée comme l'erreur
inséparable du mode adopté pour préparer les listes des émi­
grés, de la précipitation avec laquelle on les a définitivement
arrêtés et du peu de soin que l'on a pris pour distinguer les
simples an'notations des propriétés ou r~mseignement.s rela­
tifs à la résidence des propriétaires desquels la loi n'a jamais
exigé autant de domiciles qu'ils peuvent avoir de lambeaux
de propriété épars dans les différentes communes.
4° Que l'esprit de la loi du 19 fructidor ne saurait être de
repousser du territoire français des citoyens qui,franchement
prononcés, ont secondé de tous leurs efforts ceux du gou-
vernement pour le maintien de l'ordre et l'exécution des lois
de la République et que le citoyen Guillard Kersauzic a cons-
tamment occupé des place,s administratives et n'a usé de
l'autorité dont il a été dépositaire que pour rallier ses conci­
toyens autour de l'acte constitlltionnel et pour préserver son
canton de l'influence des ennemis du gouvernement républi-

cam.

Est d'avis que l'inscription Guillard de Kersauzic, domi:-
mune
cile au Morbihan,district du Faouet,com
de Saint-Bren
à Gourin et au Saint, qu'offl'e le 3 supplément à la liste des
réputé être sinon l'effet de la malveillance, du
émigrés, soit
moins le produit d'une erreur qu'; a confondu le proprwtaIre
avec sa propriété, que l'administration centrale appuie for­
tement auprès du ministre de la Police générale la demande
du pétitionnaire à fin de radiation de toutes listes d'émigrés
et qu'il Joit jusqu'à la décision du gouvernement gardé en sur­
fJeiliance dans la commune conformément à la lettre du minis­
tre de la Police générale du 18 vendémiaire dernier. Fait à
Quimper le 17 frimaire an VI de la république française une
et indivisible.
LE GUAZRE,
Commissaire du Directoire exécutif.
ft. et lftm .. Guillard.
Le 4 pluviôse ('25 janvier 1799) an VII de la République française,
une et indivisible
Le citoyen Joachim-René-Mathias Guillard âgé de 45 ans
cultivateur, taille 1 mètre 47, yeux roux, sourcils . châtains,
nez long, bouche moyenne, menton fourchu, front large,
visage rond et coloré, cheveux châtains, 45 ans.
Marie-Sainte Limon Timeur, son épouse, taille t mètre 623,
35 ans, visage ovale, menton rond, bouche grande, nez gros,
yeux bruns, front haut, sourcils et cheveux châtains
AUTRE SIGNALEMENT
moyenne, menton fourchu, front large, visage rond et coloré.
haut et cheveux châtains.
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINiSTÈRE.
- TOME XXIX (Mémoires)

l'l ventôse an VII (3 mars 1799).

de D. de Toulgoët à lU. Ker83uzÏe
Si je voyais, mon cher cousin, le nom de votre femme Sur
une liste des émigrés, je ne chercherais pas à vous entre­
tenir dans une fausse sécurité, mais muni d'un arrêté de
votre département du .15 fructidor dernier qui atteste que le _
nom de votre femme n'est su',. aucune liste d'émigrés, j'ai
trouvé étrange que vous vous soyez pourvu en radiation pour
elle. Une réflexion bien simple aurait dû empêcher ces
et espérer
suites. Comment,en effet,pouviez-vous demander
d'obtenir la radiation du nom de votre femme puisque vous
ne pouviez administrativement prouver qu'elle fut sur
aucune liste. Lorsque j'obtins cet arrêté pour elle, j'avais
attentivement examiné les listes, elle n'était inscrite sur
aucune,' . Le département le vérifia devant moi et se décida
. d'après ce,tte erreur: à donner à votre .femme l'attestation '
qu'elle n'était inscrite 'sur aucune liste d'émigrés. J'ai
depuis fait de nouvelles perquisitions qui m'ont donné la

certitude. l Que vous êtes inscrits sur la liste générale;
'encore je ne vous l'avais pas dit, mot pour mot, comme ]e
désigne le réquisitoire du commissaire qui précède l'arrêté
de l'administration centrale du Finistère du 17 frimaire an 6.
2 Que votre femme n'y est, ni sous votre nom ni sous le
sien, quelle crainte pouviez-vous donc avoir? Qui est-ce qui
a pu vous décider à vous rourvoir en radiation et ce qui a
déterminé le département du Finistère à vous mettre dans
le temps en surveillance? C'est votre inscription sur ]a liste
générale qui le rapporte et qui l'atteste et encore il était en
sa connaIssance que Jamal~ vous n aVIez emIgre comme vous
pressentiez d'ailleUrs des attestations en sincères termes jus­
tifiant votre résidence constante sur le territoire du Finistère,
. il a insisté pour votre radiation auprès du Directoire, mais

. comme votre femme, vous n'aviez été inscrit sur' aucune
SI, , '1 ' d'
liste, le dépal'tement m'aurait dit pour vous ce qu 1 m a It
en surveillance, de demander sa radiation au DIrectOIre PUIS­
qu'il ne la voit inscrite sur aucune liste.
Représentez au département une liste où le nom de votre
soit inscrit; alors je demanderai sans peine aucune,.
femme
j'obtiendrai sans difficulté sa mise en surveillance et sa radia­
tion. J'ai peine à concevoir comment votre oncle a pu pré­
senter pétition sur pétition au ministre de la Police sans
essayer d'abord à s'assurer si sa nièce était sur les listes,
chose si importante et si essentielle. S'il avait songé à
ce préalable, indispensable cependant: certes il n'aurait pas
si gratuitement importuné le ministre, il ne se serait pas
offensé. Restant de ne pouvoir obtenir par son entremise
une radiation impossible, puisqu'il ne justifiait d'aucune
manière l'inscription du nom de votre f~mme sur une liste
d'émigrés. C'est une chose fort malheureuse qu'il ait saisi et
poursuivi avec tant d'ardeur une pareille affaire. Mieux
eut valu qu'il n'eut jamais songé à la poursuivre, et par
excès de zèle, de tendresse ou d'intérêts, il a bien troublé
votre tranquillité et mis et engagé dans une affaire sérieuse
Je dis sérieuse actuellement car je viens d'apprendre à
l'instant de ma cousine qu'elle se croit inscrite sur la liste
département du Morbihan sur cela j'observe: "
fO Qu'elle doit s'assurer si cette liste n'a pas été refermée
uepuis le 28 fructidor ~omme elles l'ont été presque par­
tout:

18 fructidor ou sur l'ancienne, s'il n'yen a pas d'autres faites. '
noms et domiciles, car si elle n'est pas désignée, je ne doute
~a.s que le département du Morbihan, reconnaissant l'erreur

aucune liste du département du Morbihan et alors elle n'est
pas dans le cas de se pourvoir au Directoire n'étant pas portée
sur la liste générale ,
Si elle ne peut y obtenir ce certificat de non inscription
sur la liste du Morbihan, ce qui m'étonnerait beaucoup.
11 faudra qu'elle se pourvoie d'une copie certifiée authenti­
quement de la forme littérale de son inscription sur la liste
des émigrés du Morbihan. Alors èlle présenterait une
pétition au département du Finistère puisqu'il appuye sa
radiation près le ministre de la Police générale. A cette
pétition seront jointes son inscription au Morbihan et l'état
de ses biens sur le vu de ces pièces le département du
Finistère appuyera sûrement sa demande en radiation en
les mettant en surveillance.
Je dis qu'il fau~ avoir une copie authentique de la forme
littérale de son inscription, car vous sentez, mon cher c'ou­
sin, que vous pouvez tirer de grands moyens d'une înscrip­
tion qui ne désignerait clairement votre femme, puisque le
Morbihan n'est pas le département de son domicile, puisque .
elle n'y a jamais habité et une pareille inscription demeure­
rait elle-même une preuve authentique que le propriétaire a
été confondu avec la propriété. .
Vous avez pu croire que la liste du Morbihan était ici ;
v~us vous êtes trompé, elle n'y est pas ,elle n'y a jamais été,
il faut recourir à Hennebont peut-être même à Vannes pour
la connaître et je me répète si votre femme n'y est pas litté-
ralement désignée, vous obtiendrez facilement une attestation
qu'elle n'est pas sur la liste et alors tout est fini ,vous n'êtes
plus dans le cas de vous pourvoir au Directoire, votre femme
ne se trouvant pas sur la liste générale . .
Vous pouvez du reste continuer vos fonctions sans aucune
inquiétude jusque décision du département du Morbihan
où je vous engage à vous rendre de suite et à présenter
une pétition poùr ' demander que l'administration centrale

atteste que votre femme n'est pas sur la liste des émi­
il faut que cette pétition soit très courte, que vous
grés.
l'appuyiez des certificats de résidence de votre fermier, de
arrêté du Directoire et des arrêtés du département
votre
du Finistère, notamment de celui de 15 fructidor an VI, il
serait à dé~irer qu'il y fut littéralement confirmé.
cher cousin, recevez tous mes hommages et
Adieu, mon
mes amitiés.
TOULGOET.
Quimper le 1 ~ ventô$e an VII.