Responsive image
 

Bulletin SAF 1899


Télécharger le bulletin 1899

Le prone du dimanche à Bodilis vers 1700

Abbé A. Favé

Avertissement : ce texte provient d'une reconnaissance optique de caractères (OCR). Il n'y a pas de mise en page et les erreurs de reconnaissance sont fréquentes


XXVIII.

LE PRONE DU DIMANCHE A.BODILIS
Vers 1700 (1)

On sait que sous l'Ancien Régime, la paroisse s'identifiait
jusqu'à se confondre avec elle .
avec la communauté civile

Ge fait historique se manifeste, tout particulièrement, dans
la pratique courante du prône de la messe paroissiale. . '
M. Albert Babeau (2) le con~tate avec sa précision ordi­
naire de termes: ({ Le prône n'était pas seulement une
instruction religieuse; c'était une instruction administrative
et quelquefois judiciaire. L'Eglise et l'Etat étaient étroitement
unis, et se prêtaient mutuellement aide et assistance, L'Etat
poursuivait par le juge séculier certaines infractions aux
lois religieuses; l'Eglise lui prêtait sa publicité réelle et ses
foudres spirituelles. Il n'y avait alors aucun de ces moyens
de publicité que les progrès de l'imprimerie ont mis . à la
portée de tous. Les journaux étaient inconnus; les affiches
ne furent employées qu'an XVIe siècle. Pour faIre connaître
• les Actes de· l'autorité à des gens qui:pour la plupar't,étaient

ignorants, il était néces8aire de leur en donner lecture; et
l'on avait choisi l'heure de la messe principale pour le faire,

parceque tous les habitants se rendaient aux offices, dont la
fréquentation était pour eux un devoir. Plus tard, en 1695,
lorsque les affiches furent d'un usage plus général, l'Etat
(1) Les documents. rapportés dans ce travail sont conservés dans les
Archives paro~ssiales de Bodilis:
'1 ° Un cahier prônaI portant la mention: Ad llsum Joannis Be1'egm' a
1697 ad pl°esentem diem 3uIn Xbl°is 1711 ;.
2° Un Rentier', petit in-folio carré, de 32 feu illets velin, de 1 G16 à 1642.
3 Un Cahier des Délibàations de la paroisse, de '1 n 1 à 1730;
4° Deux Cahiers des Comptes de la Conf1°érie du, Rosaire .
(2) Le Village sous l'ancien régime, pages 123-124.

cédant aux réclamations des évêques, n'obligea plus les
curés, dans la plupart des cas, à lire en chaire les ordon-
nances et les avis... On comprend l'intérêt que devait
présenter le prône avec ses informations diverses à une
la publicité
époque où les communications étaient difficiles et
presque nulle... . .

Si cette publicité était un .avantage pour l'autorité civile,
était-il de même pour l'Église, alors surtout que par
excès de condescendance on en venait à mettre la 'chaire
particuliers?
dominicale au service des intérêts des
Il était · à craindre, et cette crainte fut justifiée par de
graves abus: que le prône de l'église ne devintle tréteau
du prœco, du crieur public, le siège d'une agence de publi­
cité, d'une agence de Petites-Affiches. 11 fallut réagir contre
une tolérance qui avait fini par compromettre la dignité des
l'honneur du jour du Dimanche en l'aban­
saints offices et
donnant aux spéculations, soit de la cupidité des gens d'af­
faires, soit de l'amour-propre des coqs de village et de fa­
milles en quête de notoriété.
l'Eglise de Fran­
En 1748,.un des prélats les plus édifiants de
ce,Joly de Choin,évêque de Toulon et ancien vicaire général
de Nantes, avec autant de· clarté et de doctrine que d'auto-
Instructions sur le Rituel (1).
rité, le rappelait dans ses
« Les curés doivent savoir qu'il n'est pas permis de publier
au prône les affaires temporElles, par exemple les baux à
ferme, les ventes, les biens en décret, les louages des maisons,
les droits dus auX' seigneurs, les criées d'héritages, les choses
perdues ou dérobées et autres choses semblables. Ces sortes .
de publications ne conviendraient pas à la sainteté de l'église,
non plus qu'à la dignité du ministère, et on conçoit facilement -

(1) Tome lor, pages 2:Z1-225, 1 édition .

que l'Église, en interrompant les saints myst~res pOUT faire le
Prône, n'a jamais eu l'intention d'y entretenù' les fidèles de

ces sortes d'affaires qui ne lew' causent que trop de distractions
pendant le cours de la semaine. »)

Les' archives actuelles de l'évêché de Quimper conservent
le manuscrit des Statuts du diocèse de Léon, nouvelle édition
re'vue et c01Tigée et ,mise dans un ordre plus méthodique en
1773, par M. L. D. D. P . . V. G. (1).

Nous y Usons, ' outre la défen,se de prolonger .le prône
.« au-delà de la demi-heure ») (chapitre III, art. V) le § III

aInSI conçu :
« Afin d'éloigner tout prétexte de prolonger le temps destiné
au prône nous défendons de s'y occuper d'affaires temporelles
ou étrangères à l'instruction chrétie'nne et ordonnons de se
co'nformer aux saints canons et aux ordonnances royales pour
le' choix des choses à publier pendant le pr6ne, ou à remettre
à l'iss ue de la messe et des vêprés. » .

Art. 6. « Ce n'est· pas garder le respect dû aux saints
mystères que d'en in'terrompre la. cé.1ébratio~1 par des affaires
totalement profanes et indignes d'être nommées à l'autel ou
dàns l'es chaires évangéliqu es. Nos rois voulant ~n ~ela être

l'exemple de leurs sujets ont bien voulu décharger les pasteurs
de l'obligation de publier en chaire leurs propres aff~ires ;
à plus forte raiso1~, 'de simples particuliers, sous prétexte de
quelques "légères rétributions, ne doivent pas prétendre assu-
jetti1' leurs pasteurs à prôner leurs affaires domestiques
pendant la célébration des saints mystères. En conséquence,
nous' défendons à tous recteurs, curés· et autres ' faisant le

prône ou disant la .messe de lire aucun billet, de publier
recètes, choses égarées et autres sen~blables
'ventes, marchés,

(1) A Morlaix. De l'imprimerie de Pierre Guyon, imprimeur du Roi et
~e monseigne\U~ l'évêque de Léon, 1774. .

qui doivent, tout au plus, être renvoyés à l'issue de la messe
en avertissant le peuple qu'on a quelque chose à lui- dire
en sortant afin qu'il s'arrête. Il .
Dans un cahier annexé au manuscrit de ces Statuts de Léon
et intitulé: « Motifs des changements adoptés par le rédac­
teur» ,le réviseur expérimenté et autorisé (1) exprime, en con­
à son évêque les raisons qui l'ont fait insister sur
fidences,
certains points particuliers (p.age 8) : s'il décide absolument
que le prône soit fait à l'Evangile c'est que « l'expérience
prouve gue dans les lieux où le prône se fait à 'la post-com­
munion, ceux qui ont le plus besoin des prônes détallent )1.
Il ne se dissimule pas qu'il a aŒair'e à fOI'le partie en
exigeant que l'ori s'abstienne dans la chaire de toutes les
publications dont il est cause plus haut:
« Je touche .à une corde délicate mais que j'étaye d'autorités
irréprochables en renvoyant aux Mémoires du clergé pour les
ordon'nances qui pourraient déplaire aux parlementaires. Il
L'édit dB 1695 et la . déclaration de 1698 avajent rendu
aux chefs de paroisse toute leur indépendance: on ne
pouvait les obliger à ces publications. · Le Roi déclarait
qu'elles reg'ardaient les officiers qui en ont charge: et
toutefois les recteurs et curés se résignaient à suivre la
routine, à laquelle les populations restaient attachés;
vieille
et les parlementaires s'obstinaient, malgré tout, à requérir
pour leurs arrêts la publicité retentissante et la notoriété du
prône pal'oissial: vieux légistes régaliens qui tenaient à

garder t'tn pied dans l'Eglise, à se réserver un droit de pres-
cription sur ce que l'on pouvait faire dire, par ordre et par
arrêt, au prône dominical, selon les circonstances et besoins
a vemr.
D'autre part, cette publicité offrait un grand moyen d'ins­
truction et d'action aux agents de l'administration et des In­
tendants : pour s'en rendre compte, qu'on s'en rapporte à
(1) M. l'abbé L. D. de Parceveaux, vicaire général de Léon .
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. TOME XXVI (Mémoires). 31

Turgot déclarant que le bien qu'il a pu faire dans le Limousin,
l'a fait grâce au concours et aux prônes des curés limousins:
est vérifié ailleurs, au sujet d'aut.res provinces du
ce qui
par son disciple Dupont de Nemoul'S, dans son
Royaume,
curieux recueil d'économie politique et sociale publiée sous
titre d' « Ephémérides du citoyen. »

Dans la bibliothèque d'un Recteur de Basse-Bretagne,
d'avant 1789, il semble qu'on doive rencontrer comme Com­
pendium de ses connaissances de droit usuel: 1 la coutume de
Bretagne. de Poullain-Duparc, le Traité de l'administration
des paroisses, de Pottier de La Germonday, et le Recueil des

A rrests et Réglements du Parlement de Bretagne concernant
les paroisses (~). ))
- D'après ce dernier ouvrage, la lecture rapide de quelqu'es­
uns de ces arrêts de notre Parlement de Bretagne nous
fixera au sujet de la jurisprudence qu'elle pratiquait par
rapport' aux publications à faire aux prônes des gra-nd'-

messes.
, A. rrest concernant te respect dû aux églises: du 16 octobre
1627. « Sur la remontrance du procureur général du Roi '
qu'en plusieurs paroisses de cette province
qu'il a été averti
pendant la célébration du service divin et a·ux prônes des
grand'messes aucun.s parlent et font tet bruit qu'ils troublent
le service et apportent grand scandale; autres seront dans
le cimetière, où ils traitent des choses profanes, se battent
büm sou'vent voire jusques à effusion de sang; vont aux
tallernes .... La Cour condamne les contrevenants pour la
première fois à 30 sols d'amende applicables à la Fabrique
de l'église .... et ordonne que le présent arrest sera publié
par les -l'ecteul'S des paroisses tOtIS les premiers dimanches

(1) Rennes chez Guillaume Vntar. 1760 .

du mois. » V üilà èel'tes un règlement de police dont la
lecture était à sa place dans les communications à faire à.la
messe paroissiale ainsi que tant d'autres décisions qui forment
un code de mesures d'ordre pour assurer l'exercice paisible
et digne du culte, qui méritaient d'être publiés au .prône
des grand'messes « à ce qu'aucun. n'en prétende cause

d'ignorance
. Si l'on y faisait lecture des comptes des fabriques sortant
. de charge, grand fabrique ou· gouverneurs des confréries
comme celle du Rosaire. la lecture in extenso du Rentier
quand on le colligeait, le parlement revendiquait le béné­
fice de cette mème publicité pour donner à connaître ses
arrêts concernant les impôts. Exemple:
- (Arrest portant r8g1ement pour empêcher les désordres
qui se glissent dans les paroisses de la province au sujet
de la lev~e des fouages, tailles et autres impositions
publiques: du 20 février 1669).

La COUR, faisant droit sur la remontrance et conclusions

du procureur général du Roi, ordonne:
« 1° La publication au peône du Mandement six semaines
ou plus avant l'échéance du terme assigné pour le paiement;
2° De l'élection des égayeurs et rédaction du l'olle dont
lect.ure publique sera faite d'al,ticle à autre, à l1aute et intel­
Jigible voix et sans frais, au prône de la -grand'messe, par
le recteur ou curé de la paroisse à ce que chaque particulier

puisse sçaooir à ce qu'il est imposé ;3° du choix des collec:"
teurs,doncautre publication au prône dont ils prendront cet,ti­
ficat du recteur ou du curé, assign1-mt un lieu certain pour y
faire la l'ecette desdits deniers de fouage, soit au pied de la
croix du cimetière, dans l'auditoire des lieux, ou maison
honnête dans le bourg, autre que cabaret ou hôtellerie. »)
Quelle feuille d'informations poulTait rivaliser d'intérêt

avec ce prône du dimanche? surtout lorsque vient la lecture

d'un Monitoire, avec agrave et réagrave, pour arriver à la
révélation d'un crime mystérieux, d'un de ces beaux crimes
qui font la gloire du reportage et la réputation d'une bourgade
ignorée, à l'égal d'un nom de champ de bataille glorieux
ou d'un pieux pèlerinage. '
jour, il arrive que le recteur monte en chaire: son
aUitl'lde est étudiée; il se mouche, il tousse pour assurer' et
essayer ses cordes vocales, pour que son intonation ne
trahisse pas son émotion, qu'elle ne soit ni sibilante ni
tient en main un rouleau de fort papier: tout
trémulente, Il
le monde sait que ce grave document a été expédié de
Rennes, de la cour de Parlement et qu'il est signifié par
ministère d'huissier .
... C'est ce qui advint une fois au recteur dePlougar,évêché
de Léon. Cette fois-lâ il dût notifier en personne à ses
paroissiens de Plougar et de Bodilis, saTrève, à haute et
intelligible voix, en français et en vulgaire langage breton
que la Justice s'était peononcée contee lui.
s'agissait de la paroisse et du coeps politique de Bodilis,

trèvede Plougar, ou comme on s'exprimait au XVI" siècle,
, « fillette» de Plougar. La mèee-église fut, peut-êtee,
acariâtre et quinteuse; la fillette, de son côté, subissait
l'influence d'un vent d'indépendance, qui ne souffie pas que
d'hier. Vraisemblablement si Plougar consentait à distin-
guer' entre le tien et le mien, il s'obstinait à confondre le tien
et le mien avec le nôtre, quand il s'agissait de Bodilis, trève
renom et de grandes ressources, à laquelle
opulente, de bon
passer le plus lourd des charges communes. Bodilis
on voulait '
t18 se laissait pas faire sans protester et sans plaider son boh
droit contre les entreprises de Léannec,recteur ~e Plougar.
Le différend dura plus longtemps que le classique biège de
Troi8: les procédures s"enchevêtraient et s'accumulaient
dans un charabia de g'reffe et de procureurs, de nature à

brouiller de plus en plus les idées et à faire oublier à l'esprit
le plus lucide, à la fin de la campagne, si dans le principe
il était cause de Gallus Mathiœ ou de Galli Mathias. .
. Quoi qu'il en soit, un des incidents de cette guerre de
procédures fut l'intervention d'un arrêt du Parlement, du
30 juin 1728, intimé et signifié par M" Joseph Guillon,
huissier des fermes du Boy en l'évêché de Léon, demeurant .
Landivisiau,paroisse de Plougourvest,à messire Guillaume

sieur recteur dudit Plougar, cc auquel est fait com-
Léannec:
c( mandement de la part du Roy et de la cour de defférer aux
C( deffenses luy faItes de se mêler directement ou par personne
« in:~el'posée d'aucune nomination,de faire aucun chapitre,de
« toucher à l',argent de la fabrice,d'enlever les titres,proposer
« son avis au préjudice du général,soit pour les intimider ny
« les sùrprendre, ny de faire générallement aucune chose
« concernant les affaires de ladite église de Bodilis,innovation,
« changement ou augmentation sans l'exprès consentement
« du général par délibération, etc, etc. ))
« Et pour que la cause soit publique et notoil'e et que per-
« sonne n'en prétende cause d'ignorance,qu'en conformité du
« précédens arrest pour les pal'oisses ènsemble le présent
c( seront lus et publiez au prosne de la grand' messe de Bodilis
«( par ledit sieur recteur à la première réquisition dont on
(C l'equiert l'exécution dimanche prochain.,.Protestantsurson

« deffaut d'y obéir et de lire à haute et intelligible voix tant
« ledit arrest avec le present exploit que les arrests du 29 oct .
« 17 18, etc. La saisie de son temporel pour passé de ce que
C( lesdits arr:ests soient enregistrez sur le livre des délibérations
« et lû pa.rtout où besoin sera ...... )) .
. Le recteur s'exécuta, sinon de bonne grâce, du moins
car nous trouvons à la suite de ces pièces
ponctuellement,
suivante: (C Lu et publié par Monsieur le recteur
l'indication
de Plougar, le dimanche premier du mois d'août 1728. ))

Il ne pouvait faire autrement. Messire Apuril, recteur de
Brye, diocèse de Rennes, en semblable occurence avait
voulu subtiliser et tourner l'exécution d'un arrêt concernant
plusieurs abus et désordres qui se commettaient dans sa·
paroisse. Cet arrêt du 29 avril 1716 portait -que publication
auroit été faite au prône de la grand'messe à Brye et

enregistrée sur le livre des délibérations. Lorsque les juges
du lieu se présentèrent pou" r aviser à l'exécution de ces
messire Apuril refusa pour deux raisons:
dispositions,
1° « disant qu'il n'était pas bon lecturier (ttrme dont il s'est
servi) n; 2° qu-ant au livre des délibérations: « il était brouillé
dans son cabinet. )) On insista; il fut décrété, interrogé: et
finalement il se trouva suffisamment lecturier ct on improvisa
un cahier propre à enregistrer les dél'ihél'ations du général
de la paroisse de Brye.

Nos populations tenaient à leur idée touchant le recru­

t~ment régional du clergé: leur exclusivisme qui subissait
l'autorité d'un bénéficier qui n'était pas parfois, même de
leur diocèse, trouvait sa revanche dans les égards particuliers
qu'elles affectaient à l'égard des prêtres de la paroisse, des
fils du terroir. Si l'on n'dait pas naturel de la paroisse, il
être naturalisé et ce sont de ces lettres de nat.uralisation
fallait

que nous retrouvons dans une délibération curieuse et ins­
tructive du corps politique de Bodilis.
« Ce Dimanche vingtième octobre mil sept cent vingt six

« le corps Politique de ce trEye de Bodil is paroisse de
« Plougar assemblé dans la Chambre do délibération Est
« unaniment da'lJis de recevoir cornme prestre habitué et na-
Cl. turel de la Treve Messire Jean Piolot prestre lie Loguéguiner,

. ~{ et ainsy le re~otvent comme Entant natnrel de la Treve et
{( le reçoivent à la rétribution en 'maladie cOlllme en santé, .
« (J'est à quoy ils s'obligent tant pOUT eu.'C que pour le général

« de laditte Treve les memes jour et an que de'l.lant .... .. (1) J)
Jean Piolot n'était pas un naturel de Bodilis, qu'à cela ne
tienne: il aura ses lettres de grande naturalisation et le
principe sera sauf: Bodilis aux Tréviens de Bodilis!
Messire Jean Bérégar, lui~ n'eut pas à solliciter ce certi-
ficat: né dans la paroisse, apparenté à Kervenou-Vras à

Guelet Ker, au Quinquis, il fut, à Bodilis, vicaire de 1682 à
1712, Curé de 1712à 1714, et mourut le 6 février 1715.
L'événement le plus notable et aussi le plus certE!-in que nous
°existence c"est la date de son ° tO répas.
ayons relevé de son

Comme ses confrères les autres prêtres qui étaient appelés à
être les auxiliaires du curé, il vivait de la vie ordinaire de
o ses compatriotes, était fermier de la confrérie du Rosaire
qui encaissait annuellement la somme de 5 livres 1 s. 8 d.
(f. pour le tiers de la ferme d'un clo~, à Parc Mesper, ma­
« nœuvré par Mre J. Bérégar.» . Les registres en font foi.
Pour connaître la portée intellectuelle, de ' Mre Jan
Bérégar, nous n'avons qu'un document, On nous accordera
que c'est peu: un petit volume format de 16 centimètres sur 0
26, de 135 feuilles, commençant par une table ou répertoire
• de prières nominales de 2 feuillets relatant les:obligations ou
intentions de 136 familles, relié à même dans la couverture

en veau d'un vieux Missale RomanUlno
L'intérieur, la face principale des pages écrites, porte les
prières faites le dimanche à la demande d'une famille pour
ses membres, l'indication des principales fêtes de l'année,

les cueillettes des -fabriques: les offrandes et produjts des .
aumônes faites à l'Eglise par voie de testament. Ce qui fait
l'intérêt de ce cahier, ce sont les indications marquées en
marge à la façon des glosésd'un traité de droit ou de théologie.
rédigées dans une forme qui ne procède pas
Elles sont

(1) Cahier des délibérations du corps politique ete la Trève de Bodilis,
li21-1730, f' 10 verso. (Archives paroissiales de Bodilis.)

seulement de ce qu'en grammaire on appelle l'ellipse: elles ',
donnent le premier et principal membre de la phrase dont le
prônatcur possédait la suite, très clairement dans son esprit
et que l'on devine facilement, du reste, sans être dans la
peau du prônateur de l'époque: guide-mémoire, point de
repère, qui fournit l'indication suffisante an courant du
discours, sans avoir à l'inscrire in extenso:
Verbi gratiâ: le quatrième dimanche d'aoùt 1703, mes­
sire Bérégar a une annonce à faire; en regard. des publi-
cations, en marge, il se contente de la brève annotation :
« pour as soir la taille des dragons ». Il ne s'y trompa it pas,
paa plus que nous: il n'était pas question, comme on le
croirait de faire passer sous la toise des dragons et de les
soumettre à une constatation anthroprométrique, mais bien
d'avertir qui de droit de s'assembler soit pour l'égail soit
pour la c'ueillette de la taxe levée pour l'entretien des dl'ag'ons
de. Sa Majesté dans la province de Bretagne: deux régi-
ments, si nous ne nous trompons, destinés à appuyer et
fortifier les milices et gardes-côtes et à assurer le service
la maréchaussée. /

Bérégar avait donc fait un relevé des prières nomi­
Jean
compte 136 dont l'une au moins, était
nales : il en
lue, au bourg, chaque dimanche ou jour de fête gar­
dée : telle prière ' occupe 25 lignes. Il est vrai que
c'est un travail de généaologie et d'alliances où on a apporté
autant de soin et de précision que s'il s'agissait d'une
famille i'eprésentée aux croisades,à Bouvines, au combat des
Trente, au combat de Saint-Cast; on y énumère nommément
les père et mère, aye'uls, sœurs et frères, oncles et tantes;
cousins 'et cousines, beaux-frères et belles-sœurs, niepces
et neveux. oncles et tantes alliés. oncles et tantes remués du .
maternel ou du paternel, demi-frèr'es, demi-sœu rs: beaux­
ères et belles-sœurs et au surplus belles-sœurs et beaux-

frères par alliance (en certains quartiers du Bas-Léon on
entend encore parler de lest-vreur-caër, lest-c'hoar-gaër),
degré d'affinité qui, on le sait, ne tire à conséquense ni
aux yeux de la loi civile ni aux yeux de Id loi e'cclésiastique,
Les prières nominales -de Bodilis ne mentionnent pas les
parrains et marraines, filleuls et filleules, ce qui se voyait
ailleurs; en revanche, c'est avec un pieux et honorable

sentiment de respect que l'on y inscrit la parenté avec
tel prêtre qui a servi l'église de Dieu. Pour mémoire, nous
relevons quelques-unes de ces mentions: .
Messire Xphle et Tanguy Kermarec pbres; Yves
Areur, pbl'e . recteur esté de Brasparts oncle (1702);
le révérend père Ambroise, religieux; vénérable F.rançois
Penguily, curé esté de Plounéventer; Dom Guillaume
Penguily, pre esté en cette trève, onde; Dom Charles Le
Garo,oncle; Vénérable et discret Jan Cornily, oncle remué;
Dom Alain Marc, etc.
Les ca tégories sociales, le classement et le tassement
s'établissent d'elles-mêmes et, comme noblesse oblifle, on n'a
qu'à consulter le cahier des offrandes d'une paroisse pour
voir et savoir quel était le rang que s'y donnait telle
famille : cahier des pau'vres d'un côté ; dispositions
testamentaires et autres sources de renseignements de
l'autre. A Bodilis. après une étude consciencieuse du
cahier de Jean Bérégar, nous constatons que tout homme'
à son .aisè, d'un rang moyen, ayant ' su vivre et sachant
mourir honorablement, laissait par testament ordinairement:
A la Fabrique,........ 6 .livres .
Au Rosaire. . . . . . . . . . .. 2 1. 10 sols .
25 sols.
A la Mercy ........... .
A ux Trépassés .. ' ..... . 25 sols.
A l'Hôtel-Dieu et aux
Quinze-Vingts. . . . .. 2 s. 6 d. chacun.

Mais, dans la région, Notre-Dame de Bodilis était si connu,
si populaire, que messes et offrandes lui venaient du dehors
de la paroisse', notamment de Plougourvest, de Saint-Servais,
de Plounéventer, etc.
Pour faire voir au lecteur comment on prenait ses dernières

dispositions à Bodilis, nous choisissons deux exemples dans
les nombleux testaments que nous avons sous les yeux,

1 François Le Bourg, du village de Lestrévignon, depuis
huit jours alité, se résoud li affin de n'ettre surpris par la
mort, . laquelle est certaine, mais estant l'heure d'icelle
incertaine, » le 15 jour de Janvier 1616, çl dicter ses dernières
volontés. 11 requiert, après les invocations d'usage à la Tri­
nité et à la cour céleste « qu'advenant la s-éparation danttre
« son corps et son âme il soit soigneusement ensevelly en
« l'Eglise dnd. Bodilis au tumbeau de ses prédécesseurs et
1 que en son intention soit cellébré deux services de huictaine
« par les pbres et clercs dud. Bodilis.)) Il lègue et baille
à l'Eglise (J pour la réparation d'icelle et augmentation du
service divin la somme de six livres tournois » plus tous ses
droits au village du Mesiou an quera'n à charge de falre cé­
lébrer un service annuel pour lui à chacun jour de samedi de
la Trinité, a perpétuité. .
li Il lègue à Lothel de Dieu de Paris la somme de douze
« livres quinze sols tournois .Sy ordonne que dessus son bien
« soict baillé à Messire Olivier Person son père confesseur
« la somme·de quinze livres tournois pour éstre -par Iuy em-
« ployé ou ledict testateur luy a ordonné » : suivent trois
« articles contenant des donations ou des condonnations
« faites à ses proches.
Plus lègue à l'Eglise de Monsieur Sainct [vizau deux sols
six deniers tournois, « Landivisiau un soulz tournois , A sainct Guénel près
« dud bourg, pareille somme d'un soulz tournois, A la

«. chapelle de Monsieur sainet Denis un soulz tournois, A. .
« sainct Egaree, pareille somme, A lŒ chappelle neuffve à
(c Berven, cinq soulz tournois et faire dire à son intention
ex une messe, A la chal?pelle de Pleyber s'unet Egonnec
« pareille somme, A la chappelle de Locrist, un soulz
« tournois, A Plougar pal'eille somme. « Le testateur
continue par la distribution de ses meubles, coffres et lits:
« veut qu'on baille à Catherine Le Bourch sa niepce pour lé
« bon service qu'elle luy a fait pour l'espace de quatorze ans
« un charlit: une coueste de plumes et un horeiller aussy de
« plumes; à son beau-frère «. un rnestier .à tzsser quyest
« chez Led. Guillaume Kerangall »); par la distribution de ses
hardes: « ses chuppé, ») c( son manteau vioUet: » son
chapeau, etc.

2 Dans son testament du 22janvier 1738: Yves M uzellec,
du lieu du Tachennou est qualifié « simple laboureur» : il
veut être enterré au cimetière de Bodilis vis à vis de la
chapell.e du saznt Rosaire. Plus il veut qu'il soit célébré
une octave .immédiatement après son décès; « et qu'il soit
« donné à la grande [abrice pour les lumières son meilleur
« j/.l.staucorps,quinze sols au Fiosaire, dix sols au trépassez,
II. cinq sols 'à chacu,ne des deux outres confréries, comme
(c aussi au jour et an pareille octave avec toutes les messes,
« et pour les lurnières à la grande fabrice sa bonne culotte,
« au Rosaire, trépassez et autres conJrérœs les mêmes · .
« sommes' que dessus. » Suit le détail des sommes à lui
dûes. Yves lVIuzellec .veut qu'il soit fait dire à son inten-
tion une messe à Saini-Servais,une autre à Saznt-Pierre de

Ptougar à Notre-Dame de Lampaul et a Notre-Dame de
Pleiber Saznt-Ègonnec.

Le 2' Dimanche de novembre 1697, nous trouvons l'anno-

tation suivante sUl'le cahier de lVI Bérégar,où il est question
d'un service f.nnèbre : « 'quoique la deffuncle par la dernière

volonté ' n'avoit légué que trois livres D : ses héritiers
corrigèrent la modicité de ces dispositions en payant:

Pour le Granq-Service ...
6 livres .
Au Rosaire ......... : .. . 1 livre.
chacune des Frèries .. .
10 sols.
L'argent était rare: une somme de 3liv. en offrande et
versée en espèces était une grosse somme. Une fois nous
. trouvons une o,ffrande de 41iv. en argent: on dut être surpris

de cette oblation princière, En faisant le relevé des offrandes
faites à l'église de Bodilis, voici ce que nous relevons con- .
cernant les pièces d'habillements offertes à N.-D :

D. de Juillet 1697, une lisière de toile;
5e D. d'Octobre, une lisière de satin noir; ' .

3 D. de la Pentecôte 1698, un eorsellet à usage de femme;
3 D.ap. Pâques 1701. Un cottillon;
A la Trinité: une lizière Dafftas .
l .. e Ue dimanche après la Pentecôte, CI. à l'occasion de la
prière pour vénérable Philippe Le Hir «( eu offrande une
bourse garnie, un canon et son plis, un petit missel et les

urseaux et 20 sols. »
1g D. Mauricette Rannou, une pair de linge c( qui sera
vendue tantost à l'issue des vespres. »

'1701. c( A la fabrique un pair de linge, au rosaire une
lissière. .
1702. 3 D, après Pâques: Maurice Paugam, un cotillon.
7 ,D. après la P entecôte: une bag ue d'argent d'un parti­
culier. ))
A l'occasion de la prière pour M. Marc (2eD . du Caresme
1698.) (c les héritiers ont donné en offrande à » scavoir Alain
( P enn ec et femme une piesse de file et une poingnée de li n
« et Jan Marc un cart·de blet noir et Françoise a don né
« 12 sols, la bourse avec un corporal et un purificatoire

« donné par les héritiers, à la fabrice 30 sols, au cloarec (1)
('( 20 sols, au Rosaire 5 sols et à chacune frérie 2 s. 6 d .

Offrandes en liOi : 2 D. de Mai, .2 rabas .
. cc Un particulier une gravate. )) . .

18 D. après la Pentecôte. c( Margueritte Le Hir a donné
à la Fabrice deux escus qu'elle désire être employé
en offrande
en toile pour faire une nappe d'autel. »

3 Dim . du Caresme 1701, « eeçu pour la considération de
la grande service de Jacquette Cornéli 'U/n rumme de linge de
canabre. » (2)
Serait-on Assyriologue, Egyptiologne, Sinologue ou
. a'lItre chose tout aussi savant, si on n'est pas breton de Basse­
Bretagne, on ne comprendra jamais le sens de cette 'publi­
cation où deuxmots sur trois sont du parfait celtique
Les offrandes en nature sont, comme on le comprend,
beaucoup plus abondantes ': En Mai-Juin, à l'époque de la
Pentecôte, les dons c( d'escuellées de beurre» augmentent
et se nombrent par quatre ou cinq par dimanche en moyenne,
souvent plus. Dans son compte, le fabrique du ' Rosaire en
1692, nous fait savoir ce que ce valait (c ·deux escuellées de
beurre: dix sols six deniers. »
De temps à autre, on avait à annoncer l'·oblation d'un
de nombreux poussins, de cochons de lait
essaim d'abeilles,
« couchon à lait (Dim de la Pentecôte 1702 ) .
Par dessus tous, Claude Bérégar dut faire sensation,
lorsque quelques jours précédant l'Avent de 1698. il apporta
au bourg ponr l'offrir " à l'Eglise un volatile pour lors peu
vulgaire, un coq venu de l'extrême Orient, un des premiers .
à Bodilis: un dindon! .
que l'on voyait
On trouve en outre qui offre « trois boisseaux d'avoine»

(1) Au clerc ou séminariste.
(2) Une série de linge de chanvre.

(Sept. 1697), ou un boisseau de froment, un boisseau de
sarrazin, tel autre apporte une garcée d'avoine, etc.

Ce pays de bonne culture maraîchère en présente à
l'église, les prémices: ce qui nous fournit une indication sur
l'industrie des Tréviens de Bodilis, c'est l'abondance d'un
certain genre d'offrandes: le chou et l'oignon. « La porrée à
planter », des civolle$ et de la « pourrée 1) ou bien des
choux et choux pommés cc choux pome ».
Les offrandes en lin attestea,t la prospérité et l'extension
de culture des textiles. La 'mention est souvent modeste:

mais le présent n'est pas si modique que cela. On annonce
bien que tel a donné un fil blanc, tel autre « une poignée de
lin Ji" Il faut s'en rapporter aux comptes du Rosaire, que
nous avons sous les yeux, pour bien comprendre que les
offrandes en lin et en fil formaient le plus clair des revenus

en nature de l'église de Bodilis. Nous ne mentionnons, pour
avoir un base d'appréciation, que les seuls comptes d'une
confrérie: celle du Rosaire.

En 1695, le fil blanc vendu à Jacques Kerriou, de Mouster­
Paul, rapporte 2 1. 17 s. 6 d.
1696, le fil blanc est vendu 3 1. 3 s. ; en 1697, 3 1. 12 s.
• 1698,41,; en nonante et neuf, 21. 11 s,
1702, tout le fil blanc, 7 1. 11 s.
En 1708, nous relevons un détail qui montre encore
une fois que les annonces · étaient bien modestes et nous
fait connaître ce que le rédacteur du Prône entendait par
cc une poignée de fil blanc ». .
1708. c( Une poignée de fil blanc vendu à Guillaume
« Bréton: de Kerfeunteuniou, contenant quatre livres à 25 s.
« la livre ensemble cy 5 li'Dres .

. « Trois autres livres de fil blanc à 20 s. la livre, ensemble
. «3 livres. »

1709 . « Cinq livres et quart de fil blanc à raison de 8 s.
« 3 d. la livre, font 7 1. 13 s. 3 d.
« Une poignée d'autre fil blanc plus gl'OS vendue 1 1. 6 d'
Saluons respectueusement en passant les bienfaiteurs
ignol'és et obscurs de N.-D. de Bodilis: Mme de LamDers,
qui donnait le bon exemple en faisant de généreuses offrandes
à son église,M. Madec,M. Tréguier et Mademoiselle sa femme
et ce brave Jean Faujour de Traonn-Bian que le cahier de
Mre Bérégar, nous montre venant annuellement avec une
régularité fort édifiante apporter à l'église de Bodilis « une
de (oin ») en offrande.
charge

Le cahier de prône de Mre Bérégar nous indique
quelles étaient, outI'e les fêtes d'obligation, celles de simple
dévotion rappelées à la piété des fidèles.
Nous y trouvons quelques indications sur l'état du
culte voué, en le quartier, à tel ou tel saint particulier.
Le chiffre des saints bl'etons recommandés ' de dévotion est
bien restreint. Voici ce\lX qui sont indiqués: saint Goulven
ortogl'aphié sous trois formes ': Go u ljJe n, Goulphen, -
Goulhen, saint Corentin, « Gouritin» ; saint Jaoua, écrit
Jaouva; samt Hoardonj saint Ténénanj saint Guéoroc; saint
Maudet,saint Thuriau, Thuriaff ou Thioisiau (orthographié
saint Tivizeau, saint Hervè, et saint Yves avec ses fêtes
de mai etde fin d'octobre. Bérég'ar ne paraît pas avoir eu.
des notions très précises sur la bonne façon d'écrire le nom
de satnt Gouesnou: une fois, il l'écrivit Goueznou; l'année
précédente il orthographiait Gouvesno .
En dehors de nos saints nationaux nous trouvons
recommandées de dévotion sainte Ursule,sainte Luce,sainte
Barbe, sainte Cathérine, sainte Magdelaine et cette autre
pécheresse jadis si connue dans les chants populaires: sainte
Marie Egyptienne. Les saints dont il est fait mention spéciale

sont saint Jean-Bapt iste, saint Michel, saint François
. Xavier, saint Gilles; !'jaïnt Dominique; saint Nicolas, saint

François, le grand saint Martin et le docteur Angélique que
. Bérégar appelle saint Tomas Tanquin ;' les saints Fabien et
Sébastten. · .
Si l'Ordo de Léon marque une excessive réserve pour le
choix des saints du pays dont il admet la légende et l'office,
en retour, le peuple, à Bodilis, tenait à honneur de porter
le nom de nos pères dans la foi. Comme on le voit par les
'archives paroissiales : les noms de Miliau ou Méliau,
Didier, Eguiner ou Eguig ner, Derrien, Tang uy,
Mélart,
Thiviziau ou Thivizeau, Julien, Goulven,Salomon, le roi bre­
ton martyrisé; Alain, (1) Yves, Maurice, sont héréditaires dans
les familles . Grande est aussi la vénération pour les Apôtres
et les évangélistes: on rencontre très communément les
noms de Jacques ou Jacob, Thomas, Mathieu et Mare; Pierre
.n'est pas aussi usité que le nom glorieux du doux géant
saint Christophe dont le nom s'écrit toujours comme un
.monogramme : Xfle. de saint Martin, saint Sébastien ou
Bastien, saint Julien, sain.t Etienne, saint Claude, saint
Mtchel, saint Olivier, et saint Jean. Remarquons que le
.nom du saint Précurseur de N.-S. ne se retrouve pas encore
uni au nom de Marie, comme on le voit, aujourd'hui si
. usité dans ce rayon du pays.
Page 57 du cahier de Bérégar nous lisons un nom de
. baptême mascuFn : Berthevas: (Prièr-e pour Jeanne Meudec:
Berthevas Meudec ei Béatrice Floch pè~e et mère, .. ). Il est
défendu de chercher la petite bête et d'être trop ingé­
nieux en matière d'étymologie, c'est convenu, . mais
qu'on veuille nous permettre de dire notre impression,
d'émettre une présomption: ne pourrait-on pas reconnaître

aete 21
(1) A la .premiëre page du Rentier (1616) sont nommés dans un
'notables: ' huit s'appellent Alain.'

dans ce vocable 13erthe"as deux noms d'apôtres, soudés
Berthe, Bert'7,elemé, Barthélémy, . et Ma~e
intimement :
Mathieu). .
Jaequette (Jacqueline) ou GuillameUe
Les filles s'appellent
(Guillemette, Guillemine, Wilhelmine), Anne ou Izabelle
(Elizabeth), Marguerite, Jlr-fagdeleine, Julienne et Juliane,
Lévénez (Lœtitia), Guiona (Guyonne). Thomine (Thomasse)
Thésina (sans doute Thérèse ou Thérèsine) .

Les noms de famille eux-mêmes vibrent et distillent une
saveur de terroir et de moyen-âge: cela résonne fortement
Tanguy Mezanstourm (la plaine du Combat)
que ces noms de
Jean Mezangroas, la plaine de la Croix): Peneréae'h ou
PenguiUy (la tête de ]a crète, la tête du sillon), Jeanne
Louménez ou Marie Loumenven, Françoise Daouguenpen ou
Tanguy Connétable, voire Jan Bérégar. Ce dernier, notre
prônateur, eut la fière chance de naître dans un quartier où
la décentralisation à outrance de Louis XIV se heurta à
l'obstination de trp.ditions séculaires, où le fils prétendait
donner à son fiis son nom, le vrai nom tel qu'il l'avait reçu
de son père, nom celtique et non francisé. Si Bérégar
était né aux portes de Quimper, lui fils de Bérégar eut couru
risque par suite de la déplorable traduction d'un prêtre,
progrès, d'être dénommé Jean Courte-Jambe au
homme de
d'être comme ses pères Jean Bérr.gar comme devant!
lieu

Nous avons dit plus haut la répulsion bien légitime des chefs
l'Eglise pour cet abus de.s publications d'intérêt,du moins
On jugera
particulier et singulier, dans la chaire Dominicale.
si la protestation sévère et indignée de l'Evêque n'était pas
justifiée par le détail de ce que l'on annonçait, après
l'Evangile, le saint jour du Dimanche à Bodilis, d'après les
marginales du cahier de Jean Bérégar: à Bodilis
notes
comme partout.
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. TOME XXYI (Mémoires) 32

, Nous copions sans commentaire.

4 Dimanche de Mai 1697. « Les garennes appartenant

aux mineures de feu Tang~y Laurent» à vendre 'ou à
affermer?

4 Dimanche de Juin. « Il y aura vente au Plexis. )} Le
prônateurfournissait, comme de juste, plus de détails .

4 Dimanche d'Août. « Qui voudra avoir une maison à
Saint-Denis avec pasturage d'une vache parleront à Xphle
Le 'Rir.
1 er Dimanche de Septembre. « Qui voudra avoir une
ferme, une maison et une moitié d'une autre et jardin et
autres terres indivis où demeure Jan Floch à Kerisien
à Jan Troadec. »
[qu'il demande]
« Qui veut avoir la maison de Mélart Cariou?
4 Dimanche de Carême 1698.
« Qui a perdu une clef, qui parle à lan Le 'Bec. ))
« Qui a trouvé une espée et un portefeuille? .
' « Dernier Dimanche de Juillet: « Qui voudra avoir en
« ferme le lieu où demeure Le Grinnoux et Cochard pour
« la Saint-Michel qu'il parle à Catherine Derrien. »
1 er Dimanc'he des A vents: « Qui auroit trouvé une ausne
Coatreun et Penvern ? .»
de toile entre

Le 1 Dimanche de Janvier 1699 : Le lieu où demeure
Hervé Paugam, à Treguis, pour en jouir à la Saint-Michel
n'ont qu'à parler à Jan Quéméneur. ))
prochaine,

1 Dimanche d'Avril: « un diurnaire égaré .....
Mardi de la PentecÔte: « Un fil blanc trouvé .. ,
« C ne clef égarée .. ; »

7 Dimanche après la Pentecôte: « Qui auroit trouvé de
l'argeant. »
19 Dimanche après la Pentecôte: u Une vache au Pichon
volée. »

Carême 1700, nous trouvons l'an­
Le 4 Dima nche du
la réception des soldats ceux qui
suit: Pour
nonce qui

« voudront donner pour eux qu'ils veulent volontairement
« qu'ils mettent quelque argeant entre les mains de
CI Bérégar. ); (Textuel.)
Mai 1702 : (c Un livre breton égaré. "J)
• Qui auroit trouvé une pièce d'argent?
SeX2gésisme 1703 ': CI. Ceux qui ont acheté dans
la vente

cc de Jeanne Guiader à Lanneuvret ont à aller
payer à
cc Monsieur le Recteur. »
. D'autres plan3 d'annonces marqués par les notes
marge par Bérégar sont d'un cachet plus
inscrites en
officiel et d'une importa~ce plus générale. Hélas! ce sont
avertissements, objurgations au contribuable retardataire,
oublieux, besogneux.
An 1697. 4 Dimanche de Mai: « Pour vos tailles.)) .
1 er Dimanche de Juillet: « Pour la capitation. »
3e Dimanche du même mois: « Pour payer la capitation . "J)
3 Dimanche d'Août : » Les vassaux du marquis de
« Cludon son adverty de fournir adveu .. ,
« Payer rente et offrande et s'enrôler sur le cahier. CL ?
3' Dimanche de Septembre: cc Qui doivent les tailles.,. "J)
5 Dimanche de Novembre : « Ceux qui doivent la
dixme. » .

1698. 1 Dimanche de J anv.ier : cc Qui doivent pour les
tailles et autres choses... » (Venir payer! )
Même jour: « On fait l'asise qui doivent payeront. "J)
5 Dimanche de Janvier: cc Pour les tailles ... l) (Avertir).
Dimanche de la Trinité : CI. Qui doi.vent pour quelque
aux anciens marguillers. ». (Payer).
suict que ce soit
C'en est assez, nous semble-t-il de ces citations, pour
montrer ce qu'il y avait de répugnant, de c.e qu'il y avait de
césarien et de payen à attendre même dans l'église, dans la
maison du Père qui est aux cieux, le pauvre Jacques Bon-

homme pour lui rappeller qu'il était corvéable et taillable: alors . .
qu'il y venait chercher un réconfort, une trêve aux soucis de la
semaine, l'oubli des poursuites du fisc impitoyable, on lui
faisait dire. cc Qu'ils ayent à payer aujourd'huy ou ils auront
frais mardy : » car telle est la formule comminatoire ,que
nous retrouvons plusieurs fois: mardi, le dernier délai! (1)
Autres annonces à faire et indiquées en marge sont
curieuses pal' leur expression brève et rapide et les faits
auxquels elles font allusion. '
Dimanche de la Trinité 1698 : « Qui voira le loup qu'il
mande à Brézal )l, recommandations fort utiles et tout à
l'honneur des seigneurs de Brézal qui protégeaient les
troupeaux du paysan contre les attaques des carnassiers.
Dimanche de la Passion 1701 : « Ceux qui se trouvent d'icy
ailleurs qu'ils se trouvent' aussy demain à Lesneven. 1)

Le prônateur savait sûrement ce qu'il voulait indiquer dans
cette note laconique qui se rapportait à une convocation
connue de tous: nous ne savons pas les développements qu'il
put donner à cette publication. Au reste, nous nous deman­
dons si l'assignation faite à Bodilis put toucher à temps
« ceux qui se trouvaient de là ailleurs, à s'upposer qu'ils fus­
sent à Brest ou à Landerneau ou à Morlaix ou encore plus ' ,
loin.

cc 4 Dimanche des ' A vents : cc On {aira lecture des jeunes
cr garçons à l'issue de la Grande Messe de depuis vingt ans
Cl jusqu'à trente». Nous comprenons qu'il est question de la
liste des jeunes gens qui doivent tirer au sort p~ur la Milice,
pour fournir le soldat de la pamisse .
(1) Il est juste de reconnaître que ce ne fut pas une imperfection spéciale
à l'Ancien Régime. Napoléon ter chercha dans le clergé un auxiliaire pour
et provoquer la rentrée de l'Impôt. Tel ,Evêque, Comte ou Baron de
activer
l'Empire,aimait à enregistrer et à publier le satisfecit qu'il avait obtenu de
l'Empereur pôur son zèle à seconder les percepteurs,

2 Dimanche de Carême 1698: (J. Les enfants à l'école de
. Baron fera. entre 8 et 9 heures. » Cette annonce de tour­
. nure toute bretonne, est pour informer le Public de Bodilis
que M. Baron prêtre de la paroisse ouvrira les petites écoles

entre 8 et 9 heure, conformément aux mstructlOns SI pre-
cises et si pressantes de l'autorité épiscopale dans l'évêché
de Léon .
Messire Brrégar note J'autres recommandations à faire:
Ce sont les ' pauvres allxquels la publication au prône octroie
comme une sorte de patente; quelques-uns sont publiés
deux ou trois fois: « Jeanne Louménez, pauvre»; « Yves
Mézangroaz,à l'aumône» ; t( Catherine Le Bras, pauvre
et malade». 3 D. de mars 1700: « Les gens de Pierre
Floch malades '1). Reco~mandation est faite au prône des
malades de la paroisse, exemple: 2 D. de février 1699 :
« Marguerite Bizé est aux abois de la mort » •
Autres fois il y a les retraites ou exercices spirituels à faire
connaître. 58 D. de juin 1698 : « mardy, retraite à Saint-Paul
pour les femmes et filles » ; id. le 3 D. d'octobre; le 3 D.
de janvier 1699 1 D. de décembre: (c La Retraite à Mor­
laix Vendredy : » puis la tournée des Religieux ·mendiants :
D. de mai 1697 «( les pères Capucins ). : 4 D. de juin,

« les Carmes pour la Queste» 4 D. de septembre «( les
Dominiquains pour la Queste », 1698 : 1 D. de juin: ( les

religieux de Saint-Dominique «( à recommander »: 3 D.
du même mois: « les Carmes de Saint-Paul et de Brest

pour la Queste de beurre» 4 D. les Capucins pour la Queste
« enfin le 3e.D. d'août « les Religieux de Lesneven et de
Brest. D
Le Prédicateur n'est pas oublié comme nous le constatons:
Dimanche de Pâques 1702, en annotation nous lisons: «( le
Prédicateur à recommander » le 1 cr Dimanche de Mai 1699. on

annonce: Dimanche le Pardon. « Le Prédicateur questera. })

2 D. ap. Pâques 1701. « Le Prédicateur à recormnande1'
pour la queste et commencera, à Coatsabiec» sa tournée dans
la paroisse. . ,
Dans cette région où une vie intense de foi animait les
et fiers, se rendant compte de ce qu'ils
paysans industrieux
être,mettant une gran9,e
étaient et même de ce qu'ils pouvaient
part de leur orgueil dans l'état noble et majestueux de leurs

églises: dans ce Daoudour-Coatmeur si intéressant à étudier,
par les hommes et les choses, il restait rarement peu de
fonds dans la caisse de la fabrique. Vite ils allaient à Lander-,
neau, Morlaix et Saint-Pol-de-Léon, trouver leur emploi
dans uri marché o.ù rune des parties fournissait bon argent
compta'rit et trébuchant, et l'autre un chef d'œuvre de
d'une élégance et d'un classique
sculpture ou d' orfévrerie '
qui surprend aujourd'hui le touriste et l'érudit .
prônateur de Bodilis., paroisse si richement partagée

dans cette prospérité monumentale du 17e siècle, dans notre

pays, avait parfois à informer les Tréviens, sinon à exciter
leur zèle au sujet des travaux qui s'y faisaient: on pourrait le
dire sans discontinuer .

4 Dimanche de l'Avent 1699 : Annonce quelconque au
sujet de travaux « pour le 7'enable du retable et descend1'e le
CI. ciel qui en empesche la veüe? )~

Ailleurs, 18 Dimanche après la Pentecôte 1700 : « Pour
le travaill à Landerneau; ») sans doute, une entreprise dont
Fabrique
on retrouverait les traces dans les comptes de la
de Bodilis. ,

En terminant, nous retrouvons, à la date du 4 Dimanche
de Mars 1702, une note marginale que nous livrons telle que
nous la transcrivons : CI. Ce'ux qui connoissent quelques
désordres» un point, c'est tout. Au lecteur à compléter.
C'est plus ou moins une allusion au précepte: « Die.
Eccles.iœ. » Même à cette époque, il y avait tant d'occasions

de désordres ; renderie, fileries, veillées, etc., mais en
revanche, avec le principe d'autorité tant de ressources
pour les prévenir, et ~u besoin tes réprimer!
L'inspection de ce vieux cahier prônaI qui n'a pas été
rédigé pour servir à l'histoire, est peut-être d'une insignifiance
rare: ce qui en fait leprix, c'est qu'il fournit des renseigne:"
mfmts impersonnels, involontaires, presque inconscients,
sans parti-pris: et ce sont de pareils témoignages qui
servent le mieux à l'étude de l'histoire, à l'enquête ' con­

et féconde sur le temps passé.,
sciencieuse

Abbé ANTOINE FAVE .