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Bulletin SAF 1895


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Emotion populaire à Morlaix contre l’exportation du blé (Archives du Finistère)

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VIII .

ÉMOTION POPULAIRE A MORLAIX

Pour s'opposer a l"exportation du. blo..

G. 88. (Archioesdépartementales).

« Guy le Levyer, escuier, sr de Penanstang, conseiller du
Roy ,son séneschal, premier magistrat civil et crimi nel de Mor­
laix, sçavoir faisons que ce jour 3 de juin lô31, environ les
10 heures du matin, Me Almaury Jascob, escuier s t' de Ker­
jégu, const' du Roy et son procr audit siège, nous s~ l'o ient venu
trouver en nostre logis et demeurance ordinaire audit
Morlaix, et nous auroict remonstre qu'a heure présellte ilz
auroient eu advis cei'tain que le nomé Dandisolle: mnrchand

gascon,estantà présent dans cest8 ville dès les 3 à 4 heures du

matin, avoit faict l'encire tant à charge de ehevaulx qu'a
grand nombre de charrettes grande quantité de bleds daos
le havre de ceste ville quoy que soit au bord de la ripvière,
à vis de Keranroux, auprès l'estang, a dessein de les faire
charger et embarquer dans une barque y estant du port
d'environ 25 ou ' 30 tonneaux, quels ' bleds fromentz ilz
charger dans un batteau pour par
am'oient commencèz a
icelluy le transporter et faire rendre en ladite barque sans que
ledit Dandisolle ny autre personne de sa part aurüit apparu
ny faict voir aucun pouvoir ny permission de la Cour de
transport desdits bleds en sorte que desja la populace
faire le
esmeue à raison dudit transport se seroient amassée au
nombre de cinq ou s ix cents personnes tant hommes que

fem~es près et aux environs de la maison comun des habi-
, tantz auquel lieu nous avons accoustumé de nous assemblei'
aux jours de mardy et vendredy pour tenir le bureau affin

de pourvoir aux occasions des maladies contagieuses à
dessein d'y fail'e émotion populaire et d'y sacager ainsy
ql~'ils disent les plus notables habitantr, de ladite ville qui ont
accouslumer de s'y trouver, mesme auroit été advert.y que
quelques pal>ticuliers dépl'Rvés comme désespérez d'entreu~x
Ile cl'aignant Dieu, le Roy, ny la justice aUl'oient esté sy
meschunlz que d'aller convocquer les malades et suspects de
ladite maladie contagieuse estantz tant au parc au Duc
Saint-Moleine qu'en la roche de Saint-Martin, pour faire
infecter et contaminer tout le g'énéral de ladite ville ce qui
pouvoient arriver infailliblement s'il n'y est promptement et
avec grande dilig~nce pourveu requérant qu'il soit informé
d'office de la contravention faicte par ledit Dandisolle et tous
autres aux arretz de la Cour portant deffense de faire trans­
port d'aucuns bleds à peine de confiscation d'iceulx et de la
vie et empêcher le désordre qui pouroit arriver, nous ayantz
à nous transporter sur les lieux où sont lesdi.tes barques et
batteaux ou bleds deschargés,chargés et rendus sur le bord
de la rivière pour y estre chargés, pour voir l'évidençe du
raict et y pourvoir ains~ qu'il sera trouvé raisonable .
Inclinant à laqu elle requeste nous nous serions de
compagnie tl'ansportés, ayant avec nous pour adjoinct le
soubzscrit, grefiier de ceste d. court, et fait venir Me Pierre
Goutier, sergent générd et darmes en Bretaigne de l'établisse­
ment de ceste dits court,2ssisté de deux o.u trois recors jusques à
une petite touche de bois des dépendences du lieu de Mé­
chevat, respondant sur le bord de la ryvière de ceste ville,
distant de ceste ville d'environ demi quart de lieu, où nous
aurions veu une barque du port d'environ 25 ou 30 ton. dans
lequel nous aurions veu un grenier préparé et accomoder
pour receyoir du bled, dans laquelle dite barque commande
Pierre Rascaon, lequel de ce interogé nous auroit dict avoir
eu charge d'avec le dit Dandisolle d'y faire charger quelque
quantité de froment au nombre de 24 ou 25 ton. que le dit

Dandisolle y devoit faire charger ce dit jour, à laquelle fin il
nous auroit dit avoir déjà fait rendre dedans et près un batteau
estant distant de la dite barque d'environ deux ou: tl'ois cents
pas près au devant de l'estang de Keranroux, ce qu'oiant et a
le dessein d'y trouver le dit Dandisolle, nous nous serions
• acheminés vers l'endroit où l'on nous auroit dit CJu'estoit le
dit bled et batteau et estantz rendu près le dit estang nous
- aurions trouvé 4 ou 5 charrettées chargées de poches de
et autre quantité de semblahles
toile plaines de froment
poches etespecze de bled des dits sacs hors des dites -charrettes
près d'un batteau et sur ce que nous aurions raict au dit
Goutier faire perquisition de la personne du dit. Dandisolle
et du subject de la cargaison qu'il faisoit des dits bleds nous
auroict esté dict par grand nombre de personnes est.antz en
troupe près et à la garde des dits bleds, que la damoiselle de
la Bouessière leur avoitcornmandé de faire rendre sur les dits
lieux les dits froment pour iceulx délivrer au dit Dandisolle
et les charger dans la dit bal'que et que le sr des Estamgs y
estant, assisté des srs de Kergl'en et Kerlosquant, ses
fl'ères, de nobles gens, Fiacre Perrot, Bolland de Kermellec,
d'Yvon Le Joyeulx, Mai'c Morvan, Yvon Nonès, ct quelques
autres, armés d'arquebuzes à mesches carabines et pistoletz '
et espées, avoient la charge de recepvoir et tenir compte du
dit bled, iceluy fail'e embarquer pour le dit Dand isolle; nous
nous ser:ons adressés aux dits susnommés qui nOliS auraient
immédiatement dict que le dit Dandisolle portait. pouvoir et
permission dite la court de faire la dicte cargaison , et s'estre
rendus sur les lieux à sa prière et requeste pour faire la dite
cargaison et tenir la main forte pour icelle faci] iter et pour
empêcher la discorde que l'esmotion populaire y. pouvait
aporter, nous aurions faict aller un des assistants en ville
trouver le dit Dandisolle pour le faire voir monstrer et
apparoir le dit arrêt de la court et pouvoir qu'il disojt avoir
pour faire la dite cargaison, et ce pendant nous serions

montés en un tertre ou montée conduisant à la maison de
Keranroux et après avoir environ une heure et demie
0)1 deux heures attendu, tant auprès de la chapelle de la dite
maison de Keranroux que dans la dite maison, . distant de
terre du dit batteau d'environ 2 ou 300 pas, le dit homme
retourné nous trouver avecq une lettre à nous adressanté
signée Dandisolle, qui les 110us auroict attesté de son
escript et signé, par laquelle il nous ' avoit mandé qu'estant
en chemin pour nous venir trouver, il auroict esté attaqué
soubz les porches (1) pal' u.n las de quanailles avec des pierres
et qu'il am'oit esté contreint de se sauver au plustôt. en
sorte qu'il nous. avoit prié de le vouloir excuser s'il ne
pouvait nous venir trouver, s'assurant que nostre présénce
pouvoit empescher que son bien ne luy eu st esté hosté.
Et ayant apris par le porteur de la dite lettre que le toxin
sonnoit aux églises de Saint-l\1eleine et de N.-D. du Mur de
ceste · ville, et que la populace faisoit un gros amas de per­
sonnes armées pour venir faire l'emport par violence des
dits bleds, battI'e et excéder indiférament tous ceulz quilz y
eussent rencontrés, pour éviter à la furie du peuple que nous

prévoiions ne pouvoir arrester, esloignés de la . ville sans
.aucune armes ny assIstance, n ayants que nos manteaux
longs et soustanes, nous nous serions retirés dans le bourg
de Ploujean, distant d'environ demie lieue, ou nous aurions
prins ilOtre reffection et incontinent nous aurions esté ad-
vertis par aucuns des gens estantz devancez près les dits
bateaux et barque que la populace arrivait avec port d'armes
pour dépréder les dits barque et batteau et emport.er tous et
chacuns le froment taut chargés en icelluy que a charger,
nous aurions fait partir en diligence Yan Keryvot pour aller
trouver le sr de Beauregard, lieutenant po nI' le sr comte de
Boiséon, gouverneur pour le Roy des ville et chasteau de
{I) C'est-à-di re sous les lance~ du quai de Tréguier.

MOJ'laix pour nous venir faire escorte et nous assister, accom­
pagné du général des habitants, pOUl' .nous rendre en la dite
"i11e de Morlaix, lequel retourné nous trouver au dit bourg
Ploueian avec une lettre à nous adressante: eseripte et signée
res
du dit sr de Beauregard: dattée de ce dit jour, environ 2 h
de l'après-midi par laquelle il nous mande que nous apran­
drons par le dit porteur l'estat des choses et nous auroict dit
quïl ne fauIt attendre aucune assistance des habitants et
qu'il ks aurait. esté tl'ouver et qu'ils l'ont mal satisfait 'au
moins pa die d'iceulx et que nous eussions à nous conduire
selon nostre prudence accoustumee et que particulièrement
le dit porteur nous auroit de bouche fait entendre qu'il auroit

trouyé le nombre de plus de 5 ou 600 personnes Remées qui
Rllaieut Yel'S le dit vaisseau en intention d'y ravager tous
cenIx qu'ils eussent trouvés et qu'ils se fussent opposés au
transport qu'il desseignait faire des dits bleds .
Nous pour éviter fi la. rencontre dudit peuple et au danger
de nos pel'sonnes nons nous serions détournés du cheminordi­
naire et par des chemins extraordinaires et détourné ache­
miné vers ladite ville pour tacher à empecher ou en tout cas
faire cesser lad. émotion populaire ou nous serions arrivés
ou estanz rendus environ les 3 heures 1/2 de l'après-midi,
nous aUl'ions de tout ce que dessus rédigé le présent nostre .
procès-verbal soubz nostre signe celluy desd. sr procl' du
Roy dudit Goutier et de nOSle8 adjoinct lesd. jour et an que
devant.
Signé: Guy le Levyer et Almaury Jascob, Jaèques le
Cordier, greffier: Goutier, généea1.