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Bulletin SAF 1891


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Un vieux cantique sur Sainte-Anne-d’Auray

E. Ernault

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UN VIEUX CANTI UE SUR SAIN1 E-ANNlr D'AURAY (1 )
Ce curieux cantique, contemporain de la découverte de
la statue de Sainte-Anne,près d'Auray,est tiré d'un opuscule
en prose bretonne, imprimé en l'année 1628, à 1\IIorlaix, 'pal'
Georges Allienne, sous le titre de Doctrinal al' Christenien
(un vol. in-12), traduit du catéchisme de Bellarmin. (Voir le
Bulletin de la Société des Bibliophiles bretons. Nantes, 1890,
p. 48). Les autres pièces bretonnes, rimées et notées, sont
les suivantes : ,

P. 19:..23. Cantic spirituel var ar Symbol.

P. 51-54 ....... Var ar Pater ha var an Ave-Maria.
P. 81-83. ", ... Var a1" Gourc'hemenno'Lt Doué hac an Ilis.

P. 117-120 ....... Voar an Œuvrou à trugarez corporel ha
spirituel.
P. 123-126. Un Dialog entré an JEl hac ar Pec'heuzr.
P. 127-129. Canticq spiritvel var ar Seiz Sacranwnt .
P. 138-142. Un Dialog etre un Ené daunet hac ur CofesseuJ'.
P. 148-152. Canticq spiritvel var ar Passion a Jésus.
P. 153-156. Peuvar canticq spirituel var ar Pevar fin di-veza
eux an den .

(1) Document communiqué à la Société archéologique du Finistère pal'
M. Emile Ernault, séance du 29 janvier 1891, et reproduit dans les
Annales de Sainte-Anne (n° 9, mars 1891). L'éminent philologue s'est
à une note sur le rythme du cantique, se réservant d'exposer et
borné
d'analyser la langue au courant de -son Glossaire moyen brelon. sous
presse, qui complète et rectifie son lJic'ionnlJ,i1'e étymologique qui a
"obtenu le grand prix Volney.

p. 156-159. Canticq spiritvel var a?" baTn diveza.
p. 160-162 ....... Voar al" Poaniou eux an IffeTn..
p. 163-165. , .... :. Var aT Ioaiou etlX ar Barados.
p. 170-174 ....... Voar an Inconstonz eus ar bet.
C'est à la page 166 qu on lit le Canticq spirit'Del ha devot
en eno?" d'an ltron Santés Anna, ici reproduit avec le fac-
simile de l'air en plain-chant et son annotation moderne.
L'original porte la rubrique bretonne var an ton-ma., et
l'épigraphe latine : Just01~um semita quasi lux splendens
procedit et crescit usque ad perfectum diem.

1. Chetu er fin hanterinet
Ma desirou, ha ma souhet,
Pel à so à pa gorteunn (1),
Ar Speret Santel d'am queleun (2) .
2. Ma. deuzie pep rout d'em souten,
Da conduy pep tu ma pluen,
Ma grasenn haznat eclaty
gloar eus à Mam Mary
3. E corn ur lann é Kanna, (3)
Eux nevez cafet à creda,
Un tensor hac à enoro
Hon Breiz-isel : c'huy a guelo.
4. Sur ganet (l1:) Doué ezeo avoüet,
Ar canton eux ar Bretonnet,
à yoa cuset,
Rac é vertuz
So dezo prest manifestet.
5. Un den guir à voe inspiret,
En nos pa zedo reposet,
A creis é hun voe dihunet.
Da ur carg' bras è voe choaset.
6. Gant hon guir Mam Santes Anna
Evit dezy edifia
Ur chapel, à yoa revelet
Da laboureur en é speret.
7. En é ty ur sclerien bras,
A penn teir guez à discuezas ,
Ma voe é pep guis ravisset,
A pep santimant suspandet.

(I} Lisez gortoenn.
(2) Lisez uelenn.
(3) Lisez eranna.
(4) Lis. gant.

1. Voilà exaucés enfin
et mon soühait :
Mes désirs
. Il Y a longtemps que j'attendais
Que l'Esprit-Saint m'instruisît ;

2. Qu'il m'aidât de toute façon
A conduire partout ma plume ;
Pour faire clairement éclater
La gloire de la mère de Marie.
3. · Au coin d'uue lande, à Keranna,
On vient de trouver, je le crois,
Un trésor qui honorera
Notre Basse-Bretagne : vous verrez .
l1. Assurément il est béni de Dieu,

Le pays des Bretons,
Car sa puissance cachée
S'est tout à coup manifestée à eux.
5. Un brave homme fut inspiré
La nuit, comme il reposait :
Eveillé de son sommeil,
Il fut choisi pour une grande mission,
6. Par notre vraie mère sainte Anne,
Pour lui édifier
Une chapelle: c'est là la vision
Qu'eut l'esprit du laboureur.
7. Dans sa maison une grande lumière
Se montra par trois foi~ ,
Si bien qu'il fut entièrement ravi
Et perdit tout sentiment.

8. En nos var lare'h é voe' guerchet (1)

E ameseyen à Guenet,
Da rey testeny confiet,
Eux al' pez à yoa c'hoarvezet.
9. Na oant pevar bloaz varnuguent
A pep hent hon eux ententet,
A yoa à pay oa goloet
An Imaich ha nedoa flachet .
10. E pep fύon d'al' Bretonnet,
Carantez he deux discusset. (2)
Dré al' Miraclou dezraouet,
So certen é quichen Guenet .

11. Quement gant fach so outraget,
Gant nep souci melconiet,

Quement gant poan à so doaniet~
En ho drem à receo remet.
bet certen surprenet
12. Cals so
Gant al' maruuien, (3) ha tremenet,
Mais dezy prest pazint goestlet,

Ezint isquit ressuscitet .
1.3. Nep so dre soulbach à pec'het,
Nagant nep proces encreset,
So sur (gant rœ80n) da gonnit,
Gant caout esper en é merit.
14. Pa ve al' pec'hezr quen miserabl,
Mave dreist natur incurabl,
(Gant eauout e'hoant den em amant y) .
Evezo contant great gant y .

(1) Lis. querc'het.
(2) Lis. discuezet.
(3) Lis. rnaruu ien.

8. La nuit suivante. on fit chercher
Ses voisins de Vannes,
Appelés à rendre témoignage

De ce qni était arrivé.
U. Neuf cent quatre-vingts ans,
Nous l'avons entendu de tous,
S'étaient écoulés, depuis que, cachée.
n'avait point changé de place.
L'imag'e

De toute manière, aux Bretons
Elle a montré de l'amour,

Par les miracles certains •
Qui ont commencé près de Vannes.
11. Tous ceux que la violence a outragés,
Ou que tourmente un souci;
Tous ceux que la douleur affiige,
Reçoivent aussitôt du soulagement.
12. Bien des gens ont été saisis
Par la froide mort, et sont trépassés ,
une fois voués à elle,
Qui,
Sont promptement revenus à la vie.
13. Tous ceux qui par la charge lourde du péché
Ou par. quelque procès sont inquiétés,
Sont sûrs, s'ils ont le bon-droit, de gagner,
Lorsqu'ils ont confiance en ses mérites .
14. Quand le pécheur serait assez misérable
Pour être incurable plus qu'on ne l'est d'ordinaü'e,
S'il a le désir de s'amender
Elle le rendra heureux .

15. Mar deux important nep andret,
gant azraoüant tourmantet,
D'en
Mar deux nep daIel avé ho.uallet,
N a mut na bouzart glac'haret
16. Na nep den en fin ruinet,
Dre nep destin inopinet,
gant fortuniou ,
Mar deux nicun
Dre nec'hamanchou cavaouet

17. Mar deux souden varzu Guenet
Dre devotion da monet,
Evizint quent flach soulaget,
dre é amour sicouret.

18. Mar ho heu x clevet el' bet-man,
N a gant nep poan mal' douch goanet,
ha commun guitibunan,
Nobl
bras na bian na manet.
19. Na dey hep brut d'é saludy,
amser hep differy,
E pep
bepret d'o remedy,
Ma duy
E pep canton dious melcony
20. E pep guis e deux puissanç
Da rey d'ann pobl ha da Noblanç,
Eux à pep clevet remedou

Dre al' moyen oh (1) pedennou.
21. He lUis a so remplis set
A pep seurt guis eo garnisset,
tro goloet,
A vœu noue
Dy à pep pIaç so digaçet.
(1) Lisez probablement he: j'ai traduit d'après cette correcion .

15. S'il Y a quelque part un cas grave,
Un homme tourmenté du démon;
S'il Y a un aveugle infirme,
Un muet, un sourd, un affligé,

16. Ou quelqu'un enfin qui soit ruiné
Par un accident imprévu,
y a quelqu'un que l'infortune,
S'il
Les chagrins accablent,

17. Et qu'il ait vers Vannes
d'aller par dévotion,
L'idée
Ceux-là ieront, avant de bouger, soulagés,
Et secourus par son amour .
18. Si vous avez une maladie quelconque,
Si vous êtes génés par quelque peine,
Nobles et vilains, tous,
Petits et grands, que nul ne manque

19. D'aller humblement la saluer,
En tout temps, sans délai,

Pour qu'elle les guérisse toujours,
En chaque canton, de leurs maux.
20. Elle a toute puissance .
Pour donner au peuple et à la noblesse
pour chaque maladie,
Des remèdes
Par le moyen de ses prières .
21. Son église est remplie,
est garnie entièrement,
Elle
Couverte tout autour d'ex-voto .

Qu'on y a portés de -:-'outes parts.

Tut é pep mis 0 languissa,
Hep nerx gant derzien ô Cl'enu, .
A deu gant 1id da visita, .
het an 1ann Santes Anna.
2:~ . Dious Angers, pep bloas, à Roason
, Ha dious pep canton ô donet,
d'é guelet,
Varzu é chapel
Ho guelac'h hac y marnec'het .

Mais pa retOl'nont d'o contré,
gloc'har (1) ne gouzont doaré,
A nep
011 ezeont laouen, hep penet,
Rac goude neac'h ho deux yec'het . .
25. Eux à Léon an tud honest,
ha modest,
An re so devot

A ya à fouI dy da goulen,
Mavent gret stanc (2) diouz pep anquen.

Rac-se seder é prosperont,
Graç Doué sur ar goualc'h é dalchont,
Rac à pep estlam int lammet,
Ha diouz pep tOUl'mant goüarantet .
27 . Bras eo he gallout don souten ,
puissanç da avanç den:
Diouz pep saouzan ha pep anuy.

Dreist pep esper don libery.
28. D'an tut a enor favorabl,
Pep amzer d'an re miserabl.
Da pep pec'hezr ha pec'hézres,
haznad Advocades.
Ezeo

(1) Lis. glac'har.
(2) Lis. probablement {tanc.

22. Chaque mois, des gens qui languissent,
Sans force, tremblant la fièvre,
Viennent solennellement rendre visite
Tout le long de la lande, à Sainte-Anne.
23. Chaque année, d'Angers, de Rennes ,
De tout canton ils viennent
Vers sa chapell~, la visiter ;
On les voit passer, chargés d'angoisse.
'2l1. Mais quand ils retournent dans leur pays
Ils ne sentent plus aucune douleur:
Tous sont joyeux, exempts de peine.
Et après la souffrance, pleins de santé.
braves gens,
25. De Léon, les
Ceux qui sont dévots et humbles

Vont là en foule pour demander

A être délivrés de tout chagrin.

Aussi prospèrent-ils bien;

Ils gardent sûrement la gr~ce de Dieu .
Car ils sont tirés de toute crainte

Et garantis de tout tourment.

Grand est. son pouvoir pour nous aider ,
Sa puissance pour délivrer les hommes
De toute épouvante et de tout ennui,
Pour nous sauver d'une façon inespérée.
Favorable aux gens d'honneur)
Toujours pour les misérables,

Pour chaque pécheur et pécheresse
Elle se montre leur avocate .

29. Mar dit d' é Chapel c 'huy velo
Penaos an divez ho bezo,
Goudé pep regret er bet-man ,
En Barados ho reposuan,

Rac-se pobl à pep Escopty,

Bezit c'hoantec hep dieguy ,
deffI·y ho suplian
Breman
ty hep fazi~n,
Da mont d'é
Evit bepret ma impetro,
Dre he peden ma obteno,
Ous Jesus pa oc'h excuso
,0 11 trugarez ma ho bezo.
Amen.

- - S'; "~JIe."" ....

Si vous allez à sa chapelle vous verrez

aurez à la tin, "
Que vous

Après tous les soucis de ce monde,
Votre repos au paradis.
30. Aussi, habitants de chaque diocèse,

Soyez zélés, sans défaillance,

.le vous en supplie ayec instance .
A venir chez elle fidèlemen t.

31. Afin qu'elle réussisse toujours, "
A obtenir par sa prière,
Quand elle vous excusera auprès de Jésus ,
Que vous receviez toute miséricorde.

Amen.

REMARQUES SUR LA VEllSIFICATION.
Les couplets de ce cantique sont généralement des qua­
trains. Les vers riment deux à deux, et chacun a en outre
une rime intérieure, écho de son avant-dernière syllabe.
Mais la rime finale qu'on attendrait, strophe 9, ligne 1,
devient une rime intérieure; cette ligne n'est plus qu'un
hémistiche que complète la ligne suivante, et le couplet est
en réalité un tercet, avec trois rimes finales. Il en est de même .
pour la strophe 23. Dans la strophe 16, ce sont les deux
derniers vers qui s'associent pour n'en faire qu'un. Enfin la
strophe 18 réunit les particularités spéciales aux strophes 9
et 16: ces quatre lignes ne forment qu'un distique.
EMILE ERNAULT .