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LA SEIGNEURIE DE KERHORLAY ET SES PRÉÉMINENCES
par M. l'abbé EUZENOT.
Dans mes précédentes études sur Guidel (Guidel, Notes
archéologiques; Guidel et ses antiquités), je m'étais borné à
mentionner le nom de la famille qui a possédé, pendant
plusieurs siècles, la seigneurie de Kerhorlay, et les préémi
appartenaient dans l'église paroissiale et la
nences qui lui
chapelle de Saint-Laurent. Depuis la publication de ces
nombreux et intéressants ont
mémoires, des documents
passé entre mes mains; l'analyse de quelques-unes de ces
permettra d'établir la liste des droits honorifiques
pièçes
par la maison du Vergier et de rapporter les
réclamés
contestations dont ils furent l'objet.
Le 14 mars 1680, écuyer Jacques du Vergier comparaît
par-devant maîtres Robin et Lemarhadour, notaires royaux
la sénéchaussée d'Hennebont, pour rendre aveu au roi de
sa terre et ~eigneurie - de Kerhorlay et dépendances. -Il
déclare « les tenir et posséder prochement et noblement,
la censive et mouvance de Sa Majesté, à cause dudit
sous
domaine d'Hennebont. » Il est héritier principal de Gilles,
avait reçu le domaine de KeI'horlay de Nicolas,
son père, qui
à Louis, son bisaïeul, cette
son aïeul, lequel avait succédé
seigneurie appartenant à sa famille de temps immémorial. Il
n'a pas connaissance qu'il soit dù aucune rente à Sa Majesté,
« fors tenir ces biens sous le fief et domaine d'Hennebont. à
devoir de foi, hommage, rachat et ventes et lods, quand le
cas y échoit. » Enfin, il déclare « que ses autres terres et
héritages en la paroisse de Guidel sont situés au fief de la
La Rochemoisan, sous la dame princesse de
juridiction de
les tient en première juveigneurie,
Guemené, de laquelle il
héritages ci-dessus faisant une partie -du partage de
les
ladite juveigneurie. » Ces derniers termes demandent quelque
explication. ' .
Outre le manoir de Kerhorlay et ses dépendances immé-
diates, qui sont l'objet de l'aveu précédent, la famille du
Vergier, d'après une déclaration du 3 mai 1619, possédait
diverses propriétés sur les paroisses de: Guidel, Quéven,
Plœmeur. De plus, le 6 août 1655, Renée
Arzano, Inguiniel,
veuve de Gilles du Vergier, avait achetê de Gilles du
Riou,
Pérenno et de Claude de Cocennec, seigneur et dame de
terres. situées dans Redéné, Moëlan, Clohars et
Kerduel, des
pour lesquelles la clause suivante
plusieurs tenues en Guidel,
contrat: « lesquels droits, thenues et convenants
figure au
ladite dame de Querhorlay rellevvera de telle seigneurie qui
estre debvra, attendu la contestaon entre le Seigf' prince du
Guemené et le Seig de La Sauldraye (de Jacquelot de la
Motte), icelle contestaon entre estant pandante aux requestes
du Pallais à Rennes ... » Je ne connais pas l'issue de ce
il est probable qu'il fut jugé en faveur du prince
procès, mais
En effet, le fils de . Henée Riou affirmait, en
de Guemené.
1680, tenir ses terres de Guidel sous la principauté ·de
Guemené en première juveigneurie. En outre, le 11 janvier
1672, à « l'audience de la court et juridiction de La Sauldraye
tenue au bourg de Guydel » par le sénéchal de La Roche
moisan, écuyer Jacques du Vergier était condamné à -payer
au procureur fiscal demandeur des droits de rachat et à lui
communiquer les contrats d'acquisition. Cette instance '
par la maison de La Sauldraye explique peut-êtl'e
soutenue
l'opposition faite à l'exercice de droits prétendus par les
seigneurs de Kerhorlay.
Dam~ Isabeau de Keriaquel, ve_~ve de messire L'Ouis du
Vergier, exposa, en s'On n'Orp et ç'Omme tutrice de leurs
enfants,. que la mais'On de Kerhorlay est en p'Ossessi'On, d~
temps imméqlOrial, d'av'Oir droit ~'enfeu, escabeau 'Ou chaise
à açcoudoir prohibitifs à t'Ous, en l'église de la paroisse de
Guidel, du côté de l'épître, près le . pilier où est l'autel, et
prér'Ogatiye de mettr-e 'Qne lisière aux arme~ de ladite maison
côté et écuss'On dans la p.rincipale vitr~ de l'église.
du même
Ces marques d'honn~ur . avaient · été, depuis peu de temps,
dit-on, r'Ompues et détruites. Des lettres de réintégrande,
faisan~ droit complètement à tOl..ltes les demançles d~ dam,e
Isabeau de Keriaq.uel, furellt acc'Ordées, à Nante,s, le 6
n'Om de « Charles, par la gr.âce de Pieu,
novembre 1593, au
roy de France ... , de notre règne le cinquième. » Cette pièce
curieuse: do~née, en 1593, au nom de Charles X,
est
proclamé en 1589 et décédé le 8mai de l'année suivante, elle
co~stituerait comme un acte de royauté posth~me, à ~oins
que le second cardinal de B'Ourbon, qui, succéda à son oncle
et fut, peu après, enfermé à Gaill'On J>ar Henri IV, ne
continuât encor~, aux yeux de quelques-uns, le premier roi
la Ligue. . .
Ces lettr~s de réintégrande 'ne dureni pas ètre suivies d'un
grand effet., puisqu,e, dans les années .suiva.ntes, la . famille
réclamait de nouve. uses. dr'Oits. En vertu d'un arrêt de la
Chambre des comptes de Bretagne, du 27 janyier 1624, L'Ouis
du Perenno, sieur de Penyern et sép~chal d'Hennebont, se
rend à Guidel, l~ 2 mai ~634, .pour dres.ser, à la r~quête de
Nicolas du Vergier, procès-verbal qes tombes, esçabeaux,
~cc'O'Qdoirs, arm'Oiries et autres marques d'h'Onneur prétendll:s
par lui, dans sqn aveu du 3 mai 161~, : e~ l'église paroissiale
et, à la chapelle de Saint-Laurent. pu Vergi~r m~)lltra . ~u
sénéchal, dans l'église: « un banc à accçmdoue,r qui e~t B;u
BVLLETIN-ARcm~OL. DÛ FINISTÈRE. TOME XVIII. (Mémoir~s ) . 5
chœur ou chance au de ladite église joignant le premier
pillier près le hault auteL .. , du costé de l'espître; sur
l'acoudouer dudit banc ... un escusson chargé de deux bandes
verrées de six pièces sans blason ; lequel escusson ledit
a dit estre les armes de la maison
sieur de Kerhorlay nous
du Vergier de Kerhorlay. Et souls ledit banc avons veu une
pierre tumballe sur laquelle il n'y a aucune gravure. Et au
proche et joignant d'icelle tumbe y en a une autre qui joint une
à acoudouer que ledit du Vergier
pierre tumballe et un banc
. nous a dit estre le . banc de la Seigneurie de la Sauldraye
Guidel, appartenant · au sieur de la Villefresgou. )) Des
·témoins certifient « que de leur cognoissance ils ont veu ledit
banc estre de la maison et manoir de Kerhorlay et y avoir
veu les père et mère dudit du Vergier et ceux de leur maison
se mettre et placer audit banc et sur lesdites tumbes sans
aucun empeschement de personne; et ont dit avoir veu
enterrer les corps des père et mère dudit du Vergier dans
la première femme et deux des enfants dùdit
lesdites tumbes,
du Vergier, aussi sans empeschement d'aucune personne et
enterrer autres personnes dans lesdites tumbes ...
n'avoir veu
Et nous a. dit ledit du Vergier n'avoir aucunes armes dans
grande vitre de ladite église .ny en icelle. ))
Cette dernière remarque montre que, si la maison de
prétendre à un écusson dans la vitre du
Kerhorlay pouvait
chœur, suivant l'affirmation d'Isabeau de Keryaquel, il
avait pas été fait droit jusqu'alors. Les mêmes lettres de 1593
reconnaissaient la faculté de placer une lisière avec armoiries
du -côté de l'épître; éette prérogative n'était pas encore
observée en ' 1642. En effet, le 22 juillet de cette année,
'Jacques de Lentivy, sénéchal d'Bennebont, se trouve au
La Sauldraye, pour faire, à la demande d'écuyer
manoir de
François de Lesquen, tuteur des enfants de feu le sieur de !H.
Villefresgou, procès-verbal des réparations nécessaires à ce
et ' des droits honorifiques possédés par .la famille .
château
Or, dit l'enquêteur, cc avons veu deux antiennes lizières
Pl.enant depuis la grande viltre tout autour du chœur
jusqu'aux derniers pilliers du clocher proche du crucifix, où
paroissent encore en plusieurs endroit.s les bezants, armes
de ladite maison de La Sauldraye. » Des témoins affirment
ces lizières ' sont de La Sauldraye et que cc quelques
que
autres gentilzhommes ayant voulu mettre lizières au dessoubz
de celles de La Sauldraye, elles ont toujours été 'à l'instant
effacées. » ,
En 1634, Nicolas du Vergier ne connaissait aucune pièce
à ses armes dans la grande vitre de l'église paroissiale. Il
est plus de même en 1679, Le 14 mai de cette année,
n'en
Robin et Caradec Foucault, notaires royaux et t.abel-
Alain
jurés 'en la sénéchaussée d'Hennebont, ' se rendent à
. lions
Guidel, à la requête de messire Jacques du Vergier. Celui -ci
leur montre que cc la grande viltre du maistre authel de
esglise paroissiale menace ruine tottale et de tomber
ladite
par terre en breff temps par caducité et long espace ... Il est
vray et certain, disent les notaires, et nous a ledit seigneur
de Kerhorlay montré et avons veu qu'en ladite grande viltre
dudit maistre authel il y a plusieurs figures et armoiryes
paintes en diverses coulleurs, au haut de laquelle sont trois
fleurs de lys d'or en champ d'azur et plus .bas deux ééussons'
à cothé en chacun desquelz il y a neuff macles, et un
cothé
peu audessoubz du cothé de l'évangille y a neuff besan d'Ol'
en champ de gueulle et tout au bas de ladite viltre du costé
l'épistr.e ... il' nous a montré et avons veue un écusson
armoryé d'un lion rampan de gueulle' a champ d'asur et en
alliance avec sjx besan lequel nous a dit · estre les armes
antiennes de la maison de Kerhorlay en alliance avec ceux
de Malestroit., . lequel écusson est fandue en quelques
endroitz par le long espace de temps" . » 1
, Je n'ai pas remarqué qu'aucune contestation se soit élevée
sujet de la chapelle de Saint-Laurent, Le procès-verbal
de 1634 s'exprime ainsi: « la chapelle fondée de Monsieur
Saint Lorens est dépendante de la maison de Kerhorlay ...
avons veu un écusson en la ' viltre du hault auteL.. ledit
écusson écartelé, portant au premier quartier du cheff d'azur
à un lion d'or, le deuxiesme en cheff de gueulle à troys
. fasces d'or, le troisiesme de iable à trois beiantz d'argent,
et le qu.atriesme d'argent à quatre macles de· gueulle. Et
nous a ledit sieur de Kerhorlay représenté lesdits escusson
et armes estre les anxiennes armes de ladite maison de
» Le procès-verbal de 1679 dit la même chose
Querhorlay.
en d·autres termes: « Ledit Seig de Kerhorlay nous a
montré et avons veu en la viltre du grand authel au pignon
vers le levant un seul escussùn escartellé portant au premier
rampant à champ d'asur, le second audessoubz
quartier un lion
y a trois bezantz mis sur champ, dans le mesme escusson y
a trois bandes (Lire: fasces) d'or à champ de gueulle et au
dessous quatre macle de gueulle à champ d'argent. Du
Vergier mène ensuite les notaires au manoir de Kerhorlay,
« deux grands écussons en relieff et en pierre
où ils voient
sur l'antré et au dessus de la porte principale, le plus haut
desquelz écusson y a un lion rampant avec des besan au
nombre de huict le tout porté par un chérubin avec un écritau
èn l~ttres gotticqs. Et l'autre écusson audessoulz escartelé
portant au premier quartier :un lion rampant. L'autre audes
» Le document indique ensuite, en langage
soubz des besans.
peu intelligible, que les deux autres pièces portent soit des
fasces, soit des bandes avec des molettes. ' .
III.
En résumé, le droit d'enfeu et du banc à accoudoir, dans
n'a jamais été, selon toute apparence,
l'église de Guidel,
contesté à la famille du Vergier; il n'en est pas de même
des autres prérogatives qu'elle réclamait. Le pouvoir de
sur les -latéraux du cqœur ne lui a .pas
peindre ·ses armes
été reconnu: la maison de La Sauldraye, qui pos~~d~it les
est toujour~ opposée. Reste la
premières prééminences, s'y
question de l'écu blasonné dans la fenêtre du chevet. Les
armes de Kerhorlay portaient de gueules à d~ux bandes de
vair : comme le dit le procès-verbal d'enquête de ~634,
« l'écusson -de l'accoudouer était chargB de d~ux bandes
verrées de six pièces ». Ces armoiries n'étaient pas inscrites
dans la verrière; Nicolas du Vergier l~ dit formellement et
il n'y a plus à s'en occuper. Il ne saurait donc y avoir de
doute qu'au sujet des al}ci~nnes ar~oiries de la seigneurie.
Il est certain que, à 'une époque et 'pour des çaus~s .que
j'ignore, le blason primitif de Kerhorlay avait été modi~é.
Les armes figurées à Saint-Laurent et sur la porte du
château sont identtques, sauf des var~antes q!l'il est juste
d'attribuer à l'ignorance des tabellions qui les décrivaient.
Mais existaient-elles réellement dans la verrière ~e l'église
paroissiale? Les lettres de réintégranq.e, qui font droit à la
requête d'Isabeau de Keriaquel, mentionnent bien la « pr.é
rogative de mettre ... un écusson dans la principale vitre de
église». Mais ce document ne paraît guèr~ devoir être
qu'à titre de renseignement, son origine ne lui dOI~'"
utilisé
nant pas un caractère d'authenticité suffisante ; d'ailleurs;
le droit d'avoir « une lisière aux ' armes de ladite maison,
du côté de l'épître, » y est également indiqué et n'a jamais
En outre; il serait étrange que, si l'ancien
été observé.
écusson de Kerhorlay était figuré dans le vitrail, Nicolas
du Vergier ne le connût pas et ne le signalât pas. Cepen
dant, à quarante-cinq ans d'intervalle, son petit-fils, Jacques ,
le retrouve et le montre à ses notaires, et, pour donner plus
de poids à sa réclamation, il fait remarquer que u. la grande
viltre du maistre authel menace ruine tottale », et que
« l'écusson est fandue en quelqS endroitz par le long espace
de temps». A ses yeux donc, l'insertion de ces armoiries à
côté de celles de France, de Guémené et de La Sauldraye
devait être rapportée à une époque bien ancienne. L;:t com-
paraison des pièces des différents écus ne supprime pas la
difficulté. Dans la fenêtre de Saint-Laurent, je trouve :
écartelé au 1 d'azur à un lion d'or, au 2 de gueules à
trois fasces d'or, au 3 de sable à trois besans d'argent, au
4 d'argent à quatre macles de gueules. Dans l'église parois-
s iale, au contraire, l'écu porte simplement d'azur au lion
rampant de gl!-eules. Il est inutile de constater le peu de
correction de cet écu qui reçoit couleur sur couleur; peut
être le rédacteur a-t-il, par erreur, substitué les gueules à
l'or. En outre, il est dit que ces armoiries SOlit en alliance
avec six besans qui constitueraient le blason de Malestroit;
mais, si je ne me trompe, Malestroit portait de gueules à neuf
besans d'or, anciennement sans nombre. En tout état, mes
documents ne me permettent pas d'affirmer absolument que
la maison du Vergier avait droit à un écusson dans la fenêtre
principale de lég'lise. Au siècle suivant, il fut mis fin' à
toutes ces contestations par l'achat des terres, fief et sei
gneurie de La Sauldraye par le prince de Guemené et la
construction: à l'endroit où était la verrière, d'un mur plein
séparant le chœur de la sacristie.