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Bulletin SAF 1890


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Le couvent de Saint-François de Quimper

M. Trévédy

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tE COUVENT DE SAINT-~FRAN OIS
n E Q {j Dl P I~ 1\
PAR M. TRÉvt~DY.
Fondation du couvent (XI W siècle).
L'è\'êqlle H.ainaud (Renand, ,Regnault, Raynaldus, Renal­
ou Rainulphns) (1219-1 2-15), est le fondateul' de la
dus
-catbédrale de Quimpel" dont il a commencé le chœlH. C'est
llH aussi qui a construit au rou\'ent de ,Saint-FI'ançois ce
cloître ~légant et cette belle église que la ville de Quimper n'a
pas su consel'ver.
Si l'évêque Hainauc\ , avait recherchè sa propre gloire, il
aurait manqué le but: rien ne rappelle sa mémoir'e dans la
cathédrale, Ott il n'ellt pas sa t.ombe; et 'le titre de fondateur'
de Saint-François lui a été dénié de nos jours.
du couvent
démenti donné à la tradition constante des frères
mineurs, repose sur la1ecitation répétée avec trop de confiance

depuis deux cent cinquante ans, et dont il faut enfin délliontrer
l'inexactitude.
C'est une très petIte pell1e que vérifiel' un texte, c'est un
le substituer à la copie défectueuse, mais
• mince mérite que
tl'ès vif plaisir que voir enfin l:l \'érité, et, quand on
c'est un
l'a vue, c'est un devoir de la mettre en lumière.
faire resplendir' ! Deux fuis déjà fai touché '
Pllissé-je enfin la
fI la question cie fondation du cou vent de Saint- François;
d'abOl'cl dans une étude SUI' les Nécrologes des COI'c1eliers
(1884), puis dans une Notice sur' Jean Bealljouan, histo­
dn couvent (1885) (1).
riographe
(1) Bull. de la Société ar·chéol. du Finistère, 1884, XI, 'le partie, p. '2J. ,,'
1885, XII, 'le pal'tie, p. 27.

Dans l(~ pl'ellliel' opuscule, je faisais d'expresses l'ésel'ves
ju squ'à plus ample informé, en ce ql1i conceme la fondation
atll"ibllée au b:ll'on de Pont. (11 Dans le second, je repolIssais
absolument les 1itl'es du bal'Oll et j'annonçais une étude com-
piète de la question. C'est cette étude qui va suivre,
Le COti vent de Saint-Ft'ançois de Quimpel' a été la premièee
mai::;on de 1.;" '[tl1riscaÎns fondée en Bl'elagne (2). Les libéralités
~eigllelll':-; de COl'llouaille permlr'ent. de bâtit' le cloitre et
des
l'élégante église que le c1emier siècle a saccagés et que le siècle
pl'ésAnt a dét.l'UI1.s. Le ('ouvent de Saint-,François devint conllue

le Saint-Denis de la noblesse de Basse-Bretagne, Des vicomtes
dl! Faoll, de" bal'ons de Pont (:'abbé), des sienr's de Rosmadee,
du .J1l(:h, de Nevet, de Lezongar, de Plœuc, de Poulmic, cie
Quélen, du CIté1stel , d'autres enCOl'e, apl'ès avoir guerroyé
quelquefois dans des camps opposés, ,Y vinrent dor-mir côle à
côte leut' cler'nier' sommeil. Que apportées les testarpents, les actes de donations faits pal' ces
sei;lnell "S, et SllI"tOllt les nécrologes 011 obituaires du COll vent !".

Mai" lps patriotes qui, en 1793, marlelèrent les lombes
êll"ll.lOriée!'i en exécution d'une loi barb~\'e (3), brülèl'ent les
1i11'cs_ en exécution d'nne aut.re loi pins bat"bare eneorA (4),
Que leurs admirateurs posthumes applaudissentl L'œllVl'e a

(1) J'ai eu le malheur de n'être pas compris. L'auteur anonyme d'uue
histoire de la Baronnie de Pont-l'Abbé publiée en 188~ dans le journal Le
Pinislère de Quimper me fait affirl1wl' que le baron de Pont passait pour
fondateur du couvent. C'est juste le contrai,'e de ma pensée.
("2) Dom Morice, 1., p. 1G5.
(:3) Décret du 14 septembre 1 ï93 ordonnant la destruction paF I~s
municipalités des armoiries dans le mois qui sUÎYra la publication,
(DUVERGlER VI, (208).
Décret du 1 aoùt lï93. (Id. VI, }). 80), portant la confiscation de
toute5 les maisons qui porteraient des armoiries huit jours après la
publication,
(~) Décret du 17 juillet 1793, art. 6, (DUYERGIEH, VI, p, '28 ct 'l9 )
ordonnant le brûlement en p,'ésence du Conseil de la commune des titres
féodaux, L'art 7 punit le recel de cinq ans de fers,

été complète à Quimpet'. Des arr,bives de Saint-Ft'ançois il ne
reste pas la chatoge d'un enfant; et des nécrologes anciens il
ne reste qu'nn fragment d'extrait copié au milieu du XVIe
siècle (1). Ce n'est pas avec ces minces débris qu'on pouH'ait
écrire l'hisloire du couvent.
« Le dil'ai-je ~ ... Cette histoire m'a\'ait tenté; mais j'ai bien
vite dll l'eeonnaltl'e qu'il Fallait me bor'nel' à en l'appelet'
q l.lelq ues épisodes . .
. « POUlO commencer, je vais parleL' anjoul'd 'lwi de la fondation

du -couvent de Saint-François.
(l: Les titL'es de l'évêque Rainauc1 me paraissent incontestables ·
enfait; en droit un point de vile qui a son intél'êt et qlle
les adversair'es de l'évêque n'examinent pas· la cause dl1
b,1I'0n de Pont est inso\] tenable. .

1\11011 exposé se l'a 10nl2. Je
« Mais que le lecteul' soit averti.
vér'ifie toutes les citations, non sans peine quelquefois, non
sans profit souvent. Or, on velTa que dans celte affaire toules
les citations sont inèxactes ... Je ne dis pas fausses ; je n'accuse
pas la bonne foi de mes pl'édécesseul's; je les plains de leul'
trop de confiance, J'espèl'e qu'on me pardonnera de m'être
attardé à substituee le texte vrai 11 kt citation erronée.

« Deux affirmations sont en présence:
« 1 ° Les fl'ères minelll'3, qui viennent de déposer le COI' pS de
l'évêque Rainaud à la pl'emière place de lt'\H église, Illi
donnent le titre de fondateur; .
« 2° On his10t'ien franciscain écrivant. à Veni~e, trois siècles et
demi apl'ès la mort de Rainaucl, réserve lê titr'e de fondateul'
all baron de Pont (2). »)

(1) .Je ne parle que pour mémoire d'un fragment trouvé aux Blancs.
l\.tanleaux (fonds Baluze). Il contient 33 actes, dont '17 nous étaient donnés
le premier extrait: les 6 actes nouveaux rnalhellreusemen t
complets par
sont abrégés.
('2) Nous verrons plus loin que l'historien n'a((il'In~pas .

Je m'en tiens pOUl' mon compte à l'affirmation des fl'ères
du couvent de Quimpel'.
Cela dit, examinons successivement ces dellx questions:
Quelle est la date de l'établissement des fr-ères mineurs dans
le couvent de Quimpee '?
Qllel est le fondateur de ce couvent '{
La réponse à la pl'emièl'e question ne demande pas ,de
développements: l'examen de la seconde prendra pins
grands
de temps"

CHAPITRE PRE:\lJER.
Date de l'établissement clesfrères nâneurs à Quimper"
Cette da te est certaine : 1232 à 12:37"
Au commencement du XVIIe siècle,vivait à Quimper un
magistrat nommé Jean Bealljollan, conseiller du roi et PI"OCll­
l'eul' du roi pr"ès le présidial.
était en chal'ge en 1621 · et il est mort en 1640. Après
il devint pr-ocureur syndic des frèl't's mineur"s (1) et il

paraît avoir conservé ces fonctions jl1squ'à sa mOl'!.
Le syndic des frères avait en mains les titres du couvent:
c'était pour lui un devoir" de les étudier. Nul doute que re ne
à cel.le époque (entt'e 1625 et 1640) que Beaujouan a
soit
éCl'it la notice latine don t je vais parlee ~
, Cette notice a été ret~ou vée pal' Dom Plaine, bénédictin de
Ligugé, an fond des Blancs-Manteaux (collection Ba luze). Notre
M. l'abbé Peyron) on a fait prendre une copie dont
confrère,
à la Société archéologiqLie, qui l'a publiée. (2)
il a fait don
01', Beaujoudn a écrit (§ 2): « On peut tenir pour certain
du couvent fllt commencée, l'an du
(( q LIe la construction
Père Rainaud, fr"aoç'ais,
( Seigneu r 1233, pa L' Révérend

(t) « .". Procureur synd ic, père syndic et même procura Lem spi ri tuel ues
atlaires et négoces séculiers des religieux. »
(2) Bull. de la Société. XII (1885). 2" partie. }). 3.

« évêque de Quimper, et achevée au temps de t't'ès illnstl'e
( princ.e PierTe de Dreux, d lIC et comle de Bretagne, 1)
Ces derniei's mots se t'éfi:~rent au temps Ol.l Pi,féll'i'e Mauclerc

exerçait l'autorité jusqu'à la majorité de son 61s Jean 1 (1237),
et non à la vie de Mauclerc qui mou 1'11 t en 1.)1el' d 'u ne blessu l'e
reçue à la Massoure, en 1250,
Beaujollan vent dire qtJe la constt'llction du (',,0 Il vent
Ainsi
L23:3 était achevée er~ 1237.
commencée en
D'autre pal't. nons lisons dans la GaUia Christiana, qu'en
1.2.28, le jour de Sainte-Catherine (25 novembre) Hainaud
préparait son départ pour uu pèlerinage fi Saint-Nicolas de
BaL'Î. 12.23 est une date dan" l'histoire du monde chl"étien,
Le 16 juillet de cette année, Fl'ançois d'Assise avait été
mis au nombre des saints. L'Italie venait de voit' non l'éclosion
mais Uexplosion de son Ordre, Fondateul' de l'Ordre en 1210,
appl'ouvé en 1215, François avait vu, quatre ans apr'ès, ras­
semblés autour de lui, cinq mille frères; etde 1119 à 1225cette
armée p:icifique avait fait de nouvelles recrues.
Assise était presque sur la route de HaYl1aud. Comment
n'amait-iL pas slli",!i la foule se pr'écipitant V(~l'S la colline sur
laquelle François avait voulu reposer '? Comment n>eùt-il pas
pl'ié avec les pèlel'ins dans la basilique qui couvrait déjà le
glorieux tombeau, 1 Comment, témoin cle~ merveilles de foi et
de chal'Ïlé accomplies par les humbles frères, l'évêque cie
Cornouaille n'aul'ait-iL pas souhaité de les établir en son
diocèse 1 Cette pensée l'occupe pendant les longues joumée~
du l'etoul'. Mais comment réaliser le proj~t qu'il caresse?
Il Y avait à Qllimper, nous dit Beaujouan, une maison de
(§ 8) ave~ une église . placée sous le vocable de
templiers
saint Jean-Baptiste et de sainte Madeleine, patrons ordinaires
de l'Ordre. Les Templiers quittèrent cette maison, peu après
la mort de Sai ot-Fl'ançois (§ 9), soit qu'ils se soient volontai­
rement retirés, soit qu'ils aient cédé à la contrainte Œ 6), Les
frères mineurs fUL'ent appelés à les remplacer, et c'est alors que

l'évêque l::taynaud bâtit l'église qui gmc1a le yocable de sainte
Madeleine Π3), et dans laquelle fut consel'vee, et avec grand
soin, une image de saint Jean-Baptiste qui omait la pl'emière
église (§ 5). .
Et remal'quons-!e: Le P. Gonzague, b istol'iogl'aphe des
feanciscains, eceivant en 1581, avant Bealljollan, \Vadding,
annaliste des fr'ansciscains, éCl'ivant après lui (1703) sont
ct'accord avec not.I'e comj.~atl·iote SUI' la stl0cession des fl'èl'es
mineur's aux ternplier~ dans le couvent de Saint-Fl'ançois .
Voilà donc un fait bien établi: en 1232 ou 1233, après le
départ des templiers, les fl'èl'es minelll'S Ol1t pt'is lem' place
dans le couvent réérlifi~ ou aménagé pOUl' eux.
Mais L'èéd it18 pal' q Il i ? C'est la seconde question,

CHAPITRE Il

Quel fut le fondateur des frères .mineurs à Quimper?
La tradition constante cl u cou vent de Qui m pel'I'~con naissai t
le titre de fondateuL' à Rainaud, èvèque de Quimper de 1219 à
1245. Cette I.tadition se fondait sue le lexte sui van\. exttait dl)

·néceologe du couvent:
u 3 nonawm Maii obiit Revcl'enrlus Dominus Dominns
Renaldlls, episcopus corisopitensis,fundatoT' hu/us c(Jnventus
pater et amicus fmtrum sepult.us cOl'am, majoL'i altal'i stlb caps.!!
lignea. A. D. Mo. CoCo X LO quinto. (1)
Cette affinnation est r-épétée ail Cal"tulail'e de Saint-CMentin

( n 31. fO 1.)
Elle a été admise pal' un de nos vieux historiens de Bre­
tagne, Bouchard (1532) d'Argentré (1582) ou Le Baui publié
seulement en 1638. Je n'ai pas su retrouver ce passage; mais
(1) Le 3 des nones de Mai (:> Mai) mourut Révérend Seigneul' Seigneur
de Cornouaille, fondateur de ce couvent, père et ami des
Rainaud, évêque
frères, inhume devant le grand autel dans une bière de bois. L'an du
Seigneur mille deux cent quarante-cinq .

l'historien est cité pal' Hévin (vel's 1682) en ces termes:
(1 .... Quant au COll vent des COl'deliet's il a été fondé pal'
Regnault, Evêqlle de Quimper', dès l'an 1232 au rappol't de
l'historien
Pendant plus de trois sièeles et demi aucun doute ne paraît
s'êtœ éle\'é sur ce point .. Mai~, aux pl'emières années du XVIIe
siècle, le P. Gonzague qui fut, depuis, général des Cordeliel's,
fit imprimer à Venise son livre de Orlu et progressione
Se raphici l'elig ionis; et il ècr-i vit en pa l'l::i n t cl Ll cou ven.t de
Quimper:
« ~\'fa.gnificus Baro à Ponteabomnibus affirmalu[' fundat.or. fÎ _
'1. Tout le monde dit que le Bal'O'I1 de Pont fut fondatelll'drl
COllveÜt. ) (2)
. Est-ce une affirmation de J'hislo1'Îen "qui a vu la preuve du
fait qu'il avance et qui s'er'l porte gal'a:nt ~ Non c'est le simple
énoncé de ce qu'il a entendu dire. Eh bien! Cette pl'Oposition
impersonnelle, dont l'historien ne prend pas la responsabilité,
va bientÔt entrer dan~ la circulation pàr .utl'e citation, dont le
premiel' apl'ès plus de deux siècles, j'établirai' l'inexactitude; et,
de nos jOllr~, elle sera pl'ésentée comme une vérité d'nne certi-
tude absolue. .
C'est à peine croyable; mais c'est ainsi! Suivons la prof)o­
silion du P. Gou'zaglle ·dàns ses évol litions sllccessi \'es; et
faisons à notre toql' non un li Vl'e mais une notice de Orù~ et
progressione .... de cette cilation. "
Le P. Gonz.ague avait dit: « Tout Je monde affir'me que le
Bal'on de Pont est fondateur du cou vent. l) . ' '
(1) HÉYIN, questions féodales, p. 71.
(Z) La seigneurie de Pont est souvént rangée au nombre des baronnies
d'al1cierwèté Cependant, à la fin du XVe sïeclè, Hélène de Rohan yeuve
de Pierre de Pont, tué à Saint-Aubin-du-Cormier (14R8) et tut;ice de
Jean (III du nom), sollicita l'érection en baronnies des seigneuries' du
Pont et de Rostrenen réunies aux mains de son fils. Le baron de Pont et
Rostrenen dut prendre place aux Etats après les barons de DèryaI', MaJes-
tl'oit et Quintin, créés par ~ierre II (1451) et François II (1 '180). _.
MORICE, Pro III, col, 74\J et 876. .
BU.LLETI~ ;"RCHÉOL. DU FINIST~~RE." TOME XVII. (Mémoirei j ,. 10

Tou.t le monde excepté les cordeliers de Quimper. En 1629,
ils ont pour syndic Jean Beaujouan dont j'ai déjà padé. Il
attribue l'honneur de la fondation à Rainaud (§ 2); et plus
loin, il écrit: « C'est sans ombre de raison que quelques-uns
« (non pas tous) ont prétendu attribuer la fondation au baron
de Pont. (§ 23). ~ C'est, n'en doutons pas, une réponse directe
à l'assertion du P. Gonzague . .Je reviendr'ai plus tard sur ee
point avec quelques développement~.
AI bert Le Grand, l'auteur des vies des Saints de Bretagne}
a publié son Catalogue des Evêques, en 1636. Au nom de
Rainalld, il décrit la tombe de l'évêque dans l'église de Saint­
François, il publie le texle du llécrologe, et il aJoute:
« Néantmoins, le P. Gonzague, en son li \Te De Ortu et pro ·
gressione Seraphici religionis) dit que ce fut le Seigneur de
Pont qui fonda le dit monastère. L'un et l'autl'e peut-être et
que concurremment l'Evêque et ledit du Pont aient fait ladite
fondation. » "

Comme on le voit, Albert Le Grand transforme l'expression
' dubitative du P. Gonzague en Une affil'mation. C'esT. en quoi
. sa citation est inexacte.
Dom Lobineau (1707) insère à ses preuves (col. 282-283) la
mention du nécrologe et il écrit dans son histoire (232) :
« On jouissait d'une sorte de paix qui donna lieu à l'évêque
« de Quimper de fonder un couvent de Cordeliers dans sa.
« ville. On prétend que les seigneul's du Pont-l'Abbé euren~
« part à la fondation de l'évêque de Quimper. » (An. '1233).

Dom' Moriee (1750), tome l, p. 165, écrit: « Ce fut pendant
la trève que Rainaud, évêque de Quimper, fonda un couvent
de Cordeliers dans sa ville. C'est le premier établis'3ement que
les religiellx de Saint-François ayent eu en Bretagne, et auquel
les seigneurs de Pont-l'Abbé contribuèrent par leur libéralité. YI
L'auteur renvoie au nécrologe du couvent. La note marginale'
porte la fondation à 1233. '
Le savant M. Aymar de Blois a écrit clans son intéressante

notice sur l'Église des Cordelzel's, publiée en 1847, qllanrl
l'église tombait sous la pioche des démolisseurs:
« C'est en 1232, d'apl'ès Albet't Le Grand, que ce cou\'ent
fut fondé par Rainaud, évêqi.1e de Quimper. Le pieux é\.'êque
li ut présider à la construction de J'église des Cordeliel's ...
Rainaud v fut inhumé ... }) Et M. de 810is cite la mention du

nécl'ologe, la descr'iption de la tombe donn~e par Albert . Le
Gl'ancl et la phl'ase: « Néanmoin~, etc ... », sans aucun com-
men1ait'e.
En 1853, M. de 810is écrivait dan'l la tl'ès savante notice
sur Quimper, qll'il a insérée au Dictionnaire d'Qgée:
(J. Rainaud désil'a fonder un couvent (de Fl'ères mineurs) dans
sa villè épiscopale. Quelques-uns prétendent que le seigneur
du Pont-l'Abbé participa à cette fondation. ») (Dict·. d'Ogée, Vo
Quimper, 1. II, p. 422.)
Enfin, on lit au tome XIV, p. 879 de la GaUia Christiana
continuée pal' Haureuu, publié en 1856 :
« Haynalld commença en 123:3 le cou vent des Franciscains
de QuimpeL'. » L'auteur l'envoie ail' cartulail'e, nO 31,- fO 1.
Après cette rapide l'evue, SUl' cette question; Quel est le fon·
dateur du couvent ~ recueillons les voix;
Les frères mineurs de Quimper, le cartlllaire de Saint­
Corentin, l'histol'ien ancien cité par Hévin, Beaujouan, syndic
du couvent, Lobineau, Moric , M. de Blois, la GaUia Chris­
tiana répondent unanimement: Rainaud ! Le P. Gonzague:
« On dit que c'est le baron de Pont» ; et Albert Le Grand,
après avoir nommé Rainaud le premier, pose un point d'inter­
rogation et écrit: « Peut-être les deux.)) La majorité se
prononce pour Rainaud. .

Mais nous arrivons à 1877. Cette année, M. Le Men publie
un savant livre: La l\fonographie de la Cathédrale de
Quimper. (1)

(1) .Monog. , p. -78 et sui\' .

Le premier, après six siècles ct demi, l'auteur va résolument
. et de hau te [utte enlèver à Rainaud l'honneUl' de la fondation d n
couvent de Saint-François. Et pou l'tant M. Le Men aime et
admireRainaud , le fondateur de la belle église que M. Le
Men étudie avec amour depuis vingt ans. Il regrette (et il a
trop raison ) que rien dans son église ne rappelle le souveniL' de
l'évêque Rainaud. -
Pourquoi' donc s'obstine-t-il à enlever au vieil évêque un
rayon de sa gloire épiscopale 't ... Faut-il le dire t .. Oui, pa l'
respect pour la vérité. Parce que la tombe de l'évêque Rainaud, _
élevée à l'entrée de la chapelle absidale, vel's le sud, à la
place qu'av.ait indiquée hypo~hétiquement M. de Blo ~s (de
en 1820, fournissait une date certaine pour la cons-
Morlaix)
tructiori de aette partie de l'église... '
Le pal'ti de M. Le Men est pris : illaut quela tombe aitété
là ! Mais l'acte cl u nécrologe la place aux Cordeliers ... M. Le
Men va dèmontrer que cet acte est erroné sinon mensonger,
quand il donne à Rainaud le titre cie fondateur des COJ'clèlie['~ .
Voilà la thèse! . .
Eh bien! je le dis tout de suite: supposez la fausseté de
l'acte démont.rée, M. Le Men aurait aujourd'hui à écarter Ilne
aQtre autorité, la notice de Beaujouari ; mais M. Le Men ne
prévoyait Pas, en 1877, que cette notice serait décou verte
du nécrologe, dit M. Le Men, n'a qlle peu d'impor-
L'acte
tance 'et pour deux ràisons : . .
1 Il a pu être inscrit longtemps après la mort de Rainaud .
Suppo~ition gratuite et à mon sens très invraisemblable.
Remarquez-le, en effet: le' cahierque les frères mineurs ou leur
copiste du XVIe siècle ont nommé nécrologe n'est pas un

registra de sépultures comme ceux que dressaient les curés des
par'oisses ; ce n'est pas non plus un registt'e des décés comme
ceux tenus aujourd'hui par les maires; c'est un obituaire, '
c'est-à-dire le registre des commémorations et obits que les

fL'èt'es mineurs devaient célébrer. C'est pourquoi les décès ne
sont pas inscrits dans l'ordre des années qui n'importe pas à
l'office des frères, mais dans l'ordre des jours de l'année,
Le nécrologe ayant le caractère d'obituaire, c'était pour les
un devoir de conscience que de faÎt'e les inscriptions
frères
au JOUI' même oil les prières étaient demandées, Différer ces
inscriptions ç'aurait été différer les messes et services à
célébrer,
Le texte contient une el'l'eur. Rainaud n'a pas été fonda­
teur des COI'deliers, témoin Ip. texte du P. Gonzague, et l'aven
de Pont (l'abbé) conservé aux archives dll F'inistère. .
Nous examinerons tout à l'heure ce') titres, mais il faut
démontrer la témél'ilé de Ge raisonnement. Quoi! de re que

l'acte des Co'rJeliers ferait, erreur en donnant la qualité de fon-
Rainaud, il faudrait admettre qu'il fait erreur' su/
dat.eur à
tout le reste... Surprenant raisonnement! Ai-je déjà ' dit
ailleurs. Pour' le juger, transportez-le dans notre vie usuelle.
Supposez un maire qui, dans un acte de décè~, aura donné à
tlU homme une . qualité qui ne lui ,appartenait pas, prêtre,
magistrat, nJimporte! Qui donc osprait dire que cette el'reur,
qui ne touche pas au fond de l'acte, « doit rendl'e suspect le
l'este» de l'âcte ~, .. Voilà ce qu'a dit 1\'1. Le Men seul jusqu'ici .

J'ai dit: M, Le Men seul. Oh ! je sais bjen qu'il a essayé de
donner Albert Le Grand pour second dans sa lutte contre
mineurs; vérifions ce point,
le nécrologe des frères
mention d Il nécrologe copiée par AI bert
M, Le Men relate la
Le Gnmd ; et il ajoute: c( Albert Le Grand y relève lui-même
une eL'relH', » en ce qui toucbe la fondation; et il cite la
phrase: « Néanmoins le P. Gonzague .... dit que ce fut le
seigneur du Pont qni fonda ledit monastère. » Citation
nous le savons, et qui prête à Gonzague une affirma­
inexacte,
tion qlle Gonzague n'a pas énoncée. Mais M. Le Men arrête là '
sa citation d'Albert Le Grand, iL fallait continuer et écrire:

« L'un et l'autre peut-être; ,et que concul'I'emment l'évrque et
du Pont aient fait ladit.e fondation. \)
ledit
Voilà la phrase d'Albert Le Grand lue non plus dans la
Monographie de la Cathédrale; mais clans le texte de l'ha­
giographe. Et voici sa pensée: A ses yeux Rainaud est fonda­
te'11' ou seul ou peut-être'avec le concours du baron de Pont.
Dans cette phrase rétablie en son enlier, même avec la cita­
tion inexacte du P. Gonzague, comment trouver ce que M. Le
Meil s'ést complu à en faire sortir: le redressement d'une
èl'reUr commise par les frères T Albert Le Gland exprime
une opinion qui est la sienne; il en cite une secor.de qu'il
exagère et qu'il attribue inexactement au P. Gonzague. Tout
au plus pourrait-on dire qu'A!bert Le Grand hésite entre les
deu:I opinions. Aller au-delà lui etait impossible. Pourquoi 1 ..
Parce qu'il avait sous !esveux ce qne n'a pas Vll M. Le Men

(et c'est une faute en critique h istOl'iq Ile) œ que j'ai publié le

premier depuis 1603, et ce que je vais vous montrer: le texte
du P. Gonzague ... Mais n~aIlticipons pas,
Passons en revue da'ns l'ordre des dates les trois actes mis
au procès pal' M. Le Men: 1° la mention du nécrologe, i'ncri­
illlnée; 2° le texte du P. Gonzague; 3° l'aven de Pont-l'Abbé.

III.
1. Mention du nécrologe. On n'a pas le droit de supposeJ',
je crois l'avoir Jemontré, que cette mention n'est pas contem­
poraine du décès. La cOp'ie même est plus ancienne que ne le
supposait M. Le Men , (1). Je l'ai puisée non au nécrolow~
ancien qui n'existe plus, mais clans un extrait. copié au milieu
du XVIe siècle, cent ans aVémt Albert Le Grand.
Mais, ce qui importe bien davantage, cette inscription n'est
pas isolée: elle serait, s'il etait nécessaire, corroboree par
nombre d'autres.

par conséquent un plus haut caract.ère de véracité (art. 1335
(1) Elle a
dli C. C.)

En 1266, vingt et un ans après la mort de Hainaud, les
fl'èt'es inhument dans leur église Guy de Plonev·ez. Hemar­
qUt'Z qu'à ce moment des témoins de l'inhumation de Rainaud
vivent encOl'e, et ils voient déposee le second évêque auprès de
son prédécesseur, à droite et du côté du cloître.
M. Le Men reconnaît ce fait que lui avait révélé u ne citation
(el.co1'e !) de Guy de Missirien ; mais M. Le Men.
incomplète
n'a vait pas 1 u dans son contexte la mention cl LI nécrologe. La
VOICI :
4. Iduum lulii obiit Revel'enc1lls Dominlls Dominus Guyclo,
episcopns corisopitensis, patel' et amicus fl'atmm minorum,
sepultus COl'am majol'i altari, juxtà Dominum Renaldum, à
M. CCCco Ilo (1402) (1).
parte claustel'ii ; anno Domini
- t( 1402! dit M. Le Men, mais La date est erronée: la
c1ate vl'aie est 1266! et il s'empare de cettl'} en8Ul' pOUl'
pl'OllVer qne le nécrologe est plein d'erreurs. '. . .
La réponse est bien simpLe. L,a date a été éCl'ite en chiffres
l'omains. Ecrivons l'une au-dessous de l'autre les dellx dates

MCCLXVl

MCCCCII

C'est le même nombre de lettres. Supposez ces lettres mal
formées et excusons L'eneul' du copiste que les Lisait vieilles
de trois siècles 1
Ce qu'il faut retenir de celte mention, c'est l'affirmation des

fl'ères ' d'avoir déposé le coeps de Guy aupeès des restes de
Hainaud.
Mais voici d'autres inscript.ions. -
Ces inscriptions sont empmntées non ft une copie du
nécrologe, mais au dernier nécrologe existant en original aux
archives de la mairie de Quimper, où M. Le Men aurait pu
(je devra i8 dire: aurait dû) en prendre connaissance .

(1) Aux Ides de Juillet mourut Révérend Seigneur,' SeigneUl' Guy,
évèque de uimper, père et ami des frères mineurs, enterré devant le
. grand aute près de Seigneur Rainaud, du côté du cloUee. An du Seigneur.
1\1. CCCC· Ilu

Elles sont postérieul'es à l'édition du P. Gonzague (160:1\.
Lès voici dans l'ordre des dates:
- ( 30 juillet 16'31. Ce jour fut inhumée dans notr'e chœllr,
« p,'ocbe des évêques, Mme de Keraneizan. ))
cc 10 mai 1722. Ce jour fut inhum~ dans notre église, dans
« le caveau qui jQint le marchepied du grand autel, olt ont
L été enlel'rés deux évêqnes, le corps de fell écuyer Char'les
« Dondel, seigneur du Parc et de Treffrest, conseiller du Boi,
«( sénéchal de Cornouai Ile. .. l'· (1)
« 21 jar.vier 1725. Ce jour a été inhumé dans notre église,
« dans le caveau qui joint le mal'chepied dl] gl'and autel où ont
({ été éntel'rés deux évêques, le cor'ps de feu pèl'e Guillaume de
ct la Croix, gardien .... ))
Mèl'Ie, SI' de Penguilly, a été
« 1766, 19 février, Mathieu
• inhumé dans la tombe all-dessous de celle des éVÊ'qpes. )l
Resterait-il un ,doute SUI' la sépulture de deux évêques dans
le mêtne caveau du chœlll' ? .. Une constatation matérielle
faite de nos jours va le dissiper.
En 1845, SUl' les indications ci-dessus, le chapitre demanda
qu'on ouvrit la lombe dite des É'v~ques ; et, le caveau ouvert,
qlle vit-on t..M. de Blois, témoin oculaire, va rfpond re :
c( Le caveau, au milieu de sa profondeuy, etait. coupé par un
({ rang de traverses en fer que l'état du métal ne permettait
• pas de rapporter à une époque. très éloignée. Au-dessus de
« ces traverses on a trou\'é deux squelettes bien con!-lervé~, all-
« dessous des ossements fort. altérés par le temps. Ces circons­
« tances s'accordaient exadement avec les indications sllr
• lesquelles on avait entrepl'is les fouilles ») .•• \,2) Les deux
~qllelehes bien conservés étaient ceux du sénéchal et du
gardien, dormants là depuis 123 et 120 ans; au fond; les '
fragments d'ossements étaient à gauche ceux de Rainaud! à .

( 1) V. pour plus de détails /Jer niers débl'ls du Couvent des Cordeliers.

(2) Ces lignes ont été publiées, peu après les fouilles opérées, dans la
RCvue -armo1'icaine, 1847. L'église des, Cordeliers de (juilnpèr .

droite ceux de Guy de Ploné\'ez, déposés en ce lieu six siècles
paravant. '
ail
Les actes que j'ai mentionnés ci-desslls étalent à. la dispo­
sition de M. Le Men; la eOlntatation de 1845, faite publiqu{'­
ment., a été publiée pal' M. de Blois. Co~mment, apl'ès ces
preuves amoncelées, M. Le Men a-t-il pu imprimel' en 1877:
« Guy de Plonével': fut enterré devant le grand autel. .. C'est
.: sa tombe qui a ,été indiquée à. Albert Le Grand comme étant
« celle cIe l'évêque Rainaucl ... La tl'adition du couvent a dû
« s'égarel' élU sujet de la sépult.ure de ces deux prélats ... "
lei je suppose trois de me;;; leetellr . .;; constitués en fl'ibunal
pOlir juger celte qùe~tiot1: « Rainaud a-t-il été inhumé aux
« Cordeliers? » J'ai donné lecture des pièces: je vai.;; entamer
ma plaidoirie. ~'entendrai-je pas cette parole qui résonrie aux

OI'eilles d'un plaideur comme une douce musique: li La
cause est entendue. 'Tl Ce qui veut dil'e: « Inutile de plaidel';

vous avez trop raIson. »
[Vlais voilà que dan" l'ëltldiflnCe \ln homme se lève, que Il'a
pas conllU M. Le Men :, il 'a èle conseillpl' ail ' pL't'sidial de
Quimper et pl'oc\Jrelll'd~l Hoi au SIege; il a été procur'eurdes
cordel ier's; il 8:::1 il à fond l' h iSLOi l'e du cou ven 1. et allssi le d roi t
féodal. Il demande à fOUl'nie quelques )'enseignement;;;, Je me
tais tf'ès volontiel'g et Jean Beaujouan prend la parole:
, § 8. «( On voit clans l'église SUI' une tombe ba"se J'image
« gravéeen cl'eilX d'un évêque avec le bâton pastol'al, la mîtl'e '
« elles omernents pontificaux; sur celte tombe est gravée eêtte

{( épitaphe en deux vers latins:
« Ici sont les restes d'un Révérend Evèque,
« Donnez-lui le repos, ô Christ, et couronnez-Je avec vuus, »
Que! est cet évêque ~ dire;l-vous... Attendez. Le témoin' va
s'explique,'.
§ 12. Il J'ai padé plus haut du tombeau de Ràinaud. Son
« successeur (bns l'épiscopat, Guy de Plonévez, scnlnnt pa fin
« prochaine, choisit pour ses restes le même lieu d.e repos. 11

« marqua sa place élllpl"eS de H.aioaud et se lit une sépu Iture
cr; modeste aux ides de juillet 1266. »
.. Vous avez déj::t ,'approché ces deux citations des deux aeles
d" nécrologe, et vous me criez, non sans impatience: « La
cause e:-,t entendue! •
\1. Le: \1en avait dit: « De ce que les fl'èl'es mineurs font
eITeU[' en attribuant la fondation du couvent à Hainaud, on
peut. conclur'e qt'l'ils se t1'ompent (>n ce qui touche soninhu...:
lIwt.ion au couvent. })
Ce raisonnement mesemblait ab~oltlment inacceptable. [\IJais
maintenant vais-je dire: .

Il Les frel'es ne sontpas dan~ l'eL'l'eUl' snr l'inhumation de
Haimll1d, donc ils ne se t.I'ompent pas en lui attribuant la fon­
dation? »
AssuÎ'èment non! Ce sel ait meriteL' le r-eproche que je Ihe
croyais en droit d'adresse!' à M, Le Men, Je me colllente de
dir-e :« . Puisque les fl'èL'eS ont dit vL'ai en ce qui concerne
« l'inhumation, poul'qlloi n'auraient-ils pas dit vl'ai en ce Cjlli
ù concel'ne l'attribution de fondation r.» Je pense que ma ques­
an point de vue logique .
tion peut êtr'e tr'ès légitimement posée
ExaminoLls maintenant lespreu()es qu'apporte M. Le Men
en faveur de la fondation par le baron de Pont, c'est-à-dire le
texte du P. Gonzague et le texte de l'aveu de Pont. Mais
1 isons ces deu x pièces non dans M. Le Men, mais dans les
actes ongll1aux.
Nous recheL'cbewn'i le degré de foi que ces ecrits pl'ésentent
en lait, et ensuite, à propos de l'aveu de Pont, nous examine­
t;Ons une question de droit féodal, qce M: Le Men n'a pas
examinée, et. elbnt la solution certaine met en pie('e~ toute
sa théol'ie en faveur du baron.

2° Texte du P. Gonzag ue. ({ Le célèbre P. ÎTonzagne
depuis genéL'al de sou ordre ... charge de recueillit, les ' tra-

ditions aufhentiques Jes di\'et's couvents ... rassembla des
renseignement~ de tous les points de l'Europe et I~s consigna
dans son gTand ouvmge De Ortu et prvgressione Seraphici
Religlonis. Il écrivait vers 1580 ... avant que les guerres reli­
gieuses n'eussent détruit... un nombre comildérable de pièees
conservees ... dans les archives des grandes familles ou des
maisons religieuses ...
L'ouvrage du P. Gonzaglle a eté impl'imé à Venise en
1603 (2.); il est devenu ral'e: je l'ai vainement cherché en
Bretagne. Les peres Capucins de Pat·is en possedent \ln eXf'm­
plaire; et ils out très gracieusement aUlol'isé une main com ·
plè.lisante à copier la courte page que le P. Gonzague a -:!on~acrèe
au couvent de Quimpel'.
M. le Men n'avait pas pris la iJeine de cherchee le texte du
P. Gonzagu'e; il s'élait contenlé d'en lire IIne phl'ase inexae­
trmentcitée pal\ Albert Le GI'and. Impal'donnable impl'lldence!
et qui a . reçu son châtimél1l. Si M. Le Men avait lu le P.
Gonzague, ~et .historien des COl'delier's n'aurait pas été pout'
lui une autot'ite. Le P. Gonzag.ue est très mal infol'rné; P.t
chose piquante! C'est M, Le Men lui-môme qlli va vous
démont.re-r toules les lour'des elTèms du P. Gonzague. Je ne
puis mieux fair'e que de lui lais"el' la pal'ole. ..

Voioi, phrase par phrase la tradnelion du P. G~)nzague avec
les réfutations de \1. Le Men.
« 1 Dans la ville dè Corizopitum, nommée vulgail'ement
« Kempel', et sur I\:lmplacement du château du fondateul' de
« la ville, est le couvent de Quimpel'.» Err'el1l' (mais celle-
ci est pardonnable) le cbâleau du fondateul' était au con{lllent
de ['Odet et du ruisseau du fr'out; 1\'1. Le \1en l'a dé;nontl'é.
2° « 01', l'émineht et magnifique bal'On, seigneur de Pont,
• très attaché à notre Ordre, est, de ['a vis de tous, le fondateur

(') Do~{ PLA:INE. Essai h,rslol'ique sur te culte du n. 0hm'les de Blois'
p. :n et 38.
('~) Ex typographia Dominici Imberti.

« du couvent. l) De l'avis de tous, ~auf,des COl'deliers qui, dans
leu r nècrolo~A, affil'maien t le contl'aÏt'e peu a près la fondat.ion.
3° « L'église du couvent fut d'abol'd consacrée sons le
« vocable de :-:aint jean-Baptiste; et on dit que les lemplieJ's
« l'eurent pendant quelque temps en possession.
4() « Plus tal'd, en l'an du Seigneur 1232, elle, fut consacrée
« sous le vocable de Mal'ie-Madeleine, par le Rével'end Reué,
« évèqlle de Quimper, élevé dans le couvent.. Double
erreu.r, dit M. Le Men. L'évêque Rllinaud (Renaldus) n'est
nulle,patt nommé René (Renatus), il était français et c'est de la
COU)' de Ph i 1 i ppe-Allguste q II 'i 1 vint occu pel' Je siége de Quim pero
« 5° Il eut pour successelH dans l'épiscopat Guy (de Ploné-

«( vez) qlii fut inhumé à Vannes. » Double erreur: Guy ne
fllt pas le successeur' immédiat de Rainaud. M. Le Men place
entre eûx Heevé de Landeleau (1245-1260), et il admet san~
difficulté que Guy a été inhumé aux Cordelicl's.
6 « Au même temps florissait frère Jean Dis('alcé~t, com­
(~ pagnqn de notL'e patriarche François, qui mOUl'ut dans le'
(i, eO'lvent; sa lombe s'élève da-n'3la chapelle de Saint-Antoine,
, « entourée (fllne gl'ille de fer.» Double err'eur: Jean Dis­
ealcéat ne fut ni compagnon de saint Franço[<;:, ni contem­
pOI'élin de Guy de Pl.onévez. M. Le Men nous apprend qu'il
naquit en 1280, 54 ans après la mort de saint Fi'ançois et
14 ahs après celle de Guy: il entra ' au couvent. en 1316,
40 ans é:lpr'ès la mort de Guy, pour mourit' victinle de son
dévouement en
7') « Ceux qui sont pris de Illaux de tète introduisent la tête
sous le tombeau et so l"ellrent gllerls.
8° « On voit dans le COll vent lecbef de Saint-TUl'ius é\'èque
de COl'isopitum. )) Erreur: Saint Tmil1s (on sans dout.e saint
TUI'ial (1') ne figure pas dans la liste cles évêques dressée par
M. Le Merl.

,( 1) Beaujouan dit Thul'ianus (Thurian ou Thurial), qu'il nomme évèque
cie DGI (et non de Quimpel').

Hésumons celte notice et, en regard des affirmations du P.
Gonzague, mettons l'avis de M. Le Men:
1° Le couvent est sur l'emplacement du château de Gr·alon.
Non.

cOuvent. _ ..
2° Le baron de Pont est, dit-on, fondateur du
Oui.

:{O L'évêque se nomme René. -- Non. -

-i Il a été nourri dans le couvenl. Non.

5° Il eut pOUL' successeur Guy. Non.
6° Guy fut inhumé à Vannes. m' Non.
7° Jean Discalcéat fut compagnon de saint Fr·ançois. " Non .

8° Il fut contempoP<'lin de Guy. Non.
. 9° Saint Turius fut évêque de Quimper. Non.
Ainsi, sur neuf affirmations du P. Gonzague, hUIt. ont êtè

d'avance réfutées par M. Le Men, qui ne savait pas battre' en
br'èche le,line du P. Gonzague. Reste la neuvième qu'adopte

LVI. Le Men, .fa fonfl~tion par le baron de Pont. '
Si M. Le Men avait lu le P. Gonzague et l'avait surpris
huit fois en flagrant délit d'e1'l'eur certaine, aurait-il eu la
même foi impl'uc1ente dans sa neuvième Pl'oposition? D'une
ert'€IJl' (pl'étendue) commise par les frères mineurs,M. Le
Men a conclu qu'ils avalent commis une seconde erreur. De
hulterTeUl'S cec·taine" relevées par M. Le Men dans.le P. Gon-
zague, M. Le Men am'ait-il conclu à la cel'titude du P.
GonZ:-lgue SUL' un neu vième point '? Assurément , non!
Donc M. Le Men a eu gl'and tort de ne pas .chercher le livre
cl Ll P. GonzaguM.
- -« Mais, me dit-on, M. Le Men a-dû croit'e que le P. Gon­
zague n'affirmai t pas sans prell ve. Songez! un si sa van t
homme, --lue la famille de 'saint François a choisi parrili des
milliers de frères comme le plus digne d'écrire L'histoire de
rOl'cll'e, et qu i sera un jour général des Cordeliers! )1
Oui; le P. Gonzague était très sa vant; mais un savant ne
peut tout savoir. J'ajoute qu'il était :très prudent, et qu'il rr'af-

fil'mait pas ce dont il n'avait pas la preuve. Or, la pl'euve de
la fondation par le baron du Pont n'était pas clairement faite
pour lui. Helisf'z-le plutôt:
c Dominns à Ponte ... ab omnibus aflir-matul' fundator. »
Mot à mot: « Le seigneu l' du ' Pon t est pal' tou t ie monde
« Mfirmé êt.L'e fondaleu r d Il cou ven L Il
J'osera is presq ue dire: affirmé pal' tou t le monde ... excepté
par le P. Gonzague. Je veux dire que le P.G.onzaglle semble
énoncee une opinion gênér'ale, dont il ne prend pas la l'espon-
sabilité, parce qu'il trouve apparemment la pr'euve insuffisante .
Eh bien! cette opinion générale sur' quoi se fondait-elle?
M. Le Men n',en savait rien. Le P. Gonzaglle le savait: il ne
·nous ra pas dit; mais Jean Beaujouan nous le rêvèle. Ecoutez
la raison, je me trompe, le prélextedecet.teopinion qui, d'après
Beaujouan, l'emarquez-le, n'e$t pas celle de tout le monde,
mais au contraire de quelques-uns; et en même tem ps pesez
l'objection du proCUI'eUl' du couvent conseiller et pl'OCl1rel.lr
du Roi, versé dans le cll'Oit féodal. -.
Au début (§ 2), Beaujouan a dit: « Il est certain (constat)
. «que Rainaud est fondateur du couvent. 1) JI énumère quel­
ques familles nobles ayant des sépultures dans l'église, no­
les vicomtes du Faou, et il ajoute:
tamment
§ 22. t< Pétronille de Rochefol't, femme du vaillant Herv~,
baron de Pont, choisit par testament sa sépulture aupr'ès de
celle de son époux, le 3 de'i calendes d"août 1383. .

§ 23. « C'est de là que quelques-uns ont pl'is occasion de·dire,
mais sans aucun indice sérieux, que la fondation du couvent
devait être attri-buéeaux bamns de Vont. Ces seigneurs avaient
de pierre à une pla(~e éminente, etc. »
un tombeau
Que vous semble de la réponse en fait? « Parce qne vous
avez une tombe, bat'on de Pont, on réclamé pour vous la fon­
Mais les vicomtes du Faou (ramage de Léon) bien plus
dation!
gl'ands seigneurs qlle vous, ont aUSSI leur tombe élevé~, dans
laquelle l'un d'eux revenant vainqueur du tombeall du

Christ, s'est couché en 1: 7; il~ ne se taJ'guent ' pns du
titre de fondateul's !: .. ») Lt: réponse piquante en faitetTIenre
ia question de droit à. laq elle nous viendrons plus 1al:d. : .
qui s'adresse l'observation de Beaujouan~ ... Au P.
Gonzague: n'en doutez pas. Jean Bea ujouan répond il la
pht'ase que j'ai copiée et traduite plus haut. : .
. Beaujouanècrivaitapl'ès 1629. Le livre deGonzague impr'imé
en 1603 était dans la bibliothèqlle du COll\"ent. Le. baron de
Pont y est indiqné comme fondateul'; H.ainaud, le ' père d
l'ami des [l'cres, leur hôte de(Juis quatre siède~ à la place
d 'bonneul', la pmmièl'e de toute l'église, à gancheau · piecl de '
l'autel, est destitué par Gon~aglle du titre de fondatem SOI1S
leq nel les hères vénèl'en t sa mémoire. Cette opin ion nOll velle
fait scandale au couvent ;et Beaujouan écrivant S1 nOliee
pour le co\;\!ent et sur des documents que nous n'avons pins,
rest1t.ue son titre à l'évêque; et proteste contre la tardïve usur­
pation ten tée a u proS t cl u baron cl e Pon t.
Donc une affirmation dénuée de preuve, démentie par le
. nécrologe, cont.l'aire à la tl'adition du couvent, voilà ce qu'iL
y a <1<:1ns la phrase sagement prudente du P. Gonzaglle. ·
L'opinion rapportée par le P. Gonzague n'a pas fait fortune,
si l'expl'es'3ion m'est permise, même dans la famille francis-
caine. Réfutée par Beaujouan, elle n'est pas acceptée sans
l'estl'iction par vVadding, l'auteur des Annales Franciscaines .
Il èceit (sans doute sous la date de 1232 ou 1233). (1)
« Ce qu'il y a d'absolument cel'tain SU!' ce point c'est que .
1'8glise des templiers qui avait d'abord.le vocable de Saillt-
Jean-Bapti~te, fut rebâtie et consacr-ée sous le vocable de Sainte­
MéÙ'ie-Madeleine, cette même année, par l'évêq ue de la ville
ne Gonzague nomme René; ... etc. J)
Dire que l'église fut rebâtie par Rainaud n'est-ce pas dire
que Raindud fut le fondateur de l'église ·b~ ,tie sur le nef de
Saint-Corentin .

(t) La copie qui m'a été adressée omet la date de l'année.

Quelques lignes pllls haut \Vadcling a~ait écrit:
{( On ne sait pas d'une manière èet-taine p.n quelle année le

magnifique baron de Pont aménagea pour les ft'èl'es mineurs
le couvent de Sainle-Marie-Madeleine. (1) »)
D'après vVadding, il ne s'agirait pas d'uQe fondation no\}-
velle, mais de réparations faites ail couvent des templier's
pour qu'il pût recevoir ~es nouveaux hôtes, les frères ruineul's.
Ainsi reconstruction de l'église par Rainaud ; ." aménage-
ment de l'ancien couvent., pal' le baron de Pont.; voilà re
que nous appren!i vVadding. "
Après avoir rappelé les el'1'eUl'S dont foul'm:ille la notice de
Gonzague, vais-je conclure à une 3utl'e erreur; en ce qui con­
'cerne la fondation par le baron de Pont '? Le' texte de \Vadding
'l1'en donnerait presque le droit. Mais je ne' risque pas de ces
conclusions hâtives. Je me contente de pose t' ici un point
dïnterrcgation. Je doute, c'est. mon dmÎl! et) avant de me:
décider pour' le baron de Pont, je demande d'antres pl'euves;
ce n'est pas lmp demander.
M. Le Men avait pr'évll celte légitime exigence. Il cite ell.
preuve l'aveu de la bal'onnie de Pont-l'Abbé du 29 sepl'embr'e

3° Aveu de Pont-l'Abbé." C{lt. aveu est unique aux archi \'es
du Fi-n-Ïstoère. Il est bien jenne de date, mais il supplée en
. partie aux aveux plus anciens qui nous manquent; ill elate
des minus fournis aux ducs (ln 1-18D, 1494 et 1538. (2) Ce
curieux document copie i.extuellement l'énoncé des dl'Oits
anciennement-réclamés t'n rajel.1nis~ant un peu le langage des
anciens titres.

(1) Le texte qui m'a r.lé transrnis porle adoplavel'it; je pense qu'on
doit lire adaptavel'it.
(-2) Mais ces aveux ne mentionnaient pas les prééminences; l'usage de les
mentionner ne s'est inll'oduit qu'à la fin du XVI· siècle. HI~vn", qltp..\'tion~
féodales, n° Il, p. 187· ; n° 19; p. 31ï.

M. Le Men en a cité on~e mots; mais il faut lire l'article
auquel il nons renvoie: c'est l'article des prééminences. Le

(f 18, 1'0 et V ; 19, 1'0 et va).
baron s'exprirpe ainsi
« Droit d.e prééminences primitives et su périorité, patronage
« et fondation de toutes les églises, chapelles et hÔpitaux de la
c ville de Pont et de la trève de Lambourg, qui consiste en ce
fi. qui suit (Énumération des chapelles de Pont-l'Abbè et
4( Lambourg).
« de Loctudy, Plonivel, Treffiagat, Tréoultré (Pen­
et. marc'h), Trèguennec, Plonèour, St-Honoré, Trémeauc (Tré­
e rnéoc), Combrit », (Ce sont les neuf paroisses qui, avec la
ville de Pont-l'Abbé forment le beau fief de la baronnie).
« des Cordeliers de Quimper Oll il a ses armes en 3upé­

et une grande tombe élevée joignant le balustre vis­
" riorité
« à-vis du sanctuaire.
ct.. Il a aussi des prééminences en l'église de Saint-Corentin
« et .en celle de Notre-Dame-du-Guéodet, en ladite ville d~
et. Quimper,

~ dans l'église paroissiale de Bannalec, en supériorité,
« dans l'église paroissiale de Rosporden, en supériorité. »
M. Le Men n'a copié que les onze mots ci-dessus soulignés,
(j'en suis sûr), mais très
omettant non intentionnellement
inopportunément, les mots joignant le balustre, qui ont quel­
dans la discussion de droit, en ce qu'ils placent
que intérêt
Pont au-dessous de celle de Rainalld,
la tombe des barons de
en lieu moins éminent. Nous vitmdrons à cela plus tard.
Or, pour avoir le sens vrai de l'article, il fa.ut lire non seu­
lement le membre de phrase oll se trouvent les mots soulignés,
Que disent-elles?
mais les deux phrases entières.
Dans la première, le baron de Pont affhme son titl'e de
Supél'ieur de toutes les églises comprises dans son
fondateur et

de mieux! Il en est seigneur supérieur en qualité de
fief. Rien
haut justicier et (comme nous le verrons) il est, dès 1000s,

présume fondateurt. jusqu'à preuve contraire.
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. TOME XVII. (Mémoires). 11

Mais il réclame les mêmes droits aux Cordeliers de Quimper.
En ce qui concerne la supériorité, l'erreur est évidente.
En effet, à supposer que le baron de Pont démontrât son titre
de fondateur, il n'était pas supérieur, et pour une bonne
raison: c'est que le cou vent est hors de son fief et de sa jus­
tice. En effet, comme dit Révin, la supériorité n'a rien de
commun avec le t.itre de fondateur (1) ... mais elle est un effet
de la seigneurie et de la justice féodale (2).
Le COll vent des Cordeliers était situé dans la ville close de
Quimper au fief de l'évêque; donc l'évêque et pas un autre y
avait la seigneurie de supériorité, et elle ne pouvait appartenir
au baron de Pont.

Donc la déclaration est erronée en 13e qui concerne la
supériorité.
Et en ce qui concerne la fondation ? .... L'évêque comme
seigneur supérieur est présumé fondateur jusqu'à preuve con­

contre lui preuve de -sa
traire, il faudra que le baron fasse
fondation (3). Comment devra-t-il faire cette preuve 1 C'est ce
que nous verrons.
En attendant, je demeure convaincu que cette phrase con­
tient une er1'eu'r de rédaction; que la première phrase
devait · finit' après le mot Combrit; et que ce qui
cQncel'ne l'église des Cordeliers devait être transporté dans '
où il est question des prééminences à Saint­
la phrase suivante
Corentin et à Notre-Dame-du-Guéodet en la ville de Quimper.
Si j'avais eu à résumer les droits du s~igneur de Pont dans
les églises j'aurais écrit:
c Le baron est seul fondateur supérieur et premier préémi-
» nencier des ~glises, monastères, cou vents, 'Jhapelles, cha­
» pellenies et hôpitaux dans la ville de Pont et dans les neuf

(1) Questions féodales, 'p. 159.
(2) Id. p. 167., .
(3) Id. p. 169.

_. HHi -,

c: paroisses de 'son fief; en l'églisc cathédrale de Saint­
» Corentin, en celles de N .-D.-du-Guéodetet des religieux
"Il Cordeliers de "la ville de Quimper, il a des prééminences. »)
Cette phrase que je marque de guillemets, je n'ai pas eu de
à la construire; c'est le baron de Pont lui-même qui
peine
me l'a fournie: elle est au folio 3 rO de l'aveu de 1732.
Comme on le voit, cette phrase est en contrac1ictio~l avec
éCl'ites aux folios 18 et 19. Me dira-t-on que cette "
les phrases
déclaration venue la dernièl'e COl'l'ige une dèclaration reconnue
insuffisante 1
Non, puisque l'acte ne porte aucune mention de rectification .

En tout cas, ne pensez-vous pas que M. Le Men, au lieu de
citer onze mots choisis par lui dans l'aveu de Pont, aurait
mieux fait de nous donner à choisir entre les dellX versions du
baron ~ Je ne doute pas que, si les lecteurs de la Monographie
de la Cathédrale avaient eu sous les yeux la première et la
. seconde déclaration, ils n'eussent été disposés à voir dans la
une faute de copie par transposition de mots. . .
seconde
C'est en effet ce qu'il y a au fO 19 de l'aveu; et la discus-
sion de la question de droit ne laissera aucun doute à cet
égard.
J'ai fini de l'examen de la question en fait. Le lecteur ne
trouvera-t-il pas que j'ai trop insisté '? Mais cette· insistance
excusée? n'était-elle pas commandée par le carac­
'n'est-elle pas
du livre que je combats, livre de science, de longues et
tère
patientes recherches, livre qui fait autorité? Je demeure con­
vaincu que M. Le Men,s'il avait eu sous les yeux Beaujouan,
aurait rectifié les pages 78 à 82, qui déparent la Monographie
de la Cathédrale. '
CHAPITRE III.
La question de droit.
Avantd'entamer l'examen de cette question, il faut s'entendre
sur le sens exact du motfondateur.

« Les fondations sont, dit Denisart, les donations ou legs
qui ont pour .objet rétablissement d'une église, d'un collége,
d'un hôpital, d'une communauté religieuse, ou qui sont faits
à des communautés ou églises déjà établies à la charge de
autre œuvre pie. »
prières ou de quelque
L'auteur écrivant au dernier siècle pal'le comme à son
époque: s'il eut écrit au XIIe ou XIIIe siècle, il aurait surtout
signalé le droit de sépulture dans les cou vents comme la cause
la plus ordinait'e de la fondation. « Les moines, dit Lobineau,
d'enfeu; mais on avait St grande
ne vendaient pas le droit

confiance en leurs prières qu'on se portait facilement à une
donation pour obtenir l'avantage d'être entel'l'é dans les cou­
vents (p. 73).» «Le XIIe siècle a été, dit-il plus loin, plus
fécond en fondatIOn qu'aucmn autre (p. 2(2). » Lorsque l'usage
des armoiries se généralisa, les graver sur la tombe du défunt
naturel et aussi s~mple que d'y mettre son noru.
parut aussi
C'est ainsi que les armoiries s'inlrodui~irent dans les églises.
Par la suite les fondations faites œabord à titre purement
gratuit, furent faites à la charge de certains droits dits droits
honorifiques, prééminences, préséances, comme une vitre, un .
écusson, un banc armorié. (1) .
Le fondateur est celui quj fait unefondation, un legs ou une
donation dont nous venons d'indiquer le but et les conditions.
Voilà le sens général du motfondateur; mais ce mot avait
autrefois une autre sens plus restreint, et qu'il faut expliquer

parce qu'il est aujourd'hui hors d'usage et parce que c'est en
ce seris spécial que le baron de POrit e~t dit « iondateur du
couvent de Saint-François. "
On voit souvent dans les vieux titres ces deux mots accolés
fondateur et patron. Ces deux expressions sont synonimes
sauf que le patron a le droit, qui n'appartient pas au simple

(1) Sur tout ce qui précède. Voir FERRIÈRE. Dict. de droit. y Litre .

fondateur, « de présenter à i'ordinaire une personne capable
« de rerevoir le bénéfice attaché à l'église ou à la chapelle. » (1)
Il n'y avait pas de bénéfice attaché au couvent des corde­
liers, par conséquent pas de patron. Laissons donc de côté les
droits spéciaux du patron et ne voyons que ceux qui compé­
taient au fondateur.
Le fondateur jouissait dans l'église qu'il avait dotée, fondée
ou construite de droits honorifiques que les auteurs nommaient
grands droits honorifiques. (2)
les
Je les ai omis volontairement dans l'énumération que j'ai
haut parce qu'ils ont une toute autre importance.
donnée plus
Ces droits sont le droit de litre ou de ceinture funèbre autour
de l'église, la recommandation nominale aux prières, le droit
ou séparément, le droit de banc et sépulture
d'être encensé seul
au chœur au lieu le plus éminent, et les écussons en supériorité

à la vitre-maîtresse.
Quand les titres auront péri (c'est le cas le plus ordinaire)
la jouissance de ces droits démontrera l'existence du droit de
fondateur.
Nous avons vu que le couvent des frères mineurs étant
au fief de Saint-Corentin, l'évêque, en tant que seigneur
situé
haut justicier, y avait la supériorité; et que, seigneur supé­
il était par là même présumé fondateur (3).
rieUl',
Cette présomption est prise dans la natUl'e des choses.
L'évêque est le seigneur du sol sur lequel l'église repose: Il à
ce titre on doit raisonnablement lui référer le don du fonds de
l'église (4). »
Toutefois, le baron de Pont pourrait avoir acquis le titre de
par la co_ nstruction du cou vent, ou pal' des
fondateur, ( ou

(t) FERRI[.;RE. VO Patron. p. 456.
('Z) DENISART. Droits honorifiqnes. p. 31 et 32.
(3) Le droit de supériorité est tel que le fondateur ne l)eut avoir de
prééminences sans la permission du seigneur supérieur. (HÉVIN, Questions,
(4) HÉVIN., id p. 169.

con ventions interposées 101'3 de sa fondation (1). » Mais la
il devra établir son titre de fon-
présomption étant contre lui,
dateur, à l'encontre du droit présumé de l'évêque (2) .
Comment faire cette preu ve ~ Pat' la prod uction du titre
primordial, dit la déclaration d'aoùt 1539. C'est en réalité in-
terdire la preu ve puisque le titre ancien a presque toujours
un mois plus tard, la déc:laration trop rigourellse sur
péri. Aussi,
ce point était-elle révoquéè par lettres royales du 24 septembre

On pourra faire la preuve de l~ fondation, dit Hévin, « par
une possession au moins de quarante ans, ou même par l'éta l
des églises (4).
C'est à ce dernier point de vue qu.'il faut nous attacher, car
ce mode de preu ve"ft été le plus ordinairement emplo'yé parce
qu'il était le plus facile.
Hévin veut dire"que la preu ve de la fondation s'induira de
l'existence « des marques et intersignes qui ne con viennent
qu'aux seigneurs fondateurs comme la litre, lisière ou ceinture
funèbre en dedans et en dehors, les armoiries aux lieux les
plus honorables, les écussons en relief de même temps que la
constwction, les bancs et autres honneurs (5).» Parmi ces
autres honneurs il faut assurémént comprendre les tombes
éminent.
élevées au lieu le plus
Il va saBS dire que ces intersignes qui vont suppléer au
titre primordial ne doi vent a voir rien d'équivoque.
Or, le baron de Pont, l'un des plus puissants seigneurs de
Cornouaille, n'a aux Cordeliers ni litre, ni écusson en relief,
n'invoque (je me trompe, on n'invoque
ni banc armorié. Il
(1) HÉVIN. (jtte,çtions féodales. p. 167.
(2) ID. Id. p. 3, 49 etc".
(3) ID. Id. p. 167 .

(4) ID. id. p. 168-169.
(5) ID. id. p. 169.

pour lui) qu'une vilre en supérioritê est une tombe élevée au
chœur. Ces intersignes font-ils preuve suffisante 1
La vitre en supériorité du baron est-elle à la maitresse
vitre ~ Non, puisqu'il ne te dit pas. Donc elle est insuffisante
pour établir la fondation.
Nous avons du bien fondé de cette décision la preuve à
Quimper même. L'écusson des Rosmadec brille à la cathé­
drale « en supériorité en plusieurs vitl'es » mais non à la
maîtresse vitre où sont les armes de France et de Bretagne.
Le marquis de Pont-Croix, héritier des Rosmadec, ne réclame
pas le titre de fondateur (1).
Bien plus! L'aveu du baron de Pont nous montl'e ce sei­
gneu~' d'accord avec nous sur ce point de droit féodal. Il ré­
clame la vitre en supériorité à Bannalec et à Rosporden, et
ûependant il ne réclame pas le titre de fondateur en ces deux
églises.
Je dirai la même chose de la tombe élevée que possède le
. baron de Pont. L'aveu nous apprend que cette tombe touche
le balustre du chœur (2); donc elle n'est pas à la place la plus
éminente due au fondateur de l'église. La place éminente û'est
la plus voisine de l'autel à gauche, du côté de l'évangile. Cette
place est occupée depuis 1245, par la tombe des Évêques, et
une autre tombe au moins se place enlre cette tombe et celle
du baron du Pont, c'est la sépulture des Lezongar, seigneurs
de Pratanraz, moindres seigneurs que les barons de Pont;
mais qui, au couvent de Saint-François, ont de bien autres
prééminences (3).
Ce n'est pas tout: d'après le nécrologe, les seigneurs de
Guengat', du Chastel, du' Treff (par Saint-Evarzec) ont enfeu
('1) Aveu du 30 octobre 1730. Arch. du Finistère.
Ul Circonstance que suppr imait M. Le Men, avocat officieux du ·baron
de Pont.
(3) Arch. du Finistère. Procès-verbal dressé par François de Rergoët,
sénéchal de Quimper, t9 août tôit. Une vitre au chœur, quatre tombes
devant l'autel, un écusson sur un bénitier du cloitre, la litre sur une
chapelle comme nous le verrons plus loin.

au haut du chœur (in capite chori) en lieu plus éminent que

les barons de Pont. Les Coetanezre sont, comme ces derniers,
dans le chœur (in choro).
En résumé, le baroa de Pont ne réclame pas un écusson
en supériorité dans la maîtr'esse vitre, il n'a pas de banc dans
le chan<~eaù, sa sépulture ne joint pas le grand autel; il n'a
pas ce que Hévin nomme les honneurs du chanceau, on ne
peut le dire seigneur fondateur. « Cetté conséquence, dit le
vièux feudiste, saute aux yeux (1). "
. Nul doute que le baron de Pont, s'il eût été fondateur,
n'eût invoqué le droit dont les seigneurs se m ceinture funèbre (2). Voyez plutôt:
jaloux, la lisièl'e ou litre, la
Les seigneurs de Pratanraz fondent lJ. chapelle de N .-D.-
de-Vertu ou N.-D.-des-Agonisants, appuyée en appentis au
mur nord de l'église des Cordeliers. Ils ont la litré au-dedans
et au-dehors autour de cette chapelle. (3) .
Juch sont fondateurs de la chapellA dUe-de
Les seigneurs du
leur nom qui forme l'aile droite du chœur. Ils ont eu le droit
de litre; mais, par acte du 10 juin ~638, Amaury de Gouyon,
Juch, a vendu la
marquis de la Moussaye, héritier des du
baronnie à Sébastien, marquis de Rosmadec ; le droit de litre
voie comme le mal'quis démon­
est éteint. (4) Mais vous allez
trerait son titre de fondateur, si quelqu'un était assez mal avisé
le contester. .
pour
Il peend possession par mandataire le 5 octobre 1638. Le
gardien du couvent, frère Jean Durand, accompagné de pln-
(1) fJ1testions. p. 45 . .
("~) Sur la titre, voir FERRIÈRE et DENISART. Ces deux jurisconsultes pro­
testent viveinent contre cet « indécent usage de faire porter à la maison
« de Dieu des marques profanes de la noblesse des morts, comme s'ils ·
t avaient 'quelque seigneurie sur les lieux saints ... »
(3rp. V. cité plus haut, p. 167. Note 3.
(4) Le droit de litre n'appartenait qu'à la famille du fondateur et ne
(FERRIÈRE, VO litre, p. '232).
passait pas à l'acquéreur de la. seigneurie.

L'acquéreUl~ ne pouvait que faire effacer la litre peinte aux armes des
. anciens seigneurs. (DENISART, . VO litre, p. 65.

sieurs frères, conduit le 0. mandataire du marquis dau3 la cha­
du Juch, et lui J'i1èconnaît le titre de fondateur; il lui
pelle
montre au milieu Jfde la chapelle au piecJ, de l'autel, la tombe
des seif;neurs dt:.àf Juch élevée de trois pieds de hauteur, longue
de htllt . '~llarge de quatre, chargée de quatorze écussons
aux armes du J Llch ; et la geande vître au-dessus de l'autel
parsemée des armes et alliances de la maison du Juch ... Il (1)
Ainsi le nom de fondateur, la vitre maîtresse toute entière,
et chargée d'armoiries touchant l'autel, voilà
la tombe élevée
dt's preuves certaines de fondation.
Mals qu'est-ce auprès de ces honneurs dans une chapelle
prohibitive que l'écusson en supériorité du baron du Pont
non dans la maîtresse vitre, que cette tombe au chœul' mais
non au lieu le plus éminent 6 ? Des deoits honorifiques simples
que beaucoup d'autres seigneurs partagent aux Cordeliers avec
Pont. Hévin, s'il l'avait consulté, aurait répondu
le baron de
au baron ce qu'il avait répondu au seigneur de Laval: ( Les
droits honorifiques
conséquences certaines et évidentes de vos
se produisent elles-mêmes et sautent aux yeux: VO'lS n'êtes
pas seigneur fondateur. » (2)

CONCLUSION.
Est-ce à cl ire que le baron de Poo't resta étranger à la cons­
truction du couvent de Saint-François G ? Parler ainsi ce serait
nier l'évidence. Nous avons la preuve que, comme les
seigneurs du Juch, de Pratanraz, de Guengat etaut.res, le
Pont doit ètl'e . compris parmi les nombreux et
baron de
insignes bienfaiteurs du cou\~ent. S'il n'est pas fondateur et
premier prèéminenciee, il est fondateur dans le sens large et
originaÎl'e du mot, comme les autres seigneurs ayant enfeu
aux Cordeliers.
(1) Ti tees des Cordeliel's. Arcb. du Finistère .

(~) Questions, p. 45.

• L'évêque Rainaud avait été introni~!é en 1219. Il 'venait de
France; et, dit M. Le Men, (( il a~'~~it pu admirer les mer-
veill~s du stile ogival dans les éO'lises nouv01lement élevées. "
Il trouve à Quimper une vieille église roman~ décrépite, et que
· le chapitre a de la peine à réparer (1); et il ~ ~Q-!!:opl'end â;en
'commencer une autre; mais cp.tte importante construction
absorbera tou tes ses ressources.
Pourtant, vers 1230, quand il revient d'Italie, il a conçu
construire un couvent pour les frères
un autre projet. Il veut
Comment se procurer de nouvelles ressources? Le
mineurs.
trouvé: l'évêque s'adressera au diocèse;
moyen est bientôt
son appel sera entendu, comme sera entendue, six siècles après
d'un de ses dignes successeurs implorant l'aumône
lui, la voix
d'un sou par persorrne dans le diocèse de Quimper dédoublé
. pour élever vers le ciel les flèches qui complètent la cathédrale
commencée par Rainaud (2).
Pont, le plus grand seigneur de
Nul doute que le baron de
.. ' Cornouaille avec le vico.mte du Faou, n'ait des premiers '
répondu à l'appel db prélat .
Pour comprendre l'enthousiasme qu'excitait la création
d'un couvent de Franciscains, il faut se transporter par la
pensée vers le milieu du XIIIe siècle. François d'Assise était
en 1226, seize ans seulement après la création de son
mort

(t) Cela résulte clairement de l'abandon que l'évêque fait, en 1229, à la
fabrique du revenu d'une année de toutes les églises à sa collation qui
. vaqueront autremen~ que par permutation. Cart. n° 31 fo 17 et n° 56 fo 1 .
(2) Mgr Graveran a posé la première pierre des flèches en 1854. Il est
mort le 1 er février 1855, et les flèches ont été achevées sous son successeur,
Mgr Sergent. C'est le 10 'août 1856 que Quimper les admirait pour la pre-
: mIère fois débarrassées de leurs échafaudages.
Ces flèches sont l'œuvre de M. Bigot, de Quimper, architecte diocésain,
qui avait pour maître maçon M. Pierre Nestour, de Quimperlé.
La justice veut qu'on ne se lasse pas de rappeler ces dates et ces noms.
Les flèches ayant pris la teinte de l'église semblent du même âge qu'elle.
D'autre part, après trente ans à peine écoulés, on imprime que les llèches
sont l'œuvre de M. Viollet Le Duc, ou même que l'église toute entière a
été rebâtie en 18;)8, sur les plans de M. Viollet Le Duc .

Ordre; mai:; sept ans avant sa mort, en 1219, il avait vu ras-
semhlée autour de lui, une famille de cinq mille frères. Avant
de mourir, il leur avait partagé le monde. La main de saint
Louis leur avait ouvert la France, et le saint roi allait leur
donner II ne demellre au près de son palais.
Nous sommes en 1232, et la Bretagne n'a pa,s encot'e de
frères minenrs. La Cornouaille est tranquille. L'évêque de
Quimper a sur son fief et dans sa ville un vaste espace récem­
ment abandonné par les templiers; on peut aménager le
couvent et rebâtir l'église (1) ; jamais circonstances ne furent
plus favorables.
La pensée de l'évêque répond à un besoin du temps, et il
~uffit d'un mot de lûi pour provoquer des nombreuses fonda­
tions et des aumônes abondantes: Ce n'est même pas une
témérité de supposer que le DllC de Bretagne, qui avait une
maison dans l'enclos des frères mineurs (2), contribua à
l'édification du premier couvellt de Franciscains fondé en Bre­
tagne. Du moins les armes de Bretagne se voyaient-elles
jusqu'au dernier siècle « sculptées» sur les piliers dé la porte

principale. (3) .
Les titres de ces pr'emières fondations ont péri: ceux qui
nous restent en trop petit nombre sont des XVIe et XVIIe siècles.
Plusieurs nous montrent des bourgeois de Quimper faisant des
fondations pour obtenir une tombe et un obit. Nul doute
qu'au début il n'en ait été ainsi; les seigneurs de Cornollaille
et les riches bourgeois de Quimper ont rivalisé de zèle et rie
libéralité. (4) ,
(1) L'aménagement du cou vent, la reconstruction de l'égli!!e, voilà qui
semble ressortir du texte de Wadding cité plus haut, p. 15'), § IV.
('2) La maison fortifiée commencée pal' Guy de Thouars et qui, sUr la
protestation de l'évêque, resta inachevée, bien que couverte. (t 209)
(3) Réponse de l'évêque à une plainte portée par le Sénéchal (arch. cl
Finistère).
(4) Voir Ce qui l'es'e des anc:'ens néc7'otfJges. Bull. de la Société, X
(t 888) 2 partie, p. 87. .