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Bulletin SAF 1887


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Le Domaine ducal à Morlaix et Lanmeur

M. Hardouin

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LE DOMAINE DUOAL

A MORLAIX ET LANMEUR '*

L'essai qui va suivre a pour but, en ramenant quelques
instants l'attention sur deux manuscrits relatifs au sujet
indiqué, de concourir à la réitération du v:œu que ces ma­
nuscrits soient intégralement publiés. Le prerr.ier date de
1455. Il existe en original dans les archives départemen­
tales de la Loire-Inférieure. Quant au second, qui re­
monte seulement à 16ï9, il est conservé dans celles du
Finistère. Les préliminaires et les actes y furent relatés
des réformations que l'ancien domaine eut à subir, no­
tammen t à Morlaix et à Lanmeur, aux époques mention-
néos. Enoncer un tel contenu c'est dire le haut intérêt
qu'il,présente au point de vue de l'histoire tout à la fois
de la province de Bretagne et de la ville de Morlaix. Cer­
tains préliminaires s'imposent à raison de l'extrême spé­
cialité du sujet. Ils seront suivis d'aperçus concernant
chacun des deux manuscrits. En terminant trouveront
place quelques indications bibliographiques. Elles ont
paru n'être pas dénuées d'intérêt et pouvoir aider, pour
leur part, à la réalisation du vœu déjà précisé et qui ser­
vira de conclusion à la notice .

L'importance du rôle dévolu comme sources historiques,
aux documents légués par l'ancien régime fiscal, n'est
(.) Not'ce lue dans les séances des 26 août, 26 novembre i886,
2q, février et 26 mai :1.887.

plus, depuis longtemps, à démontrer. Où, plus complè­
tement que dans leur teneul" la lumière se fait-elle sur
toute une catégorie d'évènements de la dernière gr'avitè,
accomplis durant un e période en ceci toute déterminée?
On parle de la période qui s'ouvrit, dès le VIle siècle,
par l'émotion populaire contre les registl'es du cens,
survenue dans Toul's, d'ores et déjà métropole religieuse
de la province, pour finir à peine, vers le déclin du XVIIe,
par la révolte dite du papiel' timbré, si sanguinairement
réprimée (1)
L'exécra tion qui, du commencement à la fin de l'ancien
régim e, se déchaîna si souvent contre les taxes publi­
ques de toute espèce, ne laissa pas de rejaillir sur leur
hist.oire elle-même . A l'école, au barreau, dans les ra ngs
judiciaires, à part la classe fort restreinte des légis­
tes dont la colla')o ration rém'unérée et la science furent
acquises aux administrations fiscales, cette histoire ne
rencontra guère que répulsion. Bertrand d'Argentré) qui
eut à se préoccuper des prééminences et dl'oits honDrifi-
ques exercés à l'intérieur, voire à l'exférieur des églises
seigneuriales et chapelles tl'éviales, sujet prédestin é à se
faire dans la réformation de 1678-1679, la part véritable­
m ent léonine qu e l'on verl'a plus tard, leur garda rancune.
- « II y a, s'écria-t-il mélancoliquement quelque part, peu
« de conseils en ces matièl'es pour n'y estre pas beaucoup de .
« gens fort instruits comme a ussi peu il s en ont le moyen. »
Ultérieul'ement, Pierre H~vin , de tant érudite et judicieuse
mémoil'e, ne témoigna guère de moins d'antipathi e à l'en­
droit de la fiscalité (2) . Cette disgràce fut d'ailleurs encourue

(i) Voir relativement au lugubre épisode tant de l'histoire fi sc.ale que
de l'histoire de Bretagne, auquel il- est fait ici allusion, les documents et
la savante notic.e naguère publiés par M.l'Archiviste départemental Luzel.
(Bulletin de la Soc. al'C héol. du Fmistère. i887, 2 Partie, p. 35 et suiv.)
(2) li n'est pas besoin de rappeler que la législation fiscale ne fut
pas moins familière que l'universalité du surplus de l'ancien droit à

à raison beaucoup plutôt enCOI'e de l'arbitraire sans limites
et des exécutions sans merci sur les personnes comme
sur les biens des « étreignables )), qui, traditionnellement,
eurent cours, que des complications et du formalisme
à outrance dont la fiscalité du temps demeura hérissée .
également ainsi que s'explique-dans la presque totalité
C'est
des publications historiques qui se succédèrent au siècle
gardé tout particulièrement à l'endroit
dernier, le silence
des réformations domaniales de 1455 et de 1678-1679.
travaux d] date récente par lesquels il a été réagi
Malgré les
contre une aussi regrettable omission, les documents sur
lesquels il y a lieu de revenir l'estent au nombre de ceux à
la teneur desquels un accés de plain-pied est loin d'avoir
été frayé. Il ne saUl'ait dès lors être inutile de recourir tout
d'abord à quelques indications aUf;si sommaires que possible
relativement: 1" aux origines de l'institution du domaine
ducal; 2° à sa transformation vers le Xr siècle et à son
administration; 3° à sa consistance dans Morlaix et Lan- ,
meur; 4° aux antécédents immédiats de la réformation
qui fut décrètée en 1455.

Etant donné le sujet de la notice actuelle, la nécessité ne
peut guère s'éluder de rétrograder un instant jusqu'aux
époq ues mérovingienne et carlovingienne. Où placer ail­
leurs, en effet, le berceau de l'institution du domaine
ducal? Ne se confondit-elle point essentiellement avec
l'exercice de la suprématie dont bénéficièrent alors dans une
étendue plus ou moins considérable de la péninsule armo-

l'un et à l'autre de ces tant célèbres jurisconsultes. Voir notamment
~aus le Commentaire .de la co~tume d:3 Bretagne par d'Argentré, le
tItre s~cond.: Des. drozts du pnnce. et autres se(qneurs. Art. 51 et s.
Quant a HéVlll, qUI ne cannait ses Questions féodales?

ricaine, les chefs autochtones qui fUl'ent, selon les circons­
tances, les rivat.:x ou les a lliés, voire parfois les tributaires
de leurs voisins les rois des Francs en pel'manence de con­
voitise d'annexion de la méme péninsule?
Rien de moins éclairci, assurément, même aujourd'hui,
que la succession des ducs ou rois armoricains durant les
périodes indiquées (1). Il n'en est point autrement des
faits et gestes de la presque totalité d'entre eux, à com­
mencer par les plus célébres . L'histoire, en ce qui les con­
cerne, n'a été que trop tàt et surtout que trop assidû'
ment primée par la légendaire populal'ité et par l'inépui­•
sable affluence des récits les plus aventurés.
Néanmoins, quoique une pleine cla l'té fasse ici forcé­
ment défaut, la certiude n'est- elle point que, aux épo­
ques citées, tbute supréma tie dériva par excellence des
sources concomitantes qui vont ètre précisées?
La premiérene fut autre, semble-t-il, que la disponibilité
dont les souverains d'alors usèrent, de territoires habités
ou inhabités, épars dans les diverses régions de la pénin­
sule. Lorsque cessa la domination romaine, l'étendue
des seconds, en particulier, paraît avoir été· telle que les
immigrations elles - mémes des Bretons insulaires fUI'ent
impuissantes à les peupler. Vacants ou non, d'imme'lses
espaces continuérent donc de constituer le fonds de la
plupart des dotations dont bénéficiérent simultanément
et en nombre toujours croissant, les membres du haut
clergé régulier ou séculier' et de la noblesse toute guerriél'e
de l'époque. Loin d'ayoir été inépuisable, ce fonds ne
(i) « Nous avons recherché l'h istoire de Bretagne pendant tant de
« tempestes ; comme en l'espesseur des nuées au plus obscur de la
« nuit poursuivi ce qui se pourrait .du clair des étoiles, concernant
« nostre intention ... pour en faire texte et tissure de quelqu'ordre et
« disposition intelligible. " D'Al-IGENTRÉ, Hist. de Bret., p. 1.22. Ed. de

fut, au contl'ail'e, que tl'Op souvent épuisé. Il serai t
d'ailleurs superflu de rappeler, d'une part, que la gratui té
. ne fut nullement de l'essence des concessions et qu'elles.
entraînèrent tout au moins charge de service militaire, et
d'autre part, qu'elles n'eurent longtemps qu'un caractère
viager. E!:'t-il besoin d'ajouter que les actes de concesssions
datant de l'ère carlovingien nc abonden t en particulier dans­
le>; Cartulair'es de Redon et de Lfl.ndévenec ~
Une seconde source d'influence et d'autorité non moins
assidûment am bitionnée que la précédente, ce futla posses­
sion à titre privé du plus grand nombre que possible de
terres avec manoirs, fortifiès pour la plupart, el dans tous
- les cas richement pourvus de dépendanc .'ls adjàcentes tànt
en cultures ou exploitations de plein rapport, qu'en parcs,
bois, foréts, étangs, eaux vives ou marècages, tout spécia­
lement appropriés aux délassements cynégétiques après
les labeurs de la guerre. Ici des textes prècis peuvent
étre cités. Une nomenclature s'y l'etrouve des plus nota­
bles d'entre les hàbitatiolls ducales dont il vient d'étre
parlé (1).
Enfin, avec et par les tradi tions de la fiscalité romaine
s'était maintenue la perception de ·taxes dont l'une, a la
différence de toutes les autres, semble avoir présenté tout
au moins jusqu'à fin de la période carlovingienne, un ca­
ractère manifeste de générali té (2).
Au demeurant comment douter que les chefs dont la
souveraineté s'affirma plus ou moins avant en Bretagne
armoricaine, jusqu'à la déchéance des carlovingiens, aient
été non moins instinctivement enclins et assidus que leurs
contem porains les chefs des Francs, à puiser tout particu-
{il V. Aurélien DE COURSON. (Carwlaire de Redon). Impr. nat. :1.863, .
i vol. in-4.°. Prolégom~nes, p. CCV!! et s.
(2) CarlIt/aire de Redon. Pl'Olégomènes, p. CCCI et s.

lièrement dans chacune des trois sources qui viennent d'être
mentionnées, le secret par excellence, de maintenir et d'ac-
croitre au dehors comme au dedans le prestige de leur puis-
sance? Serait-ce donc que pour att~indre à un tel but l'assis­
tance leur fît plus dêfaut qu'il. leurs émules, d'auxiliaires ou
serviteurs passés maitres non seulement en familiarité d'u­
sage du latin, mais encore en l'art de ressusciter au bénéfice
maîtres nouveaux venus les enseignements de la fisca­
des
lité impériale ? L'histoire de la p"éninsule, s'il en était besoin,
protesterait avec non moins d'énergie que l'histoire des rois
Francs, contre toute supposition pareille. Ne fut-il pas de
l'essence de la législation citée et dans ses destinées d'ai­
der pour sa large part à l'avènement de la civilisation mo­
derne? La théorie et la pratique du droit romain, spécia­
lement en ce qui concernait les condi tions de l'exer­
cice du pouvoir, son unitê et ses prérogatives, purent en
Bretagne armoricaine comme ailleurs, et l'on serait tenté
de dire plus qu'ailleurs, semble!' à la veille de disparaitre :
elles y furen t voilées de l'ombre de siècles entiers de dé­
cadence et d'anarchie. Mais le l'éveil survint apl'ès une pé- .
l'iode plus ou moins prolongée.
quand il s'agit du régime fiscal, n'est-ce
Spécialement
point, s'il était permis de s'exprimer ainsi, formulaires,
capitulaires, cartulaires et polyptiques e.n main, que se
peut attester, mème en des temps aussi reculés, l'exis­
tence de rudiments de comptabilité publique beaucoup
moins informes qu'on a coutume assez généralement de
le crJire?
Le tant célébre capitulaire de Villis (1) en particulier
ne devint-il point la charte de toute gestion réguliére
d'une résidence ducale?
(1.) V. BALUZE, Capitularia Regum Francorum. Anno ? tome l,
p. 331. et PERTZ. Leges.

A la vérité, toute cour ou chambre des comptes, en œuvre
de contr6le des services publics et des régies d'alors, fit
défaut.

En outre, Morlaix et Lanmeur étaient encore à naitre en
tant que juridictions domaniales .
Que l'on ne s'y trompe point cependant. - Non seu­
lement existèrent dès lors une administration fiscale et
des régies de domaines, mais enCOl'e s'entrevit, tout au

moins à l'état embryonnaire, l'institution d'une haute auto-
rité de centralisation et de -vérification des comptabilités

publiques.
La pénombr~ s'ouvrit où s'agitèrent les convulsions su­
prêmes de la dynastie carlovingienne, où se succédèrent
les dévastatrices inc:ursions des pirates du nord, l'héré­
dité des fiefs, la dissémination et la localisation de toute
autorité de défense ou de protection du territoire; ou
survinrent l'érection et la consolidation définitives de l'édi­
fice féodal sur ses assises dès longtemps posées et inces­
samment étendues.
Peut-être convient-il néanmoins de ne pas exagérer les
suites et les consêquences de l'atteinte, trop réelle d'ail­
leurs et trop manifeste, qu'eut alors à subir l'autorité ducale.
vainement que Nominoé et ses successeurs
Fut-ce donc
immédiats brisèrent il jamais, de leurs mains irrésistible­
meut puissantes, la domination des Francs en Armorique,
pour y substituer leur suprématie toute royale, et la tradi­
tion ne tendit-elle point à sUl'vivre d'une autorité dont la
récupération devint le but continu des efforts que tentèrent
les plus entreprenants et les plus habiles d'entre les chefs
et les conseils des dernières maisons de Bretagne ~
La transform ation que le domaine eut à subir par suite
de l'évolution accomplie, s'accuse d'elle-même .

Effectivement, pour occuper le met de la hiérarchie
féodale, les ducs n'en fment pas oins réduits à n'être
souvent que plus ou moins nomin alement souverains .
Dès longtemps avait cessé, plus ou moins complètement,
entre lems mains, l'ancienne disponibilité de concessions
immobilières à titre de libéralités pures ou de rémunéra­
tion de services.
Est-il besoin de dire que si des données historiques aussi
familièl'es à . chacun et à tous que celles dont il est ici
parlé, sont repl'Oduites en passant, c'est uniquement parce
qu'il ne saurait y être trop insisté?
Dès longtemps donc il n'était plus, en tout l'ancien duché,
une parcelle du territoire qui ne fût rentrée dans l'enclave
et dans les limites d'un fief ou d'un arrière-fief ayant sa
justice proj:)l'e et pour ainsi dire son gouvernement affran-
chis de toute autorité centrale.
Par quels liens de foi jurée, par quelles solennités d'hom­
mages enchainer désormais les feudataires devenus noo­
seulement les pairs de la maison ducale, mais encore ses
latents ou patents, à tout le moins ses pro­
compétiteurs
tecteul's, souvent équivoques,toujours à J'envie l'un de l'au­
tre, dangereux, intéressés, insatiables, et ne connaissant ou
Ge consentant, en matière d'impôts, que ceux dont la levée
par préciput, sinon exclusivement à leur profit~.
se ferait
Com ment enfin faire place, dans un pareil milieu, à l'alimen­
tation d'un trésor public, à quelque embryon d'un budget
(même aux rudi­
quelconque de recettes et de dépenses,
ments d'une liste ci vile?
la vérité, en ces mêmes temps, eurent cours, pour sub­
venir aux nécessités financières, maintes expéditions ar­
mées, soit au dedans soit au dehors de l'ancien duchè, la force
primant à tout instant l'empire du droit. Mais ce ne fut la
qu'une ressource éphémère, d'avance ramenée à la mesure

des facultés des populations ou des indlvidus victimes de
sortes d'exécutions.
ces
En somme, les possessions à titre privé de la maison
souveraine, à l'époque dont maintenant il s'agit, furent
avant tout, les résidences plus ou moins nombreuses,
plus ou moins abondamment poul'vues de d.épendances
rurales et d'ailleurs éparses, comme il a déjà été dit dans
les ' régions les plus diverses, qu'il lui fut donné de
conserver ou d'acquérir par tous les modes usités. On
eût pu dire en toute vérité, d'autant d'îlots incessam­
ment minés et menacés d'immersion par les marées
féodales. Enfin, comment oubiler que la couronne ducale
fut tout autrement encore en péril à l'extérieur qu'a 'l'in­
térieur, et que son existence entre les rivalités et les con­
voitises des royaumes de France et d'Angleterre ne se put
guére comparer qu'à une navigation qui souvent défia l'in­
domptabl e énergie elle-méme de pilotes et d'équipages
coutumiers des plus rudes aventures? Combien d'alternati­
ves de naufrages ne furent-elles pas à conjurer le long de
côtes semées de récifs, et comment louvoyer au large en
plein déchaînement de tempétes ~ Enfin qui ne sait qu'a
s'appesantir sans résistance sur la maison ducale au som­
met et SUI' les classes agricoles et ind ustrielles a la base,
le régime féodal eût dégénéré en un obstacle permanent
à tout essOl' de la civilisation ~ Ne serait- il pas superflu d'a­
jouter que, dès lors aussi, s'engagea, pour conquérir l'é­
mancipation des liens du méme régime, la lutte tant con­
nue qui, lente d'abord et laborieuse à l'excès, devint plus
tard aussi active que persèvérante?
En réalité donc, la maison de BI'etagne, chefs ou membres,
ne détint pas alors à d'autres titres et avec plus de droi ts
que ses vassaux immédiats ou médiats, les fractions de
territoire qui demeurèrent ou qui devinrent ses possessions
directes et privées.

. Étreintes et enserrées ainsi qu'il a déjà été dit, par un
ensemble ' de fiefs limitrophes, quoique variant tant en
nombre qu'en importance, elles n'en constituèrent pas
moins l'assiette du nouveau domaine par transformation de
l'ancien.
Longuement se maintint à l'usage de la maison de Bre­
tagne la toute familiale pl'atique consistant à circuler al­
ternativement de résidences en résidences, dans le but d'y
subsister pOUl' un temps, des produits en nature et des
autres revenus de chacune d'elles.
A en croire maints chroniqueurs contemporains. et même
à lire certains actes officiels, les h6tes de distinction, les
officiers de service, les courtisans et plus spécialement
encore les intendants, les serviteurs et leur lignée eurent
tout autrement intérèt que les hauts châtelains et leur
épargne à la durée de la coutume en question.
ait été, un fait hors de controverse, c'est que
Quoiqu'il en
par la dénomination de palais si pompeusement étalée
dans le protocole final d'une foule de titres, il convient de
n'entendre génér'a!ement que telle ou telle autre forteresse
à grands frais érigée en vue d'assauts de toute nature à
soutenir, tant6t prise sur l'ennemi du dedans ou du dehors
et tant6t récupérée par lui selon les vicissitudes des ba-
tailles. .
A très bon escient fut tenu pour redoutable autant que
redouté le renom de plusieurs d'entre ces sortes de palais.
Parfois, en effet, les réalités de l'histoire y rivalisérent
avec les plus lugubres visions de la légende. Ce n'est du
reste nullementle cas de s'attarder à 1 es décrire ou à s'en­
quérir des crimes qu'ils recélèrent. Il doit suffil'e de cons­
tater itérativement que le nouveau domaine ducal en fit
autant de centres de son raycJnnement.
Une supl'ématie héréditaire avec la consécration réelle
chacun et de tous dans l'étendue entière
de l'obéissance de

de l'ancien duché, fut naturellement l'ambition plus ou
moins ardente ou contenue des maisons qui en devinrent les
titulaires. Aucune n'y atteignit. La sup~riorité de la force
exista chez maints compétiteurs et ne cessa de tendre à
s'imposer avec alternatives de succès et de revers.
La priorité de rang en fait de noblesse, acheminant à la
priorité de commandement militaire en temps d'expédi­
tions, n'en demeura pas moins une sorte de pierre angu­
laire du pou voir ducal. La dignité du maitre se refléta sur
ses suborclonnés à tOtiS les degrés de la hiérarchie de leurs
personnes ou de leurs emplois depuis les plus hauts dignitai-
res jusqu'aux subordonnés les plus humbles en leur domes-
ticité. A servit' le plus noble au lieu du plus fort et du plus
riche, il y eut une émulation qui, sans devenir générale et
absolue, il s'en fallut de beaucoup', l'état social ayant
continué d'y faire obstacle, - ne laissa pas d'avoir son ef­
L'histoire ne se borna point à rendre té­
ficacité relative.
moignage de cette émulation. Elle l'.honora.
Au point de vue de l'administration de la justice et de
alors confondues ou plutôt identi­
l'administration fiscale,
fiées, la tendance qui vient d'être signalée contribua 'puis­
samment à créer en faveur des offices d'institution ducale
et au détriment des mêmes offices ne procédant que d'une
institution seigneuriale fût-elle du plus haut rang, la pré­
férence qui veut être dès maintenant rappelée.
Ce ne pouvait étre et ce ne fut point une préférence at­
tributive, absolument parlant, d'une supériorité à la fois
hiérarchique et centrale. Mals, pour n'avoir eu d'abord
qu'un caractère tout relatif ou comparatif, cette préférence
pas moins, dés l'origine, à prévaloir. Elle se fit
ne tendi t
et envahissante à l'endroit de
de plus en plus agl'essive
autt'es justices ou autorités.
toutes
Dans la première venue des possessions patrimoniales,
l'agent, si inférieur fût-il, directement commissionné n'en

constitua pas moins un représentant de l'autorité ducale
et de ses revendications. Tout localisé et tout restl'eint que
pùt être ainsi l'exercice de celle-là, il ne s'étendit pas
moins à. la poursuite incessante de celles-ci. L'officiel' ducal
ne fut pas moins comptable des bénéfices de cette poursuite
que du surplus des produits exigibles dans le ressort de
sa juridiction, produits en natu!'e, cens ou cheffrentes, en
un mot perceptions foncières de toute espèce. Il eut en
outre à. exige!', dès la même époque et par sUl'croit, dive!'ses
taxes récogniti ves de la suzeraineté ou à destination de ser­
vices d'intérêt général et non pas seulement d'intél'êt local.
Ce fut d'ailleurs avec subordination à une autol'ité centl'ale,
que le même officier eut charge de cet ensemble si com­
plexe de recettes et de dépenses .
pl'olongés qu'aient été déjà. les préliminaires de
Quelque
la notice, ils exigen t un com plémen 1.
En effet, ainsi que la constatation en a été faite, l'institu­
tion ultérieurement devenue si célèb!'e sous la dénomination
de Chambl'e des Comptes de Bl'etagne et dont néanmC!ins,
l'histoi!'e reste à publier (1), exista en gel'me dès le XIe et
le XlI" siècies. Il y fut alors préludé, très impal'faitement,
il est vrai, surtout au début de cette période, par la tache
qu'accomplirent relativement a l'administeation des do­
maines et droits divers, certains d'entre les familiel's de la
maison ducale. De ce nombl'e furent, il ne faut pas l'oublier,
des membres du haut clel'gé et non pas seulement de la
haute noblesse.
Sans doute, en ceci, l'obscurité demeure d'autant plus
({) Une utile monographie a bien paru S'lUS le titre: Histoire de la
Chambre des Comptes de Bretagne. Paris. Signy et Duprey. 1854,
in- 8° VI, (j,(j,6 p. Mais l'ouvrage a-t-il répondu à ce titre, aux. intentions
de wn honorable auteur (M. DE FOURMONT ) , et aux légitimes exigences
du public instruit ou à instruire? Il Y aura lieu de faire succéder plus
loin sous ce rapport, une seconde annotation à celle-ci.

irrémédiable qu'alors encore l'écriture tendit à peine à
franchi!' l'enceinte des monastères ou des chancelle­
ries des évêchés, des chapitres et des églises les plus
notables. Cette obscurité toutefois n'est point tellement
èpaisse qu'elle ne laisse pas apercevoir l'existence de pré­
décesseurs des mêmes conseillers qui, à dater du XIIIe, et
surtout du XIV· siécles, furent désignés sous le titre de
gens des comptes.
Cortége forcé des chevauchées guerriéres ou pacifiques
des ducs leurs maîtres, ces sortes de familiers accoutu-
comme il est permis de le répéter ici, de faÏt'e
mérent,
preuve d'un dévouement non seulement rival de celui de
l'élite de la chevalerie d'épée, mais encore tout autrement
assidu et surtout éclairé. Leur tâche com porta, de son
essence, a défaut de popularité, dans les rangs d'une cour
encore fort primitive, un espI'it de suite et une connaissance
du droit et des éléments de la comptabilité qui firent au con­
traire essentiellement défaut à une oligar'chie belliqueuse
partout et quand même, d'ailleurs suspecte d'indiscipline, de
versatilité et d'une ambition sans limites.
Vient-on à passel' des personnages alol's en possession
d'administrer les domaines et revenus ducaux, aux ins­
trum ents dont la mise en oeuvre fut néc8ssitée par cette
administration si rudimentaire qu'on la suppose?
Ici encore, méme en l'absence de documents formels et
précis, se révéle, ne serai t-ce que par l'inéluctable exi­
gence des choses, l'installation au service tant de l'ancien
duché que de chacun des domaines dont ses souverains y
furent possesseurs, de toute une sér'ie de greffes et d'ar­
chives pour la rédaction, l'expédition et la garde d'écritures
sur parchemin lûe jour en jour plus nombreuses, en latin
d'abord, et Dieu sait quel latin ! qui insensiblement fut rem­
placé avec toutes sortes d'avantages par les protocoles offi­
ciels en langue française. Là s'étalèrent à l'état d'essais

plus ou moins informe~ d'abord, les actes de toute espèce,
entr'autres que les déclarations, les aveux, les dénom­
tels
brements, les p;:tctes, les jugements et les liquidations qui
s'imposèrent pour le fonctionnèment du régime fiscal.
La sigillographie elle-même ne laissa pas d'y poindre: la
sigillographie si décriée à l'origine comme une inno­
vation pernicieuse (1) pour les chancelleries seigneuriales
dernier lieu, l'une des rares
dont elle devait rester, en
et suprêmes ressources. L'épanouissement, si rapide et si
jusqu'au déclin du moyen âge, de la luxueuse au­
continu
thenticité à laquelle concourut par excellence l'art en
question, ne fut pas sans susciter des critiques. Chacun se
souvient qu'elles se multiplièrent avec et par l'émulation
dont sa mise en pratique donna le signal. Celle-ci fut à
tort ou à raison, plus souvent, peut-être à raison qu'à tort,
autrement profitable aux scribes ou cancel­
réputée tout
listes des juridictions ducales qu'aux parties intéressées.
Ce fut ainsi que, destinée à épuiser les garanties d'autorité
et de conservation tout ensèmble, à l'endroit des actes so­
lennels, la sigillographie contribua inconsciemment , lors
de la survenance du nouveau rêgime, à surexciter le dé­
chalnement des fureurs de destruction qui, .à l'irréparable
détriment de l'histoire, s'acharnét'ent contre les plus pré­
cieux de ces documents. Le sort des chefs-d'œuvre de cal­
ligra phie autI'efois usités en régime fiscal, fut d'ailleurs
de courir, plus .spécialement encore que tous autres mo-
numents similaires, les périls de ces ·sortes d'abolitions.
Il importe sans anticiper autrement sur l'histoire de la
Chambre des comptes, de maintenant s'enquérir de la pro­
venance des domaines de Morlaix et Lanmeur.

(i ) Dom MORIeE, Preuves, 1. col. 480 (fin du XIe siècle). « Joannes ...
« Domious Comburnii decrevi omnia quœ dederuut antecessores meL ..
« sigilli mei munimine confirmari .... nunc (itii scœculi prudentwres.
« (iliis lucis in generatione sua (acti... "

Il doit néanmoins étre ici rappelé que, dès l'origine, qu'en
d'autres termes, antél'ieurement il. l'annexion à l'ancien do~
maine, les perceptions d'ores et déjà en usage 'dans celui-ci,
comprirent, indépendamment des pl'oduits de toute espèce
réalisés su.r les propriétés dont la maison suzeraine y fut
en possession à titre privé, maintes taxes récognitives des
« noblesses et autres droicts royaux et ducaux. »
Il est vrai que la formule ici reproduite ne se lit g~ère
que dans les titres postèrieul's au XIIe siècle. Mais elle
n'en comporte pas moins rétroactivité en ce sens que, dès
lors, préexistèrent, ne fût-ce qu'en partie, les taxes ou de­
voirs à l'ensemble desquels elle se référa.
Dans l'une des anfractuosités hérissées de récifs, du lit­
toral situé le plus à l'occident de la presqu'île, un hâvre
s'ouvre profond et sinueux (1). Au nord y descendent les
pentes abruptes et rocheuses d'un plateau qui fut long­
temps couronné de forêts.
Sur une déclivité du même plateau exista de toute an­
cienneté la fOl'teresse disparue d'où Morlaix prit origine.
Position stratégique longtemps réputée d'une haute impor-
tance, elle domina tout à la fois l'extrémité intérieure du
. hâvre et la spacieuse vallée dont les eaux y subissent l'ac­
tion des marées . Cette vallée fut séculairement le chemin
de l'ennemi du dedans, en marche vers--.J.'Océan. L'accès
maritime en devint beaucoup plus funeste encore aux po­
pulations de la contrée. 'Ouvert à tous ennemis du dehors,
et . d'une défense difficile, la navigation commerciale qui
(1.) La transformation, poursuivie depuis près d'un siècle, du port et
du hâvre de Morlaix, se continue pàr des ouvrages d'art remarquables à
"tous égards et en harmonie avec l'importance et la prospérité croissantes
de la ville actuelle.
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. T. XIV (Mémoires). 1.6

devait y atteindt'e à tant .de prospérité, ne cessa guère d'y
être de siécle en siècle a la merci des en treprises dévasta­
trices et meurtrièees dont le sou venir s'est perpétué.
Tout en se bornant ici, quant a ux origines fort obscures
de Morlaix, à mentionner les savantes recherches dont
elles ont fait l'objet (1 ), il importe d'emprunter à divers
documents contemporains, un aperçu des circonstances
instmctives a tous égards où survint son
curieuses et
ont été du reste préci­
annexion au domaine ducal. Elles
sées a souhait, d'aboed par dom Lobineau (2) et plus tal'd
dans la publication de date récente à laquelle il a été fait
aIluQion (3). Relativement a la période antérieure a la fin .
du XII" siécle tout peut et doit se réduire a la mention sui­
vante: Depuis la cessation de l'occu[Jation romaine, Mor­
laix, aprés n'avoir été longtemps qu' un point presque ina­
perçu dans le vaste espace de l'ancien Léonais, devint un
pendances rurales et même, relative­
château-fort (avec dé
ment parl ant, urbaines), qui, dés cette même époque (fin du .
XIIe siécle), ne laissa point d'avoir sa séeieuse impor­
tance (4) .
~1ême encore alors la vassalité des vicomtes de Léon
s'était maintenue beaucoup plus nom inale que réelle. Pré­
cédemment, ses liens, a les tenir pour existants en droit,

avaient été le plus souvent, de fait, contestés, méconnus,
rompus selon l'évènemen t., tantôt de traités plus ou moins
dépourvus de sanction efficace, et tantôt d,e prises d'armes
a fluccés va riables. Chacun sait en effet que, a maintenir
(i ) Entre toutes veut ètTe citée l'excellente publication devenue trop
rare et sur laquelle il y aura retour, intitulée ; Histoire de J}[orlaix, par
Joseph DAUMESNlL, ancien maire, annotée par M. Aymar DE BLOIS
(l'ancien bénédictin), continuée et publiée par M. ALclER, bibliothécaire
de la ville. Morlaix, 1ÉD.t..N. 1.879, in-8° 551 p. .
2) Histoire de Bretagne, t. I. Liv!'es X![ et XV.
3 Histoire de lIror/'aix, chap. XXXVII" , p. 516-51.7.
4 Ibid., chap. I, p. i4.

leur indépendance, voil'e à prétendre au duché lui-même,
les tant belliqueux et tant l'edoutés vicomtes ne déployérent
pas moins d'obstination et ne connUl'ent pas plus de scru­
pules qe conscience que les anciens ducs à faire prévaloir
suzeraineté.
.leur
Le conflit et sa dUl'ée furent dans la nécessité des situa­
tions respectives. Effectivement, à part la communauté de
langage et de l'eligion, yue pouvaient avoir de commun
avec le surplus de la péninsule, même bretonnante, les' po­
pulations de sa région la plus occidentale et leurs chefs hé­
réditaires, voire homél'iques dirait-on volontiers? S'agis-
sait-il du régime agraire? Là se perpétuaient avec la té-
nacité la plus granitique dont il pût exister mémoire, des
coutumes ou usements retenant de l'antique adscription à
la glébe et des liens les plus étroits du servage, une em­
preinte qui, partout ailleurs, tendait d'ores et déjà à dispa­
raitl'e de plus en plus? (1) S'agissait-il de la noblesse, au­
tant et plus belliqueuse si la chose eût été possible, en
Léonais que partout ailleurs? Traditionnellement enrôlée
sous la bannière des vicomtes, à l'exclusion de toute autre>
elle tenait à leur service de terre ou de mer les combat­
tants les plus aguerris en même temps que les moins po­
licés de l'ancien duché.
L'importance de pareils contingents et de leur disponi­
permanente ne put manquer d'être insinctivement
bilité
redoutée pal' les ducs et par leurs conseillers. Elle n'échappa
point davantage à la politique des rois de France et d'An-
gleterre.
En tant que domaine des vicomtes de Léon, Morlaix, sa
(i) Relativement aux mottoiets, aux TAILLIS, aux quevaisiers, voir
dans l~ Bulleti~!. de. la SOCIété ~r~héologique du . Finistère. Mars :l.S8o

2 partie, l'essai mtttnlé : L Abohtwn de la Quevatse au Relecq. V. aussI
les curieuses enquêtes de :1.4:1.0 et Hi:!. dans Dom MORICE, Preuves, t. I,
col. 84,9 et sui v .

forteresse et les habitations adjacentes ne laissèrent point
de présenter dès le début du XIIe siècle une certaine con­
sistance (1).
Dans la seconde moitié du même siècle s'engagea pour
ne cesser que dans le cours du XIII·, la 1 utte qui eut pour
résultat d'abord un partage ou fr:actionnement imposé du
Léouais en deux vicomtés, puis l'annexion progressive de
ses plus notables seigneuries au domaine ducal. La posses­
continua d'ètl'e disputée les
sion de Morlaix, en pal'ticuliel',
armes à la main. Conan IV dit l~ petit l'avait bl'Îguée.
Geoffroi II qui lui succéda en 116J et qui fut le promoteul'
de la tant célèbre assise SUcG ossorale au souvenir de la­
quelle son nom se rattache (2), parvint avec l'assistance
puissante du roi d'Angleterl'e, Henri II son père, et au
prix d'une longue succession de traités et surtout de com­
bats, à se nantir de Morlaix (3). Par les efforts que tentèrent
pour sa repl'ise les vicomtes Hervé II et Guyomar VI et que
continuèrent sans plus de succès leurs successeurs immé­
diats, se mesure l'importance de la possession qui fut si lon-
(i) Saint-~athieu, paroisse la plus ancienne de Morlaix, qui dépen­
dait de l'évêché de Tréguier, et qui fut ultérieurement transférée par le
duc Jean II à Notre-Dame du Mur, exista dès avant iHO. Elle futl'nn
des prieurés de la cèlèbre abbaye du même nom (V. Hi.stoire de Mor­
laix, p. 304,-305). En mars H28, l'un des vicomtes qui eurent nom
Hervé, concéda aux moines de Marmoutiers la fondatIOn du prieuré
de Saint-Martin avec ses dépendances: « Cimileri'llm etiam et Bur­
gum a loco illo ubi separatur BUl·guS cujusdam Reharladhri, a meo
Burgo. Idem meUln Burgum do ego cum meis hOl1!inibus qui ibi sunt . . »
Donation confirmée par les évêques Galou et Raoul de Tréguier (Dom
MORICE, Preuves, l, col. 558.
NOTA. Les références aux preuves au lieu d'être seulement indi-
quées par les initiales D. M. P. en ce qui concerne Dom MORICE, et
D. L. P. en ce qui concerne.j)om LOBINIlAU, seront pour plus de clarté
maintenues avec et par la reproduclion- des vicomtes de Léon fut au nombre des adhérents avec
(2) L'un
sernlent (Dom MO : UCE, Preuves, t. l, p. 705.
(3) V. relativement à ces hostilités Dom LOBINEAU, t. l, l. V, p. i54
(année H63), 156 (année H69), 158 (année H72), 164, (année H79),
172 (année H87). V. aussi Dom MORICE, Prel.1ves, t. l, p. xx et XXI;

guement et si âprement, de .part et d'autre, convoitée.
En vue de la même occupation, les préposés à l'adminis­
tration du trésor ducal ne tardérent point à user d'une tac­
tique plus lucrative et non moins efficace que la supériorité
des armes elles-mêmes dont ils furent loin d'ailleurs de rép u_
dier l'assistance. Cette tactique est à rappeler ici. Elle mit
en singulier relief, quant à ce dont il s'agissait, l'habi leté
d'ores et déjà consommée des conseils et des agents financiers
de la couronne. Sur les champs de bataille, la lutte, quoique
devenue de plus en plus inégale, n'avait point encol'e exclu
toute éventualité de vicissitudes favorables aux vicomtes.
Il n'en était plus ainsi quant aux finances. A leur endroit
le trésor ducal n'admettait plus, en Léon, que les capitula-
tions à merci. Telle devenait, d'ailleurs, chez le plus fort la
préoccupation du but poursui vi, c'est-à-dire l'extension
continue et indéfini e du domaine et de ses prérogatives,
qu'elle ne laissait que peu ou point de place aux scrupules
en ce qui concernait les moyens d'atteindre à ce but. La
chevalerie és lois au service de la fiscalité ne se fit nulle­
ment en ceci l'émule de la chevalerie armée.
D'aprés les chroniq ues et surtou t d'après des actes d'une
irrécusable authenticité, chez les anciens comtes devenus
vicomt.es de Léon, les traditions de père en fils et d'oncle
en neveu, furent d'autant moins soucieuses d'une bonne
administration des domaines patl'imoniaux et de toute épar­
gne, qu'elles accusèrent plus de ténacité en fait d'indèpen­
dance altière et d'humeur belliqueuse.
Fut-ce merveille qu'en leurs maisons l'obéeation n'eût
guère tardé à devenir chronique, à se faire une destinée, à
comprometü'e à la fois et le présent et l'avenir ~ Évidem­
ment non.
Pouvait-il ètre en effet et fut-il, . à l'extérieur et surtout à
l'intérieur du Léonais d'alol's, perceptions, taxations, exac­
tions, même avec appoint de pillage, assez producti ves

pour défrayer la permanence de l'état de guerre où, profes­
ainsi dire, s'écoula toute la vie des ·
sionnellement, pour
tant effe-rve.scents vicomtes?
Fut-ce davantage merveille que plus tard le discrédit, le
désordre et la détz'esse de la maison dussent atteindre a
leur paroxysme· par le faste et les prodigalités d'un suc­
cesseur (Hervé V) dont la mémoire en demeura légen­
daire ~ Or royal, or ducal, peu importa tant a l'incorrigible

débiteur qu'a ses créanciers de Bretagne ou d'ailleurs, non
moins rebelles, fut-il prétendu, aux censures religieuses
qu'aux inhibitions des lois civiles (1) .
elles-mêmes
Finalement avec lui se succédèrent vertigineusement
contre numération de ' deniers comptants, pactes sur pac­
tes, de tous temps, en tous pays et en tout état de législa­
tion a l'usage de prêteurs avisés et d'emprunteurs en péril
de saisie de leur corps et de leurs biens tout ensemble.
Ce furent entre auti'es les cessions ou engagements de
Brest (1239), ·de la coutume de saint Mahé avec exercice
du droit au bail (1265) et maintes acquisitions similair'es.
1267, un sénéchal eut-il à compter en trésorerie
Aussi, en
revenus d'un domaine Léonais et spécialement
ducale, des
de l'exercice qui y eut lieu, du droit de bail non encore
converti en rachat (2). Le renom des ducs Pierre Mauclerc
Jean Le Roux, son fils, est controversé. Toutefois le
mérite ne leur saurait être contesté, d'avoir consommé
(1) li n'est ignoré de personne que l'héritage des Lombards et des
Juifs qui si longtemps et en si grand nombre établis dans les villes ducales
. les plus notables, . y furent en dernier lieu foudroyés de tant d'ana­
thèmes, ne laissa pas de rencontrer maints participants, à tout le mOlDs
sous bénéfice d'inventaire, dans les rangs de commerçant"s, de joaillers
entre autres, d'une irréprochable orthodoxie. Ceux-ci à leur tour héri­
ement de l'animadversion alors inhérente à la spécialite
tèrent larg
de gain dont il s'agissait. (V. en tout ceci notamment Dom LOBINEAU,
t. l, 2Hî, 216, 242, 163, 164.
(2) V. pour cette conversion édit. de janvier 1276. Cité par Dom Lo­
BINEAU, t. l, p. 271, nO LXXVIII •

l'annexion de Morlaix à la couronne .ducale (1). Ils se com-
plurent dans leur conquete.
Du séjour que tous deux y firent datèrent la célébrité
relative de Morlaix et sa rivalité avec les résidences de­
meurées jusqu'alors le plus en faveur.
L'intéressante monographie dont il a déjà été fait mention
à diverses reprises contient un précis des évènements de
guerre dont Morlaix fut le théâtre, depuis l'annexion ac-
. complie jusqu'à la fin du XIV· siècle. Peu de périodes fu­
rent aussi cruellement agitées dans l'ètendue entière de
l'ancien duché. Le conflit entre les maisons de Montfort et
devint tout particulièrement fatal à la naissante
de Blois
prospérité du hâvre et de la ville (2) ..
Comme il a été dit plus haut, le mutisme des clironiques
contemporaines relativement à l'installation et au fonc­
tionnement de la régie du nouveau domaine ducal au cours
de la même peJ'iode, s'explique par la pénurie de sources
d'une nature aussi spéciale et d'une date aussi lointaine
que celles dont il s'agit ici. Les documents qui rentrent_
mème indirectement dans une telle sphère, n'apparaissent
guère avant le XIV· siècle, et c'est se ulement, à vrai dire,
dans la première moitié du XV· que cesse leur rareté.
Il faut maintenant descendre brusquement jusqu'à l'an­
née 1394 pOUl' revoir le manoir de Morlaix et son parc.
Après plus d'un siècle y ressuscitèrent l'hospitalité ducale
'et les exploits cynégétiques autrefois et longtemps si chers
aux ducs. Pierre Mauclerc et Jean Le Roux (3). Ces sortes
(i) V. dans Dom LOBINEAU (t. I, p. 273, nO LXXX) Sommaire (l'ès
concis, mâis non moins remarquable de l'histoire de cette annexion.
Doivent également être consultées en ce qUI concerne cette histoire les
annotations fort érudites de Dom Aymar DE BLOIS, àJa page i5 de la mo­
déjà citée de DAUMESNIL (Bist. de Morlaix ).
nographie
(2) Hist. de Morlaix, p. 517 à 520. .
. (3) Dux ... cum paucis de suis (amiliaribns, apud villam de lIfontis
Relaxi abiit et ibidem di'u sejornavit curamque suam circa venationes
pel' montana et nemora exposuit. CHRONICON BRIDe. (V. Hist. de Mor­
laix, p. 1.5-1. 6).

de délassements alternérent, comme on le sait, avec les
combats de la veille en expectative de ceux du lendemain .
Les festins d'honneur s'y associérent où, d'après les chro­
niques, la devise fut -au tre que la tempérance. Domaines et
intendants n'existaient-ils point pl'écisément dans le but de
pourvoir aux exigences de l'hospitalité la plus lal'ge et de
la meilleure chère que possible?
Avec l'année consacrée par les souvenirs évoqués ici,
l'ère du passif en pro- •
s'ouvrit, selon toute vraisemblance,
grès continu qui, en 14:55, nécessita une premiére réforma­
tion du domaine.
Il ne reste plus, avant de présenter un aperçu de cette
première réformatio.n, qu'à compléter par quelques indica­
tions les préliminaires qu'il a paru exiger imp·érieusement.

Comme il a été rappelé plus haut, Les gens des comptes
avaient eu à connaître, dès 1269, de la régie des terres, des
seigneuries et des droits annexés en Léon au domaine
ducal
Depuis 101's l'institution ne s'était pas seulement affer­
ll e avait rapidement progressé. En possession d'une
mie. E
autonomie et d'attributions incessam ment accrues, épiant
et saisissant avec autant d'habileté que de persévérance
toutes occasions d'étendre partout et à tout la suzeraineté
ducale, les gens des comptes avaient, dès avant la fin du
XIV· siécle, réussi à se frayer l'accès d'une autorité deve-
nue rivale de celle du Conseil, du Parlement et des Etats
(i) La présentation des comptes qui concernèrent entre autres do­
maines celui du Léonais, eut lieu à Musillac. Dès lors y exista, sinon
un siège fixe à l'usage des gens des comptes encore tenus alors par
leur office même. de suivre de résidence en résidence et de chevauchée
en chevauchée, la cour ducale, au moins un important dépôt d'archives
qui fut ultérieurement anéanti par un incendie.

eux-mêmes, institution alors en pleine voie de prépondé­
rance toute relativement récente qu'elle fût encore. La cen-
tralisation et le contrôle des recettes et dépenses, ainsi que
des aveux, des dénombrements et des 'titres constitutifs de
la gestion, la décision souveraine du contentieux en la
matière, la surveillance des agents comptables à tous les de­
grés de leur hiérarchie, l'exercice à leur endroit de l'action
publique ou disciplinaire, n'ad vinrent pas seuls entre les
mains des gens des comptes. Ils s'enquirent. par surcroît,
non-seulement de tous fouages ou aides perçus
de l'emploi
dans le duché, mais encore de tous droits sUl' les marchan­
dises à l'importation ou à l'exportation. Les mêmes gens
des comptes se saisirent en outre, avec le temps, de la
connaissance de tous privilèges ou titres de noblesse en
tant que dispense de tailles ou autres impôts. Pénétrant

encore plus avant dans la sphére â laquelle il est ici fait
allusion, la Chambre des comptes en vint â se faire, ou tout
au moins à être constituée la promotrice ou l'exécutrice des
réformations nobiliaires, acheminements ou pl'éludes de plus
en plus redoutables et redoutés aux réformations domaniales.
Leur tâche enfin, et ce ne fut point sa moins rude partie,
comprit aussi, âl'éplJque indiquée, enquêtes sur enquêtes,
négociations sUl' négociations diplomatiques près des cours
de France et d'Angleterre, tour à tour, voire ensemble, selon
l'exigence des cas, â l'effet de maintenir les revendications
les plus légitimes de l'autorité ducale (1). L'ennemi du
dedans et du dehors s'acharnait, en effet, â multiplier pour
la restreindre> la supplanter ou la détruire, tantôt les assauts
(i) V. indépendamment de l'enquête sur les droits des barons et du duc
Pierre Manderc (i234) citée dans Dom MaRIeE. Preuves. t. II, p. XXI
in fine et XXII : i 0 L'enquête spéciale aux ,lroits de motte en Léon, in­
tervenue .de iMO à 1.41.1 entre les procureurs ducaux et ceux du vicomte
de Rohan. Ibid. p. 849 et s.; 2 les enquêtes sur les droits des ducs et
de l'ancien duché en 1.455. lbid. 1.651 et s. et Dom LOBINEAU. Preuves,
t. II, p. 661. et s.

de vive force, tantôt les siéges avec travaux de mine,
encore plus dangereux.
Les compétitions, insurrectionnelles toujours et si souvent
à main armée, de certaines familles et leurs attentats sont
gravés dans toutes les mémoires. A plus forte raison en
est-il ainsi de la permanence des convoitïses, en particulier 1
de la Royauté française et de ses croissants empiétements.
Au ~IV· et au XV· siècles, les gens des comptes se mon­
trèt'ent donc lés défenseurs nés, les infatigables défenseurs
ducs et de ceux du duché. Ils furent, à tous
des droits des
égards, les dignes ancètres de la célébre compagnie souve­
raine qui, sous le règne de Louis XIV et depuis, sut acqué­
rir une autorité et une considération qui ne se doivent
point oublier.
Il y aurait sans doute illusion a dire ou à croire qu'une au­
réole q uelconq ue de popularité ait oncques rayonné sur l'ins­
Le contraire précisément est la vérité. Plus d'une au­
titution.
tre ombre se projeta d'ailleurs sur le tableau. L'ancien régime
domanial et fiscal n'encourut en effet que trop souvent, hom­
mes et choses, les sévérités de l'histoire. Il ne vit pas moins
à l'œuvre des légistes et des administrateurs à qui elle ne
pas dénier l'éloge. Dés lors existèrent, ne fût-ce qu'en
doit
germe, les traditions d'ordre intérieur et de comptabilité
en faiL de m aniement de deniers publics, les pt'ecédents,
la jurisprudence, en un mot, les éléments primordiaux et
les bases fondamentales de la règlementation, encore plus
savante que compliquée, dont les monuments ont survécu,
tO]Jt prédestinéS' qu'ils fussent de leur nature; ainsi qu'il a
déja été dit, au pèril de lacérations ou d'incinérations fortuites
et surtout voulues (1).
(i) C'est le cas ou jamais de revenir ici SlU" l'annotation na i .il la
page 234, ci-dessus, pour la compléter au moins en· partie.
Entr'autres textes relatifs il la composition de la Chambre des Comptes,
de H02 il iMS5. (Voir Dom MORICE, Preuves, tome II, 725. Dom

Ce fut ainsi que, du commencement a la fin de la période
précéda immédiatement la réformation de 1455, la notion,
qui
s'il est permis de s'exprimer ainsi, du domaine ducal revêtit
dans nombre de titres publiés ou demeurés inédits, une pré­
cision tout au moins relative. Il est. a ce sujet quelques
lignes dont l'emprunt a des actes contemporains remplacera
avec tout avantage une définition qui serait forcément in­
compléte et d'autant plus périlleuse.
Voici tout d'abord, relativement a la consistance d'un
domaine privé d'alors, une description juridique à ne pas
négliger. Elle se lit dans l'acte tl'és solennel de la cession
que J ehan d'Alençon consentit en 1429, de la baronie de
Fougères à Jean V au nom et comme duc de Bretagne « et
« à Messire Eder (un éminent intendant trésorier) au nom
« des prélats, barons et Estats dudit duché. » Cette consis-
tance s'entendait des « chasteau, chastellenies, terres et
(, baronies avec toutes et chacunes leurs appartenances et
« dépendances, tant en rentes pal' deniers cens et coustu­
« mes, bleds et poul ailles et autres sel'vitudes et tous autres
« debvoirs, eaux, moulins, pescheries, bois, foretz, terres,
« prez, manoirs, distroit,:, juridictions, hommages, fiefs,
« obéissances et autres droits héri tels seigneuriaux q uel­
« conq ues (1). »
Quant à l'énumération des « droits royaux et duchaux,
« souverainetés et noblesses »), il y a lieu de l'emprunter
LOBlNEAU, Preuves, tome II, 8H, SHi, 816. Dom MORICE, Preuves,
tome II, 7Mi, 746, 1066, 1371, 1397. Comme on l'a déjà fait pressentir,
ces indications paraissent avoir avec beaucoup d'autres échappé à l'hono­
rable M. DE FOURMONT. Sa Monographie ne cODtient non plus aucune
mention de la si importante publication du maUre des Comptes, Arthur
DE LA GmoNAIS, intitulée : Rec/bât des édits, ordonnances et règlements
concernant les (onctions ordinaires de la Chambre des Comptes de Bre­
tagne, (Nantes, QUERRO, 1721. In-folio). OEuvre du plus haut intérêt et
dont les exemplaires sont devenus plus que rares.
(1) Voir aussi partage donné à Arthur DE RICHEMONT (1440) dans
om MORICE, Preuves, t. II, 1332 et suiv,

notamment au partage ducal du 25 août 1440. Dans ce
partage furent mentionnées, outre la consistance d'un do­
maine privé, conçue. en termes identiques à ceux qui
d'être reproduits: c( La garde des églises, sauve­
viennent
cc gardes> connaissances de monnoyes, de grans chemins,
cc ports de mer, bris, peczoy (1) et ce que la mer encœuvre
cc et decuœuvre ez plus grands marez de l'an (2). »
Dês lors d'ailleurs exista aussi, notamment à l'usage des
ports du Léon, le droit ducal fort important connu sous la
ou bl'ef, c'est-à-dire de
dénomination de droit de brief
convoi, de police et de protec:tion des vaisseaux mal'chands
entr'autres (3) .
Restent à préciser aussi rapidement que fail'e se pourra,
les antécédents immédiats de la première l'éformation. .

(i) Ou Pecoy, droit de bris, rigoureusement perçu surtout en Léon.
de i23a « Radulphus, canonicus..... dixit quod Co mes
Voir Enquête
« Alanus et Leonenses habebant Lagunum in terris suis ..... GUidomarus
« Leonensis jactabat se quod habebat lapidem unum pretiosiorem omni
« lapido pretioso, qui valebat iIli singulis aoois centum mille solidos; et
« intelligebat de Saxo a quo fl'angebantur naves ... Barones debent habere
« Peceium navium (Dom LOBINEAlJ, p. 38iJ,-38a).
La teneur du document reproduit par Dom LOBINEAu, Preuves,
t. II, 1j,1.O est li. compléter par le texte suivant (Voir Dom MORlCE,
Preuves, t. l, 1006-1.007) : « Riocus de Penros, senescaUus Leon
« babuit.... Die Domini in festo Beali Bartholomœi apud MesviIlac
« comp. Riocus de Penros Senesc. Leon de denariis crucis de coUec­
" toribus Leon ...• de vice Comite Léon .... de Nuz de Leon. » Au
nombre des taxes ducales, figurent dans les écritures des autres comp­
tables, celles qui furent alors perçues sur les Lombards établis li. Nantes,
li. Quimperlé, a Quimper et li. Rennes. Quant li. ces derniers, le receveur
ducal les désigna par la dénomination méprisante Caol'sina, créée ad hoc.
(2) Les gens des comptes et administrateurs du domaine ducal conti­
nuèrent, comme on le voit, de mériter de plus euplus une participation
li. l'éloge que l'infatigable rimeur saint André décerna li. l'archidiacre
du Désert) qui « de droit disait maint latin. » (Dom MORlCE, Preuves,
t. II, 3aa.) Voir surtout testament de Richard de Bretagne, comte d'Es­
tampes de ilj,25 (Dom LOBINEAU, Preuves, i062-1063).
(3) Dom MORICE, Preuves, t. l, 793-791j,.

Dom Morice, profitant de la libéralité dont les Etats firent
preuve à son endroit et que ne rencontra point Dom Lobi­
neau quoiqu'il fût tout autrement méritant, dota l'histoire
de Bretagne de la série de documents dont chacun connaît
l'ampleur. L'affluence en ceci n'est, bien entendu, nulle­
ment à regl'ettel', malgré cerLains dèfauts patents de sens
critique. Ce fut, en particulier, à profusion et avec une visi­
ble prédilection que s'y étalèrent les textes de toule nature,
commémoratifs des splendeurs de la maison de Bretagne
durant l'ère qui fut celle de Jean IV le Conquérant, de
Jean V et des deux fils à qui fut transmis son héri tage, à
savoir François lor, de fratricide mémoire et Pierre II qui
décréta la première réformation domaniale.
A la lecture de tant de documents qui semblent avoir été
tout exprès accumulés en vue d'une sorte de mieage, l'ho­
rizon histol'ique s'illumine .. Oncques, de mémoire bretonne,
n'exista dans le vieux duché pareil faste s'associant à
autant de puissance. L'auréole, dont séculairement rayon­
nèrent les fronts des Nominoé, des Salomon, des Erispoé,
des Alain Rébré et autres illustrations de l'histoire ou
de la légende, en pâlit, si elle n'en fut pas éclipsée.
Plus que jamais les ducs avaient, en effet, continué de
n'ètre point seulement les alliés, mais de se faire les
rivaux des maisons alors en permanence de compétitions
de trônes. A la vérité, durant la méme période, écla­
tèrent à l'intérieur les perfidies les plus périlleuses et,
entre toutes, la conspiration dont Jean V ne triompha
que par l'héroisme de la presque unanimité d'une noblesse
Tiers­
qui rivalisa de fidélité comme de vatllance. Le
Ëtat et les populations ell es-mémes participèrent d'ail­
leurs du même élan. Enfin, du dehors, survinrent,

spécialement iL Morlaix, des in vasions dép!'édatrices.
Néanmoins s'éloignaient de plus en plus les inénarTables
ravages des guerres de succpssion, tandis que persévéraient
les évolutions de la politiq ue ambidextre et toute d'instinct
dont la dynastie ducale se vit forcée d'use!' iL l'endroit des
rois d'Angleter!'e qui triomphaient et de la cou ronne de
France alors en perdition.
Dans les preuves éditées pal' dom Morice ce ne furent
donc qu'extraits d'états de maison ou de comptes descriptifs
de solennités dont la répétition y devint presque vertigi­
neuse. Ce ne ne furent que relations officielles d'entrées,
de tenues d'Etats, de fédérations de noblesse : ce ne fUl'ent
qu'ambassades sur ambassades à défrayer, qu'institutions
sur institutions d'ordres de chevalerie, que fétes, que tour­
nois, qu'épopées hippiques ou de vénérie, que navigations
sur navigations entI'e h Bl'etagne et l'Angleterre. Bien plus
furent les mentions de voyages entrepris
fréquentes encore
au-delà des marches ducales et dans toute l'étendue de la
France, de chevauchées tantôt de guerre, tantôt 'd'ostenta­
tion plus ou moins exigée. Non moins fidèlem ent se succé­
dent les notices indicatives du pel'sollllei de la maison, les
mont!'es et les acquits de solde des chefs de
revues, les
compagnies ou d'armées. Plus complaisamment encore fu­
rent énumérés les inventaires du contenant et du contenu,
en fait de trésors ducaux, tels que joyaux, vaisselle d'or
et d'al'gent, armes de toutes provenances, objets d'art de
toutes catégories, costumes étoffes, fourrures du plus haut
prix. Enfin, non moins abondamment y figurent les ameu­
blements décoratifs de châteaux ou manoirs, tels entt'e au­
tres que Sucinio, que l'Hermine, que "Estl'ainil et que
Nantes et tant d'autres, séjours dont le renom, comme il a
déjà été dit, fu t tout autrement sombre enCOl'e que l'aspect.
L'entassement de textes ne devint pas moindre au sujet des
comptabilités tenues par les argentiers, Ü'ésoriers généraux

ou particuliers, par les receveurs, par les liquidateurs de la
maison ducale. Pas un nom de partie pr'enante omis sur les
feuilles de gages, de pensions, de gratifications, d'étrennes,
en un mot de rémunération aux titres les plus divers. Que
parties prenantes et parfois quelles parties! L'énuméra­
tion en est à lire et non à citer.
Tout ce qui vient d'être rappelé, résulte de preuve,:; qui
sont l'authenticité même. Mais l'authenticité est-elle moin­
dre des autres textes publiés ou inédits où se révèle toute
l'intensité de la détresse qui ne cessa guère un seul instant
de contraster avec le faste dont l'éclat vient d'être entrevu ~
Les chroniq ues de l'ancien duché ne se bornèrent point a
nal'rer la prise en gage, a Paris, de la personne même du
vicomte de Léon, Hervé VI (1). Il est en outre attesté par
les mêmes chroniques et, qui pis est, par des actes admi­
nistratifs, voire législatifs, solennels et géminés, qu'il ne
fut guére de duc qui put échapper au reproche d'avoir levé
« un estat trop plus grand que à celuy n'appartenait )) (2).
A Dieu ne plaise assurément, que des excès comparables
a ceux dont demeura flétrie la mémoire du trop célèbre per­
sonnage don t il s'agissait, aient existé a la charge de celle
d'aucun des ducs désignés. Toutefois, naturelle aux uns et
forcée chez les autres, la prodigalité devint chez tous le

(i) Là, en effet, certains vendeurs de chevaux de race dont, en con­
naisseur expert, le vicomte avait prisé toute la valeur, se courroucèrent,
fut-il prétendu, de ce que le départ de leur marchandise pour les haras
du Léonais, eût anticipé tout règlement du prix.
(2) Voir Mémoire des héritiers de Gilles de Raiz. (Dom LOBlNEAU,
Preuves, i068). Parmi les pérégrinations qui, .sans 'parler des excur­
sions et des séjours à Paris, en Angleterre ou en Picardie, contribuèrent
le plus à épuiser le trésor ducal, une mention spéciale est dutl au voyage .
à Rouen, don les mises llécessltèrent le compte de l'argentier Salomon
Piriou reproduit par Dom MORIeE, Preuves, 1. II, p. 9i8 et suiv. Encore
plug ruineuses peut-être furent, entr' autres réceptions de cour plénière,
celles qui se succédèrent à Nantes en ili,4(î à l'occasion de la venue du
connétable de Richemont (Dom LOBINEAU, t. l, p. 625).

sujet de confessions et de regrets aussi stériles, hélas 1 pour
furent d'ailleurs édifiants.
la plupart, qu'ils
De 1385 à 1455 s'accumulèrent quan·t à l'obération conti­
nue des chefs et des autres membres de la maison ducale,
déclarations sur déclarations testamentaires ou par actes
entre-vifs, dont quelques-unes, tout au moins, réclament
citation :
« Volons que nos dettes soient payées, nos amendements
« faits et nos forfaits réparés SUl' nos biens », s'écria
Jean IV, en son testament (1). Mêmes scrupules chez Jean­
nette de Rohan (2), imités par Alain (3), par Richal'd d'Es­
tampes (4). « Avons prié et requis, décréta Jean V, en son
cc château de l'Hermine, le 23 janviel' 1428, notl'e compére
cc et féal, conseiller l'evesque de Nantes, nostre chancelier,
« R. P. en Dieu, l'évesque de Léon nostre confesseur, nos
oc bien aimés chambellans et conseillers, Tristan de la
cc Lande, grand maître de nostl'e hôtel, Messire Pierre
cc Eder, gouverneur de notre fils ainé François, !'archidia­
« cre de Rennes, premier président de nos comptes, l'archi­
cc diacre du Désert, notre conseiller, de prendre et accepter
« le gou vernemen t tant de nostr·e justice que de celuy de
« nos finances .. . , d'accroître ou amoindrir l'estat de nous,
cc nos compaigne et enffants, casser ou augmenter tous
c( gaiges et pensions que prennent de nous prélats, barons,
« conseillers, chambrelans, officiel's ... Nous convient, y
c( lit-on aussi, faire de présent ung emprunt . . . pour lequel
(c emprunt rendl'e, de nostre commandement se sont obli­
« gez en leurs noms privez nos dessus ditz conseillers et
u Jehan Mauléon, pour ce que autrement bonnement le dit
(1. V. Dom LOBINEAU, Preuves, p. 801 à 803. .
(2 Richard redouta sa comparution « devant le siège judicial de nostre
« créateur» . Dom MORICE, Preuves, t. II. 1.1.4,5.
(3) V. Dom MORICE, Preuves, t. II, p. 803.
(l~) Ibid. 1.il~5.

« emprunt ne se pavait fail'a ... nos dits conseillers se met­
« tront. .. et d'abondant leu!' baillons ... tout l'or et l'ar-
« gent monnayé ou il. monnoyel', vexelle d'or et d'argent,
« pierreries et autt'es choses que nous avons an nostl'e dict
« trésor pour les mettre par engaige » (1).
En son testament solerinel du 15 juillet 1440, désespé­
rant de toute libération dUl'ant sa vie, « Yolant ... d'An­
« geou espouse ... de Franczois fils ainé de Jehan (V) duc
« de Bretagne », disposa ainsi qu'il suit: « Item, deffans
« que mes draps d'or et de soye qui sont deux et ne sont
« payés, ne saint donnés aux églises, ains vueille et 01'­
« donne qu'ilz soient rendus aux marchands de qui ils
« furent prins et qu'ilz saint dédommagez )) (2).
Même douloureuse prévoyance dans le codicille ~17 juillet
1450) du duc François Icr (3) .
Comment d'ailleurs ne se point apitoyer aussi en passant,
sur le 'sort qui fut fait alors et pour les mêmes causes, aux
joyaux et trésors de la couronne ducale, voire il, cette cou­
ronne et il. ses plus précieux ornements (4) ~
Le tout au lieu de rester sous la garde et la vigilance des
mains les plus sûres, confiné dans telle ou telle autre forte­
cÏl'cula que trop sou vent avec la
resse réputée imprenable, ne
Cour en pérégrination ou il, l'armée, pour subir engagement
entre les mains des proxénétes les plus autorisés de l'époque.
Le naufrage en pleine Loire, près Saumur, de l'un des cof-
(i) Dom MORICE, Preuves, t. II, p. i2i7 et suiv.
(2) Dom MORICE, Preuves, t. II, p. ' i332.
(3) Ibid., U;37.
(4,) Certains de ces joyaux burent leur dénomination et leur renom­
mée spéciale.
Lors de l'acquisition de la baronnie d~ Fougères, en 14,29, « bailla
« Monseigneur le Duc audit Monsieur d'Alençon, le rubi de la caille, en
« gage pour X m. escus. .. le rubi des tems et les deux frères pour .. »
(V. Dom LOBINEAU, Preuves, 1007. V. aussi note 1, à la page 24,2 ci-
&sws. .
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. T. XlV (Mémoires) 17

fres en traj et ne fut, hélas! que la moindre des mésaven-
. tur:es de son contenu (1) .
Chez les prêteurs, la dépréciation vénale de la joaillerie
elle-même ne tarda point à devenir telle qu'ils se prirent à
exiger concurremment avec sa mise en gage, et par surcroît
la caution 'solidaire des principaux officiers ou dignitaires.
Il n'y a que justice et vêrité à rappeler avec les documents
divulgués, que la condescendance des mêmes officiers ou
à subvenir à la détresse de la maison ducale ne
dignitaires
fut égalée que par la fidélité de la pl upart d'entre eux à la
défendre au champ d'honneur (2) .
A commencer par Jean Le Roux pOUl' finÎt' par Pierre II,
les ducs qui se succédèrent eurent donc, chacun et tous, la
meilleure volonté de s'amender tout spécialement quant au
faste et à la dépense. TOUl' à tour ils entendirent payer,
sinon de leur vivant, à l'impossible nul n'est tenu, au
moins pal: transmission de leur héritage, leurs dettes d'a­
bord, et celles de leurs prédécesseurs ensuite. Non seule­
ment pour atteindre à un but aussi désiré qu'il fut désirable,
, il ne répugna point à quelques-uns d'entre eux de subîr
la déchéance d'administration du patrimoine qualifiée en
(i) Il Y eut sauvetage dont le coût figure dans l'un des comptes.
(2) Malgré une légère anticipation de chronologie, il convient, il. tous
égards, de citer dès maintenant le testament-liquidation de Pierre II, en
date il. Nantes (Chastel de la Tour-Neuve), du ti septembre Hti7. (Voir
Dom LOBINEAU, Preuves, p. H74, et suiv.) Toutes les dettes envers les
principaux officiers dénommés ou leurs familles y sont précisées. Une
saisine de l'or et de l'argent cqmptant ainsi que de la vaisselle, est défé­
rpe il. l'auditeur des comptes, Pierre Bonabry, èxécùteur désigné pour
l'acquit des mêmes dettes «( en priant et requérant, fut-il dit ·textuelle­
d ment, nostre très cher et très amé oncle, le comte de Richemont, nostre
« principal héritier, icelles debtes de nostre tems, avant toutes autres
" payer et contenter en manière que nostre conscience en soit deschar­
d gée et au regart des aultres debtes. .. du tems de nos prédécesseurs,.
« nous en chargeons il. nostre dit oncle. » Finalement, le grave et docte
Hévin lui-même put, sans trop d'irrévérence envers la mémoire de
Jean V en particulier et celle de ses successeurs immédiats, les tenir pour
autant de ducs d il. sec de finances et grands inventeurs de subsides. »

droit français actuel dation d'un conseil judiciaire, déchéance
de tout temps et partout fulminée contre les prodigues, mais
encore ils' furent, comme on vient de le voir, les premiers
à en provoquer .les rigueuI's.
La tàche des gens des comptes, des conseillers intimes,
du ban et de l'arl'iêl'e-ban des trésoriers, des argentiers,
des miseurs généraux ou spéciaux, des receveul'S, en un
mot des agents de toutes dénominations et de tous rangs,
préposés à l'ol'donnancement ou au paiement des dépenses
à la perception des recettes, tant du domaine public que
des domaines privés, en fut-elle quelque peu allégée ~
Hélas! non tant il leur fallut continuer de peiner en vue de
réaliser à défaut d'un équilibre qui ne fut même pas rêvé,
quelque atténuation du déficit qui subsistait et qui persis­
tait à l'état de gouffre béant. Les gens des comptes pl'éten­
dirent, il est vrai, mais ce fut sans pl'ofit appréciable, au
con trôle des états de la maison ducale .
Ces sortes de documents officiels dégénéraient en effet de
plus en plus, la compal'aison est permise, en autant
de lettres de change à vue sur des receveurs forcés sou vent de
les laisser protester faute de provision (1). Il ne parut pas
la maison et du duché en eût ressenti quelq ue
que le crédit de
amélioration. L'insuffisance des recettes tant ordinaires
qu'extraordinaires persista en s'aggravant. Un autre expé­
il y avait eu d'ailleul's achemi-
dient fut tenté, vers lequel
(1) V. dans Dom LOBINEAU, Preuves, p. 91.1. et suiv. « Réformation
« des' ordonnances de l'hostel, faite il Vannes le 1 jour d'avril l'an
« M ccccxv finissant, au l'egart d'unes autres ordonnances faites par mon
« dit seigneur et son conseil il Martigné ou mois de décembre MCCCCXIIl.»
Le duc interdit tout paiement, l'eût-il ordonnanc9, non vérjfie en conseil
et en outre par la chambre des comptes. Dans l'édit (col. 91.6) sont énu­
mérées .les recettt's domaniales d'alors, Morlaix compfls.
Les Etats de la maison ducale auxquels-il a été fait plus particulière­
ment allusion, sont indépendamment de l'Etat ci-dessus qui se trouve
aussi dans Dom MORICE, Preuves, t. II, p. 896; les suivants: 14:17,
1.4,2:1, 1.4,54: . .v. Ibid., 94,5-94:7, 1084: et s., 164:3-164,1~.

nement pa l' le précédent. Il devait consister à faire des-
cendre dans les rangs des classes roturières et partant tail-
lables et étreigeables selon les lois d'alors, tels et tels au­
tres privilégiés dont la noble extraction et les titres â.
l'exemption des mêmes taxes paraissaient problèmatiques.
C'était à qui, dit l'histoire, s'opiniâtrerait le plus à se croire
légitime possesseur de l'état si justement envié qui consista,
selon le langage de la trés-ancienlle coutume cc à aller aux
armes, aux piets et aux gibiers. » Diverses réformations
de la noblesse furent donc résolues même antérieurement à
1455 (1). L'exposé de motifs yui va être textuellement re-
produit est, sans doute, quelque peu postérieur à cette der-
mais il doit y avoir d'autant moins d'hésita­
nière époque,
tion à le citer ici qu'il ne fut manifestement qu'une trans­
cription l'ajeunie des exposés précédents. La mesure appe­
lée à jouer, particuliél'ement à l'époque de Colbert, le r61e
sur lequel il y aura plus tard à revenir, se justifiait, fut-il
déclaré par le duc: cc Pour ce que souventes fois advient que
c( quand par l'advisement des Estats de notre pays e"t pour
« le bien et utilité de la chose publique d'icelui, l'on impose
« aucunes tailles SUl' les bonnes villes et sur les denrées et
« marchandises y vendu es, plusieurs des demeurants et
« habitants en icelles villes se veulent exempter et franchir
« de riens en payer les aucuns pour ce qu'ils se dient
« nobles personnes jaçoit qu'ils se marchandent publique­
« ment, les autres se dient advocats et patrocineurs de
« cours layes ou d'église, disant la science les devoir
cc exempter et sauver, pour lesquelles raisons, les dessus
,. dicts diffèrent à contribuer esdits subsides et tailles et
(i) « Comme le peuple, écrivit LOBINEAU (t. l, p. 663) se plai~nait
« d'estre surchargé de fouages par la quantité des nouveaux annoblts, et
« de ceux qui prétendaient s'eu exempter sur des titres de noblesse qui
« paraissaient douteux, le duc (Pierre II) nomma des commissaires dans
« tous les diocèses pour examiner cette noblesstl équivoque comme l'a­
• vait fait son père, en i4,27 et en i4,4,O, et son frèœ en 14,4,8. »

« convient ez poures et misérables personnes des dites
« villes en porter la charge dont plusieurs fois avons ouy
« les clameurs et complaintes de nos subgects. » (1) _
Il est presque superflu de rappeler pour clore les préli­
minaires de la notice que la déplorable tenue de la plupart
des régies ou . recettes locales (2) et de leur comptabilité
fut, sans contredit, l'une des causes efficientes par excel­
lence du désarroi financier auquel la réformation dont les
actes vont être précisés eut pour but de subvenir.
Pierre II (3), ne réussit guére, paraît-il, à se concilier les
sympathies de ses sujets. Il n'en eut pas moins le mérite d~
prêter, en fait de tentatives de réformes, l'oreille la plus at­
tentive aux avis et aux vœux des conseillers d'élite dont
(i) Quelque nombreux et connus que puissent être les documents .
publiés ou médits relatifs aux réformations de la noblesse qui devinrent
les préludes des réformations du domaine, il existe, à leur endroit, un
à signaler entr'autres. Ce manuscrit indiqué à l'auteur de la
manuscrit
notice par son savant ami de Vannes, M. le docteur de Closmadeuc, et
très obligeamment tenu à sa disposition par M.le comte de Limur, l'ar­
chéologue et le minéralogiste si connu, est la reproduction d'un docu­
ment officiel qui fut à l'usage de l'ancienne amirauté. Il existe dans les
importantes archives de la famille, et porte l'intitulé suivant,'
« Anciennes réformations des personnes et maisons nobles de Brela­
« gne contenant les neuf évêehés de la province, faites pendant les
« années 16,26 et i535, mises pal' ordre alphabétique. » Grand in-folio
Un second volume, sorte d'index ou de répertoire facilite la
sur papier.
compulsation du premier. C'est une très curieuse et très complète no­
menclature, paroisse par paroisse, des personnes et des terrrs nobles.
(2) La réformation citée plus haut des ordonnances de l'hôtel, en
d'autres termes de l'état de la maison ducale en iM5, contient une no­
menclature partielle des régies, qu'il ne sera sans intérêt de repro­
duire. Les sommes déterminées pour les aumônp.s et offrandes quadra­
à remettre par le trésorier rece­
gésimales du duc et de la duchesse et
veur général à leur argentier eur' nt assignation sur les recettes de
« Rennes, de Sainl-Aubin, Hédé, Dinan, Jugon, Sesson, Monlcontour,
« Ploermel, Vannes, Reuys, Muzillac, l'Isle, Redon, Auray, Queberon,
« Henhond, Kemperelé, Concq, Fouesnant et Rospreden, Kemper-Co­
« rentin, Pontecroix, Pont-l'Abbé, Kaerahès, Lesneven, Aciné, Léon,
« Brest et Morlaix. » .

il fut entouré (1). Aux éliminations subies par les r61es no­
biliaiJ'es, suivies d'une première réforme judiciaire (25-27 mai
et 5 novembre 1451) (2) succéda au cours de la seule année
1455 toute l'activité fébrilE' dont il fut témoigné, entr' au­
tres hautes mesures d'administration, de législation ou de
gouvernement, par les suivantes, savoir: 1° 21 mai 1455,
signature, à. L'Estrainil près Vannes, des lettres patentes
ou de l'édit concemant la réformation du domaine ducal,
dont il va être plus amplement parlé j 2° 22 du mème mois
de mai, ordonnance de réformation de la justice j 3° même
jour, publication de cette ordonnance en séance générale
des États à. Vannes; 4° enfin « Ou mois d'octobre en plu­
« sieurs et divel's jours, enquestes sur les droits royaux et
« anciens usages du pays de Bretagne, » perpétuellement
part des rois de France et de leurs
en contestation de la
parlements ou conseils (3).
Les lettres patentes aux termes desquelles la réformation
. du domaine fut décrétée, seront intégralement reproduites
à. la suite de la notice. Elles constituent en effet de leur es­
sence, l'un de ces documen ts qui échappent à l'analyse dès
s'agit d'en faire exactement connaître la portée.
qu'il
Personne assurément ne sera surpris que les régies lo­
cales y aient été collectivement stigmatisées comme au­
tant de réceptacles de malversations partout invétérées,
partout à réprimer d'urgence.
L'édit débuta donc par un réquisitoire de la plus haute
(i) Tl convient de citer parmi les plus notables d'entr' eux, les prési­
dents ou membres de la chambre des comptes, Jean CHAUVIN, L'EsPRE­
VIER, Moriee DE KERLOEGUEN, le conseiller au Parlement KERGOUET,
l'intendant DE CARNÉ. M. le comte DE CARNÉ a bien voulu signaler,
es documents de famille en sa possession et relatifs a ce dernier,
entr'autr
l'arrêt de maintenue de noblesse du 30 !).vril 1669, obtenu pal' Jean
URBAIN. Preuves faites jusqu'a PA YEN DE CARNÉ (1~25) .
(2) Dom MORICE, Preuves, t. II, p. 1582 et suiv. 1600.
(3) Dom MORICE, Pl'euves, t. II, p. i6~8 et suiv., i6tH et suiv.

véllémence, voire par un acte d'accusation en bonne et
duE.) forme, fulminé contre tous comptables au service du .
domaine ducal (1). Leur comparution fut en outre décrétée
a la barre d'une haute cour d'assises fiscales tout exprès
instituée a l'effet de redresser et de réprimer leurs erreurs
ou prévarications. La même haute cour, circonstance
qui ne doit point être omise, eut également mission de tra-
cer certaines règles de nature a les éclairer et a les g uider
dans l'accomplissement de leur mission et pour la tenue de
leurs écritures.
Une particularité a signaler dès maintenant fut le con­
cours prêté à la mise a exécution de l'èdit tout a la fois par
le receveur ducal alors en plein exercice a Morlaix (1) et
par son prédécesseur immédiat (2).
ce concours fût obligatoire, il n'est guère permis d'en
Que
douter. Toutefois le silence des procès-verbaux a l'endl'oit
non-seulement d'un forcement en recette ou d'un reje,t
quelconque de dépense, mais encore de toute injonction ou
de tout blâme encouru par J'un ou par l'autre de ces agents
locaux, n'en demeure pas moins a la décharge de leur mé-
mOlre.
M!1.is l'incident ici noté en passant, n'aurait-il point une
historique tout autrement significative ~ N'aide-t-il
portée
point pour sa part a déter'miner le véritable caractère de la
mesure décrétée, sans d'ailleurs faire disparaître la rigueur
des censures auxquelles il y fut donné cours ?
. (i ) Il ne saurait être hors de propos de faire observer que la teneur
des lettres patentes de i455 fait partie du Recueil de règlements publié
par LA ~IBONAIS, et déjà cité. Dans l'origin~l, soi~neusement conservé
a~'chlves ~e l~ Chambre des comptes Jusqu'a la suppression de
aux
celle-C l, la déSignatiOn du domaine à réformer fut laissée en blanc. L'é­
dit se trouva ainsi constituer une sorte de formulaire il l'usage de toute
tion qui viendrait à être décrétée.
réforma
(2) Pierre LEMAROL.
(3) Jehan DU PENHOAT .

Il Y aurait sans doute erreur ou exagération à ne consi­
dèrer celles-ci que comme une sorte de phraséologie offi­
ciellement comminatoire et par conséquent plus ou moins
dépourvue d'efficacité .
Mais s'écarterait-on de la vérité en s'autorisant de la te­
neur de l'édit de 1455 prise dans son ensemble, pour en dé­
gagel' au fond et avant tout l'un des règlements rudimen­
taires par lesquels il fut préludé à la législation ultérieure
en matière de comptabilité publique?
A l'état également rudimentaü'e s'y fraya aussi accés, du
la consécration, ne fût-elle que virtuelle:
moins sem ble-t-il,
1" de l'exigibilité, sauf exercice de recours en r.éduction
ou décharge, de toute taxe légalement décrétée; 2° de l'ins­
titution d'une juridiction spéciale et à double degré pour le
jugement du contentieux. Ultérieurement, comme il sera
dit plus loin, fut imputée de trés-haut et à grand bruit,
aux autorités judiciait'es de l'ancien duché, une ten­
dance systématique, sinon à méconnaître absolument l'une
et l'autre des règles ici rappelées, au moins à en para­
lyser l 'appl ication.
Quoiqu'il en ait pu être, à peine signées sur l'original et
expédiées en copies de toute authenticité, les lettres pa­
tentes du 25 mai 1455, Morlaix vit accourir, armé de cette
copie et de la délégation la plus complète qui se pût ob­
l'autorité souvet'aine:, un triumvirat drapé de
tenir de
pourpre et d'hermine. Il se composait en effet savoit' :
comme chef, du président de la chambre des comptes, Mo­
et comme assesseurs: Iode Guillaume
rice de Kerloëguen
de Kergouet, l'un des seigneurs du Parlement; 2° de
Hanriet Le Saulx « secrétaire et auditeUl' ès di tz comptes. »
Tous trois d'ailleurs étaient en outre membres du conseil
pri vé et au premier rang des officiers ou familiers de la
maIson souverame.
put venir à MOloJaix l'honneur, qui fut peut-être en-
D'où

core moins brigué que prévu, de primer en fait de réfor­
mation du -domaine, tous autres siéges de juridictions du­
cales ~
Fut-ce que là, plus impérieusement encore que partout
ailleurs, le désarroi des finances ·eût exigé remède?
La participation déjà signalée du receVeur sortant et· de
charge, il. l'œuvre de
son successeur en pleine activité de
la haute cour suffit à bannir une telle hypothèse.
Fut-ce à raison de l'importance, relativement majeure
des possessions et des perceptions ducales dont il s'y agis­
sait, compris Lanmeud Rien ne répugne il. une telle suppo­
outee des lettres patentes elles­
sition. Mais il résulte en
l Oque Morice de Kerloëguen, le chef éminent de
mêmes :
l'une des plus not9.bles familles du pays, était en outre
procureur ou intendant général des châtellenies ducales
du Lèon; 2° qu'avec lui, Guillaume de Kergouët et Hanr.iet
Le Saulx furent « commissaires pour les domaines exis­
« tantz dans les trois evêschez de Tréguier, Cornouaille et
« Léon. » (1)
Deux passages de l'édit méritent particulièrement atten-
tjon,

t; (1)I! résulte d'ailleurs du manuscrit de Limur, cité phis haut, p. 21)7,
note 1. : :1 que lors de la réformation de 1426, des familles Kerlo ëguEln et
Le Saulx figurérent parmi les nobles d'Elestreuc (Léon); que avant
141)1) une famille Kergouet habita le manoir de Crozou-Hal, en Foues-
Quimper). .
nant (
. Le silence des biographies à l'endroit de Morice de Kerloaguen est
d'autant plus pour surprendre, que dans les Preuves, abondent, il son
endroit,les indications. Peut-être dans des archives de famiUe,quelques­
uns tout au moins se retrouveraient-ils des documents produits il l'appui
de la maiutenue de noblesse qui fut prononcée lors de la réformation de
1667 en faveur de ses descendants. .
I! résulte du Mandernent de retenue et nornination des rIens des
cornptes du 3 août 1492 (Dom MaRIeE, Preuves, t. III, p. 730) qu'un
autre Mariee KERLOAGUEN siégeait alors comme auditeur. Hauriet (ou
Henri) LE SAULX est mentionné comme cIrre des comptes et comme
ayant été gratifié d'étrennes, notamment dans l'un des extraits des
comptes-rendus pal' DE CARNÉ en 1441). LOBINEAU, Preuves .

Dans le premier s'accuse déjà une tendance qui prévalut
aprés l'annexion, c'est-a-dire la substitution du bail à
ferme à la tenure convenanciére (1). ' -
De même se dessina dans le second passage une menace
d'abolition des droits de motte et de quevaise (2).
Dés le 2 juin 1455 s'ouvrit la série des acte's et pl'océs­
verbaux de la haute cour réformatrice. Elle s'adjoignit
outre l'ancien et le nouveau receveurs dont les noms ont
été déjà. cités, deux autres collaborateurs, à titre, semble­
t-il, d'experts nobles, à savoir: Jehan et Guillaume de Ker­
loëguen. La réformation eut lieu d'ailleurs: « 0 ladvis et.en
« présence de Tanguy de Kersulguen, bailli de Morlaix (3).»
Dans l'original les actes cités sont précéd~s d'une trans­
cription intégrale des lettres patentes. Cet original survit,
comme on l'a dit en commençant> dans les archives dépar­
tementales de la Loire-Inférieure (4). Il fut, aux termes des
mémes lettres patentes cc I>adigé en beau livre et parche­
« myns .... . pour éternelle mémoire)) et calligraphié avec
tout le luxe alol's usité (5).
(i) « Que de nouveau bailliez à prys raisonnables .. " aussy nos hé­
« ritaiges qui sont à demaine. . . .. pour cens et féaiges à gens solvables
« qui soyent tenns de eddiffier. » ,
(2) De vous ... enquérir quel proufilt ou dommaige pourrons avoir
« pOUl' enfrenchir plusieurs hommes serIz que aulchuns ont ès éves­
« chez de Léon et de Cornouailles pour le nous rapporter par escript
« affin d'en ordonner par nostre Conseil comme verrons avoir à faire. »
(3) A s'en tenir aux procès-verbaux de cette première réformation, les
autorités locales i't'auraient nullement été animées de l'esprit de résis­
tance qui se manifesta si implacablement lors de la seconde. En i455 le
miseur de Morlaix fut Goulven DE LA BOYSSIÈRE et le contrôleur, Pierre
DE TUOMELIN (Histoire de Morlaix, p. 48).
(4) Comment, soit dit en passant, s'expliquer la persistance du confi­
nement d'un dépôt aussi remarquable à tous égards et aussi magistrale­
ment classé, dans une succes~ion indescriptible de couloirs et de réduits
d'autant plus sombres et froids en toute saison, que la hauteur en est ,
plus exagérée? ,Une pareille installatIOn, qui n'a pu être que provisoire,
point à déplorer s'agissant surtout du département de la LOJre­
n'est-elle
Inférieure et de son cheI-lieu?
(5) Le recto du feuillet initial comporterait très utilement une reproduc- '
tion par l'héliogravure,

Il convientde maintenant passel' du contenant au contenu.
Or les « rentiers des chastellenies de Mourlaix et Lanmeur
« qui furent faictz et refformés» en 1455, sont comme les
letü'es patentes et encore plus que celles-ci des documents
qui ne comportent point une analyse et qui sont à lire et à
publier intégralement .
Dans leur agencement les matériaux affluent tellement
et ils sont si disparates, que les rentiers peuvent, sans la
moindre irrévérence, être comparés à autant de mosaïques
tout à la fois informes et monumentales en leur spécialité.
Si, relativement au domaine dit muable, c'est-à-dire à
l'ensemble des taxes qui ne furent pas de provenance fon-
ciére, le nombre et la diversité des énonciations dépassent
toute supputation précise, il n'en est guére autrement quant
aux rentiers du domaine non muable. Les mentions y
empruntées soit à l'économie agricole
abondent, qui furent
la plus primitive, soit à des écritures analogues sinon iden­
tiques aux livres dits de raison.
Mais l'élément dominant, l'élément caractéristique, l'élé-

ment capital au point de vue de la notice, c'est le recense-
ment descriptif qui s'y rencontre tant du vieux château de
M~a1-x et de ses dépendances urbaines et rurales (1) que
des édifices, ainsi que des voies ou des places publiques et
des héritages de toute nature dont se composaient alors la
ville adjacente et sa banlieue. Toutes deux y ressuscitent
avec leur population, leurs institutions financiéres, leurs
Les signatures des trois commissaires figurent sur l'original. Celle du
nt Kerloaguen est remarquablement correcte. Il la fit précéder
préside
une certification du nombre des feuillets cotés, certification réitérée en
1678 par le commissaire de Bouyn qui, de sa plume autoritaire, traça
tous les blancs du manuscrit un indélébile serpentin.
sur
(i) Entr' autres indications curieuses sont à signaler: 1 la mention
2 la description avec mesurage, de l'ancien parc
d'une garenne ducale;
au duc, théâtre des chasses légendaires dont il a été I?arlé (V. Histoire
de Morlaix, p. 16 et suiv . .Ia teneur qui en fut publiée par dom Ay­
mar DE BLOis).

industries, leur commerce de terre ou de mer leur confi­
guration, leur physionomie. Il ne reste plus qu'à pourvoir
le manuscrit d'une repl'oduction ou reconstitution du plan
géométrique qui fut dressé; qu'à supputer la somme réca­
pitulative des censives, cheffrentes, fermes et autres per­
ceptions domaniales; qu'à énumérer ou cataloguer les
fonctions ou professions exercées; qu'à dénombrer nomi-
nativement les membres des trois ordl'es, ainsi que des
divers corps de métiers, sans parler de séries entiéres de
tenanciers à convenant. Quelques particularités sont d'ail­
leurs à noter.
Dans la redevance annuelle d'une paire « d'esperons
dorés, » imposée à l'une des habitations de la rue du Bour­
ret, se reflête avec éclat un souvenir des préoccupations si
éminemment hippiques des anciens vicomtes.
Par la multiplicité des fermes de halles ou de marchés,
ainsi que par celle des foires s'atteste l'existence d'un cou­
rant déjà trés notable d'activité commerciale, industrielle
et agricole dans MOl'laix et dans ses alentours.
La mention qui suit relativement aux « Bris et pen.'wy »
a son intérét. « Selon les dits eomptes, l'usement et gou­
(\ vernement des dites chastellenies de Mourlaix et Lan­
« meur, le duc prend és dits bris en cas qu'il n'y aurait
« sauvement, le tout, mes quant il y a saulveurs le duc
« prend les deux pal'tz et les saulveurs le tiel's. »
Enfin, il est dans la réformation de 1455 des pages qui
doivent continuer de provoquer toute l'attention, voire toute
l'attraction qu'elles ont déjà si légitimement exercée. Ce
sont celles qui furent consacl'ées à l'enquête ouverte pal' la
haute cour l'éformatrice au sujet de « La Dist,.ibution et
« confrontation des boumes de la dite ville de Mourlaix. »
L'importance capitale de ce document au point de vue de
la topographie a été déjà tl'Op bien mise en l'elief pOUl' qu'il
y ait à y revenir. Mais il restait à faire également ressortir

la consécration, par la même enquête, de l'imp,'escriptibilité
du domaine ducal. Le seul fait d'une telle enquêté équivalut
a décider qu'a défaut de repl'ésentation d'un titre exprès et
réguliel' de concession, toute étendue de tel'ram bâti ou non
bâti, inculte ou en culture, rentrant dans le périmètre dé­
terminé par les bornes récupérées, serait reprise comme
usurpée sur le domaine (1 ).
Il convient aussi de rappeler: "1° que Morlaix devint, no­
tamment de la part du duc Piel're, l'objet d'nne sollicitude
toute spéciale; 2° que certaines données intéressantes sur
les revenus municipaux a la même époque n'ont pas laissé
de survivre (2) ; 3° enfin que dans l'intervalle a désormais
franchir d'un seul élan pour ainsi dire, de 1455 a 1677, se
plaça un document sur lequel l'attention doit aussi être
appelée pour épuiser les indications relatives a la réforma-
tion de 1455 et a ses suites.
registre ou livre formé des nouveaux ren­
L'original du
tiers, prit place dans les arcanes de la chambre des comptes
pour n'en sortir que par nécessité absolue et que par ordl'e
supérieul'. Mais ce ne fut pas sans qu'une copie authentique
et non moins minutieusement dérobée aux investigations
du public, a commencer pal' les « étl'eignables » eux-mê­
mes, en l'estât entre les mains du receveur en titre. Cette
copie se transmit naturellement de successeur a successeur
du même fonctionnaire, non sans subir en sa teneur tous
remaniements nécessités par les mutations annuellement
ou plutôt quotidiennement advenues tout spécialement dans
le personnel des redevables. L'ossature pour ainsi dire des
n'en sUl'vécut pas moins a l'usage de
rentiers originaires
(i) V. Histoire de Morlaix, p.520 et le texte de l'enquête.
La résolution qu'exécuta le rigide commissaire de 1678-1679, de
procéder de même ou plutôt d'imprimer un effet rétroactif à la première
enguête et au bornage qui suivit, suscita l'unanimité de protestations
qUI sera ultérieurement constatée.
(2) V. Histoire de llorlaix, p. 520 et lOB.

l'ancienne recette domaniale de Morlaix et de Lanmeur
jusqu'à sa suppression par le nouveau régime.
Une épavé de cette ossature a survécu.
Elle consiste en un registre existant dans les archives
départementales du Finistère et de provenance essentielle­
ment Morlaisienne, ou se retrouvent, également avec la
teneur des lettres-patentes du 25 mai 1455, les rentiers
d'alors, mais rajeunis de près d'un siécle.
La confection du nouveau registre suivit de peu d'années
l'annexion et tout porte à croire qu'il inaugura dans Mor­
laix et Lanmeur l'ère du domaine devenu royal. Aucune
indication d'ailleurs ne s'y rencontre des circonstances ùans
lesquelles eut lieu sa rédaction et en particulier de l'autorité
par les ordt'es de qui elle fut entreprise. Il constitua une
reproduction aussi compléte et aussi littérale que possible
rentiers de 1455, accompagnée ou suivie d'annotations
des
ou de mentions les 'plus diverses et souvent les plus
curieuses, le tout à placer dans l'intervalle écoulé de 1537
au 23 juillet 1586 (1).
(:1.) V. du reste l'Inventaire sommaire des Archives départementales
du Finistère. (Série A. DOMAINES DE MORLAIX ET LANMEUR, p. 55 et s.)
L'auteur de la Notice ne saurait oublier l'obligeance désintéressée avec
laquelle le document cité lui fut communiqué d'office par son honorable
et savant .ami M. l'Archiviste Luzel. Le corps principal de l'œuvre
émana de la plume du receveur Henri Ballavenne, qui ne laissa pas
d'être versé en son genre et il ses heures, dans la pratique de la calli­
graphie et de l'enluminure. il y fut surpassé par le fils 9;ui lui succéda.
La transcription des Rentiers de 1455, une fois accomplie, le père ins­
crivit 'Sur quelques-unes des pages non utilisées du registre, un sommaire
des acles de naissance, de mal'iage et de décès des membres de sa
famille, associant ain$i ses archives domestiques il la conservation et il
la durée du registre domanial. La nomenclature s'arrêta en 1M7. Mais
les deux menlions ainsi conçues y furent ajoutées: « A llas : le vendredis
" xxy octobre 1557 ... trespassa mon cher et bien aymé père. : . mary
« et espoux de Sebille de Guicaznou sa compaigne ... Iteru1n Allas!
« Le vy· octobre . 1.557 trespassa ma très chière et bienaymé mère
« Sebille de Guicaznou ... » Dans le ms. de Limur, la 'J'l'ève de Gui­
caznou et ses nobles habitants fil'ent l'objet de mentions très-explicites:
Les mentions consacrées par M. KERVILLER dans sa tant remarquable
Bio-Bibliographie bretonne (1. II, p. 59,. na :1.20) aux Balave/me, (tl y
aurait, d'après l'autographe de HY37, il écrire Ballavenne), ne font que
trop présumer l'identité des victimes des arrêts de radiation des 15 sep­
tembre et 2:1. novembre :1.670, avec les descendants de l'ancien receveur.

« Les mines d'estain', plomb, cuivre> vif argent·et 'autres
« métaux fOl'S l'or, ') ayant donné lieu à des larcins, Fran­
çois Guillart l'un des gens des comptes, fut désigné en 1529
pour procéder contre les délinquants dans les ressorts de
et Lantreguer (1).
Cornouaille, Carhaix, Morlaix
Il est indispensable, en ce qui concerne le registre de 1537
et tout d'abord la consistance du domaine ducal lors de sa
transformation en domaine royal, de se référer à un État
des revenus du Roi en Bretagne dressé pour ['an 1534 (2).
Quoique aucune mention des suites données aux réfor­
mations de noblesse de 1426 et de 1448 ne se retrouve, soit
dans le registre original de 1455, soit dans le registre de
1537, il résulte de la mention d'un compte de Bogier, en
dans le second compte de
date du 3 octobre 1456, insérée
Jean du Bois, de 1457, que des « commissaires sur le fait
« des annoblis et indûment supportés de fouages et taillées »
en avaient dressé un état (3).
Enfin, sur l'un des dernier's feuillets du registre de 1537,
figurent les mentions authentiques de la production qui en
fut prescrite au greffe de la Cour de Morlaix, pal' arrêt in­
tervenu durant un procés.
III
La notice n'a déjà que trop duré. Il y a donc urgence de
parler du second des manuscrits sur l'impression entière
desquels il s'agit d'insister (4) . Comme lorsqu'il s'est agi du
(i) Dom MORICE, Preuves, t.1II, p. 946.
{2 Dom MORICE, Preuves, t. III, p. iOB et suiv.
(3 Dom MORICE, Preuves, t. II, p. i 728. Le manuscrit de Limur
abonde en détails précis au.sujet notamment des enquêtes ou réformations
effectuées paroisse par _ paroisse aux termes des lettres patentes de la
reine duchesse du 1.6 septembre i513. Il en contient le texte entier.
(4) Sans faire absolument défaut, les document~ publiés a l'aide des­
quels pourrait se laisser entrevoir l'histoire de la régie domaniale de

manuscrit de 1455, quelques mots relatifs au contenant, se-
l'ont suivis d'un coup d'œil sur le contenu . Il y aura égale-
ment lieu, ainsi que précédemment, de ne point isoler de
ses préliminaires immédiats, la Réformation dont il sera
parlé. En outre, pour plus de clarté, l'aperçu dont elle fera
l'objet a semblé pouvoir et devoir être scindé. Un para­
graphe distinct et final y sera consacré aux procés-verbaux
concernan t les prééminences et droi ts honorifiques dans les
églises et chapelles tréviales .
Le manuscrit de 1678-1679, de même que le registre de
1537 passa, en 1791, du bure3.u de l'anciennne régie doma­
niale dans celui de l'enregistrement et des domaines, et de
là: 1 dans les archives municipales de Morlaix; 2 enfin,
dans celles du département du Finistère. L'inventairesom-
maire de celles-ci en contient une description et des
extraits auxquels il y a lieu de se référer (1). Une observa­
tion, toutefois, a paru devoir être faite au sujet du même
manuscrit.
Dans l'avertissemenent dont il fit précéder la publication
par le ministère de l'Instruction publique, des lettres et des
instructions de Colbert, M. Pierre Clément (de l'Institut) ne
négligea point de constater que la « correspondance du
« tant célèbre contrôleur génél'al des finances a été mer­
« veilleusement conservée, soit en minutes, soit en copies
Morlaix et Lanmeur, de Hî37 à :1.678, n'en sont pas moins d'une extrême
rareté. ,
n y aurail à se reporter surto,ut aux tenues d'Etats et à tout spéciale­
ment consulter.le § XVI de l'Edit, en réponse aux remontrances des
des Etats de juin :1.579 (Henri Ill) reproduit dans Dom MaRIeE, Pl'euves,
t. III, p. :l.q,q,5 el suiv.
(i) V. note i. p. 266 ci-dessus. V. aussi le même inventaire, p. 58
et suiv. '

« qu'il faisait faire a de très habiles calligraphes, dans
« une ècriture magistrale, dont le secret est aujourd'hui
« perdu (1). »
Il suffit d'un simple regard pour reconnaitre que la
chancellerie de la Chambre des .comptes de Bretagne eut,
a son service pOUl' la ü'anscription sur vélin d'un
elle aussi,
format monumental s'il en fût, des actes et des procès­
verbaux de la seconde réformation, des calligraphes qui
rivalisèrent avec les plus renommés dans Paris.
. Les préliminaires et les causes de la réformation accom­
plie de 1677 a 1679, non-seulement a Morlaix et a Lan­
meur, mais encore d9.ns tous les autres ressorts ~e juridic­
tions originairement ducales, ont été retracés officiellement
dans des documents qui, a raison de leur importance,
seront reproduits textuellemen t ci-après dans l'appendice
de l'essai. Ces documents sont, a savoir: la le réquisitoire
du procureur général près la Chambre des comptes de
Bretagne et l'arrêt conforme de cette cour souveraine, en
date du 10 janvier 1676; 2 un rapport émané de Colbert en
pet'sonne et ['arrêt conforme du Conseil, intervenu le
19 mars 1678, sous l:1 tente de Louis XIV, au camp, devant
Ypres; 3 enfin, l'ordonnance du commissaire de Bouyn,
septembre 1679 relativement aux prééminences
rendue le 2
et droits honorifiques.
Ces documents sont d'ailleurs a combinel' avec les let­
tres, les instructions et les mémoires constitutifs de la
correspondance ci tée du célèbre contr61eur général. Il
'y apparait préludant avec ['inflexibilité qui le fit sur­
nommer l'hom me de marbre, a la mise en œuv ['e d'un ré­
gime de centralisation absolument exclusif des franchises
provinciales en général et en particulier de tout maintien
(1) V. Correspondance, instmctions et mémJires. Paris, :1.863. 7 vol.
grand in-Sa, t. I. Intr., p. VII.
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. T. XIV (Mémoires). :1.8

des conditions et des réserves du pacte de réunion de l'an­
cien ducbé il. la COUl'onne de France.
Il ne saurait être un seul instant contesté que de tous les
pays di_ts d'États, la Bretagne n e fût à la fois le moins pré­
p~ré et pal' tempél'ament le plus l'ebelle à ce nouveau ré­
gime, c'est- à-dire à l 'ingérence de l'administration centrale,
spécialemen t en fait de finances.
L'histoire toutefois consacrera- t-elle comme entiérement
conforme à la vel'ité, l'aperçu suivant que le docte éditeur
de la correspondance de Colbert a tracé de la situation de
l'ancien duché IOI'sque survint sous les auspices les plus
lugubres qui se pussent déplorer, la nouvelle réformation
domaniale et fiscale qui, d'auto rite royale, y fut decrétée?
« Récalcitrants par nature, ma l disposés , de to ut temps
« et obstinés dans leur mauvaise humeur, incapables de se
« plier aux exigences de la situation, les États de Bretagne
« firent cause commune avec les mécontents du Parlement
« et occasionnèrent des mouvements d'opinion qui finirent
« par éclater avéc une violence terribl e. Divers édits sur le
« tabac, les gabeiles et le papier timbré dont la province
« crut s'exonél'el' pal' une contribution extraordinaire jugée
« exorbitante, ayant été rétablis en 1675, l'exaspération de­
« vint générale et détermina une révolte cruellement
« réprimée (1). »
(1) V. Lettres, instr. et mémoires, t. V, p. XVII. Au sujet de la ré­
de la répression mentionnées pal' M. CLÉMENT, deux citations se
volle et
présenten t, pour ainsi dire, d'elles-mêmes. Ce sont: 1. la publication
ée : « La Révolte du papier timbré advenue en Bretagne en 1675,
mtitul
H;stoire et documênts, par M. ARTH UR DE LA BO RDERIE (correspondant de
Institut ). Saint-Brieuc. Prudhomme, 1884, in-12. Il est peu de récits aussi
instructifs et aussi intéressa nts il tous égards, mérite absolu et par suite,
des dissidences nées ou à naitre de certaines appréciations de
en dehors
l'éminent historien; 2 la notice aussi érudite que consciencieuse due à
M. l'Archiviste départemental du Finistère LUZEL, intitulée Documents
inédits et publiée dans le Bulletin de la Société archéologique du Finis­

tère (2 livr. de :1.887, 2 part. p. 35 et s.)

Dans le langage ainsi tenu, la pensée de Colbert est, sans
doute fidèlement reflétée. Son oeuvre s'y ü'ouve en outre
apprécièe à un point de vue tout moderne. Enfin, la condam-
nation fulmin ée contre les Etats et contre le Parlement de
Bretagne y est rèitèrèe en sa plus impitoyable rigueur.
L'histoÏL'e aquiescera-t-elle sans réserves à un pareil ju­
gement?
Il est, on l'a déjà dit, pel'mis d'en douter.
Que la résistance non-seulement des deux hautes autorités
provinciales dont il vient d'être parlé, mais encore del'opi­
nion, fût systématique, granitiqu~ si l'on veut etqui pis est,
à tendances résolûment particularistes ou même insurrec­
tionnelles, le fait hélas! n'est que trop cel'tain (1). Commen t,
en outre, révoquer en doute un seul instant, que par la né­
cessité des choses, autant et plus que par la volonté des
hommes, le maintien du pacte d'autonomie scellé en 1532
ne fût de jour en jour da vantage atteint de caducité, et qu'il
n'mit depuis longtemps dégénéré, spécialement quant à
l'administration des Finances, en un véritable anachro­
nisme ?
est pas moins indubitable d'ailleurs que la chambre
Il n'
des comptes ne fût alors d'autant moins armée contre l'in­
vétération des abus de gestion et des désordres de compta­
bilité, que son institution suscitait plus de méfiance et d'es­
prit de rivalité de la part des deux autl'es grands corps de
(i) L'opinion qui eut cours en Bretagne du tem;Js de Colbert, spécia­
lement au sujet des intendants de police, de justice et de finances, des
fermiers généraux et des réformations domaniales, devint lout au moins
aussi véhémente que celle qui, plus tard, fut exprimée dans les termes
suivants par le comte de Mauron-Bréhan (père du co mte de Plelo et neveu
alliance de l'mtendant Ferrand): « Ministres de la tyrannie, chefs de
par
« pubEcains, fléaux qui ravugent une province et d'un coup de plume
« réduisent à la mendicité un million d'innocentes créatures ... , Troupe
« de scribes et de brigands qui sous prétexte de refformalion et sous
« l'autborité du Roy y (dans le duché de Penthi èvre) commettaient
« toutes sortes de pillages et d'injustices. » (V. Revue historique de
l'Ouest. Juillet, i886, p. :l.7i).

l'État provincial. Nul fait enfin à la fois plus indéniable et
plus notoire que la tmsfol'mation de l'ancien domaine ou
plutôt de ses épaves en une sorte de proie que se disputaient
'autre la prévarication et la convoitise
à l'envie l'une de l
ImpuDlès.
Mais la part ainsi faite à la légitimité des réquisitoires
rétrospectifs ou contemporains, de quel droit exclure toutes
circonstances atténuantes en faveur des administrateurs
et des contribuables de la province~ Pomquoi l'omission
d'un blàme sinon un éloge tacite à l'endroit de l'intronisa­
tion, même sous un grand règne, d'un régime de centralisa­
tion nan moins assidu en fiscalité qu'en politique, à com­
primer sur toutes lèvl'es la doléance comme la protesta­
tion, et il ne connaître d'autres armes contre la résistance
que les supplices et que la terreur~
Il faut donc revenir' en ceci il, quelque équité, c'est-à­
dire aux exigences du juste et du vrai, en tenant compte
des circonstances d'e temps et de lieux.
L'histoire, si l'on ne s'abuse, imputera d'autant moins à
aux habitan ts de l'ancien duchè leurs erreurs au
crime
sujet des combinaisons financières et des mesures de gou­
vernement survenues de 1663 à 1675, que furent plus abso­
lues leur faiblesse et leur impuissance une fois la force
matèrielle introduite par l'autorité centrale dans les luttes
qui s'engagèrent.
Ni alors, ni depuis, maintes délibérations et maints votes
en tèmoigneraient au besoin, ne faillit pas plus en Bretagne
qu'ailleurs, la rèsignation aux sacrifices les plus onéreux
pour sLibveilir auyf splendeurs du règne et plus tard à ses
revers et à ,son inénarrable dètresse.

Les l'epl'ésailles sanguinaires dont les insurrections dites
papier timbré fUl'ent suivies, cessaient à peine, lorsque
débuta la continuation d'nneœuvl'e dès longtem ps prémé­
ditée et mûrie en üaut lieu, à savoir la réformation géné­
l'ancien domaine annexé. Une telle mesure impli­
rale de
quait, comme chacun le sait, d'une part, la confection de
nouveaux rôles et papiers terriers dans chacune des juri­
dictions d'origine ducale où subsistait la perception de
revenus fonciers et d'autres droits de même provenance;
d'autre par't, la revendication et la reprise des usurpations
qui s'étaient multipliées avec extension par leur durée
depuis la précédente réformation; enfin la . poursuite et la
répression des malversations et détou~nements imputés aux
comptables de tous les degl'és.
une révision des titres et des nomenclatures nobiliaires
la plus rigoureuse dont il y eût a garder souvenir, avait pu
sans obstacles,' sans incidents mais non sans
s'accomplir
grand émoi et surtout sans grands coûts de productions de
titres et de procédures dans la province entière, il n'en devait
point être ainsi, tant s'en fallut, d'une renaissance avec
appoint de perfectionnements tout modernes, de la réf 01>­
ma-tion fiscale qui s'était accomplie dès l'an de grâce 1455.
L'inflexible contrôleur général put longtemps croire à un
naufrage de l'œuvre sur les écueils suscités par la l'ésistance,
tantôt ouverte et tantôt d'inertie, qui de toutes parts se ma­
La ferme générale et l'installation d'un intendant
nifesta.
délégué de 'l'autorité l'oyale en sa plénitude, sans pal'ler de
au Conseil du l'Qi avaient entl"autres
la supt>érnatie dévolue
mesur'es, causé non-seulement à Rennes, siège des États et
du Parlement, mais encore dans tout J'ancien duché une

surpl'Îse sans prpcédents. A l'h ot>t>ipilation avait succédé la .
Il ne fut point jusqu'a la Chambre des comptes elle-
colère.

même qui n'encourût suspicion tout au moins de tiédeur.
Un renvoi à la correspondance, aux instructions et aux
rappods de Colbert devient ici indispensable, le de­
voir s'imposant de ne guère donner place qu'à la teneur
du manuscrit de 1678-1679 . .
Elle s'ouvrit par la harangue-réquisitoire du procureur
général près la Chambre des comptes. Le texte en est
reproduit textuellement dans l'appendice. En conformité des
conclusions de cette harangue abondamment pourvue d'une
pompe tout officielle et de circonstance, inter'vint le 10 jan­
vier 1676 un arrèt décrétant la réformation voulue.
Relativement à la nou velle opération fiscale exceptio1i.el­
lement dispendieuse et compliquée qui fut ainsi prescrite,
de même qu'aux attributions dévolues à la Chambre des
comptes, il est à noter que dès 1525 intervint au sujet de
sa compétence et de celle du Parlement, le règlement dont
l'article 2 fut visé dans le réquisitoire cité. Aux mêmes ~ns
sUl'vinl,. entl'e la Couronne et les États, le 12 janvier 1'61!f,:":<'~
le contt'at que Colbel't mentionna dans son rapport « au
« Conseil d'Estat du Roy, sa maiesté y estant, tenu au
« camp devant Ypres, » rapport su ivi d'un arrêt conforme le
19 mars 1678. Un vérit.able assaut d'autorité et non pas
seulement de phraséologie y fut livré tout à la fois au ré­
quisitoire du parquet de la Chambre des comptes et à l'arrêt
de celle-ci. Ils y péril'ent. Vainement le procureur général
s'était-il ingénié à rappeler, dès 1676, comme il a déjà été
dit, que « les choses avaient changé de face dans la pro­
« vince et que tout semb lait debvoir y estl'e refformé. »
Vainement aussi, dénonçant la pel'sistance du désordl'e des
finances et l'inanité des réformations antérieures, le même
chef du parquet de la Chambre des comptes avait-il haute­
ment flétri, en ce qui concer-nait les mêmes réformations,
(c la connivence ou l'ignorance mesme des personnes qui,
cc n'y ayant qu'un intérêt passager : n'envisageant dans les

« ('ecouvrements effectués par elles que leur profit parti­
« cnlier, se mettaient peu en peine d'en assurer la <',6I'lti­
« nuation à Sa Maiesté, »
Il importait de mettre fin, sans plus tarder, à une aussi
déplorable situation. Colbert et le Conseil du roi avaient
épuisé la coupe de l'expectative et de la patienée. Deux
années s'étaient écoulées durant lesquelles avaient finale­
ment échoué les efforts suprêmes de J'administration éeri-
traIe des finances et de l'inténdance généeale. Toutes négo-
ciations, toutes injonctions, toutes mises en demeure étaien t
demeurées sans résultats appréciables.
La méme autorité dont la main de fer' venait de s'appe­
santir sur les populations se déterminait donc à ressaisit
l'offensive. Plus de révoltes à redouter. Les gibets, naguére
par centaines au service de la répression encourue pal' les
révoltes contre le papier timbré, se dressaient encore à l'ho­
rizon de la pl'ovince et l'occupation militaire n'y cessait qué
lentement avec ses humiliations et ses exa~tions pécu­
niaires (1).
Ce fut donc sans contl'adiction que dans le rapport
cité du 19 mal'S 1678, qui débuta par un précis résumant les
antécédents de la réformation et en dernier lieu l'arrét pré­
cité du 10 janvier 1676, un brevet rétroactif d'impuissance,
voire de népotisme tout au moins relatif, fu t décerné à la
Chambre des comptes de Bretagne. La teneur textuélle
en pourra être lue dans l'appendice. Il fut notammént
réproché à la Chambre des comptes d'avoii'. quatre
ans auparavant, en désignant des commissail'es pour la
(i) Colbert, com me il a déjà été <1.it, a été loué par la presque Unani­
mité de ses biographes, tout particulièrement pour avoir, en Bretagnfl et
usité: « fait prévaloir l'intérêt de l'Etat
selon le langage présentement
« sur les ex.igences égoïstes, partiales et intéressées des groupes pro­
« vinciaux. .. , de n'avoir jamais capitulé il leur endroit. _. d'avoir su
« résister aux tendances séparatistes et à la chasse au principe de l'u­
« nité légalement poursuivi jusques dans ses dernièrês conséqûénces. »

confection des papiers terriers ou « refformation des do':'
« maines et droits domaniaux ... nommé aucuns des offi­
« ciers d'icelle . .. âagés, incom modez et peu laborieux,et
cc presque partout destiné les officiers de ladite Chambr:.e
cc pour les lieux d'où i/z sont nattifz., où ils ont tous leurs
« parentz et alliez et tT'ouvent les plus intéressez ... ,) Ledit
papier terrier fut-il ajouté, qui devrait être fini, est il. com­
mencer dans dix-huit des vingt-q uatl'e barres royales, et
corps de domaines appartenant il. Sa Majesté, et peu avancé
dans les autres « tant il. cause du peu de tems que les ditz
« commissaires se donnent pour ce travail, que par les op­
« positions et prises il. partye qU,e l'on leur faict dans toutes
cc les affaires qu'ils jugent et encore sur les appellations
« qui sont interjettées de leurs jugementz et sentences re­
cc levées au parlement de la dicte province sans que ja­
« mains il ayt ordonné par provision, ny obligé les appe­
« lanz de consigner les sommes aux quelles ils sont con­
« damnés, comme il est expressément porté par le contract
« des États du 13.janvier 1774, aux termes duquel Sa Ma­
« jesté peul nommer telz commissaires que bon lui sem­
ee blera pour le dict papier terrier et refformation. »
La conclusion déduite de pareilles prémisses se pressent.
Avant d'insister sul' son implacable rigueur, se présente
tout naturellement il. l'esprit un souvenir historique dont
l'évocation devient' véritablement obligatoire en dépit de la
haute antiquité il. laquelle il se réfère.
l~hacun se l'appelle la distinction établie, mème avant l'ère
impériale, entre les provinces romaines . Les unes, paci­
fiées de vieille date, èchurent a u Sénat pour le plus grand
honneur et pl'ofit de ses notabilités , Mais César et il. son
exemple, Octave Auguste et ses successeurs se l'éservèrent
les terl'itoires d'annexion récente, à maintenil' comme tels,
sous l'absolutisme du régime militail'e. Ils y eurent d'ail­
leul's leurs domaines privés et leurs procUl'ateurs. Enfin, sul'

les unes et sur les autres descendit urie nuée de publicains
aux opérations et spéculations de qui ne fit que rarement
défaut l'appui des effectifs de cohortes et de garnisaires
libéralement tenus par Rome et dans toute province, au
service du recrutement militaire et du recouvrement des
impôts. Payer par provision, sauf recours a l'autorité su­
prême en son .lointain séjour et a grands frais de patronage
ou autres, tel fut, durant l'ère indiquée, le régime dont
l'histoire n'est que trop connue.
Il n'y a pas la moindre exagération a dire de la réforma­
tion de 1678-1679, que l'ancie~ duché y redevint la province
celto-romaine d'autrefois et que la seule différence a signa­
ler entre le fonctionnement du même régime à l'une et a
l'autre époque, résida dans les perfectionnements que la
plus récente y apporta. .
La teneur du manuscrit suffira, si l'on ne s'abuse, a jus­
tifier pleinement la double assertion qui vient de se pro­
duire (1).
L'autorité que les nouveaux cClmmissaires tinrent de
l'institution royale ne consista pftS seulement a primer,
quant à la poursuite de la réformation, toutes autres com­
pétences. E lle impliqua, en outre, aussi expressément que
Iode révoquer a volonté tous of­possible, la prérogative :
ficiers des siéges dans le ressort desquels les domaines à
réformer se trouvaient situés; 2 d'imprimer aux décisions
(i) Les principaux extraits à consulter de la correspondance et des
mémoires de Colbert relativement aux préludes de la grande réformation
du domaine en Bretagne, sont notamment les suivants: Tome II,
p. XLIX, LXV et suiv., xcr à XCVII, C à cvr et suiv. de l'Introduction,
relatifs aux rentes, à la taille, aux révoltes causées par l'établissement du
papier timbré, aux fermes et au Domaine. Tome IV, p. 563, 566 et
SUl v. Arrêt du Conseil et Ordonnances concernant les forêts de Breta­
gne en particulier. Ibid. Introd. p. r à III et Lettres, p. 27 et 34,. Ins­
tructions sur l'Administration provinoiale. Tome VI, Introd., p. c
suiv. et texte, p. 60, 73 et suiv. sur la ferme des frais de justice. Ibid.
Introd. p. IV, VII et suiv. XXI. Récriminations des Parlements.

a intervenir le caractère d'arrêts exècutoires par provision
sans opposition ni appel possibles (1) et ne comportant que
l'éventualité d'un recours au Conseil d'État; 3° enfin de
participer dans la mesure la plus large à l'exercice du
pouvoir règlementaire.
Un complément parut indispensable, qui ne devint pas le
moindre des griefs à la manifestation publique ou privée
desquels l'imminence d'un retour des châtiments naguère
expèrimentés par la province, put seule et non sans efforts
faire obstacle. Ce com plément ne fut autre que la disposi­
suivante de l'arrêt du Conseil:
tion
« Le Roy ayant faict Estat des deniers qui doivent pro­
« venir de la restitution des sommes qui seront justiffiées
« estre deues par la dite refformation et confection du pa-.
« pier terrier pour estre employez aux dépances présentes
« de la guerre; il est nécessaire que la dite refformation
« soit faicte à la l'equeste, poursuite et diligence de Maistre
« Jacques Buisson, fermier général des domaines de
« France et droiclz domaniaux, ou ses procureul's spéciaux
« à ces effects sur les conclusions des Procureurs de Sa
« Maïesté a chascun siége et jugés par ,les Commissaires
« de la dite Chambre (des Comptes) à ce deputtp,z par Sa
« Maïesté avec les officiers des dictz sièges, non suspectz
« et non intéressez aux dictesuzurpations et, fut-il, dit en
« terminant, recevra (le dit Buisson) aux cautions par luy
« baillées tout ce qui sera deubt à Sa Maïesté ... Sur les de­
« niers de la quelle recepte, lit-on en outre dans l'arrêt, les
(i ) « Seront leurs jugementz et sentences exécutés pal' provisiou nonobs­
« tant oppositions ou app~llations qui doivent estre au conseil pour y
c( estre jugées et terminées au rapport des sieurs commissaires à ce de­
« puttez par Sa Maïesté ' en la Chambre du domaine, au chasteau du
« Louvre, à l'appartement des Tuilleries, aultrement on n'aurait pu
« voir la fin de ce travail dont la fin est très importante au bien des
« affaires du roy. » (V. à l'Appendice le rapport cité de Colbert).

« appoinctementz des sieurs commissaires et des employez
« il. la confection du papier terrier et refformations des do­
(( maines et autres fraiz faictz ou il. faire seront pris et
(( payés.»
Le 'rapport et l'arrêt peu vent se résumer ainsi qu'il suit:
1" La suspicion que les membres du parquet de chacun des
siéges qui seraient saisis de la réformation il. poursuivre,
encoururent sans distinction, fut préventivement tenue
pour légitime. 2° La ferme générale dut, par suite, se
constituer partie civile en permanence il. la barre de tout
commissaire départi. 3° Cessionnaire il. forfait de tous pro­
fits il. réalise!' par les meSUl'es décrétées, elle eut en outre il.
pourvoir, sauf compte ultérieur avec l'Etat, aux avances et
frais nécessaires. .
Comme chacun le sait, l'histoire de l'exécution fiscale qui
ainsi décrétée, reste encore il. entreprendre. Un coup
fut
d'œil sur son ensemble n'en aurait par suite que plus
d'intérêL Mais il dépasserait de beaucoup les limites tra­
cées il. la notice'. Elle ne comporte plus, en effet, qu'un nom­
bre restreint d'empmnts au registre de la réformation qui
fut spécial aux ci-devant ressol'ts de Morlaix et Lanmeur.
Ces emprunts toutefois nécessitent quelques préliminaires.
La rigueur qui, de 1668 il. 1670 présida, de la part de la
Cham bre réformatl'ice, il. la révision des ti tres et des r61es
de la noblesse de tous rangs> devint presque légendaire (1).
(i ) Dès 1.656 et :l66! survinrent, commp. on le sait, divers édits ré­
pressifs de l'usmpation des litres de noblesse. Le 22 juin 1. 6611" déclara­
tion plus rigide encore. Elle fut suivie en septembre de la même année
vocation des lettres de noblesse obtenues depuis 1,634
d'un édit porlant ré
et accordant pour toute compensation aux nobles dépossédés l'exemption
des tailles pendant l'année 1,665. Le 22 mars 1,666, nouvel arrêt du Con­
seil portant règlement général pour la recherche des usurpations. Par
l'article 17 fut prescrite la confection d'un catalogue contenant les noms,
et demeure des véritables gentilshommes, pour être enre-
surnoms, armes
, gistrés dans chaque baillage (Voir Lettres et Instructions, t. IV, p. 232,
t. V, p. q,q,;$ et t. VI, p. 23).

Elle ne fut pas moins dépassée de très-loin, dix ans plus
tard, en ce qui concerna la réformation du domaine. A tout
instant s'y manifestèrent, de la part du pouvoir central,
l'implacable rancune et l'exaspération sans limites en sa
violence auxquelles il a été déjà, fait allusion (1)
une seule des humiliations et des avanies
Il ne fut pas
insépal'ables de toute capitulation à merci, que la province
vaincue n'eût à endurer.
Colbel't, dans une correspondance contempol'aine de la
réformation si âprement poursuivie (2) réclama « la con­
« naissance de tout ce que le Roy catholique tirait des
« Estats des pays cédés (3) a toutes SOI'tes de titres, comme
« aydes extraordinaires, dDns gratuits, subsistances, four­
« rages, fortifications et autres prétextes pendant les an­
« nées de la guerre et de la paix. »
Tout autl'ement inquisitoriale encore fut quant a la Bre­
tagne, tl'aitée, e lle, en pays conquis, l'activité s.ans répit
ni trêve que le contrôleur géneral ne cessa de déployer.
« J'ai travaillé, écrivit-il à M. de Chaulnes le 8 août
« 1680, depuis peu de jO Ul'S à examiner toutes les diffi­
« cuItés qui se rencont!'ent dans la confection du papier
« terrier et de la réformation des domaines, avec les deux
« commis qui en sont venus depuis peu. J'espère que je
« règleray la plus grande partie des difficultés qui s'y reo-
(1) Colbert fut animé à l'endroit des autorités elles-mêmes de l'ancien
duché pays d'Etats, du même esprjt qui déterm ina, de sa part, dès le
25 décembre 1671, l'envoi au gouverneur de la Pmvence, autre pays
de lettres de cachet pour l'internement en Bretagne de dix d'entre
d'Etats,
les députés qui avaient relusé de voter le don gratuit. (Ce gouverneurfut
M. de Grignan). V. également sa lettre du 21 septembre 1679, p. 283
cl-apres.
(2) V. Lettre du 9 mars 1679 à Denis Godefroy, de tant érudite mé­
moire, alors garde des archives de la Chambre des comptes de Lille.
(T. II, p. 93, nO 38) .
(3) Traité de Nimègue, du 26 février, même année.

« contrent. ») (Lettre autograph.e). De plus, répondant de
Sceaux, le 3 juillet 1682, à une lettre de M. du Moulinet,
en date à Quimpel'-Corentin du 26 juin précédent, Colbert
après une verte réprimande au sujet de l'écriture peu
lisible du même correspondant, s'exprima ainsi: « Il me
« suffit de vous répéter ce que je vous ai écrit plusieUl's
. « fois, c'est-à-dire qu'il faut en finit' dans cette année, la
« réformation des domaines et la confection du papier
« terrier, parce qu'il ne convient au service du roy ni au
« bien des peuples que ce travail soit infiny; mais il
« convient en mesme tems que vostre application soit telle
« que çe travail soit parfait et qu'aucuns des droits ne
« soyent omis .. , en travaillant de bon matin et finissant
« tard. »
La combinaison financière que l'ancien duché eut à subir
de force et à ses dépens, continue de se recommander de
en plus, à l'attention de quiconque se préoccupe de
plus
connaître en toute sa véritè l'histoire de l'époque.
Comment nier que de cette combinaison n'aient jailli de
sinistres lueurs, non-seulement sur "la province livrée sans
défense aux spéculatîons de traitants tout puissants, mais
aussi sur le grand règne lui-même? Voulue par l'au­
'teur . « du mémoil'e sur les finances») (1661), et aussi
en dernier lieu (1675), de « l'Ordre estably par le Roy
« pour l'administration et conduite de ses finances» (1 ),
l'aliénation à forfait et à tout prix au lieu d'un simple
engagement sous rachat, du profit supputé de la réformation
à poul'suivre, n'eut-elle pas son éloquence ~ La pénurie d'un
trésor dès longtemps impuissant à suffire par ses recettes
à l'accroissement sans limites des dépenses C~), ne laissa
(i) V. T. VII, p. 201 et T. II (2" partie), p. 83, n° 32, et p .. i89 ..
(2) Dès le 8 avril 1672, une aliénation des biens et valeurs dits pettts
domaines, fut décrétée jusqu'à concurrence de 400,000 livres de reve­
nus.

pas sans doute de réussir à se voiler une fois de plus de
'éclat dont rayonnait encore le royaume. En fut-elle
tout l
rr,oins hideuse en sa réalité?
Mais il est plus que temps de rentrer, pour n'en plus
dans le contenu de l'obscur registre émergé des
sortir,
greffes abolis que l'on sait. Par ce contenu, le lecteur qui
voudrait bien s'y référer, serait pleinemen t renseigné sur
les épaves de domanialité et de fiscalité d'origine ducale,
que le commissaire à la réformation de 1678-1679, s'ingé-
nia si laborieusement à exhumer, voire parfois, semble-
rait-il, a créer de compte à demi avec la ferme générale.
Mais tout autrement ardue deviendrait une supputation
quelconque du bénéfice procuré par les mêmes épaves (1) .
certaines correspondances familières et con­
A en croire
temporaines qui sont restées inédites, les pouvoirs exorbi­
tants dont le mandat de commissaire royal à la réformation
comporta l'exercice> ne furent rien moins que pour dé­
plaire à l'humeur comme aux aptitudes professionnelles du
maltre des comptes François Bouyn (2).
(i) L'annotation suivante, due à M. l'Archiviste Luzel, donne une
ée des proportions auxquelles la réformation citée atteignit en fait
d'écritures:
~ Presque lous les domaines royaux en Bretagne avaient été engagés
« à la fin du XVHe siècle, aux ducs de Penthièvre. Le 1,q, mai 1,7:1.6,
« les domaines de Carhaix, Quimper, Ploërmel, Hennebond et Auray
« furent adjugés à Louis-Alexandre de Bourbon, comte de Toulouse,
« pour la somme de 95t!,000 livres. En :1. 75!, le duc de Penthièvre
« accorda pour 9 ans, à Pierre Pauzet, la régie des neuf domaines de
« Jugon, Lannion, Quimper, Carhaix, Hennebond, Auray, Ploërmel,
« Lesneven et Dinan. Le Conseil fit observer que pour recouvrer les
« droits usurpés, il serait bon de dépouiller les 98 volumes de la grande
« rJ(onnation de< 1678, exécutée paT les Commissaires du Rai. En con­
« séquence, on fit faire des extraits . .. et états à colonnes présentant
« le tableau des terres et droits seigneuriaux. Ce travuil fut terminé en
« 1.756. Il coûta 2'J,,230 livres i5 sous et li deniers. li comprit H 4, vol.
« in-fo de déclarations et :1.8 vol. d'Etats. » (Voir Inventaire sommaire,
(2) Un dossier biographiqlle a été formé en ce qui concerne cet émi­
ent commissaire par les soins de l'honorable M. Trévédy (ancien pré­n
sident du Tribunal civil de Quimper), qui a bien voulu en donner con-

Quoiqu'il en put être, par les rigueurs dont il usa, si
outrées qu'elles fussent, il ne sortit point de son rôle de
fidèle interpréte de la pensée et d'exécuteur résolu des vo­
lontés d'un maitre insatiable en fait d'obéissance passive.
Sous c@ dernier l'apport, c'est entre cent autres de
mème nature que la lettre suivante a été choisie .
Adressée le 21 septembre 1779, c'est-à-dire en plein
cours de réformation, à M. de Chaulnes, le trop célèbre
gouverneur, cette lettre a paru d'autant plus curieuse, et si­
gnificative que Colbert y peignit d'après nature l'affolle­
ment de la terreur que les États eux-mêmes ressentirent
des nouveaux agissem'ents de l'administration centrale.
« Pour ce qui est des alarmes des députés des Estats sur
(c la commission de M. Bechameil (1), permettez-moi de
« vous dire qu'il est difficile d'ostel' ni d'entreprendre de
« guérir des terreurs paniques; il suffit seulement de bien
(c establir tout ce qui concerne les domaines du roy, et
« toutes les fois que les officiel's de la province feront en
(c cela bien leur devoir, Sa Majesté ne cherchera point
« d'autres officiers pour y travailler. Mais aussi toutes les
« fois que les officiers tomberont dans quelque abus pl'éju­
(c diciable aux droits de Sa Majesté elle ne peut pas s'em-
naissance à l'auteur de la notice. François Bouyn fut dans divers actes
(14, novembre :1.673), puis (9 janvier
dénommé d'abord sieur de Reins
:1. 709), sieur de Cacé (manoir voisin de Rennes)_ Un acte de décès daté
du 30 mai :1. 7:1. 6 le concerna-t-il ? De nombreux membres de la famille
à leur tOllr un rang élevé à la Chambre
dont il fut.1e chef occupèrent
des comptes.
(i) Secrétaire du Conseil d'Etat, M. Béchameil fut, s'il est permis de
s'exprimer ainsi, l'un des hauts garnisaires au service de la réforma­
de son office, sa venue dans la province na­
tion. A raison précisément
ée, ne put y paraître qu'un très sinistre
guère si impitoyablement châti
à bref délai. Néanmoins dans la même
présage-de répression itérative et
lettre Colbert daigna congratuler son correspondant d'avoir fait voter
« vite et bien » par les Etats une surélévation du don gratuit. Il n'y
d!ssimu~a point davantage ses appréhensions prophétiques au sujet de la
dimrnutlOn du rendement des fermes et de la détresse crOIssante du
trésor public,

« pescher de se faire la même justice qu'elle ferait au der-
« nier gentilhomme de son royaume, et les terreurs des dé­
« putés ne sont d'aucune considération dans ces occa­
« sions (1). )) Partout et toujours le vœ victis !
Ce fut donc de propos tres-délibéré que du commence­
ment à la fin de sa mission, le réformateur à qui le ressort
de Morlaix et Lanmeur échut en partage, recourut il des
allures toutes proconsu laires qu'il se complut par sUl'croit
à minitieusement déceire dans les p!'ocès-verbaux qu'il
rédigea.
Comment · passel' sous silence à ce sujet la fastueuse
promulgation de son propre édit !'eglementaire, en date du
13 juillet 1678 (2), ainsi que l'installation, également dès
son arrivée à MOl'laix, d'un prétoire avec greffe et appari­
teurs spéciaux, doté d'audiences à tout le moins hebdo­
madaires ~ Survinrent ultÉ'rieurement la suspension d'a­
bord; la révocation ensuite du peocul'eur du roi du siége en
tant que participant officiel à la réformation (3). Le syndic
lui-même de la municipalité de Morlaix eut son tour. Il se
vit en effet appréhender au coeps d'oedre du commissaire
royal et ramené à sa barre par l'huissier d'audience pour
s'être permis d'en sorti!' sans autorisation et sans avoir
signé au pl'oces-verbal (4) . Encore ne s'agit.,.il ici que des
plus notables d'entre les incidents similaires ou analogues
dont fourmille la relation officielle. (5) .
(i ) Y. T. IV, p. 133.
(2) Y. manuscrit de 1678-1679, fos 0 à 9 et s.
Ce ne fut rien moins que tout un volumineux code de procédure avec
tarification des frais d'actes sp2cifiés à l'usage des réformations présentes
et futures des ci-devant domaines ducaux.
La publication à son de trompe, la lecture aux prônes paroissiaux,
enfin 1 affiche en eurent lieu dans toute l'étendue des ressorts royaux de
Morlaix et de Lanmeur.
3) Y. Ibid., fos 34,44,40 et 00.
4) Y. Ibid., fo 44.
0) Le procureur si récalcitrant fut Clete (ou Clet Gourcun. D'après
Daumesnil (Histoire de lUorlaix, p. 1.90), ce chef e parquet, alors en

Les formes qui furent il l'usage du commissaire royal et
leur spécialité sont dés li présent assez connues pour per­
mettre de s'occuper maintenant quelques instants du fond
même de son œuvre.
Les interminables relations officielles dont la trame et
la chaîne s'y déroulèrent, en rendent sans doute la l8cture
trop souvent fastidieuse. fvlais sa teneur entièee n'est-elle
pas insteuctive, sous tous rapports, a un bien autre degré?
En ce qui fut relatif notamm ent a la confection du nou­
veau papier terriel', la main et la plume ne s'y rèvèlent­
longtemps passé maître en
elles point d'un feudiste dès
pratique domaniale et fisca:le ~ Fut-il labeur que n'affron­
tât, fut-il question que ne résolût, fut-il obstacle dont
n' eût raison le réformateul' qui eut nom François Bouyn ~
Sans doute a n'envisager que les moyens mis en oeuvre
pour atteindre au but qu'il poursuivi t, il en fut bon nombre
dont les consciences les moins timorées durent s'alarmer
grandement même en un temps où les adversaires de la
réfol'mation ne connUl'ent guère plus de sCl'upules que ses
pl'omoteUl's. Mais l'exécution des ordres de l'autorité royale
quels qu'ils pussent être, ne devin t-elle point l'irl'émis­
sible loi de tout co mmissail'e accomplissant la tâche de
réformateul' du dom 3-ine ?

charge depui s 1.650, aurait été député aux Etats cette même année et
puis en 1.675 et 1. 697. Le synrlic fugitif lut Joseph Coroller. Quant au
bailli Maurice Oriot, sieur de Kergroat, qui lut l'un des assesseurs du
Com:nissaire, il parut se résigner à ce rôle.
ombre des autres notabilités de Morlaix, en fonctions lors de la
Au n
seconde réformation, l'auteur' cité J11 ntionlle, entr'autres, .les juges et
consuls commerciaux, Glly Jégou, s i~ur de Guerlan Jean Eon de Vil­
loroux, Ferrière de Bussé, Guerin de Villemain et Siochan de Praterou
(Voir ibid. p. 1. 39). Le Commissaire des Anges de Losven, le contrôleur
Le Gac de Guéréon (p. 66), l'a vocat conseil, écuyer Jpan de Kerault,
sieur du Boislaurent (p. 63), l ~ greffier notaire, François Le Roux, sieur
de Saint-Molf (p. 69). Le gouverneur royal fut à la même époqUe le
comte de Boiséon qui eut pour lieutenant Hervé de Rostiviecde Coëtanlem,
major de la ville. (p. 86-87. )
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. T. XIV (Mémoires). 1.9

A Morlaix et Lanmeur la participation à la panique dont
s'émut quelque peu Colbert lui-même qui la causa, ne fut
pas uniquement déterminée par le manifeste de la nouvelle
opération fiscale.
Ell e provint surtout de l'exhumation de la réformation de
1455 et de la rétroactivité qui y fut imprimée. (1).
deux mesures tout spécialement, résulta durant
De ces
prés de deux années dans les greffes de la réformation, un
amoncellement indescriptible de parchemins et de papiers
de toutes provenances, aveux, dénombrements, déclara­
tions, mémoires, dires, contredits, productions de titres,
au contraire protestations, contes­requêtes, suppliques ou
tations, récriminations. Qui n'eùt dit d'une inépuisable série
d'armes l~s plus diverses, hors de service pOUf' la plupart,
extraites du fond de tous les arsenaux connus ou inconnus,
jadis au service des procédures féodales les plus disparates?
Or, la même main qui les classa toutes et q ni s'aida
de certaines d'entre elles pom l'accomplissement de la ré­
réformation entreprise, ne fut pas moins assidue à briser
toutes les autres afin de la consolider a'autant plus effica­
cement.
A peine entrevue la l'ésolution de faire du rétablissement
de la circonscription assignée à l'ancien domaine par la
Réformation de 1455, le point de départ ou plutôt la loi de
la confection du nouveau papier terrier, éclata dans toute
l'étendue de la région limiteophe, la panique il. laquelle il a
déjà été fait a llusion . Qui eût pu y douter, un seul instant,
évi~tions préméditées?
de l'imminence des
Elles ne se firent point attendre.
En dépit des protestations indignées et des résistances
désespérées qui succédèrent à la teereut' du début, le com-

(i) Voir ms. fos 45 à 47.

missaire, armé de la r éfol'mation primitive comme d'un

glaive, se mit à l'œuvre.
Jour par jour, pied à pied, sur les lieux mêmes, furent, à
grallJ apparât, réitérés les enquêtes et· autres préliminaires
imités des procédures de 1455. Il Y eut, mesure tout au­
trement sérieuse et agressive, rep rises ou réunions de
terrains effectuées aussi tôt que décrétées sans recours pos­
sible. Ainsi furent récupérées la consistance et les limi tes
origInaires du vieux domain e ducal. Survint aussi, par
suite, un rétablissement ou placement à nouveau de toutes
bornes jugées utiles, avec empreinte d'insignes royaux (1).
à l'inénarrable contentieux qui fit cor'têge aux
Quant
agissements de la seconde Réformat ion du domaine à Mor­
laix et Lanmeur, il devint le thême incessant des relations
que le commissaire royal en retraça, non sans une visible
dans les actes et procès-verbaux constitutifs
complaisance,
de l'accomplissement de son mandat. Non moins infatigable
et précise qu'autoritaire, sa plume excella en ce genre (2) ,

(i) La transcription du ~ Proceix verbal et la description des bornes
« de la ville et fauxbourgs de Morlaix suivis selon la Réformation, »
avec la relation des incidents survenus et notamment de la formidable
instruction par écrit à laquelle donnèrent lieu la délimitation des juri­
de Morlaix et de Penzé, ainsi que la résistance opposée avec
dictions
Thorr. as Morand, maître des requêtes
succès par le seigneur de celle-ci,
de l'b6tel, n'exigea pas moins de quinze des feuillets sur parchemin
Paroisse par paroisse
d'énorme format, constitutifs du second manuscrit.
de Morlaix furent décrits, y compris les couvents, propriétés bâties,
ifices publics, rues, places ou quais,
(2) Les visites de lieux, les enquêtes, les débats sur place et les au­
diences durèt;ent du 18 août :1.678 au 27 juin 1679. Au début des opé­
rme générale, « noble homme Mittern
rations prit part, au nom de la fe
de Kergonnan , » Le réformateur ne procéda, d'ailleurs, qu'avec l'escorte
greffier Jonno, de l'huissier Ollivier Elesse, de l'interprète breton

« d'escuiers Michel Gillart et Estienne de la Bouessière,
Nayl, ainsi que
« arpenteurs et priseurs nobles. » . '
Les avocats Jean Le Mat et Guy Chrestien suppléèrent d'office durant
sgrâces le procureur du roi (Gourcun) en désaccord tout à la fois
ses di
ec le réformateur et avec l'avocat Laureau, du siège de Morlaix, repré­av
à titre permanent, du fermier général, partie poursuivante.
sentant
(V. fos 2, v 32 à 4,7 et 83 du ms.).

. Il n'en fut pas autrement de tout le surpl us de la seconde
Réformation . Sur son registre, de par l'autorité de la pre­
cédente et du nouveau souverain, reparurent avec exaspé­
ration tous les chapitres, titres ou articles de celle- ci,
générateurs de redevances, de droits ou de
énuméra tifs ou
taxations quelconques (1).
Baux, fermes, marchés à, renouveler, résilier ou majore!',
s'y ajoutèrent et à, plus forte raison forcements de !'ecettes
ou autres redressements et répressions encourus par les
comptables et les préposés de tous rangs.
Est-il besoin de répéter ici que de la combinaison des textes
des deux réformations, résulte un ensemble de documents et
de données dont l'importance exceptionnelle pour l'histoire de
la période comprise entre le début du XV· et le déclin du
XVIIe siècles n'est plus à, signaler (2) ~
A ne l'étudier qu'isolément et en lui- mème, le manusc!'it
de 1455 pr'ésenterait déjà, un haut intérêt. Cet intérèt re­
do uble dans le commentaire extensif dont cette première
réformation fu t pourvue par les actes ' de la seconde et
spécialement par les indications techniques et topographi-
(1) En voici la nomenclature d'après le texte même de l'édit du
com missaire: « Maisons, éhasteaux, terres et fiefz, rentes, justices et
« i urisdiction, halles, coutumes, droitz de poidz, ballances, mesures,
« foires et marchés, préminences , seigneuries, isles, islotz, accrues,
« altérissementz, droitz de bancz, batteaux, pontz, péages, passages,
« pescheries, boutiques, eschoppes, bois, prés, places, pasturag8s, fours,
« moulins, colombiers, garennes, estangs et autres biens et hérittages
« quelconques tant nobles que roturiers. » (Voir ms. de 1678-1679,
fO (J" V O) .
(2) L'inflexible rétroactivité imprimée à la première réforma tion en
tous ses chapitres, s'affirma spécialement par l'arrêt en date du 11. juil­
let 1679, transcrit avec son préambule circonstancié sur le registre de
seconde (fos 59 à 62) . Après débats contradictoires et sur produc~
tions géminées de titres d'une haute ancienneté pour la plupart, les pa­
roissiens de Plouégat-Moysan s'entendirent condamner à la reprise du
service et au paiement des arrérages courus depuis vingt-neuf ans,
d'une rente de cent trenle livres, de provenance ducale, inscrite au fo­
M verso du registre de HIî5.
lio

ques qui y abondent. -- L'empreinte du sceau de Colbert
lui-même s'y grava.
A ce point de vue, l'attention ne saurait être trop assidû­
men t appelée sur la form e com me SUI' le fon~ des rapports
si remarquablement descriptifs et circonstl'l.nciés, que le
réformateur inséra dans sa r.elation magistl'ale, Œuvre des
arpenteurs experts dont il fit en ceci ses collaborateurs
officiels et dont il dirigea la main, ces rapports ne devin­
nt-ils pas un acheminement décisif aux opémtions du
cadastre moderne dont Colbert entl'evit l'économie et dont
il anticipa de ses vœux la l'éalisation ~ Peut-on, d'ailleurs,
ne pas ajouter, également au sujet des mêmes trava ux, qu'il
l'chiv es pourraient
est bien peu de municipalités dont les a
rivaliser avec celles que Morlaix ressaisirait pal' la publi­
la teneur entière des deux manuscrits ~
cation de
Il ne reste plus qu'a compléter les indications relatives à
la seconde réformation, par l'arerçu résel'vé d'avance a son
chapitre final> le chapitre concernant les prééminences et
droits honorifiques exel'cés an dedans ou au dehors tant des
églises de tous rangs,cath éd rales, collAgiales ou paroissiales,
que des chapelles tréviales, Ce couronnement de J'édifice
fiscal ne fut pas, eomme on va le voir, la moins cUI'ieuse de
ses parties si diverses.

La réalisation de toutes plus values procurées aux
finances de l'Etat par la révision des . rôles de la no-
blesse (1), précéda de plusieurs années, ainsi que l'oc-
(i) Envisagé, il est vrai, à un point de vue purement descriptiLet
fiscal, ce sujet a provoqué, récemment encore, entre autres
nullement
publkations, une notice intéressante et spirituelle, où de nombl'eux extraits
été introduits, des annotations marginales dont l'un des membres
ont
de la cour réformatrice eut la fantaisie d'eurichir une sorte de répertoire­
à son usage, des arrêts de cette tant redoutée juridiction. (Voir
journal
dans la Revue historique de l'Ouest. t. l, p. 433, Un armorial breton aIL

casion s'est déjà présentée de le rappeler,.la réformation
itérative du domaine à Morlaix et Lanmeur. De quel béné­
fice s'était-il finalement agi (1)? Peu importait désormais.
Il y avait eu emploi sur l'heure, de tous deniers récupérés
au fur et il mesme que s'étaient succedés les holocaustes
de titres et de rangs et les inscriptions aux fouages, accrues
ou non d'amendes expiatoires.
Toutefois subsistait une épave. La valeur en était équi­
la réalisation difficile. La cession à forfait que la
voque et
ferme générale en pourrait accepte l' devait risquer d'autant
plus fatalement de dégénérer en un pacte léonin au détri­
ment de l'État. Mais qu'y faire? Était-il profit si minime
qu'on le suppose, que pût dédaigner l'Etat au paroxysme
de sa détresse financière ~
L'épave en question ne fut autre que la supputation d.u
profit espéré des procés nés ou à intenter, ainsi que des
amendes encourues ou à encourir au sujet de l'exercice
non autorisé de prééminences ou droits honorifiques dans
ou sur les édifices à l'usage du culte public.
la seconde ['éformation engagée dans cette
A peine
voie, survint une panique nouvelle qui, si elle ne surpassa
pas les précédentes, les égala tout au moins en intensité.
Très-grand avait été le nombre des possesseurs d'héri-
tages passibles de redressements de limites. Mais com -
XVIIe siècle par M.le Vicomte P . Du BREIL DE PONTBRIAND) . Lesconfi­
nces maintenant divulguées du magistrat révisionniste, semblent de
à justIfier de plus en plus les réserves exprimées dès l'origine à •
nature
l'endroit de certains arrêts, soit de maintenue, soit de radiations, surtout
es pal' défaut. La révision de celles-ci notamment, reste, Bn tant
prononcé
à la barre
qu'elle présenterait intérêt, permise, voire toujours pendante
de ['histoire et de la vérité. (Voir aussi Je manuscrit conservé à la bi­
(no 104,0), intitulé : Armorial de Bretagne, s1ti-
bliothèque de l'Arsenal
vant la Reformation de 1668). .
(2) Voir il ce sujet : Des Réformations de la Noblesse de Bretagne
dans te XVIIe siècle, par M. DU CHATELLIER, de tant docte mémoire. -
Rev1te de Bretagne et Vendée, t. X, janvier et février 1.875). .

bien plus grand le nombre ne devait-il pas devenir des
maisons, des familles ou des individualités en possession
de manifestations emblématiques plus ou moins vulnérables
fiscalement parlant ~
comparaIson
Aussi ne fut-il bruit que de la chasse, -
dont le succès n" e rédima pel'sonne, concertée à leur en­
droit et a leu!' péril entre le trésor royal et la fe!'me géné-
rale sa cliente. .
Le récit que le chapit!'e indiqué de la seconde rMor-
mation en contint et dont quelques mots sont à dire, va
d'avance a souhait par les citations qui vont suivre.
s'éclaircir
Leu!' étendue relative sera d'autant moins !'egrettée qu'el­
tout a la fois plus topiques et plus auto­
les en deviennent
risées. Elles seront empruntées a un livre .dont le titre n'y

laissa point pressentir leur tant opportune présence, et qui
eut pour auteur un moderne légiste breton, émule de Pierre
Rèvin lui-même en connaissance des matières féodales.
Dans ce livre, à tous égards remarquable (1), se lisent
les lignes ainsi conçues (2) : « Peu de coutumes men-
« tionnaient les droits honorifiques qui cependant étaient
« reçus partout ..... Ce fut seulement une simple règle
« de jurisprudence qui les attribua génél'alement au haut
(, justicier. De droit commun, ce seigneur jouissait des
« honneurs de l'église mais seulement à défaut de fon­
« dateur ..... Lorsque l'origine du droit ou de la possession
cc fut oubliée, pou!'suivit le savant auteur (3), il devmt à
« 'peu près impossible d'en justifier ou d'en déterminer le
« caractère. C'est pourquoi, dit Loyseau, ordinairement ès
« procès intentés pour les honneurs de l'église, le deman-
(1. ) De la propriété des eaux courantes par CHAMPJONNlÈRE, Paris,
Hingray, 1.86,6, in 8
(2) V. Ibid. p. 56.6, na 329.
(3) V. Ibid., p. M9, na 330.

« deur perd sa cause, parce que ne pouvant fonder son
« droit, Il faut que le défendeur soit déclaré absouds, et de
« là vient qu'on aime mieux se battre que plaider ... Je crois
« qu'il y a maintenant plus de deux mille querelles entre
« les gentilshommes de F rance ... etil n'y a possible année
« qu'il n'en soit tué plus de cent sur ce sujet. ))
M. Championniere ajouta qu e l'ordonnance désirée par
Loyseau, pOU l' mettre un terme à ces fureurs homi­
cides, in tervint, quant à la Bretagne, en 1529, et qu'elle fut
ainsi conçue : « '" Avons ordonné qu'aucun, de quelque
« qualité ou condition qu'il soit, ne poul'ra prétendre droit,
« posession, a utorité, prérogati ve ou prééminence .... Si­
« non qu'ils soient patrons ou fondateurs d'icelles et qu'ils
« en puissent promptement informer par lettres et titres de
« fondations (1) . ))
L'exercice des prérogatives spécifiées dans cette ordon­
nance n'en continua pas moins de ne s'étayer, dans beau­
coup de cas, que d'une possession héréditairement séculaire
qui s'attesta par une affirmation générale et de venue de style
ns les aveux . Ils contenaient, de la part du décla­
rant, certification : « d'avoir et maintenir ses armes,
« armeries, tombes, enffeux, bancs et escabeaux es égli-
(, ses )) (2). ,
Avec le temps la production d'actes de concessions éma­
nant de la souveraineté ducale ou royale, se hél'issa
forcément de difficultés. Elles redoublèrent a l'époque
et dans les circonstances où survint la réformation do­
maniale qui fut poursuivie avec toute l'àpreté que l'on a
pu voir. L'épanouissement des signes de toute espece figu-
(i ) Consulter aussi SUl' la matière le « Traicté des droits honorifiques
« des s~igneurs ès églises» par Mathias MARÉCHAL. Paris, 162i, in 12°,
alors à sa quatrième édiLion.
(2) Mention transcrite d'après un aveu en date du 18 juin 1541 relatif
à la terre du Plessix-Nizon.

ratifs de prééminences ou droits horiorifiques exercés tant
a l'intérieul' qu'a l'extérieur des édifices a l'usage du culte
public et de leurs annexes ou dépendances, sacristies,
avait continué de revètir un carac­
'cimetières, ossuaires,
tère de plus en plus vertigineux. Entre les èdifices religieux
des neuf diocèses de la province l'émulation avait persisté
en fait de profusion d'emblèmes commémoratifs tels que
devises, écussons, litres ou lisièl'es, blasons, verrières,
armoiries, tombes, sèpultures monumentales. En cette
spécialité de décoration interne ou extérieure, l'oratoire
de la trève la plus humble rivalisa parfois avec les collé­
giales ou les églises métropolitaines . le plus en renom.
maitresses en ceci, qui datèrent
Quelques-unes des oeuvres
de la Renaissance, survivent pour faire d'aulant plus re­
gretter l'abolition de toutes les autres par la volonté cons­
ciente ou inconsciente de l'homme bien plus souvent encore,
hélas! que par la succession des siècles.
Une réformation domaniale survenant, l'ensemble aussi
indescriptible qu'il fut comp lexe dont il vient Ϗtre fait
mention, n'y fut naturellement envisagè qu'au point de
vue des exigences financières. Elles s'y frayèrent un accès
au' nom de la prérogative royale. Il importa peu que l'ins­
titution eût été destinée a perpétuer par l'art religieux, les
traditions de famille . Elle relevait essentiellement de l'au­
toritè souveraine et de cette autorité seule avait pu émane!'
la consécration légale de l'usage, sous quelque forme qu'il
fût SUl'venu, des droits prétendus.
Les contraventions aux règlements et ordonnances sur
la matière ne se comptaient plus d.epuis longtemps. Elles
restaient passibles de réparations pécuniaires dont la pour­
suite et le reCOUVl'ement constituaient une valeur cessible a
forfait. Ce mode de réalisation f,arut, comme on l'a vu,
s'impose!' li raison de la détresse financiére de l'Etat. Enfin,
l'hésitation sembla d'autant moins permise que l'extension

de la Réformation doman iale aux prééminences et droits
honorifiques n'était, en somme, qu'un cümplément de la
révision des rôles nobiliaÎl'es naguére accomplie dans le
but de susciter une digue a la marée montante des dis­
penses de contribution aux fouages et aux taxes d'intérêt
général ou provincial.
Très logiquement donc succèda aux précédents chapitres
de l'œuvl'e réformatrice en ce qui concerna les anciennes ju­
ridictions devenues royales de Morlaix et Lanmeur, un cha­
pitre spécial aux prééminences' et dl'oits honorifiques dont
l'exercice restait a y constater.
Aussi, a la date du 2 septembre 1679, un édit spécial du
commissaire a la réfol'mation intel'vint-il et fut-il publié
en la même forme que l'édit général , sur les réquisi toires
combinés du représentant de la ferme générale et du procu­
reur substitué d'officeau ti tulaire. Il y fut déclaré que « Faute
« aux prétendants des prœminences, tumbes, bancs, esca­
« beaux et chapelles prohibitives avec voûtes, escussons et
« autres droictshonol'ifiques dans les esglises collégiales, pa­
« rocchiales trévialles et autres chapell es ... en premier et
« arrière ressor t.. .. d'avoir fait apparoir titres valables, il
« serait descendu aux dittes esglises pour faire estat et
« procès-verbal de touttes les prœminencés des dittes
« esglises par mesurage et blasons des escussons qui s'y
« treuveront et ce aux frais de ceux qui pl'étenderont les
« dits droicts, à défaut d'avoir induit leurs actes pOUl' la
« propriété. »
Un itinéraire fut tl'acé quant aux visites l'ésolues .
« Avons ordonné, fut-il ajouté en terminant, que les vicaü'es,
« procureul's nobles, marguilliers et trésosiel's des dittes
« paroisses se présenteront devant nous lors de no tee des­
« cen(e pou r déclarer les noms des prétendants des di ts
« droicts, a peine de t1'ente livres d'amende, et sel'a la pré­
« sente ordonnance leüfl et publiée aux prônes des grand es

(( messes des dittes paroisses. Enjoignons aux vicaires
(( d'en rapporter leurs certificats et a tous autres d'y porter
( état. ))
Dès le 4 septembre 1679 s'ouvrit donc et se prolon­
gea de la fin de l'été a une notable partie de l'automne,
une véritable odyssée presque homérique en son originalité
comme en son étendu e. Sa lecture embrasse, en effet, le
contenu entier,a part quelques blancs, recto 'et verso de
rmat gigantesque dont il a été déja
cent dix feullets du fo
parlé. Elle se heurte en outre incessamment a des répétitions
de protocoles qui furent d'autant moins économisées que
les contrevenants firent les frais des rôles du registre. Enfin,
la monotonie est par surcroît il. subir de nomenclatures
dépourvues de toute reproduction coloriée des émaux
décri ts . .
pages de l'interminable collection de procès-verbaux
Les
de prééminences et droits honorifiques, devenue le couron­
nement de l'œuvre réformatrice, n'en demeuren t pas moins
aussi instructives que curieuses. Une singulière transpa­
rence y règne en dépit des formules et de la phraséologie
officielles. Partout se pressent ou s'entrevoit l'émotion ter-
rifiée que suscitèl'ent par leur apparition il. pied ou il. cheval,
aux portes des églises ou chapelles tréviales, voire con­
ventuelles, le commissaire et son escorte en constatation de
prééminences. La maréchaussée d'alors eût été impuis­
sante a suppl éBl' l'escouade fiscale .
Il n'y a point a.suivre celle-ci en ses expéditions urbaines
ou rurales; mais il est certains incidents il. citer pour en
donnel' quelque idée. _
Les réquisitions du Commissaire royal et surtout ses
explorations ne connurent guél'e de limites. Elles s'éten­
diren t aux oratoil'es il. l'usage des communautés reli­
gieuses comme a la généralité des édifices à destination du
culte public. Les reliquaires eux-mêmes n'y échappèrent

point, qu'ils fussent en vue pour la décoration des autels ou
renfef'més dans les trésors anxieusement protégés des
sacristies. Quant à la chasse, car de quelle autre expres­
sion se servir désormais? . quant à la chasse aux écus­
sons et armoiries, il résulte des procès-verbaux, qu'elle se
poursuivit " -par imitation de tous les modes précédemment
Tantôt elle atteignit comme le vol du fau­
ou encore usités.
con aux cimes les plus sourcilleuses des tours, nulle ascen­
sion ne répugnant au comm issaire assisté de son bla­
sonneur. Tantôt, au contraire, elle se !fit presque souter­
raine, a la découverte de signes ou d'intersignes latents
sous l'amoncell ement des ruines ou sous le feuillage du
lierre. La croix hors du cimetiél'e, le pal de justice armo­
rié ne furent point omis dans les relations héraldiques. La
profusion et la diversité des emblêmes ou monuments qui
s'y étalérent tinrent du prodige. Elles eussent pu paraître
exclure tous inventaires circonstanciés et descriptifs. Il
n'en fut ainsi que du genre de monuments funéraires inva­
riablement désignés par la mention suivante qui fut répétée
procés-v.erbal: ( Et à l'esgard des
de procés-verbal en
« t umbes plates n:en faisons un estat particulier ny le me­
( surage, attendu le grand nombre et que l 'Esglise en est
(( pavée, sauff néanmoins aux propriétaires d'icelles à four­
(( nir la justification de la propriété. » (1 ) Tout fruste qu'un
pareil dallage eût pu devenir au contact de la circulation
quotidienne des fidéles, il dut subir à son tour la main-mise
fiscale.
Ainsi qu'on l'a rappelé il y a peu d'instants, les seules
com parutions obligatoires sous peine d'amende fUl'ent celles
des vicaires, pt:ocureurs nobles et marguilliel's, considél'és
comme tenus professionnellement de concomil' a titl'e d'in­
:J.icateurs officiels aux constatations des pl'éémi nences
(i) Voir folio 90, va.

exercées. Toutefois, quoique restreintes en apparence au ·
personnel infél'ieur de l'administration paroissiale, les
injonctions du Commissaire équivalurent de fait à des con­
vocations tout au moins implicites, à l'adresse des membres
du clergé supérieur. Ils ne s'y méprirent point et s'empres­
. sèrent en général de venir répondre à l'interpellation, en
quelque sorte sacramentelle, par laquelle débutèrent tou­
tes les enquêtes et qui eut pour objet la constatation des
mémoires à l'intention desquels la prière ou les priéres
dites « nomniales )) furent à réciter selon les rites détermi­
nés par l'église et sa liturgie.
A l'occasion de l'accomplissement de cette formalité,
divers incidents se produisirent. Ce fut ainsi qu'il fut unani­
mement déclaré par les membres du chapitre de la collégiale
\ de Notre-Dame du Mur: « que partie des prétendantz droictz
« ne font aucuns biens à l'Esglise en reconnaÏ3sance des
« prétentions qu'ils y ont (1). ))
A Lanm eur, le Commissaire interrompit aussi les explo-
rations en cours, pour insérer les réclamations suivantes :
(c Et en l'endroit, nous a été requis de la part du sieur
« vicaire perpétuel, de Messires Jan Salaun curé et Ollivier
« Geffroy faisans pour eulx et pour les aultresprestres, que
« nous eussions à lem donner pour appuré l'indigence des
(c dites vittres et aultres es.tantes en la dicte esglise- et de
« recev oir leu r plainte en ce qui leur est tout à fait incom-
« mode et presque impossible de c'élébrer la saincte messe
« aux autels au-dessus et à côté desquels sont les dittes
(c vittres, attendu l'indigence d'icelles et que les particuliers
« y prétendantz droitz d'y mettre lems écussons et armes
« ne font aucunes réparations des dittes vittl'es. Pour cest
« effet ilz nous demandent, ajouta le commissaire, qu'il lem
« soit permis d'en disposer au profit de ceux qui voudront
(:1.) Voir folio :1.:1.8 .

« les réparer et mectl'e en estat. .... et que soient destitués
« les y prétendantz dl'oits faulte apprés la publication faite
« à l'endroit du prosne .... ». SUl' quoi intervint sans désem­
parer une ordonnance pl'Ononçant la déchéance et la mise
aux enchères' sollicitées, a défaut par les détenteurs de
prééminences d'avoit' exécuté dans le délai d'un mois, à ·
dater de la publication, le rétablissement exigé (1) .
Une double égide contre les assauts livrés à la pos­
session de leurs blasons et autres signes de prérogatives
« ès églises », ne fit point défaut aux prééminenciers de haut
rang. Ils disposérent, en effet, d'archives héréditairement
abondantes en fait de parchemins et d'ancienneté, ainsi que
de l'assistance non moins précieuse des légistes spéciaux
et aguerris dont ils firent leurs officiers ou leurs conseillers.
Le commissaire royal se vit même, a l'occasion) érigé par
ceux-ci en juge ou arbitre des querelles et débats nés
des compétitions de préséances ou d'antériorité, médiation
qui ne fut point exempte du péril de provoquer quelque
arrêt abolitif tout à la fois des droits respeètivement pré­
tendus et du litige (2).
Mais les productions de titres d'un pareil ordre ne purent
être que des 8xceptions.
productions survinren t qui furent suivies, les
D'smtl'es
unes de décisions favorables, les autres de contredits avec
expectative de jugements définitifs.
à l'endroit des non com­
Toutefois, les prévisions fiscales
pal'Utions à la bal'l'e ambulante du réformateur, ne laissé-
rent point de se réaliser dans une large mesure, fait cons-
taté par de nombreux procès-verbaux et tout spécialement
par le tant caractéristique incident de Lanmeul', cité plus
(i) Voir folio 1.86.
(2) Voir entr'autres mentions de litiges de cette nature, celles qui -con­
cernèrent le marquis de Locmaria et la maison de Goesbl'iant. Fol. 128,

haut. En réalité donc et, d'une part, la panique survenue,
d'autre part les obstacles aux justifications exigées y ayant
aidé, nombre d'emblèmes restèrent sans défenseur. A
it de leur possession, le silence' du temple dèsertè ne
l'endro
fut troublé que pal' la voix de l'indicateur et que par les
mensurations du blasonneur officiellement à l'œuvre (1).
Quelques-uns tout au moins des incidents qui se succé­
au cours des verbalisations réunies en un chapitre
dèrent
final, comporteraient assurément citation, ne fût-ce que
par emprunts textuels a la relation du commissaire.
Mais l'aperçu qu'il s'agissait de présenter est à tenir
dés maintenant p'our plus que suffisamment complété.
Voici toutefois un passage du préambule des procès-verbaux
« en l'esglise conventuel de Saint Dominicque
de la visite
« en la paroisse de Sainct Melaine .... Rendu proche le
« grand autel de ladicte esglise no us avons attendu environ
« un quart d'heure les révérendz pères prieur et procureur
« du dict couvent pour .... nous donner ideur connaissance,
« leurs déclarations à qui peuvent appartenir les escussons .
« estan tz dans les vittl'es de la dicte esglise.... et voyant
« quoy que advertiz ils ne font estat de s'y trouver pour
« obéir,nous avons enj oint à l'huissier (Etesse) d'entrer dans
« leur dit co uvent et de leUl' répéter la sommation. » L'huis­
sier frappe aussi vainement aux portes du couvent qu'à
celles de la sacristie. Il est réexpédié avec ordre de parler
au premier religieux venu pour réitérer la sommation.
« Ce qu'ayant fait une fois, deux fois, trois fois, à. la fin a
(, comparu le père Dominicque Prigent, procureur de
« l'ordre. » (2)
(i ) Si laborieuse devint la tâche de celui-ci que l'expert noble, en
titre, Jean Chrestien dut être suppléé de temps à autre par Thomas
Gouaffec, sieur de Launay et par Yves Charles, sieur Des Touches. Voir
fol. :12q, et :1 3:1, vO.
(2) Voir f l09, vo.
ulent aussi être signalées: :1 0 la délégation du fossoyeur pal' un

Le trafic dont le chapitre terminal de la réformation do­
maniale de 1678-1679 devint l'instl'Ument (1 ), ne fit que
préluder il. un trafic tout autrement étendu, sinon plus pro­
ductif. Effectivement moins d'un quart de siècle plus. tard,
sous la pression des exigences financières et d'un état de
guerre devenu de plus en plus désastreux, les juridictions
-mêmes, soit par fractionnement, soit au con­
royales elles
traire par réunion de ressorts furent transformées en valeurs
à l'enchère (2).

vicaire pour se tenir aux ordres du commissaire royal (v. fa :100) ; 2 la
requête des chefs de la corporation des cordonniers de Morlaix,en main­
enue de la possession de l'humble banc d'osier qu'elle crut non moins
compromis que les sièges a écussons (fa 88 va).
(:1) Elle aida indubitablement aux prétentions du fermier qui consis­
tèrent a envisager, comme passibles de taxes, les letlres de réintégration
et de maintenu p. qu'on obtenait du roi pour les droits honorifiques et
prééminences dans les églises lorsqu'on prétendait qu'i! y avait été fait
qu~lque changement par exemple en ôtant les armoiries. Voir Coutumes
de Bretagne (édition de 17 Mi, t. I, p. 396-397).
(2) Voir: l a édit de mars :1695 portant que « par commissaires députés,
« il ser~it procédé a la vente et aliénation a titre d'inféodation el de
« propriété incommutable .des justices et seigneuries des paroisses des
« prévotez, vicomtez, cbaztellenies, vigueries et autres juridictIOns or.li­
« naires claus l'étendue du royaume» par démembrement de leur siège
principal ou cbef-Iieu ; 2° édit d'avril 1702 confirmatif et extensif du
précédent; 3° troisième édit, en date du 26 décembre i 703, qui « pep­
« met aux acquéreurs (contrairement aux arrêts des parlements) d'ins­
« tltuer pour l'exercice des dites justices tels juges capables qu'ils ju­
« geront a propos, gradués ou non gradués» Vo ir. HENRYS annoté par
BRETONNIER. Paris, f70S, Gasselin in ta, l. I, p. 154-155. Les trafics
ne s'arrêtèrent plus. Indépendammen l, en effet, des engag ·'ments con­
sentis à la maison de Penthièvre, et le 14 mai 1716, au comte de Tou­
louse, cités dans la note empruntée plus haut a l'Inventaire sommaire des
archives du Finistère (p. 04), survint l'acte qui vient de faire l'objet du
Memoire de M. Paul D1!Croquet. intitulé: Une aliénation de biens doma­
niaux au profit de la province de Bretagne en 1759. (V. ·A nnales de
Bretagne, juillet 1887).
Enfin, on ne saurait omellre le très intéressant aperçu publié sous ce
titre : NOTIONS HrSTORIQUES SUR LES IMPÔTS ET LES REVENUS DE L'ANCIEN
RÉGIME, dans le Joumal officiel du 16 décembre 1881 (p. 69,22 et suiv.)
V. spécialement le paragraphe Do~rAiNEs (p. 6923) .

En l'absence des indications bibliographiques par les­
quelles la notice va se terminer, les aperçus dont les ma­
nuscrits de 1455 etde1678- 1679 ont fait l'objet risqueraient
d'êtl'e incomplets.
Le premier parait être demeuré presque entièrement
inédit; un. extrait des lettres patentes pal' la transcrip­
tion desquelles il débuta et qui émanérent du duc Pier'l'e II,
extrait cité par la Gibonais (1) et la descl'iption de l'an­
cien parc ducal reproduite par le comte Aymar de Blois (2)
ayant seuls été publiés, du moins à la connaissance de
l'auteur de la notice. « Un vieil et a i mable bénédictin tou l
« chargé d'ans .et de science, » écrivit en parlant de M. de
M. Alexandre qui cita les notes savantes, ingéni eu­
Blois)
ses et critiques ... du même él'udit, jointes aux mémoires
laissés par le rnaÏI'e Daumesnil, a qui 1\1 . Alexandre égale­
ment, consacra une éloquente notice biogl'aphique (3):
A la différence de Dom Lùbineall et de Dom Morice.

le comte de Blois connut la valeur du document cité .
Ill'apprécia dans la trop modeste annotation préliminaire
qu'il consacra aux recherches de Daumesnil. « On y a
« 'joint, écrivit M . Aymar de Blois, quelques notes et quel­
« ques articles tirés d'une piéce dont il pamît que l'au­
« teur n'avait aucune connaissance. C'est la réforma­
« tion du domaine ducal fa ite a Morlaix pal' OI'dre
« du duc Pierre II en 1455 . . .. . Il n'est. malheur'eus8ment
« que trop ordinaire, ajouta au sujet de ce document, le sa ..
« vant antiquaire Morlaisieo, de juger de l'esprit et des
« usages des siècles passès par l'esprit et les usages du
« nôtre. )) (4)
(1) Voir note 1, à la p. 24,6 ci-dessus.
(2) Voir note 1, à la p. 238 .
(3) V. Histoire de Morlaix, p. 9.
(4,) Ibid., p. 13. Lecture prise du passage emprunté à la page 9 de
BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE . T. XIV (Mémoires). 20

Quant au volumineux manuscl'it de 1678-1679, iL part les
procès-verbaux descriptifs de prééminences, son corps prin­
cipal, c'est-iL-dire l'ensemble formé tant des pi'éliminaires que
des constatations relatives iL la fois au domai ne foncier
et au domaine consistant en des droits mobiliers de leur
nature, semble aussi iL réputer inédit. Que des actes tels que
le réqùisitoire du procureur général prés la Chambre des
Bretagne, l'arrêt conforme de cette chambre,
comptes de
le rapport au Roi par Colbert et l'arrêt du Conseil, qui sui­
VIt n'aient été imprimés nulle part, soit isolément, soit
avec d'autres actes, c'est ce qui n'est guère vraisemblable.
Néanmoins les recherches tentées pour éclaircir le fait
sont jusqu'ici demeurées sans résultat .
Mais il en a été tout autrement d'abord du chapitre des
prééminences, puis de la seconde description cadastrale de
Morlaix et de ses faubourgs.
chapitre indiqué et même la teneur de l'un des
En effet, le
aveux produits lors de la seconde Réformation furent insérés
en partie dans la publication des recherches et manuscrits
de l'ancien maire Daumesnil, qui fut due en 1879, iL M. le
Bibliothécaire Allier (2).
Tout récemment, d'aprés un manuscrit conservé iL Nantes
dans la bibliothèque du cercle Louis XVI, l'honorable
M. Pitre de l'Isle du Dreneuc, a fait de la collection de pro-
l' Histoire de Morlaix, M. le comte Aymar de Blois, a signalé une
échappée à M. A13xandre dans la dénomination d'ancien béné­
erreur
dictin donn ée (p. 238 et 24,3) au savant annotatew' des Mémoires de
D_allm l~sniL Il n'appartenait il aucun ordre religieux,
(1 ) Histoire de Morlaix, p, 342. « Dans la bibliothèque de la ville il
« existai~, écrivit au sujet des mê.mes ~'echerches, M. ALEXANDRE, un
« volummeux. manuscnt aux feuilles Jaunies et poudreuses. Il est là,
« perdu, oublJé sur les r~yons .. C'est à peine si de loin en loin quelque
« rare lecteur VIent ouvnr ce livre abandonné ... Il fut la seconde œuvre
« de Dawnesnil, nommé garde des archives en 1750. Au maire, suc­
« céda l'écriv~in. Il fit les annales de la ville qu'il avait gouvernée ... »
(lbtd, p. 9). L ouvrage fut pubIJé par souscriptIon.

cès-verbaux de visites des églises et chapelles pal' laq ueUe
se termine le manuscrit de 1678·1679, l'objet d'une série d'in­
serti o:1S sous le titre suivant: ri rmoiries et prééminences
desjamilles bretonnes dans les églises du ressort de Mor­
laix et Lanmeur, dans un intéressant recueil, la .Revue his­
torique de l'Ouest (1).
Enfin d'importants extraits textuels des procès-verbaux
de la même Réformation ['elatifs à la description cadas­
trale de Morlaix, ont trouvé place dans le travail déjà men-
tionné a diverses rep rises, de M. l'Archiviste Luzel (2).
Quoiqu'il ne se soit agi que de fragments plus ou moins
étendus de l'œuvre du Commissaire départi, les publications
qui viennent d'être citées n'en demeurent pas moins un
éminen t service rendu à la cause des études historiques.
Tout autrement éminent encore serait le service qui consis­
terait en une repl'Oduction intégral e de la teneu[' des deux
manuscrits. Il a été facile de constater que de l'une et de
l'autre des réformations domaniales accomplies a Morlaix,
est résulté un ensemb le, réellement indivisibl e, de sources
authentiques qui intéressent au plus haut ~egré l'histoire
de la domanialité fiscale. A une divulgation complète et dès
longtemps désÏL'ée, de ces sources applaudiront tous les
esprits éclairés .
EN RÉSUMÉ, il s'est agi de motiver le vœu qui vient d'ètre
réitéré. Des longueurs a supprimel', des erreurs a réparer
existent indubita blement dans la notice. Sa couclusion
n'en demeurera pas moins pleinement justifièe (3).
HENRI HARDOUIN.
(i) po année. Mars 1886. Documents, p. 021. et suiv.; 2° année, p. t9
et suiv. 49 et sillv., :1.20 et sillv., 193 et suiv. Nantes. Grimaud.
(2 P. 04 et suiv.
(3 La recherche et la publication par les sociétés savantes dans le
ressort desquelles existèrent les anciens domaines autres que Morlaix
et Lanmeur, des manuscrits de la Réformation dont ces domaines firent
aussi l'~bjet, doivent également donner lieu ici à la manifestation d'un
vœu qUl du reste se trouvait déjà tout au moins implicitement exprimé.

APPENDICE

Cy ENSUYVENT les Rentes des Receptes et chatellennies de !ll01/.1'laix
et de Lanmeur, (aictz et reffo1'1nés pur le commandement et ordonnance
du Duc nostre souverain seigneur et Messires de son Conseil, par vertu
des lettres et commission de mon(lict seigneur, dont la teneur sv.ilt :
PIERRE, PAR LA GRACE DE DJEu, duc de Bretaigne, comte de Richemont
et n.e Montfort, à nos bien .ammés et féaulx conseilliers les gens de nos
comptes, salut. Il est venu à notre noticze et cognoissance et sommes à
plein informez par plusieurs gens de nostre Conseil et aultrement que le
faict de nostre demaine est grandement diminué longtemps a, et chascun
jour diminue, et que les recepveurs et auItres officiers de nosdictes
receptes ordinaires n'en font pas à leurs comples qu'ilz randent davant
vous si bon ne si grant rapport que leurs prédécesseurs avoint accous­
tumé de faire, ains dict que plusieurs des deniers et l'en les de nos dicles
receptes son t moultes vacquantes et de nulle valeur, et combien que par
vous leur ayt esté plusieurs fo ys enjoinct les proufilter et meclre en valeur,
ilz ont esté et sont encores négligens et en deITault de ce faire, aussi par
leur nonchaloyr, faveurs, supportz ou aultrement ont obmis et délaissé
et rapporter à leurs comptes plusieurs rachalz et soubz- ,
à s'enquérir
rachatz, vantes, Iodes et retors de héritaiges, brys, penzoys, gaUoys,
espaue, deshéranczes, subcesions de bastardz et atùtres deniers advenus
plusieurs foys en leurs mains quy grandement nous eussent peu (pu )
par
valoyr, mesmes que plusieurs de nos subgectz nobles et atùb-es on t
acuilly possession sur partie de nos terres, demaines et seigneuryes et les
usurpements en nous défraudant et que plusieurs terres, tenues d'héri­
taige et aultres nous appartenant qui à présent sont de petit rapport et
nous pomroint moult valloir par chacun an, si elles estoint
valeur
baillées par hérilage à cens ou rente, et aussy que plusieurs de nos fours,
moulins, cohues sont cheuz en ruyne et de nul proufùt, par defaull de
rapparation, et d'aultres qui seroint bons dédeffier pour l'accroissemen t
de nostre demaine et pourroint beaucoup valoyr, s'ilz étoint mys en
repparation et baillés à gens qui les proufiteroint. A toutes lesquelles
choses et aultres qui touchent le byen et accroissement de nostre demaine
très nécessaire chose pourveoyr pal' toutes les manières convenables,
est
le plus brelf gue faire se pourra. Pour quoy nous, acertainez de vos

loyaultés qui donnerez sufficzance et diligence, vous avons aujourd'huy
commis et instituez, commectons cl instituons par cestes présentes ou
deux de vous, apellés en vostre comp3ignye ceulz de ' nos officiers des
lieu lx où vous vacquerez ès chuses cy devant et amprès decclairés que
bon vous semblera pour enquérir et faire information sommairement etde
plain de tout es les rentes et debvoirs nous debuz et apartenant en chacune
de noz receptes, en faire rentiers et minuz où seront décclairez les nomps
es personnes quelz tiennent et doybvent, et sur lequel
et sournomps d
ypotecqut', et il quieulz termes et tems, en faire faire ou bailler adveu,
affin de continuation au tems advenir, de contraindre les procureurs de
noz courtz et barres à vous bailler les termes par escript de cieulz quilz
tiennent noblement et prochement de nous leurs héritaiges à foy de
l'achat. Et en cas que Ipsclitz procureurs ' Dayent faict bailler lesdites
nues, les contraindre par toutes les voyes deues et raisoDmbles ad ce
faire; et ce faiet, rnectl'e et radigel' par escri pt en beau/x livres et pal'­
chemy/! icelles tenues noz. réceptes affin de mémoire perpétuel; de vou.s
acerlainer et enquérir quel proufilt ou domaige pourrons avoir pour en
franchir plusieurs hommes serfz que aulchuns ès éveschés de Léon et de
Cornouaille pour le nous rapporter par escript, affin d'en ordonner par
D ostre conseill, comme verrons avoir affaire. Aussy vous enquerrez si
ès temps que nosditz officiers ont rapporté par leurs comptes choses
fr ostes et vacquantes, comme dic! est, si celles choses ont esté de nul
proufilt et à qui il seroit trouvé, affin de -le recommancier pOUl' nous
ecques et l'amende pour cenlx que il appartient. Item voulons que
to_ utes les choses que trouverès estre frostes, vacquantz et de nulle valeur
en nosdites receptes vo.us les profittez et baillez à rente et à féaige, au
plus profitahlement que estre pourra pour vous; el si en trouvez aulchune
esté rnal faides et baillés par aulchuns de noz recepveurs ou aultres
avoir
officiers au temps passé, voulons que les cassez et anmùlez, et que de
nouvel les baillez à prys raisonables ; et aussy nos héritaiges qui sont à
demaine que les baillez à héritaige pal' cens et féaige à gens solvables
qui seront tenuz de Miffier, en cas que trouverez que ce soyt le bien et
accroissement de noz revenuz et receptes, et non aultrement, et les
baillées que ainsi vous ferez voulons valoir et tenir à jamais, comme si
nous mes mes les avions faictz . . Item pOUl' ce que en plusieurs de
nosdictes receptes a plusieurs qui ce tiemient comme à volunté par les
fermiers d'icelles, d'an en an, ainsi q uilz les tiennent par les dehvoirs

d'icelles ne sont point esclardez par les comptes de nosdictz recepveurs en
ta manière comme ilz se doibvent lever et exiger, pour quoy plusieurs
,abuz peuvent estre faictz en charge de nostre concienze et foule du peuple
et diminution de notre financzeo Nous voulons que de ce que vous
enquérez au vroy (vrai) et en baillez institufion et enseignement à nos­
ditz recepveurs pour règler et gouverner la chose au temps à venir,
que trouverés ce debvoir estre, et que ès l'eceptes que ferez vous
ainsi
raictes aseoIT et registrer iceulx debvoirs. Item voulons que vous
enquérez des rachatz, sùubz rachatz, rentes d'héritaige, brys, penzoys de
mer, espaucz, gallo ys, deshérences, successions de bastardz et aultres
telles choses semblables qui ès temps passez ont esté recellés sans estre
rapportez à compte, et que en esligez les deniers des parties que les
debvront par appointement, composition ou aultrement, ainsin que verrès
estre le plus proufitable pour nous; et lesdictz deniers faictes bailler à
noz rec.pveurs ordinaires des' lieulx où telles choses se trouveront en
respondre; Item voulons que contraingnés lous recepveurs, fer-
miers et -auUres officiers qui par la Cm et déduction de leurs comptes
sont desmorez en reste envers nous et trésoriers et recepvcurs généraul x.,
et aultres qui ont 'esté officiers de nos prédécesseurs, à les poyer réalle­
ment, et à défautt, les contraingnes tant par prinse et esplatation de leurs
biens meubles et héritaiges que détention de leurs personnes, sans avoir
esgard a longuent' de plaideryes ni auUrement. Et aussy contraingnez
tous notaires, tabellyons, passeurs de noz courtz et aultres subgectz à
vous apparoir leurs papiers et registres des contratz dont ilz ont prins
les grès entre parties, affin que puissions avoir plus clere cognoissancze
des debvoirs qui nous debvoint et peuvent appartenir par cause desditz
contractz; Item, voulons que vous enquérez du faict et gouvernement
de noz officiers, tant de justicze, des receptes ordinaires que de fouaige,
et de ce que vous I.rouveres nous faictes relation pour en ordrener aiusin
que verrès ce debvoir estre; voulons aussi que contraingnez et puissiés
contrainr,re par toutes voyes deues et raisonables tous ceulx qui seront
. à contraindre, sans avoir esgat'd à assignations de plectz ne au Ures
choses qni powToint empescher ce estre notre présente commission à
laquelle voulons que entendez par breffs I.ours et termes 0 toute diligence;
et en ce vous instituons 0 tout povoir tant en faict de justifficature, pro-
tion que aultrement, sans ce que aulclmns de noz officiers queulx.­
cura
conques vous puissent empescher en nulle ne auchune manière, et dès

il. présent leur interdisons et deffandons toute cognoissance et déscision
pour ce que de noz fyes proches voulons avoir toute cognoissancze et que
vous nous faictes vray et loyal rapport, sans rien épargner pour quelque
officze, degré ou requeste qUcl nulz ne aulcuns de nos officiers ayent et
puissent avoir; et pour ce faire et exercer ladicte commission voulons
et ordonnons que ayes par chacun jour que vacquerès pour despancze
de vous et de voz geus et à chevaulx, par chacun jour à vous estre
poyés par noz recepveurs, à chacune recepte où vous besoignerès. Et
avecques ce voulons que nosditz recepveurs poyent par votre ordonnancze
les clercs, sergens, parchemyn, papiers et aultres choses nécessaires à
ladite commission tant â escripre et greffier les dites rentes et tenues par
escript que aultrement que par vous sera advisé pour le bien de la
matyère, et que les sommes que lesditz recepveurs auront ainsin poyés
leurs soient alloués en leurs comptes, en la chambre denosditz comptes,
rapportant relation de bons el quittances des parties, de ce faire avecques
toutes et chacune les aultres choses ad ce pertinantes et nécessaires, nous
avons donné et donnons plain povoir et auctorité et mandement
nous
spécial, mandons et commandons il. tous noz féaulx subgectz en ce vous
estre obéissantz et diligentz, entendons et mandons aussi à lous et chacun
noz sergentz sur ce requis faire les ajornements et aultres esplectz appar­
tenanlz il. leurs offices dont par vous requis. Et pour ce que plusieurs
pourront avoir â besoigner de cestes présentes, nous voulions et com­
mandons que à copye d'icelles valablement faict, foy soit adjouté comme
il. l'original.
Donné il. l'Estrainil de Vennes, le vingt-uniesme jour de may l'an mil
quatre cens cinquante cinq. Ainsi signé : PlERRE. Et ce de sa main par
le Duc de son commandement.
Lesdictz rentiers faictz par Moricze de Kerloaguen, conseiller et l'lm
des présidentz des comptes de mondict seigneur, et procureur desdites
chatellenyes, maistre Guillaume Kergouet parallement conseiller et l'un
des seigneurs du Parlement, et I-lenriet Le Saux, seccretaire et auditeur
desditz comptes, commissaire ordinaire des éveschés de Tréguyer,
Cornouaille et Léon, il celle fin et aultres contenuz en la commission que
dessus, 0 l'advis et en présence de Tanguy de Kersulguen, bailly de
Mourlaix et de Lanmeur, Pierres Lemarol recepveur desditz lieulx,
Jehan Nycholas du Penhouet, autrefoys recepveur desdites rentes, Jehan
et Guillaume de Kerloaguen ad ce appellés, lesquieulx rentiers furent

commanczés par lesditz commissaires, le second jour de juing l'an mil
qua tre cens cinquante cinq, esquieulx rentiers sont descJairés par le
es rentes, chefrentes, censies et auUres debvoirs debui il mondict
mynu l
seigneur, lesdites rentes tant en deniers que par blez et aultres especzes
avecques la nomination de cieulx qui doibvent lesditz debvoirs et il
quieulx termes ilz les doivent poyer, et les gaiges et ypotecques ad ce
obligés et la cognoissance et adveu des parties. Et aussi les debvoirs
buz à mondict seigneur à cause des veyrraiges, cohuaiges, moulins,
fours et aultres fermes muables desdites receptes, chacun en son endroict.
- Et pareillement la déciaration par le minu des terres, demaines de
mondict seigneur estantz en chacune desdictes receptes, lesquelles terres
esté du commandement et ordonnancze desditz commissaires con­ont
frontés et prisaigés par Olivier de la Forest, Guillaume Guichoux et
Jehan Nicholas, prisaigeurs, gens scavants et expers ad ce et jurés
par lesdictz commissaires, et sont lesditz rentiers séparés l'un de l'aultre
très particulièrement.

Extmit des Begistres de la Chambre des comptes de Bl'etagne et du
• 1 registl'e de la Refformation du domaine de Morlaix et de,Lanmeur.
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU Roy ENTRÉ AU BUREAU; a remontré que le
plus beau et le plus digne fleuron de la Juriôn de la Châbre estant la
direction des domaines de la province qui Iuy a esté attribué indépen­
dam t en doit estre, par conséquent, le plus juste et le plus glorieux
engagement; sy bien que préférablement il tout autre employ elle se doit
- applicquer à s'acquitter de celui qui en maintenant ou conservant les
plus importantz droitz de sa maiesté dans l'étendüe de son ressort
peut marquer plus advantageusement le pouvoir et le zèle qu'elle a de
l'y pouvoir faire servit· et reconnoistre, et comme il est constant que les
moyens les plus avantageux aussy bien que les plus efficaces qui luyont
été prescritz et designez par les règlements faits au conseil pour le
ont
soutien de l'authorité qui luy a esté attribué: soit pour empescher qu'on
uzurpe, altère ou supprime les droitz et les mouvances qui appartiennent

il Sa Maiesté en ladite province, ou pour faire en mesme temps recon-
noistre le crédit ainsy que l'interest quelle a de les esliger et de les jus­
tiftier, de teœps en temps sont ordonnés pour ne dire pas expliquez dans
èglement de l'an mil cinq centz vingt et cinq, l'cndu
l'article second du r
entre le parlement et la chambre, par lequel i! luy est enjoint de procéder
incessamment il la refformation des domaines et d'envoyer de temps en
temps de Messieurs les Presidentz et Maistres en chaque jurisdiction pour
pouroient avoir reçeu plainte on prendre con­
pourvoir aux abus dont ilz
noissance, et comme par linexecution des jugementz rendus par les
commissaires par elle députtés sur les lieux pour procéder ausdittes
refi'ormations causés par les obstacles et oppositions qu'on y apporte et
par la dureté et misère des saisons qui s'est ensuivie, l'on n'a peu
accomplir entièrement les refformations encommencées desditz domaines'
quoy gue l'on n'ayt pas entièrement abandonné le soin de les ordonner
non plus que celui de se mettre en estat de l'entreprendre, aujourd'huy
que les choses ont changé de face dans la province, que tout semble
estre refformé et-que les changementz fascheux et extraordi­
debvoir y
naires soit dans la disposition de J'égir les domaines et d'en compter s'y
sont glissés dont l'on ne peut descouvrir non plus que prévenir les l).bus
qu'en les éclaircissant et approfondissant la nature, l'origine et la qualité
des rentes qui en dépendent et qui y sont annexées que soubz cette géné­
ralité de recepte et de despence-qui s'en fait se peuvent confondre au Heu
de se justiftier, et par les suites pouroient enfin ou s'uzurper ou s'anéantir
pour la connivence ou par l'ignorance mesme des personnes qui n'y
ayant qu'un interêt passager et dans le recouvrement présent qu'ilz en
font n'envisagent que leur profit particulier et se mettent peu en soin
d'en assurer la continuation il sa maiesté, et par conséquent toulles les
inductions quelle en pouroit tirer pour le maintien et esclaircissement de
tous les autres droitz qui en peuvent dépendre et dont elles sont les seules
et les plus incontestables preuves qu'on en puisse conserver, sy bien
qu'estant important d'y rémédier et n'y ayant que les déclarations par­
ticulières qu'on contraindra les debtenteurs et redevables desdiltes renIes
de fournir, qui le puissent faire avec effect et ad vantage; il a requis y
estre pourveu suivant sa remonstrance qui! a donné par escrit signée
Yves Morice. Et tout considéré, la chambre faisant droit Rur -la remons-
trance du procureur-général du Roy a ordonné et ordonne qu'il sera
incessamment procédé par les présidentz et maistres à la refformation et

confection des rolles l'entiers et papiers terriers des domaines de la pro­
vince et du duché de Bretagne, recherches des entreprises et uzurpations
et recellement des deniers desditz domaines et réunira les choses uzur-
pées le toul conformément aux arretz et reglementz du conseil rendus au

faict desdiltes réformations aux années mil cinq centz quatre vingtz deux
et mil six centz vingt el cinq; et pour y procéder a commis et commet
pour les domaines de Morlaix et de Lanmeur Maistre François Boüyn,
enjoint ladite chambre à tous justiciers officiers et sujetz de sad\te
Majesté d'obéir audit commis~aire en exécution de sadite commission' et
aux huissiers et sergentz royaux de mettre ses ordonnances et jugementz
en exécution nonobstant oppositions ou appellations quelconques, enjoint
pareillement ladite chambre au garde des livres, papiers, titres actes
et enseignementz délivrer les acles nécessaires pour l'exécution de sa
commission soubz son récépissé, pour les réformations fai tes et rédigées
par escrit par lesditz comn1lSsaires, représentées en ladite chambre, et
icelles veües, estre receüs et coppies collationnées estre envoyées au
Greffe desdittes jurisdictions et aux receveurs desdilz domaines ainsy
qu'il appartiendra. .
Faict en la chambre des comptes à Nantes semestres assemblés, le
dixième janvier mil six centz septante six. Signé PA PEL ART .
.. ... La chambre a ordonné et ordonnne qu'il sera incessamment pro-
cédé à la refformation des domaines de Morlaix et Lanmeur par Maistre
François Boüyn conseiller et maistre ordinaire en ladile chambre à ceste
fin commis, lequel, appelé avec luy le juge ordinaire et le procureur de
Sa Maiesté sur les lieux fera assigner par devant luy les particuliers rede­
vables des cens, rentes, et debuoirs des ditz domaines pour en passer
reconnaissance et déclaration, fera et renouvellera les rolles rentiers et
papiers terriers qui contiendront les fieffz et hérittages subjettes ausdittes
l'entes par tenantz et aboutissantz, ensemble les termes et mesures
ausqueltz elles sont deubz, condemnera lesditz particuliers au payement
des arréragcs des ditz cens et rentes et des autres droitz et debvoirs
certains et cazuels; informera des uzurpations faites sur lesditz domaines
pour les réunir à icelluy et les rebaillei:a à nouveaux cens et rentes, pour
lesdilz rolles aiusy faitz et formés estre raporlez à ladite chambre et
coppie d'iceux estre délaissée au greffe de ladite juridiction, et mise ès
mains du receveur desditz domaines pour en faire le recouvrement et
recepte en son compte, et ce qui sera jugé et ordonné par ledit commissaire

sera exécuté par provision nonobstant oppositions ou appellations quel­
conques avecq deffences à tous juges d'en empescher l'exécution. Faict
en la Chambre des comptes à Nantes, semestres assemblés le dixiesme
siz centz septante six, signé P APELART.
janvier mil
EXTRAIT DES REGISTRES DU CONSEIL D'ESTAT : Sur ce qui a esté
représenté au Roy estans en son conseil que Sa Majesté voulant estre
informée de l'estat de ses domaines et droitz domaniaux de la province
de Bretagne, auroit cy devant nommé des commissaires pour la confection
du papier terrier de ladite province, recherche des uzurpations faites
sur iceux et pour pourvoir à la réunion des choses uzurpées et aux
restitutions deubz par ceux qui en avoient eu la jouissance, circons­
tances et dépendances, à guoy il auroit esté commencé par lesditz sieurs
an'etz sur ce subject; que
commissaires qui auroient rendus plusieucs
sur la réquisition des gens des trois estatz de ladite province par le con­
faict avec lesditz élatz le douziesme janvier mil six centz septante
tract
quatre, il a esté convenu par les sieurs commissaires de Sa Majesté
ausditz estatz que ledit papier terrier serait continué sans frais par dps
commissaires à ce députtés, les juges royaux appellés, et que c& qui
seroit par eux ordonné seroit exécuté nonobstant oppositions ou appel­
ations qui seroient rellevées au parlement de ladite province. En consé­
quence de quoy la Chambre des comptes qui a l'atlributionet connais­
sance dudit papier terrier ou refformation des domaines et droitz doma­
niaux, dès il y a quatre années a nommé aucuns des officiers d'icelle
pour y travailler; mais comme ilz en ont nommé qui sont aagés, incom­
modez et peu laborieux, et presque partout destiné 1 13s officiers de la
dite chambre pour les lieux d'où ilz sont natitrz, où ilz ont tous leurs
et alliéz et trouvent les plus intéresés, ledit papier terrier qui
parens
finy est peu avancé et ne se trouve pas commencé en dix-
debvroit estre
huit des vingt-et-quatre barres royalles et corps de domaines appar-
!.enantz à. Sa Majesté en ladite province, tant à cause du peu de temps
que lesditz commissaires se donnent pOUl' ce travail, que par les oppo­
et prise à partye que l'on leur faict dans touttes les affaires qu'ilz
sitions
gent, et encore sur les appellations qui sont interjettées de leur juge­ju
mentz et sentences relevées au parlement de ladite province sans que

jamais il ayt ordonné par provision ny obligé les appelantz de con~igner
les sommes ausquelles ilz sont cOlldemllés comme il est expressément
porté par le contract desditz estatz dudit jour treizième janvier mil six
celltz septante quatre aux termes duquel Sa Majesté peut nommer telz
commissaires que bon luy semblera pour ledit papier terrier et reffor­
mation desditz domaines et droitz domaniaux, ce qui est ainsy observé
ut le royaume suivant tous les arretz du conseil qui ont nommé
par to
esditz commissaires, qui porte expressément que leur jugementz et
sentences seront exécutés par provision nonobstant oppositions ou appel­
tions qui doivent estre au conseil pour y estre jugées et terminées au
rapport des sieurs commissaires généraux à ce députtés par sa maiesté
à la chambre du domaine au chasleau du Louvre à l'appartement des
Tuileries, autrement l'on n'auroit peu voir la fin de ce travail, dont la
fin est très importante au bien des affaires du Roy qui a faict estat des
deniers qui doivent provenir de la restitution des sommes qui seront
justiffiées estre deubz par ladite refformation et confection du papier
estre employez aux dépances présentes de la guerre. Pour­
terrier pour
quoi il est nécessaire que ladite refformation soit faite à la requeste
poursuite et diligence de Maistre Jacques Buisson fermier général des
domaines de France et droilz domaniaux ou ses procureurs spéciaux
à ces effectz, sur les conclusions des procureurs de Sa Maiesté à chacun
sièges et jugés par les commissaires de ladite chambre à ce députtés
par Sa Maiesté avec les officiers desditz sièges non suspectz et non inté­
ressés ausdittes uzurpations. A quoi Sa Maiesté désirant pourvoir et
accélérer la confection du dlct papier terrier et refformationdes domaines;
le rapport du sieur Colbert conseiller ordinaire au conseil royal
oüy
général des finances ; le Roy estant en son conseil a ordonné
controlleur
et ordonne qu'à la requeste poursuite et dilligence dudit Buisson et ses
procureurs spéciaux à cet effect, il sera incessamment procédé à la con­
tion du papier terrier et refformation des domaines et droitz doma­
tinua
niaux de . ladite province de Bretagne circonstances et dépendances par
les officiers de la chambre des comptes de ladite province que Sa Maiesté
a pour ce commis et dépultés, scavoir : le sieur CORl\'1JLIER, président en
ladite chambre pour les domaines de Guerrande et Dinan; le sieur
DONDEL, de Pentreff, conseiller audit parlement et maistre des comptes
de la dite chambre pour les domaines de Lannion, Saint-Brieuc,
Quimper-Corentin, Chasteaulin, Carhaix, et austres de l'évêché de Cor-

nouaille; le sieur DU PONCEL, maistre des ,comptes, pour les domaines
de Rennes, Sainet· Aubin du Cormier, Liffré, Hédé et Jugon; le sieur
Henry DE . BELESTRE maistre honoraire de ladite chambre pour les
domaines de Nantes, Touffou et Loroux; le sieur DE SAINT PÉON,
maistre des comptes pour les domaines de Fougères, Bazouges et Antra!.n;
le sieur GODET, maistre des comptes pOUl; les domaines de Vennes, Mu­
zillac, Ruis, Auray et Hennebond; le sieur BOUYN, maislre des comptes -
pour les domaines de Morlaix et de LanmeUl', et le sieur TRENOIS DE
LOHEAC, maistre des comptes pour les domaines de Brest, Lesneven et
Sainct Renan, auquel effect les tiltres papiers et enseignemeutz de Sa
Maiesté qui sont en la dite chambre des comptes seront communiquez
ses procureurs et préposez par le greffier et gardes des
audit Buisson,
livres de la dite chambre et autres dépositaires qui luy en dellivreront
les coppies ou extraitz qui leur seront demandés pour la conservation des
inlérêlz de Sa Maiesté dans la dite refformation des domaines· et con­
ection dudit papier terrier il peine de demeurer responsables en leur
noms du retardement des deniers et affaires de Sa Majesté, poura ledit
Buisson et ses procureurs blasmer les déclarations, adveus et dénombre-
mentz et former ses demandes pour les droitz et intéretz de Sa Maiesté, .
pOUl' estre le tout jugé par lesditz sieurs commissaires, chacun dans
son département avec les officiers de chacune barre l'oyalle de ladite pro-:
vince sur les conclusions des procureurs de Sa Maisté ausditz- sièges
ainsy qu'il appartiendra, leUJ; en attribuant toule cour, juridiction et
connoissance nonobstant les prises il partie et récus3lions et autres
empeschements qui pouroient estre fails ausd itz sieurs commissaires, et
ce qui sera par eux ordonné sera ex.écuté par provision nonobstant
oppositions, appellations et :mltres empçschements pour lesquels ne sera
différé et sans pr~judice d'icelles; ordonne en outre Sa Maiesté que les
deniers des anciens arrérages, restitutions et autres condemnations
jugées et à juger et généralement tout ce qui sera deub à Sa Maiesté sera
receu par ledit Buisson que Sa Maiesté a commis à cest effect aux cauptions
par luy baillées de ladite ferme généralle des domaines, et au payement
les redevables seront contraintz par les voyes et ainsy qu'il est accou­
tume pour les deniers et affaires de Sa Maiesté et dont ledit Buisson
rendra compte ainsi qu'il lui sera ordonné par Sa Maiesté; sur les deniers
de laquelle recepte les appointementz desditz sieurs commissaires et des
employés il la confection dudit papier terrier et refformation des .

domaines et autres fraiz faitz et à faire pour raison de ce, seront pris et
paiés par ledit Buisson suivant les Estatz qui en seront arrestez au
ConseiL
Faict au conseil d'estat du Roy Sa Maiesté y estant tenu au camp
devant Ypres le diz-neufvième jour de mais mil six centz soixante-dix­
huit ainsy signé ARNAU LD.

Extrait des registres du greffe des domaines delJforlaix etde Lanmeur .
. DE LA PART DE MAISTRE LoUIS LAU RE AU, advocat en la cour,
procureur 'spécial de l!:'aistre Jacques dll Buisson fermier général des
domaines de France et droitz y joints adhéré ' de Me Guy Chl'estien
avocat à la cour, substitué au lieu et place des sieurs procureurs du
Roy, de Morlaix et Lanmeur par M. le Commissaire de la refformation
ine de sa maiesté et par luy s'expédiant, a esté judiciellement .
du doma
remontré en ceste audiance que par plusieurs ordonnances et jugements
rendus par M. le, Commissaire, il a esté ordonné que tous prétendants
préminences, bancs, escabeaux et droitz proerogatives dans les églises
collégialles,rparrochialles, trevialles et chappelles des ressortz de Morlaix
Lan.[lleur eussent debnement produits leurs actes au greffe de ladite ref-

formaion et à deffaut que de leurs prétendus droiz de proeminences ils
eussent estés descheus et iceux acquis soit au Roy ou à lesglise : A quoy la
pluspart n'ayant obey par un mespl'is aux jugementz de M. le Com-
missaire, lesditz Laureau et Chrestien sont fondés de conclure deffinitive-
nt comme ils font, à ce que faute aux prétendantz droitz honorifiques,
minences, chapelles, bancs, escabeaux et tombes prohibés dans
pré
toutes les esglises qui rellèvent nûment en premier ou arrière fieff des
jurisdictions de Morlaix et Lanmeur, il soit incessamment descendu aux
esglises desdits ressorts aux fraiz des prétendanlz et en deffaut d'avoir
induit pour la justification de leurs droitz pour passé desdittes descen-
es, en cas de n'aparoir titres valables, estre descheus et condemnés en
telle amende qu'il plaira, à Messieurs les commissaires et estre cy appres
autrement pourv ueüe a laL JUelle fin sera l'ordonnance qui interviendra
leüe pronasllement aux prosnes des grandes messes et enjoint aux vicai­
es, procureurs nobles et . marguilliers desdittes paroisses et chapelles
de comparoir devant M. le Corrlmissaire et lesditz Laureau et Chreshen
. BULLETIN ARCHÉOL. DU FINISTÈRE. T. XIV (Mémoires). 2i

audit nom pour faire leurs déclarations à qui les proéminences, ba~cs et .
escabeaux qui se trouveront dans lesdites églises et chappelles peuvent
appartenir à faute d'estre vers eux procédé comme il sera veu appartenir
et ont lesditz Laureau et Chrestien signé.
Nous faisant droit sur ladite remonstrance et oüy maistre Guy Chres­
tien advocat en la cour, en ses conclusions et faute aux prétendantz des
prœminences, tombes, bancs, escabeaux et chappelles prohibitives avec
voutes, escussons et autres droitz honoriffiques dans les esglises collé-
gialles, pa rrochialles, t!'evialles et autres chappelles qui sont soubz les
ressortz de Morlaix et Lanmeur en premier et arrière ressortz : Avons
réservé de descendre incessamment dans lesdittes esglises pour Iaire es­
tat et procès-verbal de toultes les proéminences desdi lies esglises par
mesurage et blason des escussons qui s'y trouveront et ce aux fraiz de
ceux qui prétenderont lesditz droitz honnorifiques à deffaut d'avoir
induit devant nous leurs actes pour la propriété. Réservé de commencer
nostre descente lundy quatriesme du présent mois deux heures, à ceste
fin avons ordonné que les vicaires, procureurs nobles, marguilliers et
trésoriers desdiltes paroisses se présent.eront devant nous lors de nostre
descente pour déclarer les noms des prétendantz dpsditz droits à peine
de trente livres d'amende, et sera la présente ordonnance leüe ... Arresté
à Morlaix le deuxième septembre mil six centz soixantedix neuff. Ainsy
signé: François BOUIN; M. le Commissaire, François JONNO, greffier.