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Bulletin SAF 1879


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Les haches de pierre

M. de la Villemarqué

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des Cordeliers; leur église el leur couvent qui existaiel~t

ellcore en partie il y a l!Iue trentaine d'années, l'enfermaient les

. éléments d'lin beau musée lapidaire. J'ai vu dans les dépen-

dances de cet établissement une é~lOrme quantité de pierres
en calcaire, en .kel'santon et en granit ordinaire;
tombales
qu'il eut été désirable de conserver, mais que les ressources
je disposais à l'époque où elles furenl détruites, pour le
. dont
musée archéologique qui n'exisla-~t alors qu'à l'état de projet,
ne m'ont pas permis d'acheter. J'ai cepf'ndant pu faire l'acqui­
sition de quelques-unes de ces pierres tombales qui se trouvent
aujourd'hui dans notre Musé'C et dont la descr.iption sera
l'objet d'une prochaine notice.
La plupart des autres danes funéraires sont entrées dans la
construction des cales du boulevard de l'Odel et des maisons

bâties sur l'emplacement du couvent de Saint-François.
M. l'abbe Peyron fait observer que l\lsage de tou­
cher ou de baiser l'autel des Trépassés existe encore '
à Douar­
dans bien des paroisses rurales, notamment
nenez, à Quéménéven, etc. On fait aussi baiser l'autel
aux enfants baptisés.

M. de la Villemarqué continue la lecture de SQ,):J, étu-
de sur les haches de pierre.

LES HACHES DE PlEURE .

LEUR USAGE.
En nous apprenant comment les patriarches de la famille

celtique appelàiellt, en Irlande, nos coins de pierre polie, les

plus anciens lextes irlalldais nous apprennent aussi à quoi on

les employait •
Sous les noms de lia milidh, «pierre de guerrier ", lia laïk

milidh, fi pierre de champi.on guerrier,., lia cU1'ad « pierre de
combattant D, lia lamhl1, « pip.rre de main ., dén.omination
que M. Stokes a tr.ouvée avec la glose manuale, dans un écrivain
du m.oyen âge (Irish glosses, 856) 'et que Tacite a pr.obablement

v.oulu rendre par manuale sa;J;um, «" pierre qu:.on lance avec la

main D (Quichera 1), la lan~ue irlandaise désigne certaines
de gmerre En effr.t, les premiers Irllllldais maniaiel~t la ,
armes
piel'l'e dans 'Ies combats c.omme leurs descendants devaient la
manier plus lard avec le br.onz~ et le fer, simultanément

emplloyés. Du temps do Lllcrèce, un siècle avant l'ère chré­
la pierre était déja regardée c.omme une arme primi­
tienne,
tive: ,Irma antiqua ' man us , ungues, dentesque fuerunt et
lapides ... , dit ce poète. .
. Voici quelques citation~ que je rec.ommande à M. John Evans

pour une nouvelle édition de ~on précieux oùvrage. ,Je les .
il celui d'Eugène O'Curry qui en a publié le
emprunte encore
texle (1) : .
A la bataille d'Ath·Comair, livrée à leur .père ['laI' les chefs
irlandais Breas, Nal' et Lothar, qui furent punis de leur parri-

cide, (f pas Ull h,mllTIe du côté de L.othar, Je dit la légende, une
partit pOlir la guerre sans être armé d'une pie1'1'e de guen·ier. D
Ils avaient aHssi d'autres armes que l'auteur indique, mais il
signale tout spécialement celle-ci .
« Et c.omme chacun des soldats de Lothar avait apporté ulle
pie1're de guer1'iel', continue·t-il, leur chef en avait a·pporté une
lui-même. Et il éleva le bras subitement, et il mil toute la force
de son corps dans s.on poignet, el la f.orce de s.on poignet dans
sa main, et la f.orce de sa main dans son arme de pierre, ptlis
imprimant· un mouvement de rotation à la pierre dure, il ell

frappa le roi. "
Finn, père d'Oisin (le fameux Ossian), possédait 3:lSSÎ sa

(i) Mannerl and customs of the ancien! Irüh. VoL II; p. 262 et

8UlV.

pierre de gue1'rie1'" c'était le présent de la fille d'uq roi, • un
joyau d'unA grande valeur», remarque un ancien poëte. Il
l'avait confiée à la garde de son fils; mais ayant brisé loutes
ses autres arIllAS 'dans une bataille, illa prit et tua avec elle les
trois fils de son ennemi, sauvant ainsi l'honneur de sa l'ace. »
Un autre héros de la létlende irlandaise, Fergus, fils de
, Roigh, au siége d'une ville célèbre combattait unp ~TIagicienne
dont les charmes l\~mpêchaient ÙR pre.tJùre cette ville d'assaut.
A bout de moyens de vaincre,« il mil la main dans le creux de
son bouclier, et il en tira une pie1're de guerrier qu'il lança
avec force à la sorcière, et il l'atteignit à la têle, et eHe tomba. »
Le barde Laïdken, qu'on fait vivre au Va siècle de l'ère
chrétienn'e, fut tué d'un coup de pierre de guen'ier. Son
disciple, le poëte Ua Torta, a composé là-dessus un quatrain
resté populaire. '
Je pourrais multiplier les textes où il est question de ceLLe
arme de pierre; rien de plus facile, grâce aux leçons d'Eugène
O'Curry. Je finis pa.r une dernière citaLion qui est très-curieuse.
Il s'agit" eette fois, d'une pierre de combat à l'us.age particulier
des druides d'Irlande et douée de verlus magiques.
Un des plus célèbres d'entre eux élllit Mogh Ruith, vieillard
aveugle qu'on disait avoir puisé sa scien'ce en Orient, dans sa
jeunl'sse, à l'école de Simon le Magicien,
\ Dans une guerre injuste déclarée par le roi de l'Ulster,
Cormac, al]. petit roi du Munster, celui·ci appela Mogh-Ruith à
son aide. E'ffrayé du puissant allié de son ad l'ersaire, Cormac
ordonna au chef de ses druides, nommé Colptha, d'aller à la
reneontre de Mogh- Ruith et de le combattre en présence des
deux armées de l'Ulster el du Munster, Mais comme le vieux

Mogh-Ruilh était aveugle, il pria son disciple Keann-Mhol' de
le remplacer, et, avant le combat, il lui parla ainsi: « Donne­
moi ma pierre empoisonnée, ma pierre de main qui me l'end
victorieux de cent ennemis et me fait anéantir tous mes adver-

saires, Il

(( Et la pierre lui fut remise ent.re les mains; et il commença à
lui adresser dès louanges, ell'ayanL empoisonnée et enchantée,
il lui tint ce discours:

J'implore ma Piene de main. -
fuit;
Qu'elle ne soit point une ombre qui
Qu'elle soit un brandon qui mette l'ennemi en fuite.
Devant l'armée vaillante du Munster,

o :na terrible Pierre dure 1 -
Qu'elle soit un rouge serpent d'eau 1

. Malheur il qui elle enlacera

Au seiu des vagues écumantes 1

Qu'el\e soit un serpent marin 1 ...
Aussi long que sept cornes do bœnf; .
vautours
Qu'elle soit un vautour parmi les
Pour séparer le corps de l'âme,

Qu'elle soit un serpent! Que de sept anneaux
Il enlace le corps énorme de Col plha ;
à la tête
Que des pieds
L'enlace le reptile à peau lisse et il tête de lance, »
Inutile de dire si Colptha fut vaincu par le disciple du grand

magicien, armé de la pierre enchantée do son maître. La
légende prétend même que l'arme de Keann-Mhor se ,changea
en un vrai serpent qui étrangla son adversaire .
Le lendemain, continue la légende, le roi Cormac envoya
un de ses au~res druides nommé Lurga, pour venger la mort
du vaincu. '

. a EL Keann·Mhor marcha contre lui, sa pierre polie 11 la main,
et il commença à lui adresser des louanges et à l'implorer à la
manière de son maître, et à prédire le carnage qu'elle devait
et il invoqua ses dieux; et le chef des druides de l'uni­
faire;
vers, c'est· à-dire Mogh-Ruilh, lui·mê!ue, et il chan la :
Soc. ARCUJlOL DU FninsTFnB. -- T . VI. w

o Pierre polie, ô Pierre polie 1
o Pierro, lu vas tuer encore;
Pierre étroite, pierre compacte et mince,

A rme de choix pou r la victoire
o Pierre qui coupe, Pierre qui coupe,
ne préserve aucun bouclier;
Et dont
o Pierre qui boudit sur le~ vagues
Sans t'al'l'êter ni te briser,
Comme dans la lutte tu as vaincu Colptha,
Par ta vertu puissante;

Va roiùement dans ce combat nouveau
Jusqu'à ce que tu aies jeté Lu.rga par terre. »

Et Lurga, atteint de l'arme meurtrière, 'eut le sort de l'aulre
du roi Cormac, Mais cela ne suffisait pas'à la pierre
druide
enchantée; transformée en serpent monstrueux, dit le conteur .
elle se init à pOlJrsuivre le fils du roi lui-même, et
irlandais,
elle l'nurait bel et bien étranglé, comme le pauvre Colptha, si
le bon Keann-Mhor ne \'eùt calmée, par les plus doux noms,
pressé sans doute d'embrasser son vieux maître aveugle, et '
de lui rendre sa pierre magique. Parmi les noms dont Keann·
Mhor appelle cette arme, on ne s'étonnera pliS de retrouver le
plus généralement en usage depuis des siècles, celui de pierre
de tonnel're : mais l'auteur du moyen âge qui fait parler le
. druide ne se contente pas d'une qualification aussi vulgaire;
le vainqueur, dans son exaltation, s'écrie: 0 piet'1'e d'Hecto/'!
ô pien'e de Daniel.!

On ne s'attendait guère à voir Hectol' et Daniel, l'Iliade et
• la Bible en cette affaire!
Avec les ariciens poëmes gallois, rajeunis au XIIe siècle, nous
rentrons dans le domaine des faits,
L'un d'eux, dont l'original peut remonter au temps de Gil-
das, ajotlte un détail intére~sanl à l'histoire des armes de
pierre employées par les hommes de la race cellique. Repro­
un jeune guerrier· du VIe siècle d'avoir dégénéré de
chant à

ses ancêtres, et lui proposant son propre exemple à suivre, un
barde centenaire lui dit: « Quand j'étais dans ma fleur, je
fesais l'ouvrage d'un homme, tout jeune que j'élais ... , ce n'était
pas peine perdue pour l110i d' aiguiser I~ pierre, hogi maen .•
(THE- IV ANCIENT BOOKS OF WALES, t. II, p. 274). Les longues
heures passées par un guerrier à polir son arme pouvaient-elles
en effet être de~ heures perdues P C'e8t encore aujourd'hui
. l'occupation des sauvages quand ils n'ont rien de mieux à faire;
ceux de l'Amérique, comme ceux de l'Afl'ique, ont conservé
les armes primitives; et le général d'Abouville constate, dans
un rapport en'date du 18 août 1842, inséré au Moniteur, que
cartains Kabyles répondaient aux balles de nos soldats, par des
de pierre lancés avec la main.
coins
M. le capitaine Quintin de 'Kercadio ne pense pas
qu'on puisse assimiler les ' projectiles dont parle le
général d'Abouville, aux: armes de pierre employées

par les anciens Irlandais. Ces projectiles étaient des
cailloux naturels et n'avaient point la valeur des coins
façonnés de main d'homme et gardés avec soin par
leur propriétaire, comme ceux dont il est · question
dans les textes traduits par M. de la Villemarqué.
on se servait de ces
Il se demande aussi comment •
armes, et propose plusieurs réponses. M. le Président
examinera lui-même la question ultérieurement.
M~ Le Men constate que beaucoup de coins de
pierre polie trouvés dans les tumulus sont de véritables
armes de luxe, de vrais bijoux, et que leur prix devait
être considérable: les fouilles et les textes sout d'M-
. cord en ce point. .
M. l'a1;>bé Peyron ne trouve assurément aucun rap~ .
port entre les coins de pierre polie et la pierre dite
de Dalliel,. cependant il ne s'étonne pas qu'un écrivain

irlandais chrétien ait rappelé un souvenir biblique.

Après la fabuleuse ( pierre de foudre») pouvait-il
oublier celle que, dans le songe expliLjué par Daniel,
Nabuchodonosor avait vu descendre de la montagne
pour frapper le pied d'argile de la fameuse statue

A propos de la pierre d'Hector, M. Trévédy remet à
M. le Président une note ainsi concue:
( Je trouve à la fin du livre XII de l'lliade
qu'flector a fait usage d'une pierre pour enfoncer la
porte du camp des Achéens. Cette pierre n'était pas
. assurémtJnt de la nature de celles dont vous nous faites

la très-intéressante et très-savante histoire, puisque
le poëte dit qu'elle est ( énorme et que deux hommes
( de nos jours n'auraient pu l'arracher du sol et la .

« charger sur un char. »)
M. Trévédy demande si M. de Caumont ne cite pas
de textes où il soit question de pierres emmanchées.
M. le Président répond qu'il en parlera dans la sUIte

de son travail.
M. Pavot a la parole pour communication des docu-

. ments annonoés par lui dans la séance du 16 novembre
et donne lecture des notes suivantes :

En cherchant à retrouver le nom qu'attribu aient aux pierres
polies cunéiformes les hommes qui les ont façonnées, notre
savant président a eu occasion de reconnaître avec M. le doc-

leur de Closmadeuc que, . dans tous les idiomes de l'Europe,

ces objets son t désignés de la même façon; la tradition popu­
laire cst partout identique et la désignation pl3ut se traduire .
littéralement par;ces mots: « pierre de foudre. »
L'Antiquité, le Moyen-Age, la Renaissance se 'sont donc
légué cette croyance. Depuis quand le monde savant en

pas
peut-être
C'est ce qu'il
a-t-il reconnu la fausseté?
n'est
très-facile d'établir.
A la fin du XVI~ siècle, les superstitions relatives à l'origine
et aux vertus préservatrices des « pierres de foudre Il parais-
près des ge~s qui lisenl.
sent encore jouir d'un grand crédit
Voici ce q'ue ne .craint pas de signer un médecin exerçant à
Colmar:
u Adversus tonitrua, (ulmen et grandinem. Ferunt lapidem,
« qui cum fulmine cecidit (ut aliquando contingit) si in ostio
ct suspendatur domum à fulmine prœsArvare (t). Il
« Ut aliquando contingit! 1) PersolUle n'en doute, en efTet,
ni l'auteur ni ses lecteurs. '
On constatait de loin en loin en diverses contrées des cM tes
de masses minérales plus ou' moins volumineuses, et ces obser­
vations dignes de foi paraissaient précisément . confirmer
d'autres allégations, d'autres traditions, chimériques pourtant!
Il eut fallu distinguer, et il n'y a pas un siècle que celte
faite entre les traits ou c- carreaux Il fausse-
. distinction a été
au tonnerre et les aérolites dont la chûte était
ment allribués

authentique. '
La crainte du ridicule a été le commencement de la sagesse,
et la réaction fut d'abord Irop complète.
" Les savants du XVIIe siècle nièrent (les premiers, je çrois) la
des chûtes de masses minerales accompagnant la
{OUd1'è, mentionnées par les ancie'ns ou signalées par leurs
contemporains: dès lors se trouvèrent confondus, r'epoussés
avec la même incrcldulité, des traditions erronées et des faits

palpables, Ces derniers étaient isolés ct ne pouvaienL jamais
avoir qu'uu petit nombre de témoins; encore ces témoins

(1) DE SECRIlTlS Lihri' XVII, ex variis authoflbus colleeti; roethodiee
digesti et, aueti, per Joan" Jacobum Wc~keruml Bas-ilienscro, rnedi­
que
euro Colmanensero, - BasIieœ, ex offiClnà Pernea, CL:> L:J XXCIIX,
1 gros vol. in-1g - L'épître drdicatoire est signée six ails plus tôt,
« Ço/nnariœ, Kalend, Âugusti, 1582, " Le secret divulgué ci-dessus est
à la page 601 de ce volumineux recueil.

n'étaient-ils pas tous des observateurs, à plus forte raison des
autorités.· Les pierres de foudre avaient été justement
dans le domaine de la fable; les aérolithes furent
reléguées
tardivement et difficilement acceptés 1Iers le commencementde
ce siècle.
faire la part de chacun on pourrait peut-être formuler ·
Pour
la progression suiv.ante :
Les physiciens du XVIIe siècle constatèrent que la foudre ne
lançait réellement point de traits de substance pierr'euse. .
Les naturalistes du XVIIIe siècle reconnurent dans les pierres
qualifiées pierres de foudre, les outils et les
polies cunéiformes,
armes de l'homme primitif .
Et enfin les chimistes du XIX" siècle, en analysant las
aérolithes authentiques recueillis de 1769 à 1803, et jusque là
très-discutés comme provenance, ont 'seuls pu affirmer < qu'il
tombait' à la surface du globe des corps métalliques météoriques
de composition à peu près identique quelque fnt le point de

Mte
de cas· indications quelques citations paraissent
A l'appui
indispensables. .
Les premières seront empruntées au Tmité de physique par '
Jacqu~s Rohault (2 .vol. in "':4°, imprimés pour la p'remière fois
à Paris, le 17 janvier 1671). Rohaul.! est bien peu lu aujour- .

d'hui; fils :d'un marchand d'Amiens, et né vers t 620, il
mourait à Paris en \675, n'étant guere âgé que de 55 ans.
C'était un homme d'un savoir encyclopédique: les contem­
porains le citent comme un célèbre philosophe cartésien: .il
publia divers ouvrages sur les sciences naturelles, la géomé­
trie, la mécanique, les fortifications, etc. . Je ne sais s'il
a été fait d'autre édition de son traité de physique que celle
de t 67\ que je possède: celle-ci est seule énoncée dans le
catalogue de Boze, composé des éditions lAS plus recherchées,
mais ce que je puis affirmer c'est qu'on trouve difficile­

ment cet oUl'rage dans les bibliothèques de province.

L'auteur déclare d'abord qu'il est temps de répudier un
grand nombre de traditions trop facilement !:Icceptées jusque
là: voici ce qu'il en dit dans sa préface:
(f ••••• Venant à considérer la philosophie et particulière­

ment la physique, je demeuray étrangement surpris de la voir
si stérile qu'elle n'eut produit aucun fruit pendant plus de ,'ingt
siècles, qui se sonl écoulez sans qu'on y e3t fait la moindre
découverte . . . . . . . . . . . . . . . . ~ . . . . .
« Ainsi je me vis forcé de conclure, qu'il falait que ce fust
dans la manière de philosopher qu'on se fust mépris ..... et
après avoir examiné le plus soigneusement qu'il me fllt possible
la. conduite que l'on a tenuë depuis les écoles d'Athènes jusqu'à
nos temps, il nl~ sembla que l'on y pouvait trouver quatre
choses à redire.
« La' premiere, est ce grand crédit qu'on a toujours donné
aux Anciens dans les écoles ..... il est certain qu'une sou­
si aveugle à tous les sentiments de l'antiquité, est
mission
cause que les meilleul's esprits, recevant souvent sans y penser
des opinions comme vrayes, qui peuvent être fausses, ne sont
plus en état de connaître celles qui leur sont opposées; ny par .

conséquenl de trouver toutes les autres véritez dépendantes de
celles qu'un si pernicieux préjugé les empêche d'appercevoir ...
« ••••• Ainsi l'on s'esl plus occupé à étudier Aristote que
la nature qui peut-être n'est pas à beaucoup près si mystérieuse

que luy ; il y a mesme mille choses qu'elle dit nettement à
qui les veut entendre. • .. . . . . . . . . . . . . . •

Une semblable déclaration de principes enéourage le lecteur; ,
je n'insiste pas sur le mérite de l'ouvragl', je n'ai pas la pré­
tention de découvrir J acqnes Rohault, mais puisque la tradition
des pierres de foudre est encore vivace dans le Mùrbihan, et
que leurs vértus curatives comme celles du jade néph1·étique
restent sans doute article de foi dans bien d'autres contrées
. encore, il n'est pas indifférent de rappeler ce que disait Rohault,

il Y a plus de deux cents ans, dans son traité de, Physique
(3· pal'tie, chapitre VII), au sujet des applications de pierres

de foudre et autres in pm'te dolenti, tant recommandées alors
aux graveleux ou aux rhumatisants: '

u XVI. Qu'on att1'ibue faussement plusieurs vel'tus à quelques
pierres. L'on ne voit pas que de la nature que nous atlri­
buons aux pierres tant précieuses que communes, l'on puisse
déduire certaineS propriétés, dont quelques naturalistes font
mention; par exemple, que l'hématite arrête le flux de sang
quand elle est portée par la personne malade, et que d'au tres

pierres guérissent d'autres maladies; aussi avons-nous expé,

rimenté plusiimrs fois qne c'est fau ssement que ces sortes de
propriétés sont attribuées à la plupart de ces pierres. Il. n'en est
pas de même de l'Ayman, dont presque loutes les propriétés
qui nous ont été rapportées par les anciens se trouvent vrayes ;
nons en connaissons mesme dés choses plus merveilleuses que
celles que l'Anliquit.é a connuës, mais un sUjet si exlraordi-
. naire qemande un discours part.iculier. »

Suit un chapitre ptf'sque entièrement con~acré aux pro-
priétés de l'aimant. et terminé par quelques remarques sur
u la vertu attractive de l'ambre et de quelques autres corps»,
et u l'erreur de quelques philosophes au sujet de cette vertu. »

, On voit que le philosophe-physicien s'attache à réfuter toutes
les erreurs populaires: « ce sont des con tes, dit-il, qui sont
ft démentis par mille' expériences que j'ay faites (1) ..... »

Mais le passage le plus caractéristique, celui qui se rattache
le plus directement à la question qui nous occupe, se trouve

au Chapitre XVI (Du Tonnerre, des Eclairs et de la Foudre).
Voici ce qne dit Rohault :

(f) Tome II, page 234. « De , quelques propriétés qu'on a faussement
attrihuées à l'ayman. •

' N'oublions pas que ceci est itnprimé (;ln 1671.

(1 VII. De la foudre et que ce qu'on dit du carreau est fabu­
leux. . Ce qu'on fi coutume d'appllller le Tonnerre, reçoit le
nom de foudre lorsqu'il en résulte quelque fracas: et parce
se persuade que les corps les plus durs ont plus de
qu'on '
forée pour en ébranler d'autres, on croit qu'outre l'éclair et la
flamme qui sortf'llt avec impétuosité d'entre deux nuës, il en
sort' encore un corps fort dur qu'on nomme le Carreau de la

foudre; qùe si on ne le voit pas tomber à chaque coup de
tonnerre, c'est, dit-on, parce qu'il ne darde pas toujours con-
tre la terre, et que l'ouverture par où il échape est tournée
vers quelqu'autre côté. Toutes fois, . si cela estait, il ne serait
pas possible qll'on ne le vist quelquefois tomber dans Ulle des
rl1ës de celle grande ville, ou dans qUcllque COUl' ou sur le toict
de quelque maison; ce que personne que je sache n'assure
avoir jamais vu; et c'est une mauvaise raison de dire que ce
qui fail qu'on ne le voit pas, c'est qu'il n'a pas été dardé COll­
tre la Terre: car soit qu'il se fust meu de travers, ou même
de has en haut, il devrait toujours arriver que sa pesanteur le
fist descendre.

« VIII, Aussi n'est-il pas nécessaire d'avoir recours à un
corps dur, pour expliquer l'~ffet le plus ordinaire de la fou-
dre. . . . . . . . . . . . ~ . . . ' . ' .
« IX. Ce n'est pas qu'il ne se puisse engendrer dans l'air un
corps dur" que l'on prendra peut-être pour ce carreau imagi-
naire, etc. 0 • • • • • • • • • • • • • • • •
Après les physiciens du XVIIe siècle, passons aux naturalistes
du XVlIIo. -
J'ai rapp~lé qu'Ull ouvrage spécial passait en revue leurs tra­

vaux et leurs opinions sur les prétendues pierres de tonnerre' et
les véritables pierres météoriques, J'ai l'honneur de présenter
ce volume à la Société archéologique; je ne sais si MM, Evans
et Cal'lailhac l'ont eu sous les yeux, lors de leurs récents ·Ira-

vaux (1872·1877). Ce livre est du Dr Joseph IZARN, médecin,
professeur de physique, de la Société des Sciences, Belles-Let­
tr.es et Arts de Paris, etc.; 'il porte la d'ate de Floreal an XI
(1803), c'est un· in-8° de 421 pages, avec ce titre:
DES PIERRES TOMBÉES DU CIEL

LITHOLOGIE ATMOSPHÉRIQUE
Présentant la marche et l'état àctuel de la science sur le Phé-

nomène des Pierres de Foudre, Pluies de pien'es, l'ie1'res tom-
bées du ciel, etc.; plusieurs ObBervatious inedites, communi­
quées pal' MM. Pictet, Sage, Darcet et Vauquelin; avec un

essai de Théorie sur la formation de ces 'pierres.

Dans une dédicace G au citoyen Laplace, membre du Sénat
u Conservateur de l'!nsti(ul natiolial de France, etc., etc. 1)
le docteur Izarn expose que les travaux de MM. Howard et
Vauquelin ont fixé l'attention générale sur les météorites et que
Laplace lui-même a manifesté le désir de voir consla ler la

réalité du phénomène (séance de la l'a classe de l'Institut
national, après la lecture du mémoire, du Vauquelin, le :0 fri·
. maire an XI.) .
Des recherches que le docteur Tzarn avait d'abol'd faites
pour s,on instruction personnelle lui ayant offert des résultats
positifs, l'illustre auteur de la . Mécanique céleste a bien
voulu prendre connaissance de ce travail et permettre qu'i!
fut publié sous ses auspices.
Le phénomène des masses minérales tombant de l'atmos­
phère, dit Izam, n'avait naguères qu'une place incert::.ine
parmi les faits physiques, pal ce qu'il était rare el de nature à

avoir pe, :.! de témoins .....

Et pourtant « dans tous les temps on avait parlé de piel'res
(l tombées 'du ciel, de pierres de tonnerre ou de foudre, etc.