Avertissement : ce texte provient d'une reconnaissance optique de caractères
Société Archéologique du Finistère - SAF 1939 tome 66 - Pages 103 à 106
. La "Salle synodale"
L' in cendie du à une in croyable imprudence
(1) qui a cclD.té le 19 novembre à 3 heu res du
matin dans un e aile du musée départemental bre
ton, a détruit, outre d'intéressants objets de col
lection, la salle qlli avait été la (, salle synodale 1)
de l:évêché. Impossibl e de songer à r éparer in té-.
gralement ce pitoyable dégât. Il faut se résign er
à se dire que qu elqu e chose de très précieux du
vieux Quimper a été anéanti. Essayons à tout le
moin s d'en 6.xel' ici le .:ouvenir.
Longue de près de 13 mètres, lal'ge de 6, éclai
rée par six fen êtres, dont trois ,donnant sur la
rue et trois SUI' la cour, la « sall e synodale » était
la pièce du XVII!e siècle la plu s remarquabl e qui
8xistât dans le Finistère et peut-être dans toute
la Bretagne. Sans doute n'aurait-il pas été malaisé
d e trouver à H .ennes ou il Nantes un e aussi riche
garniture de lambl'is; mal:3, ce qui était excep
tionnel, c'était que de grands portraits en occu
paient tous les vastes panneaux; de délicates
moulures, comprises dans les boisel'ies, les enca
draient de leurs tons noir et Of' . L'auteur de ces
peintures, qui les avai ent exécutées en 1745, sous
l'épiscopat et, à ce qu'il semble, aux frais de
(i) Dont ni le conservateur ni le gardien du musée ' ne portent la
responsabili té.
I04 -
l'évêque Auguste-François-Annibal de Farcy de
Cuillé, s'appelait Jean-Vin cent Lhermitais 11 était
né a Vannes en 1700. Il n'avait qu' un talent mo
deste, qu' il employait habituellement a ex.écuter
des copies de maître.3 du XVIIe siècle, mais il ne
manquait pas d'un sentiment assez juste des cou
leurs et de la composition. Si plusieur's des por
traits de la salle synodale, pris chacun a part,
pouvaient passer pour m édiocres, l'e n:-,emble pro duisait le plus grand effet décoratif, très évoca teur.
La galerie com pt'enait le pape Benoit XIV (1),
qui siégeait en 1745, et onze évêques de Cor
nOClailie. Le Souverain Pontife, assis, se tr'ouvait
a u-dessus de la cheminée. A gauehe, du côté de
la r ue par conséquent, avait été placé Au guste
François-Annib81 de Farcy de Cuillé, dont le por
trait en pied n'était qu 'une réplique du fam eux
Bossuet de Rigaud . Lhermitais:s'était bomé, com -
m e la mode l'admettait alors, à ch anger la tête ~
A droite, au-dessu~ d'un e porte, dans un c8dre
plus petit, se voyait assis Guill a um e Le Prestre de
Lézonnet (1614-1640). Du côté de la CO Ut" le long
manteau cardin a li ce d'Alain de Coativy mettait
un e s uperbe tac lie fouge entre deux fenêtres ;
mais il perpétuait par sa présence une erreur his-
toriqu e accréditée par Albert le Grand; Coativy,
en effet} n'occupa jamais Je siège de sain t Coren-
tin . Puis vena ient successivement Bertrand de
. (i ) Au bas de ce . portrait se lisaient le nom de l'artiste et la date du
tra vail. Les toiles les plus grandes avaient 2
6U de haut. '. '
- 105 -
Rosmadec (1416-1445), Thibault de Rieux (1383-
1408), Charles du Liscouët (1582-1614), ce derhier,
assis, représenté au-dessus de la porte d'entrée,
faisant face ainsi a Guillaume Le Prestre. Au
dessus de la porte qui s'ouvrait sur la salle dite
aujourd'hui « ùes faïences» un peintre in connu,
très inféri em a Lhermitais, avait, a la fin du siè
cle, représenté Toussaint-François-Joseph Conen
de Saint-Luc (1773-1790) assis auprès d'une table .
La série de 1745 reprenait a droite avec Claude de
Hohan (1501-1540), faisant face a Au guste-Fra n
çois-Annibal de Farcy de Cuillé. Enfin, entre les
fenêtres de l'o uest se tenaient debout René du
Louët (1640-1667), François de Coëtlogon (1668-
1706) et Fra nçois-Hyacinthe de Plœuc (1707-1739).
Il va de soi qu e, sauf pour Aug uste-FrançOis-An
nibal de Farcy de Cuillé, qui avait pu poser, et
pO Ul' ses trois prédécesseurs, dont il existait sans
doute des porœaits, l'œ uvre de Lhermitais n'of frait aucun intérêt documentaire en ce q ui concerne
les physionomies. En ce qui concerne le décor,
deux fonds de tableaux retenaient l'attention. Del'-
rière Bertmnd de Rosmadec on apercevait la fa
çade de la cathéd rale, un peu déformée dans le
sens de la largeur, m ais curieuse par l'exactitude
du dessin des tours; sur cell e du sud apparais saient nettement les premières assises d'un e flè
che. Vis-a-vis de Rosmadec, François de Coëtlogon
profilait sa long ue silhouette SUl' une terrasse
carrelée, descend ant vers des flots agité~ sur les quels se balai1çait une embarcation de plaisance ;
106 -
a u-delà se déployaient les terrasses, les all ées et
les jets d'eau du domaine épiscopal de Lannir·on.
Cette magnifiq ue galerie, dont tous les a mis de
Quimper déplorent la disparition , a va it, penda nt
la Révo lu tion, écha ppé au vandali s me des sans c ul ottes gr·tI.ce à un stratagème ingéni eux. L'évê ché, vend u nationalement le 28 décembre 1792, fu t
peu ap rès transformé en hôtellerie. L'hôtelier fit de
la sallelsynodale une sorte de « dancing » ; m ais,
!';oucieux de conserver les portraits sans déplaire
à sa joyeuse clientèle, il prit soin de faire clou er sur
les to iles àe Lhermitais d'a utres to iles plus profa-
nes, sur lesquelles trônaient Apoll on et les neuf
Muses. Ju sq u'à la fin les traces des cl ous restèrent
visibl es en qu elques endroits.
Le 13 juin 1806 le dépa rtement acquit l'immeu
ble pour y insta ller l'évêqu e et les services diocé sains. La salle recou vra son aspect. Aménagée en
1911 comme salle de musée, e lle éta it spéciale ment consacrée à des collections archéologiques
et historiques. Depuis seize ans elle renfermait
sous une de ses vitrines le plan en relief du co u
vent et du qu a rtier des Cordeliel's de Quimper,
confectionn é avec une fin e adresse et un souci
minutieux de vérité par Aimé Bodereau. Naturel-
lement il ne reste rien de ce beau travail. Pa rmi
les a utr'es obj ets de collection il n'a pu être sau vé
qu e des plats d'argent gallo-romains et des mon
naies d'or et d'argent.
11 0 -
DEUXIÈME PARTIE
Table des mémoires publiés en 1939
1. Autour clu' Cartulaire cie Lancl évennec. Le roi
Gracllon. Le culte cie saint Guénolé ert Cor
nouaille armori caine. La « Vita vVinwaloei »
de Gurclisten, par H. GüIRlEC (deux cartes hors
PAGES
texte) . . . , . , . . . . . . . . . . .. 3
II. Nouvelles de Quimper, 1751 , par H. W , . . .. 27
Ill. Le duc d'Angoulème à Quimper en juin 181LJ, par
D. BERNARD .. .... . ........ .
IV. Chan sons populaires bretonn es, par IL PÉRENNÈS . LJ6
V. L'Instru ction dans le Finistère pendant la Révo-
lution, par L. OGÈs (à suivre) . . . ' . . " 67
VI. La« salle synodale Il de J' ancien évêché de Quim-
per, par H. W. (une planche bors texte) . . . 103.