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Société Archéologique du Finistère - SAF 1936 tome 63 - Pages 3 à 68
QUIMPER SOUS
TERREUR
LE BRULIS DES SAINTS
DE LA CATHEDRALE
12 Décembre 1793
Le 22 frimaire an II ( ( 2 décembre 1793), Quimper vit sur
son Champ de Bataille un spectacle in ouï, l'autodafé officiel
des statues et des reliques des saints les plus vénérés en
Cornouaille. Un tel événement dan s la métropole relig ieuse
d'un pays foncièrement catholique scandalisa les contem porain s et ne laisse pas d'étonner encore la postérité.
Cet épi sode d e la Terreur m éritait par son caractère .
insolite l'attention des histo ri ens. Cependant il es t res té m al
connn . On se le représente gé néralement comme un in cid ent
de celle ana rchie spontanée dont parle Taine, le résultat
d 'un e e xalLalion subite qu'expliqu erait seule la psycholog ie
des fOllles en péri od e de crise, bref un fait sa ns lien d e ca use ,
so rti ex nihilo. La vérité est autre; le brûlis d es saints n'eut
d en d e fortuit. L'étud e attentive des docum ellts perm et d' en
saisir les ca nses et de le situ er da ns la cbaîn e des fa il.s
hi storiques. Pour s'en rendre compte , il faut con naître
les circonsta nces particulières où se trouvait Quimper a u
début de l'an II, connaître aussi quelqu es hom'rn es qui y
exercèrent à cette époque un e véritable dictature. Ainsi
apparaîtront des responsabilités, les unes collectives, les
au tres individuelles, qui n'ont pas encore été bien établi es ( 1).
li) Les sources principales de cette étude sont: 1.0 Archiv p.s dép~r
tementales, série L. (D ans les références, nous écrirons, en abrégé,
AD) . 2° Archives municipales de Quimper (en abrégé, AM) .
QUIMPER A LA FIN DE 1793. L'année 1,93, la plu s sa n-
glante de la Révolution avait été tout entière rempli e par la
g uer re p-trangère et la guerre civile. Vers la mi-décembre·
encore, nos frontières n'étaient pas délivrées . Toulon res lnil
aux main s des Anglai s, l'a rm ée vend éenne se mainl.enait ail
nord de la Loi re. menaçall t de mettre la Bretagne en fell et
d'e n raire un e second e Vend ée.
Dan s le Fini stère, tant de périls n'ava ient pas arrêté les
représa illes montagnard es contre les fédérali stes vaincllS ; 0 1'
Quimrer ava it été l'un e des capitales de la révolte girondin e.
Dan s ces circonstances tragiques, tou s les esprits s'exaltèrent.
U ne ·déviat ion du sentiment patriotique donna nai ssance à
un mou vemen t déchi s liani sa leur. C'est sous un régi me de
terreur que s'exéculèrent l'ar restation des suspects, la levée
en masse, le maximum, la réquisition générale des hommes
et des vivres .
Frimaire an Il, miz herda ar spont bras! Jamais Quimper
ne con nut des j f1 urs pIn s sombres. La ville, encore cern ée de
toutes ses vieilles mura illes , semblait vide et morne. Plu s ri en
de ce qui l'animait nag uère. Le chef-lieu du département
ava it été transféré à Landerneau; trente administrat eurs
accusés de fédéralism e, jetés dans les prisons, attendaient de
comparaître deva nt le tribun al révolutionnaire. Dans la ville,
pin s de noblesse ni de clergé, plus de couvents, plu s de
collège, plu s de ga mi son, plus de foires ni de marchés. Les
homm es valides éta ient aux frontières .
La plupart des foncti onnaires publi cs avaien t été destitu és
et empri sonn és En pri so n, l'évêqu e Expilly, le président et
le secrétaire gé néral du département, de Kel'gari oll et Aim ez,
le présid ent du tribunal criminel, Le Guilloll-KerincuIT,
le président du di strict. le curé Lagadec, les avocats Olivier
dal'm erie Daniel, le m édecin- chef de l'hôpital Vinoc, le
prin cipal du Collége Guillaume, l'inspecteur des douanes
Tardy ( 1).
Quelques-uns de ce ux qu'on pouvait ranger au nombre
des fondateurs de la Républiq ue avaient pris la fuite, ain si
le proc u reu r-syndic Abgrall, l'acc usateu r pu bli c Roujou x,
l'o ffi cier municipal de La Hubaudière, l'ancien maire Le
GOilzre, frère de Kervélégan: il s se trouvaient errants dan s
les ca mpagnes comm e Kervéléga n lui-même.
Nnl n'étant sûr du lendemain, il y eut. pour ain si dire, des
évas ions préventives . Des bomgeois inquiets, crai gnant d'êlre
il lem L onr inculp és , déclaraient à la muni cipalité, en bonne
eL clu e forme, vouloir sortir de la ville et s'établir désor
mais dan s les communes rural es. L'exode commença en
oc tobre par les plu s ri ches. Jea n -François Le Déan et so n
frèle Fran çois-Jérô me, ex-Constituant, ancien maire de
Quimper, quittèrent leur hôtel de la rue nu Sel pOllr habiter
le paisible éden de Bodivit. Le magistrat Le Dall de Kéréo n
et l'avoca t Coroller allèrent se fixer, l'un à Plomeur , l'autre à
Clohars-Fouesnant. Jacques Dumesnil, négociant en vin s
sur le Quai, se fit labuureur au manoir du Loch en
Kerfeunteun. Le citoyen Debon lui-même, maire en exercice,
voulut déposer son écharpe ; par une déclaration écrite dont
il dema nda acte, le 2 décembre, il manifesta son intention
d'aller demenrer à Ergué-Armel où il possédait une propri été.
Ceux-là du moins prenaient congé
mais bien d'autres déménagèrent
pelle (2) ,
en y melta n t des fonnes ,
sans tambour ni lrom-
L ES AU TOlUTÉS CONSTITU ÉES, - Les autorités conslitu ées de
(1) Ces arrestations avaient été opérées, pour la plupart, du 7 au
20 ùctobre, A cet eO et, Jean-Marie Perriu, administratenr du Finistère,
l'elillemi ilcharoé des fédéralistes, viol pass~r 15 jours à Quimper.
Quimper a vaient été régénérées les [6 et 17 octobre par Marc
Antoin p. Jullien et Royou-Guermeur, agents du Comité de
Salut public et d élégués d es représen tants du peuple à Brest.
Les ho mmes notoirement compromis dan s le mo uvement
fédéraliste avaient été d es titués . Ainsi sortirent d e l'ad mi
ni strati on du di strict Nicolas Vell er, Charles Kerdi sien et
François Abgrall. remplacés par Lo ui s Bon et négociant, le
peintre Valentin et l'avoca t Jean-Jacques Le Breto ll de Vill e blanche. Ain si épurée et parée de l'étiqu ette montagnard e,
celte administration resta modérée : deux ex-nobles . Ambroise
DubalTond et Hervé de Silguy, deux curés constituti onnels,
J ea n Lagadec et Dominique Le Breton, y conservèrent leurs
fonctions (1).
La municipalité quimpéroise tout entière avait été ardem
m ent g irondine. Elle avait fait amende honorable dès le
début d'aolÎt. Jullien et Royou-Gu ermeur en élimin èrent les
Girondins les plus marquants: le maire Henri Magnan,
ancien directeur des Devoirs, Antoine d e La Hubaudière
manufacturier, Sébas tien Billette ga rd e du timbre, J ean
Marie Le Roux négociant, neveu d e l"évêqu e Le Coz, Calloc'h
de Kerillis notaire et procureur, Perrin, ancien receveur
général des Fermes, et Derrien imprimeur. L'épurati on faile,
le Conseil de la commun e se trouva composé d'hom mes
pondérés, amis de l'ordre. A peine y comptait-on trois ou
quatre sa ns-cul ottes authenti.ques : le brasseur Claude
Boulibonne, le boucher Pi erre j 'dorvan, l'ancien procureur
René Coïc et le chapelier Bernay (2) .
Les fonction s de maire furent imposées à Jacques-Thomas
Deboll, marchand d e draps, soieries et galons , ru e Keréon.
Ri che mais peu instruit, Debon fut plus d' un an maire
malgré lui. Sa résistance au san s-culotLism e lui vaudra
d'être inca rc éré par les clubi stes H érault et Le Clerc.
(1) A D, !:Ieg. délib du districl (28 L 8*), 18 oclobre.
L'influence de Jullien et de Royou-Guermellr fut plu s
m arquée surdeux autres organis mes de la vie commun ale :
le Com ité de su r veilla nce et la Soc iété pop ulaire . Les élé
ments avancés s'y trouvèrent en m aj orité .
Le Comité de surveillance, chargé p ar la loi de la
désig na tion et de l'arres ta tion des s uspects, était aux main s
d'un e dizaine de terro ri sles grisés de la toute puis~ance . Trois
hommes de loi. Girard, Des nos et Loui s Cha rn el. en furent
les membres pond érateurs ; mai s généralement les plu s
violents l'emportaient: les b Oll chers Nicolas Eltlriet et
Pi erre Morvan, les p erruqui ers Julien l\. erroch et Jean
Baptiste Rose , le tailleur Lo ui s Bécam , le jardinier Le Moin e.
le ty pograph e Lhotte et surtout le ferbl a ntier François Le Roy,
qui se n ommera bientôt Montag ne ( 1)
Enfin, la Société pop nl aire qui s'intitulait «Société mon
tag narde des sans-culo ttes de Qnimper )) siégeait presqu e
ch aque soir à la cha pelle du Co llège C'étaill él pépinière des
fonctionnaires , l'in stitutrice et la ga rdi enn e de l'esprit
public. Qui n' y paraissait point d evenait su spec t. Les sans
culottes y dominaient d epuis l'épuration d'octobre; mais sons
le masqu e montagllard, quelqu es
génieur Detaill e, s'efforçaient de
envahissante. En novembre, no us
bourgeois, comm e l'in frein er la démagogie
t ro nvons J ea n · Vincent
Desnos, ancien procureur, présid ellt, Boulibonn e, vic'-
président, et Dagorne secrétaire d e la Société.
Les oracles de ce temple étaient, le plu s souvent, le p è', e
Girard, avocat, l'en nemi juré des meu n iers et des boulangers,
Dagorne, Montagne . Lho Lte capitaine des ca nonniers, l'ex
procureur René Coïc, l'avoca t J .-M.-C. Gaillard aîné qui ,
dépouill é du sans culottisme, fera une long ue et belle
carrière dans la magistrature, et enfin le jeun e g reffi er
municipal Raoulin.
A la Société popillaire se lisaient les papiers publi cs et
l'on commentait les nouvelles . Là au ssi s'élaborai ent les
pétitions et motions. Nous verrons bientôt qu e la proposition
rela tive à l'interdi c tion du culle et au brûli s des sa int s,
portée le II décembre au Con se il de la commun e, a vait été
délibérée la veille au club des san s-culottes .
L A. DrsETTE DU MAXmU~I. Les lois des T7 et 29 sept embre,
sllr le maximum des grains d'abord, puis sur le m aximum
général des denrées , produi sirent à la fin de 1793 une rli se tte
fac ti ce. En Basse- Bretagne, la récolte de 1793 avait été a,;iS\lZ .
bonne. sauf p our le blé noir. Les grain s n e manquaient pas,
mai " leurs détentenrs ne vO lllaient pas les vendre , n'a yallt
pas confiance en l'assignat.
La loi fixait le prix maximum du from ent à 141. le qnintal
de 100 1., du seigle à 101. En novembre, à Quimper, le bœ uf
était taxé à 9 s. 4 d . la livre, le lard au pot 10 s. 8 d ; le
beurre 1 2 s. Or au mois de juin 1793, la loi de l'offre et de la
demande avait déjà porté le prix du froment à 241. 7 s .. le
seigle à 8 1 8 s., le bœuf à 1 2 ou T 4 s., le lard à 15 s.'
le beurre à 17 et T 8 s. Par contre, la loi eut pour effet de faire
renchérir le seigle et J'avoine, dont les prix étaient restés
jllsque-là au desso us du maximum (1).
La loi du maximum fut diffi cilement appliquée. Ell e ne
reçut un commencement d'exécution que dans les derni ers
jours d·octobre. Alo rs . les pays ill1 s cessèrent d'alim enter les
·marchés. Désormais, il s ne vinrent en ville que pour
s'app ro vi sionn er de toutes sortes de marchandises, bi en au
delà de leurs besoin s immédiats. Boutiques et magasin s
d'épicerie, de tissus, de quincaillerie furent vidés en moin s
de deu x semain es .
A Conca rneau , les g rains manqu aient dès la fin d'octobre.
(i ) AD , dél ib. du district, t~bleau du maximum , 14 octobre. Ibid.
A Quimper, à Douarnen ez, les I;Ilarch és étaient déserts. De
temps immémorial, les paroisses d e Plov!ln, Peumerit,
Tréguennec. Pl onéour, Laba ban et Plouhinec approvision naient Quimper de leurs fro m ents. Elles cessèrent tout envoi.
sous le prétex te q u'elles ne relevaient pas du distric t de
Quimper. Les citadins gémissaient. La Société populaire de
Quimper dénonçait, le I II n ovembre, d'inn ombrables infrac tions à la loi du m aximum . On s'en prenait à la cupidité des
paysa ns. Le 16 novembre, le directoire du distric t écrivait:
« Depui s la loi qui fix e le maximum des denrées et
marcha ndi ses de première nécessité, ils ont vidé tous nos
magasins. On pourrait m êm e les regarder comme des
accapa reurs. à l'avidité e t. empressem ent avec lesqu els il s ont
été dan s nos boutiqu es . Cependant, à cette époque, nos
marchés sont res tés dégarni s et nou s allons être obligés de
prendre de force les den r 'ées nécessaires à l'approvi sion
n em ent de notre ville. Les campagnes, jusqu'à ce m om ent
ont été seu les à p rofiter de la Révolution, san s rien faire pour
ell e, pend ant qu e les villes qu'elles semblent vouloir affam er
ne cessent de faire des !:'acrifi ces pour la cause de la liberté
et de l'égalité Il .
Les bouchers étaient da ns l'impossibilité de livrer la viand e
au prix de la taxe car, p a r une incon séqu ence de la loi , le
bétail sur pied devait s'ach eter de gré à g ré. Le commerce
deve nant impossible, bon n ombre de marchands ferm èrent
boutiqu e. Malg ré les. visites domicil iaires , le b eurre. le suif,
la ch and ell e, le savon , le sucre, objets de transac tions
clandestines, res taient inlrouvables .
La co rd e de bois était ta xée à 15 1. Les paysans con sentaient
à la céder il ce pri x) m ais ils exigea ient 9 à 101. p our le
transport en ville. A la fin d'octobre, le pain était en core à
3 s. la li vre (rro ment) e t 2 s, le seig le . Les boul angers n' y
trou vaient plu s leur com p te . On les autorisa à vendre deux
mois plus tard. on en vi endra au pain de l'égalité (trois
quarts de from ent. un quart de seigle) à 3 s. la livre.
Mais les bou la ngers ne tro uvaient plu s de grains. Le
Il décembre. l'administration départementale reconnaissait
que « les app rov isionn ements ne se font qu'avec une difficulté
extrême. Les abus se multiplient avec une rapidité qui nous
menace d'une di se LLe gé nérale» . Et le district de Qu imper
lui faisait écho, disant: « Ce n'est qu'à force de réqui sitions
que nous parvenons à assurer la subsistance des villes et
nous crai g nons bien d'être obl igés d'en venir aux moyens
violents. Les marchés de Quimper sont absolument déga rnis
de froment et de seigle, à peine y vient-il 7 à 8 boisseaux de
chaq ue espèce. L'avoin e seule y vient encore passablement ».
Les boulangers de Quimper, indépendamment des parti
culiers qui faisaient leur pâte (environ la moitié de la
population) consommaient plus de 500 quintaux ci e froment
ou de seigle par semaiu e Or dan s la clerni ère semaïne de
décembre , ces boulangers ne d isposaient plu s qu e de 185
quintaux. Le défi cit était de 300 quintaux et l'on craig nait la
famine ( 1 ).
Cette situation angoissante expliq uc la nervos i té et les
colères de la pop ulation quimpéroise. On sait qu'aux périodes
révolutionn aires, les appréhensions relatives aux subsistan ces
ont toujours été à l'origin e des mouvements violents.
LA. LEVÉE EN MASSE . - Aux diffi cultés de la réquisition
des denrées s'ajou tèrent celies de la levée en ma sse décrétée
par la Convention le 23 aoù t. Cette levée comprenait lous
les hommes vali.des de 18 à 25 ans, célibataires uu vtl1fs
sa ns enfants, environ 1.300 hommes po Ul' le di stri ct cl ont la
population n'atteignait pas 49 000 âmes . C'était , pour l'épo-
(i ) AM, Correspondance de la municip~lilé (fin reg. délib. i 786-89),
qu e, un e charge inouïe, triple de celle imposée au mois de
mars p écédent, lors de la levée des 300 .000 homm es.
Le rassemblement des recru es se fit sa ns enthousias me à
Quimper le 12 novembre, sous la direc tion d'un ag ent sp écial
du di strict, Pierre Porqui er. Ces j eunes gens furent casernés
pendant près d'un mois aux Capu cin s. à Saint -Joseph, à la
Betraite , couvents désalTectés situé~ aux abord s de la place
ac tu elle d e la Toul' d'A u Yerg ne. Le couvent des Ursuli
Des (partiellement occupé par la casern e actu ell e) n'était pas
enco re disponibl e. Les relig ieuses Ursulines s'étant sOllmises
à toutes les lois révolutionn aires avaient été autorisées à de meurer dans leur maison dans des conditions assez singu
lières . Elles tenaient un pensionnat et un e école publiqu e et
ne furent expul sées qu'à la fin de février [794, un an et demi
après la ferm eture de tou s les autres couvents.
Il y eut parmi les recru es bon nombre de réfra ctaires et
bientôt b eaucoup de déserteurs qui ne rallièrent leur bataillon
que contraints par des gendarmes ou des détachements de
cavalerie. Ln colère g rondait dans les campagnes au point
de faire craindre un e insurrection générale. Le di stri ct jugea
prud ent d'éloig ner au plu s lôt des cODscrits si peu diposés au
métier des arm es . Il ohtin t du représen tant Bréard de les faire
case rn er à Bres t à partir du 9 décembre, ce qui d'aill eurs n 'em- .
pêcha pas les désertions pendant q uelq ues semaines encore (1 J.
Remarquons en passan t que de 1791 à la fin de 1793, le
seul di strict de Quimper (889 km 2 et 48.600 âmes en 1790)
avait fourni a ux arm ées de la Révolution, armée navale com
pri se , 3 .1 00 h om mes , proportion très forte de 63 hommes pour
1, 000 âm es , alors qu e dan s l'en semble de la France, abstrac tion faile de la Vend ée, la moyenn e ne dépassa pa s36hommes
par 1.000 âmes . Ain si dan s l~ palm arès des sacrifices
( i ) AD. CO''I'espondance du district, 17 septembre, 4, 9 oeto _ bre,
Hi el 23 novembre.
consentis à la patrie, sous la Révolu tion comme à tou tes les
époques de notre hi stoire, ll otre Basse·Bretagne a toujours
tenu une place d'honneur.
LA DÉC HRISTIAN ISATIO:-1. Le mouvement anti-religie llX:
qui se propagea à Pari s en octobre el novembre fut attenti vement suivi par les clubs à Bres t, Landerneau, Morlaix,
Carhaix et Quimper. Dan s l'entourage du représentant
Bréard , il se consti tu a une éq uipe de « déchri stiani sa teurs Il
qui à l'instar de Pari s travaillèrent à détruire l'ancienne
religion comme on avait détruit l'ancienne royauté, à rem
placer le culte catholiqu e par le culte de la Haison . En Basse Bretagne, à l'excep tion de Brest et de Lori ent où les besoins
de la Marine avaient attiré une nombreuse colonie de déra
cinés. le nouveau culte ren contra peu d'adeptes.
A Quimper deux: hommes, d'ailleurs enn emis acharnés l'un
de l'autre. prétendai ent porter le coup suprême ail « despo
tisme sacerdota l ll. Guillaume Girard et Pierre Dago rn e.
Girard, vieux: démocrate, appartenait à l'école voltairi enne.
Dagorne, un n éophyte. « aristocrate retourné. protégé de Ca
lonne n, disait Girard, ralliait les convertis, les j eu nes, les
plu s exaltés.
A la Société populaire, séante à la chapelle du Collège, des
. orateurs véhéments électrisaient chaque soir les sa ns-cul ottes
des deux sexes, car les femmes éta ient admises dan s les tri
bunes. L'orateur attitré. spécia lisé dan s les prêches rll1ti-
clérica ux: était Girard. président du Comité révolutionnaire
et juge au tribunal nu distri ct.
La prédication laïque de Girard était d'ordinaire in sinuante
et doucereuse (1). 11 cherchait dan s les Evangiles les thèmes
t i ) Il est plaisant de voir cependant Dagorne dénoncer Girard pour
« la grossiéreté J e: son laugage, qU'ull lieu public mal nolé n'enlL-n, Jrait
pas S;ID S la plus ext" ême l' éi">ngnance ». Dagornp 1Ijou la « La Socil; l.j
populaire va se purger, mais il l'aul de la décence, parce que sans mœurs,
pas de répub licains et, sans républica ins, pa; Je Republi4ue » . AM ,
de ses homélies familières et, avec bonhomie, les accommo
nait au goùt de son auditoire « Mes rogations, dit-il modes
tement. firent le plus grand plaisir anx patriotes qui aiment
les bon nes prières et les prompts exaudi nos ».
Dan s un de ses di scou rs. intilnl é Prophéties des cagots
aristocrates. nous avons cueilli quelques phrases caracté risti
ques de sa manière. « Vous allez voir qu e la gu illotin e est aussi
ancienne que l'ari s t.ocrati e. Des saints de ra ce royale ont été
guil lotin és. Jea n ·Baptiste et Jacq ues . tous deux parents de
Jés us, l'ont été par ordre de deux tyrans de pareille race.
Holopherne l'a été par une femm e courageuse P . « Mais
pourquoi ne pas n ous dire qui a empêché Joseph et Marie, si
bons citoyens dans leur temps tout monarchique, d'appren
dre un métier à leur fils plus pauvre qu'eux ou au moins à
lire et écrire, première science nécessaire pour porter soit une
couronne soit une tiare ~)) (1).
Guillaume-Jacques Girard avait alors 65 ans, La profession
d'avocat, qu 'il excerçait depuis quarante ans, ne l'avait pas
enrichi. Il habitait avec sa femme et une servante dans une
petite maison qui lui appartenait au n° 616 de la rue du
Rossignol (aujoul'd'h tli ru e Saint-Mathieu, la deuxième
maison à J'est de la venelle de la Gaze). Ses revenus devaient
être bien modique~. car il ne payait que 9 1. de capitation
en 1790. alors que 20 cie ses confrères du barreau de Quimper
pa)'aien t plus de 25 1. (2).
Girard avait au moins trois fils, L'aîné, Guillaume-Pierre,
également avocat et montagnard fut juré au tribunal révolu
tionnaire de Brest; les dp.ux cadets étaient aux armées .
Girard est certes le Quimpérois qui a le plus travaillé à
répandre en Cornouaille les id ées nouvelles et la philosophie
du xvm
siècle. Longtemps avant la Hévollltion. l'adminis
trati on de l'ancien régime l'accusait de pousser les paysans à
(1) Arch. nationales, AOxVI 36, imprimé in·8°, 8 p. , 7 ventose II.
ia r~voite, parce qn'il demandait la réforme-o u la suppression
du domaine congéable. mode de ten ure al ors universel en notre
région et dont les paysans se plaignaient amèremen t depui s
des siècles. En 1774. il publia un Traité des usements ruraux
de Basse- Bretagne, qui lui valut une certain e popularité
parmi les domaniers.
Après a voir été destitué et incarcéré par Hérault et Le Clerc,
Girard écrivit à Jeanbon Saint-André : « Girard père, quinze
ans avant la Révolution, a osé combattre tous les abu s qu'elle
a détruits. Le franc-fief. le partage noble, les droits féodaux
et surtout les domaines congéables sont les abu s contre
lesq uels il a tra vaillé toute sa vie. Enfin notre heureuse Révo lution es t pour ain si dire pour lui un e victoire, qu'il a
remportée en voyant réaliser par elle ses prin cipes .
Il Ami du genre humain, parfa itement honn ête homme, il
était né vraiment républi cain; au ssi l'a-t-il démontré avec la
plu s g rand e énergie. C'es t lui qui s'est m ontré à Quimper le
premier ami de Marat, le premier défenseur d es braves
Montagnards . C'est lui qui a lutté avec courage contl'e les
administrateurs fédérali stes du Fini stère et qui a constam
ment éclairé le peuple de Quimper égaré et prévenu contre la
sainte Montag ne par les faux patriotes .
« C'est le ci toyen Gira rd qui , à la Fédération du 10 aoû t
dernier à Quimper , a osé, seul avec le citoyen Bontibonne,
c rier: Vive la Montag ne! sans qu e ce cri fût répété par
personne, mais au contraire plaisanté et ridi culisé par les
administrateurs fédéralistes.
« C'est cependant ce brave rép ublicain que des délégu és
mau vais suj ets. peut-être m ême con tre-révolu tionnaires
comme Dagorne. ont osé peindre au représentant Bréard
comme un fanatique. comme un ami des prêtres et des reli
gieuses, lui qui toute sa vie n'a fait que les ridi culiser » (I ).
Voilà Girard peint par lui-même, tel qu'il vouiait paraitre
aux yeux de J eanbon. C'est une apologie que l'on peut
pardonner a un homm e qui a bea ucoup souffert pour ses
opinions. Persécllté sous l'ancien régime , emprisonné tour à
tour par les Hébertistes et les modéranti sles, pelaudé de lout es
main s, Girard devint un maniaque.
Réforma teu l' uni versel. il dissertait de omni re scibili. redi
geait mémoire sU[ mémoire pour éclairer les administrateurs.
les députés, les ministres , Robespierre surtout. En l'~n VI
encore. il disait naïvement: (, Il n'est pas de ministre qui ne
puisse a ttester mon constan t travail. Nos aristos en convien
nen t indil'ectement en qu alifiant tou s mes mémoires d'illu s tres folies ,) .
Jaco bin , mont agnard et an ticlérica l, Girard ne versa pas
dans le sans-culotti sme, dont il eut d'ailJeur~ à souffrir. Hon nête homm e au se ns où on l'entendait sous l'ancien régime,
c'est -à-dire homme de bonn e éd ucation, les manières
débraillées et grossières lui répugnaient, Quand il fnt de
nouveau in ca rcéré en l'an Ill, on trouva dans ses papiers, à
côté d'un mémoire à Robespierre, un discours contre le sans
culottisme.
Malgré son anticléricalisme, il n'est pas certain que Girard
ait approuvé le brùlis des saints, Il est même probable qu'il
condamna ce projet, non seulement comme illégal et inoppor
tun, mais encore comme contre- révolutionnaire parce que
Dagorne en avait pris l'initiative et que tout ce qui venait de
cel a ristocrate en bonnet rouge lui paraissait suspect,
Ces - deux homm es ne se rencontraient que sur le terrain de
la propagand e anti· religieu se ; l'un en disciple de Voltaire,
l'autre en imitateur du Père Duchesne. Au ssi le brûlis des
saints ne réconcilia-l-il pas les deux rivaux; le 15 décembre
le ponlife Dagorne fera emprisonner le patriarche Girard.
L ES MÉF AlTS DES DÉLÉGUÉS DE BRÉARD. - A Brest, des
clubistes au passé douleux, pour la plupart étrangers au
département, avaient surpris la confiance de Bréard. Le
représentant, circonvenu par des intrigants, leur confia à
maintes reprises des missions mal définies. Ces jeunes tyran
neaux:. dont la place eût été aux: frontieres se présentaient
dans les districts en missi dominici. commettilnt d'intolérables
abus de pouvoir, semant sur leur passage l'anarchie.
Le 2 l novembre, Hérault et Le Clerc -allèrent à Landerneau
épurer le Comité de surveillance, bon teint cependant puisque
Leissègues et Davon administrateurs du département y figu
raient. Pou r mon trer le peu de cas qu'ils faisaient des premiers
magistrats du département, ils écartèrent de la Société popu
laire tous les membres de la Commission administrative du
Finistère.
Outre Hérault et Le Clerc, il y en eut bien d'autres. A
Morlaix:, le 3 décembre, les délégués Cuny, Colinet, Héries et
Garnier, formant une soi-disant «( commision de recherches
de salut public II terrorisèrent la ville sans motif plausible et
désorganisèrent les autorités constituées. A la même époque,
les commissaires Roxlo et Le Nôtre opéraient avec le même
sans-gêne à Carhaix:.
Courageusement, la Commission administrative du dépar
tement. dénonça les méfaits de ces énergumènes. Le 7 décem
bre, au moment où Hérault et Le Clerc préludaient aux
saturnales quimpéroises, elle écrivit à Bréard :
« Notre impuissance [à bien administrer) il faut le dire,
vient de toi ou plutôt des nombreux délégués qui agissen t
en ton nom dans l'étendue de notre ressort. Cette multitude
de commissaires qui se prétendent revêtus de la plénitude
de tes pouvoirs, qui organisent et destituent les administra
tions secondaires, dont enfin nous ne connaissons pour la
plupart ni la mission, ni les opémtions . mettent, faute d'en
semble et de concel't avec nous. des entraves invincibles au
mouvement uniforme et rapide que nous voudrions imprimer
« Les autorités constituées, entourées, harcelées de toùtes
parts ,par des commissaires qui agissent en vertu de pouvoirs
supérieurs aux nôtres, oublient les tâches essentielles que
nous leur imposons, s'embarrassent dans les mesures contra
dictoires qu'on leur commande et les lois restent sans
execuhon.
(( Enfin, nous te prions de réfléchir qu'il est peut-être
imprudent et souvent dangereux de confier de grands pou
voirs ~'· des hommes qui n'ont pas pour eux l'avantage même
d'en avoir exercé de moindres avec succès )).
Ces observations sages et clairvoyantes ' n'eurent pas le
don de plairè à Bréard qui fit la sourde oreille. En désespoir
de cause, les mêmes administrateurs s'adressèrent, le
JO déçembre, à Prieur de la Marne alors à la poursuite des
Vendéens. « Une multitude de commissaires, revêtus des
pouvoirs de Bréard, parcourent le département et, faute de concert dans leurs opérations, portent, sans le vouloir san's
doute, mais enfin porten t le trouble et le désordre dans toutes
les parties de l'administration et ne se donnent même pas le
soin de communiquer avec les autorités constituées ni
d,'exhiber leurs pouvoirs ») (1).
DAGORNE ET MONTAGNE. Deux hommes à Quimper pel'
sonnifièrent l'hébertisme le plus grossier et le plus violent,
Dagorne et Montagne, l'un fonctionnaire, l'autre ouvrier.
Dagorne surtout fut le mauvais génie de la bande. Instruit,
autoritaire et pervers, il exerça une ' influeI)ce funeste sur les
terroristes quimpérois, sur les délégués Hérault et Le Clerc
eux-mêmes dociles 'à suivre ses suggestions.
Pierre-René-Félix Dagorne; né à Rennes en 1758, était
contrôleur- des domaines à Lesneven eri 1789, puis à Brest
en 1790. Député de la garde n~tionale à la Fédération pari-
(i) AD, 7 L 1.0 *, Commission administrative, correspondance, i 7 et "
sîenne de 1790, il fut pourvu, le '18 juillet 1791, de l'emploi
d'inspect, eur des domain es et de receveur principal à Quimper.
'11 prêta serm ent devant le tribunal du district de Quimper,
le 2 avril 1792.
En 1793, à p eine âgé de 34 ans, Dagorn e habitait Quimper,
ru e Keréon. Il avait épousé Elisabeth Minay dont il eut un
fil s, Henri- Louis-Félicité, n é à Quimper le [ e
septembre '793.
Nous ne sa vo ns si l'enfa,nt fut baptisé. L'a cte de naissan ce
fut dressé en présence de Louis Lesné, receveur des dom aines,
gendre et bea u-frère d 'émig rés et de deux femmes, Marguerite
de Lan negrie, épou se Conan, et Jeanne Marquer, m"rchande
,de tabac et d' épi ceri e, ru e Keréon. (1)
Au déLut de 1792, Dagorne passait encore pour un aristo-
crate ol ,1 tré. Au témoig nage de l'abbé Sérando,ur, vicaire
épiscopal, il se fl attait, en 1787 , d' être un pro tégé de M. de
Calonne. Spn appa rente co n.version ava it coïncidé avec la
chu le de la Gironde.
Après le coup d 'Eta t du 2 jnin 1793, il salua avec enthou
sias me l'aurore de la Montagne. Le plébiscite sur la consti-
tution montagnarde ayant été différé p ar l'administration
fédéraliste du Finistère, il adressa individuellem ent à la
Con venti on son vo te cl adhési. 'Il. Pour qu e sa lettre n e pût
être iuterceptée à Quimper,' il l 'a fit m ettre à la poste à
Qui mperlé .
· Dès lors il trav, a illa à la perte des administrateurs accusés
de fédérali sme et CO Il CO Ul'Ut à la . recherche des députés
fu gitifs. Ayant reç u , en octob re, la mi ssio n de contrôler les
comp tes des admini stra ti ons, il se présenta p artout dans
l'at ti tude d'u n .i nquisiteur a rrogant, plu s soucieux: de terro riser ses ad versa i l'es pol ttiq ues qu e d e con stater leu rs dilapi
da lio ns ; on , ne sa vait . pas .en core qu.'il étaü lui-même
co u pa ble de mal versa.tions:'.A Quimperlé, l'ancien maire
(1) AM , Etat civil 1793.
,Bienvenn et ·]'ex-bénédi ctiu DJ\'cau , alors maire, eurent
particulièremen t à se pl"aindre de ses manières impé"ri euses
et insolentes. Après une scène orage use, Dagorn e 'les menaça
de sa vengea nce, Les quitta nt, il leur dit d'un to n n'l)'stérieux,
pa rodiant la prophétie de Jo nas : adhuc decem dies .. , ( 1)
Bréard le savait intrigant, menteur et ivrogne, :Héraultet
Le Clerc, p eu scrupuleux cep endant, 'éprouvèrent d'abord
quelqu e r épu g na nce à s'assoCier à un tel '"individu; ils
finirent toutefois par se laisser circonvenir:
Montagne, de son vrai nom François Le Roy fil s , fut le
plu s illLl stre des terroristes quimpérois . Agé de 33 an s ,
comme Dagorn e, ferblantier de professio n, il était en 1793
veuf et p ère de quatre enfants. En 1790, il dem eurait" au
n ° 96 de la ru e Kéréon, près la place Médard. et pa)'ait une
capitation de 2 1. 5 s .. jus te s uffi sante 'pour être ran gé au
nombre des citoyens actifs . Son père, Pierre Le l'toy, ferblan
tier rue Obscu re n° 276 (près la vieille prison) lui avait fait
donner une bonne in stru ction , supérieure à cell e de la plupart
des ouvriers de sa condition , a u point peut- être d'en faire un e
sorte de déclassé (2 ).
Le Roy fils j ouissa it d' une certaine con sidéra tion dan s' son
quartier ca r en octobre [789 il était dépu té de la paroisse de
Saint-Julien a u Comité p erma nent de la ville ,Sa sœur
aînée, Marie-Thérèse, était fa ctrice dan s un rnagasind e la ru e
Keréon. U ne autre de ses sœurs, marchande de biscuits et
de pâ tisserie, a vait épousé François Laperrière, c loutier l'LI e
Mescloaguen . '
Le 28 août 1792 . Le Déan étant maire, le Conseil général
de la commune d e Quimper nomma Fra nçois Le Ro)'
(i ) Arch, riiunicipales de' Quim perlé. clélib . ti octobre 93 et '3 ven-
tôse an'Il '(2ifévrier1794,): ' ' , . '
(2) AD, C 60., capitation de Quimper i 790 . . .
. h ' ~O 'IL , '
eencierge de la maison J'arrêl, « ce citoyen tr~s honnête,
.très sage, ayant la fermeté que peut exiger la surveillance de
cette maison » (I). .
Le 16 octobre 93, Marc-Antoine Jullien nomma Le Roy
membre du Comité de surveillance et,le lendemain. membre
du Conseil du district. Comme Le Roy s'excusait de porter
un nom qui rappelait l'ancien régime abhorré, Jullien le
nomma Montagne. L'exemple fut contagieux et, le lendemain,
Jullien dut procéder à de nouveaux baptêmes civiques Un
autre Le Roy (Claude-François), chirurgien militaire, vint
abjurer son nom et prendre celui de Liberté. Séance tenante,
ce Le Roy, un peu brouillé avec l'orthographe, signa brave
men t Libertée 12). Trois citoyennes . appelées Chevalier,
Le Baron et Louise. « voulant abjurer des noms qui retracent
des titres abolis de l'ancienne noblesse ou qui rappellent le
dernier de nos tyrans Il prirent les noms de Victoire Nationale,
Liberté Républicaine et Aimée Liberté .
Pendant quelques mois, Montagne fut le personnage le
plus puissant de Quimper, cumulant au moins trois fonctions
redoutables et en principe incompatibles, celles de membre
du Conseil de district. membre du Comité révolutionnaire et
geôlier de la maison d'arrêt, les deux dernières étant rétri-
buées, la première donnant lieu parfois à des indemnités
fort appréciables.
Dagorne et Mon Lagne ne furent pas les seuls terroristes
quimpérois. Il y en eut au moins une douzaine d'autres qui
acquirent en J'an Il une certaine notoriété. Nous en
nommons quelques - Llns au cours de ce récit, mais nous en
parlerons plus longuement dans une prochaine étude sur
Quimper pr.ndant la Terreur.
HÉRAULT ET LE CLERC A QUIMPER.-
(i) AM, Délib. Conseil général, 28 aoftt 1792.
(2) AM, Reg. des arrêtés du Bureau municipal.
qualifiait de « commissaire du Comité de Salut public de la
Convention nationale ", avait été envoyé en Bretagne, au mois
de septembre, pour rechercher les députés girondins
fugitifs. Dans cette mission, il avait été adjoint à Royou-
Guermeur. Le représentant Bréard le prit à son' service,
ainsi que Le Clerc, sous-lieutenant des troupes de la Marine.
Hérault et Le Clerc se distinguèrent parmi les plus violents
meneurs du club des sans-culottes brestois (1). :'
Dagorne, chargé par les représentants de vérifier lés
comptes de gestion des biens nationaux dans les diver~
districts, avait eu l'occasion de rencontrer les deux clubistes
dont il admirait le zèle bébertiste. Il les invita à venir
régénérer les autorités quimpéroises restées aux mains des
modérantistes. Sans doute. il fallait un prétextl'l à ceLLe
épuration, un motif à l'intervention de Bréard ou plutôt de
ses délégnés. Dagorne se chargea de trouver ce prétexte.
Il chercha une querelle d'allemand au Comité de surveillance
de Quimper, l'accusa de protéger des suspects comme le
ci-devant Tardy, inspecteur des douanes.
Girard et Charuel, particulièrement visés par la dénon
ciation de Dagorne, firent b onne contenance: Dagorne
n'avait pas à s'immiscer dans leurs attributions de police et
de sûreté, à moins d'exhiber préalablement un ordre formel
du représentant Bréard. Convaincu d'imposture. l'astucieux
Dagorne ne renonça pas pour si peu à s'a manœuvre perdide.
Il écrivit à Hérault que le CoIilité révolutionnaire de
Quimper mettait des entraves à sa mission. l'avait menacé
d'arrestation et ' que déjà le même Comité lui avait fait
manquer une mission importante et secrète. Hérault laissa
croire à Bréard que l'arrestation de Dagorne était un fait
accompli (:1) .
(i) - LevoI, Brest pendant la Terreur, p. li 1.
(2) AÙ. Reg. I. du Comité de surveillance de Quimper, 3-
Le 30 novembre, Brénrd envoya Hérault et Le Clerc en
mission à · Quimper, avec ordre de « demander compte au
Comité de sn rveillance des rai so ns qui l'ont porté à mettre en
état d'arrestation Dagorn e, chargé d'uue mission secrète
et importanle. Les dits émissaires sont autorisés à prendre
vers les membres composant le Comité de surveillance les
mesures qu'ils croiront convenables. Les autorités civiles et
militaires sont req uises sous le1J[ responsabilité individuelle
de déférer aux réquisition s qui pourront leur être faites
par eux» (1).
Dagorne triomphait. De concert avec son acolyte Montagne.
il allait diriger l'épuration des autorités dans un sens
hébertiste . . régénérer la ville et assouvir ses vengeances
personnelles,
A L'AUBERGE DU LION D'OR (ANCIEN EVÊCHÉ). - Hérault .et
Le Clerc arri vèren t à Qu imper le 2 décembre . . A près . avoir
notifié à la municipalité les pouvoirs dont ils élaient
porteu l'S, ils s'in stallèren t à l'a u berge du Lion d'Or, c'est-à-
dire à l'anci en évêché. Le Lion d'Or était. au dire de Cambry
qui y prit pension, une des plus belles et des plus
confortables ail berges d e la Bretagne. Jacq ues Borinaire,
acquéreur de ce bien national, à vil prix, y avait transporté
son enseigne. « On y recevait les étrangers dans des
appartements vasles, propres, bien éclairés, meublés avec
rechercJ1e )J . (2) Les délégués de Bréard y furent reçus en
hôtes de marque.
Le Lion d'Or fu t pendant un mois le foyer du terrorisme.
Les plaintes et surtout les dénonciations y affiuaient de tous
les coins du district. Chaque soir. après un copieux souper,
on y élaborait le programme du lendemain et l'on distribuait
(1) AM. lleg. des arrêlés du Bureau municipal, 12 frimaire an II
(2 décembre 1793). .
les rôles. Pierre Porquier, marchand de vin, rue Orfèvre, qlli
assista à l'une de èes soirées et qùi eut plus tard à s'en
disculper, nous a laissé une relation fidèle d'un de ce's
conciliabules nocturnes (2). Dagorne,
bonne, Raoulin, Lhotte typogt'aphe,
Montagne, Bou ti
Eulriet bOllcher,
Laurençot, capitaine des douanes, les plus assidus à ces
séances, passaient pour les confidents et les intimes
con seillers des délégués. Ceux-là pa rticipaien t au x déli bé-
rations secrètes; d'autres, simples agents d'exécution, ne
venaient que lorsqu'ils étaient · appelés pour recevoir des
ordres ou des instructions.
Huit jours se passèrent en démêlés avec le Comité de
surveillance. Hérault et Le Clerc avaient affaire à forte partie.
Girard, Charuel et Desnos, procéduriers retors, s'étaient
tenus sur leur garde et l'on ne trouvait contre eux . aUClln
grief précis. On ne pouvait décidément les accuser de ;modé-
rantisme, ils avaient donné trop de gages de I.eut' .foi
montagnarde. On ajourna donc la destitu tion du . Comité
Girard.
Onpensa d'ailleurs qu'une tâche plus urgente .s'imposait
aux sans-culottes. N'était-ce pas un scandale qu'il y eût
encore à Quimper des prêtres à proscrire, des églises à
fermer ~ Depuis lc 10 novembre, Notre-Dame .,de Paris était
devenue temple de la Raison; depuis le 23 novembre, t01,]te8
les églises de la capitale éta ient fermées au culte catholique.
Certes, la commune de Quimper {( élevée maintenant à la
hauteur de la Sainte Montagne» devait suivre l'exemple de
Pariset anéantir enfin jusqu'aux moindres vestiges du
fanatisme. C'était l'idée fixe de Dagorne; il en poursuivait
avec acharnement la réalisation. Delenda Carlhago répétait-il
à ceux de ses confidents qui entendaient le latin. Désormais,
il dirait son programme en langage clair : saisir tou te
(l) AD, 1.0 L 136, U mai 1795 (25 floréal an III).
l'argenterie servant 'enè6i>è au culte, incarcérer tous les
prêtres, fermer toutes leS ' églises, brûler tous les saints,
Pour cette 'grande manifestation ' d'athéisme, une occasion
solennelle se présentait, le I:l décembre, jour de la fête de
saint Corentin, pafron de la ville et de la Cornouaille, .
L' OCCASroN SOLENNELLE: FÊTE ET FOIRE DE SAINT CORENTIN. -
' P~ur mesurer l'étend~e du scandale causé par l'autodafé des
sàints, il faut savoir en quelle vénération les Quimpérois
tenaient saint Corentin, prot :lcteur de la ville et du diocèse.
Lors des grandes calamités publiques, après avoir éprouvé
tous les remèdes, on recourait à saint Corentin. Les reliques
conservées dans une châsse d'argent, au-dessus du Jubé de
la ca thédrale, étaien t descendues et portées en procession
solennelle à travers la ville. Cette tradition avait survécu aux
sarcasmes des philosophes.
Le dimanche :l8 août 1768. non pas sur l'initiative. du
clergé ni d'un peuple superstitieux, mais à la demande de
bourgeois riches et instruits, la Communauté de ville prit
une délibération officielle: « La Communauté touchée des
malheurs dont le peuple est menacé par la continuité des
pluies qui font germer et pourrir les blés sur les champs a
arrêté de prier le Révérend Evêque et Messieurs du Chapitre
de faire descendre incessamment le bras de saint Corentin
pour, par son intercession, solliciter et implorer la miséricorde
de Dieu de nous accorder un temps favorable pour sauver
les moissons)) (1).
La fête de saint Corentin. célébrée de temps immémorial
le I:l décembre, attirait à Quimper une foule de pèlerins.
La foire du lendemain , dite grande foire de Saint-Corentin
(foar-Gorentin-vI'as) et aussi foire des gages (Joar ar
houmananchou), était, après celle de la mi-avril, la plus
importante de l'année. Pendanl ces deux jours, l'ailluence
était telle à Quimper qu'elle nécessitait des mesures ex· cep
tionneHes de police. On en jugera par les dispositions prises
à cet égard en 1789. Cette année-là, le 13 décembre tombant
un dimanche, la foire fut remise au lendemain) 4.
Le Comité permanent (remplaçant la Communauté de ville
depuis la révolution municipale) :
(t Considérant que les fête et foire de Saint Corentin ras
sembleront une nombreuse population extraordinaire des
campagnes dans la ville pendant les II,12 ,' 13 et 14 décem
bre, ce qui pourrait occasionner des troubles, des rixes entre
les ivrognes et troubler l"ordre et la tranquillité publique et
jugeant qu'il est de sa sagesse et de sa prudence de prendre
les précautions d'usage pour prévenir de pareils désordres;
{( A arrêté que les gardes et patrouilles seront doublées et
ces dernières multipliées de jour et de nuit dans la ville et
les faubourgs et que l'officier major de semaine serait prévenu
de faire commander en conséquence le double de bas-officiers
et soldats de la milice nationale pendant les quatre jours
indiqués ci-dessus;
« A arrêté de plus que M. de Vaudricourt, major com
mandant le régiment de Rouergue, serait également prié et
requis de doubler sa garde pendclllt les mêmes jours. Pareille
invitation sera aussi faite à M. de Pompery poUl' que la
brigade de maréchaus· sée qu'il commande maintienne l'ordre
et la tranquillité publique et redouble de surveillance pen
dant ces quatre jours » (1).
LES OBJETS OU CULTE. Déjà les églises avaient été
dépossédées d'une partie de leur argenterie et de leurs
-cloches. Les décrets de la Constituante (29 septembre 1789)
et de la Législative (10 septembre 179::1) avait envoyé à la
Monnaie l'argenterie des églises non indispensable à la
célébration du culte. Le décret de la Convention du
22 juillet 1793 ordonnait de fondre en canons les cloches, en
n'en laissant qu'une dans chaque parois:se ou succursale.
Au cours de l'automne l793, la confiscation de l'argenterie
au profit de la Nation devint une règle pour les sans-culottes.
En général, les fidèles s'opposèren t à cette confiscation.
Malgré les terribles santions encourues par les recéleurs,
beaucoup d'objets précieux, cachés pendant la tourmente,
ne furent rendus aux paroisses qu'à la restauration du culLe .
Ainsi ont été conservés, çà et là, quelques chefs-d'œuv re
d'orfèv rerie auj ourd'hui classés parmi les monuments histo-
l'lques.
Lll loi du 22 juillet 93, relative à la réquisition des cloches,
cuivre, étain, fers, plomb etc .. des églises, chapelles et
édifices na tionaux fut difficilement appliquée. Dans les
campagnes, , lcs officiers municipaux s'ingénièrent à en
éluder les prescriptions; la main-d'œuvre locale aussi se
déroba . Pour remédier à cette force d'inertie, le 2 décembre
(l2 frim aire an II), le district de Quimperinstitlla des équipes
spécialisées dans cette besogne.
« Considérant que les agents qui seront employés dans
l'enlèvement des métaux existant dans les différents
domaines nationaux et à la descente des cloches pourraien t
courir des risques, qu'il leur sera d'ailleurs très difficile de
de se procurer des subsistances et des logements dans les
campagnes; arrête que les ouvriers en chef pour ces
expéditions seront payés à 10 1. par jour, les ouvriers à
6 1. et le détachement de gendarmerie chargé de protéger
leurs opération s à 7 1. , pa rce que les uns et les autres
pourvoiront, comme ils le jugeront convenable, à leUr
su bsistance et logemen t 0 ( 1) ,
Dès lors, cloches et métaux affluèrent chaque jour à
Qllimper. Le tout fllt transporlé à Brest, au début de 1794 .
Il arriva - qu'un certain nombre de cloches, demeurées
inutilisées -dan s l'arsenal, furent plu s tard restituées aux
paroisses qui les réclam èrent
L'AUUÊTÉ ' ICONOCLASTE, Les mesures relatives à la
suppression du culte avaient été arrêtées par les meneurs
dès le 9 décembre. Mais on pensa qu'il convenait de leur
donner une apparence de'légalité ou du moins de les mettre
au compte du peuple, censé souverain, en les faisant adopter
par la Société populaire ,et par la municipalité. Il y ava it
uu double avalltage' à cette procédure: on affectait de' rendre
hommage à la souveraineté du peuple et l'on se déchargeait
d'une responsabilité éventuelle. Et, de fait, Dagorne
invoquera cet argument quand on lui demandera compte de
ses exploits C'est ainsi que le lO on demanda l'adhésion
de la Société populaire et le 1 l, celle ' du Conseil général
de la commune spécialement convoqué.
Le Conseil siégea sous la présidence du maire Debon
assisté du procureur de l, a ,commune Nicolas Le Gendre,
en ,présence. c'est-à·dire sous la pression de Hérault,
Le Clerc et des membres du club, A v~ai dire, il n'y eut
point de débat. Un , membre, préalablement stylé, lut un
projet de délibération; il ne s'agissait que de l'.entériner.
Quelques mains se levèrent et le vote fut considéré comme
acquis , Nous verrons qu'au fond la majorité du Conseil était
hostile aux mesures proposées; elle ne les vota que par
con train le .
Le maire et cinq membres du Conseil qui seront
bientôt incarcérés - eurent même le courage « de remontrer
à ces hommes furieux contre des stalues et des tableaux que
les démarches qu'ils projetaient étaient, en ,ce moment,
inconsidérées et que le peuple fanatique du Finistère n'était
point encore assez éclairé pour supporter, de sang-froid, le
prE3jugés l'attachaient; qu'on pouvait les ôter de sa vlie sans
tout l'étalage qu'on y meLtait;. que d'ailleurs une raison, qui
devait avoir plus de poids sur leurs démarches, était que
parmi les objets dont on se proposait de faire un incendie
plusieurs pouvaient être vendus au profit de la Républi
que » (1 ).
L'institution du calendrier républicain (5 octobre
:l4 novembre) avait supprimé les dimanches et jours fériés
remplacés par le decadi , La fête de Saint-Corentin tombant
un duodi se trouvait proscrite parle nouveau calendrier. Sur
ce point, le Conseil se borna il enjoindre au bureau muni
cipal de tenir la main il l'exécution de la loi.
L'arrêté municipal du :lI frimaire an II (II décembre)
était ainsi conçu;
« Sur la demande faite par les citoyens Hérault et Le Clerc
et appuyée ·par les, Montagnards composant la Société popu
laire nouvellement régénérée et d'après l'exposé fait par un
membre;
({ Le Conseil général de la commune,
(( Considérant que la Raison et la Vérité doivent enfin
reprendre leur empire; qu'un peuple libre et éclairé doit
proscrire il jamais les prêtres, ces hommes qui en imposent
depuis 1500 ans; qu 'il est temps de placer l'autel de la
Liberté sur celui du fanalisme el d'anéantir jusqu'aux moin
dres vestiges de ces statues qui souillent encore nos bâti
ments nationaux;
« Considérant que le nom .de Quimper-Corentin ne peut
convenir il une commune montagnarde et élevée il la hauteur
des circonstances;
« Par ces motifs, et le procureur de la commune entendu
en ses conclusions, a arrêté ce qui suit;
(i) Rapport rle l'accusateur Donzé-Verteuil, citr. dans !llotifs d'arres
tation et réfutations du citoyen Pierre Dagorne, Brest, Gaucblet, in-8",
« 1° Dès demain, les prêl-res cesseront leurs fonctions pu
bliques ;
« 2° Le même jour, il sera dressé un bflcher sur le Champ
de la Fédération où seront livrées aux tlammes toutes les
effigies qui se trouven.t encore dans les ci-devant églises et
chapelles;
Q 3° La commune portera désormais le nom de Montagne
sur-Odet.
(c Le Conseil a ensuite arrêté de faire un inventaire de l'ar
genterie qui existe encore dans les ci-devant églises et chapelles
et de demander l'autorisation de l'échanger ou de la vendre.
Le citoyen Elly est désigné pour celle opération » (1).
Le ci toyen Jean-François Elly, dont il est ici question,
était perruquier et sa femme marchande épicière, place de la
Nation aujourd'hui place Terre-au-Duc. Il avait alors 44 ans,
jouissait d'une certaine aisance car en 1790, au moment oû
il fu t élu premier notable, il payait une capitation de 18 l.,
supérieure à celle des vingt autres perrnquiers:
LE SAC DES ÉGLISES. Le sac des églises avait commencé
le mercredi II décembre au matin, antérieurement à l'arrêté
du Conseil général de la commune pris dans l'après-midi du
même jour, ce qui prouve que cette délibération fut de pure
forme. Cela résulte du témoignage d'un des collaborateurs
du pillage, réclamant un salaire pour son travail. En effet,
Charles Maréchal, charretier rue Sainte-Catherine, n° 438,
muni d'un certificat de Raoulin, déclal'a a voir employé « deux
journées de charroi au transport des saints des différentes
églises sur le Champ-de-Bataille pour y être brûlés » (:2).
Dagorne avait ordonn& le charroi et promis de payer. En
l'absence de Dagorne, Maréchal se retournera vers la muni-
(1) AM, Reg. délib. du Conseil général, 21 frimaire an II (11 dé
c. embre 4.793).
(2) Ibid. 28 nivôse an Il (17 janvier i794,).
cipalité qui, le '17 janvier 1794, le déboutera de sa demande
«. sa uf le recou rs de Maréchal vers Dagorne ».
Maréchal tenait l'auberge de La Croix d'Or, rue Sainte-
, Catherine; il était aussi marchand de bois. Tl paraît avoir été
quelque temps le charretier attitré de l'administration. En
1792, il fut chargé de transporter il Quimper le mobilier saisi
chez Alain Nédélec, l'ex-juge de paix révolté de Fouesnant.
Pendant deux jours, sous la conduite de Dagorne, des
équipes de manœuvres et de gardes nationaux avinés, armés
de haches, de masses et de leviers visitèren t toutes les
églises et chapelles pou r y détruire c( les pagodes prétendues
sacrées ». Des soldats d'un bataillon de volontaires du Loir
et-Cher, alors en garnison à Quimper, furent aussi occupés
à cette besogne, A la fin de la journée, on leur distribua de
l'argent, parce gue, disait Dagorne, « il fallait encourager
ces militaires qui allaient bien )). On ne saurait dire tous les
actes de vandalisme alors perpétrés, car sur les. lieu x il ne se
trouva personne pour en dresser inventaire.
Dans la cathédrale,' les tombeaux des évêques furent ren
versés, brisés et leurs ossements jetés hors de l'église. Les
statues, mutilées, décapitées, ,les stalles, les confessionnaux
mis en pièces jonchaient le sol. Les arm,oiries et les figures
des vitraux volèrent en éclats. Les tableaux', dont quelques
chefs-d'œuvre de la peinture, furent lacérés. C'était une
fureur iconoclaste, telle qu'on n'en avait pas vue depuis ' les
guerres de : religion. ' On ' ne s'arrêtait que pour échanger
quelques plaisanteries grossières et pour boire. Pour se
donner du cœur à l'ouvrage, on' buvait dans des calices et
ciboires et l'on se frottait les bottes avec les saintes huiles (1).
Tandis que les blocs désormais informes de Kersanton, de
marbre ou d'albâtre restaient ' sur place, les métaux étaient
(i) Cf. ci-dessous la leUre de Jullien au Comité de Salut public,
récupérés pour la fonle. Au dire de Dagorne, qui s'en fit un
mérite, « la chapelle dite de la Vierge devint le dépôt de tous
les ohj ets dont on pouvait tirer parti et le patriote Bern ay,
membre du Conseil de la commun e, présent, fut chargé de
la cl ef )) . La chapelle dont il es t qu es tion était celle de Notre Darne de la Victoire qui forme l'ahside de la cathédrale.
A cette époqu e, elle était fermée par une belle grille en chêne
sculplé du XVU
siècle. Tou t le reste, plu s ou moins combu s tibl e, fut porté au bûcher. La cathédrale fut le théâtre
principal mais non pa s unique de ces beaux exploits.
L'égli se de Saint-Ma lhieu, celle. de Locmaria et toutes les
chapelles, même celles qui étaient devenues propriétés privées
comme l'église des Cord eliers, durent fournir leur contingent
de « pagodes )J . La statu e de No tre-Dame de Locm aria,
Œuvre du xv· siècle, fut brisée en deux tronçons r ecueillis
par M m - de La Hubaudière, la statue a été depuis restaurée.
Ça et là, g râce à d'heureux hasards. à de pieux larcin s, à
des ru ses de bonn e guerre, quelques objets échappèrent au
vand alisme.
Dans la chapelle du Penit y , un bel Ecce-homo de 6 pieds
et qu elques s tatues en bois peint et doré restèrent en place
p arce q u'ils se trouvaient dans le tran sept droit converti en
poudrière close de toutes parts. Une vierge noire de Notre Dame du Gu éodet di sparut comme par enchantement et bien
à propos, la veille du brûlis ; elle orne encore aujou rd'hui la
chapelle du Lycée.
Le LO décembre, Daniel Sergent, menuisier ru e Neu ve. et
Dominique M ougea t, sous-di acre, transportèrent de nuit les
reliqu es de Saint Corentin chez Yves-Claude Vid al, curé
.d'Ergué-Armel. Deux ans plu s tard , le Il décembre 1795, un
procès-verbal authentique constatera leur transfert à la
cathédrale (1). .
Daniel Sergent était propriétaire de la maison qu'il habitait
au n° 465 de la rue Neuve (côté Nord, à environ 44 mèt.res de
la rue Sainte-Catherine). Cette maison . avait appartenu a
l'abbaye de Kerlot. -Sergent l'avait acquise, le [9 février 179[,
quand elle fut vendu e comme bien national. Sergent avait
épousé Marie-Françoise Renault. Il était patriote en 1789,
jacobin en 1792 . En 89, il représenta le faubourg de la rue
Neuve au Comité perman ent de ville. Le 1 8 décembre 92, il
lui naquit un e fille qui eut pour parrain François-Hyacinthe
Le Goazre, ancien maire, alors membre du directoire du
département.
On sait par quelle supercherie le peintre Valentin préserva
de la destruction les portraits des évêques aujourd'hui
conservés au Musée départemental. L'artiste couvrit ces
portraits séditieux par des toiles de sa façon, traitées au goût
du jour, représentant Apollon et les Muses .
Parmi les œuvres d'art anéanties, Cambry cite deux
tableau x: une Descente du Saint Esprit d'a près Le BruD, le
Purgatoire d 'après Rubens et une belle statue de la vierge de
la Chandeleu l' (1). Par contre, la chaire, quoi qu'en ai t di t
Cambry, fut conservée; sans doute la jugea-t-on propre à
servir aux prédicateurs du decadi. Il en fut de même du
grand autel de marbre noir: c'était un piédestal tout trouvé
pour la déesse Liberté. Une Assomption par Loir t trop élevée
pour y atteindre» resta en place; on se contenta {( de la
crever en quatre endroits )J . Une Descente de Croix, grand
tableau de l'école flamande, en restauration dans l 'ateli.er de
Valentin, dut à ce hasard d'être préservée.
Le charretier pourvoyeur du bûcher remplissait tellement
son tombereau que les cahots du véhicul e faisait choir le
trop plein le long des rues. C'est ainsi que la statue de saint
Jean Discalcéat, Santic-Du, l'émule breton de saint Antoine,
(i) Cambry, Catalogue des oQiets échappés au vandalisme, édition
tomba dans la rue' Sainte-Catherine. Une femme pieuse, là
dame Boustouller, boutiquière et « tenant pensionnaires )), se
trollvant sur Ie pas de sa porte. ramassa furtivement la statue .
Désormais, elle hébergea San tic-Du et le compta au nombre
de' ses pen sionnaires jusqu'à ce que des jours meilleurs lui
permissent de le restituer à la cathédrale. Mme Bous
touller jouissait d'une petite aisance car elle avait une ser
vante et payait 10 1. de capitation. Elle h abitait au n° 448
rue Sa inte-Catherine, (au sud, près la ru e Sainte-Thérèse) (1) .
Elle était la voisine du charretier Maréchal, ce qui permet de
croire que la chute de la statue ne fut peut-être pas toute
fortuite et que Maréchal y mit quelque complaisance.
LE CHA~IP DE BATAILLE. L'autodafé devait avoir lieu sur
le Champ de la Fédération qui s'appellera désormais Champ
de Bataille. C'est le maire Kerillis, un Gi rondin pris soudain
d'un zèle tout montagnard, qui proposa, le 27 d~cembre,
le c hangement de nom. « La dénomination de Fédération,
dira-t-il, est impropre, parce qu'elle;tient du fédéralisme si
éloigné du cœur de tous nos concitoyens )).
Cette place, créée en 1741, fut d'abord appelée place de
Viarme, du nom de l'Intendant de Bretagne Pontcarré de
Viarme qui en favorisa la création . Le pont qui y donnait
accès du côté du Parc-Costy, à la hauteur de la rue Saint
François, s'app ela par un jeu de mots Pont-Carré. Ces
dénominations forent bientôt oubliées et, longtemps avant la
Révolution, le nom de Champ de Ba. taille prévalut jusqu'à
la Fédération de T 790.
Le Champ de Bataille servait aux exercices mili taires de
la garnison et aux réjouissances publiques. Là se faisait
chaque année, le premier dimanche de mai, le tir du Pape
gaut. La cible, affectant la silhouette d'un grand oiseau,
se plaçait SUl' un chêne au pied du Frugy. Le jeu du Pape-
(1) Rôle de la capitation et état des sections déjà cités.
gaut ayant été supprimé dans toutes les villes de Bretagne en
1770, le vieux chêne du Papegau t fut abattu en 1772 et son
tronc servit à la confection de barrières pour le Parc-Cost)' (1).
La cha pelle et le ci metière de Sainte-Thérèse occupaient
l'emplacement actuel du plateau de la Déesse. Le cimeticre
fut désaffecté le 4 mai 1792 et la chapelle démolie quelques
mois plus tard .
La première grande manifestation révolutionnaire sur le
Champ de Bataille eut lieu le 21 mars 1790 à l'occasion de la
prestation du serm ent civique.
En somme, en 1793 , le r:hamp de Bataille présentait à peu
près l'aspect actuel. Au levant, le couvent des Hospitalières
de Sainte-Catherine s'était transform é en Hôtel de ville,
siège du directoire du di strict et du département jusqu'en
août 1793. Un énorme bonnet de la liberté se dressait au-
dessusdu toit de la mai son commune. Depuis peu. on lisait
sur la façade cette in scription (2) :
« Unité et indivisibilité de la République.
Liberté, égalité, fraternité ou la mort ».
Comme il n'y avait pas encore de garde-corps le long de
l'Odet, il arrivait assez souvent qu'au cours des fêtes des
enfant s, échappant à la surveillance des parents, tombaient
dans la ri vière.
Les ormes des allp,es de Locmaria, plantés vers 1760,
étaien t deven 11 s de beaux arbres. Au flanc du Frugy, sur
l'emplacement de l'ancien cimetière de Sainte-Thérèse, s'éle
vait une statu e ge la Liberté. Sur son piédestal avait été gravé
ce quatrain:
« Périssent les tyrans,
Périssent les despotes,
Crèvent les ci-devants,
Vivent les sans-culolles ! » (3)
(i ) AD, Reg. délib. de la Communauté de ville (i74i-t772j.
(21 AM, Reg. délib. 4 nivôse an II (24 décembre 1793).
L'A UTODAFÉ. Les brûlements officiels n'étaient pas uné
nouveauté à Qllimper. Le 10 août 1793, comme on commé morait en g rande pompe l'abolition de la royauté, il yeut
sur le Champ de Bataille un feu de j oie original. On y brûla,
en exécution du décret du 17 juillet précédent, un monceau
de registres et de liasses relatifs aux droits féodaux de
rachats, fran cs-fiefs, lod s et ventes et autres droits casuels (1).
La destruction de ces papiers et parchemins conservés dans
les bureaux des domaines et de l'enregistrement importait
surtout aux bourgeois anciens possesseurs de francs-fiefs ou
récents acquéreurs de biens nationaux.
Dago rn e. en sa qualité d'inspecteur des d om a ines, eut
vraisemblablem ent à s'occuper du triage de ces papiers; il
ass ista à leur in c inération. Dès lors, sans doute, il rêva d 'un
autodafé plus sen sa ti onnel. L'anéantissement des monuments
du passé r~lig iel1x ne serait-il pas le complém en t ou le
corollaire naturel de la destru ction des vestiges du passé
féodal ~ Dagorn e se réserva cette initiative, qui n'exigeait pas
grands frais d'i magination . Le précéden t du 10 août
fournissait le cad re et la mise en scène; il suffirait d'attendre
d es circonsta nces favorables et un e occasion solennelle .
Le bûcher s'èlevait en face du plateau d e la Déesse.
Conformémen t à l' usage établi pour les cérémonies officielles,
toutes les autorités constituées, civiles,judiciaires et militaires,
fU I 'ent convi é,'s à la cérémonie (2) . Tous les fonctionnaires
certes n'y vinrent pas de b on gré, mais en ce temps-là une
invita tion était un ordre. On peut croire que tous furent
exacts 'au rendez- vous, car il n'y eu t pas d'arres ta tions le jour
même ni le lendemain .
Les d eux bataillons de la garde nationale, drapeaux
('i) AD, Reg. délib. district, 11. août 1.793.
(2 ) AD, R.eg. nu Comité de surveillance, 26 prairial an Il (14, juin
1794,), délib. certifiant que toutes les autorités assistèrent en corps à la
déployés, arrivèrent sur la place 'vers trois heures . Leurs
cbefs, Boutibonne marchand de vin s et brasseur, Poupenez
marchand, et Eulriet boucher l es formèrent en ca rré. La
compagnie des canonn iers . commandée par le capitaine
LboLLe typographe se plaça au débouché du pont Saint
François.
Ces dispositions pI'ises, les autorités déjà assemblées à la
maison commune pénétrèrent dans l'en ceinte form ée par les
troupes . En tête. précédés de la maréchaussée et des hérauts
de la ville. marchaient Hérault, Le Clerc et Dagorne, tous
trois honorés des pouvoirs du proconsul. Suivaient; le
directoire du district alors composé de Alain Kernaflen
Kergos, Dérédec, Bonet, Je peintre Valentin et Jean-Jacq ues
Le Breton, procllreur syndic; le corps muni cipal; Debon
maire, Nicolas Le Gendre procureur de la commune, Pierre
Morvan boucher, Tahon perruquier, Bernay cbapeli er,
Bonnaire maître de posle et hôte du Lion d'Or, Compagnon
fils couvreur, elc . .. ; le Comité de surveillance; Gira rd ,
Desnos, Charu el. gens de loi, Kerroch et Rose perruquiers,
Le ~loine jardinier, Poulizac ( 1), Louis Bécam tailleur, el
enfin l'illustre Montagne .
Natu rellement, le noyau du club des sans-culotles monta
gna rd s fut aussi de la fêle; Gaillard aîné, accusateur public,
René Caïc avoué. Mollet armurier, Raoulin greffier municipal.
Vena ient en fi J1 les fon ctionnaires con voqués à litre ind i vid u el ;
le juge de paix Pierre Porquier, le capitaine des douan es
Lau rençot, etc ...
(i) Poulizac (Jeau -Louis), né en 1748, commis-juré au Présidial
avant la Hévolutioll. Elu officier municipal en 1791, il appartenait alors
à la majorité modérée enllemie des Jacobios. Le 19 novembre 1793, il
fut nomme secrétaire appointé du Comité de surveillance, puis le 16 dé
Cel1lbrè. suivant membrp. titulaire du dit Comité. En septembre 1794,
Poulizac était huissier au tribunal criminel.- Son fils, Louis-Guillaume Henri, né en · 1775. sera avocat, membre de la Chambre des
rep résentants en 1815, puis conseiller à la Cour d'appel de Rennes
. Une foule immense, accourue au spectacle, occupait la
promenade du Parc-Cos ty, les allées de Locmaria et les flancs
du Frugy. On y voyait en grand notIfbre des gens de la
campagne, venus dans le dessein d'assister à la fête tradition
nelle. ~Iuets et tremblants, ils n 'osaient crier leur indignation
devant nn tel sacrilège. Les ca n. ons braqu és, mèche allumée,
en impo Ba ient aux plus audacieux .
Suivant le cérémonial pratiqu é lors des feux de joie, des
tMcbes enflammées furent distribuées aux personnages
émin ents de l'assistan ce, qui allumèrent le bûcher vers
4 heu res de l'après- midi. Cela se fit aux cris de : « Vive la
Rp.publiqu e une et indivisible! Vive la Montagne! Vivent les
sans-culottes! 1)
Quand , la nuit venu e, la foule s'écoula, les flammes
intermittentes du brasier jetaient encore des lueurs ful gu
rantes sur les murailles de la .ville, sur les pentes du Frugy.
De ce spectacle, les paysa ns ga rdèrent longtemps une vision
d'épouvante. Des chaum ières, un e malédiction monta vers la .
ville, tandis que la ville elle-même, opprimée au nom de la
Rai so n et de la Liberté, gé mi ssa it sous la tyrannie.
LA RÉA CTION POPULAIRE . - Dès le lend emain du sac des
églises et du brûlis d es saints, il y eut à Quimper un '
revirement du sentiment populaire, une réaction du bon
sens. On avait froissé les co nsciences comme il plaisir. De
paisibles citoyens, qui avaient app laudi naguèreà l'arrestation
des prêtres réfractaires . blàmèrent hautement les sacrilèges
commis en violation de la loi et des articles 5 et 10 de la
Déclaration des Droits de l'Hom me.
D es protes ta tions s'élevèrent même au sein du club. Dès le
1 3 décembre, le citoyen Jea n Castel, menuisier rue Obscure,
mon ta à la tribune de la Société populaire et (( fit tou s ses
efforts pour so ulever le peuple en demandant par quelle
Corentin Il . Appelé au Comité révolutionnaire, Castel reconnut
les faits. Il dit que cinquante voix l'appelaient à la tribune et
déclara. au surplus, n e re~onnaître ni la Montagne ni les
Montagnards. Castel fllt conduit à la maison d'arrêt. Cet
ouvrier, dont la femme était « boutiquière », avait figuré au
rôle de la capitation pour 7 1. [0 s., ce qui révèle une petite
aisance, le ; simples ouvriers he payant d'ordinaire que
21.5s. ([ ).
Troi s jours plus tard, au cours d'une séance tumultueuse
du club, Hérault, Le Clerc et leurs séides furent insultés au
point qu'il fallut en hâte lever la séance. Des femmes surtout
se distinguèrent alors par leurs imprécations. La femme
Auray. épouse d'un employé des Fermes, i.nspecteur des
tabacs, reconnut « avec une espèce d'ostenta tion fanatique »
qu'elle avait applaudi les insulteurs, ce qui lui valut d'être
conduite à la maison de Kerlot. .
D'ailleurs, un fait nouveau arrivait à point pour enhardir
les protestataires : un décret de la Convention, tout récent,
mais cependant antérieur au sac des églises de Quimper,
venait de condamner les profanations du 12 décembre.
La déchristianisation violente conduisait infailliblement à
la guerre civile. Elle suscitait de nouveaux ennemis à la
Révolution et scandalisait les peuples étrangers. Danton,
Robespierre, et le Comité de Salut public étaient persuadés
que les violences anti-religieuses affaiblissaient la défense
nationale. Certes, ils n'entendaient pas maintenir la religion
catholique, mais il s estimaient que des raisons politiques et
patriotiques commandaient de réfréner l'ardeur déchristia
nisatrice des nouveaux fanatiques.
La Convention, un mom ent trop complaisante aux
. mascarades anli -religieuses, jugea opportun de consacrer
(i) AD, Reg. 1 Comité de surveillance, 26 frimaire an II (i6 décembre
par un décret la liberté des cultes, Ce décret adopté le
6 décembre était ainsi conçu:
« La Convention nationale considérant ce qu'exigent d'elle
les principes qu'elle a proclamés au nom du peuple français
et le maintien de la tranqu illité publique, décrète: 1° toutes
violences et mesures contraires a la liberté des cultes sont
défendues, 2° La surveillance des autorités constituées et
l'action de la force publique se renfermeront a cet égard,
chacune pour ce qui la concerne, dans les mesures de police
et de sû reté publique» (1),
Ce décret du 6 décembre, complété par un paragraphe voté
5eu lement le 8, ne parvint a Quimper que le 14 décembre au
soir ou même le /5, au matin, trois jours trop tard pour
empêcher, peut-être, cetle explosion du fanatisme.
Dès la réception de ce décret, le maire Debon convoqua
le Conseil général de la' commune pour le soir même. Le
maire. assisté de Le Gendre, procureur de la commune, donna
lecture du procès-verbal de la séance du Il décembre
contenant le texte du dernier arrêté municipal. Il lut ensuite
les deux premiers articles du décret de la Convention. Alors,
il s'éleva de nombreuses réclamations. Plusieurs membres,
surtout les citoyens Oebon, Mougea t, Daniel, Bérard,
Castellan et Bonnemaison, « élevèrent la voix contre l'arrêté
du 1 1, protestant n'avoir pas été libres lors de la derniè're
délibération )J,
Trois propositions furent faites. lVlougeat demanda que les
articles 1 et 2 de l'arrêté municipal, contraires à la Déclaration
des Droits d e J'Homme et au récent décret de la Convention,
fussent rapportés , Cette motion valut a lVlougeat d'être
arrêté le soir même. Pierre Morvan émit le vœu que
l'arrêté « fût envoyé aux Sections assemblées pour en déci
der ». Porquier, qui n'aimait pas les résolutions audacieuses,
(i) Aulard, Histoire politique de la Révolution française, p. 476.
insista malicieusement pour que {( le tout fût renvoyé aux
lumières des délégués des représentants du peuple pour avoir
leur décision ». Cette solution élégante n'eût pas manqué
. d 'embarrasser les délégués .
A l'encontre du courageux Mougeat et du perfide Porquier
ce fut le sot Morvan qui l'emporta. Après délibération, il fut
arrêté que les sectio ns seraien t convoquées le 20 décembre
« pour avoir leur approbation ou improbation sur l'arrêté
pris le [1 décembre» ( l ). '
DESTITUTIONS ET ARRESTATIONS. Cependa n t l' aeti vité épura
tri ce de Hérault et Le Clerc ne s'arrêta pas; il fallait, au plus
tôt, briser toutes les résistances . Le même j our, J 5 décembre,
ils régénérèrent le Comité de surveillance, -dont 7 membres
furent destitués. Montagne, Eulriet, Lhotte et Morvan y
furent maintenus, tandis que Boutibonne passait à un autre
poste de confiance, au noyau de la Société ,populaire.
Dagorne entrait au Comité avec Laurençot, Raoulin et
Poulizac et quatre autres membres, Louis Le Bris syndic
des gens de mer, Cariou tailleur, Touzé serrurier et Jacques
Duhamel timbreur à l'enregistrement, qui tous avaient donné
des preuves de leur zèle et de leur savoir-faire au cours des
derniers événemen ts (2) . .
Comme entrée de jeu. quelques arrestations furent
immédiatem ent décidées. On n e pouvait pardonner à Girard,
à Mougeat apothicaire et officier municipal, leur résistance
ouverte . Il s furent incarcérés avec d'anciens fédéralistes,
l'abbé Huraut (3), le médecin Vin oc, le commis du timbre
Lelong.
(1) H f,
i793 ).
délib. du Conseil général, 25 frimaire an II (15 décembre
(2) AD, Reg. 1 Com ité de surveillance, 25 et 26 lrimaire an II (1.5 el
16 décembre 1793).
Le mot d'ordre fut de ga rde r le sil ence sur les événem ents
des [1 et 1 2 décembre. 11 con venait de laisser c roire à la
Conventi o n et a u Comité de Salut publi c qu e tout m archait
à souhait au pays de Quimper. A J'in s ti ga tio n de Hérault,
d ésireux de faire valoir ses services , les admini stra teurs du
di strict rédigèrent . le 16 décembre . un e adresse à la
Convention :
( r Citoyen s représentants, tous les instruments du fan a tism e se déposent chaqu e jour à l'administration de ce
distri ct: les clocbes, les croix, les calices, les ciboires,
tous ces hoch ets d e la superstition , dispa raissent des temples
de la Raison . No us avon s à votre disposition environ
goo ma rcs, ta nt a rgenterie qu e verm eil. NO LI s en attendons
d'a u tres . ..
« Persévéra nce et ferm eté
c'es t sa uver la Républi q ue,
le nôtre Il ( 1 J.
et ça ira. Res tez à vo tre poste :
c'est le cri des Français , c'est
Copie de celle adresse fut naturellem ent envoyée à Bréard
pour l'e ncourage r à sOlltenir ses excellents délégu és .
Le 17 dét embre, Hérault et Le Clerc comme ncèrent la
régénération de la Société populaire ( conformém ent a u
vœ u exprimé par les san s-c uloltes m ontagnards révolution
naires de la commun e de Quimper n . Pour form er le
c, noyau Il du no uveau club , il s nommèrent Montag ne,
Moll et, Ra ou lin, Dagorn e, Lha tte, Tahon p erruquier,
Gaill a rd aîn é accu sa teur publi c a u tribunal criminel, Rose ,
Pierre Morvan , Le Moyne j ardini er , Coïc et Boutibonne.
transféré li la pri son de Landel'neau . Ayant fait amende honorable et
reCO lllJU « que la révolutio ll du 31 Illai t'tai t nécessaire pour assurer le
bOJlheu~ public)) . Il fut li bêré le 29 novembre suivant. Le 30 avril :1.794,
il abrliqua toutes foncti ons sace rdotales et devint, sous le Directoire,
biblioth écaire de l'Ecule centrale du Finistère.
(1) AD., Correspondance du district, 26 frimaire an Il (16 dé cembre :1. 793).
Sur le placard imprimé portant ces noms à la connaissilnce
du public. on lisait cet a vis des délégués: « Nou~ appelons
sur ces douze élu s la censure la pIns sévère de leurs conci-
r toyens et )es invitons, au nom de la patrie, à prononcer, sans
aucune considération, la vérit.é. Nous recevrons toutes
déclarations ve rbales ou écri tes en notre demeure jusqu'à
demain au soi rI).
L'ARRESTATION DU MAIRE DEBON. LE NOUVEAU MAIRE
KERILLlS. . Le 1 8 décembre. les tyranneaux s'a ttaquèren t à
)a municipalité. Le maire Debon fnt destitué, emprisonné et
remplacé par Calloc'h, plus connu sous )e n om de Kerillis.
Celui-ci ne pouvait s'attend re à cet excès d'honneur, car il
n'était rien moins que sans-culotte, pas même Montagnard,
mais seulemen t plus souple que Debon.
Jacq ues-Félix Ca lloch. sieu r de Kerillis. ori gi naire
d'Audierne. où il naquit en 1744, épousa à Quimper
Madeleine Horellou de Kergos. Avant la Révolution, notaire
royal et procureur au Présidial de Quimper, g reffier des
in sinuations ecclésiastiques et procnreur fi scal de la
Commanderie de Saint-Jean, il entra à )a Comm unau té de'
ville le 22 janvier 1789, Eln en 1790 officier municipal, il
remplissait encore ces fonctions, )e 16 octobre 179:l, quand
il fut destitué, comme ses collègues fédérali stes, pnr M. - A.
Jullien.
Riche bourgeois, gros acquéreur de biens nationaux (du
mou lin de l'évêché entre aut res), [(erillis était d'opinions
fort modérées. En ' 790, il habitait rue de rEvêché. Peu
de temps après, il alla demeurer à l'entrée de la Terre-au
Duc, près le Pont Médard (a lors nO 547, aujourd'hu i nU 30)
dans une grande maison constru ite en '768. après la
démolition des masures qui pendant deux siècles avaien t
intercepté toute communica tion directe entre la rue du
Chapeau-Rouge et le Pont Médard. A la fin du Directoire.
K erillis all a s'établir au manoir de Trébanec en Pont-J'Abbé,
fut maire de ce tle vill e sous le Consul at,
Qui mpe r, do n t il fut maire de J808 à [8 [. 5.
pUI S revmt a
Le soir m ême, 18 décembre, le Conseil général de la
commun e s'asse mbla pour l'in stallation du n ou vea u maire.
{( Calloc'h. mand é au sein du Conseil , s'est présenté et,
conn aissan ce p rise d e l'arrêté des délégués des représentants
du peuple, il a déclaré avoir form é, depui s longtemps, le
p roj et de fi xe r son domicile à Pont-Libre (Pont-J' Abbé) m ais
qu'étant appelé à un e magistrature aussi importante. au cun
sacrifice ne lui coûte, qu'en con séqu ence il accepte les
fon ctions qui lui sont confiées et il a prêté au ssitôt le
serm ent d'être fidèle à la Nation, de maintenir de tout son
pou voi l' les décrets de la Con ven tion nationale et la
Républiqu e fran çaise une et indivisibl e et de remplir avec
zèle et courage le pos te qui lui est désigné pour le bonheur
du peuple » (1).
Kerilli s savait faire contre mau vaise fortune bon cœur. Il
en fut sur le champ récompensé par les cris mille fois répétés
de ; (( Vive la montag ne! Vive la Républiqu e un e et in divi
sible! Vivent les san s-c ulottes ! "
Ce pendant on arrivait à une éch éance r edoutabl e, le 20 dé
cembre. On se rappelle qu e. sur un e motion in con sidérée
de Pi erre Morvan, le conseil avait arrêté d e convoquer , ce
j our-l à, les assemblées de sections pour se prononcer sur
l'arrêté municipal du II décembre. Etait - il opportun , ou
seulemen t possible, d e pl'Océder à un referenduffi sur une
telle q ues tion ~ C'eût été plébisciter Hérault , Le Clerc et
Dago rne. les livrer à coup sûr au plu s grand affront.
Conscients de leu r im populari té, nos h éros résolurent
d'écarter celle éventu alité. On invita donc Morvan à corriger
11) AM , délib. du Conseil général, 28 frimaire an Il (i8 décembre
sa propre sottise et, à cet effet. le conseil fut encore assemblé
le 19 décembre.
« Le citoyen l\lol'\'a n prenant la parole a dit qu'après avoir
mûrement approfondi la moti on par lui faite ·dan s l'avan t
dernière séa nce, il a reconnu les in t'onvénients qui peu vent
en résulter dan s les circo nstances actue ll~s et qu'il demande
qu'elle soit rap portée et regard ée comme non avenu e.
cc Le Conseil général, après un e mûre discussion, et le
procureur de la commun e entendu , considérant que J'arrêté
du 1 1 décembr~ est conform e aux principes éternels de la
Raison et de la Vérité, qu e celui du [5 . entraîne les
inconvénients les plus graves et peut nuire infinim ent à
l'ordre et à la tranquillité publiqne dont le m aintien lui es t
confié ; considérant qu e son premier devoir es t de prendre
des mesures effi caces à cet éga rd. a arrêté et arrête d'annu ler
et annul e l'arrêté pris dans la séa nce du 15 courant ' .
Le même jour, on prit quelques no uvelles mesures contre
l'exercice du culle, so us des prétextes humanitaires, il
est vrai.
« SnI' la propos ition d'un membre et les co nclu sions du
procureur de la comm un e. le Conseil autorise le commissaire
des prisons à faire démolir la chapelle qui existe enco re dans
un des appartem ents de la maiso n de ju stice . à mettre les
débris à la disposition du concierge ainsi que to us l es autres
monuments in ventés par la tyrannie qui peuvent subsister
dans les dites prisons. C'es t pO Ul' y placer des lits utiles aux
détenus )) (1).
NOUVELLES ARRESTATIO NS . - Si dociles qu e fu ssent devenu es
maintenant les autorités constituées de Quimper, les commis
saires de Bréard ne se. t.enaient pa s pou r satisfaits, Le
24 décembre, ils se rendirent au Con se il de la commun e et
lui notifièrent l'arrêté suivant;
(, Au nom des représentants du peuple, nou s Hérault et
Le Clerc. commi ssaires délégués des dits représentants,
autorisés par eux à requérir l'arrestation , provisoire des
personnes qui nous paraîtraient suspectes, ayant jugé util e
au salllt publi c d'écarter des autorités constituées 'les
personnes qui n'ont pas toutes les qualités requises par la loi
et dont le civisme n'est pas bien prononcé, après un examen
scrupul eux sur tous les individu s composant les dites
autorités constitu ées de Montagne- sur-Odet, ci-devant
Quimper, et pour opérer une régénération salutaire au bi en
public et conforme aux vu es des dits représentants, avons
destitué et destitu ons de leurs fon ctions les membres
composant actuellement le Conseil général de la commune
et pour que le public n'éprouve aucun retard qui pourrait
nuire. tant aux grands intérêts de la Républiqu e qui
nous sont co nfi és qu'aux intérêts personn els des admini strés;
(, Nommons et installons provi soirement pour remplir les
fonction s suivantes les dénommés ci-après : maire : Calloch;
procureu r de la commun e : Raoulin; offi ciers municipaux:
Le Ge nd r'e 0ade t, Tahon . Cadiou huissier , Bernay, Compagnon
fils, Bonnaire. Bouilly, Bodin perruquier; notables :
La u rençot, etc .. , » . Onze membres seulement de l'ancien
Conseil furent conservés; trois, Morvan, Boutibonne et Coïc
passèren tau fam eu x « noyau ,), treize furen t destitu és et
parmi ceux -ci, quatre, Bonnemaison pharmacien. Castellan
en trepren eu r. Daniel maître d'écriture et Bérard m édecin
allèrent rejoindre Debon et Mougeat en prison ,
Séance tenante, les membres du nouveau Conseil prêtèrent
le serm ent en ces termes: « Je jure exécration aux rois '
et à leurs suppôts, fidélité entière aux loi s de la République
un e et indi visible. ralliement éternel à la représentation na
ti onale; j e jure de remplir avec le zèle et l'exactitude d'un
ardent républicain les fonction s qui me son t déléguées 'par
le vœu de mes concitoyens; je jure enfin de préférer mille
morts à. l'infami e d'abandonner le poste que la patrie me
conne » ( 1). .
Les commiss.aires se retirèrent après avoir invité leurs
con ci toyens à. l'union la plus intime et leur avoir donné
l'accolade fra ternelle.
Le même jour, il fut procédé à l'épuration du directoire et
du Conseil de district. L'arrêté qlli les concernait fut conçu
dans les mêm es termes que l'arrêté précédent; même
serment. mêmes accolades (2).
Jean- Nicolas Dérédec, Louis Bonet et Valen tin demeurèren t
au Directoire. On en chassa Alain I\ ernaflen-Kergos pour
faire place à. A rnoult dit Penfond, notaire à. Pont-l'Abbé.
Amb roise Duhaffond. secrétaire géné ral, dut céder ~a place à.
Michel Queneudec. greffier de la juLice de paix de Plonéour .
Arnoult-Penfond et Michel Queneudec, intimes du terro riste
Royou-Guermeur. qui venaient d'être appelés à l'adminis tration du district, ne purent entrer en fonction, le premier
étant malade et le second absent. Barazer, orrèvre . déjà.
membre du Conseil, passa au directoire en remplacement
d'Arnoult; le secrétariat demeura provisoirement vacant .
Parmi les administrateurs destitués se trouvaient Alain
Kernaflen, hon nête hom me, instruit et expérimenté, Am broise
Duhaffond, cadet noble à la vérité, mais serviteur dévoué de
la Révolution depuis 1,89, deux curés constitutionnels qui
avaient donné maintes preuves de leur zèle républi cain :
Dominique Le Breton curé de Pont-l'Abbé et Lagadec cu ré
de Plomelin et président du district. DuhaITond et Lagadec
furent mis en arrestation et transrérés au château de Brest,
Il en fut probablement de même pour Kernatlen-Kergos,
quoique nous n'ayons pas trouvé mention de l'arrestation de
ce dernier.
(i) AM, Ibid. !I, nivôse (2!1, décembre i 793).
(2) AD, délib. district
Les deux arrêtés du 24 décembre paraissaient d'une légalité
douteuse, il es t vrai qu'eo ce temps-là les limites de la
légalité res taien t souvent flottantes. Les arrêtés venaient
in extremis, comme parfois de nos jours les testaments
ministériels, sur la li sière du code. En effet, le grand
décret du 14 frimaire (4 décembre 1793), qui modifiait
prorondément la vie administrative, interdi sait aux repré
sentants de déléguer des pouvoirs. Hérault et Le Clerc
devenaient de simples inspecteurs.
Le décret, promulgué le 8 décembre, parvint officielle
ment à Lande rn eau le 23 décembre. A Quimper, il fut reçu
le 24 et publié le 25 ( 1). Vraisemblablement à l'heure où il s
notiliaieot leu rs arrêtés, Hérault et Le Clerc avaient déjà
connaissance du décret qui leur enlevait leurs pouvoirs .
Pour eux, il s'agissait d'une liquidation frauduleuse, mais il
ne se trouva personne pour les rappeler à la pudeur.
C'est en manière de liquidation aussi et pour présenter à
Bréard le précieux butin de leur mémorable campagne que,
le même jour, ils ordonnèrent le transport à Brest de
l'argeoterie recueillie à Quimper. Le 25 décembre, en effet,
le directoire du district écrivait à Bréard :
( \ Citoyen représentan t, d'après la réq uisition à nous faite
pal' les délégués Hérault et Le Clerc, nous te faisoos passer
par un de nos collègues les dépouilles de nos églises qu e la
superstition et le fanatisme avaient entassées et que la
Raison res titu e partout à la circul a tion don t elles n'auraient
jamais dû sortir )) (2 ).
Cela fai t, Hérault rentra à Brest, à la fin de décembre,
pour faire ses adieux à Bréard, peut- être aussi avec l'espoir
de suivre le proconsul dans sa n ouvelle carrière, car Bréard
allaiL quitter Brest le 2 j anvier. Dagorne, scmble-l-il,
(1) AD, 4, L i3*) délib; de la Commission. ad~inistr~tive, 3 nivôse
(23 décembre 1793). Correspondance du dlstnct, 8 mvôse au II.
accompagna Hérault. tandis que Le Clerc restait à Quimper
pou r surveiller la mise en train de la nou velle machin e
révoluti onnai,'e. En cette fin d'année, J ea nbon Saint-André,
sa mission achevée à Cherbourg, revenait à Brest avec le
ferme dessein de réagir contre certains errements de Bréard .
Au milieu de ces ombres, un rayo n de lumière. Pendant
que ces tristes événem ents se déroulai ent à Quimper, à Paris,
Denis Bérardi er, grand-maître du Collège Lo ui s Le Grand,
ancien principal du collège de Quimper, s'occupait, au-dess us
de la mêlée, à défendre les intérêts de sa vill e natale . Usant
de SO li ascendant sur Robespierre, son ancien élève, il
se donna à tâche de faire rendre à Quimper le chef-li en qui
venait de lui être ravi par le décret du 19 juillet. Le 17 décem
bre, il écrivait à son frère demeurant à Locmaria. « Des députés
d e Landerneau. présentés au Comit~ de Salut public par des
Jacobin s de Pari s, ont fait les derniers e ITorts pour fixer
définitivem ent le chef·lieu à La nd ern eau . Us n' y ont pas été
favorablement écoutés et il J'a lieu d'espérer qlle les ju stes
réclamati ons des Quimpérois prévaudront» \ r). Pour hâter
cette soluti on, Bérardier se proposait d'intervenir
auprès du Comité de Salut public.
a nouveau
Du RUN DÉNONCE LES COUPABLES . Le département du
Morbiban étant menacé d'u ne invasion des Vendéens, le
15 décembre, les autorités constituées de Vann es deman
dèrent secours au département du Finistère Aussitôt, le
17 décembre, la Com mission administrative du Finistère,
approuvée par le représentant Bréard, arrêta l'envoi d'une
force armée dans le Morbihan. Toutes les troupes di sponibles
dan s les distri cts reçurent l'ordre de se mettre en route dans
le plus bref délai.
Yvonnet du Run , membre de la Commission adminÎs
trative, fut désigné par Bréard pour suivre. en qualité de
commissaire civil, la force armée du Finistère mise en
réquisition pour le Morbihan. avec mission «d'entretenir
avec la Commission administrative et le Représentant du
peuple une correspondance active sur les mouvements des
rebelles et les besoins de ses frères d'armes ».
Le 20 décembre, du Run était à Quimper. où le district
mettait à sa disposition pour l'accomplissement de sa mission
un des meilleurs chevaux d'une récente levée, « armé et
équipé de tous points» (1) .
Du Run, lui-même Quimpérois, apprit de ses concitoyens
tout ce qui s'était passé dans la derniére décade, les satur
nales du 12 décembre, la destitution du maire et les arres ta tions opérées par Hérault et Le Clerc. Il détestait ces
tyranneaux, qu'il avait déjà vus à l'œuvre à Landerneau et
qu'il avait dénoncés à Bréard dès le 7 décembre. Grâce à lui,
les justes doleances des malheureux Quimpérois allaient
bientôt trou ver un écho près du Comité de Salut public et
de Jeanbon Saint-André.
Après trois jou rs de ma l'che, la force armée du Finistère
arriva à Lorient le 23 décembre. Le lendemain ell e prit un
jour de repos avant de se remettre en route sur Vannes.
Du Run en profita pour conférer avec Jullien, délégué du
Comité de Salut public, alors en mission en cette ville. Il ne
manqua pas de lui rapporter fidèlement ce qu'il venait de
voir et d'entendre à Quimper.
Jullien, on le sait, avait, les 16 et 17 octobre précédents,
régénéré les autorités constituées de Quimper. Il se plaisait
à répéter qu'il gardait un bon souveni r des Quimpérois.
Il fut indigné de la conduite des énergumènes Hérault,
Le Clerc et Dagorne. Il partageait l'opinion de Robespierre à
(i) AD, délib. du district, 30 frimaire (20 décembre i793).
l'égard des décbristianisateut's, les plus dangereux agents de
la contre-Révolution. Mais Jullien fut surtout vexé d e ce
qu'on eût osé détruire son œuvre . osé incarcérer des hommes
choisis par lui et qui jouissa ient de la confiance publique.
Sans relard, il résolut de dénoncer ce scandale au Comité de
Salut public.
J ULUEN DÉNONCÉ AU COMITÉ DE SALUT PUBLIC . A la même
époque, des plaintes étaient parvenues il. M.-A. Jullien de
certains districts du Morbihan, où des agents de Carrier
commettaient les mêmes abus . Le 25 décembre, Jullien
écrivit au Com ité de Salut public:
« ... La conduite de l'armée soi-disant révolutionnaire et
des prélendus comm issaires militaires et civil s revêtus de
pouvoirs illimités qui la dirigent dans le Morbihan, a bien
justifié le mot de palriotiquement contre-révolutionnaires
dont Robespierre a qualifié les agents de Pitt. C'es t par
la Hévolulion même qu'on a voulu tuer la Révolution. On
a vu des hommes sortis de j e ne sais où, dont un avait été
valet de moine et l'autre un intrigant nommé par Beurnon
ville, chargés tou t il. coup d'une grande mission par un
représentant du peuple [Carrier] dont il s avaient usurpé la
confiance, et ces délégués, soi-disant révolutionnaires, ont
pillé, incendié, assassiné; ils appelaient cela révolutionner.
En incendiant les égli ses, il s ont réveillé le fanatisme qu'ils
persécutaient; il s ont acquis de nouveaux partis aux prêtres
et il. l'aristocratie.
« Dans le. Finistère, on suivait le même système; à Quimper
où j'avais été chargé de renouveler les corps constitués et où
mes opérations avaient été sanctionnées par les représentants
du peuple, où j'avais vu pendant mon séjour triompher La
Montagne, on vient d'arrêter les patriotes, de remettre en
place les fédéralistes, de susciter une persécution atroce
Quimper est en proie à la contre-révolu tion par l'effet même
des mesures soi-disant révolutionnaires qu'on a voulu y
prendre. C'est un agent de Bréard qui a fait là· tout le mal.
Les représentants du peuple, à peine arrivés dans un pays,
sont entourés de tous les intrigants qui s'y trouvent, et dans
le nombre des agents choisis par eux, il est difficile qu'il s'y
rencontre un seul patriote. Il faut donc interdire toute élec
tion d'agents particuliers qui, en subdivisant les pouvoirs,
multiplient les abus, rendent la responsabilité nulle, le peu pIe
malheureux et le crime impuni.
(( Il n'y a pas de temps à perdre. Je vous ai fait connaître
les blessures; c'est à vous de les sonder et de les guérir. Le
pays où Kervélégan trouve un asile et compte des amis, le
pays dans lequel se dispersent les débris de la Vendée a
grand besoin que vous y fixiez vos regards ') Cl).
LA RÉSISTANCE A L'OPPRESSION. Cependant les Quim-
pérois s'efforçaient de résister à l'oppression par tous les
moyens légaux. L'appel au peuple leur paraissant le plus
sûr moyen de salut, ils demandèrent, le 26 décembre, la
convocation des sections . «L'agent national Raoulin a
annoncé que quelques citoyens au nombre de 54 signataires
ont déposé une pétition à l'effet de convoquer les sections.
Il a exposé le danger qu'il y aurait actuellement à assembler
les sections dans un moment où les esprits paraissaient
agités. Il a dit ensuite que les pétitionnaires ne s'étaient pas
conformés aux décrets ni à l'Acte constitutionnel. Les
formes ont été violées. La loi exige le cinquième de ceux
qui ont le droit d'y voter; or la pétition ne porte pas la
dixième partie des citoyens qui ont le droit de voter.
Il a ajouté que cette pétition était l'ouvrage de quelques
faiseurs qui l'avaient colportée pour avoir des signatures,
(1.) Lockroy, Une mission en Vendée 1793, Paris, Ollenriorf, 1.893,
ce qui est encore proscrit par les décrets . II a dit que la
péti tion serait déposée au secrétariat eL que les sous
cripteurs seraient admis à rétracter leurs signatures ».
Le réclamations des détenus n'eurent pas ]Jlus de succès .
« Le Maire [Calloc'h de [(erillis] a dit que des citoyens
détenus et dernièrement arrêtés demandaient des certificats
de civisme, que leurs places les avaieut jusqu'à ce jour
dispensés de demander.
« L'agent national Raoulin expose que le Conseil ne doit
point s'occuper des personnes prévenues et détenues pour
quelque cause que ce soit; qu'il est sans doute persuadé
que ces .détenus sont innocents et qu'ils le justifieront
hautement, mais que c'est à eux: à donner les preuves
de leur inn ocence sur les faits qu'on peut leur imputer
et que le Conseil ignore. D'ailleurs les certi.ficats de civisme
qu'ils pourraient obtenir, ou sera ient arrêtés au Comi.té
de Surveillance ou, s' il s y passaient, ne changeraien t en rien
leur situation, puisqu'il leur faudrait toujours détruire les
inculpations pOUl' lesquelles ils sont détenus.
En conséquence, l'agent national a requis qu'il soit
arrêté par le Conseil qu'il ne sera passé à aucun scrutin en
obtention du certificat de civisme pour aucun détenu ni
pour ceux qui seraient sous le coup d'accusation» (1) .
Adopté à la majorité seu lement des suffrages.
LE RÉTABLISSEMENT DU CULTE . Le 2 janvier, Le Clerc
eut la mission désagréable d e lire en public une pro
clamation de Jeanbon Saint-André, qui blâmait implici
tement le brûlis des saints . Cette proclamation avait été
adressée, le Il décembre, aux citoyens de Cherbourg.
Jeanbon pensa qu'elle pouvait être utile à Quimper, où
il ordonna de la publier. Le Clerc la lut avec dépit, car
i! y ajouta des commentaires tendancieux. En somme,
dit-il, le représentant se borne à exposer « le danger des
opinions religieuses exagérées et la n écessi té de l'e n fermer
la liberté des cultes dan s l'intérieur des maisons )) (1).
Or Jeanbon disait autre chose ; « Et vous, consciences
tim orées , rassurez-vous. La Convention nationale n e vent
point vous ravir les objets d e votre vénération; elle sait tout
ce qu'une longue habitude, une éducation théologique
peuvent avoir d'empire sur l'âme d e l'homme. Elle sait
qu'un cœur sensible et faible a besoin d'un appui, et si, cet
appui, vous croyez le trouver encore dan s les vieux préjllgés
que vos pères vous ont inspirés, elle n e veut point le briser
entre vos mains ... Elle ne gêne point vos opinions, elle
n'interroge point vos consciences, elle reconnaît la liberté
de tous les culles » (2) .
La proclamation fut accueillie par « les applaudissements
les plus vifs », sans doute parce qu'on y trouvait un désa veu
des iconoclastes, et l'on décida de la déposer aux archives
afin d'y recourir au besoin.
Séa nce tenante, de nombreux citoyens manifestèrent
le désir « d'avoir un local p our célébrer le culte catholique,
vœu SOllven t exprimé ,) . L'églis,~ du Guéodet fut accordée,
à la con d i tion que les citoyens s'y rassem bleraien t
paisiblemen t.
LE COMITÉ DE SALUT PUBLIC I~TERVLENT. Le 6 janvier
au matin, M. A. Jullien reçut à Lorient un conrri er
extraordinaire du Comité de Salut pllblic. "Par un e leure
du 13 nivôse (2 janvier), en réponse à la d é nonciatio n du
25 décembre, ce Comité chargeait Jullien « de faire cesser
sur-le-champ les pouvoirs des d élég ués dll représentant
du peuple Bréard et de poursuivre ceux qui se sont rendus
(i) AM, délib. du Conseil gpr.ér'll, :1.3 nivôse (2 janvier 1.794,).
(2) Lévy-Schneider, Le Conventionnel Jeanbon Saint-André, t. 1.,
coupables d'atrocités contre-révolutionnaires dans les
temples, qui, par une persécution apparente contre le
fanatisme, ont contribué à le réveiller, dont la conduite
semhlait devoir ressusciter la Vendée an éa ntie, qui
paraissen t avoir été les complices des rois et des prêtres )).
Pour étayer par des pièces officielles le mandat d'arrêt
qu'il allait lancer, Jullien demanda un rapport écrit au
district de Quimper et à du Run.
I! disait à du Run: « Je te prie, citoyen, et te reqniers
même de m'envoyer de suite, à la réception de ma lettre,
tous les détails que tu m'a vais donnés verbalement sur
Quimper et les actes contre-révolutionnaires commis dans
le département du Finistère, sous prétexte de poursuivre le
fanati sme.
« Ce sont de vrais agents de Pitt, d'infâmes complices des
rois et des prêtres, ceux qui ont incend ié les églises et les
saints et qui se sont rendus coupables d'atrocités contre
révolutionnaires dans les temples. Ils on t cherché à réveiller
la superstition en feignant de la combattre. La Vendée
n'existe plus; il s ont voulu la ressusciter. Agents contre
révolutionnaires, nobiliaires, anglo-ministériels, ils doivent
être punis: ils le seront.
« Telle est l'intention formelle du Comité de Salut public,
qui vient, pour cet objet, de m'envoyer un courrier
extraordinaire, et c'est au nom de ce même Comité que je te
somme. sous ta responsabilité personnelle, de me rendre
compte sur-le-champ, à Lorient, par la voie de la
gendarmerie pour que ta réponse m'arrive sans délai de
tout ce que tu as vu ou sn relativement aux actes dont je
viens de te parler)) (I).
La lettre adressée au district parvint à Quimper le 6 au
soir. Nous n'avons pas retrouvé cette lettre; mais, comme la
(1) Lockroy, op. cit., p. 175.
réponse du district s'y réfère, il est certain que cette
d emand e d e renseignemen ts était cO:Jçue en des termes
identiques à ceux de la lettre à du Run.
La lettre au district, dont les administrateurs n'ellrenl
connaissa nce que le 7 au matin, avait été ouverte la veille par
Le Clerc, touj ours aux aguets. Depui s Je 18 décembre, en
effet, aucun courrier ne pouvait être distribu é à Quimper
sans une visite préalable d'un commi ssaire du Comité d e
surveillance Cette précaution, on le voit, intéressait la
sa u vegarde personnelle des despo tes plu s encore que le
salut public.
Ainsi instruits des inten tions de Jullien, Le Clerc et les
m eneurs du Comité se concertèrent. Menacés d' arrestati on,
ils jugèrent prudent de j eter du les t en libérant qu elques
d étenu s . Aussi, le soir m ême, tandis que Le Clerc décampait,
le présid ent du Comité révolutionnaire faisait-il observer à
ses collègues que Le Clerc lui avait déclaré dans une
conférence particulière que le Comité pouvait prononcer la
mi se en liberté de huit détenu s. (( parce qu e leur détention
avait duré assez lo ngtemps» ( 1).
Le 7 janvier au m atin, les administrateurs du di stri ct
répondirent à Jullien :
« Citoyen . nou s avon s reçu ce matin ta lettre arrivée hi er
soir pal' un courrier. Nous DOIl S somm es d e suite occupés d e
rassembler tout ce qui pourrait t'instruire d e ce qui s'est
passé dan s nos murs et nous nou s empressons de te tran s mettre to u t ce que nous avo ns rec ueilli. Tu y verras tOIl t ce
qui a précédé et suivi l'antodafé des saints. L'administration
du district n'en a été in struite qu e d eux heures ava nt le
brùlis. Les citoyens Dagorne , Montag ne et Moustache sa
peUl' des canonniers, vinrent inviter les administrateurs, au
nom du noya u dn clLlb, d'assister à l'autodafé. L'udmini s-
tration, pensant que c'éta it le vœu des citoyens, descendit à
la commune qu'elle trouva réunie. La commune députa deux
de ses membres vers les délégués Hérault et Le Clerc, qui se
rendirent au sein de la municipalité et de là ensemble au
bûcher.
(1 Quant aux arrestations, nous joignons ici la liste des
détenus. La plupart, fonctionnaires publics, ont, depuis le
commencement de la Révolution, constamment manifesté les
sentiments du plus pur patriotisme et nous n'avons encore
pu savoir les motifs de leur arrestation. Mais les représen tants, toujours justes quand ils sont éclairés, sauront distin
guer les dénonciations sans preuves de celles fondées sur les
faits, et les citoyens de Montagne-sur-Odet, qui se rappellent
toujours avec plaisü' les moments que tu as passés au milieu
d'eux, comptent assez sur lon républicanisme pour attendre
que tu les aideras à dévoiler les perfides calomniateurs qui
ont si légèrement compromis la liberté des bons citoyens .
« Salut et fraternité» (r) .
Ce rapport et les pièces y j ointes, transmis par un exprès,
durent parvenir à Lorient vers quatre heures de l'après-midi.
Suffisamment édifié, Jullien, sans attendre le rapport de
du Run, décerna, le soir même, un mandat d'arrêt contre
Le Clerc et Dagorne, qu'il croyait encore à Quimper.
MANDAT D'ARRÊT CONTRE LES COUPABLES. « lVl. A. Jullien,
commissaire du Comité de Salut public, envoyé dans les
départements maritimes ...
« Ayant, pour remplir les intentions du Comité de Salut
public, chargé le district de Quimper, aujourd'hui Montagne
sur-Odet, de lui envoyer un rapport circonstancié des
derniers événements dont cette commune a été témoin;
« Considérant, d'après le rapport officiel qui lui a été
envoyé, que les décrets de la Convention nationale pour
(f) AD, Correspondance du district, 18 nivôse (7 janvier i 794) .
assurer la liberté des cuItes ont été m éconnus, qu e la force
armée, qui doit protéger l'exécution de la loi. a été sans le
savoir appelée à concourir à la vi olation de la loi; qu e des
can ons avec la m èche allumée ont été placés vis- à -,'is la
mai so n commune pour intimider le peuple et ses magistrats,
quand les armes de la rai son et de la douceur doivent seules
être opposées aux préju gés de la superstition et du fanati sm e ;
qu 'on a choisi pour exercer ces attentats un j our solenn el où
le peuple des ca mpagnes devait se rend re en foule dan s la
commune de Quimper, comme si l'on eût eu dessein d'allumer
la disco rd e entre les habitants des .campag nes et ceux des
villes ; qu'on a brûlé en public les effi gies des saints après
les avoir mutilées , que les tabl ea ux, ornements d'églises , ont
été pri s et pillés, qu e des soldats ont été paSés pour com
mettre mille horreurs dans les templ es et tenir les discours
les plu s prop res à so ulever le peuple ; qu e ceux des officiers
municipaux qui avaient eu le courage de s'opposer à de
pareils actes , pour demander la stri cte exécution des décrets
de la Co nvention na tionale, ont été inca rcérés et mis au
secret ;
« Que les auteurs de ces délits consta tés da ns les différents
rapports des a utorités constituées de Montagne- sur-Odet
sont Hérault, Le Clerc, délégués du représentant du peuple
Bréa rd, et Dagorn e, qui paraît avoir été leur agent;
«( En vertu des pouvoirs délég ués par le Comité de Salut
. public de la Convention nationale et en exécution de sa leltre
ci-dessus du 13 nivôse ;
li Arrête : Qu'à la dili gence de l'agent na tional du distri ct
de Montag ne-sur-Odet, en exécution de l'a rticle 1 l du décret
sur le mode de go uvernement révolulionnaire, les citoyens
Le Cl erc et Dagorne seront mis en état d'a rres tation comme
co u pables d~ viola ti on d u décret de la Con ven tion n ationale
du 1 8 frim aire relatif à la liberté des cultes et prévenu s des
apposés sur leu rs papiers; que le présent arrêté sera de
suite envoyé au représentant du peuple Jeanbon Saint-André
à Bres t, avec invitation de l'approuver et d'en étendre l'exé
cution au citoyen I- IéraulL actuellement à Brest, coupable des
mêmes actes » ( 1).
Le 7 janvier, Jullien, envoyant copi e de cet arrêté à Jeanbon
Saint-André à Brest, disait à ce représentant:
« Les plus grands maux: ont dû résulter de ces mesures
patriotiquement contre-révolutionnaires, et tu dois avoir eu
l'oreille frappée des plaintes qui se sont élevées à ce sujet.
Des agents de Bréard ont abnsé de la confiance, excédé leurs
pouvoirs et servi. peut-être involontairement mais pui ssam
ment, l'a ristocratie. Ces missions ne doivenl plus exister.
Néanmoin s il importe de réparer les funestes effets qu'elles
ont entraînés. Toi et tes collègues Laignelot et Tréhouart ,
vou s aurez sans doute j eté un coup d'œil sur cette ca u se
trop féconde de maux et j'ai cru devoir t'en écrire ponr
t'avertir de ces fails, si tu les as ignorés. ou pour apprendre
de toi par quel moyen on peut ramener les bons paysans,
Lrop longtemps opprimés, sans donner de nouvelles armes
au fanatisme, car le Morbihan réclame à ceL égard les mêmes
remèdes que le Finistère.
« Une lettre qui m 'arrive du di sLri ct de Quimper me
détermine il prendre l'arrêté ci-joint, qu e je le prie d'approu
ver en rappliquant aussi, si tn le juges convenable, il
Hérault qui est il Brest. J'ai les pièces en tre les mains et t'en
enverrai copie. J e Le prie de me faire savoir ton avis ...
« Je te prie de jeter encore un coup d'œil sur Quimper eL,
comme toi et Bn\ard aviez sanctionné toutes mes opérations
dans cetLe ville, tu pourras rendre il leurs fonction s les
magistrats destitués ou renfermés sans motifs et par des
ordres arbitraires eL rétablir toutes les choses sur le pied où
elles étaient. C'est le vœu de tous les patriotes et celui de la
justice. Je te prie instamment de me répondre sans délai sur
cet objet ".
Le 8 janvier. Jullien rendait compte au Comité de Salut
public des mesures qu'il venait de prendre:
cc J'ai agi conformément à vos iIJtentions et les détails que
j'ai recueillis m'ont de plus en plus prouvé qu'on voulait par
les troubles religieux faire la contre-Révolution dans la
ci-devant Bretagne.
{( Vous verrez, par les pièces ci-jointes, une idée des
moyens employés pour fanatiser: violation ouverte du décret
de la Conven tion sur la liberté des cultes, arrestation des
magistrats fermes qui ont voulu que le décret fût exécuté,
argen t semé parmi les solda ts pour leur faire piller les
églises, brûler les sain ts, déchirer les images du Christ,
boire dans les calices, ciboires et vases dits sacrés, frotter
leurs bolles avec l'huil e aux sacrements, canons avec mèche
allumée pour intimider le peuple. Que peut-on faire de plus ~
J'espère que vous sanctionnerez ma condu ite. Ça ira et ça
tiendra» .
LES DÉTENUS LlBÉUÉS PAU JEANBON. Conformémen t au
vœu de JulJien, par un arrêté du 8 janvier signé de Jeanbon
Saint-André et Tréhouart, Debon maire, Daniel, Bonne
maison et Castellan, officiers municipaux de Montagne-sur
Odet, forent remis en liberté et rendus à leurs fonctions.
Jeanbon n'avait pas attendu la stimulation de Jullien
pour s'occuper de Dagoroe. Dès son retour de la Manche,
le 26 décembre, son attention avait été appelée sur cet
individu, probablement par des plaintes venues de Quimper.
Jeanbon interrogea Dagoroe et le consigna à son domicile.
Le 2 janvier, après le départ de Bréard, il le fit incarcérer au
Château de Brest, sous l'inculpation:« d'ave·ir à dessein exagéré
Hérault et Le Clerc, mand és aussi par Jeanbon , ement à
ju s tifier leur conduite. No us ig noron s ql1 elles sancti o ns
immédiates les représénta llts prirent à leur égard; n ou
savo ns qu e pe u ap rès Hérault fut renvoyé à Paris et Le Clerc
rendu à son corps de trou pe.
J eanbon vi sa it certes Da go rn e. Hérault et Le Clerc, qu and,
le 8 janvier, il écri vait au Comité de Salut public :
" Quelques p ersonn es avait u surpé un e conûance qu'ell es
n e m éritaient pas . Depuis le d épart de Bréard. j'ai faü
arrê ter tro is o u quatre de ces homm es p erfides et l'on
rassemble les pre llves de conviction pour les livrer à la
jus tice natio nale. Cet acte de sévérité in attendu a soulevé
contre moi bien des parleurs» ( 1).
L'heureux rés ulta t de l'intervention de Jullien réconforta
les autorités quimpéroi ses. Ju s tice venait d'être rendu e à la
municipalité. Le directoire du district, en dépit de l'accolade
fraternelle reçue de Hérault, il y avait à peine quinze jours,
osa lui aussi réclamer la libératio n de ses an ciens membres
inca rcérés sur la déno nciation de Dago rne. Le J 2 j a nvi er.
Dérédec, Bon et, Valen Lin et Barazer firen L au près des
représentants en mission à Brest un e cOllrage use déma rche
en fa veur de Duhaffond.
« U ne lettre de vos collèg ues, m embres du Comi té de
Sùreté gén érale de la Co 1 1'1 en tio n nati o nale, no us prescri t
impérieusem ent de leur envoyer pou r le 30 nivôse
(19 j anvier [794) l'état de to us les détenu s du distric t et les
mo tifs de leur arres ta tio n. Pl usieurs de nos concitoyens,
de nos collaborateurs, nous on t été enl evés . Ho us en ig norons
les causes et le Comité de sur ve illa nce de cette commuue
no us a assuré ne pas les conn aître davalltage .
. « Nous veno ns d'apprendre avec plaisir qu e vou s aviez
re ndu à plu sieurs la jus tice et la liberté. Le ci toyen Duhafl'on cl
est demeuré au Château de Brest; nons ig norons les motifs.
Nous désirerions les connaître, ca r il a toujours manifesté
parmi nons le plus pur patl'Ïotisme. Nous réclamons
pour lui la justice la plus sévère. Les fonctionnaires publics
coupab les doivent être doublement punis. Mais les
ci-devant nobles qui ont cons lamment manifesté leur
atLachement à la Révolution sont exceptés de l'arrestati on
prononcée par la loi des 12 et 17 septembre dernier.
Veuillez éclair er une administration qui ne souffrira
jamais de traitres dans son sein, mais qui fera tout
ce qui est en elle pour procurer à ses anciens membres
les moyens de justifier leur innocence » (1).
Ainsi, une réaction salutaire s'était opérée depuis la fin
de décembre; Jllllieo le constatait avec fierté en écrivan t,
le 1 6 janvier, à la Société populaire de Quimper. « Quand
j'appris l'espèce de contre-révolution qui venait de s'effectuer
à Quimper, j'écrivis aux représentants du peuple à Brést,
au Comité de Salut public à Paris. J'avai s recueilli les fait s,
je m'empressai de les dévoiler, et, depuis. les patriotes ont
été rend us à la liberté.
« Le coupable Hérault à été rappelé il Paris pour être jugé
sévèrement. Dagorne a été traduit au tribunal révolution
naire et la mission donnée à Le Clerc vient de lui être retirée.
« Ainsi, républicains de Quimper, vous obtiendrez justice .
Dans un El.atlibre comme le nôtre, le règne de l'oppress ion
est court .. La patrie compte sur vous. Habitants de Quimper.
élevez-vous à la hauteur de la Révolution)) (2) .
La · modération devenait contagieuse, comme J'avait été
l'exaltation. Au club même, des sentiments de pitié
pour les détenus pouvaient maintenant s'exp rimer et se
traduire en interventions bienveillantes . Le 2 1 janvier, une
(1) AD, Correspondance du district, 23 nivôse (:1.2 janvier 1794).
députation de la Société populaire se présenta à la .
mu n icipnlité. Le citoyen Detaille, ingénieur , « l'un des
dépu tés, po r ta n t la parole , a d it que la Société ava it été
doulo ureusement affectée en appren ant q ue le Conseil
avait pris un arrêté qu'elle croyait contraire a u x. prin cipes
de jus tice et d'équité naturelle et aux. lois . Cet arrêté
q ui l'a ITecte es t celui p a r lequ el il a été d écla ré, le 26 d é cembre, q ue le Conseil n e passera it à au cun scru ti n en
obtention d e certifica t de civisme pour au cun détenu. La
Société pop ulaire, surveillante et sentinelle ac tive d e
l'e x.éc uli o n des décrets et de la défen se d es droits d e tou s les
indi vidu s, récla me conlre cette mesure interdite p a r l'Acte
constitutionn el à tous les corp s con stitu és >l .
A un e très g rande m aj orité , le Conseil , docil e celle fois à
la vo ix de la raison, rapporta son arrêté inhumain ( 1).
Cep endant la fureur iconoclas te n'était pas encore entière men t tombée. Raoulin , agent na tional , e t Bodin. p erruqui er,
qui avaient été spécialem ent chargés de « supprim er les
images et les ma rq ues d u culte catho liq ue qui p araissa ient
en d eh o rs des éd ifices )J, et qui avaient à p eu près achevé
leur mission d emandèrent, le 17 janvier, si les enseig nes des
com m erçan ts : Croix blanche, Croix rouge, Croix d'or, etc .. . ,
d evaient être a ussi d étruites co m me m arqu es d'idolâtrie.
Le Conseil , après un e vi ve disc ussion , répondit par la
négativ e. Mais une auberge d e la ru e du Rossig nol av ait p our
enseig ne un poisson sur la tête duqu el fi g urait un e couronn e
surmontée d ' un e inscription : Le Dauphin couronné. Le
Conseil arrêta q ue le mo t couronné et la couronne seraient
effacés (2).
L' ANCIENNE MUNIC IPALITÉ RÉTABLIE. - L'arrêté du 8 j anvier ,
relatif à la réin tégra ti on d e Debon, Bonnemaison , Castellan
(1) AM, délib. du Conseil général, 2 pluviôse (2i janvier 1794).
et Daniel dans leurs fonction s municipales , connu officieuse
ment à Quimper dès le 10 , n e parvint offi ciellement qu e
le 23 , avec un retard inexplicab le. Au ssitô t, le Conseil, réuni
sous la prés ide nce de Ca lloc b. appela dans son sein l'ancien
maire el les trois offi ciers municipaux , qui furent reçus avec
de vifs ap plaudissements.
S'adressant à eux, Calloch s'exprima ainsi:
« Citoyen s, la calomnie vous il poursuivis ; elle vou s a
outra gés, ell e vou s a persécutés . Mai s vou~ l'avez confondu e
et vou s avez tri omphé de n os enn emis parce qu e l'intégrité
de votre conduite, vos vert.u s civiqu es et morales, votre
patrio tisme enfin et votre républica nisme, de vaient percer à
travers le voil e du mensonge et de l'imposture.
(e L'arrêté des représentants du p eupl e qui vous rappelle à
vos fonctions proclame hautement votre ju stification. Que
dis-j e ~ il rend justice à votre zèle, à votre dévouement pour
la chose publiqu e et il couvre de honte et d'ig nominie tous
vos délateurs, tous les conspirateurs, tous les calomniateurs
qui , so us un masque trompeur et hypocrite, ont en vain
essa yé de vo us difTamer p our vou s perdre , en attendant que
le gl a ive de la loi tombe sur leurs têtes criminell es n.
Debon. en prenant le fauteuil de la présid ence, répondit
au citoyen Calloch : « Citoyen, j e n'ai pas m oin s de zèle qu e
toi pour la chose publiqu e, mais tes lalenls, ta ca pacité et
les conn aissances te rendaient plu s dig ne de cette place qu e
moi . Nous connai sson s ton civi sme épuré. Le p eupl e, comme
nous, l'a touj ours reconnu et le reconnaîtra d ans toutes les
circon stan ces et n ous jouissons de J'espoir qu e tu ne tarderas
pas à venir partager nos travaux et notre resp onsabilité et à
nou s secourir de tes lumières n.
Un membre fit observer qu'il paraissait équitable de réin
tégrer aussi dan s leurs fon ctions tous les membres de l'ancien
Conseil destitués par Hérault et Le Clerc, parce que l'arrêté
6LJ
délégués . Cette pl'Oposition mise en délibération, il fut arrêté
à l'unanimité qu e tous les citoyens qui formaient l'an cien
Conse il rentreraient dans leur poste et qu'ils serai ent invités
à se rend re à la première séance pour y être in stallés ( 1) .
Haoulin, qui s'était absenté au début de la séance, remit
sa d émission d'agent national. On tarda à statuer sur sa
réintégration dans les fonc ti on s de secrétaire greffier. Il
s'était en eITet bien comprom is avec Hérault, Le Clerc et
Dagorne.
Telle est l'his toire abrégée d'une crise d'h ébertisme et de
déchri stiani sa ti on dans un e petite ville de province en l'an II.
L'accès, nettement caractérisé, ne dura que trois décades,
mais il fut si violent que la population entière terrori sée eut
peine à s'en rem ettre,
Il n'entre pas dans Dotl'e dessein d'exposer ici ce que devin
rent plus tard les terroristes quimpérois. Tous ceux d'entre
eux qui furent poursuivi s en J'an III comme « terroristes 1)
répudièrent celte qualification, disant qu'ils avaient été eux
mêmes terrorisés, qu'ils s'étaient bornés, en fon ctionnaires
soumis, à appliqu er des lois qu'ils n'avaient pas votées ou à
exécuter des ordres dont ils n'étai ent pas respon sables . En
général, atteints par la réprobation publiql1 e et frappés, à
leur tour, d'ostracisme, il s n' eurent qu'un souci; se faire
oublier.
DAGORNE INCULPÉ DE MALVERSATIONS. Avant de finir,
ajou tons cependan t quelques mots su r Dagorne. Depui s son
incarcération , un autre g ri ef, d'ordre professionnel, avait été
formul é contre lui. Dagorne, jadis inspecteur redouté des
comptables des deniers publics, était lui-même coupable de
(i) AM, Délib. Conseil général, lJ, pluviôse (23 janvier i79lJ,) .
malversations (1). On ne s'en doutait guère car, au moment
de son arrestation, on négligea d'apposer 'les scellés à son
domicile.
Le 15 mars seulement, à la requête du directeur départe
mental de l'Enregistrement et des Domaines, l'administration
du département chargea Dérédec, membre du directoire du
district de Quimper, de dresser un inventaire des pièces de
comptabilité et des fonds qui pouvaient se trouver au
domicile de Dagorn e, rue Km'éon à Quimper (2).
Le 13 août 1794, le citoyen Fabre, directeur des Domaines,
ayant appris que Dagorne réclamait instamment sa mi se en
liberté, rappela à l'administration du département que le
débet de l'ex-inspecteur des Domaines s'élevait à 18.1711. Il
demandait en conséquence que Dagorne fût retenu dans la
maison d'arrêt de Brest ju squ'à la reddition de ses comptes
et le paiement des sommes dues à la République.
La Commission administrative, ,considérant que les admi-
nistrateurs chargés de veiller aux intérêts de la République
doivent s'assurer de la per sonne de ceux qui ont eu le
maniement de ses deniers jusqu'au parfait paiement des
sommes dont ils peuvent être reliquataires, invita l'agent
national du district de Brest à maintenir l'écrou de
Dagorne (3).
A ce moment même, Donzé- Verteuil, accusateur public,
instruisait l'affaire Dagorne, qui devait venir prochainement
(i) Da ns un rapport, Fa bre, directeur des Domaines à Ouim pel', expose
que D~gorne négligeait totalement son service, ne faisait pas . les
tournées réglementaires ni les vérifications de caisses. De SH propre
autorité, Dagorne, par leUre du 6 no vem bre i 793, avait même délégué
pour le remplacer, Lesné receveur des D omaines.
(2) AD, 4, L i 5 *, délib. Commission administrative, 25 ventôse
(i5 mars 1794,). L'inventaire fut faille 22 mars 1794, par D esnos, juge
de paix, accompagné de Dérédec. Jacques du Feigna, inspecteur des
domaines nationaux, et de Jean-Baptiste Rose, membre du Comité de
surveilhnce.
(3) Ibid. tl fructidor (23 a011t 1.794,).
devant le tribun al révolutionnaire. Mais déjà la réaction
thermidoriennè se déchaînait. Des clameurs s'élevaient à
Bres t contre « les crimes du tribunal révolutionnaire)) et les
continu ateurs de Robespierre. Les échos qui lui parvenaient
dans sa pri son réconfortèrent Dagorne. Redevenu h autain et
cy niq ue, il eû t voulu faire chorus avec les modérantis tes
dont il recherchait san s doute l'appui. II manifesta à sa
façon en publiant, le 6 septembre, au lend emain du départ
du représe nt an t Prieur de la Marne, un fa ctum d'une rare
im p udence : Motils d'arrestation et réfutations du citoyen
['ierre Dagorne, Bres t, Gau chlet, in-8, 26 p. , 20 fructid or
an II.
Da ns cet écrit. Dago rn e accuse et ne se justifie guère. Ses
p rétendues (( réfutation s ) ) n 'entraîn ent pa s la con viction. Il
ment parfois et, le plu s ' souvent, n e répond pas aux
inculpa tions dont il a été l'obj et.
Dagorne coupable ~ C'es t qu'on a calommié « ce citoyen
vertlleux Il . Les arrestations d'officiers municipaux ~ Elles ont
été o rd ounées par Hérault et Le Cl erc. Le brûlis des saints ~
Il a été décidé par la Société popuh\ire et le Conseil de la
commun e. (( Dago rne ne parut dans l'égli se que lorsque
le dé ménagemen t était presque fini ». Les cultivateurs n'ont
pu être sca nda lisés car {( ils s'étaient retirés dès le matin )) .
Comm ent Dagorne « simple fu silier Il dans la garde
n ati onale « aurait-il pu · di sposer de l'intégl'ité de la force .
arm ée )) ? Eufin, argument suprême, les autorités constituées
ont tout couvert. « Le brûli s a été fait sur la Place publique,
en présence du Conseil général de la commune, de
l'administrati on du district et de la garde nationale en armes
et Dagorne n' y assista que comme membre d'une autorité
con stl tuee )) .
Quant (( aux dilapidations prétendues , elles ont pris nai s sance dan s l'imagination de Verteuil et n'exi stent que dans
la volonté du .tril:)u nal ».
Tout cela est entremêlé d'injures grossières ou de railleries
impertinentes à l'adresse de ses accusa leurs , des représen
tants, des juges, du clergé constitutionnel. « Ignace, patron
de Verteuil, fnt aussi hypocrite; mais il n'existe nulle part
un aussi impudent menteur que l'accusateur public du
tribunal ». «Doucereux Verteuil, donne un œil de plus à
Bonnet - on sait .que ce substitut était borgne et cache
ta griffe ».
Ceci enfin est à l'adresse des vicaires de la cathédrale:
« Convenons-en, de bonne foi: ce sont moins les joujoux
que ces messieurs regrettent que la forte pension dont ils
jouissaient comme vicaires épiscopaux pour avoir jadis tenu
un bréviaire romain ».
Il ne paraît pas que Dagorne ait été jugé par le tribunal
révolutionnaire de Brest. On sait que ce tribunal fut sup
primé, le 7 octobre 1794. par le Comité de Salut public. Les
prévenus non encore jugés à Brest devaient être traduits
devant le tribunal révolutionnaire de Paris. Nous ne savons
ce qu'il advint de Dagorne. L'historien Le Guillou-Penanros
dit qu'en l'an III, le représentant Faure autorisa sa mi.se en
liberté provisoire (1 ). Il est possible, tant l'homme était
dénué de scmpules, qu'à la faveur de la réaction thermido
rienne, il ait réussi à se faire passer pour une victime de la
tyrannie de Robespierre et bénéficié, peut-être, d'une des
nombreuses amnisties accordées à cette époque.
Quoi qu'il en soit, Dagorne ne fut pas absous par la
population quimpéroise. Quand, en mai 1795, la Société
populaire et le Conseil général de la commune de Quimper
(i) Le 1.7 nivôse an III (6 janvier 1795), la Commission des revenus
nationaux approuve les précautions prises par le département pour
assurer à la République le paiement du débet du citoyeu Dagorne, ci
devant inspecteur de l'agence de l'enregistrement. Mais Dagorne ayant
déposll uue somme de t9.000 francs pour remplir son débet, le Direc
teur de l'agence nationale a été autorisé à conseniir à sa mise en liberté.
dressèrent, conformément à la loi du :.1 1 germinal an Ill, la
liste des terroristes à désarmer, les Quimpérois, qui avaient
vu Dagorne à l'œuvre, n'omirent pas de le ranger, quoiqu.e
absenl. parmi les plus dangereux terroristes, ayant été
« l'âme de tous les mouvements qui ont eu lieu à Quimper. Il
d jlDS les premiers mois de l'an Il.
JEAN SA VINA.
143 _.
DEUXIÈME PARTIE
Table des mémoires publiés en 1936
PAGES
1. Quimper sous la Terreur. Le brûlis des saints de
la cathédrale, par Jean SAVINA . . . . . 3
II. L'instru ctio n sous l'Ancien Régime dans les limi-
tes du Finistère actuel, par L. OGÈs. . . . . . 69
Correction page 81 :
Les deux premières lignes sont à reporler à la fin du chapitre .
QUIMPER - IMPRIMERIE !I1