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Bulletin SAF 1934


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Les mégalithes de Lannoulouarn (en Plouguin)

Louis L’Hostis

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1934 tome 61 - Pages 3 à 10

Lannoulouarn est un village de la commUl,le de Plouguin
(canton de Ploudalmézeau, Finistère) , situé à trois kilomètres
environ au nord ·nord-est du bourg.
Les mégalithes qui nous intéressent sont à quelques
centaines de mètres au nord-est du village, sur les crêtes qui
dominent au sud la riante crique de Locmajan, détach ée du
sinueux Aber-Benoît pour favoriser ce coin si pittoresque de
Plouguin.
Il y avait là, jusqu'en mars 1887, un superbe ensemble
mégalithique comprenant, à cette époque, cinq beau x
menhirs taillés, dont quatre mesuraient plus de 4 m. 70 de
haut, et un tres remarquable polissoir à cupules qui se
trouve dans l'alignement des menhirs.
Il est en outre fort probable que ces cinq menhirs faisaien t
partie, à une époque plus reculée, d'un ensemble mégali ­ thique très important. Mais ici c'est la nuit noire, faute d e
documents. Ce qui est certain. c'est qu'en mars 1887 il Y
avait dans les parcelles 38, ' 39, {IO, Plouguin, section C,

Locmajan, feuille l'·, depuis longtemps réunies en un seul
champ, quatre beaux menhirs, l'un dans un talus (et c'est
ce qui lui a valu d'être co nservé), les troi s autres au milieu
du champ. C'est derniers furent, à cetle époque, abattus par
un carri er de Tréglonou, François Le Roux, pour édifier une
maison au bas de Locmajan, maison actuellement occupée
par M, Guénoden.
Le plus grand ennemi des mégalithes eslle carrier, qui ne
peut résister à la tentation de réduire en seuils et linteaux

néfaste à nos vieux mégalithes et qu'il conviendrait de
combattre pal' J'interdiction absolue.
Le respect des vieilles choses est inconnu du carrier de
campagne, qui met volontiers en pièces le plus beau monu ­ ment si le grain de la pierre lui plaît, et cela consciemment,
ce qui est d'autant plus grave. Le cultivateur, lui, agit plutôt
par ignorance; une pierre le gène dans son travail, il l'enlève ;
mais. s'il sait avoir affaire à un vieux monument, il accepte
volontiers de l'épargner. li conviendrait de combler au plus
tôt cette lacune de l'éducation rurale pour le grand bien de
la science et pour la sauvegarde de souvenirs relativement
rares qui nou s resten t d'un lointain passé.
Ce qu'était l'alignement avant mars 1887.
L'alignement occupait UJle zone longue d'environ 350 mètres
comprenant les parcelles 38,39,40, 139, 296,295, 292, 283,
28[1, 282 de la section C (Locmajan, feuille Ir., Plouguin).
CeLLe bande de terre est cou pée très obliquement par un
chemin d'intérêt commun qui va des m oulins de Tanet vers
1\ ermabiou.
Le groupe le plus important de ces mégalithes occupait un
champ formé par les parcelles 38, 39 et L l O réunies. Ce groupe
comprenait quatre grands menhirs, dont trois étaient alignés
avec l'autre menhir situé dans la parcelle 282. Entre le

1· '> groupe de menhirs et le menhir isolé de celte dernière
parcelle se trouve, toujours dans l'alignement et à l'angle
ouest de la parcelle 283, un bloc globuleux en diorite pré­
sentant à sa face supérieure des caractéristiques d'un polis­
soir avec cupules et rainures. D'autre part toute la partie
située entre les deux champs extrêmes est parsemée de blocs
rocheux soit en granit, soit en diorite, dont quelques-uns
sont de grandes dimensions et qui auraient pu être des
mégalithes brisés, ou de volume réduit, et mis à l'écart pour

celle 38. sc lro uve un g ros bloc rocheux qui est encastré dans
le talu s.
Tout ce t el~semb lc l'o rm e une ligne Lrès nette dirigèe
sensiblem ent O.N.O. E.S.E.

Le.:> menhirs disp 1I'LlS. Puul du Cha tellier, dans son
livre Les Epoques préhis trJriques el gal.lloise i! da ns le Finistère,
écrit (p . 15 1 ) : « A Locmajan, il l'est du bourg, existaient
quatre menhirs, dont trois , ayant les mesures suivantes :
5 m. 40 de hau t sur 2 mètres de large ; li m. 80 sur 1 m. ll5
el L I m 70 sur [ m 80, ont été détruits par les carriers en
mars 1887 . Le quatri ème, mesurant 6 mètres de haut, élait
encore debout au mois d'avriI188g . T ro is de ces m enhirs
formaien t un triang le isocèle pal' leur groupement. En les
exploitant il n'a eté recueilli à leur base que des fragm en ls

de poteries grossières ,) .
O'autre part le Commandant Devoir écrivait dans ses
notes en 1900: « D'après un carrier de Plouguin, M. Le
Mao, ce menhir (le gra nd menhir ac tu el) est le reste d'un '
ali g nement comprenant 4 menhirs de grandes dimensions,
qu i ex isLa ienl encore il ':l a L lO ou 45 aus. Celui ci. encastré
dans un mur, a été. jus'l u'i! présent, sa nvé de la destruction .
J'avais promesse du prop riétaire de ne point le détruire . Ce
propriétaire est mort il y a quelqu es mois. Il serait important
d'ass urer la co nse rvati on de ce bea u menhir Jl.

On voit que ces Iloles ne précisent nullement l'emplace-
ment des menhirs disparus . J'ai eu perso lln ellement l'avan­
L age, au cours d'une peLite enquête, de rencontrer des
personnes sur la roi et les souvenirs desquelles on puisse
compter et qui m'ont fixé SU l' le L errain même l'emplacement
à peu près exact de ces géants disparus.
Ces trois grand s menhirs se trouvaient. comme je l'ai
indiqué plus haut, dans le champ occllpé pal' les trois

trouve au point A du plan, permettant l'accès du chemin
d'intérêt commun. '
Le plus grand des trois menhirs disparus se trouvait en B. à
25 mètres du point A et à 40 mètres du point a, pied de la
perpendiculaire abaissée du point 13 sur )e talus est du
champ. Ce menhir avait, selon les indications de P, du
Chatellier, d'ailleurs reconnues exactes par les personnes que
j'ai consultées, une hauteur de 5 m. 40 et un diamètre de
base de deux mètres.
A :1 m. 50, vers le nord-est de ce menhir 13 l'espace néces-
saire pour le passage d'un attelage - se trouvait le menhir C,
et à 12 . mètres environ des menhirs 13 et C, en allant vers
le menhir GM, se trouvait le 3

menhir disparu D. Il m'a été
impossible de savoir auquel des menhirs Cet D appartenaient
ces dimensions précisées par du Chatellier, de 4 m . 80 sur
1 m. 45 et 4 m. 70 sur 1 m. 80; le souvenir de mes vieux
indicateurs n'allant pas si loin en précision; la chose est
d'ailleurs sans importance vue la similitude de ces dimen-

SiOns.
Les menhirs C et 0 se trouvaient donc être dans l'aligne­
ment de PM et GM, alors que le menhir 13, qui formait avec
ses deux congénères disparus un triangle isocèle, était légè­
rement en dehors vers le sud-ouest de cet alignement.
Le grand menhir. - Planté dans le talus qui sépare
les parcelles 38 et 39 de la parcelle [p (sectioo C, LClcmajan,
Plouguin) à la cote 57, Ù 3 km. au N.N .E. du bourg de
Plouguin, ce menhir mesure de 6 m, à 6 m. 50 de hauteur
depuis sa sortie du sol. A la hauteur de la èrête du talus il
offre un pédmètre de 8 m. 80.
La section est à peu près carrée . Ses faces paraissent bien
avoir été taillées , bien que présentant un peu d'irrégularité.
Il est en granit comme la plupart des menhirs du pays, Le

au bourg de Lannilis, mais je ne saurais dire exactement

quels objets il y aurait trouvés.

Le petit menhir. Situé à quelques mètres de l'angle

nord-ouest de la parcelle 282 (section C, Locmajan). dite

(( Parc-an-Oualen n, partie de la ferme tenue actuellement par
M. Goulven Conq, de Lannoulouarn, ce meuhir paraît bien
être la base d'un menhir dont la partie supérieure aurait

disparu à une époque assez reculée.

Il a actuellement 2'm. 20 de hautel1l' sur terre. Sa section

est triangulaire, l'angle le plus aigu étant dirigé vers le sud.

Ses trois côtés mesurent 1 m . 70, r m. 75 et 0 m. go.

Il est également en granit.

'Vers la limite du tiers moyen et du tiers inférieur de ce

m'égalithe se trouve une grande fracture due à une tentative
de débitage de ce menhir. La trace des coins des carriers est
d'ailleurs très apparente encore .

Le polissoir. Ce bloc est grossièrement globuleux,
il mesure L m. 05 de hautel1l' au-dessus du sol. Sa section
vers le mi lien de sa hauteur donne [ mètre de diamètre dans
la partie la moins large et 1 m. 25 dan s l'autre.
Les faces latérales n'offrent rien de spécial, par contre sa
face supérieure est extrêmement intéressante.
Celle fa ce est divisée en deux zones nettes, qui s'op ­ posent un peu à la façon d'un toit de maison. L'une, tournée

vers le S. S. E., est creusée en cavité ovale extrêmement

lisse sur toute son étendue , qui est cependant rayée oblique-
ment par deux rainures parallèles nettement marquées; qui
séparent en deux un groupe de 4 cupules, en laissant une

seulement d'un côté et trois de l'antre. Cette cavité, creusée et

lissée artificiellement, me semble avoir' servi de poiissoir. Je

serais néanmoins heureux de voir cette opinion discutée SUL'

place par quelques préhistoriens avertis.

La deuxième zone, qui est tournée vers le nord, offre unè

particularité du plus haut intérêt; elle y présente 21 cupules
de dimensions assez égales,

lJ) O'

t-'IGliIlE SCIIÉ1UTIOUE
ut": I .A' FACE Sl.ip~lI ll!l;n~
vu l'O Ll SSO III U~ t..A ,'mlllJl .. Ou.~ Il . '''
Ce gros polissoir à cupules est en diorite et se trouve situé
dans la parcelle n° 283 à quelques mètres de l'angle nord du
champ, dans l'alignement des deux menhirs ci-dessu s décrits .
Les blocs rocheux. Ces blocs, de dimensions moin-
dres, méritent mention; quelques-uns semblent bien en effet
faire partie de l'alignement; malheureusement ils ont presque
tous été déplacés et fragmentés. Je crois cependant utile
d'indiquer J'emplacement des plus gros de ces blocs. Il est
très net qu'ils se trouvent encore, à peu de chose près, dans
l'alignement des menhi l'S,
En' partant de l'est j'ai noté:
dans la parcelle 282, trois blocs à l'angle sud-est de
ce champ;
dans la parcelle 228, quatre blocs situés entre le
menhir PM et le polissoir;

" dans la parcelle 29 2 (actuellement divisée en deux par

urr talus) une douzaine de blocs de différentes
tailles. dont trois plus importants à l'angle es t de
la parcelle de droite;
dans les parcelles 295 el 296 dilTérents blocs placés
dans le talus qui borde le chemin;
dans le terrain vague placé à l'angle de ce chemin et
touchant la parcelle 40, plusieurs gros blocs de
tailles et formes différentes.
Tous ces blocs sont en granit ou en diorite.
Conclusions. Il ne m'appartient pas de tirer de ces
faits une conclusion que d'autres, plus compétents que moi,
peuvent seuls en déduire; cependant j e crois pouvoir dire,
sa ns crainte de me tromper, qu'il ya eu dans cette région
un alignemeut important attestant la présence d'une popula­
tion nombreuse et laborieuse, ayant vécu a u cours des deux
ou trois premiers millénaires qui ont précédé notre ère.

", bn loiu de ce centre se tmuve un village du nom de

K enl&,un qui a fourni de nombreux vestiges de nature

él'i verse (collier avec pendeloques faites de serpentine et
d'une autre roche qui paraît bien être de la callaïs, haches

()ol'ies de diVers modèles, percuteu rs, rognons de silex, vases

c r rt ei"l'e cuite grossière, etc ... ) .d\ll1e colonie importante 'qui

Il 'probablctnent été célie-là même qui a érigé ces 'monuments.

)" 'J'ajciute' q u'aucun de ces mégalithes 'n'est classé et qu'il

sérait o~porttin Je prendre les dispositions nécessaires pour

en 'assurer, la CO l'lservation.

LOUIS L' HOSTIS.

-162 -

DEUXIÈME PARTIE

Table 'des mémoires pu bilés en 1934

PAGES
1. Les mégalilhes 'de Lannoulouarn (en
par Louis L'HoSTls (avec 3 planches)
Plouguin) '.

Il. Une épidémit) à Poullan en -1773, pal' Daniel
BERNAlln, . . ', 1

Ill. L'instl:uction priniaii'e dans le Finistère sous le

régime de la loi Q:uizot' (1833-1850)1 par Louis

OGÈs , . . . .

QUIMPER - IMPlllMElllE Mm. BAHGAIN