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Bulletin SAF 1933


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Un centenaire passsé inaperçu dans le Finistère le choléra

L. Farcy

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1933 tome 60 - Pages 42 à 46

UN CENTENAIRE
PASSÉ INAPERÇU DANS LE FINISTERE
"LE CfIOLÉRA"
L'ann ée 1 932 a m a rqll é le centenaire d e l'apparitio n d\m
Il éa ll qu i fit en so n temps un g rand nombre d e victim es, le
choléra - morbu s.
Ven u de l'Inde, où il es t endémiqu e , le cholé ra avai t désolé
]' Asie enlière. Mulgré Iou les les précaution s prises , il ava it
pénétré en Russie e t. de là, gag né lo us les autres pays. Les
co rd o ns sa nita ires mllltipliés ne pouvaient l'arrêter; le mal
sail lait d e ville e n ville. de capitale en capitale. Pari s s'en
p réoccupa peu tOllt d 'abord, mai s bientôt le nombre croissant
des rnalades j eta partout l'inqui étud e .
Le Iléa ll qui désolait Pari s pa rcourut 2ï départe ments ; dan s
le d épartement d e la Sein e, il fit plus de 20 .000 victimes,
d on l le cplè b:'e naturali ste Cuvi er et le mini ~tre Casimir
Péri er, morl victime de so n dévo uem ent (16 mai 1832).
Dan s le Fin is tère , le fléa u se manifes ta tout d'abord à
Mo tla ix , Bres t et Quimper; da ns cetle d erni ère vill e, l'ép id é mi e
fut d e courte d urée, puisqu' ell e avait presq ue entièrement
cl ispal'll à la fin d e juillet, g râce aux efforts dll corps m édica l
loca l , a id é du D" Delu çay, chirurgi en d e marin e ; néanmo in s
la célébratio n d es j ournées de juillet fut moins brillante qu e
l'année précédente, d'autanlqlle, surc roît de malheur, survint
un incendie qui consuma (1 la montagne » d e la Patri e.
Da ns l'arrondissement de Morlaix, pal' con tre. la malad ie
dura plus long temps et y fit d'i m portants ravages. A Morlaix où

le !1éa u écla ta An juin, l'on comptai t déjil à la date du 16 aoùt
plus de 450 morts, dont le maire M. Rivoall and , vi ctim e
de son zèle. Grâce nI! cl évouement des reli g ieuses et B U
concours des chirurgiens d e la marin e, le dernier bulletin
sanitaire paraissait le 27 septembre dans « l'Armoricain ". et
le mois suivant ( 18 octobre), le co nseil mnnicipal " olai t des
« actions de g râces» il tou s ceux qui s'é taient di stingu és .
Le choléra sévit éga lement à Quimperlé, Lesneven, RoscolT.
Plabennec même, avec un e tell e inten sité que le concours de

la marine fut partout nécessa ire { c'es t ainsi qu'à RoscolTn ou s
trouvon s le D I' Potel dont non s reparleron s tout à l'heurej . Il
en fut de même à Molène, où l'épidémie s'était décla rée le
24 aotÎt, apportée pal' un pilote de Bres t, et où sa violence fut
telle qu'à la date du 29 . elle faisait déjà 40 victim es dont
6 morts . A Ouessant. par contre. la maladie ne fut même pas
signalée et le m édecin put co nsacrer tous ses soin s à ses
voisins Molénai s .
A Bres t, il la date dn 27 septembre, l'on comptait un L otal
de 1678 cas se décomposa nt en 776 décès . 85 convalescen ts
et 8[7 guérisons. Si l'on y ajoute les cas signal és ju squ'au
26 octob re, date du dernier bulletin publié. on trouve 1688
cas et 785 décès ; l'ann ée [83 2 ne présente cependant qu e
355 décès de plus qu e l'ann ée précédente.
La répugnance des ouvriers à se faire soigner à l'hô pital
maritime a\,lit été telle qu e le ministre dut leur ga ran tir le
pai emen t de la solde in tégrale, a u lieu de la demi · sold e don l
il s jouissaient à domicile et qu'on les menaça d'ailleu rs de
supprim er . Grâce il ce tte sage hospitalisation, le fl éa u fut plus
vile en ra yé, et le 2 novembre les médecin s et ph arma ciens de
la ga rde national e reprenaientleul' service interrompu pendant
l'ép idém ie.
Comme dans tou s les cataclysm es on vit se produire les
actes les plu s divers : actes de d évouement remarquables

tables (lels que ceux de la procession de Saint-~l arlin des ­ Champs ) ; enfin, profilant du désarroi des caLl1pagnes. les
voleurs reparurent çà ct là.
L'épid émie d onna également nai ssance à tou te un e litléra­
ture. tant d'observatio ns qu e de rccettes pratiques : Ic 20 aoùt,
)'o n signalait qu e ( les gens de [\ erin ou se flatt ent qu e le
choléra es t di sparu de chez eux puisqu e les birondellt .. s y
rev ien nen t ').
En mars 1833 , M. Hello . chirurgien de marine, publia un e
brochure h fort bïen fail e IJ sur le choléra-morbu s.
Un a no nym e prétendait que {( selon les apparences ') le cho­
lé ra' se transforme en unè foul e de ' maladies : griplie, in­
flu enza, fi èv re nerv euse ou intermittente.
Quant aux remèdes , ·ils sont légion à la quatrième page des
journaux: M. Trégart (un Anglais) soigne le choléra par l'huile
de c ro ton; un médecin de Pari s le rend moins redoutable
qu'une fluxion de poitrin e par l'ac ti o n combinée du vésicatoire
anglais et de la sa ig née, accompag née d'ingeslion de riz.
L'ea u salutaire anticbolériqu e de Dubocq. dlLe « de la
HO(lu elle)J, pré lend avoir g uéri plu s de 5.500 p erson nes.
EnOn un g uérisseur, M. Leg uen, fut condamné par le tribunal
de Brest: il vendait et distribuait le remède de Le Roy , s i
prisé dan s le Finistère, mai s très cOlllesté en .d'autres vill es, à
Bordeaux pa r exemple , où o n J'appela it « la drogue iJ1 'en-
diaire de Le Hoy ,J. .
Les d épa rte men ts vois in s ne furent pas davantage épa rg nés :
à Lori ent, par exemple, l'on dut enregistrer la mort du
géné ral angla is Samuel Dabrymple ; le choléra . qui s'était
décla ré au Pott-Louis au d ébut d·octobre. y faisait autant de
victimes qu'à Brest ( J:5 et même 20 par j our) ; le Préfet
maritime. l'amiral Malle t. fut lui même atteint et l'o n conçut
de fortes craintes en rai son de la faiblesse de so n tempéram ent.
Paimpol ful également l'une des villes les plu s touchées

les l'es les des victim es el le souvenir du fléau es t toujours
res té très vivace, La ville n'a ,d'ailleUl's p as oublié de fêler le
centenaire el le de rnier m ois d'aoù t a Vll de grand es fê tes
commémorant le Vœ u de 1832,

U ne proces'sion, parlie de J'égli se n euve, se ren d it a u cime-
ti ère des victim es et ne rentra qu'après avoir fait un e sta li on
devant chacun e des « Vierges du choléra n, L'on dés ig ne à
Paimpol sou s ce nom les statu ettes de la Vi erge gui furent
placées SUl' la fa çade des maison s où s'étaient révélés des cas .
Le Fini stère, lui, n'a point manifes té sa souvenance ; est-ce
à dire gu e tout soit oublié et qu'il ne reste aucune trace de
l'épid émie qui décim a nos ancêtres? Que non pa s !
Au cim eti ère de Brest, ca rré 16, en bordure de l'allée qui
m ène au monum ent du D' Salaün-Penquer se dresse une
cbapelle emblable à bea ucoup d~autres, mais portant à son
front on l'in scription sui vante :

AU D O CTEU R POTI~L
Victime de son dévouement; hommage do reco nnaissance
Le vi si tpu r gui s'en approch e p eu t apercevoi r dan s le fond un
m odes te vitrail; dans une p auvre mansarde, un e m alade gît
sur u n lit de douleur, So n chapea u ha ut de forme renversé
S Ul' un peti t banc, le parapluie appu yé contre le lit, un
m édecin tâ te le p oul s de la patiente, tandi s qu e de la main
ga uche il caresse la tête embroussaillée d 'un marmot
b arbou illé ,
Ce médecin n'es t an tre que Bapti ste- F élix-Marie Potel,
docteur en médecine et chirurgien de [ 'a classe de la mari ne
e n retraite, époux de Sophie- Marie -Désirée B étet, décédé le
28 fév rier 1853 à l'âge de 52 ans 9 mois. Lors de l' épidémie
de [832, il m anifesta un dévouement sans born es a ux p opu­
la lions de Roscoff, « Par une médi ca tion habile, p ar des so in s
intelligents, il réussit à arrêter les ravages du terrible fléau

et, quand il quiLte cette localité, ce ne sont que larmes, regrets
et concerts de bénédiction » (1).
En 1 834 . après le siège de Bougie, il eu t l'occasion de
déplo)'cr so n talent chirurg ical sur un vaste théâ tre de
blessés: c'est in contestablement à son habileté et à ses
lumières , que la vie du général Trézel, qui était gravemelJt
co rn promise, du t d'être conservée.
Rendu à la vi e civile. il consacra son temps au so ulage ment
des malades, et surtout des enfants ; aussi ses fun érailles
furent-elles un deuil publi c ; un. nombreux cortège se pressa
autour de la famill e, et son ami , le D" Ca radec, se fit l'inter­ p rète de tons en un discours que publia la presse locale.
Pou r perpétu er la m émoire de cet hom me de bien, l'idée
d'un monument ne tarda pas à germ er; sous les auspi ces de
la banque H. Guilhem et Ci· et Pitt)' frères, un e souscription
fut ouverte dans le public. Son montant, qui s'éleya à .environ
2 .500 fran cs (pui sque l'Océan du 15 a\'l'il accuse un e rece t.Le,
à ce j our, de 2.383 fran cs), servit à J'édifica ti on de la chapelle
actu elle.
Le monument est encore aujourd'hui en bon éta t de conser­
va tion , et il snffirait de quelqu es menues réparations (la pein­
ture de la porte et un lessivage de son toit. qu elque peu
envahi par la mousse) pO Ul' prouver qu e n ou s n'oublions pas,
en attendant qu e germ e l'idée lan cée pal' J'un de nos
co nseill ers, celle de donn er le nom du D' Potel à l'un e des
rues qui avoisin eront le nouvel hôpital.
L. FARCY.
(i ) Di scours du Dr Caradec, journal l'Armoricain du 1

DEUXIEME PARTIE
Table des mémoires publiés en 1933
PAGES
I. Comment les nobles de Quimperlé quittèrent la
ville en mars-avril lj90, par Jean SAVINA. . . . 3
Il. La justice de paix du canton de Cléden-Cap -Sizun.
Q90-An X ( 1801 ). Les juges: Michel Arhan et
Aimery-Laurent-Allain, sieu r de La Roche, par
Daniel BERNARD

III. Un centenaire passé inaperçn dans le Finistère

« le choléra », pa r L. FARCY. . 42
IV . Note sur Tanguy du Chastel d'après quelques do-
ments bourguignons, par Simone GOUBET.

QUIMPER.