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Bulletin SAF 1933


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La justice de paix du canton de Cléden-Cap-Sizun. 1790-An X (1801). Les juges : Michel Arhan et Aimery-Laurent-Allain, sieur de La Roche

Daniel Bernard

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1933 tome 60 - Pages 19 à 41
du cant.on de Cléden-Cap-Sizun
I790-An X (1801)

Les juges: i1Iichel Arhan
et AimeryaLalll'ent Allain, sieur de La Roche

On sait qu e le département du Finistère, dont les limites

avaient été fix ées par l'Assemblée générale d es députés d e
Bretag ne, le 28 janvier '790, fut divi sé par la suite en n eu f
distri cts et chaque district en neuf canlon s (sauf ceu x d e
Carhaix et de Quimperlé qui n'en eurent que huit.).
Parmi les n euf cantons du di slri ct de Ponl·C roix, celui de
Cléden fut composé des trois commnnes de Cléden. de Plo­
go IT et de Goulien, avec chef-lieu à Cléden.

La loi des JG-2l~ aoùt '790 sur l'organi sa lion judiciaire
ordonnait l'établissement dans chaque canton d'une ju stice
de paix, formée d'un juge, d'un greffier et de plusieurs asses­ seUl'S . Celte in stitution, inconnue ju squ'alors en France.
devait. remplacer les ju s tices seig neuriales supprim ées et
con stituer le premier degré d e juridic tion, imméd iatem en t

en desso ns des lribunaux de di stric t.. En créant les juslices

de paix, l'Assemblée Nationale {( \'oulut. in stilu er un e juri -
diction paternell~ , bomée aux aITaires les plu s simples,
exercée pour ain si diL' ..! au milieu des champs, exempte de la
procédure el des formes qui obscurcissenl tellement les pro­

raison» (r). Le juge de paix reçut une mission essentielle,
inexistante auparavant, celle de médiateur, de conciliateur.
Le législateur voulait, de plus, rapprocher le tribunal des
.iusti~iables, pour éviter « les déplacements si longs, si oné­
reu x et si fa tigan ts, les sollicita tion s person nelles des plai­
deurs auprès des juges» (2). Il permit aux parties de présen­
ter leurs plaintes directement, sans citations, en excluant les
praticiens de campagne qui étaient les plus grands flé:mx des
justices d'ancien régime.
Il est inutile de rappeler les griefs si souvent exprimés
contre ces justices; mais nous devons cependant faire con­
naître les juridictions exercées sur le territoire des trois com­
munes composant le canton de Cléden. La sénéchaussée
royale de Quimper étendait sa juridiction sur tout le domaine
du roi, assez compact en Clédenet en Plogoff; le marquisat

de Pont-Croix, dont le siège était à Pont-Croix, avait des
domaines dans les trois communes; le marquisat de Kerharo,
qui eut son siège à Pouldavid et à Quimper, s'étendait sur
une partie de Cléden ; la seigneurie de Lezoualch possédait
la majeure partie de Goulien et avait son siège à Pont-Croix;
les reguaires de Cornouaille, dont le siège était à Quimper,
possédaient quelques tenues en Cléden et en Plogoff; enfin,
de la baronnie du Pont dépendaient deux ou trois tenues en
Goulien. Ainsi, les habitants de ces trois communes étaient
justiciables de six juridictions différentes, les unes assez rap­
prochées, les autres fort éloignées. Aussi les cahiers de la
plupart des paroisses du Cap demandent-ils la suppression
de ces juridictions seigneuriales, la réforme de l'administra­
tion de la justice et la création d'une cour royale à Pont-Croix
li pour la commodité des paroisses du Cap et des paroisses

(i) Rapport de Thouret, député du tiers état de Rouen (Archives par­ lementaires, t. XVI, pe série, p. 738).
(2) Baudouin, Administration de la justice (La Révolution (rançaise,

circonvoisin es, éloignees de Quimper de 9 à 10 lieues» (1).
La nouvelle organisation judiciaire leur donnait toute
satisfaction, non seulement par la création des justices de
paix, mais encore par l'établissement d'un tribunal de dis­
trict à Pont-Croix, devant lequel les appels ne pourraient être
portés qu'après que le demandeur aurait produit une altesta­
tiondu juge de paix déclarant qu'il avait offert inutilement
sa médiation.
Voici, eu peu de mots, quelle était la compétence desjuges
de paix: ils connaissaient, en matière civile, sans appel,
jusqu'à la valeur de 50 livres, 1° des causes personnelles et
mobilières; 2° des actions pour dommages faits par hommes
ou animaux aux champs, fruits et récoltes; 3° des dépla­
cements de bornes, usurpations de terre, arbres, haies , eau
servant à l'arrosement des prés; 4° des réparations locatives
des maisons ct fermes; 5° des contestations entre fermiers
et locataires; 6° des questions de salaires, gages de domes­
tiques; 7° des actions p our injures verbales, rixes et voies
de fait.
En dehors de ces prérogatives puremen t judiciaires, les
juges de paix avaient hérité des juridictions seigneuriales
de quelques attributions administratives, telles que les appo­
sitions, reconnaissances et levées de scellés, des nomination s
de tuteurs et curateurs, des émancipations de mineurs.
En matière criminelle, les juges de paix devaient recher­
cher les auteurs de crimes ou délits, concurremment avec
la gendarmerie, procéder à l'interrogatoire sommaire d es
accusés, recueillir les dépositions des témoins et fournir au
jury d'accusation du district les éléments d 'information utiles.
Aux termes de la loi du 16 août 1790, les juges de paix
devaient être choisis parmi les citoyens actifs du canton,

(1) Voy. Les cahiers de doléances des sénéchaussées de Quimper et
de Concarneau, publiés par J. Savina el D. B ernard, p. 88, 97, i05,

c'est-à-dire être àges de 25 ans, n'être pa s serviteurs à gages
et payer une contributions directe de la valeur de trois
j ournées de travail. Ils devaient être élu s par les citoyen s
actifs de leur ressort, réunis en assemblée pl'Îmaire au chef­
lieu du canton.
Quant aux assesseurs, au nombre de quatre par commune,
ils étaient choisis parmi les notables et élus au scrutin d e
liste, au siège de chaque commune. Les juges et assesseurs
étaient élus pour deux ans et rééligibles ind éfi niment.
Avant de commencer l'exercice de leurs fonctiolls, les juges
de paix devaient prêter, devant le conseil general de la com­
mune de leu r domicile. le serment de « maintenir de tout
leu r pouvoir la Constitution du royaume, d'êlre fidèles à la
Nation, à la Loi et au Roi , et de remplir avec exactitude les
fonctions de leurs offices ». Ils choisissaient ensuite leurs
g reffi ers, qui devaient prêter entre leurs main s le même
serment qu'eux.
Le traitement des j llges de paix, d'abord fixé à 600 livres,
fut élevé à 900 livres en 1793; celui des greffiers, de 200
livres au début, fut porté à 350 livres. De plus, un décret du
ô mars L791 alloua « pou r les appositions et levées des
scellés, 2 livres pour une vacation de trois heures et vingt
sous pour les vaci:ltions suivantes, sans que le cOllt de l'une
ou de l'autre pLÎt excéde r trois livres Le greffier avait droit
aux deux tiers de la somme allouée au juge ».

Dan s les quelques liasses de procédures provenant de
la ju stice de paix d e Cléden, déposées dernièrement aux
Archives départementales, nous n'avons guère rencontré que
des affaires banales. Cependant, nous avons crû devoir noter
certains faits qui caractérisent l'esprit des habitants de la

r egJOn.

de Kerhemeall en Plogoff et Pierre Mérour, de Kertanglly
en Cléden, aperçurent une pièce de vin rouge floltant sur la

mer et allant s'écraser SUl' le gan'ec du; ils se jetèrent à
l'eau et la poussèrent sur le sable de la bai e des Trépassés.
Ensuite ils transportèrent leur butin dans un village voisin,
a pour éviter le péril où ils auroient pu se trouver vis-à-vis
des gens mal-intentionnés qui auroient pu se trouver sur le
rivage et auroient peut-être de force enfoncer la dite pièce,
avant qu'ils auroient pu appeler des forces pour sa conser-

vation 1), La précaution n'était sans doute pas inutile! La
municipalité de Cléden, aussitôt prévenue, adressa une
requête au juge de paix cc tendant à faire 'partager la pièce
de vin en question entre les citoyens de la commune, au prix
du maximum, comme une denrée de première nécessité et

fort rare dans ce temps », Le juge était d'avis de faire faire
la distribution sur place et il voulut s'o'pposer au transport du
tonneau au bourg « étant à moitié crevé et hors d'état d'être
transporté, attendu le péril de sa perte)), Mais les officiers
m 1.1 u ici pa u x et les membres du comi lé de surveillance ne
l'entendaient pas ainsi; ils soupçonnaient le juge de vouloir
s'approprier l'aubaine et devant leurs menaces, celui-ci dût

céder, La pièce de vin fut donc charroyée au bourg, mise en
un cellier dont la clef fut remise au préposé des douanes.
Le 22 germinal, on procéda au partage entre les citoyens de
la commune, à raison de 30 sous le pot. Ou distribua en
tout 63 pots et 3 chopines, ce qui produisit la somme de
Dg livres 8 sous. Le fût vide fut vendu 8 livres 5 sous'
Les frais de sauvetage, de garde, de charroi, de vente et
partage montèrent à 115 livres l '.! sous, sur lesquels le juge
reçut 40 livres, le greffier 26 livres, les sauveteurs et gardiens
18 livres et les préposés des douanes, pour assistance,
4 livres. Ainsi, l'a ITaire, après avoir failli dégénérer en
troubles, se termina fort régulièrement à la satisfaction de

Le 7 aoîit Iï9!l, le juge Michel Arhan condamna Etienne
Le Bonis à vingt sous d'amende, à la requête de Louise­
Renée-Marie de Rospiec, dame de Lezo ualch , pour « avoir
fait du feu dans l'intérieur d'un arbre, sous prétexte de faire
sortir un essaim d'abeilles ».
Vers la même époque, Daniel Kerloch, de Kérandraon en
Primelin, fut condamné à 50 livres de dommages et aux
dépens pour avoir « maraudé des fruits » chez Jean Le
Normant à l\eridiern-ar-veiJ.
Le 21 juillet '793, le mari de Catherine KerIan, de Kernot
en Cléden, attrapa 24 livres de dommages et intérêts,
« attendu que Catherine l erlan a eu tort de donner des
soumets et de casser le pot d'écuelle, façon de Bordea.ux,
su r la tète de Catherine Normant sa voisine )J . Pensez donc,

un pot d'écuelle fa çon de Bordea ux ! (il s'agit d'un pot en
forme d'écuelle : pod-scuell).
Pendant la Terreur, de " fréquentes visites domiciliaires
furent faites au Cap pour rechercher les prêtres réfractaires .
Jeanne Danzé de Kerferguel, en Cléden, était soupçonnée de
cacher un prêtre et, pour è Lre laissée tranquille, elle avait
remis à Bernard Scoarnec, du moulin de Kerharo et à Clet
ChaIm, de Lanwlien, grenadiers de la garde nationale, la
somme de 5 livres 1 5 sous. Néanmoins, une fouille fut faile
chez elle le 2 juin 1793, sous la direction de Pierre Pellerin,
capitaine des grenadiers. De dépit, Jeanne Danzé réclame le
remboursement de son argent et le juge Michel Arhan , non
seulement lui donne satisfaction, mais condamne les mili­
taires à 12 livres d'amende. Ceux-ci durent sans doute se
juger encore quittes à bon compte, ca r si pareilles tractation s
avaient été portées à la connaissance des autorités, ils auraient
été plus sévèrement punis, de même que leur complice.
La même année, à propos de la succession de Françoise
Sicourmat, de Cléden, Michel Arhan, ou pluLôt son greffier
Jean Lannou , caractérise les agissements de l'un de ses

héritiero:, Jean Bétrom, en des termes qui ne I . uanquent ni
d'hu mour ni de sel: « les manœu vres de la fourberie,
l"avidité de s'enrichir qui, sous l'ancien régime et dans
l'actuel a toujours fait le mobile du cœur de Bétrom, fusion
funeste de ses passions, il a su s'approprier un bien dans
lequel il n'avoit aucune prétention u .. « il manquoit de
chemises à sa femme, celle-ci (Francoise Sicourmat) en avoit
quarante; il manquoit de l'argent à Bétrom, celle-ci avoit
de la graine de lande; il vouloit faire gras en carême, elle
avoit provision de lard; on ajoutera peut-être, d'après une
preuve par commune renommée qu'elle avoit des écus ... u
On sent l'indignation frémissante du brave juge devant la
malhonnête cupidité de l'héritier trop pressé, auquel il
inflige d'ailleurs une punilion bien méritée.
Après la supp ression des sièges d'amirauté. une partie
de leurs attributions fut dévolue aux juges de paix , telles
que la surveillance des naufrages et l'organisation du sauve­
tage des épaves . Dans une région comme le Cap-Sizun, ces
prérogatives ne constituaient certes pas une sinécure. Cepen­
dant l'on voil qu'ils se sont acquittés consciencieusement de
leur mission. En frimaire an III. Michel Arhan dut passer
plusieurs nuits sur la côte pour surveiller le sauvetage de la
cargaison de cu irs, huile de baleine et suif, provenant du
vaisseau espagnol La Conception qui, chassé par la fré­
gale La Républicaine Française, de Bordeaux, était venue
s'échouer sous Kerguerriec. en Goulien. Quelques détour­
nements ayant été commis par les riverains, il fit nommer
deux commissaires par les municipalilés de Goulien et de
Beuzec pOUl" assister le receveur dans les visites domiciliaires.
Dans la nuit du 18 au 19 ventôse an Vlll (9-10 mars 1800),
le vaisseau de la marine anglaise Le Repulze, de 64 canons et
432 hommes d'équipage, commandé par Jeannes Aluice,
vint se briser su r les rochers de la côte de Trouérénec en

large dan s la grande chaloupe et le grand can ot ; le reste de
l'équipage, 393 hommes, fut conduit par la force armée à
Audierne el à Ponl-Croix. Le juge de paix Allain dut orga­
niser le sauvetage et l'escorte de l'équipage et pourvoir à la
garde d' un e grande quantité d'objets arrachés à la mer au
Quinhas. Pendant plusi eurs nuits et plu sieurs jours il fut
obligé de se lenir sur les lieux du sinistre pour surveiller les
débris du na u l'l'age .

La dale des élec tions des juges de paix et de leurs asses­ seurs J'Ill fix ée au 20 décembre 1790 parle Con seil général du
Finistère. Les électeurs du can ton de Cléden se réunirent
ce jour-là au bourg de Cléden el voici le procès-verbal qui
ru t rédi gé à la fi n des opéra tion s :
« L'an mi 1 sept ·cent quatre vingt dix, I () \ingt décem bre, l'Assemblée
primaire du canton de Cléden-Cap-Sizun ayant été annoncée dans les
paroisses respt'ctives qui forment le canton , le douze décembre de la
présente ann ée, suivant les ir.slructi ons de MM. les administrateurs du
district de Pont-Croix. annoncée par les officiers municipaux des trois
paroisses ... Les habitants actifs des paroisses de Cléden, Plogoff et
G oulien s'étant réunis environ les dix heures, en l'église paroissiale de
Cléuen·Cap-Sizull, ch el-lieu du canton, lieu indiqué par la municipalité
de Cléden, ont demandé le doyen d'àge de l'assemblée; Ciel Perheriu
s'esl présenté, lequel a été reCO llllU pour être le plus ancien. ,Germain

Marzin , Jean Couillandl'e el Mathieu Kerloch ayant été reconnus pour
les plus anciens d'âge, ont pris la place de scrutateurs, et à la voix
unanime de l'assemblée, Pie n e Pellerin il rempli les fonctions de
secrétaire.
« Ce préalable l'empli, M. le présid ent il lait annoncer a l'a ssemblée
qu'il éloit tenu de procéder à un ~cl'utin pour nommer un président
effectif.
l' M. le présidenl a ordonné l'appel nominal de tous les citoyens
actifs des paroisses formant le canton ; l'appel fait , le nombre des "otans
est trollvr\ Nre rie cinquante-neuf; 1 11 scrnt.in recensé et dépouillr, la
majorité s'est réunie pour M. Le Gall, recteur et maire de Plogoff, et
comme tel il a été proclamé président de l'assemblée» .
On procède ensuite à la nomination d'un secrélaire;
Mathieu Kerlocb obtÏfmt la majorité et est proclamé secrétaire.
Les trois scrutateurs élu s à la suite furent Nicolas Dagorn ,
Pierre Chever et Michel Arhan.

« M. le recteur de Cléden ayant, au nom de sa municipalité, présent6
à M. le président deux paquets portant le cachet du district de Ponl­
Croix, M. le président eu ayant fait ouverture, le premier contenait des
adresses, ta" nt eu français qu'en brelon relatives à l'objet de l'assemblée.
Le président les a distribués sur le champ; au vœu des citoyens
présents, leclure et explicatiou failes de l'une et de l'autre des adresses,
l'assemblée s'est trouvée surpri se de voir daus ces adresses bretonnes
des sarcasmes et des libelles contre MAi. les prêtres et a déclaré
qu'aucun du canton n'avoit, ni directement ni indirectement, mérité les
reproches qu'on se mbloit leur faire, les ayant toujours reconnus pour
vrais patriotes, ~imant Dieu, la loi elle Hoi.

DU 20 DECEMBRE, DE UX HEUHES APHES-MlDl

« M. le prési~nt ayant annoncé que personne n'avoit le droit de
voter pour l'élection du j\ige de paix, qu'il ne se ful auparavant fait
inscrire sur le rôle d'inscription civique, a fail mander les maires et
officiers municipaux des " différentes paroi sses du canlon, ct leur a
demandé la représrntation de leurs rôles, lesquels ne les ayant pas
représentés, le président a dit qu'il était encore temps de se fair E' inscrirl'.
L'assemblée s'est faile inscrire SUI' le champ, chacun dans sa mun i­ cipalité .
.cc Cela lait, on a procédé il un premier scru tin pOUL' la nomination
du juge de paix, par appel nOininal. Le nombre des votants s'est trouvé
monter a quatre vingt quatorze. Ce scrutin n'a rien décidé, les voix se
trouvant partagé, et vu qu'il était six heures du soir. ".

SEANCE DU 21 DECEMBRE 1790
« L'assemblée réunie environ les dix. heures, le président lui a
annoncé qu'on avoit, le jour précédent, voté sur un sujet inéligible
suivant les décrets de l'Assemblée nationale, dont il lut donné lecture

Au sCl'Utin suivant personne ne réunit la majorité absolue;
« malgré la défense faile pal' le président de voter sur Barbeoch, il
réunissoit cependant le plus de sull·rages. L'assemblée consultée sur le
défaut d'éligibilité, il s'est trouvé trente-cinq contre dix-sept qui ont
voté à son exclusion.

DU 2 1 DECEMBLŒ APIŒS-~UD[
« Le président a déclaré a l'assemblée que le dit Barbeoch, reconnu
pour inélégible, ne pou voit pas concourir avec des sujets éligibles pour
être nommé juge de paix. Les opposans ayant persisté avec tumulte
dans leur opposition et ayant refu sé d'en venir à un troisième sCI'ulin,
exclusion faite du dit Barbeoch, l'appel nominal ayunt été commencé
de l'avis de la majorité, et le tumulte augmentanl toujours, le président
a déclaré remeLLre la décision aux administrateurs du district et du
dëpartement.

SEANCE D U 27 DECEMBHE 1790
« L'assemblée réunie environ les dix heures du matin, M, le préSi­
dent a fait faire lecture à l'assemblée du proces-verbal des 20 el 2i
décembre présente année, laquelle l'a approuvé. Le président a donné
ensuite lecture, tant en français qu'en breton, de l'urrêlé du directoire
de Pont-Croix, séance du 24, courant, relatif au)('" contestations de
l'assemblée du 2i , par iequelle sieur Barbeoch reconnu pour inéligible,
est déclaré inhabile à concourir pour le troisième scrutin ». .
Après que Nicolas Dagorn eût demandé aux électeurs de ne pas
yoler pour lui, le président a aunoncé l'ouyerture du troisième tO'1l' de
scrutin. !. Les billets comptés se sont trouyés être de cenl trenle trois (i),
égaux au nombre des votans, et dépouillés, MM. les s:rutateurs ont
annoncé que Micht'l Arhan 3yoi l réuni la majorité plus qu'absolue, el
M le président l'a proclamé juge de paix.
« M. le président a annoncé à l'assemblée qu'il dElsiroit qu'on t'ùt
chanté le Te Deum à celte occasion , laquelle lui a marqué sa satis­
faction. Il a prié M. le recleur de Cléden de vouloir bien permettre que
l'a ssembl ée marquât sa joie et sa satisfaction en chanlant dans son
église ce cantique d'ullégresse, lequel s'y est prêté daus toute la joie de
son coeur ... »
(i ) Le nombre des électeurs présents est très faible. Les trois com
Malgré l'heure tardive, les électeurs demandèrent que toutes
les opérations fussent terminées ce jour; sans désemparer,
on procéda à l'élection des assesseurs, qui fmen t: Noël
Bourdon, Clet Bériet, Jean Kerloch et Michel Perherin pour
la commune de Cléden ; Mathieu Kerloch, Jean Quéré, Yves
Riou et Jean Le Bras pour Goulien; Simon Carval, André
Carval, Guillaume SaJaün et Jean Charlès pour Plogoff (1).
Le nouvel élu, Michel Arhan, était né à Kergaradec, en
Cléden, le 7 octobre) 7[1 2. C'était un cultivateur aisé, pourvu
d'une assez bonne instruction pour l'époque. 1J0nnête
homme certes, mais un peu vain.
Dès le S[ décembre 1790 il déposait au greffe une expédi­
tion du procès· verbal d'élection et le 2 janvier, 79 l, il prêtait
serment devant la municipalité de Cléden. Mais, écrit-il aux
administrateurs du district, « il me reste un petit pas à faire,
qui est des plus essentiels et de la plus grande importance,
c'est le choix de mon secrétaire-greffier )l. Il avoue son
embarras: « Je prends ce district pour un pilier de la consti­
tution et de mon soutien; les administrateurs pour autant
de pièces dont il est construit; je le prends de plus pour un
flambeau allumé pour illuminer son arrondissement; cette
lumière que je ne dois jamais perdre de vue, à la faveur de
laquelle je dois surmonter tous les obstacles que je pourrois
rencontrer et marcher d'un pas assuré en l'exercice de mes
fonctions ll. Trois candidats lui ont offert leurs services: Le

Lannou, notaire à Audierne, recommandé par Guezno aîné,
Quéré, ancien potaire à Saint-Thugen et Pellerin, ancien
avocat, originaire de Cléden. « Voilà, MM. les citoyens les
plus remarquables qui se sont présentés à moi, mais je n'ai
donné ma parole à personne et ne la donnerai pas que sur
vos suffrages. J'espère que vous ne me refuserez pas la grâce
que je vous demande et le plus tôt possible ll. Nous ignorons

(i) Arch. clu Fillistèrl', L. U. (Affaires judiciaires),
g. 30 >
la repo n8e des admini-trateurs, mais. en définitive. il ne
choisit au cun des trois candidats précités . Ce fut à l'un de
ses voisin s, culti va teur comme lui, Mi chel Kerlocb de Kerga­
l'adec . qu'il co nfia la charge d'être son secrétaire-greffi er.
~1a is , dès le 18 avril 179 1, Mich el Kerloch se voit contraint
de d onner sa démission: « Je sens a uj ourd'hui, écrit -il au
,juge. qu e j e n e puis continuer les fon c tions dont j e sui s
chargé sans m'exp oser à comp ro mettre la tranquilli té de
plu sieurs familles et sa ns m e compromettre moi-même. le
rap port des diITicultés qu e vous avez à résoudre, les obliga ­ I. ions que me prescri vent difr~ rents décrets pos térieurs à ma
nomin a tion exigent des connaissances q ue je n'ai pas
acqui ses et présentent des incon vé nients qu e j e n 'av ai.s pa s

p révu s n. C'était reconnaître sin cèrement qu e ni le juge ni
le g reffier n'éta it à la h auteur de la situ a tion. Le rap porteur
Th ouret avait cependant affirmé (( qu e tout homme de bien ,
pour peu q u'il eÎtt d'expérience et d' usage , pouvait être juge
de p aix n ; un autre constituant avait encore l'enchéri en
déclarant: « cet h omm e des champs, qui vérjfîe sur le lieu
mê me l'obj et du litige et qui trouve dans so n expérience des
règles et des décisions plu s sûres que la science des formes
et des lois n'en peut fournir a ux tribunaux n. Mich el Arhan
cut la sagesse d'accepter la démiss ion de Mich el Kerloch el il
n omma pour le remplacer Jacqu es Lann ou. 3gés de 28 aus,
notaire et fil s de n otaire, qui prit son domicile chez Noël
Bourdon à Kergaradec. Il garda ce même g reffi er jusqu'à la
fin de l'an Il; so n s uccesseur fut un cultivateur de Brémel,
en Cléden, Yves 13arbéocb, qui continua ses fonc tions avec
Aimery-Laurenl Allain. IO J'squ e celui-ci remplaça Michel
Arban .
Michel Arhan fut réélu en 1792 et ù la fi n ci e 1794 . il
ar riva it encore en tête des li stes fO J'm ées par les au torit és
constilu ées et les sociétés populaires clu can ton. 11 fu t cl on e

GueznQ et Guermeur, en date du 5 ventôse an nt (23 février
'795), avait nommé pour le r emplacer Aimery-Laurenl
Allain. Le 28 pluviôse an III ( 16 février 1795) il demanda a
l'agent national du district de Pont-Croix: les raisons de sa
destitution: « continné par le vœu général, quels motifs
ont pu occasionner mon remplacemen t ~ Est-ce incapacité ~
Mille fois j'ai donné des preuves du contraire, et j e sui s
peut- è Lre le seul juge de paix du lessort dont aucun des
jugemens, depuis plus de quatre ans, n'ont été provoqués en
appel. Est· ce incivisme? Le contraire seroit encore a ttesté
par les habitans du canton qui ont lant de fois rendu à mon
patriotisme le témoignage le plus authentiqu e. Je te prie,

citoyen , de me communiquer les raisons de ma supp ression;
j'y 5uis d'autan t plu s intéressé que ma réputa tion , qui m'est
plu s chère que la vie, d oit en dépendre ... Fort du témoi­ gnage de ma conscience, résolu de faire à la patrie le sacri fice
de mes talens et de mon être, j'ai comme citoyen, le droit
d'écarter le soupçon qui va iniquement planer sur ma tête.
Laissant la l'ambition ct l'intérêt, alimens des basses âmes,
je veux, si je le mérite, que tout le m onde sache que j e sors
d e la justice de paix avec mon intégrité primitive et q ue j e
l'ai administrée pendant quatre ans et quelques mois avec
zèle, connaissance, civisme et impartialité» . Ces déclara tions
emphatiques ne changèrent évid emment rien; les représen­
tants du peuple avaient toul pouvoir pour changer , pour
« épurer )J . comme on di sa it alors, tou tes les autorités
constitu éef' .
Nous savons que lors de la première élection du juge de
paix: en 1790, Aimery-LaurenL Allain avait déjà manœuvré
pour essayer de faire élire Barbéoch, son candidat , contre
Michel Arhan. Depuis le 2 L I pluviôse an lU ( 1 2 février 1795).
il n'assistait plus aux audiences du tribunal du distri ct de
Pont-Croix dont il était membre. On peut d onc dire que ce
fut à ses intrigue~ auprès des représen tants Gu ezuo et Guer -

m eur qu'il d ùt sa nomination.
Michel Arhan s'était chargé, à défaut de candidat volon­
L aire, de faire le recouvrem en t des impositions foncières et
m obilières de Cléd en pour l'a n 11 et l'an Hl. Drj à, en 1792 .
Clet Ké ri sit. o fficier municipal, désigné pa l' le Conseil gé né­ ral de la commune, avait refu sé malg ré tou s les avertis­
sem ents, et avait été e x.écuté dan s ses m eubles , frui ts et effets
mobiliers ju squ'à concurrence des deux tiers de la somme
portée au mande m ent des contributions. E n l'an Y, Le Moan ,
commissaire du directoire exécutif p rès l'admi nistra tion
c:anlonale de Cléden. écrivait que « les com ptes du percep­
teur sonl da ns un éta t 'l ue j e ne pui s débrouiller ». Il était
red6vable, sur les imposition s de l'an II et de J'an III, d ' llIl '
somme de 567 fI'. go. Pour combler le déficit, son m obilier
fut vendu au march é de Pont-Croix. Michel Arhan m ourut
le 8 brumaire an VI (2 9 octobre 1797 ; ; sa ,'euve et son fil s
diront que le chag rin l'avait ab allu et qu ' il fnt vi clime de ~a
trop grande confian ce. Jllaissait huit enfants dont plu sieurs
en bas ~ge.

Aimery-Laurent Allain naquit a u b ourg de Lanvoy, trêve
de Hanvec, le 27 février 1739, de Maître Olli vier-Laurent
Allain, sieur de la Roch e, n otaire et procureu r en la vicomté

du Faou , et de Marie-Marg uerite Bagenn e. Il fut reçu avocat
en Parlement de Bretagne le 3 avril 1766 et prêta sermen t
le 8 ( 1). Le 19 mai suivant, il épousa , à Châ teaulin. E li zab etb­ Marie Ruin et, veuve de n oble h omme Jacques Boëssière, ell
son vivant m a rchand de drap à Châteaulin (2) . Par m anda t

du 16 ma rs 1768, le comte de Ker végant e t. au tres lieux,
b aron de Tréziguidy , demeurant à l'hôlel de Kervéganl à
Lannion , lui octroya la charge de sénéch al el p remier ju ge
(i ) Arch. Finistère. Sénéchaussée de Châteaulin. B 41.
d e la juridic tion de Trézi guidy qui avait son siege à Saint­
Ségal et s'étend ait en Pleyb en, Saint -Ségal, Quimerc'h,
Lopérec , Braspar L s , Lann éd e l'l1 et Chât ea ulin ( 1 ).
L'exercice d e celt e charge n e s uffi sait san s doute pas à
so n activité, ca r à l'audience du j eudi 3 nov embre 177L I, il
remontre a ux mag istrats du siège royal d e Châteaulin « que,
par comm iss ion en d a te du 2 1 ocL obre d erni er, Ill y d onnée
par Mgr le Procureur général du Parle m ent de celte pro­
vince, il a élé admis il le substituer au siège, pour jouir aux
hon neu l'S, prérogR ti ves et émolù m en s a llribu és au dit
office» (2).
Allain d e la Roc he n'occupera pas lon g temps ces deux
fo nc ti o ns; en 1,,6 il vendit son office d e sénéchal de Trézi ­ g uidy il maître Alexandre-Marie d e Leissègues et l'année
suivante il est remplacé comme procureur du roi il Château­
lin pal' Alexandre-Théophile Le Besconel de Chef-elu-Bois (3).
Mai s, avant d e résig n er ces deux emplois, il avait acquis, le
15 novembre 1775, d e Viucent-Charles Le Blond de Saint­
Aubin. la charge de sénéchal, bailli _et lieutenant d e la
juridic tion du marqui sa t ci e Pont-Croix pour la somme de
13.400 livres . Le 15 décembre suivant il en recevait le mandat
d e la comtesse cie Forcalquier. prêta serment devant le siège
présidial ci e Quimper le 20 avril 1776 eL fut in stallé dan s ses
fonc ti ons, le 25 avril, pal' maître Alexandre-Marie de
Leissègues , ancien avocat il la cour, commissaire du prési­
clial. La provision d e juge-gruye r du marquisat lui fut
égale m ent accordée p a l' la cour cie la maîtrise des eaux et
forêts de Carhaix, le I L l février 1778 (L I).

(i ) H. Bourde de la Rogerie, liste des juridictions exercées aux xvn

el XVIII" siècles daus le ressort du prés idial de Quimper, dans le Bull.
de la Soc. arch. Finistère, t. XXXVlll, -tg'! i, p. 259.
(2) Reg i str~ d'audience du siège de Châteaulin, à la daLe.
(3) M eil. Finistère. Siège dfl Châteaulin, B 4i.
(4,) Arch. Finistère. Fonds du marquisat de Pont-Croix.

Aimery-Laurent Allain de la Roch e et sa femm e s'en
vinren t don c r és id er à Pont-Croix. Mais la bonne intelligence
ne règnait guère dans le m énage. En l ï83, excédée des
sév ices de son mari, la femme Allain qu ilta le domicile con­
jugal et porta plainte a n présidial de Quimper . Vo ici
quelques déposition s recuei llies au cours ci e l'enqu ête :

Corent in e Le Goas . femme de Charles Kerivel, maître cor-
donn ier. déclare: 0 l'été dernier. étan t en journée c hez les
sieur et dame Allain. elle fut lémoin d'une dispute qui se
termina par un coup de poing que le mari donna à sa
femme, laque lle se sauva derri ère la c baise de lu déposante
pour en éviler d'autres. que peu de tems avant que la darne
Alla in aît quitlé la maison de son mari. ell e )'a vue sortir en
jetan t des hauts c ri s, qu'ell e étoit blessée à la tête au point
CJue le sa ng cou loit le long de son visage et sur ses hardes,
qu'on lui a dit depuis que cette blessure avoit été faite
par un os que son mari lui avoit lancé; ajonte qu'étant
vo isin e des sieur et dame Allain, ell c 11 Yll plusieurs fois le
mari chasser sa fem m e de la maison Il.
Jean Kel'ivel, geo li er dépose « qlle la dame Allain s'es t
plusieurs fois réfu giée chez lui pour se souslraire aux mau­
va is trailemens et aux sévices de son mari, que lorsq u'elle
veno it ch ez lui . elle sembloit être exténu ée de bewins ».
Marie-Jeanne Mévellec lingère « a tra va illé souvent en
jou rn ée chez le sieur et dame Allain et a été té moin d'un
nombre infini de querelles et d'altercations vives et scan da­
leuses . que le mari appeloit sa femme p .. .. g .... et d'au tres
g ra tifications grossières et obscènes ».
Marguerite Poquet , servante du sieur du Cosqu er (subdé­
légué) « passant devant la maison du sieur et cl a m e Allain.
[u t arrêtée par les pIeu rs et les c ri s de la dite da m e qui étoit
assise à sa porte, qu'elle se plaignait beaucoup d'une douleur
vive au bras, et m ontrant à la déposan te un tison qui étoit à
la maltra iler J).
Messire Louis-Marie- Laurent Billon, recteur d e Beuzec ,
dem eu rant à Pont-Croix « dit se présenter p our ob éir à la
justice et n'av oir ri en il dire, attendu qu ' il .es t le pa steur
commun des pa rLi s et confesseur d e la demand eresse n.
Enfin, Elisabeth-Marg uerite Roh ou, épo use de Lo uis·
François Tréhot-d e- Clermoll t ( ill tendan t du m arqui sat ),
« dépose qu e la dam e Allain s'est réfu g iée deux fois ch ez elle
de nuit et d eux fois c hez le sieur Gorrec (procureur-fiscal du
marqui sat) , qu e le sieur et dam e All ain vivent d epuis long·
tem s en mauva is m énage et qu'il se roit à désirer qu 'il fu ssent
séparés et qu e la vo ix pnbliqu e donn e tou s les torts au sieur
Allain )) .
Pa r sentence du 24 m ai 1783, le présid ial d e Quimper
pronon ça la sé para ti on d e co rp s et d e bien s entre le sé néch al
et sa femme ( 1).
Le g d écembre 1786 . Allain d e la Roch e vendit sa charge
de sénéchal à LOlli s- Fran çois Tl'ého t de Clerm ont. au profit
d e so n fil s Ama nd Loui s p our la somme de gooo livres , mai s
il conserva les f ,-' nc ti o ns de b ailli et lieutenant, qu'il exe rça
jusqu' à la d erni ère a udi ence de la juridic ti on, du 10 sep­
tembre '78g.
La SlIppléan ce du sé néchal du marquisat n e lui suffit pas ;
le li juillet 1787 il acq ui ert l'offi ce d e n otaire l'O:yal et apos­ tolique d e la .sénéchamsée de Quimper qu e len ait Chris lophe­ Augu slin-Cha rl es Pirio Ll ( 2) ; il continue m êm e à plaid er
comme avocat (3) .
Après la supp ression d es juridic ti on s seig neuriales, Allain
d e la Roch e s' in stalla comme n olaire à Théolen en Cléden;
il présida l'assemblée électorale d e Cléd en, le 12 avril 1789 ,
(i) Arch. Finistère, B 453.
(2) Arch. Finistèm, B 438.
(3) Arch. Ei'inistèl'e, il 464: ·

p OUl' la nomination des électeurs devant se rendre à l'Assem ­ blée générale de la sénéchaussée pom le ch oix des dépulés
a llX Elats généraux. Il fut m ême l'11n des qnalre élecleurs de
la paroisse.
A l'élection des ju ges du tribunal du di stli ct de Pont­
Croix, le 21 octobre 1790, il réussit seul ement à se faire élire
deuxième suppléant, mai s par suite du désistem ent de M. de
I\ercadio, il devient ju ge en titre et siège à partir du 13 jan-

vier 179 1.
Au renouvellement du 26 novembre 179 2, Allain est élu
p rés ident du tribunal ; à celni du t3 janvier 179:~, il n'arrive
plu que deuxième juge. Le 29 nivôse an III ( 18 j anvi er 1795)
I1n arrêté des représenta nts Villers el Desru es, le n omme de
nouvean président. Ce n e fut pas pour long temps puisque,
nous l'avons déjà dit , un arrêté de Guezno et Guermeur, en
date du cinq ventôse an HI (23 février 1795), l'appell ait à la
justice de paix du canton de Cléden.
Après le vote par la Convention, le 20 sp.ptembre 1792, de

la loi du divorce et la publicatio n des décrets qui en fa cili-
taient l'ap pli ca tion, particu lièrement celui du I Ll nivôse an Il
(3 j anvi er 1794 1 , Aimery-Laurent Allain crut le mom ent
ven u de briser définitivement les liens qui l'unissaient à sa
femme. dori t il vivait séparé depuis 1783. La formalité de
dissolution de mariage fut accomplie, le 26 pluviôse an Il
( 14 février 1794) en ces termes : (( Devant Co rentip -G uillaume
Le Faucheur, o ffi cier public, es t compar u Aimery-Laurent
Allain, juge au tribunal de Pont-C roix, âgé de 55 ans, origi­
naire de la commun e du Faou, à l'effet de di ssoudre son
mariage avec la citoyenne Elisabeth · Marie I\ninet, lequ el
a dit qu'il a donné assignation à la dite c itoyenne Ruin et à
comparoi r pour voir, aux termes des décrels ci e la Conven­
ti o n et sur le fondement de la senten ce du c i-devan t présidi al
de Quimper clu 24 mai 1783, qui juge la sé parati on de corps
et de biens d'en tre parties, laquelle a été exécu tée, dissoudre

par le di vo rce le mariage ci-devant contracté ... [)élai passé
sans que la dite l {uinet, ni personn e pour elle ne s'es t
présenlée, vu l'a rticle 15 ri e la sec li on 2 du décret relatif à
l'état · civil , j'a i prononcé qu e le ma riage coutraclé entre le
dit Allain et la dite Ruin et es t dissous ( 1) .
Dix j ours après , le septidi de la première décacle d u 6'
mois cie l'an II (25 fév rier 1ï94) , Allain épou sait il Pont· Cro ix
Ma ri e Anne Le Goff, âgée de 32 ans , fille de défunt Clet Le
Go ff, culti va teur, et cle Marie-Ann e Le TouBer , o ri g inaire de
Théolen en Cléden et do mi ciliée à Pont-Croix. Rappelons
q u'A llain avait séjourné à Théolen a u début de la Révoluli on ;
Marie-Anne Le Goff l'avait probabl ement accompagné à
Pont-Croix comme gouvernante. De ce mariage naqui ren t
quatre enfants : Aimery- Clet- Ma ri e-An gèle, né à Pon t-Croix
en 1795; Geneviève-Marguerite, née à Cléden en 1796 ;
OUi vier-Yves-Lauren t, n é à Go ulien en Iï98 et Hyacin the­ Marie-Anne, née également à Go uli en en 180 1 .

Après sa nomin a tion de juge de paix , AUain vint s'établir
au bourg de Cléden ; il exerça it ses fon c tions à son domicile
« vêlu d' un bonnet de laine g risâtre, d ' un g il et bleu , d' un e
c ulotte et bas de toil e > 1.
Le 9 messido r ah I V (27 juin 1796), il se rendit acquéreur
du presbytère de Goulien et ses dépenda nces, con sistan t en
un e maiso n p rin cipale couverte cl'ardoises , écurie au levant ,
appenli , poulailler, crêche, so uille à porcs , hanga r , cour
close, j ardin. avenu e, courtil , un parc de terre chaude, deux
prés fauchables et une garenn e de terre froide, pour la
somm e ci e 2025 francs , payable moitié clans la décade et
l'autre moiti é dans les trois mois. La propriété avait été pri sée
par Allain lui même, en qualité d'expert , p our la valeur
(1) Etat-ci vil de Pont-Croix. De l'an II à l'an XIIl (1804), deux
divorces furent prononcés à Pont-Croix: celui J'Allain et celui de

exacte du prix de vente. Aucun compéliteur ne se présenta ( 1).
Le 15 venlose an Vlll :6 mars (800) , il achète encore:
[ 0 un e tenu e à Penanrun·l!u clla, en Goulien, profilée ~l

domaine co ngéa ble par J ea n-Marie Danzé et co nsorts, con­
tenant sou s maison, aire, pourpris et iss ues, huit ares; sous
terres chaudes cinq hectares, sous terres froid es [ hectare
L I5 ares, produisant de revenu 6 boisseaux de froment,
6 boisseaux de seigle et 6 chapons. Sur une mise à prix de
800 francs , fixée par Allain, un e deuxième enchère le laissa
adjudicataire pour 805 fran cs ; 2 ° une tenue à Kerbeullec et
Ménez·Guéguen , en Goulien, exploitée par Alain Bocou et
J ea n Bourbé, à domaine congéable, contcnaill SO ll S bâtiments
de ferme, 2 ares , sous prairies, 20 ares, sous terres écobuables
et froides, 1 hectare et produi sa nt de revenu lÜ boisseaux
de froment, 2 boisseaux de seiglc et 2 chapons . Sur un e
mise à prix de 896 fran cs, Allain demeura adjudicataire, au
deu xième feu, pou r go 1 francs Ces deux dero ières propriétés
dépendaient de la terre de Lezoualc'h et elles étaient mi ses
en vente com me bien nati onal par suite de l'émigrati on du
f\eigneur , Hyaci nthe-Antoine Ma sca renne de Rivière (2) .
Le juge de paix et sa famill e vinrent demeurer au presby­
tère de Goulien à la Saint-Michel de l'an v (29 septembre
1797 ). Il s y furent bientôt en butte aux tracasse ri es de leurs
voisins , Jean Dréau et Anne Ked och, sa femm e, de Mesmeur.
Allain les appela devant l'un de ses assesseurs pour s'expli­
quer sur certain es paroles injurieuses à lui adressées, telles
que:
Querz da glaslc ar pal/o bras
(Va chercher le grand pal eto t. Nous ignoro ns à quoi font
allusion ces paroles) ;
Yan an diou vree
(i) Arch. Finistère, Q:I., fu 209.

(J ean aux deux femm es . Ceci rappelle son divorce).
Quant à sa femm e, elle avait été traitée de :
Groec an danlellès, al' rabanoa ,
Roed a veso dit a l' saqllen sei.
(Epouse a ux denlelles, aux rubans. On le donn era une
casaq ue de soie. E lle aimait sa ns douLe les qu olifi chels ' ).
Jean Le Dréa u et sa femme protes tèrent qu ' il s n'ava ient
jamais dit pareill es choses et déclarèrent qu'il s considéraient

le citoyen Allnin et sa femme comme des braves et hon-
nêtes gens. Le juge de paix se dés ista de sa plainte.
Aux élec ti ons primaires de l'an v, le 6 germin al (26 mars
'797) « un tumulte s'éleva au débnt snr une récla mation d'un
électeur ql1i d isait que le juge de paix, q ui avait refn sé. en un
certain temps, de prêter serment, ne pouvait pin s être élu ».
Allain fut cepend ant rééln. il une très faible maj orit é, par 37
vo ix sur 70 vo lants. Le commissaire du directoire exécu tif de
Cléden , Le Moa n, rendant co mp te de celle élec tion , di sait
« que la nomina tion du juge de pa ix n'avait pas été des plu s
constituti onn ell es J) . De son cô lé. Le Goazre, commissa ire d e
l'admini stration centrale du Fini stère. av isa it le ministre d e
la j us tice, le 1 2 veotose an VI (2 ma rs '798) qu'il ava it signa­
lé à l'accusa teur public plu sieurs juges de paix , dont Allain,
et leurs assesseurs, des no tai res , qui s'étaient abstenu s d 'as­ sister à la fête célébrée en m émoire de la punition du derni er
roi des L "rança is ( I l . Ces im putati ons ne paraissent cepend ant
pas avoir eu pour Allain aucun effet fâcheux . Il fu t réélu
juge de pa ix. à chaq ue renouvellement, jusqu'en l'an x .
Airùery . Lauren t Allain mourut le 30 nivose an x (:10 j an­ vier 1802 1 et fut in hum é le lendelli ain à Goulien (2). Il laissa it
qu atre enfants âgés de 7, 5, 3 an s et quatre mois .
Après la mort de son m ari, Marie-Ann e Le Goff fi t écrire
(1) Arch. Finistère. Reg. L !l7, [° 38.
l2) EtD t civil de Goulien,

au juge de pa ix du Fao u pour le prier d 'averlir les parents
d u défunt d e venir in stituer un tuleur a ux mineurs ; n'ayant
reçu ancun e réponse, elle fit nom mer tll te ur so n frère J ean
Le Go O', de Théolen en Cléden .
L'inventa ire fait après le décès mentionne : un e c uisin e
pourvue de divers u stensiles; dan s la prem ière chambre, il
l'étage, un lit, une table, une table de nui t, une pendule ;

dans le cabinet, une ta ble, un lit il l'idea ux, traversin de
balle, deu x draps, deux co u vertures bla nches, deux petites
couchettes superposées pour les enfanls ; dans la deuxième
chambre, un lit il ridea ux d e b azin, coëtle de plume et som ­ mier de crin , deux oreillers d e plume , deux draps et deux
couvertures de laine blanche, deux armoires il deux battants ;
dans l'écurie, une cavale bla nche hors d'âge; dans la crê­
che, trois vaches hors d'âge et u ne génisse , Plu s trois couverts
d 'argent,
Un an ap rès la mort de son m ari. Ma ri e Ann e Le Golf prit
un précepteur pour instruire ses enfants, Alain Las tennet, né
il Gonlien le 25 octobre 1771. En 1806, celui -ci écri vait il
l'évêque d e Quimper: « Au commence ment de la Révolulion
j e faisais mes études au collège de Quimper. En 1792 , j'étois
écolier de 3' ; j e n'avois qu e 18 an s et quelqu es mois. On
p rofit a. de mon inexpérience et d e ma j eunesse et on m'enga·
gea par toules sortes de moyens il embrasser l'état ecclésias­
ti q ue, Il y a trois ans que j 'instruis dans la commune de
Goulien les enfants d'une veuve . Hélas ! Monseig neur, j 'ai
abusé de la confiance de la mère et elle es t enceinle de mon '
fait » ( 1) , Il sollici te l'autorisa tion d'é po user la veuve, ce qui
lui fut sa ns doute accordé, ca r il s se m arièrent il Goulien le
27 juillet 1806 , et le 7 aoôt, îlleur naissait un fil s,
Les descendanls du ju ge de paix vinrent se fixer par la
suite il L'lll Zllli en en Cléden, où disparut. il ya q uelq ues an-

n ées , le dernier du nom ( 1).

La justice de paix de Cléd C: ll était ell e-m ême virtu elleme nt.
supprimée ; Lurêté des Consllis du 7 brumaire an x (29 oc­
tob re 1 80 1), pri s en exécution de la loi du 8 plll viose an lX
(28 janvier 1801 ) qui ordonnait la rédu clion des jusli ces de
paix, fIxa le nombre de celles-ci il 43 pour le départe menl dll
Finislère. Le siège du tribunal fut tran sféré à Pont Croix qui
devenait le chef-li eu du nouveau canton, form é des Lreize
communes qui le composent acLuellement.
Les L! rcbives de la jll slice de paix de Cléden, comprena nt
six registres et 620 minutes, furent déposées au gre ffe d e
Pont-Croix par Touller, maire de Cléden, le 7 vend émiaire
an XII (30 septembre 1803).
DA:' lEL BERNARD .

(il Le souvenir du ju gP. de paix Allain est rllsté Il'ès .vivace au Cap,
mais ses descendants Il'aimaient guère qu'on leur en parlât. On raconLe
que M. Le CargllPt, ancien percepteur d'Audierne, ayant appelé SO li ar­
rière-pelit-fils All ai n de La Roche, celui-ci lui rrpondit avec vivacilr;

DEUXIEME PARTIE
Table des mémoires publiés en 1933
PAGES
I. Comment les nobles de Quimperlé quittèrent la
ville en mars-avril lj90, par Jean SAVINA. . . . 3
Il. La justice de paix du canton de Cléden-Cap -Sizun.
Q90-An X ( 1801 ). Les juges: Michel Arhan et
Aimery-Laurent-Allain, sieu r de La Roche, par
Daniel BERNARD

III. Un centenaire passé inaperçn dans le Finistère

« le choléra », pa r L. FARCY. . 42
IV . Note sur Tanguy du Chastel d'après quelques do-
ments bourguignons, par Simone GOUBET.

QUIMPER.