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Bulletin SAF 1932


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Mazurié de Pennanec’h, ex-Constituant, défenseur des suspects à Morlaix en septembre-octobre 1792

Jean Savina

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1932 tome 59 - Pages 155 à 189

l\'JAZURIÉ DE PENANNEC'11
ex-Constituant
défenseur'des suspects à Morlaix
en septembre-octobre 1792

L'affaire Mazurié ùe Pcnanncc' h, relati ve il l'a rres lation des

suspects à Mo r:laix , en septembre 1792 , ne fn t à ses débu ts
qu'un simple épisode de notre hi sloire locale; ell e devin l, eu
quelque sorle, un e a(l'aire d'Eta l. quand Boland , mini stre de
l'Intérieur, ful appelé à s'en mêler.
Ce conllit, qui eut pour obj et le res pect de la légalité et de
la liberté individ uelle, marque, da ns l'ord re civil , la première

rupture du bloc cles tenants de la Révolulion da ns lc Fini stèrc.
Ce fut , SUl' le théâtre l'eslreinl d' une pelile vill e, comme le _
prélude du grand conllit qui éclalera qu elq ues mois plu s tard
enlre la Gironde et la Monlag ne. En eITet. la lul te de Mawrié
el Roland contre la municipalité de Morlaix annonce la lulle
de 'B.oland et des Girondins contre la Commune de Paris. Au
fond , cl loutes proportions gardées, le débat es t le même :

la légalité en opposition à la dictature.

Le mois d'août 1792 fut, dans le Fini slère commc il Pa ris,
une époque de g randecl'ise. Dans la Cornouaille et surlout
da ns le Léon , les chefs contre·révolulionnaires avaient élé,
dès juillet, pa r les correspondances d'cillig rés, tenu s au

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doule, la proclama lion de la patrie ell danger exalla le patrio-

Lisllle des citoyens attachés à la H.évolution, mais elle fortifia,
en r, l'vanche, les espérances des partisans de l'ancien régime ,
L e 14 aoù t, les admin i stra teu l'S du Finistè're. Gui Ilier -Du­
l1larnay et Poullain , parcou-rÇ\ut .le district de Lesneven,

écrivaient au direcloi~e du département: « Le ~anifesle du
duc de Brunswick a été publié dans toutes les campagnes par
les insermentés. lis couren t les villages pour l'interpréter et

le commen ter allX cultivateurs et les scélérats ont si bien
réllssi à égarer le pcuple que les rapports de tOIlS les com ­ missaires au recrulcmcnt", ceux que nous ont faits les muni­
cipalités où nous avons élé et celles qui nous son t venues
manifestent tous le même sen liment. Les campagnes décla­
rent ne reconnaÎ.Lre el n e sc soum c LLre il allcune loi qui n e
soit sanctionnée par le roi » ( 1).
Au dislrict dc Lesneven qu'on appelait « le repaire des
réfra ctaires ll, ( le Coblentz fini sléro is >l , les lois r évolution­
naires ne recevaient au cllne exécution et ses administrateurs
élus demellrai ent passifs, impuissan ts ou complices .· Le 2 1
aoù t, le Conseil gônôr ~d du départemcnt du l . 'lnistère ordonna
l'arrestation du dircctoirc ct dll procul.'clll'-synd ic de ce di strict
ct leur incarcération au chûtcau du Taurcau.
A J'au tre extrém ilé du département, le Conseil du district
de Quimperlé constatait, à la même époque, que« le fanatisme
etl'arislocralie, llui ab usent si facilement de la simplicité des
habitants de la campagne, j ettent la terreur ,dans 'les âmes
faibles de ces c réd lli es cultivateurs en leur assurant que les
ci-devant seig l1 eurs vont rentrer triomphants dans leurs terres ,
qu'ap rès avoir payé a ux receveurs de district, il s seront
co nLra inLs de leur payer une d euxième fois leurs redevances;
que ces discours insidi eux tenu s, Lant pa l' eux que parleurs
domestiqucs, retarden t le versement des contribution s dans

(i) Archives nationales, F i b li, Fini~lè l'e 1:.

1 57

le Ldsor public et entravent toutes les opérations de l'admi-

nistration » ( 1 ): En con sequ en ce, il était enjoint il tous les
ci - devant nobles et aux suspects désignés par les mnnicipa-

lités de sc' rendl'ë en la ville de Quimperlé dan s le délai de
huit jours; avec 'leurs enfants et domes tiques, pour êtr" e sous
la surveillance de la municipalité de cette ville.

A l~allnoncede la prochain,e invasion des armées étrangèœs,
des troubles grav. es , , de source à la fqis religieuse et politique,

éclatèrent coup sur coup et comme sur un même mot d 'ordre

en divers points du Finistère. Ce fut d'abord Fouesnanl qui ,

pO Ul' des raisons pa l'ticnl ières, précipita le mou vemen t. le JO
juillet 1792, puis ·Bann 11 ec ct Le Trévoux , le 5 août, Lesne-

ven , le 2 [ ao ô t,Scr ig[]ac~ le 23 aoùt, Scaër, les 28 ct 29 aoù t­
Ces ins ,Llrr~ctions nécess ilèrent l'en voi de forces imposantes

dans les campagnes . La répression fut parfois sanglanle
comme à Fouesnan l ct Scri gnac où les rebelles soutinrent de

rl1d~s combats conlre les gardes nationaux ;
Dan s ce moment de crise, l'effervescence fut au comble

d~ns les villes , Les patriotes résolus à écraser la contre- révo-.
lu. tion demandaient l'arres lation de L ous les su spects, confor-

m.ément aux décrets des 1 ' [ et 15 aoùt qui 'autori saient les

municipalités à procéder à ces arrestations et à consigner dans

leurs communes les pères, mères, femm es ct enfants des
émi g,rés pO Ul' servir d'otages . Les n ouvelles de Paris et de .la

fronti, ère, chaque jour anxieusement altendues, provoquqient

l'agitalion et l'alarme des patriotes. Danton, le 28 aoùt, au
Conseil exécutif ct à la Législative, lan ça le mot d'ordre:

pour déconcerler les ennemis de la Révolution dont l'audace
au gmentait en proportion de l'indulgence des autorités
158
constituées, il fallait renoncer au système de mollesse et de
complaisance suivi jusque là il leur égard et les frapper de
terreur. 11 recommanda CI les moyens de vigueur ), c'est-à­
(lire des mesures révolutionnaires. Et dès lors, en effet. avec
lesv isiLes domiciliaires, commença la pœmière Terreur.

Les massacres des 2 et 3 septembre. il Paris, furent connus
clans le Finistère dès le samedi 8, au moment où l'assemblée
électoraledn département procéda it, (du 2 au Il ) à Brest, au
ch oix des députés à la Convention. On ignorait alors le carac­
tère odieux de ces massacres, que des correspondances publi-

ques ou privées présentaient comme (( des actes de justice»
nécessités pal' le salut public.
Les féd érés du Finistère qui avaient participé, le 10 août, à
la prise des Tuileries demeurèrent étrangers à ces massacres,
mais certains d'entre eux furent témoins de ces malheureux
événements (1). Leurs chefs,' Desbouillons et Fontaine, écri­
vaient, le 3 septembre, au club brestois : « Hier soir, le peu ­ ple s'est porté à l'Abbaye et a enlevé les têtes de presque tous

les prisonniers. Les circonstances rendaieut ces exécutions

pOUl' ainsi dire excusables, si l'on était bien assuré qlle, parmi
ceux enverS qui elles ont été exercées, il n'y avait pas d'amis

de la chose publique. La plupart des victimes so.nt des prêtres

ins'ermentés et ce n'est probablement pas dans ce nombre

que l'on eût trouvé des patriotes» (2) .

Le soir du même jour, un autre fédéré brestois écrivait:
« Tous ceux qui étaient détenus pour vol, assassinat ou cons­
piration ont été tués; ceux pour dettes ou cas peu graves,
élarg is. J'ai visité les lieux ce matin, au Châtelet, à la Con-

(1.) J. Savina, t es volontaires dit Finistère et la prise des Tuileries
(i 0 aoùt 1.792), p. 75.
(2) A. Corre, Revue de la Révolution f/'a.llçaise, t. XX.Xlll, p. 4,4,5 et s.

159
ciergel'ie et à l'Abbaye d~oü on enlevait les cadavres. La pri­
son de La Force n'était pas encore purgee; il 10 heures du
matin on y était encore. On est allé, après, en faire de même
à Bicêtre où leur nombre était bien plus considérable. L'on ft
lrouvé, dit-on, dans ce dernier repaire beaucoup de fusils, les
uns disent 20.000, d'autres plus de (IO.OOO. Le projet, à cc
qu'on assure, était de lâcher tous ces scélérats, la nuit der­
nière, pOUl' mettre le désordre dans Paris lorsqu'il aurait été

dégarni de la force qui va partir aux frontières )).
Le 8 septembre encore. Florenlin Le Bronsort, un modéré
cependant, juge au district de Brest et haut-juré à la . Haute­
Cour nationale, arrivé à Paris le 6, à la fin des massacres,
ne trouve pas un mot de blâme pqlll' les égorgeurs. EcI'Ïvant
à la municipalité de Brest. il ne parle des massacres qu'inci­
demment, froidement, et comme d'une chose sans importan~

ce (1). « Vous avez appris que le peuple a exercé sa justice
dans toutes les prisons de Paris. Les voleurs. les filous, les

chevaliers du poignard, les prêtres réfractaires, qui y étaient
détenus au nombre de plus de 7 .000, ont tous été égorgés sans
tumulte et avec les apparences de lajustice)) (:1).
Un revirement de conscience, une réaction d'horreur et de

pitié viendra plus lard. mais, dans la première quinzaine de
septembre, les patriotes finistériens, connaissant d'ailleurs

(i) A, Corre, op, cit., p. 4,63.
(2) Il est à remarquer que les Fillislériens, lémoins oculaires !.l'une
partie des événem9nts , exagèrent énormément le nombre des morts du
iD août Ilt des massacres de septembre. Aleno de Saint-Alouarn, qui
défendit le château des Tuileries et qui se trouvait encore à Pal'is lors
des massacres, disait, à la fin de septembre, à ses co-détenus de la mai­
son d'arrêt de Quimper «que la joul'n('e du 10 aOllt avait coüté à la
France au moins 15.000 hommes et que depuis il avait été égorgé à Paris
plus de 4,0.000 personnes dont plus' de 500 prêtres», Letlre !.le Tréma­
ria de La Hoque, 29 septembre 1792, Arch, Nationales, W. 30q,. Les
histùriens les mieux informés évaluent le chiffre des morts du iD août ft
environ 1200; le nombre des victimes dl's massacrrs varie, selon les
estimations, de 1200 à 14,00,

160

l'ort mal les évenem ents de la capitale, ne songeut nullement
à blâ mer ·la GorruDlù1e de Paris, mais plutô t à s' inspirer de
son exemple'.

L a crise violente p rovoquée à Paris pa r rinvasion eut "ite

sa répercuss ion dans le Fini stère. A. l'in star de Paris, les

ll1un,icipalités des villes se m ontrèrent résolues à incarcérer

les séditieux e t même les simple,s ~uspects p our les m eUre

d Ç\n-s l' im possihil ilé de n nire, ,p ersuadées que les circonstan-

ces juslifiaient ces a tt eintes m omentanées à la liberté indivi-

d ueIle, A la fin d'aOll t,. el ; a il débu t de septe~nbre donc, on

procéda, ça et là: pa r m esure de sûr (3 té générale il d'innom-

brables , arrestatio ns de suspects . Au. témoignage du m édecin

Tréma r"ia de La lloque, lqi-m ôm e détenu du 22 aoû t au, I L l

octobre', la seule ma iso n d'arrôt d'hommes ,à Quimper renJer-

m ail L iS suspects dont un p di zaine de prêtres,au début de

sep lembre; 3LI à la fin de ce mo is et !O ap rès Je IL l octobre ( 1) .

Quelqlies fonc tionuaires timorés, soucieux de la légalité,

h ésitaient à entrer ain si dan s la voie de J'arbitraire, Olivier

Guillo tl, procureur-sy ndic lIe Quimperle, exposa ses scrnpules

à Be. lva l, comm issaire général s)'ndic du Finistère. Belval , qui

appa remment connaiss~it cc les moyens d~ vig ueul' » préconisés

par le Minislre de. la .J us lice lu i-mêm e, rép ondit sèchement,
le II septemb re, à son subord onn é ,: . ",
,« M onsieur, je reçojs'à l'instant ~olre lellre par .laquelle vous me . de­ mandez s'il [aul arrl,ter les gens suspects. Oui , Monsieur, 11'10 [aul; la
chose·'est nécessa ire, j n~ l;}ntl' . Agissez le plus prom ptement possible.
L1em'pii~sez toutes les mesures 'de sùi'elé que votre prudence vous suggé-

rera. Le salut public devient la suprême loi. Le décret du 15 août SUI'
les otages vous est connu . Vous n'ignorez pas la loi qui pl'escrit aux dis-

lricts d'arrêter tous les gens suspects» (2).

(1) Archives nalionales, W : \o(J, , lellres de Trémaria c\es 2\J seplernbre
cl 18 octobre 1792.
(2) Archi ves nationales, [ ' 7 : . lti76, all'aire Billette.

Et celte attitude etait

approuvee même par des

campa-
g na rcl s. Ainsi, le 8 sep temhre, Simon Le Coursonnois, un
vieillard, procureur cle la commun e de Poull aoucn, éc rivait
au procureur syndic de Carhaix :
« Le bruit a circulé ici qu'on allait élargir tous les détenus de Carhai x,

ce qui a fail mauvaise impression. Notre troupe en a juré, a dit qu'ellc
n'irait plus faire des captures si elles deviennent iuulil cs ct seulement
propres à leur pi'ocurer des ennemis. Ils disent que Il' leu cou" c sous la
cendre.
" Vous voyez, par là seul , que pO Ul' c ,ncoura ge r les patriotes, il [nul
tenir ferme. C'esl en général l'es prit du oeupl e, C'est sans doute pO Ul' ce
motif que le pe.uple de Paris a forcé l0s prisons pO Ul' égorger tous les
aristocrates qui avaient été pris, parce qu' il craignait la lentl'ur l't la
moH esse de la justice. Vous apprendrez bientôt celle nouvelle si vous ne
la savez pns déjà. Tel est l'esprit d' un pe.uple irriL(o d'indignation et
poussé il bout el cela est désolant » ; :Ll.

Naturellement, ces violations des droits de l'homm c et dn
ci toyen soulevèren t des p rotes ta tions violen tes de la part des
victimes . Mais quelle fut, en face de ces mesures arbitraircs,
l'alLitude des bourgeois de 89 qui avaient délruit l'absoluti s­ me royal et fondé la liherte? Ils ne furent pas unanim es . Les
un s, en majorité, optèrent pour la doctrine du salut public et
adhérèrent plus ou moins chaleureustmenl à la révoluti on du
10 aoùt. Les autres, demeurés monarchiens ou constitution­
nels, ne voulant pas con sentir à la suspension , même provi­
soire, des princjpes de 89, vécurent désormais en marge d'u ne
Révolution qu'ils avaient déclanchée. Parmi ces derniers, deux

ex-Constituants fi nistériel1s , Samuel Billelte, maire de Quim-
perlé, et Mazuri é de Penannec'h , négociant morlaisien, se
levèrent, en septemhre I79 ~, pour la défense dc la liberté indi­
viduelle yiolée en la per~onne de leurs concitoyens.

(i ) AL'chives du Finistère, L. Police générale, disL lie Carhaix.
Tous deux, bourgeois paisibles, sacrifièrent leur repos, leur
1 ibe l'té même pOUl' défend l'e des nubles qu'ils jugeaient victi­
mes de mesures arbitraires. Us déclarèrent hautement que les
nutorités constiluées étaient tenues, en toute circonstance, à
l'observation stricte de la loi et ne pouvaient sévir contre des
suspects en l'absence de délits caractérisés. Sans méconnaître
le danger de la patrie, ils voula;ient qu'on se bornât à l'égard
de ces suspects à une étroite .surveillance.
Dans la présente étude, nous nous hOl'l1erons à exposer
l'affaire Mazurié; disons seulement que, dans des conditions
li peu près identiques, l'ex-Constituant Billette, usant de son
autorité de maire, fit mettre en liberté deux gentilshommes
suspects détenus par ordre du district de Quimperlé. Billette,
immédiatement suspendu, fut lui· même incarcéré (1).

Le maire de Morlaix, Jean-Nicolas Baudier, fut retenu à
Brest, du 2 au Il septembre, par l'élection des députés du
Finistère à la Convention. Mais, en son absence, le procureur
de la commune, Andrieux, et quelques ofIiciers municipaux
zélés démocrates, Verchin et Larraut, entre autres, stimulés
par les administra teurs du district, Beau, Couhi Ue et Raoul,

avaient dressé une longue liste de suspects à incarcérer.
Le mercredi 12 septembre, le Conseil général de la com­
mune assemblé décida J'arrestation immédiate des personnes
dont les noms suivent (2) :
Hommes: Beaumont pere, banquier, ex-membre du direc­
toire du district; (Forestier) de Kerosven ; Mol de Guernelé, ;
Joseph Moreau fils, avocat; Sébastien-François Malescot de
I erangoué, avocat; Michel-Marc Penhoadic, avocat; Le Noan
ci) Arch. municip. de Quimperlé, Reg. des délih . 5 et 12 septembre
1792. Arch . nationales, F 7 3676.
(2) Les noms eu italiques sont ceux des signataires de la (ll'otrslaliou
163

et Capitaine, lIotaires; Picrrc Le Jolu père; Pllilippe DeJean
dit Ferrant, cabaretier; Jean-François lJuugeard, bonlletier,
ehanlre et institulcur; Malll'icelle; Nenaue!, employé de la
régie; Bonjean, le domestillue de Darrère; Jean Bellee, do­
mestique de Le Denmat; Cloarec, domestique de Livet; Marc
Monjort; Noël Kerboriou; Le BoujJant ; Drillel de Lannigou;
Jean· Baplisle Livet; J.-B. Jamt1 s,. perruquier; Quéméneur
ms, avocat; Claude Ménez; Nicolas Féree, Barazer-Lannurien
et Gault de Grandmaison, tous trois avocals.
Femmes: Françoise- Félicité du Bouexic-Lallzanne (1) ;
Anne-Marie-Thérèse ThéplJ,ull-[(erouar/z ; Anne-Jeanne-Renée
de [(erouartz ; Thérèse Penhoadic, veuve Péan; les deux Ker­
ninon; Brignon fille ; de ChejJontaines-Le Grand, ,veu vc
Louis, absente; veuve Minou ; Hegnault-Dumesnil fille ;
veuve Rozuel ; de Kerlérec et sa fille; de Kergaradec, absen­
te ; Lanlivy de Trédiec; de Kerosven ; Giraudel, veuve Ca­
marec jeune; du Quingo ; de Kersauzon de Vigeac ; de Ker­
sauzon, fille du sieur Drillet; Marie-Hyacinthe de Quelen;
Marie-Rolande de Quelen; Marie-Perrine de Q!J.eLen; Marie­
Anne Collibeaux de Quelen; C.-M. -J. Le Grand, veuve Thé­
pauU du Breignou; Le Guen, dame Carré de La Beynière ; de
, Kerouarlz-Forestier; Josèphe et Françoise Saulnier de
Cugnon; Marie-Jeanne Riou, femme Le 'l'raon, avoué; Duparc
dt~ Trévou ; Jeanne-Louise Roquelin-Duplessis ; Marie-Barbe
Jacob de l( erjégu ; les dames Landrière, Fréville, Colanneau,
Catherine Dubois, Crape, Chartier, James, veuve Châtcl,
Lemière, Collonge fille, Queladur femme, Maindorge fille,
Mauricette, Giraudel, Marie-Françoise Bouslouler, Jeanne­
Alexandrine Moreau, Rœur aînée du général (2) .
En tout, 78 personnes dont 28 hommes et 50 femmes. Celte

(1) Du Bouexic de Guichen (Françoise-Ftilicilé), fille de l'amiral tic
Guichen, t'pouse depuis i780 de Toussaint de LallZannl'. Son pèwr., l'a­
miral, était mort à Morlaix le 13 janvier 1790, :i l'âge de 78 ans.

énorme ralle j eta la tcrreur dans la ville, Quelqucs-uns de ces
s uspects sc trouvaicnt absents de · M.orlaix ; d'autre~ prévenus
opportunément, comme i\'lalesco l dc Kcrangou é, ré ussircnt à
prendre la' fuit e. Ceux qu'on. l1ppréhenda furent conduits, sur- '
le-champ, les femmes, au CO Llvcut du Calvaire, les hommes,
dans la maison Mazurié, quai de Léon, habitée ci-devant par
M. Fidière et réquisitionnée pour la circonstance.

Incivisme ou parenté avec des émi g rés, tels furcnt les sculs
molifs 'dont on fit état à ce mo ment. N'y avait-il pas d'autres
griefs con trc les détenus? Quelques-uns d'entre eux avaicnt
comm is des délits plus ou moins graves qui seront plu s tard
qualifiés crimcs etqui les conduiront dcvant le tribunal révolu­
tionnaire ou même à l'échafaud.
Jean-Fran çois' Bougeard , bonnetier, ayant ,perdu son état
de chantre à Morlaix, s'était fait in stituteur. On lui repro­
chait ( d'avoir inspiré à ses élèves des sentiments contrai­
['CS au nouvel ordrc de choses ». En aolÎ.t 1792, il avait été
a rrêté pour des propos jugés inciviques. Lorsqu'on le condui­
sit à la m a ison d'arrestation, arrivé près de l'arbre de la
liberté, il a rrach a de son chapea u sa cocarde tricolore et la
j cta par terre. Mais, le citoyen Cugnot, receveur de l'enregis­
trement, témoin de ce ges te de dépit, lui ayant dit: «( Que
fais-tu là, malheureux? )), Bougeard ramassa immédiatement
sa cocard e.
Deux ans plus tard, ce délit, qui eût dû, semble-t-il, être
couvert par la prescription, sera dénoncé au Comité de SllL'­
veillancc de M.orlaix par Larraut el Bernard Beau. Bougeard
sera écroué au fort la loi à Brest et, le 2 1 juillet 179l .. conda­
mné kt la peine de m ort par le tribunal révolutionnaire (1 ).
Philippe Dejean dit Ferrant, cabaretier, 63 ans, originaire

(i ) Archiv es nationales, \\1 1 154,5.

165
de Caen, avait scrvi 17 ans commc grenadier an régiment ci­
devant Beauce. N'ayant point d'enfant, il avait adopté un
orphelin, Lazare Guillon, en réquisition à Brest en 1794. Le
111 juillet 1792, Dejean avait déclaré qu'il n'avait point de ser­
ment à pr&ter, qu'il n'en avait jamais pr&té el, qu'il n'en p1'&­
terait jamais. Il ajoula même « qu'il se ferait plutôt hacher en
morceaux que d'en pr&ler aucun )J .
Ces propos valurent à Dejean trois semaines de détention.
Ils remontaient à deux ans quand, sous la Terreur, ·Jean­
Joseph Verchin et Jean-Pierre Guilmer les rappelleront au
Comité de surveillance de Morlaix. Dej ean .comparalll'a, le
23 juillet 1794, devant le tribunal révolutionnaire de . Brest
qui le condamnera à la peine de la déportation (1).
Mol de Guernélé, ses trois enfan ts et ses deux domestiq ues,
ainsi que M. de Kersauzon de Vigeac avaient tenté d'émigrer,
le 23 octobre 1'ï91. Le sloop Saint-Pierre, capitaine ·Jean­
Marie Jézéquel, de Roscofl'. devait les conduire à Jersey, ain­
si que LLO autres personnes. nobles pour la plupart (2 ). Au
moment de l'embarquement, dans l'anse de Térénès, la garde
nationale de Plouézoc'h, commandée par Jean, Le Noan, maire,
intervint et s'empara du sloop qui contenait 22 .8 27 1. en nu­
méraire et une argenlerie considérable. Mais l'émigration
n'élait pas criminelle en l79 r, cal' la France n'éLail ra~ en
guerre à celte époque. . . . .
Noël Kerboriou avait, à Pleyber · Christ, le 12 aoùt l7!):!.
tenté de faire obstacle à l'enrôlement des volonlai res. Le 15
aoùt, Jacques Quéinnec, le futur député à la Convention. alors
commissaire au rec ru tcmen t dans le canlon de Pleyber-Christ.
en informe le dircctoire du département: «·Mon devoir me
prescrit de vous annoncer que la police municipal.e s'exécute

(i ) Archives nationales,W 1 545.
(2) Pour ce fait. le capita ine Jé7.équel sera conùamné il la déporlation
par le tl'ibnnal r('voluliQnnail'p' de fil'cst, le l.'L juin 1.7H'I·. Archives na­

1 66 -
très Illa) il Pleyber; vous le jugerez d'après les faits que je
vais vous détailler. Un bouch er de Morlaix, homme de mau­
va ise condu i te et d' u ne réputation suspecte, nommé Noël
Kel'boriou, boucanant et querellan l lous les bons citoyens
qu'il rencontrait, s'es t ballu en le UL' présence et en la nôtre
sans avoir été puni. Le maire, après les remontrances que je
lui ai faites, et quelques officiers municipaux en écharpe l'ont
accoslé et engagé à la paix et il se retirer. Le procureur de la
commune l'a aidé il monter il cheva l. La prison était interdite
il cet homme; elle était deslinée au fil s d'uo officier munici­
pal el élecleu r de ce canton donlle civisme est très connu et
l/ui es t seul de son avis, nOlllmé Alaill Pinvidic Il ( 1 ).
Malescot de Ke~angoué sera co nd amn é à mort, en therml­
dol' an II, pour « avoir entretenu des co rrespondances crimi­
nelles avec des ci-devant nobles et des émi grés et fait passer
il ces demiers des secoUL'S en argent». Au nombre des corres­
pondants criminels de Malescot,ll'accusateur pubiic, Donzé­ Verteuil, a u ra la sottise de ranger La Tou l' d'Au vergne (2).
Les documents saisis en l'an Il chez Mme Thépault du
Breignou et Mlle Duparc établiront que depuis le début de
l'émigra tion ces dames furent en correspondance avec des
parents émig rés. Impliquées toutes deux dan s l'a11'aire du
capucin Yves Mével, elles auront la chance de ne pas suivre il
l'échafaud leur co-détenue, Mlle M odes te-Emilie de Forsanz (3).
Marie-Barbe Jacob de Kerjégu. âgée de 61 ans en 1794 ,
native de Lannion, vivant à Modaix de ses revenus, sera ac­
cusée, en germinal an Il, d'avoir élé en 179 1 et 179 2, ainsi
lJue Gabriel- Lou is Moreau, père du général , agent d'a1l'aires
de M. Barbier de Lescoet, seig neur de Kerno, «( d'avoir entre­
tenu une cOl'l'espondance criminelle avec les ennemis de la
République et de leur avoir fait passel' des fonds poUL' exécll-
~ I) Archives du Finislère, L 7H.
(2) A rchives nationales, W 1 fila.;;
(:1) Ibid., W

167
ter leurs projets nalionicides ll. Comme Moreau pere, Marie­
B. de Keljégu sera condamnée à mort le 31 juillet 17Ul, ( l).

Pierre-Louis Mazurié de Penannec'h (9 avril '732-23 sep­
tembre 18(1) était négociant et arma leur à Morlaix. Il épousa
en '766 Pélagie-Claudine Dagorne du Bot, fille du receveur
des devoirs à Carhaix. l\1azurié fit de bonnes affaires, parti­
culièrement dans le négoce des toiles. Maire de Morlaix en
1782, il était en 1788 premier consul dela juridiction consu­
laire, député de Morlaix an x Etats de Bretagne et membre
de la Commission intermédiaire des Etals pour l'évêché de
Tréguier. En avril '789, il fnt élu deputé aux Etals géneraux
par les deux sénéchaussées réunies de Morlaix el Tréguicr­
Lannion.
Mazurié de Penannec'h avait au moins 6 enfants vivanls
l[uand il devint veuf en 1790. L'aîné des fils avait 25 ans en

1792, le second, Joseph, ~~ an s et sa fille uniqlle, Anne-Marie-
Pélagie, 18 ans.
Mazurié eut un rôle efl'acé et passa inaperçu il la Constitu­
ante, Au terme de son mandat, il rentra il Morlaix pour se

remetlre 'au négoce. Bien qu'ayantltôtel et magasins en ville,
quai de Léon, il demeurait ordinairement h sa maison de
campagne, Porzalltrez, aux portes de la ville , sorte de gentil­
hommière qu'il s'était plu il embellir depuis vingt ans (2).

(i ) La correspondance de Mlle de K el'jégu lul saisie à Lesneven chez
Le Flcch, reecveur de M. BarbiN· de Lescoet. Dans une leltt'e, elle invi­
lait Le 1"100h il lail·c passer a Bruxelles l'argeuterie de Km·no, pal' l'in­
termédiaire de M, de Kcrvcn (sans doute rle K~rgllen ) qui allait émigrer.
Dans une autre leUre, elle sr. lamenle au sujet des persécutions exel'cées
il l'égard tics prêtres réfraclaires du dislrict de Lesneven (c qui, jusque­ là, avait été, dit-elle, comme l'arche entourée des eaux du déluge» , Ar­
chiYf;s nationale~, \Y 2 5!~2
(2) Cr. Trüvl'l\y, Mémoire inédit conce1'1tuul La 'l'u1ll' 1l·A. 1I1iM'{/Ue.
1 68

En 179 l, l'aJmill.isLration ùu dist ri ct eL de la ville de Mor­
laix: avait éLé ex:ercée par des modérés , amis de Mazurié :
Beaumont père, Le Grand du Quélennec et Le Dissez de Kel'­
babu a il direcLoire du disLrict, Le DenmaL de . Kervern, puis
Jean Diot à l'IIûtel-de-Ville. Au début de [79 2, les démocrates
Bea u, Riou, Veller, Couhitte et le notaire Raoul de Saint-Pol
prirenL la direclion ùes affaires du district et bientôt, en juil­
let, le chi ru rgien Beaud ier, 61 u maire, rem placera Jean Diot
à fIIôtel·de-Ville. Dès lors, 1 \1az Ul'ié devint un dissident et il
ne Lardera pas à entrer en co ni1it avec lcs nouveaux: élus.
Dès le printemps 1792, la famille Mazurié ne manque au-

c LIne occasion de manifester so n hostilité au clergé consLitu-
Lionnel eL aux nouvelles autorités constituées. C'est ce donL
témoigne la leUre suivante, du 2 mai 1792, adressée par
Mazurié fils aîné à son frère, Josep ll, alo];8 à Paris:
Mercredi 2 mai 1792.
« Si j'avais eu le temps de l'écrire luudi, Inon cher ami, je n'aurais
pas Illauqué de te laire le récit de l'abomination qui vient ùe se produire.
En voici Je sujet r.t l'histoire :
Uimanche, i er avril, il la messe de 7 heures il Saint-Martin, l'église
éLail plei ne de monde. David paraît, monte en chaire. Toul le monde
fuit ct il ne reste que peu de gens pour écouter son prône. Les démocra­
tes, furieux de ces scènes souvent répétées et Lle l'horreur que le peuple
témoigne pour leur culte, imaginèreut de. punir crux (jui étaient sortis.
La municipalité l'l ' voilles dépositions; bienlôt, clle s'aperçoit de sa bévue
cl renvoie l' afl'a irù aux juges compé lenl~ .
A près bien des réflex ions, 1 und i 30 a v ri 1, le juge de pai x Jézéquc l
envoie ordre aux ùemoiselles Cugnon, San .nier. Penanncc'h, Troguindy,
plc., il Milo du Trévoux, ot e. , il MM. Gratien et Valencour, de compa-

l'altrc deyanl le tribunal de la police cO I'l'ec Lionnellc. On s'y l'end, on
reçoit les dépositions qui loules accusaient los personnes qui (\laÎl'nt il
169
Les juges étaient dl1pilés : leur lourde physionomie le disait assez

clairemen t. Andrieux, procureur de la commune, paraissait S Ul·tOut lres
làchê. Il défendit de rire; néanmoins on ne se retint pas. D es officiers
nationaux élalèrent aux yeux rie ces dames une discipline superbe. Oll
entendait dire de tous côtés qu'il lallait les fesser elles envoyer à l'Hôpi­
laI. Néanmoins, les juges malgré leur malice ne purent les condamner.
Andrieux fit un discours [orl bête, où il accusa les personnes sorties
d'avoir man' i{esté leur o!Jinion . Papa prit la parole et dit: .
« Messieurs, vous venez d'enlendre les déposilions des témoins conlre
les personnes qui so nt sorties de l'église ;· pas une ne les accuse d'avoir
causé aucun scandale. S'il est quelque chose de scandaleux dans cetle
all'aire, c'est l'abus que vous laites de la loi pour laire perdre du temps,
sans raison, il loutes ces personnes; c'est l'importance que vous donnez
ù cette chose yui serait tombée d'elle-même si vous ne l'aviez relevée. Jo
n'étais pas à cette messe ; si j'y eusse été, j'eusse comme les autres usé
de la liberlé d'entrer et de sortir quand je veux, car, après tout, celle
all'aire se.réuuit à savoir si je suis maître d'écouter ou de ne pas écoule!'
le prône de !If. David, et je D e conçois pas qu'il puis~e y avoir de doute
à cet égard ». .
Le juge riait niaisement, en sc trémoussant sur son fauteuil, avec UIL
embarras qui D C l'a pas abandoné de toutc la séance. D e Genne et Capi­
laine, ses assesseurs, sr. pinçaient les lèvres ; Andrieux mordait les
siennes et le llez lui enflait. Enfin, le juge ct ses assessems nous touruu­ rent le dos pour se consulter et ue Genne Ut la leçon à Jézéquel. Quand
ce dernier la sut, ils se retournèrent el l'envoyèrent les accusés hors
d'ac~usatioD, en leur enjoignant d'être une autre lois plus respectueux.
Tu juges de l'embarras de Marianne (1) quand on l'envoya averlir de
celle cérémonie; mais elle lul rassurée quand elle se vit au milieu ùe
tOlltes les dames accusées. Quand ces ùames sortirent, les femmes du
peuple vomirent contre elles un torrent d'injures, les appelant bigotes,
etc .. L'une d'elles dit, à côté de moi: « Ils sont encore plus eITrontés que
nous». CèU e même, en sortant, me parla de frai ses el je crus qu'elle
me disa it qu'elle en viendrait manger (dans les jardins de Portzantrez).
Je lui répondis, avec une révérence moqueuse, qu'elle me lerait plaisiJ'.
Cetle demoiselle est marchande et je vcU. >': lui fairo bouleverser taule sa

(1. ) Ailleurs, Mlle Mazurié est appelée Anne-Marie.
1 70
boutique pOUL' lui demander un huitième d'aune de mousseline à q,O s"ls !

Ces dames, en général, sont très heureuses, Une fille qui ne s'est pas
mise à genoux devant le bon Diou, dans la rue, est en prison pour 3
mois. La pauvre demoi selle Murlin, qui demeurait chez M, Hamelin, est
condamn6e ~ G O 1. et aux ft'ais du procès pour n'avoir pas fait le sign0 de
la cl'oix en entrant à l'i~glise , etc, Nous n'allons plus à la messe, Madame
Villar.t non plus, ct beaucoup d'aulres de m (\ me., , )} (t ),
Mazurié avait conservé ses ancienn es relations avec des
ennemis du nouveau régime ; on le savait agent d'affaires de
la maison de Coigny. Ni lui ni les siens n'assistaient aux or-

fi ces des prêtres assermentés ; il passait pour un pl'Otecleur
des réfractaires , Sa fortune, son passé politique, son expérien­
ce des hommes et des affaires lui donnaient une influence
co nsidérable dont il usait pour discréditer et braver les auto­
rités constituées.
Cette atti tude parut intolérable aux jeun es volontaires
morlai siens, à la veille d'aller combattre aux Tuileries ou aux
l'l'Onlières. Quelques menaces furent proférées contre l'ex­ Constituant qui harcelait la municipalité et le district d'inces­ santes réclamations. Le {~ septembre I79 2, à une protestation
peu fondée, relative à l'exercice du culle, le district répondit:
« Si son opinion religieuse cond uit le citoyen MalUrié à ne pas
fréquenter les églises, comme législalem, il doit êlre le pre­
mier l'amené au respect des lois ll,

Pendant son séjour à Paris, Mazurié avait fait la connais­ sance de quelques hauts fonctionnaires du ministère de 1'111-

(i ) Al'chives de la famille de Lauzanne. D ocument gracieusement
communiqué par M. Louis Le Guennec. SUl' la demande do notre obli­
geant confrère, M . Louis L~ Guennec, M. de Lauzanno a bien voulu nous
arlresser une photogl'3phie (1'un portrait de Pierre-Louis Mazul'ié de
Penannec'h, SOll ancêtt'o, et nous autoriser il 1 (\ publier dans le Bu.lletin
1 71

térieur, Fontaine et Champagneux, entre 'autres , Grâce à ces
relations, Joseph, le second des fils de Mazurié, fut même at­ taché à la Commission des travaux pnblics qui relevait de ce

mlnIstere,

Le 7 septembre, avant l'arrestation de ses compatrioles

suspects, Mazurié de Penann,ec'h adressa à son ami Fontaine,

« premier commis des dépêches au département de l'lllLérieur
à Paris », une plainte destinée à être mise sous les yeux du
Ministre, ' ,
En conséquence, le 15 septembre, p',oland écrivit aux admi­
nistrateurs du Finistère :

« Je suis informé, M e8sieurs, que M. M azurié-Penannec' h, citoyell de
M orlaix, ex-député il )' Assemblée constituante, pst dans cc moment en
bulte il des sou pçons qui compromellent sa sûreté, que des menaces lui
ont été faites et qu'il craint même pO Ul' sa vie.
« Je ne suis pas instruit du molir r Ie ces soupçons. S'ils tombaient sur
son civisme, j'en serais étonné d'après les preuv es qu'il a données de son
respect pour les nouvelles lois et les services qu'il a rendus il la Franco,
on peut le dire, en lutlant contre les projets de très pui ssa nts intrigants
qui voulaient asser vir les Français dans le Portugal et en obtem nl, mal­ gré eux , une décisioll qui ass ure la liberlé ct la sûreté de nos compa­
triotAs dans ce royaume.
« Qnoi qu'il en soit, les citoyens sont sous la protection de la loi ct
des au torités constituées. Il est sous votre sauvegarde ct je vous [crais
injure si je doutais de sa puissance; je le ferais aussi aux citoyells lJuo
vous administrez, si je les croyais capables d'attenter iL la sLLreté du sieur
Mazurié et d'invoquer contre lui d'autre force que celle de la loi.
« Veuillez me répondre tout de suite et m'apprendre ce qui a pu [aire
susp ecter ce citoye.n " (i ). .
Les arrestations aya nt été opérées le 12, M azuri é, impa tient
de recevoir une réponse, renouvela ses plaintes il M. Fontaine,
le 17 septembre.
« Je vous ai écrit une lellre le 7 de ce mois, deux le 10, uno le 12, et

(i) Minuto non signée. Al'chi ves nationales F 1. b II Fillistùre 1.
172 -
la del'nièl'C 1 0 g , 1 0lües SO llS le couvert uu ministre de l'Intérieur.
J'attendais par le courrier la réponse à la prcmière. Peut-être ces lettres
ont-elles été interceptées . Lt: district arrête et prend lecture des le .ltres
qui lui sont' suspectes, c luoique celles à l'adresse des ministres soient

hors de tout soupçon.
« Je n'en aurai pas moins le couragc de crier hautement contre les
auteurs des maux que nous ne pouvons plus supporter. Ce n'est plus

pour moi que je parle. Jo suis un des moins maltraités. 1.,0 mal des
autres ne me permet pas de me taire. C'est un devoir à tous h~s hommes
de s' intéresser pour leurs semblables et S Ul'tout pour ceux dont la verlu
est calomniée Clt perspcutée.
« Je l'OUS ai iustruit pa l' ma uel'Uière (d u '(4) qu'on 3 l'enlermé ici,
comme dans d'autres villes, un très grand nombre d'hommes, de lemmes
et de filles que leurs ennemis ont dénoncés comme suspects. Ce n'est pas
assez que la porte de leur liberté et les incommodités qui en sont la

suite; on aggrave leurs maux cn leur disant que leur captivité du:-era
aussi longtemps que la patrie sera en dangcr et quc leur sort définitil
dépendra de celui de nos armes. C es malheureux n'ignorent pas, le mas­
sacre des prisonniùrs il Paris et à Versailles. Ils attendent une fin pareille,
quoique leur conscience pure soit saos reproche.
« ( Quelle cruelle position? D e quoi sont-ils accusés ? Ils ne le sa vent,
pas. Ont-ils conspiré ? Sfl nt-ils dan gereux? N on, il ne pent rester aucun
doute à cet égard, PO Ul'quoi sont-ils donc enfermés et surveillés? On
n'en sait rien. M ais il est vraisemblable que le plus grand nombre de ces
détenus n'ont d'autre crime que d'avoÎl' babillé sur des événements au-

ùllssns de la portée de leur jugement ou d'avoir murmuré SUl' les déplo-
rables elrets de l'anarchie. S'ils ne sont pas exaltés , ils ne sont pas moins
bons patriotes et, si le public est consulté, il leur renura justicl:l.
« Les autres sont des nobles jadis et des parents des émigrés. PO lJl'
cela se ul, ils doi vent être sur veillés, S' ils ont tramé pour favorjser le

retour de l?ancien ordre des choses, ils sont [l'ès coupables et méritent
d'être traités comme tels. Je ne sais si nous en avons ici quelques-uns
justement soupçonnés d'êlre dans ce cas. M ais nous avons ici un grand
nombre de femmes de ces ci-devant nobles qui peut-ôtré ne méritent pas

d'êll'e trailées comme suspecles ,
« La düsolation est géll (\rale ; ( le Ioules parts, on réclame la justice ;
on demande la sév(,rilé des lois contt'e les coupables et l'élargissemen t
173
des innocents. On Iait des \'œux pOUl' qu'orl nous envoie, au plus tôt, des
commissaires du pouvoir exécuti[ pOUl' portel' le rcmèùe il tant de mnux.
Leur lfIissio!J !Jous parait inùispellsable j uos tl'Ïbunaux Ile pourraient
les suppléer dans les circonstances où nous sommes. Des commissaires
entendraient et pronouceraionl. Tout sel'ail bicntôt tC l'mi!lj} el le calmo
se rélablirai t.
« Au reste, le Ministre peul, ùans sa sagesse, prendre des mesures non
moins efficaces. La responsabilité solidaire de nos Ionctionnaires ,envers.
les parties lésées \Xlntre la loi me parait bieu propre à les contenir et il
rétablir le règne de la justice.
(c Excusez mOll importunité j n'y voyez que l'amour de mon pays .
.Je vous salue. »
ni AZUH lIi-rlèN ANNEe'lI.
En marge, en tête de ceLle lettre, se trouve une note signée
de Fontaine: c( Instamment recommandé il M. Champa­
gneux» ( 1). Au bas, la réponse du Ministre: « Si on ne répond
pas à la lettre écriLe, on proposera à l'Assemblée l'envoi de
commissaires. » (2 :.
Le mercredi 19 septembre, Mazurié est tout réconforté :
son ami Fontaine lui a fait connaître le résultat de ses démar­
ches et la teneur de l'admonestation ministérielle adressée aux.
administrateurs du département il Quimper. Mazurié écrit

llUSSltot :
Morlaix, I9 septembre" 792.
« M onsieur ct cher ami, -
« Je vous remercie des·lettres des i3 et Hi srptembre. Je YOUS remer­
cie du baume que vous commencez à mettl'e dans mon sang. CflS admi­
nistrateurs sont à Quimper, il 23 lieu es et demie de poste d'ici . 11 · se'
passera peut-être 8 jours ou plus avant que je sache quel pilet produira
cetle lettl'e.

(i) Champagneux Iut, de 1795 à 1797, chei ùu bureau ChUI'gé de la
correspondance avec l~s éommissaires du Di,'ecloire dans les départe­
ments. Sans doute, en 1.792, l'emplissait· il déjà des fonctions analogues.
(2) Archives nal.ionales. F i lJ II, Finisti're l, Les leUres qui vont
suivre de Mazurié et ùu Ministre Roland sont conservées dans ce lllilme

- 174

« Ce n'est cerlainement pil S le gunvoruomenl paternel que 1I0US avons
eru 1I0US donlwl'.
« Il est apparent que M. Holaud recev ra uu grand nomlJre Je plaint~s
de mes eoncitoyens emprisonn~s sans en savoir les cnuses Peut-(\tro
cependant que la crainte d'irriter leurs ennemis par des plaintes les re­
tiendront car on est gélléralemotJt doux et timide dans ce pays. Tous lE's
recl us sont généralement do ce caractère : ils SOllt bOlls et n'ollt Lait que
du bien.
« Je soulfre de voit' la verlu persécutée ell eux et je crois de mon
demir de contribuer à laire ctJrJualtre leur innocence et leul' procurer la
liberté, dussé-jc pO Ul' y parvenir m'exposer au ressentiment des pel'vrrs
qni se nIaisent 11 trouver des coupables,
« Je YOIIS sa lue pl l'ons r rnl,,'asse de loul mon cœur » ,

MAZURm-Pll NANNF.C Il.
Le directoire du département du Finistère, présidé par un
gentilhomme, M de Kergariou, sincèrement dévoué au nou­
veau régim e, étai.t composé d'hommes d'ordre, peu suspects

de pactiser avec les fauteurs d'anarchie et de violences, Ils en
donnjlient une preuve, au moment même où ils recevaient
l'admonestation de Roland, en faisant arrêter il Quimper, le

23 septembre, un émissaire de la Commune de Paris, Je ter-
rol'iste H .oyou-Guermeur (1).
Ces administrateurs, pleins de respect et d'admiration pour
Roland, recommandèrent au district de Morlaix la modération
ct, si possible, l'indulgence. 11 fut tenu compte de celte
recommandation, cal' qllelques suspects morIaisi.ens furent
relâchés le 27 septembre. Mais les communications étaient si
difnciles et si lentes entre Morlaix et Quimper, Quimper ct
Paris, que Roland,impatient, put croire que l'administra lion

départementale faisait la sourde oreille,

(1) cr. J. Trévédy, lloyOll-Cuenneu1', broch, in-So, Vannes, Lafolye,

11 entrait d'ailleurs clans les vues de Holand de présenter à
la Convention Lill sombre tableau de l'état de la Frallce. Le
2!~ septembre, en ell'et, pour atteindre ses adversaires, la
Commune de Paris et les Montagnards, il s'appliqua à semer
l'alarme en montrautle pays en proie à 1\\lJarclüe et les droits
de l'homme partout violés . L'affaÏL'e des suspects de Morlaix
venait à propos pOUl' ajouter uue ombre à ce tableau. Holand
n'eut garde de l'oublier et, dès le 25 septembre, il la signala
il. la Convention qui, la veille, à son instigation, avait décrété

la nomination d'une commission pour rendre compte de la
siluaLion de la Hépublique,
Paris, :t:!o septembre 17!l2.
Le Ministre de l'Intérieur
Au Président de la Convention l1ationnle.
Monsieur le Président.
« On vient de me prévenir qu'un grand nombre de pel'sonnes de l'un
nt l'autre sexe, dénoncées comme suspectes, sont rnfermées dalls les
prisons de Morlaix et d'aul, res villes voisines et que l'on fail hautement
dépendre leur existence de l'événement de nos armes. Punition sévère
pour les coupables, Iib0 Tté pour les innoce nts : voilà ce que réclame la
justice.
, « Mais il paraît que ce langage de la loi trouve une grandtl opposition
dans la fermentation des esprits C lue des agitateurs échautfenl en secret.
({ Des hommes sages et prévoyants de cette ville semblent appréhender
que lout autre moyen que l'envoi de commissaires pris dans le sein de

l'Assemblée ne soit aujourd'hui insullisanl.
« Je vous prie de meUre les craintes elles espérances des bous citoyens
de Morlaix sous les ye ux de la Convention nationale, persuadé que la
sagesse lui inspirera cc qu'il set'ait le plus ulile de faire pour emp0cher
que des hommes périssent sans être jugés J).
U ne semble pas que la Convention (lit jugé nécessaire de

recourir à cette procédure extrême. Tandis que Roland agilait
le spectre des massacres, les députés du Finistère, mieux
renseignés, durent reconnaître qu'on exagérait
courus par leurs compatriotes détenus.
les dan aers

," 170-

Le mardi :J octobre, un grand nombre de citoyens actifs de

la commune de Morlaix s'assemblèrent, ft 2 heures de l'après-
-midi, dans l'une des cours du couvent des Dominicains,
après en avoir donné avis à la inunicipalité. 11 s'agissait de
rédiger dans les formes une pétition demandant la liberLé
des détenus.
Les pétitionnaires déclarèrent « (lue les motifs de la déten­
tion étaient inconnus; que la maison appartenant au sieur
Mazurié aîné et la maison religieuse du Calvaire n'avaien t pas
éLé légalement et publiquement désignées pour maisons
d'arrêt par l'administration du département; que plusieurs
citoyens évadés avaient r eçu chez eux chacun deux gardes
qu'ils étaient tenus de llourrir et de payer 6 1. par jour )J .
La pétition porte 187 signatures, dont celle de Mazurié-

Penannec'h, et les noms de 131 citoyens qui déclarèrent . ne
savoir signer, soiL au total les noms de 318 pétitionnaires (1).
L'assemblée fut tumultueuse. Une vingtaine de témoins

amrmeronL « que l'assemblée formée et le président d'âge

nommé, ils entendirent le vieux Mazurié-Penannec'h faire la
motion d'arrêLer que la municipalité et le district avaient
perdu la confiance du peuple, qu'il fallait les casser et les
chasser,. qu'ils étaient indignes d'êLre les représentants du
peuple; mais que l'assemblée, à la majorité, rejeta celte
motion ».
Le soir même, le procureur-syndic, Hené Raoul (2), porta
cet événement à la connaissance du directoire du district.
« Les nombreux détp.nus de Morlaix sonl ceux qui ont mani[eslé des

(:1.) Pétition adressée an Ministère de l'InlérieUl' par Mazurié, le ti
octobre.
C~) Raoul (Claude-Hené), notaire à Saint-Pol-de· Léon, maire de Saint­
Pol en :l.79i, procureur- syndic du dislrict de Morlaix en 1.791., commis­ saire national près le lribunal du district I.'n 1793, puis juré au tribunal
révolutionnaire de Brest en :1.794.
177
senlimenls dangereux ou dos agitaleurs capables de lroubler l'ordre. On
allait les élal'gir lorsque la voix publique est venue suspendre la douce
sati>Iaction d~ les rendre il leurs lamilles. Une réunion d'hommes, tenue
en la maison des ci-devant Jacobins, . a porlé l'inquiétude dans l'esprit
de nos concitoyells et spmé l'alarme dans la ville. L'administration avait
le devoir rigoureux d' étéi n.1 re les germes de celle séd i tion ct, pou r y
parvenir, d'en rechercher les causes.
« On a lait dans èette réunion des motions incendiaires qui avaient
pour objet de persuader au peuple que les corps administratils et muni­
cipaux avaient perdu sa confiance. Un citoyen s'est permis ue monter
sur une table pour provoquer l'assemblée il méconnaître en tièrement les
autorités conslituées .'t à lormer COU Ire elles, sous la loi du serment,
une r(·sistancc.
«( Nous avons lait reduubler notre surveillance pour en connaître les
auteurs . Celle assemblée, inuignée des propositions dont le but était de

soulever le peuple et de le porter à la d~sobéissauce aux lois et aux auto-
rités, a été tumultueuse. Des menaces ont été faites aux motionn'J\res .

Tout annonçait un désordre prochain. Les bons cHoyens s'étant retirés,
l'assemblée s'est pt'u à peu dissipée».
Séance tenante, le directoire du district composé de J.-13.
Beau (1 ), président, Riou, Veller, Couhitte et Le Lamer, prit
l'arrêté suivant:

( 1.) Beau (Jean-Baptiste), négociant el armateur, agent de la mine de
Poullaouen, consul de 1.780 li i783. électeur de Morlaix à l'assemblée
électorale du Finistère en 1790. Son frère, Bernard Beau, aussi négociant,
fut un membre lrès actif du Comité révolutionnaire de Morlaix en l'an II.
Riou, négociant, membre du directoire du district en 1.792 et 1.793,
procureur-syndic le 29 aoùt :1.793, fut destitué le 3 décembre :1. 7\)3 par .
la commission Hériès et Cuny pour ce motif: «Biou est connu dans
l'opinion publique pour un homme suspect à différeQts égards et agissant
même conlormément à ses principes Iiberlicitles ~. Arch. du Finistère,
Reg. des délib. du district, à la dale.
Veller (Jean-Joseph), négociant, électeur il l'assemblée éleclorale du
Finistère en :1. 791.
Couhilte (Marlin-Simon), négociant, consul en :l.78q" t\lecteur à l'as­
semblée électorale à Quimper en :l.79i.

Le Lamer (Jacques-Laurent), cultivateur à Taulé, électeur à rassemblée
électorale du Finistère en 1790. .

178 -
« Information som mairo faite du délit commis envers les autorités:

" Considérant que les suites inévitables du mécontentement général
semblent menacer les jours d'un imprurJent j
« Voulant prévenir une émeute populaire dont les suites peuvent faire
craindre pour sa sûreté j
« Le directoire arrête que le sieur Mazurié-Penannec'h qui semble à
cette occasion s'être rendu coupable du soulèvement qui altère la tran­
quillilé publique sera, attendu l'urgence de rappeler le calme dans la
ville, saisi sur-le-cbamp par la gendarmerie nationale et constitué en
arrestation provisoire an Cbâteau du Taureau j qu'information sera faite
par le juge de paix du résultat de cette assemblée à l'eflet de connaitre
les anleurs et fauteurs qui ont donné lieu aux troubles» (1).
Mazu rié, en eITet, fut arrêté le soir même. Les deux gen­
darmes qui procédèrent à son arrestation déclareront, au cours
de l'enqu ête, {( que le sieur Penannec'h, au moment où il était
en leur pouvoir 1) leur dit cc qu'il s'attendait à être saisi, qu'on
l'en avait prévenu; mais qu'il protestait contre la municipa­
lité et le district qui ava ient perdu sa confiance et celle du
peuple; qu'il demanda son bonnet de nuit parce qu'il n'était
pas sùr de coucher chez lui; que le lendemain la garde na­
tionale s'assemblerait et l'on verrait qu'il avait pour lui la
majorité du peuple » (2) ,
A la nouvelle de cette arrestation, dans la nuit du 2 au 3
'octobre, quelques amis de Mazurié se concertèrent pour rédi-
ger une pétition au Ministre de l'Intérieur. .
« Le citoyen Mazurié-Penannec'h, ex-Constituant, a été il sa sortit' de
J'assemblée saisi pal' ordre du district et incarcéré à nuit close au Château
du Taureau, Son seul crime était d'avoir annoncé hautement dans l'as-

semblée que le directoire du district et la municipalité de Morlaix avaient
perdu la confiance de la commune ». DIOT, BEAUMONT ~'[Ls (3), 1II011EAU

(1) Archives du Finistère, L. B eg des délib. du dis!. de Morlaix, 12
septembre 1792.
(2) Dépositions reçuos par Jézéqucl, juge de paix, les 12 el :1. 7 octobre .

170
FILS AINÉ 1:1. l , ,1EAN-FRANÇ01S LE BRAS, y.-,) -L, LE DENlIlAT (2), BEAUMONT
FILS, pal' procuration du citoyen DUPLESSIS-PltCASSE; FI\ANÇ01S l'osTIe,

, p, BARIlERE FILS,

, Le samedi G octobre, Mazu l'ié écrit à son ami Fon taine,
sous le cOllvert du ministre de l'Intérieur,
Château du Taureau, près Morlaix.
Monsieur et cher ami,
" Vous allez être aussi surpris qu'affligé de me savoir renfermé dans
cette affreuse Bastille, J'y suis par une lettre de cachet. Je ne vous eu
dis pas davantage. Vous devinerez sans doute que c'est pour avoir eu le
courage de combattre les abus d'autorité dont mes concitoyens soutIrent.
« Le 2 de ce mois, à midi, je fus averti à ma campagne qu'à 2 heures
les citoyens mécontents s'assemblai~nt à Morlaix avec la permission de
la municipalité, d'après les formes prescrites pour délibérer sur leurs
griefs, Je me rendis, à l'heure, au lieu indiqué, Nous y préparâmes une
pétition dont jusque-là j'avais ignoré l'objet, Les motions furent failes
. ville, électeur de Morlaix à rassemblée du Finistère à Quimper en :1. 790 ;
agent d'a [J'aires de quelques émigrés, emprisonné sous la Terreur; maire
de Morlaix pendant la H estauration. '
(i) Moreau (Joseph-Ma rie-François), avocat, Irère aîné du général
Moreau; électeur à l'assemblée électorale du Finistère à Quimper en
i 79i ;' commissaire du Directoire exécutif près la municipalité de Mor­
laix en l'an IV; fut proposé en l'an VIII au Premier Consul par la
députation du Finistère et le préfet Cambry, pour la place de sous-préfet
de Morlaix; membre du Tribunat en l'an IX, député d' 1I1e-et-Vilaine
en :1.816 et préfet de la Lozère en 18:1. 7 .

(2) Le Denmat (Yves-Joseph-Louis), né à Callac vers 17tH, avocat,
maire de Morlaix en i 790. membre du Conseil général du département
eu :l.792-i 793, l'un des 26 administrateurs du Finistère condamnés à
mort par le tribunal révolutionnaire de Brest pour cause de fédéralisme
(~2 mai i 794). Son fr~re, Philippe-Mathurin Le Denmal de Resguern,
l'tait négociant et armateur à Morlaix, consul en :1.783-:1. 785,
Jean Diol, Le Bras, Duplessis-Pégasse, François PosLic et Pierre
Barrère comptaient au nombre des plus notables négociants de Morlaix;

180 --
avec toule la liberté que donne la loi. Nous crÛmes devoi.· concourir
(le tous les moyens qui étaient en notre puissance pour arrêter le despo­
tisme dont IIOU S avons toujours à nous plaindre. Nous crÛmes devoir
réuni.' nos lumières et nos forces pour chercher un remè,le il nos maux.
Nous pensâmes que dans cette circonstance celui qui croirait avoir à dire
une vérité utile et qui gHderDit le silence, arrêté par la crainte ou par la
considération d'l quelques ména gements, se rendrait coupable envers ses
concitoyens opprimés. Il s'agissait de montrer les aUeintes portées à
leur liberté.
« Persuadés que nous ne pouvions être gênés ni inquiétes en aucull
temps pour la manifrstation de nos opinions dans celle assemblée légale,
nous y traitâmes nos intérêts les plus pressants et rédigeâmes notre
pétition dans les bornes de l'objet fixé, .
« Avant qu'on pût présenter celle pétition, je fus arrêté en rentraut
chez moi, après 8 heures du soir. Je trouvai dans ma maison une force
étrangère il la commune qui m'atlendait pal' ordre du district. Elle me
conduisit en ville, dans la maison d'arrêt, où je passai la nuit, gardé par
deux gendarmes qui, il l.t, heures du matin, me transférèrent ici. Je fus
exposé à la lureur du peuple que mes ennemis avaient trompé par des
calomnies. J'ai resté jusque hier soir sans savoir ce qui se passait à la
ville, sans avoir la moindre nouvelle de mes enlants que j'avais laissés
accablés de douleur el de frayeur.
« Enfin, un d'eux, après une permission diJférée et ensuite accordée à

. ses instances. yint hier me consoler. Il ne put êlre qu'un moment avec
moi. Il m'apprit qu'on avait lait droit sur noIre pl.'>lition et que les pri­
wnniers dont elle réclamait l'élargissement venaient d'être mis en liberté j
que les citoyens qui l'out signée et ceux dont on avait délié les chaînes
allaient demander qu'on me fit sorti.' de captivité. Il me remit les leUres
il mon adresse. toutes al'J'êtées par le district, ouvertes et lues pal' les
membres du district. La vôtre du 26 · septembre, sous le cachet et
le contreseing du Ministre, n'a pas été plus respectée que les autres. La
surveillance inquisitoriale des circonslances ose porter la · suspicion
jusque sur les lellres ùes Ministres et sur celles à eux adressées. Ce n'es!
pas à moi à en calculer les conséqueuces. Je ne m'y arrêle pas. Les
premières autorités réprimeront sans doute cette tyrannie.
« Vous m'apprenez que M. Roland a écrit à MM. du département du
Finistère la lellre la plus pressante sur les abus dont je me plains. Mais

181 -
Je dois craindre qu'oull'y ai! pas plus d' éga rd fJu'a celle qu'il a rel'ite à ces
MM. en ma faveur le 15 du mois uernier. Bien loin d'en avoir senti les
effets, je ne suis que plus cpprimé. Je me recommande à vous, mon cher
défenseur. M eltez encore cetle plainlè sous les yeux du vertueux Ministre
protecteur des lois garantes de noIre liberté qui, par · le dévouement le
pIns généreux, a le courage de repren,lre ou pllltôt de ne pas quitter le
gouvernail de la chose publique (i ). Présentez-lui la pétition ci~jointe
envenimée par mes ennemis avant rie la connaître parce j' i3lais un des
coinmissaires choisis pour Ja rédig~l'. Je voudrais pouvoir tout vous
dire; le temps et les difficultés ne me le permettent pas. Je profile d'une
occasion pour soustraire ce paquet a la curiosité des autorités de M orlaix;
je le fais porter a un autre bureau dos postes.
« J'y joins une leltre plainlive des innocentes victimes arrachées du
poste qu'elle occupaient si dignement au directoire du district de Lesne­
ven el qui gémissent depuis si longtemps dans cet affreux srjour. J'im­
plore pour eux votre sensibilité. II ne faut que rappeler leur cause au
Ministre patriote, sa justice, son humanilé feront bien vite le resle. Ce
que vous ferez pour eux, mon cher ami, je le regarderai lait pour moi.
Ne séparez pas leurs intérêts des miens : tout est commun pour des
compagnons d'infortune (2). S'il ya déjà quelque chose de décidé pour
(i ) On voit que Mazurié lut rapidement renseigné. Roland avait été
élu à la Convention; or. il y avait incompatibilité entre les fonctions
de min istre et celles de député. Il aVilit d'abord déclaré, commll Oanton,
qu'il opterait pour le mandat législalif. Mais, le 27 s~ptembre. ses amis
le .supplièrent de conserver son porlefeuille pOUl' mieux. servir la politique
girondine; c'est le lendemain 28 que Boland opta pour le ministère.
(2) Les membres du directoire et le procureur ~yndic du dislrict de
Lesneven, Le Jannic, Le Clec'h, Brichet, Bolland et Cren, avaient été
suspendus ct Ulis en arreslation par un arrêté du Conseil général du Fi­
nistère (2i août 1. 792). Ils étaient accusés d'avoir « par leur incivisme,
souvent dénoncé et constamment caractérisé dans leurs discours, leurs
écrits et leul' conduite, produit et perpétué le mépris des lois et des pl'in­
cipes constitutionnels dans l'étendue du di~trict » . Le i i décem bre 1. 792,
ils étaient encore au Château du Taureau. A celle date, Holand écriva i t
il Miorcec de Kerdanet, leur défenseur officieux.: « J'écris aux nouveau
administrateurs de la manière la plus fortu pour laire élargir sans délai
ces détwus ». Les anciens administrateurs de Lesneven furellt mis en
jugement el acquillés · au début de i 793.

182
ces messieurs de Lesneven, ils craignent avec raison de ne pas le sa voir
par la voie du département où leurs ennemis pourraient retenit, la
dépêche du Ministre. Je vous prie de vouloir bien le leur 'apprendre
directement, sous le couvert de M. Petit, commandant du Château du
Taureau, près Morlaix. Celte voie, d'ailleurs plus prompte, nous parait
certaine,
« Je vous salue et vous embrasse de tout cœur ».
MAZURtll:-PENANNEC'U.
« P.-S. - Je vous recommande avec le même intérêt l'affaire de M.
Delvincourt, compagnon de mon triste réduit (i ). Sa lettre, ainsi que
celle de MM. de Lesneven, est directement à l'adresse de M. Roland. Elle
n'est point L errnél', afin que vous en preniez lecture si vous en avez le
temps » .
A la lettre ci-dessus de Mazurié est jOillt un billet de M.
Fontaine : « Quatre pièces à rapporter à M. Fontaine après
enregistrement. Très instamment recommandé à l'huma­
nité et à la justice de M, Champagneux par son dévoué
compatriote Fon tai ne 1) .
En note, l'avis du Ministre, le 13 octobre : « Ecrire au dé­
partement du Finistère que le Conseil exécutif est d'avis que
la conduite des administrateurs du district de Leflneven soit
déférée aux tribunaux o.
A la m ême date,l es détenus libérés le II octobre et les
d'entre eux, Frnnçois Cren, notaire à Plolluévez-Lochrist, spécialement
chargé, t'n sa qualité de procureur-syndic, d'assurer l'exéculion des lois,
eût pu être iueulpé de LOI'Iaiture. Des doclUllents, saisis aU cours de l'été
1792, établi ssaient qu'il élait en correspondance avec l'émigré Amelinc
de Cadeville et que, receveur de la torre de Maillé, il antidatait, en mars
I792, les reçus des fermiers pour ~oust\'aire au sequestre les revenus de
M. de Cadeville. .
' i ) Il s'agit probablement de Nicolas Delvincourt, archivisle de l'évê ...
ché de Léon à la fin de l'ancien régime. Delvincourt labl'Ïquait. moyen­
nant finan ces, de fausses généalogies destinées au nobiliaire de Bretagne.
Son imposture a été dévoilée par M. de Courcy. CL Bull. de la Soc.
183
fugitifs qui avaient échappé à l'exécution ' de l'ordi'e d'arres
tation, adressèrent une pétition aux administrateurs du dé­
partement:
" Sous le régime de ln liberlé, un ordre arbitraire porte une aLleiule
scandaleuse et funeste à la nôtre. Cet ordre émane du Conseil général
de la commnne et fut exécuté par la force armée le :12 septembre der­
nier, 11 confina la plupurt d'eutre nous, les hommes dans une maison
appartenant au citoyen Mazurié aîné, les femmes' dans le couvent ' des
religieuses calvairiennes, et contraignit 6 autres à prenJre la fuite ponr
échapper à cette détention. ,
« Nous sommes sûrs, citoyens administrateurs, que cet ordre qui nous
enleva à nos familles el à nos affaires, n'a pas été motivé ni sur un délit

ni SUl' un quasi-délil car il est certain que liOUS n'en avons commis
aucun. S'il y en avait eu à nous imputer, le Conseil de la commune nous
les aurait fait connaître : c'était son devoit' et c'était notre vœu. Nous
l'avions manifesté dans une pétition que nous lui avions adressée et
demandé ou qu'il nous fît juger ou qu'il nous mît en liberté, saos oble­
nir alors ni l'un ni l'autre.
« Si, le (!, octobre, il lui plut enfin de mettre un terme à notre capti­
vité, nous ne le devoos, oous en sommes convaincus, qu'à la pétition
courageuse d'un grand nombre de nos concitoyens pénétrés de l'outrage _
qne la liberté individuelle et les lois qui l'assurent avaient reçu en nos
personnes et déterminés, pOUl' le faire cesser, à le dénoncer aux autorités
supérieures, en suivanll'échelle de leur gt'adation.
« Nous sommes donc libres, citoyens administrateurs, depuis le 4 de
ce mois. Mais le souvenir d'une détention que nous n'avions pas méritée,
d'une détention ordonnée par une au torité incompétente el en violation
de loutes les formes et de toules les lois, ce souvenir doulourenx nous
poursuit sans cesse et nous consterne.
« Et comment ne nous rappellerions-nous pas avec aIllertume que Lous
les gardiens de la liberté de celte commune nous ont fait ravir la nOtre
sans cause, perpétué pendant 22 . iours et aggravé par degré c.e tle injus, te
captivité!

« Nous ne renonçons pas à poursuivre la réparatiou des acles arbi­
traires dont nous avons été les victimes. Le devoir de celte poursuite
nous est imposé par notre intérêt le plus cher, il nous est prescrit sur-

lout par celui de la liberlé oulragée et violéC\ cn nos personnes.
« D es gurcles ont été étclblis et dans ceS maisons de détention ct dans
celles des lugitils. Les détenus n'ont ét~ mis en liberté qu'après avoir
payé, les hommes 866 1., les lemmes 5721. Les fugitifs qui av:lÏentchez
eux deux sentinelles, relevées toutes les 24, heures, ont été obligés de
les nourrir à discrétion et de payer pour ceLtiJ garde inutile et gênante
61. p31' jour, et cette dépense, en comprenant le Vill, montait pour chaque
lugitif à près de 14, 1. par jour, laisant un objet de 300 1. pour chacun
cl c'est la somme qu'ils Ollt de.mandée à j'un de nous».

Suivent Id signatures (i) .
Le 6 octobre également, le directoire du district de Morlaix
rendait compte au directoire du département de l'arrestation
de Mazllrié.
" Notre ville a été sur le puint d'éprouver une insurreclion. Huit à
dix cabaleurs demandèrent mardi dernier (2 odobrc) il la municipalité

la permission de s'assembler pour denwnder le relâchement des drtenus.
On y fit des motions, les unes plus incen·liaires que les autrcs. On s'y
promit de se MIen Jre jusqu'à la dernière goutte de son sang.
« POUl' prouver à ces incendiaires combicn peu l'administration les
redoutait, nous fimes enlever le sieur Mazurié-Penanllec'h qui s'était
échappé le plus ouvertement en propos. II a été conduit au Cbâteau du
Taureau.
« :\ous vous prévenons, citoyens, que nous sommes décidés à sévir
avec vigueur contre, les coupables. persuad és que nous serons toujours
approuvl;s pal' l'adminislra'ion supérieure. Nous n'avons d'aulre désir
que celui de maintenir l'ordre et la tranquillité: nous l'aurons ou nous

ponrons ".
DEAU, président, VKLLER COUHITTE PITOT, secrétaire.
Le 8 octobre, la municipalité ayant reçu communication
des plaintes de Mazurié au Ministre , écrivit au district:
« .. Nous avons vu avec surprise qu'un homme qui a douné lant de
(1) Archives du Finislère, sie L. SCtrell' générale, suspects ct détenus.
185 _ ..
preuves d'incivisme et con tre lequel il existe il nolre uurcau une intinilé
Je déposition5 dPfavo rablps, se soit oublié jusqu'à tu plus atroce catom­ nie contre une commune qui s'esl distingul'e daus la l\ é.vlllution par son
allachement aux t>l'incipes sacrés du respect des propriéltis el de la sltrc(\i
des personnes.
(( Si nous avions quelque l'l'proche à nous laire il l'éga rd de M. Malluri el,
ce serait de l'avoir encoura gé il ~on audace pal' notre indulgence; et il
écrit au Mini stre qu'on menace ici sa vie! ».
Le bureau de la mUlllcipali,é :

llAUDlIil\, maire, DUBOIS, NICOLLE, DEVAUX, TANGUY,
JAOüEN, LAHHAUT, VIlRCllIN . procureur de la commune.
Le lendemain, 9 octobre, le district à son tour justifiait sa
conduite et celle de la municipalité de Morlaix:
cc Nous ne voyons poinl quel molil a pu conduire ce citoyen à porler
au Ministre des plaintes qui injurient les habitants de cette ville et les
autùrités constiluées. Il serait le srlll dont la sûrelé pr JUI'I'ait l'lre com­ promise! Si des meuaces qui lui fi ssent crain Ire pour sa vie lui avaienl
. été faites, la voie des tl'Ïbunaux lui était ouverte et les corps adillinistra­
tifs et municipaux n'ont cessé de donner protection et sûreté ~ tous.
c c Non content de s'ôlrc abstenu de paraître aux assemblées qui ont
pO Ul' obH l'exécution des lois. il il figuré dans une assem blée pilrlicu- '
lière où son opini on s'est mall!f estéo en sens cliltrail'e à la Révolulion
et, ayan t provoqué pal' sa conduite le peuple au désordre ct à la résis­ tance aux autorités, il a été constitué Cil élat d'arre, tiJ tion ».
UIlAU, prësidcut, VELLER, COUHlTTE, RIOU, PITOT, secrétaire,

Cependan t, le juge de paix, Maurice Jézéqucl, procédait il
l'inform uli on prescrite pal' le district rela tivemen l il l'assem-
. blée tenu e aux Jacob ins, le 2oclobre. Les dépositi ons de 22
témoins confirmèren t én général les alléga tions du di strict
et de la municipalité.
Les n ouvelles plain les et p étitions de MM. Mazurié

pere et

186 ..
ministère de l'Intérieur le II octobre. Roland, maintenant
soutenu et encouragé par la majorité de la Convention, pre­
nait une attitude plu s énergique. Sans doute fut-il vexé de
voir son au torité aussi méconn ue dan s le Finistère que naguère
à Paris. Le jour même, le Ministre courroucé adressa une
lettre impérieuse aux administrateurs du Finistère.
Paris, li octobre 1792.
« Je suis tort é . tO llué, M essieurs, de n'avoir pas reçu de réponse à la

lettre que je vous ai écriLe au sujet de M. Mazurié-Penannec'h, mis en
arrestation par le district de Morlaix. Je le suis plus d'apprendre que
ce citoyen est encore détenu au Château du Taureau sans qu'on ait
observé aucune des lormes que la loi exige quand il s'agit de priver
quelqu'un de sa liberté.
« En lisa nt le mémoire qu'un de ses fils m'a adressé et que je joins à

ma leUre, vous ne pourrez qu'être touchés de la désolation qu'épronve
cette la mille et vous vous saurez mauvais gré de n'avoir pas employé
l'autorité quI' la loi met dans vos mains pour faire cesser celle détention
ou pour faire juger ~L M azurié par dc~ voies légales s'il était coupable.
« J'exige donc de vous, M essieurg, que, salis perdre un instant, vous
m'informiez des détails de celle affaire. Placé pour faire respecter la loi,
je vous déclare que je saurai faire plier sous elle tous ceux qui tente-
raient de s'en écarter ».
Le Ministre de l'lntérieur (1).
Si quelques administrateurs du déparlement furent émus
de ce blâme, et vraisemblablement le président de [(erga­
riou, touj ours si scrupuleux, dut en êlre attrislé les admi­
nistraleurs du district de Morlai.x en éprouvèrent une vive
indignation qu'ils manifestèrent, le 1 8 octobre, dans leur
réponse au directoire du dépa rtement:
« L'impression d'un comti san, ami et pmtocteur d'un perturbateur,
[lU provoquer à un dépurtemect uue le Ure qui annonce le despotisme de
son auteur. Nous rendons trop de justice au vertueux Holand pour lui

1 87 .. -
pn attribuer la dictée et à vous, citoyens, p OUl' n' t)ll point relevel' les
expressions qui nous l'appe llent encore le souvenir ùe la tyrannie et du
despotisme du siècle passé.
« Nous en faisons passer copie il nos frères de la Convelltion nationale.
Elle nous paraît de nature il mériter la plus grande attention. Dans un
siècle de liberté, dans un Etat républicain, un Ministre n'est rien: il
doit être le premier à respecter les autorités.
COU IIlTT Il, VELL EII, RIOU.
Au ton de cette lettre, on peut iuger que les Jacobins de
Morlaix D'étaient pas disposés à déférer aux: injonctions du
Mini stre. Celui-ci réitéra ses ordres , le 25 octobre, en y joi­
g nant, cette fois, une menace :
Le Ministre de l'Intérieur
Aux administrateurs du Finistère,

« Si par vous- mêmes ou pal' des co mmissaires pris dans votre sein

vous n'avez pas fait veritier les faits (de la pétition ci-dess us) et rappelé
â leurs devoirs les administrateurs qui s'en seraient écartés, je ne pour­
rai me dispenser moi· mêmo d'user des moyens que la loi met en mon
pouvoir pO Ul' vous rappeler les vôtres» .

Le conflit en élait là quand arriva l'époque du renouvel­
lement intégral des administrations des départements et des
districts. Dès le 13 novembre, l'assemblée électorale du Finis ­ tère, réunie à Lesnevcn, p rocédait à l'élection d e::; membres
du nonvea u directoire départemental; celle des membres du
Conseil général allait sui vre, les 15 et 16.
Au même moment, les membres du Conseil général donlle
m andat expirait et q ui pour la plupart n'en bri g uaient pas le
renouvellement, se · trouvàient réunis à Quimper. G uew o,
Blad, Gomaire et Marec avaient été élu s à la Convention. Le
"- 188
Lesneven, Ceux des anciens administrateurs qui restaient" à
Quimper, estimèrent flu'il convenait, avant l'installaLion de
leurs succcsseurs, de liquider quelques affaires dont ils avaient
cu à cOllnaître et dont la solution leur paraissait urgente, La
(luestion des détenu s retint particulièrement leur attention,
Le 13 novembre, ils prirent à cet égard un arrêté qui porte
le caracLère d'nn testament politique:
« Sur le rapport du Comilé ,' de surveillunce C OllCel'llant les diverses
personnes détenues dans l'étendue du dtlpartem~nt depuis le 10 août;
« Le Conseil général du département,
« Considérant que les motifs qui ont détel'lniné ces diverses al'l'esta­
tions ne sont pour la plupart revêtus d'aucune preuve légale et que les
perso nnes détenues pour simple alltlgation d'iucivisme doivent mainte­
nant avoir ex pié leurs erreurs;
« Considérant tlnfin que ceux dûs détenus dont la conduite coupable
appelle la sévérilé des ll'ibunaux doi"enL y être promptement traduits
suiva'nt les formes indiquées pal' les lois;
« Arrête: Les administrateurs dos districts [erout, aussitôt réception
du prése nt , mettre en liberté tous les déLenus pour raison d'incivisme et
d'opinion, autres que ceux dont la conduile est susceptible d'être dénon­
cée aux tribunaux et aux Ministres,
KERGARlOU, président , il YMEZ, secrétaire»,
La mesure bienveillanLe semblait devoir s'appliquer à Ma­
:mrié; sa ns doule même son cas fut"il spéciale rr!ent visé, Et
Morlaix ne dut pas s'obsLiner dans un parli pris intempestif.
Baudier, élu membre du direcloire de département, fonctions
qu'il refusa pour convenances personnelles, puis membre du
Conseil général, fonctions r[u'il accepta provisoirement, allait
quiller la mairie; Bean, CouhilLe, Le Lamer et Haoul aLlen­
daient des successeurs au disLrict. Ainsi, sans lrop mauvais
g ré, on se rangea à l'avis du déparLement et Mazurié fut mis

1 89

Un an plus lard, le 7 novembre 1793, Mazllrié ful de nou­
veau arrêté pal' ordre du Comité de surveillance de Morlaix.
n était accllsé d'être agent et receveur du duc de Coigny, de
n'avoir pas acceplé la Constitution et d'avoir protesté contre
divers décrets des Assemblées nalionales . On lui faisait aussi
grief d'avoir cherché, dans une · assemblée publique. à avilir
les autorités constituées, ce qui lui avait d éjà valu une précé­
dente al'l'estation. Mazlll'ié fut détenu pendant 3 mois à Saint­
Pol-de-Léon, puis le 3 févri er 179'1. il fut transféré ü Brest OLt
on allait établir un tribunal révolutionnaire. Mazl1l'i é n e
comparut pas devant le terrible tribunal et il ful enfin libéré
après le 9 thermido r.
J IlAN SA VINA .

196 -

DEUXIEME PARTIE
Table des Mémoires publiés en 1932
I. Une généalO'gie de la MaisO'n de KergrO'adez dressée
sur , titres en l'an 'l,629. par R . .co-UFFO'N [avec une
PAGES
planche hOl's-tex.te]. . . . . . . . . . . .. 3

II. Le centenaire de ., Marie". La Marie de Brizeux et
sa famille, pal' EdmO'nd L'HO'mmedé , . . " 27
III. Uhe vieille abbaye bretO'nne. Notre-Dame du Relec
en Plounéour-Ménez, par le chanoine H. PÉREN­
NÈS [avec dellx planches hO'rs-texte] .. '. .
IV. Mazurié de Penannec'h, ex-:Constituant, défenseur
, des suspects à MO'daix en septembre-O'ctobre
1792, par Jean SAVINA [avec une planche hO'rs-

texte]. , . , , ........ , , . . ,. 155