Responsive image
 

Bulletin SAF 1932


Télécharger le bulletin 1932

Une vieille abbaye bretonne. Notre-Dame du Relecq en Plounéour-Ménez

Chanoine H. Perennès
Avertissement : ce texte provient d'une reconnaissance optique de caractères

Société Archéologique du Finistère - SAF 1932 tome 59 - Pages 38 à 154

Ire PARTIE LES ABBÉS, LES MOINES, LA VIE SPIRITUELLE

Les origines

LE MONASTÈRE DE GERBER

A 13 km. 500 au sud-ouest de Morlaix, sur le territoire de Plounéour- Ménez, à une lieue dans l'est de cette bourgade, en bordure d'un vallon verdoyant qui forme comme une oasis au pied des âpres solitudes de la montagne d'Arrée, se trouvent les ruines de l'abbaye cistercienne de Notre-Dame du Relec, groupe d'anciens et vastes logis monastiques, dont les murs grisâtres encadrent un sanctuaire au clocher d'ardoises moussues, émergeant d'un massif de feuillage.

On attribue l'établissement primitif de cette abbaye à saint Pol-Aurélien, l'apôtre du Léon. Une tradition certainement mêlée de légendes en place la fondation vers l'an 560, à l'endroit qui venait d'être cinq ans plus tôt le théâtre d'une sanglante bataille entre le jeune Judual, prince de Domnonée, et l'usurpateur Conomor ou Comorre, comte de Poher.

Celui-ci ayant épousé la veuve de Jona, roi de Domnonée, père de Judual, tenta de faire périr le jeune prince, afin de régner à sa place. Echappé à son persécuteur, Judual se réfugia à Paris, près du roi Childebert. A l'instigation de saint Samson, évêque de Dol, ce dernier lui mit en mains les moyens voulus pour rentrer en vainqueur dans le royaume de ses pères. Battu à deux reprises, Conomor recula jusqu'aux confins du Poher, et, pour une lutte suprême, il s'adossa à la montagne d'Arrée. C'est à l'endroit que les gens du pays dénomment Brank-Alek (branche de saule) qu'eut lieu la bataille décisive.

D'après Albert Le Grand (1), l'action , acharnée et meurtrière, fut indécise pendant deux jours. Enfin, le troisième jour, grâce aux prières de saint Samson, qui, nouveau Moïse, se tenait sur la montagne voisine en continuelles oraisons, la cavalerie bretonne enfonça un corps de pirates danois. normands et frisons, alliés de Conomor. Celui-ci essaya bien de faire front, mais il tomba bientôt, percé d'une flèche « étouffé parmy la presse des chevaux et soldats» (2). Et ce fut alors le massacre de ses bataillons en déroute et le triomphe de Judual, qui remonta sur le trône paternel (3).

A cette scène tragique, une vieille gwerz conservée dans le pays (4) ajoute, au mépris de toute vraisemblance historique, quelques dramaliques détails. C'est Clotaire, roi des Francs, qui aurait conduit en personne les troupes de Judual. Tous deux auraient eu à lutter contre Conomor et son beau-frère Chram, fils de Clotaire. Mis en déroute, Chram s'enfuit jusqu'à Plounéour-Ménez. La lutte y reprend. C'est alors que la Sainte Vierge apparaît à Judual, qui lui promet, s'il est victorieux, de lui bâtir une église sur le territoire de Plounéour. Conomor

(i) Les Vies des Saints de la Bretagne Armorique, édition de Kerdanet, 1837, p. 419. On sait que les assertions d'Albert Le Grand sont à prendre cum grano salis.
(2) «C'est une des cinq ou six morts différentes dont il a plu aux légendaires de frapper ce malheureux prince. » (note de Kerdanet).
(3) On voyait encore vers 1820, note Pol de Courcy, (De Nantes à Brest, p. 280) au village de Mengleuz une grande dalle de schiste ardoisée, que l'on nommait Men-Bez-Comor. Un paysan l'a depuis, enfouie sous un talus.
(4) Gwerz Itroun-Varia ar Relek, éditée chez Lanoé, à Morlaix.

est tué. Chram, avec sa femme et ses enfants, va se réfugier à Kervorgan. Clotaire les y surprend et les livre au feu. Avant de partir, le roi de France dresse sur le lieu du supplice le menhir de Kervorgan.

Quelques années plus tard, saint Pol-Aurélien envoya sur le théâtre du champ de bataille, pour y fonder un monastère, saint Tanguy, l'un de ses moines de l'île de Batz, accompagné de douze religieux des monastères de Batz et d'Ouessant. Quand ils arrivèrent dans le funèbre vallon de Brank-Alek, un spectacle affreux s'offrit à leurs regards. Le sol était jonché d'ossements humains, et, à cette vue, l'auteur de la gwerz s'attendrit: « Ce fut une pitié, chante-t-il, de voir au Relec, étendus sur le sol, le grand nombre de cadavres, dont une partie des membres avait disparu. Les morts sont ramassés; dans une même tombe ils ont été mis; suivant les écrits des chrétiens, ils sont sous les pieds de la Vierge.». En cet endroit, saint Tanguy et ses moines bâtirent un monastère qui fut consacré à Notre-Dame-des-Reliques; d'où le nom breton de Itroun Varia or Relegou, et le vocable latin Abbatia de Reliquiis Cette première abbaye du Relec reçut aussi le nom de Gerber (mot bref), parce qu'un silence presque absolu y était de règle (1).

Saint Tanguy, au dire d'Albert Le Grand, fut un prélat doux et charitable envers son prochain, mais envers lui-même rude et austère, sobre, patient, humble, tellement assidu à l'oraison qu'il semblait à ceux qui le fréquentaient être toujours ravi et absorbé en Dieu. Attirés par son exemple, plusieurs gentilshommes vinrent se joindre à lui. Saint Tanguy fonda également l'abbaye de Saint-Mathieu. Il mourut à Gerber et son corps, transporté à Saint-Mathieu, fut inhumé dans le cimetière de cette abbaye.

A l'instar des monastères celtiques, celui de Gerber

(1) Albert Le Grand, Les Vie des Saints, p. 769, note 1.

comprenait un certain nombre de cabanes ou cellules construites en bois ou en pierres. Il renfermait en plus un oratoire de structure et de dimensions très modestes, une cuisine, un réfectoire, une hôtellerie et un atelier. Centre de sanctification et d'apostolaL religieux, le monastère fut aussi un centre de culture. Les moines évangélisaient les païens et leur enseignaient par leur propre exemple à défrîcher le sol (1). Après 818 seulement, sur l'ordre de l'empereur Louis Le Débonnaire, ils durent renoncer à leurs cellules et adopter la règle de saint Benoît.

Peu à peu, autour du sanctuaire de Notre-Dame, se forma le village du Relec, en même temps que se développait le monastère. Mais, vers le début du Xe siècle, les Normands envahirent touLe la Bretagne. L'année 914 vit la ruine du monastère de Landévennec. Le fléau ne tarda pas à s'étendre à la région de Saint-Pol de Léon, et le monastère de Gerber disparut dans la tourmente.

L'ABBAYE CISTERCIENNE DU XIIe SIÈCLE

Après deux siècles de silence la vie reprit au Relec. Une abbaye cistercienne s'y établit au mois de juillet 1132. On sait que les Cisterciens doivent leur nom à l'abbaye de Citeaux (diocèse de Châlons-sur-Saône), berceau de leur Ordre. Ce monastère fut fondé en 1098 par saint Robert, abbé de Molesme, au diocèse de Langres, qui voulut y observer avec ses religieux la règle de saint Benoît au pied de la lettre. L'entrée de saint Bernard au monastère (1112) fut le point de départ d'un essor extraordinaire, d'où le nom de Bernardins qu'on donnait parfois aux Cisterciens dans les derniers siècles de l'ancien régime.

Conformément aux statuts de l'ordre, le religieux doit s'adonner à la contemplation et à la pratique de la pénitence.

(1)La Borderie, Histoire de Bretagne, t. I, p. 298, 363, 365, 507, 511.

Tout converge vers l'office divin. Le jeûne doit être rigoureux; l'abstinence de viande continuelle; le silence ne peut être rompu sans nécessité. Pendant que, dans l'église, les religieux de choeur chantent la louange divine. des frères convers s'occupent des ouvrages extérieurs et du travail agricole. A la différence des disciples de saint Benoît, qui avaient, pendant des siècles, établi leurs monastères sur des collines agréables, d'où la vue embrasse de beaux horizons, les enfants de Cîteaux, choisissaient, loin des villes, pour y fonder leurs maisons, les vallées profondes et humides. Elles étaient propices au recueillement, et, par surcroît, l'agriculture devait profiter de la présence des moines. « Tu trouveras plus de choses dans les forêts que dans les livres, écrivait saint Bernard; les troncs d'arbres et les pierres te donneront des leçons que ne sauraient te donner tes maîtres (1).

Les moines de Cluny portaient un habit noir; celui des Cisterciens fut de couleur plutôt blanche ou grisâtre (2). Le 28 juin 1121, des moines de Cîteaux fondaient au diocèse de Chartres une abbaye du nom de l'Aumône. Quelques années plus tard (10 septembre 1130), ce monastère donnait naissance à celui de Bégar, situé sur le territoire de l'ancienne

(1) Lettres dans Patrol. lat. de Migne) t. CLXXXII) col. 242.
(2) A ce changement de couleur des robes et des coules monastiques se rattache une gracieuse légende: « C'était en l'an 1101, au cinquième jour du mois d'août. Avec une grande dévotion, les moines chantaient les Vigiles. Tout à coup, l'église parut s'entrouvrir sur leurs têtes. La sainte mère de Dieu descendait du ciel, portée sur un nuage de parfums, entourée d'une légion d'anges, et tenant en ses mains une belle coule blanche. Elle vint droit au bienheureux abbé, qui, ravi en extase, se laissa mettre cette précieuse coule par son auguste protectrice. Les religieux, jaloux, contemplaient celle merveille. Par un nouveau miracle, la douce Vierge fit qu'en un instant toutes les coules devinrent blanches, de noires qu'elles étaient». On sent à la base de cette légende une tendre dévotion de ceux qui l'ont imaginée, à l'égard de la Sainte Vierge. Et, de fait, l'ordre de Cîteaux, dès ses débuts, a professé un culte tout filial à l'endroit de la mère de Dieu. Consacrés à Marie, tous les monastères cisterciens portent le nom de Notre-Dame.

paroisse de Trézelan, au diocèse de Tréguier. La nouvelle fondation emprunta son nom à un ermite fameux dans le pays, qui s'appelait Raoul Bégar. En l'espace de dix ans, de 1132 à 1142, Bégar devint la mère de cinq abbayes bretonnes: Le Relec, Boquen en la paroisse de Plénée-Jugon, au diocèse de Saint-Brieuc (1137), Saint-Aubin-des-Bois, en la paroisse de Plédéliac, dans le même diocèse (1138), Lanvaux, en la paroisse de Grand-Champ, dans le diocèse de Vannes (1138), et Coëtmalaouen, dans la paroisse de Saint-Gilles-Pligeaux, au diocèse de Quimper (1142) (1).

L'abbaye du Relec passait au XVe siècle pour être de création ducale, comme il ressort des déclarations du duc Jean V (2) et d'Anne de Bretagne (3). Il est probable que le duc Conan III la fonda ou en encouragea la fondation à l'instigation de sa mère, la duchesse Ermengarde. qui, en commerce épistolaire avec saint Bernard, avait pris le voile en 1130 au prieuré de Larré, près Dijon (4).

L'inauguration de la nouvelle abbaye eut lieu le 3 des calendes d'août, c'est-à-dire le 30 juillet 1132. Quelques auteurs ont pensé que saint Bernard fut présent à la fête. C'est une erreur. L'abbé de Clairvaux ne fonda qu'un monastère en Bretagne, celui de Buzaï dans la région nantaise (1135) (5).

Le Relec est une appartenance de la montagne d'Arrée. Or l'Arrée, que l'idiome armoricain appelle kein Breiz, « le dos de la Bretagne », n'est autre chose qu'une chaîne de grandes collines qui, sur une cinquantaine de kilomètres, de la région

(1) Essaim de l'Aumône, comme Bégar, l'abbaye de Langonnet, fondée le 20 juin 1136, donna naissance en novembre 1177 au monastère de Saint-Maurice. Les deux établissements appartenaient au diocèse de Quimper.
(2) Blanchard, Lettres et mandements de Jean V. t. I, n° 268.
(3) Archives du Finistère, 4 H 3.
(4) Dom Moriee, Preuves . .. , t. I, 573.
(5) Vacandard, Saint Bernard. 1897, I, p. 406. La date du 3 des calendes d'août est donnée par Janauschek (Atlas)

de Loguivy-Plougras à Quimerc'h, sépare Tréguier, Léon et Cornouaille. Elle s'oriente du nord-est au sud-ouest, et offre, par intermittences, des dentelures schisteuses, aux arêtes vives, nettement découpées, que la langue bretonne caractérise sous e nom de Roc'h. C'est ainsi que Roc'h-an-Diri (1 ) et Roc'h-sant-Barnabé séparent Le Cloître et Le Relec de Scrignac et de Berrien, et que Roc'h-Trévézel se dresse entre Commana et Botmeur. A partir de Roc'h-Trévézel, l'échine montagneuse, faite désormais de grès armoricains, s'infléchit par l'un de ses rameaux vers le Torgen Saint-Michel (2) mettant une séparation entre les hauteurs de Saint-Rivoal et les marais de Botmeur. L'autre rameau laisse sur sa droite de hauts plateaux, couverts de lande et de bois taillis, qui se prolongent jusqu'à Sizun (3).

Au bas des pentes raides de l'Arrée se trouvent de profonds ravins, souvent en forme de cirque, d'aspect farouche et désolé. D'autres pentes descendent en douceur vers des régions tourbeuses, marais ou grands marécages, réputés très dangereux: quand un avare était mort, on disait naguère en proverbe: (Le diable l'a jeté dans les fondrières de Yun-Elé, au bas du mont Saint-Michel ».

Le climat de l'Arrée est rude. Les vents du nord et du sud-ouest y soufflent terriblement, les gelées y sont fortes. Dans l'hiver 1788-1789, note Cambry (4), la neige s'élevait à plus de dix pieds dans les vallons; on fut sept semaines sans pou- voir mettre les animaux dans les champs.

Le même auteur, écrivant à la fin du XVIIIe siècJe, nous

(1) « La Roche des Terres-Froides». Diri est le pluriel de tir ou tirien, terre sèche et froide).
(2) C'est ici le Mont Saint-Michel qui, avec ses 391 mètres d'altitude, est le point culminant des Monts d'Arrée et de toute la Bretagne.
(3) Camille Vallaux, Toponymie de la Montagne d'Arrée, dans le Bulletin de la Société archéologique du Finistère, 1905, p. 114. ,
(4) Voyage dans le Finistère, éd. de 1835, p. 229 et suiv.

décrit le costume des habitants: « Ils sont vêtus de toile ou de berlinge, espèce d'étoffe faite avec du fil de chanvre et de la laine; ils en font des gilets, des habits, des culottes, des bas, et portent tous le même vêtement, de la même couleur, d'un brun-jaunâtre. Les femmes se servent de la même étoffe; elles n'ont de remarquable dans leur habillement. qu'une espèce de queue plissée, d'un empan de longueur, qui tombe aussi bas que leurs jupes »

Les maisons de ces montagnards, toujours groupées en villages, étaient faites de dalles bleues grossières, A défaut de sentiers praticables, le colon passait tout simplement à travers la lande.

Leur nourriture, très frugale comportait: des crêpes, de la bouillie, du pain de seigle, du laitage, et du lard dans les jours de fête (1).

Comme tempérament ils étaient fiers et indépendants (2), mais bons, généreux et hospitaliers (3).

Le pays se prête bien à l'élevage du bétail, spécialement des moutons. Il est très giboyeux. Cambry parle d'un de ses guides qu'il vit prendre à la main deux lapins en dix minutes. On se plaît d'ailleurs à dire familièrement aux petits enfants qu'ils ont été trouvés dans l'oreille d'un lièvre de la montagne d'Arrée: Te a zo bet kavet e skouarn ar c'had e Menez-Are.

Voilà donc la région que les moines du Relec sont appelés à coloniser par des paysans qu'ils prendront sous leur protection. Les pionniers de l'Arrée seront à la fois abatteurs de bois et fondateurs de villages. Ils commenceront par déboiser les pentes moyennes de la montagne, puis il y installeront leurs demeures; sur les haùteurs dénudées, ils se contenteront d'écobuer, c'est-à-dire de brûler les genêts et l'ajonc

(1) Ibidem.
(2) Vallaux, La nature et l'homme en Montagne d'Arrée, dans le Bull. de la Société archéologique du Finistère, p. 130-131. .
(3) Cambry, op. cit

et de semer du seigle dans la cendre (1). Comme moyens de communication, ils auront à leur disposition la voie romaine qui va de Carhaix à Brest, passe par Berrien, puis à trois kilo- . mètres du Relec, et prend en écharpe la montagne d'Arrée.

II L'abbaye du XIIe au XVe siècle (2)

Le premier abbé du Relec que nous connaissions portait le nom de David, et vivait à l'époque de Bernard de Moélan, évêque de Quimper (1159- 1167). Il souscrivit à une donation, par laquelle le duc de Bretagne, Conan IV, mort en 1171 (3), confirmait à l'abbaye de Sainte-Croix de Guingamp les possessions qu'elle tenait de la libéralité de la duchesse Marguerite. Au XIIIe siècle, l'abbé Yves est témoin, en novembre 1265, de l'acte de donation par lequel Hervé, vicomte de Léon, cède au duc Jean Le Roux le droit de percevoir les taxes du port de Saint-Mahé (Saint-Mathieu-fin-de-terre). Une transaction passée avec le même Hervé montre qu'Yves vivait encore en 1279 (4).

Alain, en l'an 1300, conclut un accord avec Hervé du Penhoët, chevalier, relativement à la juridiction que ce dernier revendiquait sur les terres appartenant aux moines du Relec (5).

(1) Les bois disparus laisseront dans la toponymie des traces de leur existence. Cf. Vallaux, Bulletin de la Société archéologique du Finistère, 1905, p.119.
(2) Gallia Christiana, tome XIV, col. 991.. Tresvaux, L'Eglise de Bretagne depuis ses commencements jusqu'à nos jours, Paris, 1839, p. 548.
(3) Dom Morice. Preuves ... , tome I, col. 661
(4) Ibid., col. 994, 1048. ,
(5) Ibid ., col. 894, 1048 ; Archives du Finistère, 4 H 11.

L'abbé Jean souscrit à une transaction passée en 1309 entre Geoffroi Tournemine, chevalier, seigneur de La Hunaudaie, et Yves, abbé. de Saint-Aubin-des-Bois (1).

Faut-il ici inscrire le nom de Guillaume Poulart. fils de Pierre Poulart, trésorier de Jeanne de Penthièvre et de Constance Kenaoul? Il fut chanoine de Saint-Brieuc, puis en 1357 évêque de Rennes. Transféré à Saint-Malo le 13 janvier 1359, il mourut avant 1376 (2). Qu'il ait compté notre abbaye parmi ses bénéfices, cela paraîtra vraisemblable à quiconque examinera la grande pierre de granit fin qui gît sur le sol, appuyée à l'extrémité droite du pignon ouest de l'église du Relec. Cette pierre est chargée d'un écusson rectangulaire qui offre un écartelé aux 1 et 4 d'une rose, aux 2 et 3 plein; il est timbré d'une crosse et d'une mitre, et soutenu de deux lions galbés de façon archaïque, dont les têtes sont brisées. Le type de ces supports indique que les armoiries en question remontent pour le moins à la fin du XVe siècle, mais aucun des abbés connus par ailleurs, qui ont régi au moyen-âge l'abbaye du Relec. ne portait ce blason. Une seule famille en Bretagne timbrait son écu d'un écartelé disposé de cette façon; c'était la famille Poulart, ancienne lignée chevaleresque du pays de Goëlo, qui a précisément produit au milieu du XIVe siècle, époque de sa splendeur, l'évêque distingué que fut Guillaume Poulart. Si ce prélat ne régit pas l'abbaye du Relec. cet honneur revint assurément à un membre de sa famille (3).

Les Actes du Saint-Siège des XIII.-XVe siècles, concernant les évêchés de Quimper et de Léon, publiés par M. le chanoine Peyron (4). nous révèlent l'existence d'un Thomas, abbé du

(1) Tresvaux, op. cit., p. 548 .
(2) Eubel, Hierarchia catholica
(3) Notes de M. Le Guennec.
(4) Quimper, Kerangal, 1915, n° 420, p. 81

Relec, à qui le pape Grégoire XI accorda, le 28 juin 1373, la faculté de se choisir un confesseur à l'article de la mort.

Comme les autres monastères de France et de Bretagne, le Relec eut beaucoup à souffrir de la guerre de Cent ans et des épidémies qu'elle entraîna à sa suite. « Désormais, écrit le Père Denifle, et jusqu'à la fin de la guerre de Cent ans, les mots de mortalité, peste, disette et guerre s'accumulent lugubrement dans les plaintes incessantes sur les malheurs de la France. La diminution des revenus provient autant de la peste que de la guerre. La guerre elle-même était un grand ferment pour le fléau. Les cadavres restés sans sépulture infectaient l'air et l'atmosphère » (1). En 1375, Saint-Pol-deLéon fut pris par le duc de Lancastre, el ses troupes se portèrent au monastère du Relec, qu'elles détruisirent partiellement et mirent au pillage (2). En ces tristes conjonctures, les religieux demandèrent à Rome une concession d'indulgences, en vue de reconstruire leurs maisons. Grégoire XI, le 22 avril 1376, accorde ces indulgences à ceux qui contribueront aux réparations du monastère, ruiné par les maladies contagieuses et les routiers qui ont longtemps infesté tout le territoire (3).

D'ailleurs, les autres abbayes cisterciennes bretonnes étaient plongées dans la même détresse et, en 1387, le chapitre général de l'ordre ne pouvait qu'en déplorer la dévastation (4).

Guillaume, lecteur en théologie, et abbé du Relec, reçut en 1389, du chapitre général de Cîteaux, le mandat de réformer

(1) La désolation des églises. monastères et hôpitaux en France pendant la guerre de Cent ans, 1902, tome II, première moitié, p 57 et ss.
(2) Cette même année 1375 vit la dévastation de l'abbaye de Saint-Mathieu-fin-de-terre (Gallia Christ, t. XIV, 987, et de l'église des "Dominicains de Quimperlé (Denifle, op. cit., t. II, deuxième moitié, p. 745).
(3) Peyron, Actes du Saint-Siège, nO 448.
(4) Denifle, op. cit.

certains abus qui s'étaient introduits clans Pabbaye de Prières, diocèse de Vannes. Ce fut lui, sans doute, qui siégea aux Etats tenus à Rennes en 1398 (1).

Olivier, abbé du Relec. mourut le 1er juillpt 1437, Le 9 janvier 1451. un Guillaume Auffret, religieux du Relec, noble et longtemps étudiant à Angers. était autorisé par le pape à passer à un monastère bénédictin (2). L'abbaye était alors gouvernée par Henri de Kerhoent. Celui-ci, qui appartenait à une riche famille léonaise, perdit l'esprit en 1458 (3). A la suite d'une enquête. menée sur l'ordre du pape Calixte III, par Vincent de Kerléau, abbé de Bégar, il se trouva déchu de ses fonctions, et son successeur, Parcevaux Le Goalès, ancien moine de Bégar, dut s'engager à lui verser une pension annuelle de 200 livres de monnaie courante de Bretagne. Dans un de ses moments de lucidité, Kerhoent adressa une réclamation au Saint-Siège, et le pape Pie II consentit à un compromis. Le Goalès demeurerait abbé, et Krhoent bénéficierait, jusqu'à la valeur de la pension, de l'usufruit du manoir de Languen en Saint-Vougay, l'un des petits établissements monastiques de l'abbaye.

Grâce à l'indiscrétion de quelques-uns de ses parents, qui s'adjugeaient le plus clair de son revenu, le manoir assigné à l'abbé déchu en vint bientôt à se détériorer, faute de réparations. Saisi de l'affaire, Pie II, le 25 janvier 1462, fit nommer à Kerhoent un curateur, chargé d'administrer son domaine sous le contrôle de Vincent de Kerléau. Peu après, Parcevaux Le Goalès mourut, et le pape, sur le conseil des religieux, nomma a sa place Guillaume Le Goalès, le 25 septembre 1462.

(1) Dom Morice, Preuves ... , t. II, col. 686.
(2) Peyron, Actes du Saint-Siège, n° 763.
(3) H. Waquet, Une crise à l'abbaye du Relec (1448-1462) dans le Bulletin de la Société archéologique du Finistère, 1917, p 174-188. Les Archives du Finistère (4 H 2 mentionnent un Henri comme abbé du Relec, le 9 octobre 1452. Il s'agit sans doute de Henri Kerhoent.

Le nouvel élu était un homme de valeur. Dans l'arrêt de maintenue de la famille Le Goalès de Mézaubran, rendu en 1668, il est fait état d'une déclaration des religieux du Relec attestant qu'ils ont eu an abbé de ce nom, lequel portait de gueules à un croissant d'argent accompagné de six crozilles, 3 en chef, 3 en pointe, et que son nom est demeuré en grande vénération dans l'abbaye « Pour les marques autantiques qu'il y a laissé de ses biens-faits, ce qui se sçait par ancienne tradition, les titres anciens et anciennes croniques ayant été brulés et incendiés il y a deux cents ans ». On voyait dans le choeur et sur les cinq vitres du midi de l'église les armes de cet abbé, partout timbrées de la crosse abbatiale. Sa tombe se trouvait dans la salle capitulaire, à côté de celle d'un abbé de la maison de Rohan. Enfin, le plafond d'une chambre du manoir abbatial, appelée « la chambre dorée », où·sont les armes des anciens abbés « en bosse et sculpture avec les champs des armes », portait le même blason. On ne trouve aujourd'hui au Relec aucune trace des armoiries de Guillaume Le Goalès, mais à quelques kilomètres de là, sur les murs de l'église du Cloître, ancien prieuré de l'abbaye du Relec, devenu plus tard une trêve de la paroisse de Plourin-Morlaix, et actuellement commune du canton de Saint-Thégonnec, il y a deux écus gothiques avec crosse et mitre, qui portent l'un et l'autre un croissant accompagné de six coquilles. C'est le blason des Le Goalès; leur présence au Cloître indique que l'église, reconstruite au XVIIIe siècle avait été édifiée, après 1462 par Guillaume Le Goalès. Les mêmes armes se trouvent au-dessus d'une porte latérale et dans la vitre du chevet de la chapelle de Saint-Corentin de Trénivel en Scrignac, qui dépendait de . l'abbaye du Relec (1). C'est donc à bon droit qu'en avisant le nouvel abbé de sa nomination, le pape Pie II exprimait l'espoir que sous sa direction, grâce à sa prudence et à son zèle

(1) Note de M. Le Guennec

le monastère recouvrerait sa prospérité et ferait d'heureux progrès au double point de vue spirituel et temporel. (1).

Le 1er mai 1463, le Souverain Pontife chargea Guillaume Le Goalès et deux chanoines de Tours, d'une mission de confiance relative à Guillaume Ferron, évêque de Léon. Se trouvant en conflit avec un de ses archidiacres et divers seigneurs au sujet de ses droits en matière de juridiction et de pêche, ce prélat, dans la nuit du I7 octobre 1462 et les nuits suivantes, avait vu son palais épiscopal attaqué par une bande d'énergumènes qui se livrèrent aux plus grands excès. Il put heureusement échapper et mettre sa vie en sécurité. Quelques mois plus tard, le pape Pie II mandait à l'abbé du Relec de frapper les malfaiteurs d'excommunication réservée au Saint-Siège et, en cas d'obstination, de jeter l'interdit sur les localités qui leur appartenaient, et de les priver de tout bénéfice, office, dignité et honneur ecclésiastiques, eux et leurs successeurs jusqu'à la deuxième génération (2).

Le 8 octobre 1472, notre abbaye est régie par un personnage dont nous ne connaissons que le nom: Alain Geffroy (3). Il devait appartenir à une famille noble de Saint-Martin de Morlaix, qui possédait dans cette paroisse le manoir de Tréoudal. et qui portait: d'argent à la jasce d'azur, accompagnée de 2 étoiles de gueules en chef, une merlette d'azur entre elles, et en pointe d'une autre étoile de même Les Geffroy de Tréoudal ont produit une abbesse de la Joie, près Hennebont, en 1595 (4).

Le 1er janvier 1473, l'abbé du Relec, les archidiacres de Plougastel, en Tréguier, et du Désert au diocèse de Rennes, furent chargés par Sixte IV de transmettre à Vincent de

(1) H.Waquet. op. cit.
(2) Peyron, Guillaume Ferron, évêque de Léon (1439-1472), dans le Bull de la Soc. archéol. du Finistère, 1908, p. 69.
(3) Archives du Finistère, 4, H 2 .
(4) Note de M. Le Guennec.

Kerléau. évêque élu de Léon, l'induit lui permettant de députer quelqu'un pour la visite de son diocèse (1).

Un peu plus tard, c'est Conan de Kerenborgne qui a le gouvernement du monastère: 1479, 1481, 1482 (2). Il portait de gueules à un heaume de profil d'or accompagné de 3 coquilles d'argent. Guillaume Lespervier qui portait de sable à 3 jumelles d'or, était déjà abbé de Bégar. quand il reçut en 1487, l'abbaye du Relec. Le chapitre général de Cîteaux nomma Lespervier en 1511 commissaire pour réformer les abbayes cisterciennes de Bretagne. Il mourut le 9 novembre 1515 et fut inhumé dans l'églisé du Relec (3) Ses armoiries le rattachent à une famille cornouaillaise de Lespervez, originaire de la paroisse de Ploaré, et qui a produit à la même époque d'autres dignitaires religieux considérables: Henri, abbé de Quimperlé, mort en 1434; Alain, évêque de Dol et de Quimper, puis archevêque de Césarée, mort en 1455, et un autre Alain. neveu du précédent, aussi évêque de Quimper, mort en 1472 .

III L'abbaye au XVIe siècle

Pierre de Kerléau était abbé du Relec en 1511, suivant un acte du château de Blain (4). Nous l'y retrouvons à la date du 25 février 1512 (1513) (5).

Il appartenait sans doute à la même famille que Philippe de Kerléau, grand prieur de Frapce, de l'Ordre de Malte, qui

(1) Peyron, Actes du Saint-Siège, nO 924. (2) Archives du Finistère, 4. H 22.
(3) Gallia Christiana, t. XIV. col. 1141; Tresvaux, L'Eglise de Bretagne p. 545, 546, 562. Marlène, Anecd. t. IV, p. 1519.
(4) Tresvaux, Histoire de Bretagne, p. 548.
(5) Archives du Finistère, 4 H 22.

écrivit le 14 mars 1543 à Hervé du Coëtlosquet, son cousin, au sujet de la réception du fils de ce dernier chez les moines du Relec; à la même famille aussi que Vincent de Kerléau, abbé de Bégar (1443-1476), et évêque du Léon (1). Pierre fut élu à l'abbaye de Bégar en 1515 et mourut en 1526 (2. Ses armoiries: d'azur au cerf passant d'or, sont sculptées sur le fût du calvaire qui avoisine la chapelle de Saint-Corentin de Trénivel, en Scrignac, ancienne dépendance de l'abbaye. Les armes des Poulart, décrites plus haut, figurent égalemtent sur ce fût.

En 1526, la crosse abbatiale fut confiée à Loys d'Acigné, fils de Guillaume, seigneur de la Roche-Jagu, et de Françoise Péan (3).

Protonotaire apostolique et maître des requêtes à la chancellerie et au conseil de Bretagne, il devint plus tard doyen de Notre-Dame de Lamballe, prieur de Combour et de Léhon, et en 1532, évêque de Nantes. Rarement il visita son diocèse, plus rarement encore son abbaye du Relec. Il mourut le 13 février 1541, à son château de Fontenay, non loin de Rennes, et fut inhumé en cette dernière cité, dans l'église de Bonne-Nouvelle. Il avait comme armes d'hermines à la fasce alésée de gueules chargées de 3 fleurs de lys d'or.

A la nouvelle de sa mort, les religieux du Relec se hâtèrent de choisir comme abbé, l'un des leurs, Guillaume Le Roux, qui appartenait à une famille marquante de Lannéanou, dans la région de Morlaix. Sans se soucier des moines, le roi François 1er présenta au pape la candidature de Jacques Torsolis, aumônier de sa bru, Catherine de Médicis, Celui-ci fut nommé abbé du Relec le 17 mars 1541 (4).

(1) Tresvaux, op. cit., I, LXI.
(2) Ibid., p. 546.
(3) Revue historique de l'Ouest, 1.92, p. 166 ss.
(4) Reg. Vatican., n° 1570, folio 35.

Cet Italien. résidant à Paris « fut, sinon le premier abbé commendataire, du moins le premier étranger auquel la faveur royale procura la dignité d'abbé sans l'assentiment, au moins apparent, des moines, qu'il était appelé à diriger. Ce n'est pas à dire qu'avant cette époque le vieux monastère cistercien ait toujours été gouverné pardes abbés régulièrement et librement élus: dès le XVe siècle, au Relec comme dans plusieurs autres abbayes de Basse Bretagne, les abbés étaient nommés par le Pape ou désignés, recommandés aux suffrages des moines ' par le Duc ou le Roi (1).

Un compte établi par Pierre Chouart, commissaire de Jacques Torsolis, nous permet d'assister aux péripéties de l'étrange conflit qui mit aux prises Torsolis et le Roux, le premier appuyé par le Roi, le second soutenu par ses confrères,

En juin 1542, l'abbaye du Relec était en la main » du Roi. représenté par les magistrats de la barre royale de Carhaix, et l'abbé de Beauport en touchait les revenus, afin d'assurer les recouvrement des décimes que le dernier abbé du Relec avait omis de payer. Chouart se fit attribuer, en juillet, ces pouvoirs royaux, puis au cours des deux mois suivants, il agit en maître dans tous les domaines de l'abbaye, empêchant les débiteurs de plusieurs paroisses de rien payer à Le Roux. Muni de bulles apostoliques obtenues en octobre et accompagné de commissaires, il se présenta, le 26 novembre, au monastère du Relec, mais Le Roux et ses moines. barricadés chez eux, lui en interdirent l'accès.

Contraint de se retirer, Chouart et ses auxiliaires, dont il paie généreusement la pension, promulguent les bulles dans les paroisses voisines. La nuit du 28 au 29 novembre, ils

(1) Analyse d'un compte de l'abbaye du Relec (1542 1546), dans le Bull. de la Société archéol. du Finistère, 1904, p 63. Les canonistes définissent la commende: « La provision d'un bénéfice régulier faite à un séculier, avec dispense de la régularité ». Cette définition s'applique directement à la commende abbatiale.

s'égarent an sein de la forêt de Coat-an-Noz, et ne retrouvent leur chernin que grâce à l'obligeanced'un brave paysan. Quelques jours plus tard, ils prennent d'assaut le presbytère de Commana, entrent dans la salle à manger et, au cours d'un banquet offert par le recteur au partisans de Le Roux, capturent Allain Morice, l'un de ses défenseurs les plus acharnés.

A l'instigation de Chouart, les magistrats de Lesneven procèdent à une enquête secrèle sur les menées de Le Roux. On apprend ainsi que celui-ci a vendu à des paysans quelques coupes de bois de l'abbaye et que des objets précieux ont disparu du monastère. Chouart se met alors à parcourir le pays, accompagné de sergents pour interdire aux paysans de rien payer à Le Roux du prix de bois indûment aliénés et saisir les bois qui se trouvaient chez certains d'entre eux. Au village de Lesmenez, en Plounéour, un sergent voulut mettre la main sur le bois d'Yvon Pichon; celui-ci, aussitôt, el ses gens s'élancent avec des bâtons et des fourches sur Chouart et ses partisans, rossent le sergent, le dépouillent du bois qu'il a pris, et c'est à grand peine que Chouart et ceux qui l'accompagnent sauvent leur vie en se jetant dans les marais, et en fuyant d'une seule traite jusqu'à Lesneven.

Le lendemain, le représentant de Torsolis obtient des décrets de prise de corps contre les rebelles, qui sont incarcérés.

A force d'arrêts de justice et de monitoires, il réussit recouvrer la mitre et la crosse du monastère qui étaient en possession de Madame du Bois de La Roche de Commana. Celle-ci vint les lui apporter à Morlaix. Il s'empara d'autre part de Charles Pommeret, curé de Ploézal, au diocèse de Tréguier, accusé de détenir des meubles de l'abbaye. Capturé, pa rure, dans son presbytère, le bon curé fut mené en prison où il demeura au moins huit mois (février à septembre 1543).

Muni de nouvelles bulles apostoliques, Chonart prend possession du monastère, en l'absence de Le Roux, d'abord en février ou au début de mars 1543. puis, de façon définitive, le 10 mars. A partir de ce moment, il s'y comporte en maître, et pour prévenir un retour offensif de son adversaire, il fait changer par un serrurier de Morlaix les 70 serrures du monastère. Inutile précaution! Le 2 juin 1543, Le Roux pénètre dans l'abbase et en chasse M. de La Boissière, que Chouart y a laissé comme procureur. Le soir même, Chouart arrive au Relec et, à sa grande stupéfaction, il trouve son procureur et deux valets réfugiés sous le porche, et tous les huis hermétiquement fermés. Force lui est de passer droit jusqu'à Lesneven..

Une procédure en réintégrande fut bientôt introduite devant le haut tribunal royal des Grands Jours de Bretagne (1). Jacques Torsolis eut aisément gain de cause. Il fut décidé que celui ci serait mis en possession de l'abbaye et que Le Roux serait incarcéré à la conciergerie de Rennes à cause des actes de « force et de violence » qu'il avait commis.

Chargé de mettre l'arrêt à exécution, Chouart quitte Rennes, le 10 oclobre 1544, accompagné d'un sergent. Trois jours plus tard, à Lantréguier, il s'assure de nouveaux auxiliaires, et le 15 octobre, Le Roux est fait prisonnier au monastère du Relec. Incarcéré à Morlaix, puis à Trrguier, il est finalement conduit jusqu'à .ennes.

Peu après, un accommodement à l'amiable mit fin à cette déplorable affaire. Guillaume Le Roux se contenta d'une indemnité de 50 livres, et revint au Relec, où on le retrouve en 1562, prieur de l'abbaye, et procureur de l'abbé Loys Le Bouteiller, successeur de Jacques Torsolis (2).

En bon administrateur, Chouart. au nom de Torsolis, fit réparer la prison abbatiale qui tombait en ruines; les fenêtres,

(1) Juridiction créée en 1485 par le duc François II, et qui siégeait chaque année, du 1er septembre au 5 octobre, pour juger les causes d'appel.
(2) Cf. Bourde de La Rogerie, Analyse d'un compte p. 60-27, 111-133.

en furent murées et remplacées par d'étroites meurtrières. L'église et les autres bâtiments du monastère reçurent également les soins convenables On refit les portes des jardins; les vergers, les prés et étangs furent clos et nettoyés. On améliora aussi les conduites d'eau qui aboutissaient à la fontaine construite devant l'église. Pendant un court séjour au Relec, Torsolis, fit cadeau à l'église d'une belle lampe de sanctuaire et prescrivit l'achat d'une certaine quantité de vaisselle d'étain.

Plusieurs manoirs et de nombreux moulins relevant de l'abbaye furent l'objet d'importantes réparations.

Pour contraindre certains sujets à venir moudre au moulin de l'abbaye. on rebâtit la chaussée et le pont construit sur la rivière Le Queffleut, à l'est du monastère. Plusieurs procès furent entamés pour faire rentrer les dîmes et protester contre l'usurpation de quelques terres « On croyait dans le pays du Relec, note M Bourde de La Rogerie, que, depuis un injuste litige soutenu contre un client de saint Yves, l'abbaye était condamnée à ne jamais cesser d'avoir des procès; Jacques Torsolis semble avoir voulu se conformer à la tradition» (1).

A la mort de Torsolis, survenue au début de 1550, Jacques Le Maczon, seigneur de Héricourt, fut député le 15 mars de par le roi, en qualité de commissaire, au régime et gouvernement de l'abbaye « attendant estre pourveu d'abbé » (2).

Son attente fut vaine, car trois mois plus tard le 25 juin 1550 (3) la crosse abbatiale fut confiée à Louis Le Bouteiller, docteur en théologie, qui sera grand aumônier de Catherine

(1) C'est a tort que les historiens ont fait de Sébastien Thomé un abbé du Relec. Ce personnage étant abbé de Rillé, on s'explique la confusion faite par Dom Morice et les écrivains qui l'ont suivi Bourde de La Rogerie, Analyse d'un compte ... Bull de la Société archéol. du Finistère, p. 61. note 1).
(2) Titre pour La Villeneuve en Titre pour Le Clos (Archives du Fjnistère, 4 H 2).
(3) Reg. Valican. Jules III, Bull. L. 64, folio 140.

de Médicis de 1560 à 1573 (1). Les documents nous le montrent abbé du Relec le 21 juin 1551 (2) et le 7 octobre 1560 (3), puis, le 10 septembre 1562, « grand aumônier de ]a Reine, abbé du benoist monastère de N. D. du Relec à présent y résidant et foisant sa demeurance » (4). En 1563 il aliène Je domaine de Lanven (5). En 1564. dans la Chambre des comptes de Nantes, il fait au Roi serment de fidélité (6). Devant la barre de Morlaix, il fournit le même serment (7). Le 31 mars 1567 (8), le 14 mai 1568 (9), et en 1569 (10), il régit toujours son abbaye.

Un acte de vente de décembre 1567 mentionne Yves Le Bouteiller comme abbé du Relec (II). Il s'agit sans doute de Louis qui devait porter aussi le prénom de Yves.

En 1551, sous l'abbatiat de Louis Le Bouteiller éclata dans le dortoir du monastère un incendie qui détruisit une très grande partie des archives (12).

Dans un registre de contrats qui va du 10 septembre 1562 au 12 avril 1563, figure constamment après le sous-prieur en tête des profès de choeur, le nom de Hervé du Coëtlosquet. Il s'agit sans aucun doute de Hervé II du Coëtlosquet qui avait, recueilli la succession de son frère ainé Jean II.

(1) Lettres de Catherine de Médicis dans la Collection des document inédits, tome x, p. 527, 528.
(2) Archives du Finistère. 4. H 2.
(3) Ibid. , 4, H 238
(4) Titre pour Kerguz Archives du Finistère,. 4 H 2.
(5) Archives du Finistère, 4. H 238, 4 H 249.
(6) Tresvaux. p. 549.
(7) Archives de la Loire-Inférieure, B 810.
(8) Archives du Finistère, 4 H 238.
(9) Ibid, 4 H 95. Vente de quevaise. Cette pièce mentionne Alain Morice, prieur de Languen, vicaire de Louis Le Bouteiller, abbé.
(10) Bulletin de la Société archéol. du Finistère, XII, p. 53-80.
(11) Archives de MM. du Coëtlosquet.
(12) Archives du Finistère, 4 H21., n° 27.

A la date du 16 février 1547, Hervé du Coëtlosquet fit de son vivant un partage de biens entre ses enfants. Il faut donc supposer qu'après la mort de sa femme il entra dans l'ordre de Cîteaux (1), choisissant spécialement l'abbaye dont les bois confinaient à ceux de la terre et seigneurie du Coëtlosquet.

Une lettre adressée le 31 mai 1898, par le comte Edmond de Carné à Dom Edouard du Coëtlosquet, abbé de Saint-Maurde-Glanfeuil, mentionne comme abbé du Relec en janvier 1574 Marcus Sitticus d'Altaemps, abbé de Vendôme. Ce personnage n'est autre que celui qui figure dans la Gallia Christiana (2), parmi les abbés de la Trinité de Vendôme. Fils du comte Théodore et de Claire de Médicis, il fut abbé de Carenavo, chevalier de Saint-Jean de Jérusalem, grand aumônier de la Reine Catherine en 1568, abbé de la Trinité de Vendôme en 1569, grand prieur d'Auvergne en 1583 ; cardinal de Saint-Ange depuis 1561, il fut nommé par Charles IX, le 30 novembre 1565, évêque de Constance en Suisse. Préconisé par Pie V, le 17 février 1566, il prit possession de son siège au mois d'août suivant. C'est à Rome qu'il mourut en 1595 (3).

Henry Le Deuff est abbé du Relec le 22 janvier 1575 (4), le 22 juillet 1576 (5), le 9 avril 1580 (6 ), en 1582, en février 1583 (7), le 7 février (8) et le 17 juin 1584 (9).

(1) Sa femme était Gilette du Bois. De leur mariage naquirent trois fils et six filles. Le second fils, Jean, accompagna à Malte Philippe de Kerléau. Grand Prieur de France, auquel il était apparenté, et fut admis, en 1543, dans l'ordre des Chevaliers de Malte. (Renseignements dus à la complaisance du Révérendissime Dom Edouard du Coëllosquet, abbé de Saint-Maurice de Clairvaux (Grand-Duché de Luxembourg).
(2) Tome VIII, col. 1378.
(3) Lettres de Catherine de Médicis..., tome x. p, 527.
(4) Bull. de la Société archéol. du Finistère, XVI, 1885, p. 57, Archives du Finistère, 4. H 64.
(5) Archives du Finistère, 4. H 2.
(6) ArchIves de MM. du Coëtlosquet, Contrat de quevaise.
(7) Archives du Finistère, 4. H 13.
(8) Titre pour Kerguz en Plounéour-Ménez (Arch. du Finist., 4 H 2).
(9) Ibid.

Dans la seconde moitié du XVIe sièc1e, vivait au Relec un moine qui eut une brillante carrière: François de La Tour, originaire de Plougonven. Il devint recleur de sa paroisse natale (1570), archidiacre de Tréguier, évêque de Cornouaille (1573), abbé de Coetmalaouen (1576), puis évêque de Tréguier (1583). Il mourut en 1593, en son manoir de Pen-ar-Stang, en Plougonven, et fut inhumé dans l'église de cette paroisse (1).

Huit ans avant la mort de François de La Tour, en 1585, Christophe de Carné seigneur de Crémeur, jeune gentilhomme laïque, déjà pourvu depuis 1567 de la paroisse de Melgven, avait été nommé abbé du Relec (2). Nous lui retrouvons ce titre le 6 mars 1586 (3) et le 30 août 1587 (4). Blessé à l'affaire de Plestin, où le ban et l'arrière-ban de Bretagne fut mis en déroute par la garnison de Tonquédec, il mourut le 19 septembre 1590, captif des Royaux, au château de Coatfrec. On lui fit de pompeuses obsèques et il fut inhumé dans l'église des Dominicains de Morlaix (5).

A la mort de Christophe de Carné, Pierre de La Martinière fut nommé commissaire de notre abbaye (6). puis Philippe de Lénoncourt se vit octroyer, à titre d'abbé, le gouvernement du Relec; évêque de Châlons, puis d'Auxerre, il était en 1578 commandeur des ordres du Roi. Promu en 1586 au cardinalat grâce à la protection de Catherine de Médicis, il fut nommé archevêque de Reims en 1589, et mourut à Reims en 1591 ou 1592 sans avoir pu prendre possession de son siège (7).

Nicolas Raoul fut pourvu de l'abbaye le 7 mars 1593. Un

(1) Louis Le Guennec, Notice sur la commune de Plougonven, p. 249, 250.
(2) Le 20 mars 1585, il signe un bail à ferme. Archives de MM. du Coëtlosquet.
(3) Le Fureteur breton, 1906-1907, p. 35.
(4) Archives du Finistère, 4 H 1.
(5) Note de M. Le Guennec.
(6) Lettres de Catherine de Médicis, t. VII, p. 218.
(7) Archives du Finistère, 4 H. 2.

acte capitulaire relatif à Kergor en Plougonven le signale comme « présent au chapitre».

Trois ans plus tard, un titre pour Kerguz nous apprend que René Potier Blancmenil, évêque de Beauvais, est abbé du Relec le 13 septembre 1596 (I). Il mourut en 1616 (2). Comme armoiries, il portait d'azur à deux mains dextres d'or au franc quartier échiqueté d'argent et d'azur. Au cours de la période désastreuse de la Ligue, l'abbaye du Relec fut pillée et ruinée à plus d'une reprise par les royaux et les ligueurs qui tour à tour y passèrent. C'est au point que les tenanciers du monastère furent réduits à la plus grande misère et contraints de vivre d'aumônes. Nous le savons par un document conservé aux archives du Finistère, (3) et publié par Luzel (4). Il appert de cette pièce datée de 1598, que les gens de guerre « ont demeuré en ladite abbaye..., entre autres touts les régiments Français à la fois, les régiments du Comte de La Maignanne ... le régiment de la Roche .. et les compagnies de La Fontenelle, d'ordinaire pillants et ravageants et emportantz tout ce qu'ils ont trouvé... tant blé, bestiaulx que autres meubles ... de faczon que ... les hommes et subgets d'icelle sont réduits à si grande pauvreté qu'ilz sont pour la plupart à l'aumosne, qu'ilz ont délaissé leurs convenants, n'ayantz peu pour les revenuz d'iceulx pour une tiercze partye qui n'est bastant (5) pour nourrir les religieux de ladite abbaye; les moulins quittés et demeurés chommantz, les terres demeurées sans estre ensemencées ... ».

C'est au Relec que se réunirent en septembre 1594, les

(1) Titre pour Kergus, (Ibid).
(2) D'après la Gallia Christiana, il aurait été abbé du Relec en 1608. Mais nous savons qu'à ce moment la crosse abbatiale était aux mains de René de Rieux.
(3) Archives du Finistère, 4 H 21.
(4) Bull. de la Société archéol. du Finistère, 1892, p. 99-102.
(5) Suffisant. Cf. l'italien basta, «assez ». .

troupes du duc de Mercoeur et celles du chef espagnol don Juan d'Aquila, venues de Cornouaille, pour tenter de débloquer le château de Morlaix, assiégé par les royalistes. Mais les deux chefs ne purent s'entendre, et leur mésintelligence sauva le maréchal d'Aumont (1).

IV Les abbés du XVIIe siècle

Pendant un demi-siècle(1600-1651), René de Rieux gouverna le monaslère du Relec. Il naquit à Brest, en 1588. de l'unLon de René de Rieux, seigneur de Sourdéac, gouverneur de Brest, maréchal des Camps et armées de Sa Majesté, et de dame Suzanne de Saint-Melaine de Boulesque.

A l'âge de douze ans, demeurant à Paris, il est nommé par le Roi, abbé du Relec, et il prend possession de l'abbayee par procureur le 22 janvier 1600. Vers le même temps lui est confiée la crosse abbatiale de Notre-Dame de Daoulas. Nommé en 1613, évêque de Léon, il ne reçut ses bulles qu'en 1619, et, comme il réside en son abbaye du Relec, il ne fera son entrée solennelle en sa cathédrale de Saint-Pol qu'en septembre 1623.

Au cours des premières années de son épiscopat, les rapports furent fort tendus entre Mgr de Rieux et son chapitre. Entre autres griefs, les chanoines lui reprochaient de ne pas résider en son palais épiscopal et d'avoir choisi comme grand vicaire un religieux du Relec. Depuis 1595, le diocèse de Léon n'avait qu'un seul grand vicaire et official, l'abbé Yves Le Gac, chanoine,

(1) Moreau, Histoire de la Ligue en Bretagne; 1857, p. 214.

et recteur de Plouvorn. Comme ce bon chanoine était, en 1625, fort âgé et atteint de surdité, et, aussi sans doute pour avoir près de lui un auxiliaire, en son abbaye du Relec, l'évêque de Léon avait nommé grand vicaire le prieur de ce monastère, Julien Bienassis.

Celui-ci s'empressa de faire part à son collègue de sa nomination, mais Le Gac ne voulut den savoir et il continua à se regarder comme seul vicaire général de Léon. Après un échange de correspondance avec le prieur du Relec, il en arrive à cette conclusion. Bienassis ne saurait être grand vicaire qu'aux conditions suivantes: 1° il faut que le Seigneur Evêque informe qu'il n'y a dansl'Evêché ni dans le voisinage aucun prêtre séculier capable de cette charge; 2° une dispense du Pape est nécessaire; 3° Bienassis n'est point gradué comme il le faudrait; 4° il ne réside point dans la ville cathédrale.

En toute cetteaffaire Yves Le Gac fut soutenu par tous les membres du chapitre. Le 7 juin 1626, Julien Bienassis, en qualité de vicaire général, donnait son visa à l'acte de collation d'une prébende et canonicat à messire Hamon du Kerguz. Le 11 juin le chapitre s'opposa il cette expédition. Il faisait défense, le 24 septembre, à Alain Kervella, prêtre, et à tous autres prêtres de publier les moratoires envoyés par le « Frère Julien Bienassis, moine, se qualifiant de grand vicaire du Seigneur Evêque du Léon en l'église de céans. Le 25 mai 1627 il proteste contre le projet qu'a le prieur du Relec de tenir synode le lendemain en l'église cathédrale.

L'évêque dût capituler, et remplaça en 1627-1628 Bienassis comme vicaire général par le sieur François Chouin (1).

Accusé d'avoir favorisé la sortie de Marie de Médicis hors du royaume, et d'avoir séjourné dans les Pays-Bas sans permission

(1) Peyron, l'évêché cie Léon de 1613 à 1651, Quimper, de Kerangal, 1916, p. 1-47

du roi, Mgr de Rieux fut privé de l'administration de son diocèse le 31 mai 1635. Il se retira alors dans son abbaye du Relec (1).

Nous l'y retrouvons au début de 1642 (2). A ce moment il commence à rentrer en grâce près du Roi et quelques années plus tard, le 6 septembre 1646, son évêché lui sera rendu. Il ne put en prendre possession que le 24 decembre 1648, car Mgr Cupif, qui l'avait remplacé comme évêque du Léon, ne donna sa démission que lorsqu'on lui eut assigné un autre siège.

En septembre 1650, Mgr de Rieux se rendit à Rennes pour y assister aux Etats-Généraux. Retourné dans son diocèse à la fin de février 1651, il se rendit aussitôt en son abbaye du Relec. C'est là qu'il mourut brusquement le 8 mars 1651, Dix jours plus tard son corps fut transporté solennellement dans l'église du monastère, où l'évêque de Tréguier, Balthasar Grangier, présida les obsèques. Le 6 mai la dépouille mortelle du prélat défunt fut inhumée à Saint-Pol-de-Léon.

Dans le choeur de la cathédrale, du côté de l'évangile, se dresse son mausolée en kersanton. Sur le bord de la table, on aperçoit, confortablement assis, un moine cistercien qui'n'est autre sans doute que Julien Bienassis, prieur du Relec.

Mgr de Rieux portait d'azur à neuf bezants d'or, 3, 3, 3.

Au Relec, encore aujourd'hui. un fragment d'écusson. gisant sur le sol au fronton ouest de l'église monastique, rappelle son souvenir. Cet écusson, timbré d'une crosse, d'une mitre et d'une couronne de marquis, présente les neuf bezants de Rieux, mi-parti des hermines de Bretagne, avec un écu en abîme brisé.

D'autre part, les mêmes armoiries se remarquent sur la fa çade de la petite chapelle de Saint-Barnabé, située non loin du

(1) Peyron, op. cit., p. 84,
(2) Ibid. , p. 76-77.

Relec, dans la montagne d'Arrée, qui porte la date 1610 (1). Il fut question au temps de Mgr de Rieux, de la restauration de l'église de Plounéour-Ménez, dont les abbés du Relec s'estimaient les fondateurs. Le8 février 1642, Denis Rousselet, recteur de Plounéour, adressa au prélat une supplique en vue d'agrandir et d'embellir son église (2).

Les désirs du pasteur furent exaucés, car nous voyons quelques années plus tard, en 1649 et 1650, les habitants de Plounéour, ayant à leur tête Guillaume du Coëtlosquet, décider la reconstruction de leur église après approbation de l'évêque comte de Léon et abbé ùu Relec (3).

Mgr de Rieux, qui d'ordinaire résidait au Relec, suivit de près l'administration du temporel de son abbaye. Il fut grandement aidé dans cette tâche par l'un de ses prieurs, François Le Clerc, que nous trouvons en fonction le 15 avril 1636 (4), le 21 août 1641 (5), en 1643, le 15 janvier 1646 (6). C'est ce qui ressort de trois lettres adressées du Relec par le prieur à son abbé. les 19 juin, 7 et 21 août 1643 (7). Le sujet principal de ses lettres est un procès se plaidant à Châteaulin avec les gens de Forchan, en Loqueffret, à propos de la seigneurie de Lanven. Elles nous montrent par leurs divers détails que le frère Le Clerc se comporte en quelque sorte comme un intendant chargé des intérêts de son abbé. Alors que le prélat éprouve des difficultés à reprendre possession de son diocèse, dom Le Clerc lui prête un concours très dévoué. Il va à Ouessant et à

(1) Note de M. Le Guennec.
(2) Archives du Finistère; 4 H 3.
(3) Archives de MM. du Coëtlosquet.
(4) Archives du Finistère, 4 H 66.
(5) Ibid. 4 H 22.
(6) Ibid. 4 H 67.
(7) Bibliothèque de Nantes, manuscrit 1697. Le Clerc est encore prieur à la date du 15 mai 1654 (Archives du Finistère, 4 H 67).

Daoulas percevoir des sommes dues à son abbé, il ecrit aux procureurs chargés des intérêts de l'abbaye à Saint-Renan et à Rennes, il s'intéresse activement au procès de Châteaulin (7).

En 1653, Piene Le Couturier, aumônier du Roi, est établi par Sa Majesté pour le régime du gouvernement du revenu du Relec (1).

L'année suivante l'abbé du Relec est François du Pas de Feuquières, conseiller du roi, grand doyen de Verdun. Il était également abbé de Saint-Pierre au diocèse de Châlons, et de Beaulieu, dans l'Argonne. Il régissait l'abbaye du Relec en 1656 et en 1659. Entre le 5 et le 15 avril 1660 il est parrain à Saint-Martin de Morlaix, de François, fils de François Cordier, seigneur du Restigou (2). Il élait encore abbé le 12 mars 1666, d'après un accord passé entre lui et les religieux (3). En septembre 1685, toujours abbé du Relec, il fait un séjour à Daoulas (4).

Il mourut en 1691. Ses armes étaient de gueules au lion d'argent.

Entre temps nous trouvons le 4 août 1676 en qualité de commissaire de notre monastère, Fiacre Cahisy, abbé de Surio en Irlande.

Novice à La Meilleraie, Cahisy fit profession au Relec en 1656. Sous-prieur en février de la même année, il reçut en 1663 au Relec même, la bénédiction abbatiale des mains de Mgr René du Louët, évêque de Cornouaille. Ce moine fut muni, par ses confrères, de tout le nécessaire, quand il s'embarqua en 1663 pour l'Irlande, son pays natal. Après avoir régi pendant dix ans l'abbaye de Surio, il rentra en Bretagne. C'est à Saint-Melaine de Morlaix qu'il mourut. Ses restes

(1) Note de M. Peyron d'après les Archives du Finistère (H 31).
(2) Note de M. Le Guennec.
(3) Titres de MM. du Coëtlosquet.
(4) Archives du Finistère, 11 H 59.

furent portés au Relec, el inhumés le 26 octobre 1683 devant l'autel de Notre-Dame.

Hardouin Rouxel de Medavi de Grancey fut pourvu du Relec par lettres royales du 22 avril 1691. Il était abbé de Saint-Pierre de Preuilly et de Saint-Benoît-sur-Loire. Il mourut le 8 septembre 1706, au siège de Turin, où il avait accompagné le duc d'Orléans. Comme armoiries il portait d'argent à 3 coqs de gueules becqués el crètés d'or.

Il eut comme successeur David de Berthier, premier évêque de Blois.

Prêtre du diocèse de Vabres, (province d'Albi), le nouvel abbé appartenait à une famille de Toulouse, qui donna plusieurs membres au Parlement. Pieux et instruit, il avait accompagné Fénelon dans les missions de Saintonge. Désigné dès le 22 mars 1693 pour le futur siège de Blois, il fut sacré à Saint-Cyr, le 15 septembre 1697. Il fit son entrée solennelle à Blois le 26 juin 1698. Il portait d'azur à un boeuf effraye d'or. Ce fut un prélat orthodoxe et régulier. Pourvu du Relec le 26 décembre 1706 (1), il mourut le 20 août 1719.

V Le prieur Dom Jean-Baptiste Moreau

Les documents nous livrent pour le XVIe siècle, les noms de deux prieurs: Guillaume Le Roux, 1562 (2) et 14 mai 1568 (3), et Louis Benoît, prieur en 1596 (4) et les 14 février 1598 (5) .

(1) Archives du Finistère 4 H 15.
(2) Archives de MM. du Coëtlosquet.
(3) Archives du Finistère. 4 H 95.
(4) Ibid , 4 H.
(5) Bull de la Société archéol. du Finistère, 1892, p. 100·102.

Le 10 avril 1615, c'est Pierre Boulenais qui est prieur (1). De 1625 à 1627, Julien Bienassis, prieur du Relec, est vicaire général de Léon.

Nous trouvons ensuite les noms de François Le Clerc, puis de Grégoire Godet, 1653, 1656, 1657, 18 mars 1660 (2).

En 1661 apparaît Jacques Trouillaut, docteur en Sorbonne. Profès du Relec en date du 17 septembre 1653, il est prieur du Relec de 1661 à 1672 (3), puis devient directeur spirituel de l'abbaye de Notre-Dame de la Joie, près d'Hennebont, diocèse de Vannes. En 1682, il est nommé vicaire général de l'ordre en Bretagne.

Etienne Bidard, remplacé par Trouillaut à Notre-Dame de la Joie, succède à ce drenier comme prieur du Relec, le 16 novembre 1672. Docteur en théologie, il était vicaire général de l'ordre en Bretagne. Il mourut le 26 juin 1675 à l'abbaye cistercienne de Kerlot, et fut inhumé en l'église Saint-Mathieu de Quimper.

Jean-Baptiste Moreau, bachelier en théologie de la Faculté de Paris devient prieur du Relec le 4 février 1680 (4). Nommé prieur de Notre-Dame de Bon-Repos, diocèse de Vannes, le 21 juillet 1683, il est remplacé, le jour même, par Jacques Trouillaut (5). Quelques mois plus tard, le 29 février 1684,

(1) Archives du Finistère, 4 H 62.
(2) Bull. de la Société archéol. du Finistère, 1885, p. 80.
(3) Le 6 juillet 1670, dom Trouillaut assista à un service chanté à Plougonven, pour le seigneur du Cosquer. Dans l'église se trouvaient en même temps que lui le sieur de Penarstang-Lezormel et le sieur de Quelorn Le Léoyer. Tous deux armés armés de fusils, portaient un bâton pendu à la ceinture. Ces gentilshommes étaient venus en dessein de donner la bastonnade au prieur du Relec, pour le punir d'avoir au Relec même, infligé le même traitement à un de leurs parents (acte notarié du 16 octobre 1670).
(4) Archives du Finistère, 4 H 15
(5) Le 28 janvier 1681, dom Moreau avait vu l'un de ses religieux, Joseph Leclerc, profès depuis 9 ans, passer à l'abbaye de Saint-Aubin-des- Bois, pour y prendre la réforme (Ibid.)

Trouillaut quittait ce monde, et le 30 avril suivant, Moreau lui était donné comme successeur.

En 1694 Jean-Baptiste Moreau devint prieur de Citeaux, puis on le retrouve au Relec en 1706. C'est le moment de décrire l'oeuvre entreprise par cet homme de valeur. Elle est retracée dans le procès- verbal suivant, dont le ton savoureux reflète l'enthousiaste fierté des moines:

En arrivant au Relec au début de 1680. il vit d'abord une grande et haute église sans lambris dans la nef el les bas-côtés, ni dans la croisée du côté de la chapelle de Notre Dame; il vit la chapelle, qui est un des plus beaux morceaux d'architecture, noir comme un jeu de paume, où les religieux étaient assis sur des pierres noires et humides, un méchant , escalier de pierres noires et glissantes pour aller de l'église au dortoir qui était sans lambris ; il y avait de petites chambres à l'antique, et des fenêtres à la capucinade ; le tour du cloître fait en petite voûte de deux pieds de large entre deux rangs de petites colonnes prêtes à tomber.

M. le prieur fit d'abord blanchir tout le chapitre et faire trois grands bancs, un au milieu pour les supérieurs, les deux autres à côté, d'une belle et forte menuiserie, Il fit faire un crucifix d'argent massif sur une croix d'ébène garnie d'argent de même, qui est sur le grand autel, en place, d'un vieux crucifix de bois.

Il a fait en 1682 repeindre et dorer le grand retable. II a fait faire aussi le saint ciboire d'argent en 1685, au lieu d'un très faible et antique qui y était, avec une boite et orseaux d'argent pour les saintes huiles Il a payé en 1682 un très beau calice fait à Paris qui a coûté 350 livres.

En 1682 il fait venir dans des canaux d'une éminence distante de l'abbaye de l'eau excellente, qui se décharge dans un bassin de plomb, d'où elle sort par deux canaux de plomb dont l'un s'ouvrant pour les besoins de la maison, et l'autre pour faire un jet d'eau de 14 pieds de haut, et qui retombe dans un bassin de pierre de taille de 30 à 40 pieds de diamètre.

Il a fait la porte et les deux pyramides de pierre de taille du petit jardin. Il a fait sabler les allées du grand et du petit jardin, il a fait construire un très joli pavillon soutenu par huit piliers de pierre de taille; en dehors c'était un lieu de conférence au-dessous, et une chambre de santé... , cela fut fait à la prière des anciens religieux.

Le même prieur a fait faire un dais de damas et de brocart avec des dentelles d'or pour porter le Saint Sacrement, un parement d'autel précieux. de velours rouge, ciselé à fond d'argent avec dentelle et frange d'argent fin, de plus un reposoir de velours rouge ciselé de même avec dentelle et range d'argent fin, pour exposer le Saint Sacrement en évidence. Il a fait faire ensuite des aubes à dentelle.

Puis la charpente et le lambris du côté des chapelles de Notre-Dame et de Saint-Bernard, ce qui manquoit depuis un siècle. Il a fait ensuite lambris toute la nef depuis le presbytère, qui est voûté jusqu'au grand pignon de l'entrée de l'église, après avoir fait mettre des poutres neuves et des crampons de fer à tous les tirants pour les rendre plus forts. Il a fait ensuite lambriser les deux côtés de la nef en 1680, 86,87. En 1689 il a fait achever l'orgue en y ajoutant le positif enfermé dans une sculpture de bois très jolie, el placer l'orgue entière sur une tribune très bien faite et soutenue par des colonnes très bien placées et travaillées à l'entrée de l'église.

Il a fait relever deux côté du cloître avec belles et grandes pierres de taille qui l'affermissent.

Il a fait ensuite un escalier neuf et des plus hardis et des plus commodes, de pierres de taille avec un balustre, pour monter de l'église au dortoir, dont il a fait mettre la porte au milieu du corridor et placer celle du fond vis-à-vis.

Et il a fail percer la muraille du cloitre, et fait un escalier de pierres de taille pour aller du cloître au dortoir, ce qui manquait auparavant.

Il a fait ensuite rebâtir le dortoir en 1691, 1692,1693, depuis la voûte du côté de l'Orient et de l'Occident, avec une charpente et des chambres neuves très commodes, avec de belles fenêtres dans les chambres, et des croisées qui donnent un grand jour dans le dortoir.

En 1690, il a fait venir de Paris des livres qui sont dans le choeur qui servent pour le chant et la psalmodie. Il a augmenté la bibliothèque de très beaux livres nouveaux marqués dans le catalogue.

Il a fait aussi boiser la cheminée du réfectoire, celle de la chambre du prieur, avec un plancher, une charpente, une antichambre, un cabinet neuf. Voilà ce que M, le prieur a fait au Relec avant d'aller pour la deuxième fois prieur à Cîteaux, Ce fut en 1694 (1).

(1) Archives du Finistère, 4 H 15.

Jean-Baptiste Moreau, après avoir été prieur de Citeaux, devint syndic général de l'ordre en Ile-de-France, charge analogue à celle qu'il avait exercée en Bretagne durant six ans. Au chapitre général de 1699, il fut nommé visiteur des abbayes de l'ordre en Rouergue, Quercy, Languedoc et Roussillon. En mars 1706, il revint pour la troisième fois comme prieur au Relec.

M. de Grancé, abbé du Relec étant mort au siège de Turin, le Roi nomma, la veille de Noël 1706, pour abbé, Nicolas David Berthier, premier évêque de Blois. Le prélat prit possession de l'abbaye, par procureur en mars 1707, et par une visite personnelle au mois de juillet suivant. Le lendemain de son arrivée le prieur lui fit cette harangue:

Illustrissime premier évêque de l'église et du diocèse de Blois, qui êtes aussi l'ornement, l'amour, la lumière et l'exemple de toute l'église gallicane, vous avez souhaité de voir cette abbaye à laquelle le plus grand des rois vous a nommé, et qui est assez considérable, dans cette province, par la protection singulière de la Sainte Vierge, qui prend plaisir d'y être honorée, par un très grand nombre de fidèles, en faveur desquels elle a fait plusieurs miracles.

Nous avons aussi désiré de notre part de jouir ici de votre aimable et douce présence, nos ardents désirs vous y ont attiré, vous avez satisfait l'attente de tous ceux qui sont dans des transports de joie de voir à présent de près un prélat dans lequel on remarque je ne sais quoi qui ravit les yeux et charme les coeurs. Car la majesté et la modestie s'unissent ensemble sur votre front, la vivacité de votre esprit parait dans l'éclat de vos yeux, tous les traits de la piété brillent sur tout votre visage.

Que dirai-je de votre nom si fameux dans l'histoire, célèbre par tant de titres d'honneur, consacré depuis longtemps à la postérité par une longue suite d'aïeux" dont les uns ont combattu dans la robe et dans l'épée pour le service de Dieu du Roy et de l'Etat, tandis que d'autres, élevés sur le chandelier de l'église militante, ont porté le flambeau de la vérité dans tout le Languedoc, et dans les assemblées générales du Clergé, avec tant de bonheur et de succès, que les ennemis de la religion ont

été convertis ou convaincus par leurs exemples el la force de leurs discours,

C'est en suivant, Monseigneur, les traces glorieuses de vos ancêtres, que tout le monde admire à présent dans vous cet assemblage de vertus si belles que l'apôtre saint Paul désirait dans un évêque accompli, et qu'il a si bien décrit dans ses admirables épîtres à Tite et Timothée, ses disciples, et que même saint Benoît, notre législateur demande aussi dans un abbé quand il veut remplir parfaitement ses devoirs. De là vient comme d'une source heureuse et féconde cette inclination singulière et ce penchant merveilleux que vous avez pour maintenir la paix et la bonne intelligence entre l'abbé et les religieux, entre le chef et les membres. De là vient encore cet équité naturelle profondément gravée dans votre coeur, qui veut accorder à chacun ce qui lui est dû légitimement.

Aussi, Monseigneur, nous avons sujet d'espérer plus que jamais un sort plus heureux, et certes, la divine Providence ne pouvait nous donner un abbé meilleur et plus conforme à nos désirs et à nos besoins, dans ce temps difficile, et dans l'état où nous sommes, car s'il n'y a pas eu d'abbé dans cette maison qui vous ait surpassé en réputation et en dignité, pour l'affabilité, les grâces, le mérite, le crédit et la faveur auprès du roi et des grands, ni enfin, par toutes les rares qualités du corps et de l'esprit, nous espérons aussi qu'aucun ahbé dans la suite ne vous surpassera, par les bienfaits, l'affection généreuse et la justice que nous attendons de vous.

Dans une lettre adressée le Ier juillet 1707 au prieur du Relec, Mgr de Blois avait annoncé son arrivée et celle de ses gens, promettant « de régler toutes choses de manière que tout le monde fût content», C'est dans cette espérance que le prieur et ses religieux lui firent un excellent accueil, à sa personne et à sa suite, Tous furent logés au couvent durant six semaines. Quelque temps après son départ, les religieux présentèrent à l'abbé une requête où se disant lésés de 4 à 5000 livres dans la part qui devait leur échoir des revenus de l'abbaye, ils lui demandaient justice, d'autant que des réparations s'imposaient, et qu'il avait réduit à sept le chiffre des quinze religieux prévus pour le monastère. Ils ajoutaient qu'ils étaient trop peu nombreux pour pouvoir s'acquitter de l'Office divin et garder

une plus exacte régularité. La pétition était signée: Moreau, prieur; Cheveuil; Jean Le Corneux, sous-prieur; Rufflet, cellerier ; Jacques Chéron ; Delaunay. ; Hyacinthe de Botloy.

L'abbé avait regagné Blois sans avoir rien conclu avec les moines, ni leur avoir fait, pas plus qu'à leur église, la moindre libéralité, quoi qu'on se fût mis en grands frais pour le bien accueillir.

Le prieur s'adressa, le Ier octobre 1707, aux juges royaux de la sénéchaussée de Lesneven, pour leur exposer l'état des choses. Il demandait que l'on fît trois parts des revenus du monastère, la première destinée à l'abbé, la seconde aux religieux, la troisième encore à l'abbé, pour acquittement des charges. Le 31 octobre 1709, un décretc du grand conseil royal lui donnait satisfaction (1).

L'année suivante, à la date du 31 mai, Dom Moreau est toujours prieur au Relec (2).

Dans la nuit du 28 au 29 juillet 1713, le feu prit au manoir abbatial, bâtiment à trois étages, datant de plus de 400 ans, habité par Jean Thibault de Coatcourant, fermier de l'abbaye. Réveillé à une heure du matin, Moreau envoya immédiatement le sous-prieur avec les clés et du secours, et il enjoignit de donner l'alarme au son de la grosse cloche. Par le tuyau de la cheminée, le feu avait attaqué la sablière où reposaient les poutres du grenier. Les flammes gagnant le grenier y avaient consumé les grains et les meubles , Le feu s'était aussi communiqué à une grande salle dénommée la chambre à l'alcôve, et il fallut, pour arrêter l'incendie, démolir le plafond de la chambre dorée.

Quelque's mois plus tard, le 13 décembre, une expertise, , faite sur place. estima les réparations éventuelles à 5721 livres.

(1) Archives du Finistère, 4 H 3
(2) Ibid., 4 H 16

Dans leur détresse les moines eurent recours à l'abbé. Celui-ci, dans une lettre d'ailleurs charmante, manda à dom Moreau qu'il avait trouvé un moyen de faire réparer l'abbatiale, sans qu'il lui en coutât rien: c'était une coupe de bois dans la forêt du Relec. Grand émoi chez les religieux, qui décident de mettre opposition à ce projet. L'évêque de Blois en prend bien à son aise: n'a-t-il pas un tiers des revenus de l'abbaye pour s'acquitter des charges et faire les réparations nécessaires? Et dom Moreau de rédiger un plaidoyer, où il défend résolument la cause de ses moines. Une dégradation des bois ferait un tort irréparable à l'abbaye, « qui est située dans un pays froid, au bas des montagnes et des rochers, et dans un lieu aquatique »). Quel besoin d'ailleurs de faire immédiatement cette coupe de bois? L'hôtellerie du monaslère, grand bâtimentà trois étages, de 160 pieds de long, avait été victime de la foudre en 1666, et les religieux ont pourvu à sa reconstruction en prenant le nécessaire sur le bois qui était sur le lieu, et en se retranchant sur leur pensions. Pourquoi aujourd'hui encore ne pas user du même précédé?

Les moines du Relec furent cités à Rennes le 15 février 1715 devant l'intendant royal de Bretagne, pour être entendus sur la question avec les représentants de l'abbé.

Nous ignorons la suite de l'affaire. Ce que nous savons, c'est que dom Moreau était encore prieur le 21 mai 1715 (1).

VI La discipline monastique au Relec

L'ordre de Cîteaux était régi par une charte fondamental appelée la Charte de charité, oeuvre du. chapitre général de 1119, approuvée le 20 septembre de cette année par Calixte II.

(1) Archives du Finistère, 4 H 20 .

Cette charte demande que, dans les divers monastères, il y ait unité dans l'interprétation de la règle. Au point de vue du gouvernement, elle prévoit que chaque abbaye, tout en possédant une réelle autonomie, sera contrôlée par l'abbé de la maison fondatrice. La régularité et l'uniformité sont donc assurées dans chaque monastère par la visite annuelle du « père immédiat», ou à son défaut, d'un autre abbé de l'ordre. Il revient au chapitre général annuel de tracer des directives pour l'ordre entier.

En ce qui touche l'abbaye du Relec, les Archives du Finistère possèdent quelques cartes de visite. Elles datent de 1598, 1676, 1688, 1697, 1707, 1711, 1713, 1714, 1749, 1763 (1). Ces rares documents permettent de se faire une idée du niveau de la vie intérieure el de la discipline en notre monastère dans la seconde partie du XVIIe siècle, et la première partie du siècle suivant.

Le 4 septembre 1598, les moines du Relec reçoivent la visite d'Antoine Bouguier, abbé de Notre-Dame de Villeneuve, au diocèse de Nantes, vicaire général de l'abbé de Cîteaux. Dans une maison qui pouvait avoir de 18 à 20 religieux, le visiteur n'en trouve que 8, dont 6 prêtres. Ce nombre est insuffisant; aussi à la prochaine Toussaint, trois novices devront-ils être admis à la profession. Certaines sommes sont affectées à l'entretien des religieux, des employés, des hôtes, des malades.

Le prieur recevra par an 100 livres tournois, le sous-prieur 6 écus, le précepteur qui enseigne la jeunesse 5 écus, le chantre 5 écus. Cent charretées de gros bois sont prévues pour le chauffage annuel, et soixante pour le four. On achètera de grands psautiers, des missels, des nappes d'autel, des aubes; 110 livres sont consacrées au luminaire de l'église. Pour l'aumône du Jeudi-Saint les moines ont droit à 10 quartiers de seigle. Trois pipes de vin et huit quartiers de froment leur

(1) Archives du Finistère; 4 H 13

sont assurés par an. Pour leur pitance, il sera baillé par jour aux prêtres dix écus, aux autres six écus et deux tiers d'écu. Il est à croire que la règle était convenablement observée au couvent. Le procès-verbal de visite n'y fait aucune allusion.

Voici maintenant in extenso la carte de visite du 4 août 1676, Elle met sous les yeux du lecteur les divers articles du règlement de l'ordre cistercien.

Nous, frère Jean Petit, abbé de Cîteaux... savoir faisons que, visitant notre dévot monastère de Notre-Dame du Relec alias de Gerber, au diocèse de Léon, nous y avons trouvé dix religieux, savoir sept prêtres et trois jeunes religieux sous la conduite de notre révérend confrère dom Fiacre Cahisy, abbé de Surio, commissaire en la dite abbaye, lesquels ayant ouï en scrutin, le très saint sacrement de l'autel préalablement visité en la manière accoutumée, nous avons jugé à propos pour le bien et utilité d'icelle tant au spirituel qu'au temporel de faire les règlements suivants:

Premièrement l'office divin (auquel selon notre sainte règle rien ne doit être préféré) sera célébré dévotement et sans précipitation, faisant les pauses au milieu et à la fin des versets, suivant la différence et solennité des jours, avec le chant et les cérémonies accoutumées en notre ordre.

Les heures en seront sonnées ponctuellement, et tous les religieux assisteront en coules, sans pouvoir s'en absenter que par permission du Supérieur. Les quatre grandes fêtes de l'année, et celles du saint sacrement et de saint Bernard, ils chanteront en notes tout l'office, les autres fêtes de sermon ils commenceront au Te Deum, et les dimanches et fêtes de commandement à Prime, les autres jours ils chanteront seulement Tierce; la messe, vêpres, et complies.

Tous feront leurs semaines de messes, le supérieur y compris, et ils s'acquitteront fidèlement tant de la conventuelle que de celles de Notre Dame, et pour les morts, sans pouvoir les appliquer autrement que conformément à l'intention de notre ordre. Ils en feront de même des autres messes, soit de fondation, soit de dévotion, et quand ils ne seront pas semainiers, ils seront tenus de dire la messe au moins trois fois par semaine suivant nos statuts, et les jeunes religieux et novices communieront tous les dimanches et les fêtes de commandement.

Les deniers qui proviendront des dites messes et offrandes seront perçus par le sacriste, dont il tiendra et rendra compte tous les trois mois, et seront mis entre les mains du cellerier ou procureur, desquels il sera pris jusqu'à la concurrence de deux cents livres pour être employées à la décoration de l'église.

Le silence sera gardé exactement, principalement depuis les complies jusqu'au Pretiosa du lendemain (1), et aux autres temps qui ne sont pas destinés à la récréation, laquelle sera donnée deux fois le jour, depuis le dîner jusqu'à une heure après midi, et depuis le souper ou la collation jusqu'à complies, et en outre, deux fois la semaine, savoir le mardi et le jeudi, lorsqu'ils ne seront pas empêchés par une fête de commandement, ils pourront aller prendre l'air et se promener au dehors depuis le dîner jusqu'au premier coup de vêpres, tous ensemble sans pouvoir se séparer les uns des autres, et sans entrer dans aucune maison ni village voisin. On ne parlera jamais dans les lieux réguliers, savoir dans l'église, les deux côtés du cloitre attenant à la dite église et au chapitre, le réfectoire et le dortoir, et on n'entrera point dans les chambres les uns des autres sous peine de discipline.

Ils prendront garde, dans les conférences, de ne point mêler aucune discussion qui puisse malédifier ou altérer la charité, mais se préviendront d'honneur les uns les autres, les plus jeunes témoignant toujours beaucoup de déférence pour les anciens, lesquels leur feront aussi paraitre de la bonté et affection.

Quand il aura été accordé à quelqu'un d'aller au dehors, il n'y pourra coucher s'il n'en a eu la permission expresse, sera tenu de retourner dans le temps qui lui aura été marqué, sous peine de ne sortir pendant une année entière, et autres peines arbitraires ou supérieures, à proportion de la faute.

Nous défendons très expressément dans ces sorties de boire ou manger dehors, quand on n'ira qu'à deux lieues du monastère, sans permission expresse, sous peine d'être privé de vin trois jours entiers. Et si quelqu'un se trouve être pris de vin, il en sera privé pendant huit jours, et s'il fait scandale, il en sera privé trois mois entiers, et recevra la discipline au chapitre, et les autres pénitences que lui voudra encore imposer le supérieur, à proportion de la faute.

Tous coucheront au dortoir, même le supérieur, sans que personne en

(1) Le Pretiosa est un verset de Prime.

puisse être dispensé que par nécessité et infirmité. Ils s'y retireront après la méditation de complies finie, et après avoir pris de l'eau bénite de la main du supérieur, qui aura soin de faire fermer les portes, tant du dortoir que les autres du monastère, et en gardera les clefs jusqu'au lendemain, qu'il les rendra au religieux qu'il aura établi portier.

Ils prendront aussi leur réfection le matin et le soir, dans le réfectoire commun, où il leur sera servi suffisamment et honnêtement par un religieux, sans qu'il soit licite à qui que ce soit de manger dans sa chambre ni ailleurs, sinon les malades dans l'infirmerie seulement, et ceux qui amont permission de manger avec les hôtes, dans le lieu destiné à cet effet.

Le religieux qui sera chargé de la dépense s'en acquittera fidèlement, et aura soin de fournir les choses nécessaires. Il aura seul les clefs des choses qui lui auront été confiées, soit de la cave, du grenier et autres, dont il rendra compte dans son journalier, qui sera arrêté tous les quinze jours au moins.

La pauvreté étant essentielle à l'état religieux, tous s'étudieront à la pratiquer en esprit, et aucun ne s'appropriera quoi que ce soit, et ne pourra rien recevoir ou en disposer sans permission du supérieur. Leurs besoins leur seront administrés charitablement, sans exception de personnes, et honnêtement, autant que les facultés du monastère le pourront permettre.

Nous recommandons sur toutes choses le soin des malades, qui selon notre sainte règle, doivent être considérés comme Jésus-Christ même. Ils seront traités avec douceur et charité dans l'infirmerie commune, qui à cet effet, sera garnie de meubles, linges, et autres choses nécessaires pour le soulagement des malades, dont l'infirmier sera chargé et aura soin.

L'argent de la communauté sera mis dans le coffre à trois clefs; le supérieur en aura l'une, le procureur ou cellerier la seconde, et le plus ancien de la communauté la troisième, dans lequel coffre il y aura un livre où sera écrit chaque fois ce qu'on y mettra, et ce qu'on en tirera, et signé par ceux qui ont les clefs.

Le lieu servant d'archives, ou sont les titres et papiers concernant les biens temporels de l'abbaye, sera pareillement fermé de trois clefs, dans lequel sera mis le marteau des bois, qui n'en sera tiré que pour les nécessités urgentes; et, lorsqu'on marquera quelques bois, ce sera toujours en présence de deux religieux, savoir le procureur ou cellerier, et

d'un autre député par le supérieur (1). L'état des revenus temporels de la communauté sera mis au commencement du livre des comptes, pour, sur icelui, être les comptes rendus tous les trois mois par le procureur ou cellerier, en présence du supérieur et de toute la communauté, qui en signeront l'arrêté ainsi que le comptable.

Les livres de la bibliothèque seront conservés avec soin; l'un des religieux en sera chargé, lequel seul en aura une clef, ainsi que le supérieur, et personne ne pourra y prendre aucun livre qu'en laissant un billet signé. Et nous défendons très expressément et sous peine de désobéissance d'en transporter aucun hors le monastère.

Lorsqu'il y aura quelque chose d'importance concernant la communauté, elle sera assemblée, et le supérieur la proposera, pour ensuite être prise résolution devant tous; et à l'égard des affaires de moindre conséquence, il suffira de prendre conseil des anciens seulement.

Quand un officier entrera en charge, il recevra les choses appartenant à son office par inventaire signé de lui et du supérieur, et, quand il en sortira, il les rendra aussi par inventaire.

Il sera nommé un religieux qui sera chargé de l'instruction des valets et domestiques, et aura soin de les faire prier Dieu en commun tous les soirs, et entendre tous les matins la messe quand il se pourra, ou au moins entrer à l'église pour y prendre de l'eau bénite et faire leurs prières.

Les femmes n'entreront jamais, sous quelque prétexte que ce soit, dans aucun des lieux réguliers, si ce n'est dans l'église, et encore dans la nef et dans l'aile droite seulement, si ce n'est pour communier au grand autel, d'où elles se retireront incontinent après la communion, dans la dite nef ou aile droite, dont la porte sera fermée. Aucun des religieux ne leur parlera sans permission, sous peine d'être privé de vin, et s'il se trouve que quelqu'un a parlé à une femme suspecte ou mal famée, il sera procédé contre lui extraordinairement.

Pour éviter l'oisiveté, qui est la source de tous les vices, les dits religieux s'étudieront à bien employer leur temps. Les jours de dimanches et fêtes de commandement ils vaqueront à l'oraison mentale, et à la lecture des bons livres, et les jours ouvriers, hors les heures de l'office, ils s'occuperont à quelque travail manuel, en commun autant que faire se

(1) Ce marteau servait à marquer les arbres qui devaient être abattus.

pourra; et feront tous les ans une retraite de dix jours, conformément au Bref du pape Alexandre VII.

Nous estimons qu'il suffira d'avoir trois chevaux, qui serviront à la communauté suivant les besoins d'un chacun, outre lesquels il ne sera , loisible à personne d'en avoir, sinon un bidet pour aller quérir les provisions.

Tous les officiers auront un grand soin des choses qui leur seront confiées, et de s'acquitter avec fidélité de leurs charges, et dans une grande soumission et déférence pour le supérieur, lequel ne se mêlera du temporel que conformément au dit bref.

Finalement nous les exhortons de vivre en paix, union et charité, et à se perfectionner dans la pratique de notre sainte règle et du bref, comme aussi à faire des prières pour les nécessités de l'Eglise, pour notre Saint Père le Pape, pour le Roi et toute la famille royale, pour la paix et union entre les princes chrétiens, pour Nous et pour le bon gouvernement de notre ordre.

Et sera faite lecture de notre présente carte de visite dans le chapitre, en présence des dits supérieurs et religieux, à ce qu'aucun n'en ignore, tous les vendredis ou samedis des Quatre-Temps de l'année. Fait et prononcé au chapitre de l'abbaye, en présence de la communauté le quatrième jour du mois d'août l'an de grâce mil six cent soixante seize.

F. JEAN, abbé général de Citeaux .

Le Ier avril 1688 la visite est faite au Relec par l'abbé de Notre-Dame de Prières, Joseph-Melchior de Sérent (1). A ce moment le monastère compte cinq religieux prêtres, deux non prêtres et un novice. Il est demandé aux moines d'apporter plus d'exactitude et de soin à l'office divin. Ils s'abstiendront de manger et de boire avec les hôtes en dehors des repas, comme de s'assembler pour boire au premier son des vêpres, ou encore de se trouver aux assemblées publiques et aux festins de village. Ils se garderont de retenir de l'argent

(1) Homme remarquable qui restaura, en l'abbaye de Prières, les édifices et la discipline. En entrant en charge, il y avait trouvé 40 religieux, il en compta bientôt une centaine (Notre-Dame de Thymadeuc, p. 23·24) .

sur les honoraires ou les offrandes. Un portier sera établi près des portes de la cour. Que les religieux tâchent d'être plus fidèles que par le passé au règlement de 1676 !

Le 19 mars 1697, Joseph de Sérent est encore au Relec. Et voici ce qu'il demande notamment aux religieux: réciter complies non plus après vêpres, mais après la récréation qui suit le souper; garder le silence hors des récréations, spécialement au dortoir; au chapitre nul ne prendra la parole que le supérieur. Pour les repas, il faut observer le bref d' Alexandre VII qui ne permet l'usage de la viande que trois fois par semaine et l'interdit pendant l'Avent et le Carême. Il faut s'abstenir de boire dans les cabarets ; se faire la couronne ou tonsure régulièrement; se mettre au choeur par rang de profession.

Le procès- verbal de la visite passée le Ier juillet 1707 par l'abbé de Sérent contient quelques prescriptions nouvelles. Tous les religieux porteront des bas blancs, et non des bas de couleur noire. Défense leur est faite de manger et boire en fraude sous peine de suspense a divinis. Qu'ils se gardent bien de faire abattre du bois dans la forêt au delà des besoins de la communauté. Le visiteur demande, d'autre part, une plus exacte observance des règlements déjà donnés.

Accompagné du prieur de Langonnet, Charles Caoursin, Joseph de Sérent fait encore la visite canonique du Relec le 8 octobre 1711. Le procès-verbal dressé à cette occasion commence par rappeler la carte de visite de 1697 qui défend de dire complies après vêpres, puis, celle de 1688, qui, sous peine d'excommunication ipso facto réservée au prieur, interdit de retenir de l'argent sur les honoraires de messes ou les offrandes. Défense est faite aux religieux de dire Sexte et None pendant la messe conventuelle, ou de sortir du choeur au cours de cette messe. Il s'agit ensuite du temporel de l'abbaye qui est en péril par suite de l'accroissement des dettes. Pour y mettre ordre, il est prévu qu'aucun ouvrage ne se fera dans le monastère sans le consentement exprès du père prieur, et même qu'on

renoncera à toute nouvelle entreprise jusqu'à extinction des dettes de la communauté. Nul ne pourra faire venir des provisions ou du vin de l'extérieur sans un ordre positif du prieur. Défense est faite aux moines d'entrer à la Dépense pour y boire ou manger. On leur permet trois chopines de vin par jour dans l'ensemble de leurs repas, en les exhortant à donner aux hôtes l'exemple de la sobriété.

Le cellerier tiendra deux registres, l'un pour les recettes, l'autre pour les dépenses, et tous les trois mois il rendra ses comptes à la communauté. Le père prieur devra tenir la main à l'exécution de la présente carte de visite ainsi que de celles de 1707 et 1708, et à l'observation du Bref d'Alexandre VII au sujet de l'abstinence de viande. Suit une promesse signée le 12 avril 1712, par le prieur dom Moreau, où il s'engage, au nom de ses religieux, à se conformer aux prescriptions de la carte de visite.

Le 2 avril 1713, nous retrouvons au Relec Joseph de Sérent, accompagné, cette fois encore, de Charles Caoursin, prieur de Langonnet. Sa visite terminée, l'abbé de Prières insiste, dans son rapport, sur la défense déjà faite de rien retenir sur l'argent des messes et des offrandes. Il renouvelle d'autres ordonnances relatives à la sobriété monastique ou à la restriction des dépenses, et condamne une pratique abusive en interdisant aux moines de partager entre eux l'argent provenant de l'homologation des contrats.

Au cours d'une autre visite qui eut lieu le 29 août 1714, Joseph de Sérent constate avec douleur que les règlements donnés l'année précédente et antérieurement n'ont point été observés. Cette fois il les impose sous peine de désobéissance formelle.

Les cartes de visite nous manquent pour les années qui suivent, et nous ignorons donc si les mesures prises par l'abbé de Prières eurent pour effet de rétablir la discipline au monastère du Relec.

Le 17 octobre 1739. apprenant « qu'il se passe des affaires importantes au Relec », Andoche Pernot. abbé de Cîteaux, délègue dom Pitteu, prieur de Saint-Maurice de Carnoët, pour régler, ordonner, destituer, constituer, punir et procéder contre les délinquants, le cas échéant» (1). De quoi s'agit-il? On n'en sait rien.

Le 25 mars 1749, au cours de leur visite, les abbés de Bon-Repos et de la Joie ne trouvent au Relec que quatre religieux. Ils demandent qu'il y ait une deuxième messe de règle, dès que le nombre de moines sera de cinq, et exhortent la communauté à se faire aider dans l'administration du temporel plutôt par des religieux que par des séculiers. Ils ne voient pas d'autres observations à faire.

Lors d'une visite faite au Relec le 2 août 1763 par l'abbé de Bégar, le bon ordre règne dans l'abbaye: « Tout va bien, constate le visiteur, et nul besoin de faire des règlements».

L'impression qui se dégage de ce rapide exposé, c'est que, si les moines du Relec n'ont pas toujours été des modèles de mortification et de pénitence, ces défauts sont dus à l'humaine faiblesse, et que leurs supérieurs, au cours du contrôle exercé par des visites régulières, les ont toujours exhortés à une plus grande perfection dans les vertus essentielles de leur état. Presque pas de trace au Relec de ces abus, malversations et dérèglements de l'ordre monastique, survenus par l'introduction des commendes, et dont le précis impressionnant est fourni par dom Martène (2).

Il faut dire d'ailleurs à l'honneur des religieux du Relec, qu'ils étaient par leurs aumônes la providence du pays. A preuve le procès-verbal des dégâts causés à l'abbaye par un terrible cyclone, qui s'était abattu les 4 et 5 octobre 1765 sur la région

(1) Archives du Finistère, 4 H 13
(2) Histoire de Marmoutier, publiée par M. l'abbé C. Chevalier, tome II, p. 397 et suiv.

de Plounéour-Ménez. Au cours d'une expertise faite dans la forêt en décembre de la même année, par un temps glacial, le procureur du monastère et ses auxiliaires aperçoivent Un jour « plusieurs hommes vieux et vieilles femmes suivis d'enfants, garçons et filles, au nombre de plus de quinze ... auxquels le sieur procureur d'office a demandé pourquoi ils voloient ainsi le bois. Ils ont répondu qu'ils n'avoient ny serpe ny outils coupants, que le bon Dieu leur avoit envoyé du bois en le renversant et cassant, et que messieurs les prieurs et religieux qui les fesaient vivre par leurs aumônes ne les livreroient pas à la justice, qu'ils ne craignoient pas qu'on les laissât mourir de faim ny de froid » (1)

L'hospitalité des moines était proverbiale et, au cours du XVIIIe siècle, les Morlaisiens se plaisaient à leur rendre visite, échangeant aimablement leurs ortolans contre les carpes des étangs de l'abbaye.

VII L'abbaye au XVIIIe siècle

En 1713, 1714, 1715 et 1722 (23 novembre), le sous-prieur du monastère était Sébastien Henry (2). Ce moine, originaire de Pontivy, avait fait profession au Relec le 31 mai 1681. Sa vie passée n'était pas sans taches. Procureur et cellerier dès 1691, il avait refusé de rendre ses comptes à la fin de 1692, et dû, en conséquence, résigner ses fonctions. Autorisé le 27 août 1693 à se rendre à Morlaix et à Roscoff, pour embarquer son frère sur un navire malouin, à condition de retourner le lendemain, il s'était attardé en route. Un religieux, François

(1) Archives du Finistère, Fonds de la justice du Relec, série B,
(2) Archives du Finistère, 4 H 20 et 67. D'après une note de M. le chanoine Peyron, dom Henry aurait été prieur en 1712.

Rufflet, envoyé à sa recherche le 6 septembre, l'ayait trouvé à Roscoff s'y livrant à « de grandes dépenses, et donnant de magnifiques repas à des officiers corsaires malouins ». Tous deux s'étant rendus à Morlaix, y avaient pris ensemble leur repas du soir au Pélican-neuf, mais dom Henry avait quitté vers dix heures de la nuit frère Rufflet, qui avait dû rentrer seul au Relec le lendemain (1). Plus tard nous le retrouvons sous-prieur du Relec.

En 1719, à la mort de David Nicolas de Bertier, la crosse abbatiale du Relec échut à François-Elie de Voyer de Paulmy d'Argenson, archevêque de Bordeaux. Le nouvel abbé portait d'azur à deux lions léopardés d'or passant l'un sur l'autre, couronnés de même. Fils de René, marquis d'Argenson, il était né à Paris le 22 septembre 1665. Il porta d'abord les titres de prieur de Saint-Nicolas de Poitiers et de doyen de Saint-Germain-l'Auxerrois. Nommé évêque de Dol 15 avril 1702, et sacré le 18 mars 1703, il se montra l'adversaire des jansénistes durant tout le cours de sa carrière épiscopale. Il siégea aux Etats de Bretagne en 1705, et fut député vers Louis XIV, mission dont il s'acquitta à la satisfaction générale. L'année suivante il était nommé abbé commendataire de Preuilly. De Dol il fut transféré à Embrun en 1714, puis à Bordeaux en 1719. Pourvu de l'abbaye du Relec en 1719, il mourut le 25 octobre 1728 (1).

Au Relec, il fut remplacé par Antoine Charpin de Génetines . Sacré évêque de Limoges le 23 janvier 1707, ce prélat devint abbé du Relec en 1729, année où il se démit de son évêché. Né à Saint-Romain en Forez, d'une ancienne famille, Antoine de Génetines prit ses degrés en théologie, fut nommé chanoine comte de Lyon et exerça à Saint-Flour, les fonctions de vicaire général de Joachim d'Estaing. Pendant plus de vingt ans il

(1) Archives du Finistère, 4 H 15 et 67.
(2) Sous son abbatiat, Louis Bourgouin fut prieur du Relec en 1724.

gouverna avec sagesse le diocèse de Limoges, et se fit aider, sur la fin de son épiscopat, par un suffragant, Charles de La Roche-Aymon. Devenu abbé du Relec après sa démission, il continua de jouir des revenus des abbayes de Saint-Flour et de la Creste, diocèse de Langres. Il mourut à Paris le 21 juin 1739.

Déjà prieur du Relec en 1716 et 1718, Jean-Bernard Bouhier, docteur en Sorbonne, le fut encore sous l'abbatiat de Génetines, en 1729, 1733 et 1739 (1).

A Charpin de Génetines succéda Pierre-Hippolyte Du Vivier de Lansac, du diocèse d'Achez, licencié en théologie, ancien agent du clergé de France, chanoine et comte de Lyon et conseiller du roi. Nommé abbé du Relec en septembre 1740, il mourut en 1784.

Pierre Ruffin fut commissaire de l'abbaye en 1741. Claude-Joseph Baudigné exerça les mêmes fonctions en 1762.

Nous savons d'autre part que la dignité de prieur appartint à Jérôme du Paguet-Delorme en 1743, 1745, 1746, 1749; à François Taupenot, bachelier de Sorbonne, en 1762, 1765, 1767 et 1772; à Claude Baudigné (1776) (2); à Pierre Guillemin le 16 juin 1780 (3).

Le 27 septembre 1741, Du Vivier de Lansac fait un bail à vie avec les religieux du Relec, représentés par dom Pierre Ruffin, supérieur commissaire de l'abbaye. En vertu de ce contrat, il versera annuellement aux moines la somme de 12.300 livres, payable par quartier à partir du 1er janvier 1742. Il prend à son compte les décimes ordinaires et extraordinaires, capitations, subventions, dons gratuits et autres taxes ecclésiastiques, tant qu'elles n'excèderont pas 1800 livres par an.

(1) C'est lui sans doute qui, vers la mi-octobre 1739, fut incarcéré à Lesneven avec le sous-prieur et le procureur de l'abbaye, pour avoir enterré clandestinement un moine (Archives de Lesquiffiou).
(2) Archives du Finistère, 4, H 11
(3) Ibid., 4 H 30 .

Les moines, de leur côté, se chargent de l'entretien du monastère, des menues comme des grosses réparations, à la réserve des cas où le dommage aura été occasionné par le feu du ciel, les gens de guerre ou l'incendie. Si le seigneur abbé vient les visiter, ils devront le loger et le nourrir, lui, ses domestiques et ses chevaux, quatre jours de l'année. Dans les coupes de bois extraordinaires, deux parts sont attribuées à l'abbé, une seule aux religieux.

Le contrat fut confirmé le 8 novembre 1741 par Andoche Pernot, abbé de Cîteaux (1).

L'abbaye fut l'objet, en 1774, de travaux importants dirigés par un certain Jacques Piou, ingénieur des Ponts et Chaussées, le même qui deux ans plus tôt avait surveillé la reconstruction de l'abbaye de Vieuville. diocèse de Saint-Malo, et devait, en 1782, restaurer l'abbaye de Coatmalaouen (2). Il s'agit probablement, pour le Relec, de la reconstruction des grands bâtiments qui bordaient la cour d'honneur du monastère.

En 1784, à la mort de l'abbé de Lansac, l'abbaye fut affectée aux économat. Deux ans plus tard, en décembre 1786, ses héritiers réclament ce qui leur revient d'un bail qu'il a conclu avec les religieux le 30 avril 1777. Le 27 septembre 1790, la requête est transmise au district de Morlaix. Considérant: 1°) que par ce bail, les moines s'étaient chargés des réparations incombant à l'abbé; 2°) que la Nation est seule chargée des réparations au monastère du Relec, le Directoire du district, ordonne 1°) que l'économe qui avait mis sous séquestre la somme prévue dans ladite succession pour réparations, la mette aux mains des héritiers; 2°) qu'une copie de cet arrêté

(1) Archives du Finistère, 4 H 16.
(2) D'après les notes de Jean des Bouillons sur l'excursion de la Société archéologique d'Ille-et-Vilaine du 11 juin 1912 (Tiré à part des Mémoires, p. 15)

soit remise aux héritiers, et une autre à Dubois, aîné, directeur des économats à Landerneau (1).

VIII De la Révolution à nos jours

Le dernier prieur du Relec fut dom Verguet.

Claude François Verguet naquit le 28 mars 1744 à Saint-Christophe-de-Champlitte, au diocèse de Dijon, de l'union du docteur en médecine Samson-Gabriel Verguet et de Marguerite-Rose de Loyauté. Entré chez les Cisterciens, puis profès de Cîteaux, il devint en 1770 prieur de la Frenade, en Saintonge, et en 1784 prieur du Relec. Un régiment de cavalerie ayant séjourné dans le voisinage de son monastère, il en nourrit, dit-on, gratuitement les soldats; ce qui lui valut d'être recommandé par Louis XVI aux autorités de son ordre, dont il devint à bref délai, vicaire général.

Le 22 septembre 1787, il procéda à l'installation de Mme de Kergus, abbesse de Kerlot à Quimper. Elu en septembre 1789, avec le fameux Expilly, député du clergé de Léon à l'assemblée nationale, il y prononça, le 17 décembre, un beau discours en faveur des ordres religieux. Voici en résumé les considérations qu'il soumettait à ses collègues:

Les communautés religieuses reçurent longtemps le tribut d'éloges que tous les citoyens rendaient à leur institut, et la critique la plus sévère ne disputera pas aux cloîtres d'avoir produit et de renfermer encore des hommes dont le mérite perce à travers l'obscurité dont ils s'enveloppent, et que leurs ouvrages portent à la célébrité. Faut-il supprimer les ordres

(1) Archives du Finistère, Délibérations du Directoire du Département, n° 16, 15 janvier 1791, fol. 121.

religieux, parce que la discipline s'y est relâchée, et qu'ils seraient donc désormais devenus inutiles? Mais cette déchéance relative est le fait de toutes les classes de la société. Pourquoi, au lieu de déraciner l'arbre, ne pas l'émonder, le cultiver? Le supprimer serait attenter à l'inviolable propriété de la personne humaine. Les voeux par lesquels les moines se sont liés ne sont-ils pas un acte de leur volonté libre, contracté sous la protection de la loi et autorisé par elle?

C'est toul-à-fait à la légère que le comité chargé d'examiner les ordres religieux les taxe de relâchement accéléré et conclut à leur suppression. Il faut observer, au surplus, que le traitement assigné par ce comité à tous les religieux est insuffisant et offre des inconvénients du plus grand poids. Ces religieux, sortis du cloître, seront à la charge de leurs parents. Et puis, arrachés à leur état, séparés de leur frères, exclus de toute influence dans les affaires publiques, ils n'apparaîtront dans l'opinion publique que comme des citoyens dégradés et avilis.

Et voici la conclusion de l'orateur:

Il faut: 1°) Que les ordres religieux soient conservés et destinés à l'éducation, au soulagement des malades et au progrès des connaissances humaines;

2°) Que ceux qui ne voudraient pas continuer la règle qu'ils ont choisie sans connaître la force et la durée de leur engagement, soient autorisés à réclamer;

3°) Que l'émission des voeux soit portée à l'âge où la maturité aura laissé à la réflexion le temps de préparer cette importante résolution, et que les élèves qui se destineraient à ce genre de vie ne soient tenus qu'à la subordination qui n'enchaînerait pas leur liberté ;

4°) Que le code d'éducation dont l'assemblée doit s'occuper, soit le seul qu'il soit permis de suivre dans les maisons qui seraient spécialement employées à l'éducation publique;

5°) Que si l'assemblée prononce la suppression des ordres religieux, la pension accordée aux Célestins et aux Antonins

serve de règle et de traitement à tous les religieux sans distinction, autant que la masse des biens pourra le permettre, sauf à augmenter jusqu'à ce taux, ceux qui n'en jouiraient pas, à mesure que l'extinction successive des religieux en laissera la possibilité ;

6°) Enfin, que les religieux supprimés soient établis dans tous les droits des citoyens et, comme tels, admis aux fonctions administratives, lorsque l'estime etla confiance les auraient honorés de ce choix (1).

Le même jour, I7 décembre 1789, le prieur du Relec prononça un autre discours sur les traitements des ordres religieux en cas de suppression (2).

Dom Verguet eut la faiblesse de prêter serment à la Constitution civile du clergé et d'accepter le titre de vicaire général de l'évêque assermenté de Langres. D'abord curé d'une paroisse, il jeta le froc, devint président de l'administration cantonale à Montarlot, puis en 1800, sous-préfet de Lure. C'est à Montarlot qu'il acheva sa carrière, le 9 mars 1814 (3).

Vers la mi-février 1790, l'Assemblée nationale décréta que la loi ne reconnaîtrait plus de voeux monastiques solennels et supprima les ordres religieux où ces voeux étaient émis. En leur accordant une pension, on laissait le choix aux religieux de sortir de leur couvents ou de se réunir dans des maisons communes désignées à cet effet.

Trois mois plus tard, le 19 mai, les municipaux de Plounéour-Ménez se présentaient à l'abbaye du Relec pour en dresser l'inventaire. Ils visitèrent successivement la salle à • manger, le salon de compagnie, une chambre voisine du

(1) Archives Parlementaires de 1787 à 1860. Première série, 1787- 1799, tome X, page 640 et suiv.
(2) Ibid., p. 646-647. Pour d'autres interventions d'ordre secondaire, voir tome XI, p. 326, 644; tome XXIII, p. 676 et suiv.
(3) Cf Kerviler, Cent ans de représentation bretonne, Paris, Perrin. Première série, p. 161.

salon, les quatre chambres de l'hôtellerie, un appartement au-dessus du salon, la chambre du prieur, une chambre située sous la bibliothèque et les huit chambres du dortoir. A l'écurie, ils trouvèrent 5 chevaux et, dans l'étable, 21 bêtes à corne. Les religieux étaient au nombre de quatre au monastère: Claude Verguet, prieur, profès de Cîteaux, 46 ans; Jean-Baptiste-Bernard Desforges, profès du Relec, 70 ans; Thomas-Marie Barbier, profès du Relec, 44 ans; Casimir Huaut, profès de Cîteaux, 43 ans, faisant fonction de procureur. Interrogés sur le point de savoir s'ils doivent quitter leur maison ou y rester, les moines répondent aux municipaux qu'ils ne peuvent prendre de décision, vu que l'assemblée nationale n'a pas encore fixé l'époque ni le mode de paiement des pensions, ni le nombre de religieux dont chaque maison commune sera composée. Avant de se retirer, les enquêteurs déclarent dans leur procès-verbal que les bâtiments de l'abbaye « tombent en ruines de vétusté» et seraient insuffisants à abriter un bon nombre de religieux.

Le 22 septembre 1790, Verguet, à Paris, prêtait serment à la Constitution civile du clergé; deux de ses moines, Barbier et Desforges, suivirent son exemple au début de 1791.

Le 21 janvier de la même année, un inventaire estimatif du mobilier de l'abbaye fut établi par Laurent Lelamer, administrateur du district de Morlaix, et François-Marie Le Dissès, procureur syndic. Un clavecin qui se trouvait dans l'antichambre du prieur demeura hors de l'inventaire, réclamé qu'il fut par dom Germain, religieux à Saint-Aubin-des-Bois; ce moine l'avait acquis de ses deniers, pendant un séjour antérieur à l'abbaye du Relec.

Cinq jours plus tard se présenta au monastère le citoyen Souvestre, chargé de faire l'inventaire des immeubles. Le procès-verbal qu'il dressa à cette occasion nous fournit maint détail intéressant. On en trouvera plus loin un aperçu.

MM. Briant et Floc'h, recteur et vicaire de , Plounéour-Ménez

avaient refusé le serment à la Constitution civile du clergé. Le premier, arrêté le 7 juillet 1791, fut incarcéré aux Carmes de Brest, et remplacé par un intrus du nom de Pacé. Celui-ci, d'accord avec le Conseil municipal de Plounéour, écrivit le 24 juillet au district de Morlaix; pour le remercier d'avoir conservé le culte en l'abbaye du Relec:

1° La municipalité et le dit curé remercient les messieurs du Directoire du dit Morlaix d'avoir suspendu l'adjudication de l'église de la ci-devant abbaye du Relleq.

2° Vu l'utilité, pour ne pas dire la nécessité, d'une chapelle dans un canton si éloigné, ils demandent à la justice de ces messieurs que cette église leur soit laissée pour la commodité de la partie du peuple de Plounéour-Ménez à laquelle il seroit presqu'impossible de se rendre aux offices du bourg paroissial.

3° Que pour le service du culte, il seroit laissé dans la dite église au moins deux calices, quatre ornemens, quatre aubes, et les autres livres et ustensiles nécessaires pour le service du culte.

4° Qu'ils ne veulent rien demander de ce qui , pourroit d'ailleurs être vendu au profit de la nation; le Conseil général et le dit curé espèrent que les dits messieurs du district auront la bonté de leur laisser celte église ornée de façon à attirer les paroissiens et à ne point les éloigner de l'office divin.

5° Que leur confiance en la justice de ces messieurs est si grande, qu'ils espèrent être favorablement écoutés : et que les messieurs du département après une pétition si juste et si nécessaire, ne seront point d'avis contraire.

Fait et arrêté en la chambre des délibérations, les dits jour et an ...

Suivent les signatures du maire, du curé et des conseillers municipaux de Plounéour-Ménez.

Lors de la vente du mobilier de l'abbaye, le 20 février, le district de Morlaix avait installé, comme fabriques, gardiens de l'établissement, deux habitants du Relec, Jean Du Beau et Vincent Le Damniet. Il s'agit, disait-ii, « d'éviter toute émeute dont le genre se fit sensiblement sentir ces jours derniers, lorsqu'on sut au pays que l'église de Notre-Dame du Relec allait être dépouillée de son mobilier et de sa décoration.

On remit aux deux gardiens la clef du tronc aux offrandes et « ainsi, note le district, l'office divin pourra être continué, c'est-à-dire la messe pour la dévotion et la commodité publique de tous les fidèles du canton ».

Le 14 août, veille du « pardon, Pacé, accompagné de dom Barbier, demande aux personnes chargées des offrandes de mettre à part celles des 13, 14 et 15 août. Mais voici qu'interviennent Du Beau et Damniet ; ils s'y opposent de façon scandaleuse et insultent les deux prêtres. Ceux -ci s'adressent alors à la municipalité, la priant de réparer le scandale et de faire percevoir les offrandes par Yves Pouliquen, procureur de la commune.

Le 15 août, les municipaux se rendent à la sacristie, accompagnés de Pouliquen, et somment Le Damniet de lui remettre tout l'argent perçu. Peine perdue : Le Damniet s'y refuse.

Huit jours plus tard, le 23 août, Du Beau et Le Damniet adressent une plainte au district contre Barbier et la municipalitè de Plounéour: On gardera le silence, observent-ils sur les milliers d'ardoises qui ont disparu du Relec et qui appartenoient à l'église, et on se donnera bien de garde de parler du tort qu'on fit à la Vierge le jour du pardon de saint Bernard, le 2l août, en fermant les deux bouts du dortoir où se trouve la sacristie haute, qui renferme la sainte image de la Vierge que l'on ne peut exposer en l'endroit ordinaire dans l'église, pour exciter le peuple aux offrandes».

Dans la nuit du 24 au 25 aoùt, nos deux gardiens pénètrèrent dans l'église par le cloître. Sommés le 25 au matin par la municipalité de montrer leurs pouvoirs, ils s'y refusent. Celle-ci décide alors d'apposer les scellés sur la porte de la sacristie, où se trouvent les objets les plus précieux du monastère.

Le 29, Jacques Quéinnec, délégué du district, arrive au Relec, accompagné de Pacé et de deux municipaux de Plounéour.

Ils y convoquent Du Beau et Damniet. Convoqué lui aussi, dom Barbier est obligé de se retirer sous les menaces de la population.

Nous sommes entrés dans l'église, observe Quéinnec, accompagnés d'un cortège de guet-apens, que nous n'avons pu écarter ni, par prières ni par sommations». Quand ils pénétrent dans la sacristie haute, Damniet y ouvre l'armoire où se trouvait l'argenterie inventoriée par le district. Entrés dans un autre appartement, Quéinnec et ses auxiliaires doivent s'y enfermer sous clef, pour garantir contre la population la sécurité de leurs personnes. Ayant reçu les comptes de Damniet et Du Beau, ils leur en donnent décharge et nomment Yves Pouliquen comme dépositaire provisoire.

Le 7 janvier 1792, les citoyens Vazel et Quéinnec, délégués du district de Morlaix, firent descendre quatre des cloches de l'abbaye; mais, devant l'hostilité de la foule, ils durent laisser en place la cinquième qui était la plus grande.

Pour la faire descendre, ils revinrent quelques jours plus tard, accompagnés de trois gendarmes. Les deux opérations coûtèrent 87 livres (1).

Après la suppression de l'abbaye, en 1793. le Relec n'était plus qu'un désert» comptant « à peine 25 à 30 individus ». Le 26 décembre de cette année, ]a municipalité de Plounéour demanda le transfert au bourg des foires et marchés de la paroisse qui, au cours du XVIIIe siècle, se tenaient au Relec. Ce transfert sera réalisé en 1810 (2).

Plus tard, en 1819, la municipalité de Plougonven donnera un avis favorable au rétablissement des anciennes foires du Relec « par la raison qu'au Relec se touchent les extrémités des trois anciens évêchés de Tréguier, Léon et Cornoùail1e.

(1) Archives du Finistère, Lv. District de Morlaix, clergé et communautés religieuses. (2) Ibid., série L, foires et marchés (note de M. H. Waquet).

que ce lieu central avait l'avantage de réunir un concours plus qu'ordinaire de vendeurs et acheteurs, et que l'ancienne antipathie entre les Trégorrois et les Cornouaillais d'une part, les fiers Léonards de l'autre, diminuerait sensiblement par la réunion des trois évêchés aux foires du Relec (1).

Le 13 ventôse an II (3 mars 1794), les bâtiments de l'abbaye furent acquis par un honorable commerçant de Morlaix, M. André Le Hénaff (2). Il restaura l'église et, à l'issue de la révolution, la restitua au culte.

En 1827, Mme veuve Le Hénaff, née Lamendour, eut l'idée de rendre le monastère à sa destination première et d'y appeler des Trappistes de La Meilleraie, mais son projet n'aboutit pas (3).

Vers 1850, l'abbé de Léséleuc, missionnaire apostolique du diocèse de Quimper, plus tard évêque d'Autun (4), fait des démarches pour l'acquisition du Relec, en vue de ressusciter l'oeuvre de Malestroit, fondée par Jean-Marie de Lamennais. C'était là, pour des prêtres d'élite, une école de haute science ecclésiastique. Dieu ne permit pas la réussite du projet et, en 1855, Mme Le Frère, petite-fille de M. Le Hénaff, installa dans l'ancienne abbaye une communauté des Filles de la Croix. Après le départ de ces religieuses, en 1876, la pieuse dame fit refaire complètement la toiture de l'église.

A sa mort, en 1885, M. de Kervenoaël, qui avait épousé une demoiselle Lamendour, hérita de ses biens. De concert avec lui, l'abbé Jouve, recteur de Plounéour, entreprit intelligemment, en 1894, la restauration de la vénérable église abbatiale. Il refit les lambris du chevet et du transept, fit gratter

(1) L. Le Guennec, Notice sur la commune de Plougonven, p. 178.
(2) M. Le Hénaff acheta aussi une partie de la forêt du Relec, le 13 thermidor an II (31 juillet 1794) et le 23 octobre 1809.
(3). Archives de l'Evêché de Quimper.
(4) Cf. Vie de Mgr de Léséleuc, par M. le chanoine Le Roy, Bulletin diocésain d'histoire et d'archéologie, 1928-1932.

le badigeon et dégager le bel appareil de pierres. Par ses soins, deux ans auparavant, la tour avait été enrichie d'une nouvelle cloche dont le parrain fut J.-M. Linguinou et la marraine Anne-Françoise Joncour.

La cour du monastère était encadrée de bâtiments parmi lesquels on remarquait, à l'ouest, le manoir abbatial, décoré de six lucarnes de pierre à frontons arrondis, et, dans la partie nord, regardant les jardins et l'étang, un vaste édifice qui était l'ancienne hôtellerie. Cette dernière construction fut partiellement détruite par un incendie en 1902 et rasée neuf ans plus tard, en même temps qu'une autre maison attenant au pignon ouest de l'église et que Mme Le Frère avait fait bâtir pour les Filles de la Croix. Cette maison fut remplacée par un édifice, au nord de l'église, qui était naguère l'habitation d'Anne-Marie Talidec, la pieuse et dévouée gardienne du vieux monastère (1). Dans la façade sud, on voit encastrées deux inscriptions: d'une part, M 1693 P; d'autre part, BATI 1698. La première de ces inscriptions provient de l'ancienne hôtellerie.

M. l'abbé Manchec, devenu recteur de Plounéour en 1909, fit aplanir et planter l'emplacement de l'ancien cloître et nettoyer les abords de l'église.

M. le chanoine Mikaël de Kervenoaël, curé-doyen de Pleyben et propriétaire actuel de l'ancienne abbaye, maintient la tradition paternelle et veille avec grand soin sur le vénérable monument confié à sa garde. Récemment, il a dégagé du côté sud l'église de Notre-Dame, que l'on peut désormais contourner aisément.

(1) Celte bonne personne qui fut au service de Mme Le Frère depuis 1873, était récemment encore la fidèle servante de M. le chanoine de Kervenoaël. Elle a reçu, il y a trois ans, la médaille de vermeil décernée aux vieux serviteurs de l'Eglise.

2e PARTIE LE TEMPOREL DE L'ABBAYE

I La constitution du temporel

L'abbaye du Relec constituait une seigneurie, et, à ce titre, bénéficiait d'un patrimoine séculier, d'un « temporel ). Ce temporel se forma et s'accrut peu à peu dans la suite des siècles, grâce aux libéralités des ducs de Bretagne, fondateurs de l'abbaye, des comtes et vicomtes de Léon, et des seigneurs de Penhoat.

Le duc Conan III, fondateur du monastère, lui apporta sans doute une riche dotation. Plus tard, le 4 septembre 1403, le duc Jean V accorda aux moines du Relec franchise de tout droit pour l'issue et l'entrée des vins que les abbés et couvent feront venir « pour leuT éconnoment et garnison de l'abbaye, comme pour l'entrée et la sortie de leurs blés » (1).

Ils tenaient des prédécesseurs de Jean V le droit d'avoir une foire, le dimanche après la fête de saint Matthieu, « au village de Saint Raoul en la paroesse de Brazperz » (2). Sur leur demande, motivée par le respect dû au dimanche, Jean V les autorisa, le 13 avril 1406, à transférer cette foire au mardi suivant, « le moustier estant de fondacion de nosdits predecesseurs. » (3).

(1) Archives du Finistère, H 1.2. -
(2) Saint-Rivoal, autrefois trêve de Brasparts.
(3) Blanchard, mandements de Jean V, tome I, n°268.

Les moines du Relec jouissaient également du droit de prendre du bois dans la forêt de Leztrézec, au château royal de Huelgoat, et ils utilisaient ce bois pour agrandir ou réparer les bâtiments de leur abbaye. Quelques officiers de Jean IV et du père d'Ollivier de Blois prétendirent leur supprimer ce droit d'usage. Les moines protestèrent, d'autant qu'il y avait urgence à restaurer leur établissement victime d'un incendie. Jean IV nomma des commissaires pour procéder à une enquête; mais rien n'aboutit de par l'obstruction des officiers du père d'Ollivier de Blois. Là-dessus, de nouveaux commissaires sont nommés par Jean V; mais, comme les nobles sont peu nombreux dans le pays, et que ceux qui ont connu l'ancien état de choses sont morts , et que les jeunes ne peuvent se mettre au courant de la situation, les religieux demandent que l'on se rapporte à des gens dignes de foi, bien que n'étant pas nobles. Ils produisent donc des témoins et ceux-ci attestent que depuis fort longtemps ils jouissent de « boys a merrain dans la forest de Leztrezec, d'entre l"arbre appelé l'Arbre Chargeresse et la grange de ladite abbaye qui est du costé devers Morlaix ». Ces franchises étaient d'ailleurs signalées dans des lettres brûlées lors de l'incendie du dortoir de l'abbaye, et avaient été octroyées aux religieux en compensation d'une foire que l'on avait transférée du Relec au Huelgoat, et qui s'appelait toujours « la foire du Relec ». Jean V, en 1422, agrée la requête des moines, et leur confirme le droit de merrain en la forêt de Leztrézec, « sans en payer aucun martellage». Il les autorise également à y faire paître leur bétail (1).

Le 17 janvier 1443, François Ier, duc de Bretagne, à la requête des moines du Relec, accorde « au moutier de N.-D. du Relec fondez de nous et de nos predecesseurs» le droit de prendre du bois dans la forêt de Leztrézec, (attendu les

(1) Blanchard, op. cit., tome II, nO 1549.

grandes nécessités qui sont en ladite abbaye de réparations, tant de maisons arsées que d'autres chéétes en ruines par defaut de ce qu'ils n'ont pas joui de ce qui est dit sur la supplication ». Ce bois leur servira aux réparations de l'abbaye et des moulins adjacents à « la grange qui est du costé de Morlaix et pour réparation de leurs clochers ». Les religieux pourront faire paître gratuitement leur bétail dans la forêt de Leztrézec, et ils jouiront du droit de merrain « pour les reedifications et reparations de ladite abbaye, moulins et pressoirs adjacents d'icelle et de la grange sans payer aucun martellage ».

Signé par le duc et son conseil, l'évêque de Saint-Brieuc, l'abbé de Redon, le sire de Ploec, l'archidiacre de Léon, les sénéchaux de Nantes et de Moncontour ... (1).

Le 3 février 1444, François Ier, confirme les lettres de concession aux religieux d'une foire au bourg de Plounéour-Ménez, le jour de la fête de saint Laurent.

Avec les ducs de Bretagne, les seigneurs de Léon furent aussi d'insignes bienfaiteurs de l'abbaye.

En la fête de sainte Lucie 1277; Hervé-Salomon de Léon, sans doute Hervé V, accorde au monastère du Relec le tiers de ses terres et redevances, de ses possessions en dîmes et en bois, en prés. moulins, étangs, biens féaux, terres taillables et franches et autres meubles et immeubles, existant dans les paroisses de Ploebennoc (Plabennec), Ploelan (Guiclan) et Ploebenon (Plouénan), au diocèse de Léon (2).

En février 1279, le duc Jean Le Roux confirmait celte donation, ainsi qu'une autre faite par Hervé, seigneur de Lesquellen, fils de Hervé de Léon, chevalier (3).

Un accord passé le 29 juin de la même année entre Yves abbé du Relec et Hervé IV de Léon, seigneur de Châteauneuf,

(1) Archives du Finistère, 4 H 12.
(2) Dom, Preuves tome I, col. 1044,.
(3) Ibid ., col. 1050.

nous apprend que Hervé-Salomon de Léon avait cédé à l'abbaye certains droits dans les paroisses de Ploelen (Guiclan), Ploenaourq (Plounéour-Ménez) et Plouenouven (Plouénan). Hervé de Châteauneuf précise que le monastère ne jouira que de la tierce partie de ces droits, mais en compensation, il y ajoute quelques autres biens.

En 1284, le couvent du Relec vend à Guillaume, seigneur de Lohéac, au prix de 1500 livres de monnaie courante, les biens qu'il a reçus de Hervé de Lesquellen (1).

En 1310, la cour ducale de Lesneven tranche divers litiges entre Hervé VI ed Léon, chevalier, sire de Noyon, et le monastère du Relec. Les religieux réclament cent sous de rente en compensation d'une terre nommée le Courtil aux Amoureux, située en Sizun Ils demandent que leur soit garanti leur droit de pêche en Lanneevent (Lanneufret), dans la forêt de Ploebenoen (Plouénan), qu'ils puissent cueillir une dîme temporelle en la paroisse de Ploeyberrivaut (Pleyber-Christ) (2), qu'ils ne soient nullement inquiétés par Monsieur Hervé à propos de la foire du Relec et des chemins qu'ils avaient clos dans le voisinage du monastère (3). Signalons l'un des arrêts de la Cour: « Et pourra ledit Monsour Hervé lever, courre, parcourre et chacier en tous les bois aux dits religieux en la dite paroisse de Ploeneor, qui ne sont ou ne seront clos de murs de pierre de telle hauteur comme les autres pars entour l'abbaye, sans couper le bois ne avoir seigneurie, sauf nostre-droit et notre seigneurie ... » (4).

En 1392. les moines du Relec donnent au vicomte de Léon un homme vivant et mourant (5).

(1) Dom Morice, Preuves . .. Tome I, col. 1071. -
(2) Abbé Calvez, Pleiber-Christ, p. 4.
(3) Il s'agit peut-être de la constitution du « Grand Parc» dans le voisinage de l'abbaye.
(4) Dom Morice, Preuves ... , tome I, col. 1128-1130.
(5) Les biens de l'abbaye étaient de ceux qu'on appelait de main-

Comblée de faveurs par les comtes et vicomtes de Léon, l'abbaye du Relec bénéHcie également des droits que lui octroient les seigneurs de Penquoët ou Penhoat en Saint-Thégonnec (1).

En 1235, Guillaume du Penhoat accorde aux moines le droit de libre acquisition en ses biens féodaux et arrière-féodaux. Il confirme leurs possessions actuelles et interdit à ses héritiers de changer quoi que ce soit à ces dispositions. Hervé du Penhoat confirmera à son tour, en 1300, « toutes les terres, possessions et saisines que les religieux, abbé et couvent ont acquis jusqu'à ore par quelques titres et manières que ce soit es fées du dit Monsieur Guillaume et de ses erriere fées » (2).

Le 3 mars 1422, le seigneur, du Penhoat cède au monastère certaines terres et convenants du vil1age de Lanhiric en Plounéour (3).

Plus tard, le 3 février 1444, par un contrat passé avec Hervé Kerliviric, procureur de l'abbé et des religieux du Relec, Jean du Penhoat, qui s'opposait à la foire que tenaient ceux-ci à Plounéour en la fête de Saint-Laurent, sous prétexte qu'elle nuisait à sa foire de Plouescat, renonce à ses prétentions (4).

Outre les donations dont fut l'objet l'abbaye du Relec, les

morte, c'est-à·dire non sujets à mutation. Or, pour ne pas frustrer le seigneur dont elle relevait des droits acquis à chaque mutation de vassal. l'abbaye était tenue de lui désigner un particulier, à la mort duquel le seigneur pouvait percevoir les droits qui lui appartenaient. C'était ce que l'on nommait l'homme vivant et mourant.

(1) Le château de Penhoat, situé à l'extrême pointe Nord de SaintThégonnec fut détruit pendant la Ligue, mais on en voit encore deux tours du XIIIe siècle et quelques pans de murailles. Les barons de Penhoat se prétendaient cadets des vicomtes de Léon, Leur fief s'étendait sur six ou sept paroisses. Cette famille, connue depuis le XIIe siècle, s'est fondue dans Rohan-Gié.
(2) Dom Morice, Preuves..., tome I, col. 894
(3) Archives du Finistère, 4 H 3
(4) Ibid.

textes signalent quelques échanges entre elle et d'autres monastères. En l'an 1184, l'abbaye de Marmoutier cède à celle du Relec sa terre de Lanvan-Ploherin, à condition que le Relec, chaque année à Noël. paie cinq sous au prieur du monastère de Saint- Martin de Morlaix. (1).

En avril 1233, Pierre Mauclerc, duc de Bretagne, confirme un échange entre les abbayes de Daoulas et du Relec. La première cède à la seconde toutes les dîmes qu'elle tenait des ducs dans la paroisse de Sizun, et un bien possédé par Tangui Le Clerc, petit-fils de Tangui Pen, de Landerneau. Par contre le Relec cède à Daoulas une maison de La Trinité voisine du bourg de Daoulas, toutes ses dîmes en Irvillac et la propriété entière de Kermadiou en Plougastel (2).

Du fait de ces diverses libéralités venant des ducs de Bretagne, des comtes de Léon et d'autres seigneurs, le patrimoine de l'abbaye du Relec progressivement s'accroît. En 1330, elle est taxée à 30 livres en cour de Rome (3), ce qui suppose un assez joli revenu.

Au Moyen-Age, les domaines de l'abbaye étaient répartis en 4 subdivisions qui, au lieu de porter, comme sur les domaines cisterciens du reste de la France, le nom de granges, étaient connues sous le vocable de pièces. En trois de ces pièces, les possessions du monastère se groupaient autour d'un petit centre monastique d'où elles recevaient leurs dénominations. C'est ainsi qu'il y avait la pièce du Relec, la pièce de Plufur ou Manachty (maison des moines), dans la sénéchaussée de Lannion, aujourd'hui canton de Plestin, et la pièce de Languen ou Lanven en Saint-Vougay, diocèse de



(1) Dom Morice, Preuves . .. tome I, col. 699. Il s'agit de Lanven en Plourin-Morlaix, qui devint plus tard terre noble et appartenait au XVIIIe siècle à la famille de Coatarel, héritière des Kerlec'h de Kergadiou.
(2) Ibid., 879.
(3) Longnon, Pouillés de la province de TOUfS, 1883, p. 333.

Léon (1). Quant à la pièce d'Oultrellè, elle comprenait les biens situés pour la plupart au-delà de la rivière Elez (outre (l') Elez), qui prend sa source dans les marais de Saint-Michel. s'oriente vers le sud-est en séparant La Feuillée de Brennilis, Saint-Herbot de Loqueffret, puis se jette dans l'Aulne à Pont-Pénity, entre Collorec et Plouyé.

Un document important nous fixe sur l'aire géographique, au XVII siècle, des possessions de notre monastère: c'est l'aveu rendu au Roi, en 1641, par Mgr de Rieux. abbé du Relec (2).

Cette pièce énumère dès l'abord l'église du Relec, les bâtiments conventuels et de service, la forêt et divers parcs voisins de l'abbaye. Une mention spéciale est donnée au Grand Parc comprenant, aux diocèses de Léon et de Tréguier, des terres nobles, exemptes de dîmes et où l'abbé touche la quatrième gerbe. Neuf terres en font partie: Le Clos, Toulgoat, Quilliogos, Leingoat. Querminercho, An Iffernic, Toulancroas, Guiffiaouec et Le Plessix (3).

Le Relec possède juridiction et justice à 4 piliers, haute, basse et moyenne, avec auditoire et prison, s'exerçant au bourg de Plounéour, par sénéchal, bailli et lieutenant. Les biens de l'abbaye sont ensuite répartis par diocèses : Léon, Tréguier, Cornouaille.

LEON

1. Plounéour-Ménez. a) L'église, dont l'abbaye est fondatrice et supérieure, ayant droit à toutes les prééminences

(1) Vendu en 1563, Languen fut uni à la juridiction de Kerjean et il Oultrellé (Bourde de La Rogerie, Bull. de la Soc. archéol. du Finistère 1914, p. 33).
(2) Archives du Finistère, 4 H 23.
(3) Le Grand Parc s'étendait vers l'est jusqu'à l'ancienne route de Morlaix à Châteauneuf. Il était enclos (l'un mur appelé le Mur du Diable. Dans la croyance populaire, ce mur aurait été bâti par le diable en une seule nuit.

et prérogatives qui en dérivent. b) Le presbytère. c) La maison paroissiale qui sert comme chefrente à l'abbaye en la fête de saint Etienne « ung chappon deux oranges et deux citrons (1). c) L'auditoire, la prison et les poteaux de justice. d) Douze maisons, y compris la maison paroissiale. f) Dix-neuf villages.
2. Commana. a) Diverses possessions dans trois villages. b) Vingt-quatre terrains dans les montagnes.
3. - Sizun. Onze convenants,
4. - Plabennec. Cinq convenants.

TREGUIER

1. Plourin. a) Quatre moulins. b) Onze villages. au nombre desquels Le Cloître, où l'abbé a le droit de présenter pour le service de l'église un de ses religieux.
2. Plougonven. a) Quatre villages. b) Seize convenants dans les montagnes,
3. Manachty. Cette seigneurie a droit de haute, moyenne et basse justice, s'exerçant tant à Plufur qu'à la chapelle de la Trinité en Plounérin. Il faut noter ici: a) l'église paroissiale de Plufur avec prééminences. b) le manoir et ses dépendances. c) les moulins.· d) Quatre convenants.
4. Plounérin. Il y a dans la frairie de Treueza: a) la chapelle de la Trinité, dépendant du Manachty, où l'abbé a le droit de présentation du chapelain. b) la chapellenie de Kergrist et de Saint-Connay au village de Saint-Connay.- c) Quatre convenants.
5. Lannel (2). Plusieurs convenants en la frairie de Saint-Connay.
6. Guimaec. Quatre convenants. Nous trouvons

(1) Dans un aveu à l'abbaye de 1700, les fabriques se déclarent redevables de ces choses et en outre de 2 pots de vin, de 4 sols en pain: « payables au porche de l'église paroissiale ».
(2) C'est la paroisse de Lanvellec.

mention, à la suite de cette paroisse, de trente-huit chefrentes dues au Manachty.

7. Trédrez. -- a) La seigneurie de Locquemeau avec église et manoir. b) Six convenants et deux rentes.
8. Ploumilliau. a) Cinq convenants. . b) Vingt-deux chefrentes payables au manoir de Locquemeau.

CORNOUAILLE

1. Scrignac. a) . Manoir noble de Trénivel qui possède la chapelle de Saint-Corentin, où l'abbé du Relec a droit de présentation d'un chapelain. b) Trois villages, dont chacun compte trois ou quatre convenants.
2. Berrien. a) L'église, où l'abbaye fondatrice et su- périeure a des prééminences. b) Quelques maisons et moulins. c) Onze villages, dont chacun a plusieurs convenants. d) Dans la montagne, l'abbaye est créancière de vingt-trois personnes. e) Des rentes sont dues par quelques particuliers.

Il s'agit ensuite de Ja seigneurie d'Oultrellé.

I. Saint-Rioual. a) L'église, dont l'abbaye est fondatrice, où elle a des prééminences, avec droit de présentation d'un chapelain.· b) C'est ensuite un droit de foire le mardi avant la fête de saint Michel au Mont-Gargan. c) Quatre villages, dont Le Mouennec.
2. Loqueffret. Villages de Forchan et de Bleiquesfure.
3. Pleyben. Villages de Quilliegou et du Marros.
4. Gouézec. Trois villages (1).

Vient ensuite l'énumération de quatorze rentes anciennes sur maisons et jardins « en ville et faubourgs de Morlaix»,

(1) Hervé an Asset, receveur d'Oultrellé en 1471, mentionne pour cette pièce les tenues suivantes: An Moennec, Forhan, an Gouzannec, Blimguesfure, Gouezec, Pleyben, An Quilliegou (Arch. dn Finistère, 4 H 56).

puis d'aulres rentes dues par le couvent de Saint-Mahé (Saint-Matthieu et l'aveu prend fin avec la mention de neuf rentes en Plounéour-Ménez.

II L'exploitation du domaine

La quevaise (1)

Les possessions de l'abbaye du Relec furent, dès le début, assujetties à un mode spécial de tenure dénommé quevaise. Qu'est-ce à dire? La forme ancienne du vocable est quemais ; elle figure dans un texte du 21 juin 1434. Yvon Le Tanné, vicaire de Pontudé, dit au cours d'une déposition que les commandeurs éloignés depuis longtemps « baillerent et livrerent aux dicts predecesseurs du dict vicaire pour habitacion une maison... appelée en breton quemais en vicair... (2). D'autre part, Michel Sauvageau, dans ses observations sur la quevaise, mentionne la forme quemmais (3). En breton, quem ou kem a le sens d'échange, parité, égalité (4) et maes par contraction mès (prononcez maise) signifie « champ »,

(1) H. Hardouin, L'abolition de la quevaise au Relec (Bull. de la Soc. archéol. du Finistère, 1883), p. 53-80) Cette question de la quevaise, jusqu'ici mal connue, vient d'être éclairée par une importante étude de Mlle Jeanne Laurent (position des thèses soutenues par les élèves de la promotion de 1930 pour obtenir le diplôme d'archiviste paléographe, La quevaise). Un commentaire critique des conclusions de cette étude a été fait par M. H. Waquet, A propos de la quevaise, Un cas de communisme agraire en Basse-Bretagne du XIIe au XVe siècle. (Bull. de la Soc. archéol. du Finistère, 1930, p. VII-XII). Presque tout ce qui est dit ici de la quevaise s'inspire du travail et des notes de Mlle Laurent.
(2) Note communiquée par Mlle Laurent.
(3) Arrests et règlements... , par Noël du Fail, t. I, p. 228.
(4) Le Pelletier, Dictionnaire de la langue bretonne... , Paris, 1752. Cet auteur cite en exemple la phrase suivante: Ne d'eus ket a kem etrezo: Il n'y a pas entre eux de commune mesure !

Ne serait-ce pas l'étymologie du terme quemais ou quevaise égalité de champ? Chaque quevaisier recevait en effet la même portion de terrain; tous avaient des champs d'égale contenance.

Usité au Relec; le régime de la quevaise, au sens strict du terme (1), s'étendait également aux domaines de la commanderie de La Feuillée et de ses divers membres, ainsi qu'à une partie des possessions de l'abbaye de Bégar. Trois traits le caractérisent:

1° Le fonds appartient au seigneur, les édifices et superfices au tenancier.
2° Le tenancier perd sa tenure s'il l'a délaissée pendant un an et un jour.
3° Le dernier-né de la famille, fils on fille, hérite du quevaisier, à l'exclusion des collatéraux; c'est le droit de luveignerie, Si, d'autre part, il n'y a pas d'enfant, la terre, avec ses édifices et superfices ~ fait retour au seigneur; c'est le droit de reversion.

Dans ce régime de la quevaise, certains auteurs ont cru voir des traces de l'ancien servage (2). Mlle Laurent a bien montré qu'il n'en est rien. L'apparition de la quevaise au XIIe siècle coïncide avec l'établissement des Cisterciens et des Hospitaliers dans des terres arides, marécageuses ou occupées par des forêts. Elle est commandée par l'oeuvre de défrichement. Pour mettre les défricheurs en mesure d'aborder la culture dans de bonnes conditions, les moines cèdent à chacun d'eux, moyennant une rente de cinq sous et une géline, un champ d'un journal de terre. Le travailleur s'y installe avec sa famille, et c'est de ce champ clos, comme d'une « base d'opérations, qu'il va pouvoir s'élancer pour exploiter la terre indivise et sans clôture, appelée « terre de la dîme)), où tous jouissent

(1) Primitivement, le mot s'appliquait à toute sorte de tenure.
(2) Voir, par exemple, Duparc-Poullain, Principes du Droit français, t. I, p. 1OO

de droits égaux.

Les avantages du régime sont de nature à attirer des bras. A la différence du travailleur soumis au domaine congéable, le quevaisier est exempt, en effet, de droit de champart (I) et par surcroît, il ne peut être l'envoyé. Rien d'étonnant, d'ailleurs, à ce qu'il soit contraint de résider sur sa terre qui ne voit que, par une absence prolongée, il compromet l'oeuvre de défrichement? S'il s'en va, c'est qu'il est censé démissionnaire, et que, librement, il rompt le contrat. Il n'y a donc pas à ce propos à parler de servage.

Est-ce dans la pratique de la juveignerie ou de la reversion que l'on découvrira des survivances de l'ancien servage? Pas davantage. L'oeuvre de défrichement, il ne faut pas l'oublier, est au premier plan. N'est-il pas utile, dès lors que les enfants plus âgés, en mesure de s'établir, laissent la maison paternelle pour prendre à leur tour chacun sa quevaise? C'est donc par la force des choses que l'enfant le plus jeune prend la succession du père. Si, maintenant, le dernier-né de la famille meurt sans enfant, il est tout naturel que, dans l'intérêt du défrichement, sa quevaise fasse retour au seigneur pour être confiée à un hôte nouveau (2).

Tout alla bien jusque vers le XVe siècle. A ce moment, par suite de la diminution de la terre à exploiter, plusieurs quevaisiers, malgré l'opposition des abbés ou commandeurs, élevèrent des clôtures sur la terre de la dîme» et prétendirent s'attribuer ces quevaises d'un nouveau genre. L'envie s'en mêla et les procès se multiplièrent. Au Relec, en 1562, l'abbé Loys Le Bouteiller assimila les quevaises aux censives (3) et, quelques années plus tard, en 1575, l'abbé Henri Le DeufT . (1) Le champart (campi pars) était le droit que les seigneurs avaient de lever une certaine quantité de gerbes sur les terres de leur censive
(2) Tout ceci a été très bien expliqué par Mlle Laurent.
(3) Les terres à censive payaient au seigneur dont elles relevaient une redevance annuelle en argent ou en nature.

obtint du roi Henri III la conversion des quevaises en tenures à cens. Mais il advint que, du fait des guerres civiles, du décès de Le Deutf et de la négligence de ses successeurs, les lettres du roi restèrent sans exécution.

Dans la première moitié du XVIIe siècle, l'abbé René de Rieux s'appliqua à restaurer le droit de quevaise dans toute sa rigueur. Il obtint à cet effet, contre ses vassaux rebelles, des arrêts du Parlement de Bretagne (6 juillet 1606, 19 novembre 1609, 9 août 1618, 14 décembre 1619, 18 juillet 1620, 5 juin 1622, 19 août 1641, 19 janvier 1646), du Parlement de Paris (29 août et 7 septembre 1628), du siège royal de Morlaix (25 septembre 1606, 12 novembre 161O (1), 1O mai 1614, 6 aout 1620, 15 avril 1636, 27 juillet 1639, 11 janvier 1640) de la cour du Relec, (7 août 1611, 11 octobre 1639) (2). De par la sentence de 1611 les quevaisiers rebelles de Plounéour, Plourin, Plougonven et Scrignac sont priés, d'une manière prônale, par les prêtres de leurs paroisses, de comparaître devant le porche de l'église conventuelle du Relec « pour proceder au bail du devoir de la septieme gerbe à la maniere accoutumee. Ils se voient, au surplus, condamnés à 15 francs d'amende pour chacun de leurs convenants.

En 1643. Mgr de Rieux, qui suivait de près l'administration de son abbaye, fit faire une copie d'une enquête datant du 15 mars 1585. Voici un extrait de cette pièce: « Noble homme. maistre Ignace Corre, sieur du Cozker, demeurant ... en Morlaix ... dit que tous les convenantz tenus et despendantz de la dicte abbaye du Rellec, quelque part et en quelque paroisse qu'ilz soient, sont tenus audit titre de quevaise, fors et excepté ceux qui puis les dix ans en ça ont commué ledict tiltre en tiltre de sens et rachapt, suivant les lettres de permission a ladicte fin et arrest de la cour ... ». Ce qu'il faut noter ici,

(1) Arch. du Finistère, 4 H 62.
(2) Ibid., 4 H 66, 67.

c'est que René de Rieux, en sa copie collationnée, a fait souligner la première partie et non l'exception (1).

L'abbé de Pas de Feuquières, successeur de René de Rieux , adopta une tactique différente. Pour favoriser la conversion des quevaises en censives, il obtint du Parlement, en 1659 des lettres confirmant celles de 1575 (2). Un quevaisier de Guimaëc, Charles Boulanger, présenta aussitôt une demande de commutation qui nous fournit quelques détails intéressants sur le régime quevaisier.

1° Sont d'abord mentionnés les droits de juveigneurie (3) et de reversion.
2° Le quevaisier doit manoeuvrer sa quevaise sans absence dépassant un an et un jour.
3° Sans le consentement de l'abbé, il ne peut ni tenir deux quevaises ensemble ni constituer aucune charge sur la quevaise.
4° Sans avoir le droit d'endommager ni de couper du bois, il peut seulement émonder les arbres sur les talus.
5° Chaque année il doit ensemencer au moins le tiers de ses terres chaudes, et l'abbaye y touchera la 4e gerbe dans le grand parc et la 7e ailleurs. Quant aux terres froides, il doit y écobuer de temps en temps, afin que l'abbaye puisse toucher là-dessus son droit de champart. Les gerbes dues au monastère seront chargées et charroyées par lui, il devra les y « amulonner, les battre et les rentrer au grenier qui lui sera assigné à six lieues à la ronde ».
6° Les quevaisiers doivent moudre au moulin de l'abbaye; ils doivent s'entr'aider pour charroyer et loger les foins du monastère, ainsi que pour charger les matériaux destinés aux réparations des bâtiments de l'abbaye, des chemins, ponts et

(1) Arch. du Finistère, 4 H 62
(2) Ibid, 4 H 64.
(3) A la mort du père et de la mère, les meubles étaient partagés entre le juveigneur et les collatéraux (Arch. du Finistère, 4 H 62, enquête du 25 mars 1585).

moulins en dépendant.

7° Tout quevaisier est tenu aux charrois de vins et de bois destinés aux provisions de l'abbaye et il doit annuellement 20 oeufs, une journée de corvée à bras avec un saumurage. Le saumurage consiste à « aller une fois l'an à dix lieues loin de l'abbaye avec son cheval porter ou quérir une charge à ses frais », sauf que le quevaisier « aura une miche de pain à son départ et une autre à son retour ... ».

Au XVIe siècle, la vente des quevaises, tout comme les baux à terme, se font au chapitre des religieux, d'un commun consentement de l'abbé et des religieux et non séparément» (1). C'est ainsi, par exemple, qu'à Plourin, en 1593, les candidats à la quevaise du juveigneur Kermorgant, décédé, sont invités par trois bannies de trois dimanches subséquents à se rendre le dimanche 4 juillet au chapitre du Relec, à deux heures de l'après-midi. Ce jour-là, cinq hommes se disputent la quevaise ; elle est octroyée pour 100 écus aux deux frères Kermorgant (2).

En cas de réversion, les frères et soeurs ou autres parents du défunt ont le droit de prémesse, c'est-à-dire de préemption à des conditions plus avantageuses (3).

Si l'on rencontre deux quevaises tenues par le même individu (4), plus souvent rencontre-t-on une seule même quevaise partagée entre deux ou trois personnes (5). Nous avons trouvé le cas d'une demi-quevaise mise dans la corbeille d'une nouvelle mariée : le 5 juin 1665, Yvon Grall, à l'occasion du

(1) Arch. du Finistère, 4 H 61 (Copie du XVIIe siècle intitulée Anciens contractz et baulx de quevaise pour l'abbaye du Relec).
(2) Ibid., 4 H 94.
(3) Ibid, 4 H 62.
(4) Ibid., 4 H 23, fol. 36 recto.
(5) Contrat de baillée à titre de quevaise d'un demi-convenant à Yvon Cozden et Marie Quéméner, sa femme, au village du Cloître, 24 février 1581 (Arch. du Finistère, 4 H 80, n°51). Vente de 1/3 de quevaise, le 14 mai 1568 (Ibid. , 4 H 95).

mariage de sa fille Anne avec Hervé David, ajouta à son trousseau la mi-quevaise du Guyader au Brihou en Plourin (1).

En ce qui touche les corvées, notons quelques vieux droits. Au XVIIe siècle, l'abbaye fournissait des vêtements pour la corvée, et les femmes en couches des quevaisiers avaient droit à un pot de vin et à un pain. C'est ainsi que le 23 juillet 1583, dans l'aveu de sa quevaise, tenue au Brihou, Guillaume Madec « reserve les dresps faisantz lesdittes corvees accoustumes et o le pot de vin et pain lorsque sa ferne est en couches » (2).

Quelques années plus tôt, le 27 juin 1579, l'abbaye doit à Auffret Le Flamanc et consorts lorsque leurs femmes sont en couche d'enffant ung pot de vin et deux pains de froment ... » (3).

C'est à Morlaix, à Saint-Pol-de-Léon et à Châteaulin, que les quevaisiers allaient prendre le vin du monastère (4). Quand ils se rendaient à Morlaix, l'abbaye baillait à chaque charrette 20 deniers monnaies et 4 miches de pain. Pour la corvée de Saint-Pol-de Léon, il était dû 2 sous et 6 deniers monnaie (5). D'après un rentier de 1606, les corvées de vin et de bois, au lieu d'être faites comme les autres services, par chaque quevaisier, sont remplies en commun par les habitants d'un même village, ou même par deux villages voisins, quand ils sont de moindre importance (6). Le même document nous apprend que « ceulx des hommes qu'on fait venir faucher doivent demeurer exemps de toutz oeufz et corvees». Il nous donne, par surcroît, un renseignement intéressant: c'est que

(1) Arch. du Finistère, 4 H 76.
(2) Ibid., 4 H 76.
(3) Ibid., 4 H 77.
(4) Ibid., 4 H 62.
(5) Ibid.} 4 H 77.
(6) Ibid., 4 H 28.

les terres d'Oultrellé prétendent être exemptes des corvées d'oeufs et de saumurage.

Au lieu de la corvée en nature, l'abbaye se contente parfois de « l'apprécy», c'est-à-dire de sa valeur en argent. Voici le tarif présenté par le rentier de 1606 :

Un saumurage 20 sous
Une corvée 7 sous 6 deniers
Vingt oeufs 5 sous
Deux poules 15 sous
Un chappon 15 sous
Quatre pouletz de bois 24 sous
Six livres de beurre de nouvelle croissance 15 sous
Un charroi de vin 60 sous
Un charroi de bois 30 sous

Au XVIe siècle, le quevaisier acquitte également une corvée de charruage (1).

D'après une sentence du siège royal de Morlaix en date du 26 juillet 1776, les quevaisiers, pour les charrois, devront atteler quatre bêtes conduites par deux hommes robustes. La journée commencera à cinq heures en été, à quatre en hiver. Comme nourriture, les hommes auront du potage, du pain de mistillon et des viandes communes; aux bêtes on servira du foin, à moins que les quevaisiers ne se contentent de 20 sols par charrette, sans nourriture pour eux ou pour leurs bêtes. Pour le transport des « matériaux et pièces excessives» des roulettes ou chariots particuliers seront fournis par les religieux (2).

Au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, alors que la quevaise disparaît à peu près dans la commanderie du Paraclet et qu'elle s'estompe à Bégar, elle reste en usage au Relec malgré les

(1) Arch. du Finistère, 4, H 15 (Déclaration de quevaise du 26 juin 1541, pour Kergreiz en Plougonven, puis Aveux de 1579, 4 H 77).
(2) Ibid., 4, H 67.

mutineries des quevaisiers. Ces rébellions allaient parfois à la violence. Le cas se présentera par exemple, en 1727, Le siège royal de Morlaix avait condamné certains quevaisiers à acquitter leurs redevances. Sur leur refus, on veut procéder à la vente de leurs meubles. Mais c'est alors une émeute et ils ne parlent de rien moins que « d'exterminer tous les moines et de mettre le feu à l'abbaye.

Le 14 août 1727, le Parlement est obligé d'intervenir par un arrêt à publier dans les paroisses des rebelles, qui met les religieux sous la sauvegarde de la justice, et interdit à leurs vassaux de leur faire aucun mal, de s'attrouper et de porter des armes (1).

« Nous avons affaire là, note justement M. Waquet. à un cas comme il s'en voit tant d'autres dans l'histoire, où l'évolution du droit n'avait pas suivi celle des moeurs. L'enfant devenu homme conservait le vêtemeut qu'on lui avait donné à quinze ans. A quinze ans, il s'y était senti à l'aise; à vingt ans, il le faisait craquer ».

Le 14 septembre 1781, des lettres royaux accordèrent au Relec la commutation de la quevaise en censive (2).

En 1790, les quevaisiers furent admis, sur leur demande (3). à bénéficier du droit commun en matière de succession, puis la Révolution les rendit propriétaires du fonds comme ils l'étaient des édifices (4).

(1) Arch. du Finistère, 4, H 67.
(2) Ibid .
(3) En 1790, le cahier de la sénéchaussée de Lesneven demande entre autres choses « la suppression des droits de quevaize» (art. 8)., Celui de Plounéour-Ménez sollicile « la suppression du droit de mainmorte et de servitude ... qu'il soit ordonné aux seigneurs ecclésiastiques et corps de communauté d'affranchir de la condition servile de cerfs (sic) et mainmortables ... (Arch. du Finistère, série Q, Inventaires des meubles, titres, etc. . . du Relec).
(4) Jeanne Laurent, Position des thèses . .. , p. 92 .

III Les revenus de l'abbaye

L'administration des biens du monastère est aux mains d'un procureur, receveur général de la seigneurie, auquel des receveurs particuliers prêtent leur concours, pour les subdivisions du domaine. Dès le milieu du XVIe siècle les revenus sont affermés. En 1471, Hervé an Asset, du village du Moennec, est receveur en OuUrellé et, pour ses gages, il touche 40 sous monnaie. Il perçoit l'argent des convenants, et se décharge des . , dépenses que lui ont occasionnées certains procès: « Item d'avoir payé en despans pour poursuivre Yvon Le Bag avec par troys termes par la court de mesdicts seigneurs abbé et convent dudict lieu du Rellec d'avoir esté chargé de abastre boys et fere aultres audiclz abbe et couvent la somme de 3 sols 4 deniers ... ». « Item d'avoir payé pour bailler un pleigement contre Ollivier, sieur de Rosserot, de non labourer ne manepvrer au prejudice de mesdicts seigneurs abbe et couvent en leurs terres et heritages au village du Moennec et ses appartenances la somme de 12 deniers » (1). L'analyse, par M. Bourde de La Rogerie, d'un compte de

L'abbaye du Relec (1542-1546) (2), nous fournit le bilan des dépenses et des recettes pour cette époque. Les dépenses de l'établissement étaient à peu près les mêmes chaque année. Voici, à titre de spécimen, celles de l'année commençant à la Saint-Michel 1543 :

(1) Arch. du Finistère, 4 H 56. Le receveur se décharge aussi « d'avoir servy la poissonnerye de mesdicts seigneurs abbe et couvent dudict lieu du Rellec de Chasteaulin pour ce present an la somme de 12 sols 6 deniers».
(2) Bull. de la Soc. archéol. du Finistère, 1904, p. 60-72, 111-120

30 quartiers de sel 15 livres
6 boeufs gras 60
Beurre 96
20 vaches 80
6 porcs gras 30
40 pipes de vin 600
160 moutons et 40 veaux 100
Poissons, aulx, potages. oignons, pois, feves et autres menues aides pour la cuisine » 62 7 quartiers froment par chaque semaine. 273 Plus les charges ordinaires 42 quartiers valant 30 l. 10 sols
3 quartiers de seigle par semaine pour la provision de la maison 83 livres
Plus 254 quartiers pour les charges ordinaires 127
46 chapons valant, à raison de 2 s. la pièce 4 l. 12
64 gelines valant de 11 à 12 deniers pièce 3 l. 4
69 poussins valant 6 deniers pièce 1 l. 14

Le total des dépenses annuelles monte à 1567 livres. Si à l'abbaye on consomme beaucoup de viande, c'est qu'il faut y nourrir les hôtes et aussi les paysans employés aux travaux agricoles de la maison.

Les dépenses en argent, moins fortes que les dépenses en nature, s'élevèrent du 15 mars 1565 au 15 juillet 1546 à 7369 livres 12 sols.

Voici maintenant le produit normal des recettes ordinaires:

1° Pour la pièce du Relec :
Argent 620 l. 2 s. 8 d.
Froment, 522 quartiers 391 l. 15 s.
Seigle, 800 quartiers 400 l.
Avoine grosse, 119 quartiers 84 l. 10 s.
Avoine menue, 183 quartiers 46 l.
Chapons, 134 valant 13 l.
Gelines, 175 valant 9s

2° Pièce de Languen :
Argent 138 l. 12 s. 7 d.
Froment, 165 quartiers 123 l. 12 s.
Seigle, 46 quartiers 23 l.
Avoine, 119 quartiers 84 l. 10 s.

3° Pièce de Plufur:
Argent 85 l. 1 s.
Froment, 292 quartiers 119 l.
Seigle, 234, quartiers 117 l.

4° Pièce d'Oultrellé :
Argent 81 l. 6 d.
Seigle, 19 quartiers 9 l. 10 s.
Chapons, 41 valant 1l 15 s.
Gélines. 15 valant 8 s. 9 d.

Comme recettes extraordinaires, l'abbé encaissa, de 1542 à 1546, 268 livres 10 sols, provenant de sommes reçues de banquiers, de perception de dîmes et de l'octroi des quevaises. Pour chacune des années 1542 à 1546, le revenu net de l'abbaye peut être évalué à 1400 ou 1600 livres.

Vers la fin du XVIe siècle, le produit intégral des biens du monastère devait monter il environ 6600 livres (1).

Aux termes d'un bail passé, en 1699, entre l'abbé de Grancey et Du Chesne, fermier de l'abbaye du Relec, celui-ci devra payer:

1° Aux religieux, d'avance et par quartiers, une somme annuelle de 4800 livres, 66 livres pour le charroi de leurs vins. 24 livres pour le droit de visite, ce qui fait un total de 4890 livres.
2° Au prieur du monastère, 200 livres.
3° A l'abbé, 12000 livres.
4° Pour les décimes, 1224 livres. Si l'on y aioute les 700 livres dont jouissaient les religieux

(1) Bourde de La Rogerie, loc. cit., p. 119.

et le casuel de 3000 livres revenant au fermier, cela donne un total de 22014 livres (1).

En 1705, le revenu fixe el général du monastère est de 24148 livres, provenant de « fiefs, censives, droits de quevaizes, lots ventes et rachats, consentemens, desherances, profits seigneuriaux, qui s'exercent sur mil onze chefs de familles vassaux de l'Abbaye, dont plus des trois quarts qui sont à droit de quevaize».

En 1739, l'abbé Charpin de Gennetines affermait 14600 livres sa part de revenu, mais en 1741 son successeur n'obtenait qu'un loyer de 12300 livres. Le revenu de l'abbaye diminuera encore jusqu'à n'être plus en 1768, que de 9300 livres.

Il est intéressant de comparer, pour cette année 1768, le monastère du Relec à d'aulres abbayes cisterciennes de la région:

Boquen 3 religieux 3000 livres
Lanvaux 3 4000
Saint-Aubin-des-Bois 6 5500
Coetmalaouen 6 8600
Saint-Maurice (Clohars) 7 6300
Bon-Repos 8 7200
Langonnet 8 10000
Buzay 8 28000
Bégar 10 12000
Le Relec 12 9300
Prières 16 8520

Le Relec est donc, en 1768, une abbaye moyenne (2).

Pour défendre ses biens et ses droits, et pour réaliser ses revenus, l'abbaye est souvent en procès. Qu'il suffise de citer quelques cas à titre de spécimens.

(1) Archives de MM. du Coëtlosquet.
(2) L. Lecestre, Liste générale des abbayes ... dressée d'après les archives de la commission des Réguliers, Paris, Picard, 1902, p. 19 ss.

Le 17 juillet 1610, René de Rieux obtient des lettres du siège présidial de Quimper lui conservant ses prééminences en Plounéour-Ménez, contre le sieur de Coatanscour qui voulait ôter ses écussons de la grande vitre de l'église et d'une croix a voisinant le cimetière (1).

Quarante ans, plus tard, un procès-verbal du 23 juillet 1650 justifie que seuls les religieux du Relec ont droit de lisière en entier autour de l'église de Plounéour, déboutant ainsi de leurs prétentions Guillaume de Coetlosquet et Alexandre de Coetanscour (2).

Le 29 septembre 1723, une transaction intervient entre les religieux, premiers prééminenciers et fondateurs de l'église de Berrien, et le seigneur de Lesquelen, propriétaire du Squirriou en Berrien. Il est stipulé que Lesquelen jouirait du droit d'avoir ses écussons pleins dans la vitre de la chapelle Saint-Jean. en même temps que deux tombes plates armoriées, plus un banc et accoudoir (3).

A titre de fondation ducale, le Relec avait droit de haute, majeure et basse justice. Pour garantir ce droit, il produisait une reconnaissance donnée en 1338 par le seigneur du Penquoet (Penhoat), portant que les tenanciers de l'abbaye n'étaient point justiciables de sa cour; des lettres de la duchesse Anne, du 12 mai 1498, autorisant les moines à posséder quatre poteaux de justice au lieu de deux, à Botlézan pour leurs domaines du Tréguier, et à Plounéour-Ménez pour leurs biens de Léon et de Cornouaille (4) ; un arrêt de la Chambre royale du Domaine, du 24 janvier 1674, maintenant l'abbaye en son droit de haute, moyenne et basse justice. Au Moyen-Age et jusqu'au XVIe siècle, l'abbé eut un tribunal

(1) Arch. du Finistère, 4 H 3
(2) Ibid., 4 H 239.
(3) Ibid., 4 H 71
(4) Ibid., 4 H 3.

au centre de ses quatre « pièces» : le Relec, Manachty, Languen, Oultrellé.

La justice, pour Oultrellé, se rendit pendant un certain temps à Saint-Rivoal en Brasparts, où l'on voyait encore au début de 1643, en face du portail d'entrée de l'église, un pilori aux armes des abbés du Relec (1). A partir de cette année 1643, les juges du Relec allèrent sur place en Oultrellé y rendre la justice. En ce qui touche la « pièce» du Relec, le tribunal siégeait à Plounéour-Ménez (2), ou au Cloître. Contre les prétentions du sénéchal de la cour d'Huelgoat, les plaids généraux de cette ville statuèrent, le 23 octobre 1465, que « l'abbe et religieux du Relec ont droit de court juridiction de toute antiquite sur leurs hommes sujets vassaulx » (3).

Comme au XVIIIe siècle le tribunal du Relec ne siégeait pas régulièrement. les moines portèrent plainte au Parlement, qui, en 1737, leur enjoignit de tenir audience à Plounéour tous les huit jours (4).

A titre de spécimen, pour la justice criminelle du Relec, mentionnons la sentence du 22 décembre 1690. Gilles Le Corre, Marie Follorou, sa femme, et leur fille, veuve de Jean Querbrat, accusés d'avoir étouffé ce dernier dans son lit, au village de Nesnuy, furent incarcérés à la conciergerie du Relec. D'après le jugement du 22 décembre 1690, les trois accusés devaient être pris en prison par l'exécuteur criminel et conduits, les deux femmes la corde au cou et pieds nus, Gilles Le Corre tête nue, jusqu'aux piliers de la juridiction du

(1) D'hermines plein, d'après l'Armorial Général de 1696.
(2) On montre encore sur une hauteur, à mi-chemin du Relec, à Plounéour, l'endroit ou se dressaient les patibulaires; cette éminence s'appelle ar justiçou
(3) Arch. du Finistère, 4 H 4.
(4) Bourde de La Rogerie, Liste des juridictions exercées aux XVIIe et XVIIIe siècles dans le ressort du Présidial de Quimper. Bull. de la Soc. archéol. du Finistère, 1914, p. 33-35.

Relec, pour y être pendus et étranglés. Ils étaient condamnés par surcroît à donner 50 livres d'aumônes aux pauvres de Plounéour, et à verser 30 livres afin de prier pour l'âme de Querbrat. Le surplus de leurs biens devait être confisqué au profit de la seigneurie du Relec, défalcation faite des frais de l'instance en appel faite par les condamnés. Saisie en instance d'appel, la Cour de Rennes rendit l'arrêt suivant, le 5 janvier 1691 :

Les criminels seront appréhendés par l'exécuteur criminel de la dite Cour à la prison où ils sont internés. Le Corre, tête et pieds nus et en chemise, les trois condamnés « la corde au col et chacun ayant en main une torche ardente du poids de 3 livres, seront conduits à la principale porte de la cathédrale de Saint-Pierre à Rennes; ils y feront amende honorable et demanderont pardon à Dieu, au Roi et à la Justice, puis ils seront menés « en la place du grand bout de Cohüe» de la ville. Les deux femmes seront étranglées; Le Corre, placé sur un échafaud, aura les « membres et reins rompus et brisés à coups de barres de fer jusqu'à extermination de vie».

Les biens des condamnés seront confisqués. Ils verseront 50 livres d'aumônes aux Pères Cordeliers de Rennes et 30 livres pour des prières à l'intention de la victime. Ils acquitteront au surplus les frais du procès (1).

(1) Arch. du Finistère, 4 H 11.

DESCRIPTION DE L' ABBAYE

L'abbaye du Relec fut supprimée, en février 1790, par l'assemblée nationale, et le 26 janvier de l'année suivante, le citoyen Souvestre y dressait un inventaire des immeubles qui nous renseigne sur sa situation. En voici un aperçu: La maison des hôtes. qui a façade sur le jardin, longue de 177 pieds, profonde de 27, et comprenant un rez-de-chaussée, un étage et un grenier, est en assez mauvais état. Il en est de même du dortoir qui se trouve derrière l'hôtellerie, long de 156 pieds, large de 30, avec rez-de- chaussée, étage et grenier. Joignant le dortoir est le bâtiment neuf, qui mesure 60 pieds de long et 30 de large, et comporte rez-de-chaussée, étage et grenier. Cette construction, elle aussi, est en assez mauvais état; les murs en sont sérieusement lézardés et surplombent.

L'église qui forme un côté du cloître et joint la maison des religieux, a 120 pieds de long, 54 de large; elle est pavée en pierres de Locquirec et possède un petit jeu d'orgue.

Le cloître qui mesure 12O pieds de long et 96 de large est couvert en ardoise et soutenu par de petites colonnes en pierres de taille. Le tout est en ruines et dans le plus mauvais état possible.

Dans la cour d'entrée se trouve un édifice en construction, bâti jusqu'au premier étage et mesurant 114 pieds de long sur 36 de large. A côté de ce bâtiment sont les remises avec corniches et mansardes en pierres de taille.

Vis-à-vis de l'bôtelleric est une terrasse de 49 cordes carrées (1) de surface au dessous de laquelle se trouve une autre terrasse, de 30 cordes carrées. Il y a également un jardin potager, entouré de fossés plein d'eau, deux. vergers, et, près de l'église, un petit jardin muré, de 16 cordes carrées.

(1) La corde carrée valait les 4/5 d'un are,

La cour d'entrée est plantée de petits chênes et décorée d'une « belle pompe ».

L'écurie, l'étable et la maison de forge voisins de l'étang sont en bon état. Derrière l'aire à battre est un grand jardin muré qui mesure 2 journaux et 70 cordes carrées, Les allées, le long de l'étang, sont plantées de chênes, d'ormes, de hêtres et de tilleuls. L'inventaire du 20 février 1791 s'applique aux objets d'argent et de cuivre et à la pharmacie. Comme argenterie, il y a 6 calices dont un en vermeil, 2 paires de burettes avec plats, 2 petites croix d'argent, une croix processionnelle, 2 lampes, un bénitier avec goupillon, un encensoir et sa navette, un soleil, un ciboire, une boîte aux saintes huiles, une Vierge, deux reliquaires en bois garni d'argent. Comme « cuivrerie », on compte 16 chandeliers pour autels, un vieux bénitier, 2 mauvaises lampes, 5 cloches au clocher, et divers ornements. Un état est dressé des drogues que contient lafromassie (sic), et pour les transporter à Morlaix, le sieur Guyon doit payer neuf livres onze sols. Le 6 septembre, tous les objets d'argent et de cuivre seront emballés pour être, eux aussi, expédiés à Morlaix, sauf le soleil, le ciboire et la boîte aux saintes huiles laissés au sieur Barbier pour les besoins du culte. Le 11 avril, Pierre-Guyon, imprimeur du roi et de la Nation à Morlaix, procéda à l'inventaire de la bibliothèque du couvent. Elle comptait 3398 volumes ainsi répartis: livres de religion, 1255; jurisprudence, 264; histoire, 309; poésie, 333; médecine et chirurgie, 284; mémoires, lettres et romans, 291; dictionnaires et anciens auteurs, 318 ; suites de la jurisprudence, 344. On l'estima au prix de 2.177 livres 11 sols 1 denier. Guyon toucha 204 livres.

L'ensemble des bâtiments et des salles de l'abbaye du Relec est aujourd'hui en ruines. Seule l'église a traversé les siècles sans dommage appréciable.

Les hauts piliers de la porte d'entrée du monastère sont toujours debout et donnent accés à la grande cour d'honneur. Dans cette cour, derrière une grange moderne qui n'est pas à sa place, se dresse une jolie fontaine formée d'un obélisque central, d'où l'eau jaillit sur les quatre faces, et d'un bassin que les ménagères de l'endroit utilisent comme lavoir (1). Prenons sur la droite, nous voici devant le fronton de l'église.

Le bas-côté et le transept sud de l'église ont été percés de trois fenêtres flamboyantes. Le pignon de ce transept, comme celui de l'abside, semble avoir été reconstruit au cours du XVIe siècle. Quant au mur nord de la nef, il porte à une assez grande hauteur trois fenêtres à deux. baies ogivales surmontées d'un lobe, qui peuvent dater du XIIIe siècle. Si l'on pénètre à l 'intérieur de l'église, on y observe dès l'abord une disposition ar'chitecturale propre à l'ordre cistercien. Le plan général de l'édifice comprend, en effet, une nef accompagnée de deux bas côtés, un vaste transept et un chevet terminé par un mur droit. Sur chacune des branches du transept s'ouvrent vers l'est deux chapelles carrées. L'église qui mesure 37 mètres de long et Ilj mètres de largeur à la nef, est pavée de grandes ardoises. Les deux piles du bas de la nef, de forme cylindrique, avec un bénitier à leur base, ont des chapiteaux très simples. Les deux piles qui suivent, de forme oblongue, reçoivent l'archivolte de l'arcade qui les relie aux premiers, sur une colonnette terminée' en ·bec de sifflet, avec chapiteau grossièrement sculpté. Deux autres colonnettes, également sculptées, soutiennent les arcades des bas côtés et du transept. Les arcades sont pa-rtout en cintre brisé. Plus basses dans la nef, dont les murs atteignent une hauteur d'environ 14 mètres~ elles sont très élevées dans le transept. La voûte du chevet est moins haute que celle de la nef et du transept.

(1) La fontaine de dévotion de N.-D. du Relec est blottie à l'angle du chevet de l'église, en bordure de la route. On y vénère une statue en granit de la Vierge Mère. L'enfant Jésus est privé de sa tête.

« Au-dessus des arcades de la nef, écrivait en 1903 M. le chanoine Abgrall, on reconnait sous l'enduit la trace d'anciennes fenêtres romanes, maintenant maçonnées. Cela indique un remaniement des murs et des toitures des bas-côtés. Ces murs étaient autrefois plus bas et percés de baies romanes, et au lieu d'un toit unique couvrant à la fois les bas-côtés et la nef, il y avait primitivement une toiture spéciale couvrant les collatéraux, montant beaucoup moins haut et laissant dégagées les fenêtres hautes de la nef» (1).

Le bras du transept sud est éclairé par une grande fenêtre à meneaux, qui surmonte l'enfeu et tombe des seigneurs du Bois de La Roche en Commana, du nom de Cornouaille ou Kernéau. Leurs armoiries, pleines dans l'écusson qui domine l'enfeu, sont alliées, d'autre part, à celles de Poulmic et à celles de Kergorlay. Au mur ouest du transept figure une pelite fenêtre romane en meurtrière.

Les quatre absidioles du fond de l'église reçoivent de la lumière par des fenêtres ogivales du XIIIe siècle, qui comportent deux baies et une petite rose à six lobes. Dans le mur de droite de chacune de ces chapelles est pratiquée une crédence en plein cintre. Tout comme le transept nord, elles ont une voûte en pierre, tandis que la nef et le transept sud sont voûtés en lambris de bois.

Au fond du transept nord, un escalier de pierre, bordé d'une massive balustrade, de style Louis XIV, donne accès, par une porte ménagée dans le pignon, à l'étage d'un édifice du XIIIe siècle, aujourd'hui ruiné, qui s'appuyait à l'église. Une seconde porte donnant sur le corridor de cet étage permet d'entrer dans un appartement situé au-dessus du transept, qui est pavé en briques rouges et muni d'une cheminée. De là, par une clairevoie pratiquée au-dessus du choeur, les convalescents pouvaient assister à la messe et aux offices.

(1) Livre d'or des églises de Bretagne.

Dans une petite tribune au-dessus de l'escalier, on aperçoit un grand cadran d'horloge, tout couvert de peintures et d'arabesques avec cette inscription: Ex momento : pendet : aeternitas (Un seul moment décide de l'éternité). Plus bas, sur une pierre sombre, encastrée dans le mur, on lit :



MONASTERII : AERE
REPARATA: SUNT
AVCTA : ET : ORNATA
TECTA AETATE : CASVRA
IOANNIS : BAPTAE : CVRA
ARCHIMANDRITAE
1691 (1)

Au fond de l'église on devine l'existence d'une ancienne tribune qui logeait les orgues (2).

Dans l'absidiole de droite du croisillon sud se trouvent l'autel et la statue vénérée de Notre Dame du Relec. L'autel est garni d'un riche retable du XVIIe siècle, orné de rinceaux, de feuilles d'acanthe et de fleurs, dans l'enroulement desquelles se profilent des angelots. A bien regarder, on découvre un gracieux génie se jouant sur une branche de feuillage, un angelot chevauchant un aigle, deux figurines féminines, au sein nu, tenant un médaillon à l'effigie du Christ (3).

Au-dessus du tabernacle, un socle est supporté par deux cariatides aux fines draperies flottantes et deux vertus

(1) « Aux frais du monastère, les bâtiments qui allaient tomber de vétusté ont été restaurés, agrandis et embellis par les soins de Jean-Baptiste, archimandrite, 1691 ». Cet archimandrite n'est autre que le prieur J.-B. Moreau. Le titre d'archimandrite est donné au prieur dans les monastères de rite grec.
(2) Achetées au prix de 3.000 francs en 1821 par la fabrique de Plougonven, ces orgues furent placées dans l'église de cette paroisse par les soins du sieur Méar, facteur d'orgues à Morlaix (L. Le Guennec, Notice sur la paroisse de Plougonven, p. 178).
(3) Note de M. Le Guennec.

cardinales, la Prudence et la Force, ayant pour attributs un serpent et une colonne. Ces figures encadrent un médaillon en bas-relief qui présente la Madeleine au pied de la croix, et, à côté d'elle une tête de mort. A l'arrière-plan, apparaissent les palais de Jérusalem.

Sur le socle, soutenu par les vertus et les cariatides, repose la bhelle statue en pierre de la Vierge, grandeur nature. Le front ceint d'un diadème, vêtue d'un riche manteau d'azur, elle se révèle par sa pose « hanchée » caractéristique comme une oeuvre du XVe siècle. La Vierge Marie porte sur son bras l'Enfant Jésus, le front couronné, et vêtu d'une toge verte. Tl tient une banderole dorée, dont les longues branches se déroulent sur l'habit de sa mère.

De chaque côté du tabernacle, des niches à colonnes torses, décorées de pampres de vigne et de colombes, abritent les statuettes de saint Benoît, vêtu de noir, et de saint Bernard, vêtu de blanc. Des cartouches ornés de volutes surmontent ces niches; ils portent, entrelacées, d'une part les lettres L.FVS, d'auire part JM.V.AJ.

Au haut de l'auLel on lit en lettres dorées: Notre-Dame du Relec.

En face de cet autel est planté dans le sol un vieux tronc en chêne, destiné à recevoir les offrandes, A côté une table de forme archaïque supporte une statue ancienne de la Vierge du Relec. Au fond du transept, à droite, on remarque deux vieux sièges en bois dont le support s'appuie sur cinq colonnettes. A côté une boîte, également ancienne, destinée sans doute aux offrandes.

La chapelle voisine de celle que nous venons de décrire contient un maître-autel moderne, encadré de deux hautes statues anciennes représentant saint Benoît et saint Bernard. Au fond du choeur existent encore les vieilles stalles en chêne, où devaient prendre place les moines. Sous cet autel repose le corps d'un ancien religieux dont les ossements sont visibles quand on ouvre une sorte de trappe située au ras du parquet.

L'absidiole qui suit, au croisillon nord, renferme un autel moderne de saint Joseph. Il convient cependant de noter au-dessus du tabernacle quelques fragments de colonnettes anciennes. De chaque côté de l'autel, on voit les vieilles statues de la Trinité (où manque le Saint-Esprit) et de sainte Barbe avec sa tour.

Quant à la dernière absidiole, à gauche, elle est convertie en lieu de débarras et sa fenêtre est en partie bouchée.

Devant le maître-aulel est suspendue une lampe ancienne en cuivre massif.

Font encore partie du mobilier de l'église deux plats en cuivre de 0m. 20 de diamètre, qui servent pour la quête. L'un d'eux présente une Vierge au repoussé avec bosses décoratives. On lit au revers: F F : PAR G LE MAITRE L'AN 1760. L'autre plat, orné en son pourtour de bosses au repoussé, porte à l'intérieur un récipient de forme cylindrique avec l'inscription: N D DE PLOURIN. On lit, au revers: FAIS. FAIE. PAR Mr TANGVI PTRE 1763.

Lorsqu'on s'apprête à quitter l'église par la porte du bas-côté nord, on voit sur la gauche un bénitier en granit, près duquel repose une Vierge-Mère en pierre, d'aspect fruste et qui paraît très ancienne. Elle a été trouvée au bord de l'un des étangs.

Une fois sorti, on trouve sur la droite une galerie voûtée, à nervures, d'une douzaine de mètres de long sur environ trois de large. Ce devait être la sacristie, qui s'ouvrait sur le transept par une porte aujourd'hui aveuglée. Si ce local est obscur c'est que l'on a bouché la fenêtre du fond. A gauche de l'ouverture, deux vieilles pierres de la maçonnerie portent, l'une la date de 1184 en chiffres arabes, l'autre celle de 1605, accompagnée de deux lettres: HA. Si l'on a ainsi voulu conserver la date de 1184 ne serait-ce pas que l'église fut fondée cette année-là? Nous savons qu'elle est de la toute première époque gothique (fin du XIIe, début du XIIIe siècle). Vient ensuite la salle capitulaire qui servait aux moines de lieu de réunion. Elle mesurait douze mètres sur douze. Trois nefs y donnaient naissance à une voûte à neuf croisées, dont les arcades retombaient sur quatre colonnes centrales et douze jolis culs-de-lampe feuillagés. Voûte et colonnes ne sont plus et les nervures des parois disparaissent à moitié sous des massifs de lierre. Cette salle a le style de celles des abbayes cisterciennes de Langonnet et de Saint-Maurice de Carnoët.

Plus loin, toujours du même côté, deux sortes de galeries ou réduits obscurs, percés dans un épais massif de maçonnerie, devaient être les celliers ou la dépense. Comme la salle capitulaire, ils sont du XIIIe siècle. Quelques débris de colonnettes de l'ancien cloitre s'y trouvent incrustés. Le cloître n'existe plus. Un document de l'époque révolutionnaire le signale comme étant déjà en mauvais état. Il mesurait 120 pieds de long et 54 de large. « L'espacement des éperons des trois baies de la salle capitulaire, note M. Bigot, donne à penser que chacune des travées du cloître se composait d'une grande arcade dans laquelle se trouvaient inscrites deux arcatures géminées supportées par une colonnette centrale» (1).

Le collatéral nord de l'église, percé de deux enfeux, formait un côté du cloître, dont les montants du toit reposaient sur des corbeaux que l'on voit encore. Tout comme la salle capitulaire, sur laquelle il s'ouvrait du côté est, le cloître remontait au XIIIe siècle.

Au nord de la cour d'entrée de l'abbaye, perpendiculaire à l'église s'élevait l'hôtellerie, dont il ne reste d'autres vestiges que de lourdes pierres de taille, gisant sur le sol. On y voyait, il y a quelque vingt-cinq ans, l'ancienne cuisine des moines,

(1) Bull. de la. Société archéol. du Finistère, XI, 1884: p. 237-255.

avec sa grande cheminée à manteau, son four à pain et !ln curieux fourneau en pierre de taille. Au-dessus de l'une des fenêtres de l'hôtellerie on lisait M 1693 P (1).

Au sud de cet édifice était la maison du prieur.

En bordure de la cour d'honneur s'élevaient les bâtiments de service, puis une construction ancienne, à lucarnes de pierre en hémicycle et hautes cheminées, qui passe pour avoir été le manoir abbatial. Dans le jardin voisin, on voyait un petit colombier.

Au nord de l'abbaye s'étendent de grands jardins; l'un d'eux est entouré de douves profondes, pavées de larges dalles (2), qu'une écluse permettait de remplir des eaux du Queffieut. Un pont de pierre à une arche y donne accès. Sur la droite un long mur de clôture, troué et écroulé par endroits, semble pleurer la ruine de l'antique abbaye léonaise (3).

Au nord-ouest des grands jardins se trouve le grand étang dont les eaux faisaient marcher le moulin du monastère. Un peu plus vers l'ouest, au-delà de la chaussée, se voit l'étang supérieur. Tous deux, comme on l'a dit, « jettent dans le paysage du Relec une note dont la douceur contraste avec la sévérité de la fresque grise qu'étale vers le sud-ouest la chaine de l'Arrée».

D'après la légende, « les étangs du Relec rompront un jour leurs chaussées et précipiteront leurs eaux en torrent dans la vallée du Queffieut, balayant et détruisant tout ». Et l'on raconte que jadis la ville de Morlaix entretenait au Relec un courrier qui" constamment posté sur la digue, le pied dans l'étrier de son cheval, n'attendait que l'instant de la catastrophe pour bondir en selle et descendre ventre à terre à

(1) Note de Le Guennec. M. P. c'est-à-dire Moreau, prieur.
(2) Ces dalles sont actuellement couvertes de verdure.
(3) A droite de l'extrémité nord de ce mur, de l'autre côté de la rivière, à 200 m. environ des bâtiments conventuels, se trouve la fonlaine de saint Bernard.

Morlaix. afin d'y donner l'alarme. La même tradition se retrouve à Brézal, près de Landerneau :

Ma vank chauser ar stank Brezal
Landerneiz, pakit ho stal (1).

Pour embrasser d'un coup d'oeil tout le paysage, observe M. Le Guennec, il faut traverser la chaussée du moulin, et aller s'asseoir près d'une vieille fontaine à édicule, au versant de la colline de Kergus. De cet endroit, on découvre la nappe brillante de l'étang, l'ensemble du vieux monastère, les bâtiments entremêlés de verdure, les grands toits sombres de l'église et sa petite flèche d'ardoises, puis les vastes solitudes où se livra la fameuse bataille de Brank-Alek, et la sauvage barrière de l'Arrée, hérissée de pitons rocheux .

(1) Note de M. Le Guennec.

4e PARTIE LA DÉVOTION A NOTRE-DAME DU HELEC

De tout temps les moines du Relec eurent une vive dévotion pour la Vierge, leur patronne vénérée. Chaque jour, ils modulaient pieusement en son honneur la lente mélodie du Salve Regina, leur antienne préférée. Ils avaient décoré l'arcade surmontant son autel d'une fresque, la représentant assise, tenant son enfant sur ses genoux et encadrée de deux abbés, la crosse en main (1 ). C'est au pied de l'autel qu'ils se faisaient inhumer (2), et l'on dit que lors des travaux de restauration entrepris en 1896, on aurait trouvé, sous cet autel un caveau voûté en pierre où trois cercueils de plomb, portant des inscriptions, reposaient sur des barres de fer (3). Les fidèles, eux aussi, aimaient la patronne du Relec. Leur dévotion est attestée, pour le XVIIe siècle, par le carme Cyrille Le Pennec, qui écrit, en 1647, au sujet du Relec; « Ce lieu, entre les lieux remarquables de dévotion de la Vierge de ce diocèse (de Léon) est grandement renommé et visité par la grande part du peuple de Léon, de Tréguier et de Cornouaille, d'autant qu'il est en triangle entre ces trois eveschez » (4). Et, de fait la fontaine des trois évêques (feunleun an tri eskop) , se voit dans la montagne, au sud-est, à 1 km. 1/2 du Relec.

(1) Cette fresque, que M. Bigot signale comme découverte vers 1884, sous un épais badigeon (Bull . de la Société archéol. du Finistère, 1884, p. 237-255), n'existe plus.
(2) Archives du Finistère, 4 H 1.5.
(3). Note de M. Le Guennec. .
(4) Eglises et chapelles de Notre-Dame de l'évêché de Léon, Vie des Saints de la Bretagne-Armorique, éd. Kerdanet, p. 504.

Un moment interrompu par la Révolution, le culte reprit et continue de nos jours.

Le « pardon » du Relec a lieu le 15 Aoùt, inauguré, la veille au soir, par un beau feu de joie. La foule afflue ce jour-là au célèbre sanctuaire. Dès quatre heures du matin, les pèlerins contournent trois fois l'autel de la Sainte Vierge, et parmi leurs offrandes, on signalait, il n'y a pas bien longtemps, des poules blanches et une mesure d'avoine dans un bonnet.

De nombreux cierges brûlent sur deux supports en fer d'aspect archaïque qui doivent remonter à l'Ancien Régime.

Comme faveurs, on sollicite particulièrement la guérison des maux de ventre et des hernies. On peut voir encore aujourd'hui plusieurs ceintures herniaires pendues en guise d'ex-voto aux deux piliers du bas de la nef (1).

Les pieux fidèles se gardent bien d'oublier la fontaine sainte. Plusieurs y demandaient jadis, par diverses ablutions, d'être libérés de leurs rhumatismes (2).

Il y a quelque 50 ans, les pèlerins qui venaient du sud s'arrêtaient au sommet de l'Arrée, à un endroit dénommé Roc'h-ar-Zalud (le Rocher du Salut), à cinq kilomètres environ de La Feuillée; ils se mettaient à genou et, les yeux fixés sur le sanctuaire du Relec qu'ils venaient de découvrir, ils récitaient dévotement le Pater et l'Ave. Si ce roc s'appelait ainsi, c'est que de là on adressait à la Vierge du Relec le premier salut.

De nos jours, le grand « pardon » du Relec a encore de la vogue. On y vient de loin, de Tréguier, Lannion, Callac ... (3).

(1) Il y a là également une paire de béquilles.
(2) Boucher de Perthes, Chants Ar1noricains, 1831, p. 203.
(3) Luzel possédait dans sa collection une vieille image populaire bretonne de NOSTRE : DAMES: DU : RELEC, mesurant 22 sur 33 centimètres 1/2. Il l'a reproduite dans son étude sur l'imagerie en Basse-Bretagne, Revue des Traditions populaires, p. 312. C'est une Vierge Mère accompagnée des images de la lune, du soleil et de divers ex-voto.

Chaque année un autre « pardon » a lieu au Relec, le dimanche qui suit le 15 août: c'est le « pardon de saint Bernard.

La messe est dite au vieux sanctuaire les dimanches et fêtes.

Un « pardon » en Bretagne ne va pas sans cantiques. L'abbaye et la Vierge du Relec ont été chantées en trois vieilles gwerz ou complaintes bretonnes.

Le cantique actuellement en usage: Patronez ar Relecq, date de 1913.

H. PÉRENNÉS.