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Société Archéologique du Finistère - SAF 1931 tome 58 - Pages 76 à 149
LES
IDOOLES
D'ENSl3JIGNEMENT MUTUEL
D A NS LE FINISTERE .
SOUS LA RES'-..rA URATION
Exposé de la méthode
Le mode d'enseignement conou sous le nom d'ensei
anement mutuel a éL é introduit en France sous la Res-
tauration. Il passionna les Français et fut la cause de
polémiques "iolentes entre les partis, meltant aux prises
les libéraux d'un côté, le clergé et les ullra- royalistes de
l'autre.
Il m'a paru intéressant de rechercher si le nouveau
mode d'enseignement a pu se répandre dans le départe ment du FinisL ère et dans quelles conditions il y fut in
troduit. Les documents utilisés permettront de suivre les
efl0rls faits par le préfet, les sous-préfets et les libéraux
pour créer des écoles mutuelles et les difficultés aux
queUes ils Re sont heurtés.
Lorsque le go uvernement de Louis XVIII, par décret
du 27 juin 1 816, autorisa et conseilla l'emploi dG la mé-
thode dite d'enseignement mutuel, ce mode d'instruction
()lait déjà pratiqué on Angleterre depuis une dizaine
d'années. Lu.ncaslor (1), véritable apôtre de la nouvelle
méthode, la fit connaître en France où elle excita beau
coup d'enLhousiasme dans les milieux libéraux et où elle
se répandit sous le nom de méthode lancastérienne.
Qu'est-ce qui caraclérisait ce nouveau mode d'instl'Uc
tion ? En quoi différait-il du mode individuel employé à
pE!ll près exclusivemont jusqu'alors?
L'enseig nemenl individuel est celui qu'emploie le maî
tre lorsqu'il fait directement la leçon à chaque élève. Cet
enseignement était repoussé par tous les hommes raiso n
nables. Il faisait perdre du tem ps et favorisait l'indisci-
pline. En admeLtant qu'une classe comptât 50 élèves, sept
minutes pal' jour pouvaient seulemenl être consacrées à
chacun. Quelle fatigue pour le maîlre, qui devait répéler
cinquante fois la même chose et qui s'usait à maintenir
l'ordre dans une classe désœuvrée !
M alheureusement, dans le Finistère, presque . Lobs les
inslituteurs pratiquaient ce mode d'enseignement. Seuls
les frères de Saint-Yon, disciplps de l'abbé J.-B. de La
Salle, faisaient usage du mode simultané encore employ~
aujourd'hui. Des élèves décorés du titre d'officiers les
aidaient dans leur lâche ..
Les gouvernements de Louis XVIII et de Charles X
vonL travailler à déraciner ceUe longue et funeste habi
tude de l'enseignement individuel en y substituant peu à
peu l'enseignement mutuel (2) . .
(1. ) Né à Soulhwark, Angleterre, en 1.778, mort à New-York en 1.838. '
Dès 1.798, il appliqua avec succès la méthode d'enseignement mutuel.
Desservi pa l' le clergé anglican parce qu'il était quaker, il vit déserter
son école et fut obligé, en 1.816, de passer en A mél'ique où il eut à lul-
ter contre la misère. Il écrivit . un volnme qui fut traduit pal' le duc de .
La Rochefou cauld-Liancourt, en 1.815, sous le titre: Système anglais
d'instmction.
(2) Dès 18iq" l'abbé de Montesq uiou, ministre de llnlérieur, avait
envoyé des émissaires en Angleterre pour y étudiel' les méthodes d'en-
Ce qui carac lérisail l'enseignement mutuel, c'est que
les élèves les plus avancés instruisaient les autres sous
la direc tion du maître.
La classe était aménagée d'ulle façon toute particuliè r·e .
Les tables étaient rangées au milieu du local, laissant le
long des murs un large espace. A l'extrémité droile de
chaque table, où 1 2 à 15 élèves pouvaient trouver place,
se trouvait le pupitre du moniteur ; perpendiculairement
à ce pupitre se dressait une planchetle destinée à recevoir
les modèles d'écrilure. La planchette était surmontée
d'une t'go de fer à laqu elle on accrochait des inscriptions
destinées à remplacer les commandements fails à hauLe
voix. Cet a ppareil portait le nom de télégraphe.
A une place d'honneur étaient placés le crucifix et le
buste du ro i.
Aux murs, à hauteur d'appui, étaient fixés des demi.
cercles de fer, autour desquels venaient se grouper les
enfants qui apprenaient à lire. A l'intérieur, le moniteur,
armé d'une baguette, faisait lire un tableau suspendu au
mur. Avant do savoir lire il fallail parcourir 38 lableallx.
Les pupitres des petits étaient munis d'un e ta bletle à
rebo rds, garnie de sable fin. Dès que les enfants avaient
appl'Ïs une lettre, ils la traçaient sur le sable ; puis, la
leçon d'écriture fini e, le moniteur égalisait le sable au
moyen d'un instrument a ppelé r abot. Ce procédé per
mettait de se passer d'ardoises pour les débutan L s.
L'é Lude simultanée de la lecLure et de l'écriture était
une heureuse innovation; jusqu'alors on jugeait néces saire que les écoliers sachent lire avant d'aborder l'écri-
seignemont mutuel. Carnot présenta à Napoléon un rapport qui conte nait un éloge sans restriction du nouvel enseignement. Napoléon goClta
fort la méthode lancastérienne et voulut la faire appliquer en France,
mais Wa terloo réduisit à néant Cl' projet. Cependant l'idée élait lancée,
ture. L'emploi du sable précéda iL celui de l'ardoise qui,
elle-même, était remplacée par des cahiers clans la 8'
« classe » ou classe supérieure.
L'ins Lituteur stylait des moniteurs choisis parmi les
enfanls les plus instruits el les plus intelligents; ceux· ci
instruisaient les autres so us la surveillance du maîLre.
Du haut de Sel chaire, s'aidant tour à tour de la voix,
d'une baguette ou d'un siffiet, celui-ci distribuàit ses or
dres suivant un rite déterminé . Tout se faisaiL en ordre
et en mesure, les mouvements devaient se fa ire avec Ull
ensemble parfait, militairement. .. (1 ). C'était une vérita ble mise en scène qui faisait de l'effet sur le public à qui
plaîll'esprit d'ordre. On admirait l'organi.,ation, le méca nisme minutieux et bien réglé de ces écoles. Le maître ne
ma nquait pas de convier les familles à assister aux
exercices : généralement chacun s'en allait enthousias-
Ce système constitua it un réel progrès à trois points
de vlIe :
Etant donné la pénurie cl'ins LiluLeurs, il' permettait
à un seul maître, aidé de moniteurs, de réunir da ns la
même classe Ull etlectif élevé pou vant dépasser 100 élèves ; ,
2°' Il permellait aux élèves de faire des prog rès plus
rapides e t, en par ticulier, d'apprendre plus vite à lire et
à écrire ' ,
3° Il demandait au maître moins de fatigue et facilitait
la discipline.
Il faut avouer cependant que l'enseignement mutuel
offrait des inconvénients : le maître ne s'occupait guère
des moniteurs que pour leUl' apprendre à remplir conve-
nablement leur rôle, négligeant à peu près complètement
leur inslruclion ; le rôle de l'instituteur était trop secon- .
daire, son influence éducativo ne s'exerçaiL pas sur les
élèves confiés aux moniteurs donL la tâche élait toute
mécanique; le maître se préoccupait d'instruclion rapide
et peu ou point d'éducation.
Ajoutons que les instructions recommandaient aux
maîtres de s'impose,- le silence le plus respectueux sur
ce qui est du domaine de la foi; les exercices religieux
sont donnés comme clans les autres écoles publiques,
mais ils sont réglés de manière qu'ils puissent être pra
tiqués dans toules les religions auxquelles la loi accorde
une égale proteclion. L'enseignement mutuel est donc le
précurseur discret mais réel de l'école neutre.
Les admirateurs et les détracteul'S
du mode mutuel
Il semble que le nouveau mode d'enseignement pouvait
être accepté par toul le monde. Ce serail compLer sans
les passions politiques qui déforment tout. L'enseigne
ment mutuel eut des admirateurs ardents et des détrac
Leurs résolus.
Adopté d'enthousiasme par les libécaux, il rencontr-a,
de ce faiL même, l'opposition des ultra-royalistes.
Nous avons peine à comprendre aujo'lrd'hui qu'une
méthode pédagogique ait pu servir de machine de guer
re, passionner un pays et le diviser en deux camps
dressés l'un contre l'aulre.
C'est que l'enseignement mutuel était considéré comme
le symbole de l'esprit nouveau; c'était la nouveauté
magique qui devait émanciper les intelligences.
Louis XVIII, les libéraux se linrent cois. Mais , en 1 81 6,
avec Decazes, ils firent des efforls inou'is pour mulli plier
les écoles mutuelles.
Une soeiété dite Socz été pour l'instruction élémentai
r i; se fonda à Paris, rue Saint-Jean-de-Beauvais, et se
donna pour mission de propager l'enseig nement mutuel;
elle créa une école modèle chargée de former des maîtres
capables de pratiq uer cette m8thode et de la répandre.
Le clergé et les ultras reprochaient au mode mutuel
son origine é tt'angère , l'accusaient do vouloir détruire
les écolos de frères, atIirmaient qu'il était antireligieux
et donn ait aux enfa nts des idées d'indépendance. Appli
quée aux filles, la méthode est qualifiée d'( Ïnconvenanle» ;
on pa d e des « jonglories et prélenlailles révolutionnaires
de cet enseignement antirelig ieux, à tenda nce:; républi .
cames n.
L'abbé Jean-Ma rie de Lamennais, frère du célèbre phi
losophe et écrivain, publie un violent pamphlet con Ire
l'enseignement mutuel (1) auquel il reproche d'avoir été
introduil en France par des protestants (comme Gui zo t), de donner à la jeunesse le goüt de l'indépendance, d'être
dangereux pour la religion et les mœurs ; il réprouve
(t) De l'enseignement mutuel, par l'abbé Robert-Jean-Marie de La
mennais. In-So de 2
1 pages, Saint-Brieuc, 1S19. Né à Saint-Malo en
1775, mort à Ploërmel en 1861 , l'abbé de Lamennais fonda en 1822 la
Congrégation eosei , gnanle connue sous le nom de Friwes de l' Instmction
chrétienne. Lorsque les élèves étaient trop nombreux, il ordonna aux
maltres d'employer la méthode lancastéricnne dont il reconnut enfin les
a vantages. Dans UI1 mémoire au président de la Commission d'instruc tion publique, il écrit: (c Dans les écoles de 50 à iOO et 120 élèves,
« nous nous rapprochons de l'enseignement mutuel ... Lorsque cela est
« nécessaire, nous employons les enfants pour instruire les enfants, à
cc peu près comme dans l'enseignement mutuel, sauf le mouvement ».
Après avoir comballu Guizot, qui était protestant et partisan de l'ensei
gnement mutuel, il devint son ami et trouva près ùe lui un appui et
des ressources 'pOUl' son 03 11 v l'e des Frères de l'Instruction chrétienne.
l'écriture sur le sable e t sur l'a rdoise et condamn e la
forle discipline scolaire « qui con vE'rtit les garçons en
solda ts el les filles en amazones ». A ses yeux, « les
maî tres de ces écoles ne sont que des machines indignes
du nom d'ins tituteurs» (1 ).
De nombreux T lolumes on!. été écrits sur la méthode
muluelle pa r les défenseurs et les détracteurs de cet en
seignemenl. Leur én umération occuperait plusieurs pages
de celle é tude. Mentionnons se ulement le Man. uel prati
que de la méthode d'enseignement mutuel pour les
écoles élémentaires pa r Nyon (Paris 18l6; in-1 2 de 60
pages) et un curil '\ux dialogue en vers, de 26 pages, sans
nom d'autour: J'en veux ... Je n'en veux pas ... Nous en
voulons.
III
Création d'écoles mutuelles
dans le Finistèl'e
Par de nombreuses circulaires, Decazes invite les Pré fe ts à soutenir et développer les écoles mutuelles par
tous les moyens possibles . L'Ordonna nce du 29 Février
1816 prévoi t ' un crédit annuel de 50.000 fra ncs destiné
principalement à la propaga tion de la mé thode.
. Dans le Finistère, les efforts du préfet et du recteur
d'Acadé mie ne réussiront pas à donner à cet enseige.e ment la prospérité rêvée par le gouvernement. Leur
action sera entravée par la guerre ou verte ou sournoise
que les ultras et le clergé a vaient déclarée au mode mu
luel (2) .
(i ) Voir Jean-Marie de La Mennais, par le n. P. Laveille, t. II, p.
Hi-i 8.
(2) Les documents ut.ilisés proviennent des Archives dépa l'lemenl.nles
Puissant dans le département, le clergé s'opposera à
son développement eL cela malgré l'interdiction de l'évê que Mgr Dombideau de Crou~eilhes, qui ordonnait à ses
prêtres de n'exp1"ime1' aucune opinion défa vorable
contre la méthode, de se bor'ner simplement à surveil
ler les instituteurs qui pou?"raient chercher à incul
que?' des p1"incipes irl'eligieux aux en fants (1).
Ambroise Rendu 12), auteur d'un ouvrago s Ul' les avan
Lages de l'enseignement ·mutuel, fit hommage de ~on
liVl'e à l'é vêque de Quimper.
Nous savo ns , Monseigneur, lui écrivaiL-il, que les moLs et
les prévenLiolls nc vous ont pas effrayé, que VOllS avez faiL
cc qu'il e ûL éLé désirable que le clergé fit, que vous vous êL es
mis il la LéLe du mouvement qu'il importait de dirige!' vers
le bien ...
La réponse de Mgr Dombideau de Cl'ouseilhes montre
bien , en effe L, qu'il prêtait son concours a u gouvernement
pOUl' la créa Lion d'écoles mutuelles, qu'il se bornait seu
lement à surveiller les maîtres dont les opinions pou
vaient ê tre con traires à la religion:
Je vous prie, Monsieur, d'éLl'e persuadé qu'aucune pré
vent.ion ne dirige mes opinions; je l'ai prouvé lorsqu'il a
été question de l'établissement des écoles de l'enseignement
muLuel. .. Ce sonL les inslituteul'S de ces écoles qui peuvenL
causer des inquiétudes . . . (3).
Les ultras useront de leur intluence pour appuyer. les
curés, empêcher la créa tion d'écoles ou engager les
familles à en reLirer leurs enfanLs. Des quere lles mel-
(i) Lettre au recteur d'Académie, février 1.820.
(2) Administrateur fran çais, né et mort il Paris (1.778-i860). Propa
gateur de l'ensoignement mutuel, il contribua à organiser l'enseignr.ment
sous le second Empire.
(3) Algr Dombideau de Crouseilhes et la restauration du cu.lte clans
tront aux prises maires et curés, libéraux et ultras.
Tiraillé par les partisans el les ennemis de l'enseigne
ment muluel, le préfet s'appliquera à apaiser les querel
les locales, à aplanir les difficultés; il ne se départira
pas de l'application stricte des règlements. Son attitude
sera nettement favorable à la méthode lancaslérienne.
Secondant les vues du gouvernement, il s'attachera avec
uue louable ténacité à créer des écoles, à rechercher un
personnel à hauteur de la tâche qui lui incombe. II aura
l'appui du Conseil général qui mettra à sa disposition les
crédits dont il aura besoin. Par des circulaires fréquentes,
il slimulera le zèle de ses sous-préf~ts. Ceux-ci, chargés
d'organiser les écoles, se heurteront à de graves obsta
cles. Directement en conlact avec la population, ils au
ront à vaincre des défiances, à résoudre des difficultés.
Tanlôt les maires déclarent qu'une école mutuelle ne peut
prospérer dans leur commune. tantôl ils arguent du mau
vais étal de leur budget ou de l'hostilité des familles pour
un genre d'instruction qui n'a pas leur confiance. Tantôt
les curés ou les nobles opposent leur veto le plus formel.
Plusieurs années d'efforts amèneront la création de 23
écoles mutuelles, dont quelques-unes n'amont qu'une
durée éphémère. Résultat bien médiocr .3 pour un dépar
tement aussi peuplé que le Finistère, où l'on comptait en
jti28, 38.000 garçons et autant de filles d'àge scolaire, eL
où, se substit.uant à l'enseignement 'individuel employé
dans la plupart des 88 écoles qui y fonctionnaient, l'en
seignement muluel eût hâté la marche de l'ipstruction
populaire.
Dans une circulaire datée du 29 septembre 1820, le
préfet invite les sous-préfets à lui faire connaiLre la situa
lion de l'enseignement dans leur' arrondissement et leur"
demande de faire leur possible pour accrolLro le nombro
des écoles. Il ajoute:
« Il est une méthode d'enseignement primaire qui a dc
grands avantages sur toules les autres, c'est celle de l'en
seignement mutuel.
" Cette méthode, dirigée par un bon insLituteur, accélére
l'instruction primaire et permet aux familles de disposer
plus tôt de leur enfants, parce qu'ils s'instmisent plus
promptement des connaissances dont ils ne peuvent se pas-
ser dans leur profession. ' .
« Je puis disposer de secours en faveur des communes qui
désireraien t créer des écoles où celte méthode serait sui vie ... »
Tout acquis, comme on le voit, aux méthodes lancas
tériennes, le préfet du Finistère exposa au Conseil géné:"
ralles bienfaits du nou vel enseignement et en obtint le
vote d'une subvention dù 3.000 francs destinée à venir en
aide aux communes qui désireraient élablir des écoles
d'après le mode mutuel. Sitôt ce vote obtenu, il adressa
aux sous-préfets la r.irculaire suivante, dalée du 14 octo-
bre 1819 :
« Le Conseil génél'al a, dans sa sessioll de cette année, volé
un fonds de 3.000 francs pour l'élablissemenL .d'écoles d'aprés .
la méthode d'enseignement mutuel.
« L'intention du Conseil général est qu'on n'y fasse partici- ,
pel' que les communes qui voudraient contribuer de leurs
moyens à une parUe des frais de ces établissements. Son
vœu est d'arriver à répandre cette méthode dans le départe
ment.
« J'ai i'honneuI' de vous in viter à vous entendre avec MM .
les Maires des principales communes de votre arrondisse-
ment qui désireraient procurer à leurs administrés ce moyen
de donner à leurs enfants l'éducation nécessaire à toutes les
classes de la Société. Je désire savoir ce que les caisses
communales permettront de faire pour les frais de premier'
établissement, afin de pouvoir déterminer le secours dont .
elles auraient besoin pour en compléter le paiemenL Vous
me transmettrez les propositions de ces magistrats avec
votre avis pour cbaque commune.
" Vous ferez remarquer à MM. les Maires qu'il ne s'agit que
des (rais d'établissement: ceux nécessaires au maintien des
écoles, doivent être pris sm-Ies ressources des communes ou
sur les rétributions des élèves.
« Si les communes ne peuvent consentir aucune dépense,
vous pourrez autoriser MM. les Maires à proposer une sous
cription volontaire. Il y a tout à présumer que les personnes
aisées et généreuses concourront à la dépense de premier
ét.ablissement d'une école qui a l'avantage d'abréger consi
dérablement le temps de l'instruction primaire, et où les
enfants puisent les connaissances illdispensables aux hom
mes de toutes les classes. »
Arrondissemerit de Morlaix
Répondant au vœu du préfet qui prônait la création
d'écoles d'enseignement mutuel partout où celà était
possible, le sous· préfet de Morlaix adressa une note aux
maires de son arrondissement, les engageant à établir
dans leur commune des écoles mutuelles . Les réponses
furent presque toutes négatives: on ill\'oquait le manque
de ressources et on ne se montr'ait guère persuadé des
avantages de la nouvelle méthode d'enseignoment
La municipalité de Morlaix (1) accepta la création d'une
(i) Morlaix avait à cette époque une population de 9.000 habitants
environ. Huil instituteurs y tenaient école. L'opinion publique y était
franchement libérale. Le curé, M. Keramanac'h, d'une grande largeur
d'esprit, ne s'opposa pas à la créa tion d'une école mutuelle à Morlaix.
En i83U, il prêta serment au Gouvci'nemenl de Louis-Philippe et bénit
le nou vr.au drapeau de la Garùe nationale.
ecole d'enseignement muluel. En 1818, le Conseil géné
ral accorda une subvention de 800 fran cs qui, ajoulée à
une somme de 600 francs porlée au budgel de la ville,
couvrit les frais de premier établissement. La nouvelle
école fut aménagée à Créach-Joly, où se tenait déjà une
école primaire, à l'emplacement de l'ancien collège.
L'instiluteur de cette école , M. Jeslin, alla s'instruire de
la nouvelle méthode à Brest, dans l'école modèle tenue
par le sieur Trobert, ancien directeur de l'école secon
daire de Morlaix.
L'école fut inaugurée le 19 avril18W. Le procès-verbal
ci-dessous, consigné au registre des délibéralions du
Conseil municipal, nous fournit des détails intéressanl& :
19 aVl'il1819. Procès-verbal d'ouverture d'une école
élémentaire communale, suivant le mode d'enseignement
mutuel, dans la ville de Morlaix .
« L'an 1819, le 19 avril,
« Nous, Louis-Ignace-Jean-Joseph Le Grand, Chevalier do
l'Ordre royal el mililaire de SainL·Louis, maire de Morlaix,
en l'absence de M. le Sous-Préfet, empêché pO Ul' cause d'oc
cupations, rapportons nous êlre transporLé aujourd'hui à
9 heures du maLin, accompagné de MM. Franç.ois-Elienne
Barazer-Lannurien et Jean-Marie Le GraëL-Kerouvriou, nos
adj oints, jusques et en la maison occupée jusqu'ici par
l'école primaire de celte ville, à l'effeL d'y faire l'ouverLure
d'une nouvelle école élémenLaire communale, suivant le
mode d'enseignemenL mutuel; où étant rendus, nous avons
Lrouvé réunis dans la salle de l'école, M. J es lin, mailre, an
cien directeur de l'école primaire, et 54 jeunes élèves sur
environ 110 que la classe peut conlenir. Les exercices qui ont
duré 2 heures environ, en nolre présence, sous les ordres du
maître et les commandements des moniteurs qu'il avait pu
avoir le L emps de former un peu à la pralique, onl dt) suite
eL ont éLé conLinués .par l'épellatioll eL la lecLure dans les
demi-cercles. Les.moniteurs et les élèves ont à peine 15 jours
d'instruclion et déjà, nous devons le déclarer, nous avons
été très satisfails de l'état de celLe instruction.
« Nous avons dû donner au maiLre, sur son zèle, des éloges
qui nous ont paru bien mérités et lIOUS lui avons ensuite
recommandé les jeunes élèves confiés à ses soins; et a ux
élèves, nous avons dû recommander llussi la docilité la plus
absolue à la voix de leurs maîtres el la plus grande applica
lion à leurs leçons.
«Nous avons remarqué que la !;alle éLail décorée très
convenablement sous tous les rapports et très amplement
pourvue de tous les objets nécessaires à l'école. Les demi
cercles qui sont au nombre de 12, n'étant seulement que
Lracés en rainures sur le plancher, ne pouvaient pas ainsi
l'emplir leur but, il est indispensable de les établir en fer,
à hauteur d'appui. Et comme la longueur des bancs et
des tables pourrait alors gêner l'usage de ces demi-cercles,
nous pensons qu'il sera nécessaire, dans ce cas, de dimi
nuer cette longueur, ce qui donnera lieu à de nouvelles
dépenses à payer sur le fonds spécial de 800 francs alloué au
budget départemental de 1818, allendu l'épuisemenl tolal du
fonds spécial de 600 francs alloué au budget de 1819 de la
Ville, pour les frais de premier élablissement de cette école.
« De louL quoi. nous avons rédigé le présent procès-verbal,
li ui sera consigné sur les regisLres de la mairie et don l ex
pédilion sera adressée à M. le Sous-PréfeL, pour servir ct
valoir ce que de raison, sous les seings de MM_ nos adjoints
ct le nôtre, lesdils jour, mois ct an que devant».
Signé: LE GRAND, maire,
BARAZER-LANNURIEN fils, adjoint
et LE GRAET-KEROUVRIOU, adjoint
Ce procès-verbal constate la nécessité de travaux des
tinés à compléter l'ameublemen t de l'école, en particulier
la construction de 12 cintres ou demi-cercles en fer. Le
devis nous apprend que ces cintres étaient « en fer rond
de Suède, de 13 millimè Lres de diamètre avec UII supporl
à charnière dans le mili eu. Chaque demi-cercle au ra 2
mètres ,de diamètre ; la hauteur d'app ui sera d'un mètre ;
les cintres seront peinLs en noir pour empêcher la rouil
le de salir les écoliers».
Le nombre des élèves augmenLa r a pidement. Le \) oc tobre 1819, l'effectif est de 82 écoliers dont 50 geatuits et
32 payants; la Ralle peut contenir 110 enfa nts (1), la
« nouvelle chambre» pourra en recevoir une guaranLaine :
l'école pourra ainsi réunir 150 élèves. L'ins tituLeur reçut
du Conseil général, sur la demande du sous- préfet de
Morlaix, une subvenLion de 1 50 francs à titre d'encoura-
gement pour son zèle et le soin qu'il prenait du dévelop-
peme nt de son école. VII traitemenL de 800 francs lui
était fourni par la ville.
En 1 821, une institutrice, Mme Descog l1e Ls, créa dG ses
propres deniers, un éta blissement d'enseig nement mutuel
pour les filles.
Le sous-préfet écrit a u préfet : « Cette da me , née dans
une classe distinguée, et qui a reçu un e excellente édu
cation, est en état de former de très bons élèves e L '
mériLo des encouragemen ts l) .
A SainL-Thégonnec (;) 000 habitants) le maire et le
Comité d'instruction (2) refusent forme llement d'établir
(i ) En mai 1,820, l'école est fl'équentee pal' iO:2 élèves ; elle 'devieut
école modèle et recevra les instituteurs dés ireux de se familiariscr avcc
les procédés de l'enseignement mutuel.
(2) L'Ol'donnance de i8f6 forma clan, cha(]ue canlon un Comité gru
tuit chargé cie surveiller pt encourager l'enseignement primaire. Le cll ré
cantonal et le juge de paix en étaienl mernbl'es de clroit. Cbaqu~ école
avai~ pour sury. illants spéciaux le curé de la paroisse ct le maire cie la
commune ou elle étail situ6e.
--ri 90
uno école mutuelle. Précisément, 1 0 zèle et los f)uccès de
M. Coeaign. instituteur, viennent de lui valoir J'allribu
tion de la médaille d'argent, récompense rare et très en
viée. L'inspecteut' d'A cadémie refuse de la lui délivrer
s'il ne transforme son école en école d'enseignement
mutuel.
Connaissant les sentiments du Comilé cantonal, et peu
désireux de voir ses nombreux élèves 18 quitter, M.
Cocaigu préfère renoncer à sa médaille et continuer à
enseignet' suivant les procédés qui onl la faveur de la
population.
Le 16 Janvier 1820, il en réfère au recteur de l'Acadé
mie de Rennes .
. Monsieur le l'lecteur,
« '" 11 me suffirait de vouloir établir ici un enseignement
mutuel pour me voir abborré par la majorité des pères de
famille et arrêté par le comité d'lnstrucLion de ce canton.
«J'en ai une preuve plus que suffisaute: c'es t que, poue ne
pas me metlre en opposition avec ledit comilé, j'ai volon tiers
renoncé à la médaille qui m'avail été décernée et que M .
Lamarre, inspecteur, n'a pas ooulu me delio/'er à moins
d'emvrasser l'enseignement mutuel. J'ai été même obligé de
renoncer à des tableaux dont je me servais pour apprendre
les lettres aux commençants, et cela à cause de la ressem vlance qu'ils avaient, dit-on, avec les tavleaux de l'enseigne
ment mutuel.
« Ces messieurs n'ignorenl point, disent-ils, que ce mode
d'enseignemell t a été rejeté par les plus grandes villes, ainsi
que par les habitants des campagnes, taudis qu'oll volait
des sommes considérables pour le mode des frères de l'éco le chrétienne il) .
(i ) Le mode simull~né. C'est celui qu'emploie ie maîtl'e quand il fait
il la lois la leçon il lous les élèves d'unI' classe. C'est le mocle le plus
ralionnel; il esl employé aujourd'hui dans taules les écoles .
« Si vous voulez donc, Monsieur Je Recteur, établir ici une
école mutuelle, je vous prie d'en écrire directel1lellL au Co
miLé de ce can L on ou à M. Tan guy, curé de Saint-Thégon
nec, et président dudit comité : il pourra vous donner des
renseignemenLs sur la disposition du comiLé cL l'esprit des
habitants à ce sujet. J e ne voudrais pas me charger d'en
faire la proposition, crain Le de me compromettre avec ces
Messieurs, q ui pal'aissen t jaloux de leurs dl·oils.
« Ils visitent mon école plusieurs fois par mois, cc (lui les
melLra à même de vous in slruire du mode d'enseignemenl
que je suis, de l'ordre qu i règne parmi mes èlèves ct de leurs
progrès. Mon propre lémoignage ~erail, avec raison, suspec t.
« Daignez agréer, Monsieur le Recteur, les senLimenls de
respecL avec lesquels j'ai J'honneur d'être volre lrès humble
serviteur » .
COCAIGN, insliLuleul'.
Mis au courant de la situalion, l'évêque de Quilllper,
Mgr Dombideau de Crouseilhes inlervient auprès du l'8C
L eur pour prendre la défense de Cocaign.
({ J e recommande de la manière la plus parliculière à M. le
li.ecteur de l'Académie de Rennes, M. Uocaign, insllLuteur,
muni d'un diplô!J;e, à Saint-Thégonnec, près Morlaix. -
« Cet instituteur dirige parfaitemen L celte école eL prépare,
pour les collèges de Saint-Pol-de-Léon cL de Quimper, des
s ujets précieux.
« Vouloir forcer cet instiluLeur à former Ulle école d'ensei
gnement muLuel, c'esL délruire son insLiluLion. Jamais Oll ne
parviendra à vaincre la répugnance des habitants de celLe
paroisse de campagne pour ceLLe méthode d'enscignement.
« Rien n'est plus fait pOUl' ·la déprécier qne le plus grand
nombre de ceux qui s'en montrent les plus ardcnts partisans.
Dans un pays religieux, peut-oll voir sans inq uiétudc que cc
sont, en général, les hommes les plus irréligieux qui soutles
pwpagaLeurs de ceLLe mélhode '!
« L'ancien préfet, avec lequel je m'eillelldis loujours parce
observalioos. 00 nuiL au succés des cho~es les plus utiles en
voulant les obtenir trop br·usquement.
« Mon clergé s'esl; conformé à la r ecommandation que je lui
ai faite de n'exprimer aucune opinion d~/aDol'able contre
cette méthode. mais de se borner à surveiller les insLiLuteurs
qui pou vaien L chercher à inculquer des principes irréligieux
aux enfanls.
« Il me seraiL impossible de ne pas parlagerses sentiments,
si je voyais détruire les insLitutiO(lS déjà élablies et approu
vées. pour y substituer une école d'enseignement mutuel
qui, je vous le déclare, ne parviendra jamais à s'établir da us
cette paroisse ».
Tout s'arrange: Cocaign esL autorisé à conLinuer son
enseignement suivant le mode qui a la faveur des pères
de famille, la médaille lui est remise le 22 aoüt 1820,
« en présence du Comité cantonal et d'un grand nombre
de parents, amis et bienveillants )J .
Le maire de Saint-Pol-de-Léon invoque les raisons
nombreuses qui. à l'en Cl'oire, rendraient sans avantages
dans sa commune la création d'une école d'enseign81n ent
mutuel. Il écril au sous-préfet:
Saint-Pol-de-Léon, le \.J novembre ltll!).
Monsie.ur le Sous-Préfet,
« Les nombreux succés des écoles muLuelles, les fruiLs
heureux que produit l'adoption d'une méthode favorable
aux pro grés des lumières par les faeilit.és qu'elle donne
pOUl' l'instruction du peuple, ont suffisamment répondu aux
antagonisLes de ce nouveau mode d'enseignement.
. Exempt, je le crois, des préjugés qui ont pu égarer l'opi
nion sur cette queslion d'intérêt public, j'aurais prévenu
lou te initiative pour l'introduction dalls cette commune de
Ge moyen d'éducation populail'e, si les llabiLudes locales Il e
m'avaient dOllné la convicLion que les difficulLés et les
inconvénients 'surpasseraienL ici, de beaucoup, les avantages
qu'on pourrait en attendre (1).
« En effet, nulle con trée ne posséde plus que celle-ci d'inst i
Luteurs primaires, de maîtres d'école, de répétiteurs, de cor
recteurs, eu un mot plus de faciliLés en tout genre pO Ul' la
propagation de l'enseignement.
« L'indigent, natif de Saint-Pol, instruit d'abord gratuile ment par l'instituLeur primaire ou par quelques écoliers,
compagnons de .ieu de son enfance, réussit bientôt il grossit·
le nombre des étudianLs externes, soit. par l'appui de la
bienfaisance. soiL parce que le degré de son instruction lui
aura fait accorder par le principal l'avantage de suivre les
cours du collège, sans payer de rétribution.
« Le nombre de ceux-ci esl considérable. A peine parvenus
à la 4
clê;lsse, devenant correcteurs à leur lour, ils exercent
déjà une industrie lucrative el soulagent la pau vreté de leurs
parents. En terminant leurs études, quelques-uns suivenlla
carrière ecclésiastique ou celle du barreau ; d'autres, en
plus grand nombre, deviennent répétileurs en ville, donnent
à leur famille les moyens de monter un pensionr..at, OU, sc
répandant dans la partie rurale de la commune, ct même
dans les communes environnantes, vont y multiplier les
moyens d'instruction, en enseignant les éléments de la lec
ture, de l'écriture, du français, du latin, soit à des prix ex
trêmement modiques, soit en échange de services que les
parenls ou leurs disciples rendent aux leurs.
« Ainsi, l'inslruction se répandant de proche en proche,
sans efforL et sans secousse, établit encore une heureuse
réciprocilé de relaUons amicales et de bons offices.
«A de si grands avanLages, il faut joindre enfin la créa lion
de ressources multipliées pour les habitants d'une ville pri
vée de tout commerce et de tous moyens industriels.
« Changer le mode d'enseignement c'est froisser Lous ces
intérèLs, c'eslles détruire.
« Telle est la cause des particuliers: voici celle du public.
« La ville ne possède aucun local convenable à l'éLablisse
mcnl d'un enseignement mutuel. En possédàt-elle, sa situa
Lion financière lui interdirait impérieusement, en ce momenL,
Ulle dépense extraordinaire incompaLible avec celles que
réclament et le paiement dl; sa delle et l'entretien onéreux
de ses pavés. Dans le cours de cetLe campagne, une somme
de 1.000 francs a été dépensée pour ceL objet, mais un pareil
sacrifice, répété pendant vingt armées consécu lives, suffiraiL
il. pcine pour la restauraLion de ses rues, dont quelques-unes
sont entièrement défoncées et. Ile conservent pas même de
veslige de pavés.
«Mo n exposô vous convaincra, sans douLe, Monsieur le
sous-préfet, de l'impossibiliLé où je me Lrou ve de ne vous
faire, clans l'étaL cles choses, aucun" e proposiLion concernall t
l'enseignement mutueL
« J'ai l'honneur de vous saluer avec les sentiments les
plus dis ting ués ».
Le Maire,
DE RODELLEC DU P ORZIC ( 1).
Par contre les maires de Roscoff (3.000 habitants) et de
Guer le~quin (1.500 habitants) sont convaincus de l'excel-.
lenee des nouvelles méthodes et sollicitent un secours
sur le fonds de 3.000 francs votés par le Conseil général.
Le sous-préfet de Morlaix appuie leur demande et
expose a insi la situation au préfet:
(0 MM. les maires de Roscot!' et de Guerlesquin sont. très
disposés à seconder de tom; leurs efI'orts l'autorité supérieu re pour l'établissement d'écoles d'enseignement muLuel dans
leur commune.
« Un élat dressé pa'r M. le maire de Rosco t-r fail connaî. lre
approximativement la somme nécessaire pour les frais d'éla-
blissement, soil 674 fI' .
« M. le maire pense qu'une souscription volonlaire dis-
penserait d'avoir recours aux fonds municipaux q ui, aLLen
du leur modi cité, ne sauraient supporter même une faible
partie des frais sans nuire au ser'vice obligé de l'adminis tration.
« Une école d'après la nouvelle m6tbodc auraü ft Roscoff
le plus grand a van L age de pourvoir rapidemen 1. il l'ins Lruc Lion élémentaire d'un e foule de marins, de beaucoup d'l1om Ines exerçant ulle industrie commer'ciale, el qui, passé les .
premières ann ées de l'enfance, so nL ob ligés de renoncer il
toute espèce d'étude.
« La commune de Gueslcsquin ne se trouve pas dans ulle
posiLion moins in téressan le. Les babitanLs de celle localilé
ne s'occupent que d'agricuILure el, isolés pour ainsi dire de
la population industrieuse de l'arrondissement, ils n'ont.
d'autres moyens d'instruction que ceux que leur procure
l'éL ablissemen t d'un instituteur primaire au bourg cbef-lieu.
Cinquante élèves fréq uenlenL actuellement son école et M. le
maire pense que ce nombre s'élèverait bientôt à 90 ou 100, '
dont près de moitié seraienl r eçus graluilement, si l'ensei gnement muLuel était substitué à l'enseignement actuel. La
commune fournira une salle de '1 2 pieds de longueur sur 20
de largeur. Elle pourra aj outer 100 fran cs à la somme de 150
fran c!: annuellement allouée à titre d'indemnité à l'instiluleur.
En outre, 100 francs pourraient être pris sur les fonds dis ponibles qui , a joulés à l'allocalion départemenlale, suffi
l'aienl aux frais de premier établissemenL évalués à 400
francs.
« J'aurai donc l'honneur de vous proposer, Monsieur le
préfet, d'accorder à la commune de Guerlesquin une somme
de 300 francs pour sa nouvelle école.
« L'instituteur actuel étant peu fortuné, j'oserai vous prier
de lui allouer en même temps 50 ou 60 fran cs, afin de cou- ·
s'instruire id, d'après la nouvelle méLhode, Ce jeune bomme
est d'ailleurs père de famille et recommandable sous tous
les rapports.
«Une somme ègale au moins à celle que je viens de
demander, serait nécessaire pour élablir une école à Roscoff ».
L'école d'enseignement mutuel de Roscoff ne sera fon
dée qu'en 1832. Le comité d'instmction de Morlaix, dans
sa séance du 14 ocLobre 1831, met à la disposition de la
commune une somme de 400 fr., à charge pour elle d'a
dapter à son école les règles de la méthode mutuelle. On
lit dans la délibération:
(1 Une école d'enseignemen l mutuel clans Roscoff, port de
mer dont la population est active. intelligente, et donL les
habilanls ont la conscience de l'utilité du savoir, aurait Je
triple avantage de desservir une grande partie du littoral
voisin, de venir au secours d'une multitude d'enfants que
laissent sans appui les longues absences et souvenL même la
mort des marins, enfin, d'être pour la contrée un exemple
permanent de l'efficacité de l'enseignement ».
Dès son ouverture, l'école reçut 75 élèves.
Le préfet estime que d'aulres écoles mutuelles pour
raient être établies dans l'arrondissement de Morlaix, et,
lout en assurant le sous-préfet que les subventions
nécessaires seront accordées aux communes de Hoscoff
et de Guerlesquin, il le presse d'intervenir à nouveau
auprès des maires.
« Il serail élrange qu'aucune autre commune ne voulùt
imiter Roscoff et Guerlesquin, et procurer à leurs enfants le
mode d'enseignement qui a l'avantage d'abréger considéra
les méLbodes anciennes. Je vous prie de vouloir bien ap
peler de nouveau l'alLen Lioll des communes qui onlle plus
de r essources s ur le secours que leur offre le Conseil géné ral. me transme LLre le plus L ôL possible les proposiLions
qui VOUS seront failes, et me faire connaîLre ce que cbaque
commune pourra faire r elativemenL aux frais de premier
élablissement et Je supplémenL dont elles auraienl besoin.
N'oubliez pas de faire remarquel" aux maires qu'une école
une fois établie devra s'entrelenir au moyen des fonds voLés
au budget ou des r élribul. ions des élèves.
« J'aulorise M. le maire de Roscoff il faire un appel à la
Iibél'aliLé de ses administl'és pour en obLellil' de quoi payer,
avec ce qui pourra lui êLre donné sur les fonds déparLemen
Laux, lous les frais de premier éLablissemenl, sans r eco ul'ir
à la commune qui, d'ailleurs, ne paraîL pas en élaL de l'ien
fournir. J e désil"erais connalLt'e le r ésulLa L de sa démarche ».
ConformémenL aux ordres du préfet, les maires sont de
nouveau engagés a adopLer la non velle méthode dèl ns
le U!' commune. Mais partout le nouveau mode d'enseigne
ment se heurte à l'opposition du clergé. Non seulement
. le sous-préfet ne pourra pas annoncer à sorl chef de nou-
velles créations d'écoles mutuelles, . ma is il devra même
lui faire connaître l'échec complet de la souscription 0 1'
ganisée par le maire de Roscoff: :
« Il esL bien difficile. M. le Préfel, de propager l'enseiglle
ment muLuel dans mon arrondissement Le maire de Lan
meur a trouvé ses adminislrés opposés à la nouvelle mélho qe; celui de Plouescat rencontre des anLagonistes parmi les
, ecclésiastiques et M. le maire de Roscoff, avec l'embarras
d'une semblable opposilion, chercherait vainemenL à couvrir
une par Lie des frais de pre l11iel' éLabliRsemenL par ulle sous cription volontaire.
« La principale difficulté vient donc de la part des curés ct
des desservanLs. S'il étaiL pOSSible de vaincre en eux le pré-
~ugé qui les aveugle sur les avanLages du llouveau mode
d'enseignemenL, l'adminis LraLion ne r enconLreraiL plus d'obs
tacles. MM. de 'l'rogoff et de Puyféré sont curés, le premier
à Lanmeur, le second à Plouescat.
« Landivisiau possédanL une école d'enseignement. mu
Luel (1), Saint-Pol-de· Léon n'en voulant pas, non plus que
Saint-Thégonnec où il exisle une école primaire dirigée par
un laïque, je ne vois pas où il serait possible d'introduire la
nouvelle méthode, les localités que je viens de ciLer étant
les seules qui, par leur population agglomérée, soient sus
ceptibles d'adopter avec fruit l'enseignement muLu.el. Il ne
reste que Guerlesquin où ce mode d'in struction pourrait être
introduit aujourd'hui.
« A Guerlesquin , en effet, rien ne paraît, pour le moment,
s'opposer à la lransforma tion de l'ancienne école en école
d'enseignement muLu01. Le maire fait diligence pour faire
confectionner ou acheter le mobilier ct les objels nécessaires
com prenan t :
« Iole bureau du maîlre, surmonté d'un «piédestal» pour
y placer le buste de Louis XVIII el un Christ;
« 2° les bancs et pupitres des élèves « avec des télégraphes
dépendant de chaque classe" ;
« 3° une armoire pour y déposer les cartons et les livres;
« {o 140 plan cheLLes pour les tableaux;
« 5° une collection compléte de tableaux, crayons, ardoises
ct les ferrures pour les « demi-lunes Jl ou cercles des classes
de lecture» .
Là-dessus le curé entre e n scène et vient combattre les
efforts du maire . L'insliluteur, M. Le Jannou, se rend à
Morlaix pour s'insLruire des nouvelles méthodes auprès
de l'instituteur de celle ville, M. Jestin. Mais il ne peut
ouvrir son école, n'ayanl pas obtenu l'autorisation du
recteur de l'Académie. Aux termes de l'ordonnance de
(i) L'école mutuelle de Lanùivisiau lut fondée par le sieur Abgrall,
instituteur, 4ui transforma son école en établissement d'enseignement
mutuel. La commune lui accorda i50 fmncs pour son logement. En
1.820, il a :33 élèves, dont 1.2 gratuits .
1816, un certificat du desservant de la commune doit être
joint à la demande. Le curé de Guerlesquin refuse ce cer
tificat à M. Janllou, SOllS prélexte qu'il ne fréquentl, pas
les sacrements.
Embarras du maire M. Billeltf~, qui expose la situa.tion
au sous-préfet:
« Le motif de M. le desservant peut être lrès louable, mais
je crois que l'on peut instruire les enfants dans les principes
de notre religion et faire de parfaits cl1réLlens sans appro
cher des sacrements; je vous serais dOllc obligé, Monsieur,
de vouloir bien aider 1\1. Jannou dans cette circonstance.
« Il est encore un point plus essenliel que je ne dols pas
vous laissei' ignorer. Les efforts que je fais près de mes ad
ministrés pour les pénétrer des avantages de la nouvelle
école, vont se trouver détruits si M. notre desservant vient
desservir mes projets en insinuant des idées contraires.
« Je ne viens pas ici, Monsieur le sous-préfet, vous parLer
plainte contre ce respectable ecclésiastique avec lequel je
suis lié, eL pour lequel j'ai toute l'estime qu'il mérite, mais
vous prier de trouver le moyen de le faire coopérer à nos
intentions.
cc Vous pourriez, par exemple, engager son supérieur, M.
votre curé, à lui écrire à cc sujet pour lui démonLrer tout
l'avantage de ceLle insLilution.
" Nous avons discuté ensemble sur cet objet : il parut
partager mon opinion; mais depuis on m'a rapporté qu'il
a dû dire que cette école était pernicieuse et contraire aux
mœurs Il aurait puisé ces principes dans quelques jour
naux périodiques et dans les conseils de plusieurs de ses
collègues qui en ont décidé ainsi sans avoir la. moindre idée
de ceUe instil uLion ~.
Le sous-préfet ne reste pas inactif: il écrit lui- même
au desservant de Guerlesquin pour essayer de réduire
son opposition et il adresse au préfet la lettre suivante
qui porte la mention « confiden tielle » .
lOO
Morlaix, 28 mars 1820.
Monsieur le Préfet,
. « Encore une preuve que l'enseignement muluel aura bien
de la peine à se naturaliser dans ces contrées.
« Vous verrez, par une lettre ci-j oinle de M. le maire de
Guerlesquin, que le aesservant de cetLe paroisse semble an
noncer des préventions contre Ja nouvelle mélhode, el il est
aisé de prévoir que son opposition rendrait sans effet la bonne
volon lé du maire. Je pense qu'avant tout il est indispensable
de s'assurer le concours de M. le desservant.
I( -A défaut de meilleur moyen, je vais lui écrire pour faire
en sorte de lui faire partager mon opinion sur les avantages
du nouveau mode d'enseignement.
(1 Je ne sais où j'ai pris l'idée que M l'Evêq ue approuve,
ou du moins ne réprouve pas, ce mode d'instructiou élémen
taire.
« Je vous rendrai compte du résultat de la démarche que
je vais faire. En a LLendant, l'instituteur suivra les cours de
Morlaix et l'ameublement de J'école se fera. Je regrette
cependant que cet incident d'opposition soit venu un peu
tard ».
Les démarches du sous-préfet de Morlaix eurent un ré-
suUat ines péré : le desservant cessa toute opposition à
l'établisse men t d E' la nouvelle école et accorda à M. Jan
nou le certificat qui lui était indispB nsable pour obtenir le
brevet de capaciLé et l'autorisation spéciale pour exercer
à Guerlesquin.
La comin une reçut un secours de 400 francs destiné à
l'acquitLement d'une partie des frais de premier établis
sement de son école et M. Jannou recut un e indemnité de
100 fra ncs pour son déplacement et les frais de son séjour
101 ' ,
En 1 831, le comité d'instruction de Morlaix sollici Le du
département un secours de 300 francs pour permetLre
l'onverture d'une école mutuelle à Plouzévédé,
Le Conseil municipal se réunit pour statuer sur l'emploi
de cette somme et trouver les fonds supplémentaires
nécessaires à la création d'une école.
« Avant tout, le Conseil pense qu'il est indispensable d'é
clairer l'administration sur la position topographique du
pays et sur l'état actuel de l'instruction dans ce canton .
« La commune de Plouzévédé, chef-lieu de canton, est
limiLrop])e des communes de Saint-Vougay, Tréflaouénan et
Trézilidé. La plus grande distance de bourg à bourg n'est
que de 2.500 métres. Ces trois communes ensemble ont une
populaLion tolale de 2.500 habitants, population à peu prés
égale à celle de Plouzévédé; la nullité de leurs moyens ne
leur permettra pas de pourvoir à l'entretien d'un instiLuleur.
« Reste Plouzévédé, poin t central qui peuL voter dans son
budget 100 francs par an comme traitement à un instituteur.
Cette somme est insuffisante, mais les trois communes limi
trophes, malgré leur pau vreté, parviendront bien à réunir 80
francs. De la sorLe, une école à Plouzévédé pourrait se sou
tenir et la nouvelle institution profi L erait aux enfants des
communes voisines, qui y seraient admis.
« Quant à l'état de l'instruction, le gouvernement ayant,
depuis l5 ans, négligé cette branche essentielle à la prospérité,
Ifls générations se sont succédées, touj ours plus ignoran tes,
au point qu'aujomd'hui, à l'exception de quelques personnes
qui out appris individuellement à lire le latin el le bretoll,
tout le reste croupiL dans la plus profonde ignorance.
CI Dans cet état de cboses, que le Comité vienne au secours
de la commune de Ploul'lévédé pour les premiers frais de son
établissement, et le Conseil ne doute pas que l'inslitutuLion
ne prenne trés pl'omplemenl une extension favorable au dé
102 -
Les 300 francs demandés par le Comité furen t accordés;
l'école intercommunale put s'ou vrir; elle fut bientôt fré
quentée par 110 élèves dont 8 gratuits. L'instituteur se vit
attribuer un traitement de 200 francs, que vin t augmenter
la ['élribu tion des élèves, fixé€ à l franc 50 par mois,
Arrondis'sement de Brest
Le sous-préfet de Brest ne reçut des maires que des
notices incomplètes qui ne lui permirent pas de répondre
à la lettre du préfet relative aux secours offerts par le
Conseil général aux communes désireuses de fonder des
écoles d'enseignement mutuel.
Il dut adresser une nouvelle demande aux maires des
principales communes de son arrondissement. Les ré
ponses lui permirent enfin de fournir le r apport que le
préfet lui réclamait avec insistance :
Brest, le 17 février 1820,
Monsieur le PréfeL,
« J'exlrais ce qui suit des demandes et des observalions
qui m'onl éL é faiLes par les maires de mon arrondissemenL.
«( 1° la commune de Guipavas n'a pOint de local. Elle se
cbargerait d'en louer un et de faire les frais d'entreLien an
nuel el du traitement du maîLre, mais elle réclame une som
me de 600 francs pour l'aider à faire les premiers frais qu'elle
es lime à 900 francs.
«( J'esLime qu'une somme de !J, à 500 francs doiL suffire.
« 2° la commune de Plabennec n'a aucun fonds pour l'éta
blissement et pour l'entretien d'une école. Le maire pense
que cet établissemenL y éprouverait beaucoup d'enLraves à
cause de l'influence que les prêtres, en général fort prévenus
103 -
contre ce LLe méLhode d'enseignemcnL, exercenL sur les habi
lanLs des campagnes_
(e 3° A Ploudalmézeau, l'insLituLeur fournirait un local pro pre à recevoir 80 enfan Ls eL il se contenLerait, pour Lraile
mcnt annuel, d'une somme de 150 francs. Le maire demande
300 francs pour les frais de premier établissement.
« 4,0 le maire de Lannilis m'informe que la commune n'a
aucun moyen d'établir eL de soutenir un e école, et que la
population de la paroisse, quoique considérable, se compose
de cul ti vaLeurs très gêllés qui occupent les enfan Ls extrême ment jeums aux travaux de l'agriculLure eL n'attacben L
aucun intérêt à leur instrucLion .
« 5° le maire du Conquet ne trouve que des obs L acles à l'é-
tablissement proposé : le principal consiste dans la modicité
des ressources de la commune.
« 6° le maire de Gouesnou verrait avec plaisir une ins Lilu
Lion de ce genre dans sa commune, mais les économies qu'il
veut faire pour la construction d'une maison commune, lui
fonl désirer d'ajourner ce projet et il mande qu'on pourrait
réserver dans ceLte maison un local con ven able pour 50
élèves.
« 7° à Daoulas on peut disposer d'un local qui contiendrait
de 150 à 200 élèves. Un insLituLeur de Bres t se présenLe pour
diriger l'école.
« Le maire évalue les frais à 600 francs. La commune pour
rait y contribuer pour 200 francs.
« 8° le maire de Lesneven pense qu'il serail possible de dis
poser d'un local convenable et assez étendu dans sa commu
ne. Les frais d'entretien pourraient être payés, soit au moyen
des rétributions des élèves, soit au moyen des alloca tions qui
seraient porLées au budgeL de la commune.
« Il propose d'affecter aux frais de premier établissemen t,
450 francs porLés au budget pour dépenses imprévues, mais
il demande en outre une somme de 400 fran cs pour le complé
ment de ces frais.
(e Ces frais me paraissenL évalués trop haut. En les rédui
sanL à 600 francs et la somme prélevée sur le fonds des dé-
104
penses imprévues à 250 francs, le secours à réclamer ne
seraiL que de 350 francs. .
« \-)0 à Lanùerneau tout a éLé disposé pour l'établissement
d'une école. '
« D'après les l'enseignemenLs qui précèdenL, je pense qu'il
conviendraiL de ne s'ocLmper dans ce moment que des com
munes où il yale plus de probabiliLés de succès pour l'éta·
blissemen L des écoles muLuelles .
C c Ces communes sont: Guipav3.s, Ploudalmézeau, Daoulas,
Lesneven .
CI Ces quatre communes auraient besoin d'un secours de
1.250 francs el elles se cbargeraienl de payer les autres frais.
« Quant aux souscriptions volonlaires, Lous les matres son l
d'accord sur l'opinion que ce moyen n'aurait aucun succès
pour se procurer des fonds . »
Le maire de Lesneven regretta de s'être prononcé pour
le mode mutuel. Dès ses premières démarches, il se
heurta à des obstacles imprév us ; par une délibération
du Il juin 1819, son Conseil municipal s'opposa à cette
institution,
A Plonguerneau, la, municipalité rejeta également le
projet d'établissement d'une nouvelle école et oxprima la
ferme inLention de s'en tenir à son ancienne école pri-
maire.
La première école d'enseignement muLuel fondée dans
1 0 Finistère, s'ouvrit à Brest (1) le 1
septembre 1817.
La direclion en fut confiée au sieur l'robert, ancien
direcleur d'une école secondaire à Morlaix. Ce dernier
reçut de la ville le logemenL et un traitement de 1.500
(i ) Brest complait à celle époque 22.000 habilanls. i:1insliluleurs y
- 105 "
francs (chiffre considérable pour l'époque). Originaire de
Chàteauneuf· du-Faou, Pierre Trobert avait fai t de bril
lantes études au collège de Quimper. En 1794. Prieur de
La Marne le nomma instituteur de langue française à
Plougou· lm. Sous l'Empire, il dirigea une école secoudai
re à Mol'laix, puis il fut nommé pt'ofesseur de physique
au collège de Saint-Pol-de·Léon.
L'école avait été créée spécialement pOUl' recevoir les
élèves indigents, mais les non-indigents y étaient égale
ment accueilliS et ne payaient aucune rétribution sco
laire (1).
Le succès de l'école mutuelle fut considérable. Le lùca!.
très vaste, pouvait contenir de 130 à 150 enfants; en
1820, l'effectif se montait à 185 élèves.
Peu après sa fondation. l'école fut érigée en école mo
dèle et servit à initier à la méthode les instituteurs qui
désiraient se vouer à l'enseignement mutuel. Ceux-ci
n'étaient admis à diriger une école mutuelle qu'après
avoir reçu de M. 'l'robert un certificat constatant qu'ils
étaien t aptes à celte fonction.
Troberl décéd,:~ en 181\:.1 et fut remplacé par Jean-Fran
ço is Mollier. Né à Paris le 21 janvier 1780, Mollier a\'ait
déjà enseigné à Brest comme instituteur; en 1809 il diri
gcmit une école secondaire à Brest; sous la Restauration,
il dirigeai t l'école de Landerneau.
Sous la ferme direction de son nouveau directeur, l'é cole continua à prospér8r. Le recteur d'Académie tenait
M. iVlollier en haute estime; le 29 mai 1820, il le proposa
comme directeur de l'école normale d'enseig nement mu-
(i) L'école lut ouvel'te dans l'établissement acheté pal' la ville en i74,6
el occupé. depuis cette rppque jusqu'en i 79'1, pal' les frères ri es écules
chréliennes. Cet établissement était slLué r\l~ Hautc-des·Sppl·Saints, nO
i : c'est l'école acluelle de la ru e M onge. Les frères y cnseign(~renl jus
-106 -
tuel de Paris. Mollior refusa de poser sa candidature, il
écri vil au recteur:
« Je présume que Paris renferme beaucoup d'insLiLuLeurs
qui ont plus de moyens et de pl'otecLiolls que moi et qui, par
conséquen t, sonL plus capables que moi de diriger l'école
normale. Je me suis décidé à resLer ici con Linuer les fonctions
qui m'onl éL è confiées ».
Mollier dirigea l'école jusqu'en 1 833. Il souffriL d'une
longue maladie, pendant laquelle il ne put apporter L ous
ses soins à son établissement, qui péricli ta et perdil de
son importance (1).
Le comité d'arrondissement tenta de lui rendre son
ancienne prospérité en mettant à la tête de l'école mu -
tuelle Auguste-Félix Levo l, dont la candidalure était ap-
puyée par de notables citoyens de Brest. 11 était muni
d'un diplôme de bachelier ès-IetLres et d'un brevet de ca
pacilé du deuxième degré. Plusieurs membres du
Comité ont recueilli de forts bons renseig nements sur son
comple et nourrissent l'espoir qu'il parviendra à tirer
l'école mutuelle « de cet état d'abandon dans lequel elle
languit ~. Au surplus, le Comilé en fait la condition de
son approbation et prescrit à Levot (t l'obligation d'opérer
dans l'espace de six mois un changement sensible, soit
dans la ten ue de l'école, soit dans les progrès des élèves)).
n désire également que le sieur Levot aille passer quel
ques mois à l'école normale de Rennes pour étudier les
modificaLions que la méthode a subies depuis plusieurs
années (21.
(:1.) La création, en 1820, d'une deuxième école mutuelle et la réou
verture', en 1.822, de l'ecole des frères, nuisirent également au recrute lI1ent de l'étab lissement de 1\1. Mollier.
(2) Au cours de la séance, le sous·p\'é[~ t donna connaissance au Co
miLé, de la publication du Manuel général de l'instruction primaire
dont le premier numéro lui avait été adressé. Cc journal pédagogiqu.e
conlinue encore à paraitre en :l.9::!1.
107
Le sieur" Brousmiche, employé réformé de l'aùminisll'ël
tionde la Marin8 à Bres t, ayant besoin, pO Ul' élever sa
nombreuse famille, de se faire un nou vel état, se proposa,
en décembre 1820, d'ouvrir à Brest une école d'enseigne ment mutuel. Mais la fond a tion d'une école de ce genrü
exigeait des avances assez considérables; Brousmicho
demanda au préfet de l'aide r dans son entreprise. Le
sous-préfet appuya cette demande :
«( Vous pouvez, je crois, Monsieur le Préfet, disposer de
quelques fonds pour encourager l'in Ltoduc Lion dans le d6par
tement de la méthode d'enseignement mutuel. Ces fonds sonL
principalement destinés à favoriser l'établissement cZ'écoles
communales, mais les difficultés qu'eprou ve l'adminisLratioll
à augmenter le nombre de ces dernières, ne vous aUl"a sallS
doute pas permis d'en em ployer la totalité.
« Dans ce cas, ce serait encore remplir le vœu du Conseil
genéral que d'aider un instituteur particulier, l'ecomman-
dable.
« L'intérêt que prennent au sieur Brousmiche les membres
du Comité cantonal d'instruc Lion primaire, les renseigne ments favorables qui m'ont éL é donnr.s sur sa conduiLe ct ::;a
capacité, me porten t, Monsieur le préfet, à le recommand er
à votre prolecLion, eL je vous serais reco nnaissanL de cc lJue
vous aurez la bonté de faire pour lui ».
Le préfet lui accorda, sur les fonds départementa ux, un
secours de 300 francs.
L'année suivante, le Conseil général vota à M. Bl'ous
miche une subvention de 600 francs « en témoignagl:J de
satisfaction pour la bonne conduite et les progrès remar
quables de son école Dl u tueUe ».
108 -
Le préfet avaiL exprimé le désir de voir s'établir à
Landorneau un e école d'enseignement muLuel pour rem
placer l'école secondaire qui avait cessé. de foncLionner.
11 demand a à M. Goury. ingénieur en chef des Ponts-et
Chaussées. résidant à Landerneau, de seconder ses vues
et de travailler à l'établissement de cette école.
EnLièrement acquis au nouveau mode d'enseignement,
M. Goury fiL d'abord connaître au maire les merveilles
qu'on pouvait attendre du mode actuel Celui·ci refusa de
se prononcer et rejeta sur le Comité d'insLruction publi
que le soin de s'occuper dn nou\"eau proj eL qui lui parais
sait une innova tion hardie.
Mais ce comité n'inspire guère co nfia nce à M. Goury,
qui écrit au préfet le 1 5 avril 18 18 :
« . Le Co miLé cantonal est pré:::idé par M. le curé de
Landerneau, jusl· emenL vénér~ pour ses verlus et passanL
pour un hom me inst.ruit, profond même .. . en théologie, mais
il paraît s'occuper fort peu des choses de ce monde, car de
puis que noLre école secondaire a disparu, il ne s'est pas
inq uiéL é de nous en prowrer une auLre.
« Les autres membres de eetLe commission VOLIS sont
co nllus. Ce sont: M. l'abbé Vistorte, homme de mérite, mais
don t tous les soins son t consacrés aux religieuses cal vairien
nes dont il est l'aumônier ; M. Dubaudiet, père, homme qui
passe pour fo rL inslruit en ... agr icultur e, mais il n'habile
pas la com mune et l'on ne peuL guère co mpLer qu'il apporte
Uil intérêL bien vif à l'éL ablissemen t d'une école à ·Lander
neau. Le cinquième est M. Barbier, décédé.
« Si vous ne !lO U S sor L ez pas de noLre posilion em barras
sa nLe, vous pou vez renoncer à l' uLile projet que vous avez
formé pO Ul' no Lre ville. L'essentiel est de donner la première
impulsioll. Sans volre inlervenlion, rien ne se fera et l'issue
de ce l.Le afl"a il'e sera sem hlablc à celle d'un rêve agréable e l,
de co ur"Le durée » .
109
Le préfet réunit le Comité d'instruction et autorise M.
Goury à y assister avec mission de lever les préventions
de ses membres contre l'école d'enseignement mul uel.
M. Goury rend compte de la séance au préfet:
« '" .J'avais rétlét;hi aux idée>; propres à éclairer ces mes
sieurs et à les désabuser des prévenLions que des malveil
lants leur avaient inspirées. Le Journal ecclesiastique, sur
Lout, a vaiL jeLé la terreur dans l'âme de not,'e PasLeur, au
point qu'il ne voulait ni m'enLendre, ni jeter les yeux sur les
Lablea. ux arrêLés par la SociéLé mére, que j'avais apporLés
pour tranquilliser ces messieurs. Il protes Lait de L ous ses
moyens, ainsi que son confrère M. l'aumônier, conLre une
méthode qu'il ne connaissait pas, mais qu'on lui avait fait
envisager, pour ainsi dire, comme l'œuvre du démon.
« Ce début m'a alarmé. J'ai mis en jeu touLe ma rhéLori
que; j'ai pris des déLours sans nombre pour arriver à mon
but, je suis parvenu à me faire écouter eL à ébranler un peu
le parti de l·opposition.
« J'ai déroulé les tableaux, j'ai donné des détails sur la
méthode et sur les Lravaux des enfanLs, et nous avons fini
par ne plus faire que six têtes dans un même bonnet.
« Mais ces messieurs croyaient leur conscience engagée
. par une méthode qui ne tend qu'à subsLituer des ardoises à
du papier, des Lableaux à des livres, ils ont demandé le Lemps
de consulter M. le grand vicaire (l'abbé Tromelin).
« C'est à vous, M. le préfet, de disposer M. le grand vicai-
re à rassurer ces consciences alarmées. .
« J'avais soumis au maire un projet de règlemenL de la
nouvelle école en 32 articles. Ce magistrat a suppri'né plu
sieurs arliç.Jes Lrès utiles; il prend pour lui la présidence de
la nouvelle société et s'adjoint le curé cL le juge de paix, y
transporte en un mot le Comité cantonal, ce qui est incompa
tible avec les arLicles 8 et 9 de l'Ordonnance. Ces messieurs
ne peuvent en même Lemps être surveillés et surveillanls.
« Quand vous écrirez à M: le maire, invitez-le, je vous
pl'ie, à m'appeler aux réuniolls du Conseil munidpal quand
110 -
il s'agira de l'école. Celte compagnie, respectable du reste,
renferme des en nemis de la méthode et je crois que la pré
sence d'une personne qui s'y intéresse ne sera pas inulile ».
Le préfet intervint auprès de l'évêque : les membres
ecclésiastiques du Comilé de surveillance ne s'oppose
ront plus à l'ouverture du nouvel établissement. mais à
condition qu'il ne reçoive que des garçons seulement.
Or. l'effectif foumi par les garçons seuls ne deyait pas
suffire à la rétribution d'un maître, car il ne fauL pas ou
blier qu'il y avait déjà à Landemean, 3 instituteurs et 3
i llsti tu trices cnseignan t sui vant l'ancienne méthode.
Le préfet répond à l'évêq ue le 15 avril 1819:
Monseigneur,
« Il s'agit de réaliser le projet arrêté depuis longtemps,
d'établir à Landerneau une école d'enseignement mutuel.
Cette école est destinée en même temps pour les filles et pour
les garçons et l'instruction doll leur être donnée dans le
même local, mais à des heures différenLes.
« L'école des garçons doit être dirigée par un instituteur
instruit de la méthode de ce genre d'enseignement et celle
des filles par sa femme à qui cette méthode est connue.
« MM. les ecclésiastiques, membres du Comité gratu~t de
l'instruction primaire, s'opposent à l'éLablissement de l'école
destinée aux jeunes personnes du sexe. Leur motif me paraît
êLre qu'ils trouvent de l'inconvenance à réullü' les deux
sexes dans un même local et -sous un même maître.
« Ce motif ne me paralL pas fondé. Premiérement l'école
des garçons et celle des filles doivenL, suivant le projet, avoir
lieu à des heures différentes (1) : ainsi il ne peut se présen
Ler aucun inconvénient. En second lieu, c'est la femme de
l'insLituteur des garçons qui doit instruire les filles et je ne
(t) Les garçons prend raienl leurs leçons de 8 heures à 10 heures el de
2 heures à 4 heures; los filles de 1.0 heures à 12 heul'cs et de 4 heures
III
vois pas qu'on puisse à cet. égard faire aucun reproche au
projet, puisque les filles auront une insLitulrice de leur
sexe ».
L'intendant de la Marine à Brest avait mis à la di»posi
tion de la municipaliLé do Landerneau un loéal dans
l'ancien couvent des Ursulines, qui servaiL en ce momenL
d'hôpital pour la Marine.
Ce local a besoin de réparations. La municipalité se
refuse à voter les fonds, ainsi qu'un traitement au nou
veau mallre qui voudra it avoir « un sort assuré )). Le
ComiLé d'enseignement continue à se montrer hostile, et
pour comble de malchance, M. Goury, le zélé défenseur'
de la nouvelle méthode, se voiL appeler dans le départe
ment des Vosges,
Le projet va être abandonné quand un groupe d'indus
triels à l'esprit libéral, se substitue à la municipalité dé
faillante et prend à sa charge les frais d'installation et de
fonctionnement d'une école d'enseignemenl muluel.
Ces généreux bienfaiteur::: sont : MM. Goury, père,
Radiguet, Andrieux et Heuzé-Lourmand, négociants à
Landerneau .
Ils écrivent au sous· préfet de Brest:
« Depuis longtemps, la ville de Landerneau désire posséder
une école d'enseignement mutuel, mais :iusqu'ici di verses
causes en on t rendu l'ajournement indéfini.
« Cependant, lorsque ceLte méthode Lriomphe dans toute la
France des attaq ues dirigées contre elle par des hommes aux
idées gothiques, lorsque, protégée par un gouvernemenL
constituLionnel, elle répond par les plus heureux ré sul LaLs
à la préférence qu'on Ini accorde, nous avons parLiculiére
ment jeté nos regards sur cette classe laborieuse mais peu
aisée de la société, qui ne peut donner à ses enfants, même
une éducation premiére, sans faire une dépense . excédant ses
112
« Nous avons sUTLouL considéré l'instruction dans ses rap
porLs avec l'ordre social et polillqne et nous avons reconnu
eombien elle s'y liait. essentiellement.
« Dans cet état de choses, la commune ne pouvant fonder
uJ\e école à ses frais, nous nous proposons d'en établir Ulle
sous la surveillance de l'autoriLé compétente.
« Nous vous prions seulement de vouloir bien meLtre à
noire disposition les 400 francs déjà affecLés comme fonds de
premier établissement et que M. le maire a reçus.
« Il serail dbirable que vous puissiez nous faireoblenir
un secours annuel, afin de donner il cet éLablissement plus
d'exlension, et surLouL. de pou voir recevoir graLuilemen L
une plus grande quanLiLé d'éléves. Néanmoins, s'il n'y a pas
de possibililé, nous nous chargeons d'y suppléer; LeI est Je
grand désir que nous avons de le voir prospérer.
« Nous ferons le mobilier nécessaire pour 80 élèves, el
nous nous proposons de recevoir les enfants des deux sexes,
en donnant aux classes des heures différentes.
« Notre projet est de demander un insLiLuLeur à l'école
modèle de Paris, afin de pouvoir enseigner ceLte méthode
dans toute sa pureté.
« Enfin, Monsieur le sous-préfet, nous vous prions de vou
loir bien nous aider de votre proLection eL de vos conseils, et
nous espérons que nous serons assez heureux pour que vous
vous intéressiez à nous faire obtenir, dans un court délai,
l'autorisation de fonder cet établissement.
« Nous pensons que nous offrons des' garanties morales
suffisantes et qu'on ne verra dans noLre demande que le désir
de faire quelque chose qui soit agréable à nos cOIlciLoyens.
« Dans cette altenLe, nous avons l'honneur d'êLre, avec le
plus profond respect, Monsieur le sous-préfet, vos très
humbles eL Lrès obéissanLs serviteurs.
GOURY, RADIGUET, ANDRIEUX, HEUZÉ-LoURlVlAND.
L'auLorisaLion sollicitée ful accordée: l'écolo d'ensei
113 -
Elle fut dirigée par M. ToureLte (1 ), ancien capilaine
d'artillerie de marine, qui s'était mis au courant ~es nou
velles méthodes et qui. agréé par le Comité de sUl'veil
lance, reçut du recteur' un certificat de capacité du 2" de gré. Touretle reçut des fondateurs un traiLemenL fixe de
900 francs. Les élèves devaient payer une rétribution
mensuelle de 4 francs. Les fa mill E.s nombreuses sont
favorisées: le l ep enfant paie::3 francs, le second 2 francs ,
le::3' 2 francs, le quaLrième ne paie rien.
Le l'" juin s'ouvre une école de tilles suparée, fondée
pal' les mêmes bienfa iteurs. Elle est dirigée par Mme
TOUl'f\tte, aidée d'une adjointe à qui un Lraitement est
également assuré.
A l'ouverture de l'école, il n'y avait que 8 élèves: 1 0
1 ep juin, il y en avait 25, dont 8 admis gratuitement.
L'école mutuelle de Saint-Renan s'ouvriL eu 1819. L'ins
tituteur, Yves Poullaouec, reçut de la commune une
somme de 240 francs pour aider aux frais de premier
établissement de l'école. Il lui fut en outre alloué au bud
get municipal une somme annuelle de 440 francs, tant
pour le loyer de la salle d'école que pour faire face aux
frais des réparations locatives, entretien du matériel,
achat de tableaux, ardoises, crayons, livres d'instruction,
etc ...
Le prix moyen des leçons est de J ft'. 25 par élève et
par mois. Sept élèves ne paient aucune rétribution.
Au moment de l'ouverture de l'école, le nombre. des
élèves était de 10: le 1
juin 1 820, l'effectif était de 43
élèves.
(i) Né à Valence (Dl·ome) le 8 novembre 1772; chevalier de la Légion
d'honneur.
114 -
Répondant au vœu du sous-préfet de Brest, le COLseil
municipal de Guipavas, dans sa réunion du 20 février
18~0 , accepta la création dans celte commune d'une école
d'enseignement mutuel.
Moyennant un loyer de 150 francs par an, le maire loua
chez le sieur Carat un « local bien situé et bien éclairé,
pouvant contenir de 50 a 60 élèves ~. Le pl'éfet lui accor
da Ulle subvention de 400 ft'ancs.
Les enfanls payeront une rétribution mensuelle de 1
franc. L'instilùLeur, le sieur Rageot de La Touche, éga
lemen t secrétaire de la mairie, recevra un Lraitement
annuel de 300 francs .
ConsidéranL, en outre, qu'il aura besoin d'aller à Brest
pour se perfectionner dans l'enseignement mutuel, il ' lui
sera alloué une gratification de 15 francs pour ses voyages
« attendu qu'il sera obligé de prendre un cheval pour ac-:
célérer sa marche, afin de ne pas trop entraver le trayafI
journalier de la mairie».
Né à Lambézellec le 14 septembl'e 1787, Alain-Aimé
Marie Rageot de La Touche avail ser'vi Napoléon pendant
8 ans. Sergent-major de l'ex-quatrième de ligne, dit d'Ar
tois, prisonnier en Russie lors de la campagne de 18]2,
renlré sur le territoire français en septembre ]8~5, il fut
renvoyé dans ses foyers en 1816. Jusqu'à sa nomination
à Guipavas, il cumulait à La Martyre les fonctions de se
crélaire de mairie, clerc de notaire et agent télégraphiste
au poste de cette commune.
M. Mollier, directeur de l'école d'enseignement muLuel
de Brest, érigée en école modèle, lui délivra le certificat
cl- apres :
u Je certifie que M. Alain-Aimé-Marie Rageût de La 'fouche
lIti -
dirige, qu'il a montré beaucoup d)intelligence eL que je le CI'ols
capable, en sc conformanL au guide eL au manuel, de diriger
une école d'enseignement mutuel ».
M. Delamarre, inspecteur d'acadomie, lui délivra un
brevet du 3
degré (1).
Une autre école d'enseignement mutuel s'ouvrit à
Ploudalmézeau (3.000 habitan ts;. Les frai s d'installation
furent couverts par un secours de 300 francs accordé par
le départemenL et une somme de 1 50 francs peise sur les
fonds de la commune .
. Le premier inslituleur nommé [uL Yves Guéguen.
; A Daoulas (459 habitants) , une école mutuelle put être
étitbliè grâce à une subvenLion départementale de 400
francs et un complémenL de 100 francs pris sur le budget
communal.
J'ignore dans quelles conditions et à quelle date fut
créée l'école muluelle d'Hanvec (2.300 habitants ) ; en 1833,
elle esl fréquentée par 30 écoliers. L'inslituteur est logé
et reçoit un traitement fixe de 200 francs. Tous les élèves
paient la rétribulion scolaire.
En 1833, il ne l'es le plus dans l'arrondissement de Brest
que deux écoles mutuelles : à Brest el à Hanvec.
Arrondissement de Châteaulin
Il semble que la populaLion de Châteaulin (2.500 habi
tants) se soit montrée fa vorable au nouveau mode d'en-
. (:1.) Le brevet du 3
degré était accordé à ceux qui savaient suffisam
ment lire, écrire et chiffrer; le 2
degré il ceux qui connaissaient l'ortho
graphe, la calligraphie et le calcul; le :l.
degré il eeux qui ét.ai l\nt rn
état de donner d~s notions de grammaire, d'arithmétique. d'arpentage et
ll6 -
seignement, car en 1819, le Conseil municipal demande
au préfet l'autorisation d'ouvrir une école mutuelle.
L'inslituteur fut assuré d'un logemenL, d'un traitement
fixe de 300 francs par an et d'une rétribution de l fr.50 à
2 francs par élève. Le Comit8 cantonal fit choix, pour
dit'iger l'école, de M. Jean- Baptiste Bourguays, âgé de
60 ans.
Sous l'ancien t'égime, M. Boul'guays avait enseigné le
latin à Lesneven, de 1785 à 1792. II prêta serment et fut
agréé comme instilutE'Ul' public au LraitemenL annuel de
600 livres. Il est l'auteur d'uu ouvrage lendanL à faciliter
l'étude des principes de la langue laUne. En 17!)2, il fut
nommé professeur de 4
au collège de Saint Pol-de-Léon.
Après la suppression de ce collê~e, il fut nommé institu
teur à Châteaulin, où il conquit par sa conduite et ses
talents pédagogiques l'estime de Lous ses concil.oyens.
Père d'une famille de 12 enfants, il donna à tous l'exem
ple du travail et des bonnes mœurs. Plusieurs de ses
élèves se distinguèrent dans les collèges où ils furent
admis. .
En 1828, le local étant lrop exigu et menaçant ruine,
une nouvelle école fut construite et solennellement inau
gurée le 25 septembre 1829.
Châteaulin Procès-verbal de l'inauguration
de l'école primaù'e de deuxième degré d' o,près le mode
d'enseignement mutuel et de l'installation de l'institutew',
le 25 septembre 1829
« Le Conseil municipal de CbAteaulin ayant adopté pour.
l'école primaire le mode de l'enseignement mutuel, avait
traiLé avec M. Pennee, adjoinL de la mairie, pour la cons
truction d'un local à cet établissement.
« Chargé par M. le recteur de l'académie d'y installer M. Le
117 .-
vement de l'édifice pour procéder à cette installation en même
temps qu'à l'inauguration de l'école.
« Après s'être concerté avec M. de Rodellec du Porzic, sous
préfet, cbevalier de l'Ordre royal de la Légion d'bonneur, et
M. Durand, curé de Châteaulin et président du Comité d'ins
tI:uction, M. le maire avait tlxé la cérémonie au 25 de ce mois,
à neuf beures du matin. M. le curé eut la bonlé de l'annon
cer au prône, invitant les pères et mères de famille à y assis
ter avec leurs eHfants.
« Le 25, à l'heure fixée, se sont rendus chez M. le sous' préfet, MM. le maire, son adjoint et M. Le Pape, MM. les
conseillers municipaux, MM. les membres du ComiLé d'ins
truction, ceux des commissions de l'hospice, des prisons, de
cbarité ; M. le commandant de la gendarmerie, les divers
fonctionnaires, tant de l'ordre administratif que judiciaire;
enfin, beaucoup de notables' de cette ville.
« Les cloches ayant sonné le signal du départ, le cortège,
escorté de la gendarmerie royale, s'est rendu en ordre à l'é
glise de Saint-Idunet, où une messe du Saint-Esprit a été
dite pal' M. le curé.
«. Aprés la messe, le cortège s'est rendu à la nouvelle salle
destinée à l'école et sur laquelle flottait le pavillon français,
que l'on voyait aussi flotter SUl' le clocher. Malgré sa vaste
étendue, elle étaU insuffisante pour contenir les habitants
de celte ville, qui s'y rendaient en foule.
« Pendant que dans un aimable tumulte l'on parcourait les
tableaux, qu'on lisait les inscripLions, que l'on s'informait
réciproquement de l'usage de chaque cbose, pendant que l'on
aPl?laudissait au zèle éclairé du Conseil municIpal qui avait
si. bJen compris les besoins de la commune, on a annoncé M.
le curé.
« La présence de ce respectable pasteur a imposé un silen
ce religieux. Il a béni la salle d'étude suivant les rites de
l'église.
« M. le curé ayant quitté ses habits sacerdotaux, M. le
sous-préfet est monté sur l'estrade de l'instituteur. MM. le
maire et le curé onL pris place à ses cô tés .
lIR -
{( M. le sous-pl'éfet prononce un discoùrs üû il exaltè -lès
hienfaits de l'instruction, « flambeau de la vie socialé ». 11 .dé~
finit la tâche du maître d'école . '.
« Préparer les enfants à devenir des appuis poür leurs
parents, des ciLoyens utiles pour l'Etat, des sujets fidèles
pour le Prince, L elle est la tache immense que doit se propo
ser l'insLituteur qui comprend sa noble mission. C'est, pour
ainsl parler, un sacerdoce moral qui a droit à notre respec-
lueuse gralitude pour l'homme qui l'exerce dans l'étendue de
ses devoirs Il.
" 'c'est sous l'influence du meilleur des Rois, c'est sous le
régime de paix et de liberté dont les Bourbons ont dolé la
France, que les établissements publics se mulliplient sur
tous les pOints du Royaume, et s'étendent même jusqu'aux
localités les plus reculées. Nous voyons les magistrats de
cette ville seconder dignement les intentions paternelles du
Monarque. Celte école nouvelle sera, je l'espère, un monu-
men t durable de leur philantropie éclairée.
( Pères de famille et vous jeunes gens, que cette solennité
Intéresse el doit émouv oir, rendez avec moi jus tice à tant de
sagesse et de bonLé et exprimons de concert notre joie par
ce cri français, qui es t toujours l'accent public de la recon
naissance et du bonheur:
cc Vive le Roi! ' .
" Ce cri français a éL é répéLé avec en thousiasme, non seu
lemen t par L ous ceux qui se pressai en t dans la salle, mais
encore par la foule qui n'avaiL pu y pénélrer. Ce discours a
fail une impression qui ne s'efIacera point. C'est la fidèle
expression du zéle de ce premier magistral pour tout ce qui
peut contribuer à la propagation de l'enseignement et au
bonheur de ses administrés. '
« M. le mail'C s'est ensuite levé eL a dit :
M ollsieur le sous-préfet et Messieurs,
« Chargé par Monsieur le recteur de l'académie de Rennes
- '119
de Châteaulin, je n'attendais que l'achèvement de la nouvelle
salle d'étude pour remplir cette honorable mission.
« Depuis longtemps, la commune de Châteaulin désiraü
une école organisée selon les nouveaux procédés, dont les
heureux résultats sont reconnus, non seulement en France,
mais dans toute l'Europe civilisée.
« Grâces soient rendues au Conseil municipal de cclLe
commune qui a fait des sacrifices pour l'établissement. d'une
école qui promet tant de fruits; grâces soient rendues au
Comité gratuit d'instruction primaire pour l'heureux choix
qu'il a fait d'un instituteur si propre à la diriger et à la ren
dre florissante.
« Rendons grâces encore à la sollicitude paternelle du pre
mier magistrat cie cet arrondissement. Tout ce qui est bon
et, utile ne lui est jamais étranger. Personne plus que lui
n'est à même de sentir la nécessité de bonnes instructions
élémen taires, et il en répandra les bienfaits dans toutes les
classes de ses administrés .
( ,L'instruction est le premier besoin des peuples: celte
vérité ne pouvait manquer d'être saisie par le Monarque
éclairé l'[ui nous gouverne; mais en Roi trés chrétien, en fils
aîné de l'église, il veut que cette illslruction ait pour base
la religion, vrai fondement des vertus sociales et privées.
« Sous cet important rapport, que n'ont pas à espérer ici
Lous les pères de famille ~ ils auron t pour garantie et la con
duite religieuse du chef de l'école, ct la salulaire influence
du respectable Pasteur qui, par la loi et par les devoirs
dc son minisLère, sc trouve spécialemClJt cbargé de h sur
veiller.
a Nos conciLoyens s'empresseront donc d'y conduire leurs
enfants. Le fils du pauvre y sera accueilli comme le fils du
riche. L'instiLuteur inspire toute confiance, le mode d'en'sei-
gnement est prompL et facile; le local commode, salubre et
spacieux. Nous devons , des remerciemènts à notre adjoint
(M. Pennec), qui l'a fait construire; il a rempli d'une ma
nière large et généreuse les intentions de la commune avec
laquelle il avait traiLé.
-120 -
« EL VO US, lVlonsieur, qui prenei': aujourd'hui la direction
de cet établissement, vous avez calculé Loute la pesanteur du
fardeau don l VOLlS allez être chargé; vos fonctions seront
pénibles, sans douLe, mais importantes et honorables à nos
yeux. Nous vous confions le dépôt de ce que nous avons de
plus cher, le précieux dépôt de uos enfallts, nolre espoir,
l'espoir de la généralion présenLe.
« Mainlenir une sévére mais j usle discipline, faire naltre
une noble émulation, donner à vos éléves les éléments d'une
instruction indispensable à la vie sociale, leur inculquer par
vos princip'es, et leur inspirer pal' votre exemple l'amour de
la religion, de toutes les vertus chrétiennes, la piété filiale,
l'obéissance pour les supérieurs, le respect pour les magis
trats, l'amour pour le Roi et son auguste famille, voilà ce que
nous attendons de vous. La fortune, il est vrai, ne sera pas
le prix de vos travaux, mais vous en recevrei': une plus
douce récompense, la seule qui puisse remplir le cœur de
l'homme de bien, le témoignage de votre conscience, l'estime
el la r econnaissance de vos concitoyens.
" Vive le Roi!. .. Vivent les Bourbons! ... ».
« Ces cris de " Vive le Roi » et de « Vivent les Bourbons »
on t encore trOll vé mille échos et se son t prolongés bors l'en
ceinle de la salle.
« M. le maire a levé la séance en déclarant que M. Le
Pape élait installé et celte cérémonie si intéressante pour
les pères de fam ille s'est lerminée par les cris réitérés de :
« Vive le Roi! , ,. VivenL les Bourbons! .. , lJ .
« Cette école, ouverte sous des auspices aussi heureux,
fait espérer les résultats les plus avantageux pOul' la com
mune,
« De ce qne dess us a été dressé le présenl procés-yerbal
pour rester déposé dans les archives de la commune ~t être
transyrit sur les registres de la mairie ll .
Châteaulin, ce 25 seplembre 1 829.
Le maire de Châteaulin,
121
Carhaix, centre importa nt, petite vi'le de W4.0 habi-
lants, était dépourvu de moyens d'in st ruction.
En 1 819, le COllseil général accorde un fonds spécial de
1.000 francs pour l'établissement, à Carhaix, d'une école
d'enseignement mutuel. Le Conseil municipal se montre
favorable à ce projet et vote les crédits nécessaires à
l'installation d'un local et à l'achal du mobilier. Il vote
également une somme deslinée à l'achat des diverses
fournitures nécessaires au maitre et aux écoliers. L'état
des dépenses r.omprend :
Pour peindre les télégraphes, di vers tableaux
et les inscriptions nécessaires. ' . . . . . .. .'
Un crucifix elle buste de Sa M ajesté Royale
Une cloche. . . . . . . .. ......... .... .. . . ... .
Une colleclion de tableaux élémentaires .... .
Des tableaux pO Ul' le la tin .............. , .,
Un guide d'enseignement mutuel . . . ' ..... .
Des feuilles de récompenses. . . . . . . . . . . . . .
Un registre d'inscri ption ...... .... . . . . . ... .
Un registre d'appel .......... ......... " .
Un registre de rece ttes et dépenses. ' ... . .. .
20 ardoises nu 1 à 0 fI'. 50 ................ .
20 ardoises n° 2 à 0 fr. 60 ....... , ....... . . .
20 ardoises n° 3 à 0 fr. 75 ............ . .... .
100 crayons d'ardoises ....... , ... . ... , ... .
30 porte-crayons en cuivre ................ .
R carnets a vec couverture. , ........... , . . . .
Un cahier d'écriture cursive sur carton .. , ..
6 étrennes spirituelles reliés . .. ........... .
Une collection de 1 7 médailles pour la déco-
ration des moni teurs et premiers . , .. . ...
Transport de ces objels de Brest à Carhaix.
12 fI'.
20 fr.
l ft'. 50
10 fr. 50
1 fI'. 25
4 fI'.
1 fI'. 75 .
10 fI'.
L i fI'.
2 fr. 50
12 1'1' .
1 5 ft'.
4 fI'.
5 fI'.
(j fI'. 40
9 t' 7~
4. fr. 50
Il fr. 25
122 -
L'accord le plus comple t règne donc entre la municipa
lité de Carhaix et la préfeclure. Il n'en est pas de même
au sein du Comité cantonal d'inslruction publique Ce
comité comprend MM. Morva n. curé de Carhaix, prési
dent; Veller de Kersa laün, juge de paix, vice-président;
MM. Cléret, maire de Carhaix. Boyer, receveur de l'en
registrement, Courbon de Pérusel, docteur-médecin.
Pillas-Kerdelleau, maire de Plougue r.
Dès qu'il a été question d'ouvrir une école d'enseigne
ment mutuel, le curé déclara form ellement « ne vouloir
se mêler en aucune sorte de ce qui concerne l'enseigne ment mutuel, ni à l'église, ni ailleurs ». MM. Courbon de
Pérusel et Pillas-Kerdelleau firent des déclaralions iden
tiques.
Forts de l'appl~i du préfet, les Irois a utres membres,
quoique ne formant pas la majorité du Comilé, se réunis
senl, délibèrent et établissent pour la nouvelle école le
règlement s ui vant :
ARTICLE 1°' .. - En élé, à compter des fêtes de Pâques jus
qu'à celles de Lous les Saints, chaque année, l'école s'ouvrira
à 8 heures du maLin et sera terminée à 10 hem'es.
L'après-midi elle s'ouvrira à 2 heures et finira à 4 heures,
de manière que cha(lU e séance soil de 2 heures sans inter
rupLion .
ARTICLB ~ . En hiver, il compter de la fêLe de tous les
Sainls jusqu'à celle de Pâques, l'école s'ouvrira à \} heures du
matin et sera terminée à I l heures.
Celle de l'après-midi comme à l'article 1 .. ·.
ARTICLE 3. A l'ouverlure de l'école du malin, chaque
jour, il sera fail par l'instituteur une invocation au SainL Esprit. suivie des prières du malin, qui seron L, autant que
possible, dites par l'un des écoliers, chacun à son tour, sui
vant sa capacité. Chaque séance sera également L erminée
par une invocation à la sainte Vierge eL le Domine saloum (ac
123 -
. ARTICLE 4. Cbaq ue école du soir sera pareillement pré
cédée d'une invocatioll au Saint-Esprit, Lerminée par la
priére du soir, touj ours sui vie du Domine sa/oumfac Regem .
ARTICLE 5. Indépendamment des instrucLions que don
nent Messieurs les ecclésiastiques aux enfanLs qui se desLi
nent. à la Sainte-Communion, auxquelles l'ins tlLuteur veillera
à ce que ses élèves assistent, il leur enseignera deux .fois
par semaine le catéchisme usité dans cet évêché,
ARTICLE 6. Tous les dimanches et les jours de fêLe re-
connue, l'insLituteur assemblera ses écoliers, soit dans la
salle ou la cour de l'école, un quart d'heure avant l'office,
messe dominicale et vèpres ; 111es conduira à l'église eL veil
lera à ce qu'ils s'y comportent décemmen L. Il pourra, à cet
égard, établir des censeurs qui lui rendront comple.
ARTICLE 7 . L'instituteur présentera très incessammenL
:lU Comité, un mode de r écompenses et de punitions confor
me à l'àge et aux dispositions de ses élèves. Il ne pourra,
sous aucun prétexte, les maltraiter de coups de férule ou de
verge.
Et sera le présent réglement lransmis à l'instituteur pour
qu'il s'y conforme.
On conviendra que ce règlement, conforme à l'esprit des ordonnances , ne juslifiait pas l'opposition du cu ré ni
ce lle des deux autres membres du Comilé, qui avaient
crû devoir le suivre : tous pouvaient être assurés que
l'enseignement danS la nouvelle école serail pénélré de
l'esprit le plus religieux. On ne s'explique leur hostilité
que par une question de doctrine politique : les écoles
d'enseignementmutuel étaient prônées pal' les libéraux;
pour cette seule raison, les ultras et le clergé n'en vou laient pas.
Le Comité, du reste, désire q Uè l'ouverture de l'école
se fasse sous les auspices de la religion .
. « Le Comité, pénétré de l'importan ce d'ouvrir l'école d'en
124 -
cipes les plus purs seront la base de celle institution, désire
qu'uno messe solennelle soit célébrée le jour qu'il plaira à
M. le curé pour l'ouverture de cette école primaire, à laquelle
toules les autorités sont invitées d'assi:;ler ; il prie, en con
séquence, M. le maire de faire part à M. le curé de son vœu
à cet égard .
. i Le Comité fait défense à lout particulier · d'établir dans
l'élendue de ce canton une école d'enseignement, de quelque
nature et sous quelque dénomination que ce soit, s'il ne s'est
préalablement conformé aux disposilions de l'ordonnance
du roi du 29 février 1816, sous peine d'être t.raduit aux tri-
bunaux comme réfractaire aux lois du royaume; invite M.
le Ïnaire de Carhaix à faire connaître au pUblic par bannies
et affiches, la présente détermination ».
1nvit8 à préluder à l'ouverture de la nouvelle école par
une messe du Saint-Esprit à laquelle assisteront les au-
torités locales, M. le curé répond: .
(c Vous connaissez. Monsieur le maire, l'opinion que j'ai
manifestée touchant le nouvel établissement · que votre zèle
pQur vos administrés veut procurer à la ville el au canton
dè Carhaix. Je déclare formellement ne vouloil; nullement me
mêler de ce qui concerne l'enseignement muluel ni à l'église
ni ailleurs, comme je l'ai fait assez cOllnaître en refusant de
de prendre part aux délibéraLions y relalives. Je ne puis
açcéder à la demande d'une cérémonie religieuse à celle
o6casion sans démentir la conduite que j'ai tenue el à la-
quelle je me propose de tenir par principe de conscience JJ
~J.,'ouverture de l'école ne sa fm'a donc pas avec l'éclat
désiré par le maire: le clergé n'y participera pas.
La cérémonie eut lieu le 1
août. Le procès-verbal,
consigné dans les registr'es de délibération du Conseil
rpuhicipal, nous renseigne sur la manière dont elle s'est
déroulée.
« L'an mil huit cent vingt, le premier août, à dix heures
du maLin,\ le maire de Carhaix procède à l'ouverture de
125 -
l'école d'enseignement mutuel dans celte ville, le Conseil
municipal et le Comité d'instruction convoqués à cet effet.,
Sont présents: MM. Maillet. Le Moal, Le Bollocl1, cadet,
Banéat Jean-Jacques et Banéat Joseph, membres du Conseil
municipal. ..
«MM. Veller de Kersalaün, v.ice-président, el Boyer,
membre du Comité d'instruction, le vice-amiral Comte
Emériau, inviLé à la cérémonie, et une foule de notables de
la ville.
« M. le maire a, dans la salle de rhô Lei de la mairie, accom
pagné MM. les adjoinLs, donné lecture de la délibération du
Comité d'instrucLion du 28 juillel dernier, relaLive principa
lement au régime inLérieur de J'école, du brevet de capacité
de M. GreneL, instituteur, de l'approbation de ce brevet pal'
M. le préfet, de sa lettre à M. le curé pour l'inviter à chanter
ou faire chanter à celte occasion une messe du Saint·Esprit,
etde la lettre de M. le curé portan t refus formel de se rendre
à cette invitation. . .
« Ensuite, on s'est transporté en corlège, sous l'escorte de
la gendarmerie, présente à la cérémonie, au local de l'école.
« A l'arrivée, le maire et après, M. le vice-président ont
prononcé des discours analogues à la circonstance, démon-
trant les avantages de l'enseignement mutuel et exprimant
le vœu de la réussite de cet enseignement pour l'avantage
du peuple el du Monarque qui le protège.
(( Les discoul's terminés, il a été fait une disbribulion de
prix aux élèves déjà en état de servir de moniteurs.
« Les élèves ayant, par l'ordre de l'instituteur, fait diffé
rents exercices, à l'admiration des autorités et de la foule
des spectateurs, la séance a été terminée par les cris sou-
vent répétés de: « Vive le Roi! ... Vive la Charte! ... Vivent
les Bourbons » .
« De tout quoi il a été dressé acte sous le seing du maire,
des adjoints, des membres du Conseil municipal et du Co
mité, du marécbal-des-logis de la gendarmerie et de M. 'le
vice-amiral Emériau ».
Le procès-verbal ne reproduiL pas le texte des discours
prononcés. Ces discours ne furent pas .tendres pOUl' M. le
curé, ni pour les membres dissidenLs, .!sïl'on en juge par
la plainte suivante adl'essée pa l' ceux-ci au sous-préfet
de Châteaulin :
Carhaix, g août 1 820.
MM. Morvan, président. du Comité d'instruction de la ville
de Carhaix, Plllas-Kerdelleau et Courbon-Pérusel membres
du même Comité, à Monsieur le sous-préfet de Châteaulin.
« Nous eussions gardé le silence sur les plai.ntes que l'on
nous a dit avoir été faites de notre conduite à M. le préfet
par M. le vice-prélüdent du Comité d'instruction, si nous
n'avions jugé nécessaire d'instruire les auloriLés supérieures
de la manière extraordinaire avec laquelle on vient d'instal
ler l'école d'enseignemenL mutuel.
c ( Avant de faire les réparations du local où elle devait être
établie, et de faire venir le maître qui devait la diriger, on
n'a pas jugé à propos de prévenir le Comité d'instruction du
projet qu'on avait en vue. Ce n'a été que lorsque l'école
était déjà instituée que l'on a réuni le Comité pour délibérer
sur les règlemenls. Deux des membres n'ont pas cru devoir
se présenter à celte con voca Lion, un troisième qui s'y est
rendu, a déclaré qu'il ne s'occuperait pas des règlements en
ques tion puisque s'il avait été consulté, il aurait opiné contre
l'établissement de l'école.
(( Malgré l'opposiLion de trois mernbres,les trois autres se
sont déclarés compétents pour l'installa tion de l'école et
voici comment on y a procédé :
(( A l'hôtel de la mairie, où se trouvaient présents le maî
tre, les élèves et de nombreux specta teurs, on a commencé
par donner publiquement lecture de la lettre de M. le curé,
où il déclare ne vouloir s'ingérer en rien de ce qui concerne
l'enseignement mutuel, et par signaler l'absence des deux
autres membres.
« Il a été ensuite prononcé un discours où l'on a débité
beaucoup de choses contre les fanaLiques en général el où
127
« Ces hommes ne sont pas ce qu'un vain peuple pense,
«NoLre crédulitè fait toute leur science (1).
« Il nous semble que, puisque le Comité se croyaiL compé
tent pour l'installation de l'école, il étaU inuLile que M. le
vice· président et le maire fissent mention publique des mem
bres absents el qu'au lieu de prononcer devant des enfants
un discours rempli de lieux communs contre le soi·disanL
fanatisme, on aurait pu les entretenir avec plus de fruit de
leurs devoirs et de la nécessité des bonnes mœurs sans les
quelles l'instruction est évidemmenL nuisible.
({ Nous vous pelons, Monsieur le sous-préfe t, de vouloir
bien donner connaissance de celte lettre il 1'.1 on sieur le préfet,
afin de détruire l'impression défavorable que lui aura peulr
êLre donnée sur notre compte le rapport qui lui a été fait Il.
Mis au courant de cette plainte, le préfet chargea le
sous-préfet de Chàteaulin de blàmer la conduite des ora
teurs et l'engagea à employer tous les moyens pour réta-
. blir la bonne harmonie entre les membres du comilé.
({ Il me paraLt que les orateurs qui ont prolloncé des dis
cours à l'installation, à Carhaix, de l'école d'après la mètho:
de d'enseignement mutuel, ne se sont pas tenus dans les
bornes des convenances que leur prescrivaiL l'objeL de la
réunion qui a eu lieu à celte occasion.
c( Au lieu de parler uniquement de l'avantage que ceLLe
école procurait à la ville, d'engager les pères de famille à y
envoyer leurs enfants, et d'entretenir les enfants présents du
bienfait d'une bonne éducation el de la nécessiLé d'y join-
dre des principes religieux el de bonnes mœurs, ils se sont
livrés à des déclamations contre le fanatisme.
« Je vois avec peine que la dissidence d'opinion qui règne
entre les membres du Comité chargé de surveiller l'insLruc
tion primaire, a fourni à ces orateurs l'occasion de ces dé
clarations si déplacées.
128 -
« L'un ou l'autre a cité ces vers si connus :
(( Les prêtres ne sont pas ce qu'un vain peuple pense,
cc Notre crédulité fait toute leur science.
« S'il est vrai que les membres du Comité, présents à l'ins
lallation, ont fait connalLre les motifs qui onl empêché les
autres membres d'assister à cet te cérémonie, il est assez
visible que l'intention de l'oraLeur était de diriger ce lrail
si banal conlre l'un des absents, et cetle conduite esl bien
répréhensible.
« M. le juge de paix, vice-président du Comité, el M. le
maire ont lous deux prononcé des discours. Je vous charge
de blàmer de ma parl, celui ùe ces deux fonclionnaires qui
se serail permis de faire un e applicalion aussi inconvenanle
de cette maxime des prétendus philosophes.
« Les membres du Comit6 qui n'ollt pas une opinion favo
rable de l'enseignement mutuel, se trompent san~ doute,
mais celle erreur est pardonnable, el l'attaque dirigée contre
eux ne l'est pas.
« Il ne faul pas que la différence d'opinion sur une mélho
de d'emeignell).ent, rompe la bonne harmonie qui doit régner
entre les membres du Comité. El si cette harmonie, si
nécessaire pour l'avancement de l'éducation élémentaire,
avait cessé, je vous prie de prendre L ous les moyens de la
rétablir et de m'informer du résullat de vos démarches » .
Malgré ces querelles locales, le mode mutuel eut la
faveur des Carhaisiens et des campagnes environnantes.
L'effeclif scolaire augmenta rapidement aux détriments
de l'école d'enseignement individuel tenue par M. Le Meon
de Chansy. Ce dernier se plaignit à M. Le Priol, recteur
d'académie, que tons ses élèves le quittaient, et sollicita
un autre poste.
En 1822, le nombre moyen des élèves fréquentant
l'école mutuelle est de 55. Le Comilé d'instruction assure
que « l'instituteur, M. Grenet, tient son école avec le plus
duite exemplaire et a
confiance générales» .
129 -
fixé en sa faveur. l'eslime et la
Sollicité par le sous-préfet d'établir à Pleyben (4.500
habitanLs) une école d'enseignement mutuel, le maire de
cette localité reconnait que la « situation, l'importance et
la centralité du bourg, offrent des faciliLés pour un tel
établissement Il mais, :ljoute-L-il « 18 faiblesse des res sources et le manque de local s'y opposenL ll.
Or, de l'examen du budget il l'ClsuUait que la commune
avait un excédent budgétaire de 700 francs el possédait à
la Caisse de service du Trésor royal un dépôt de 1.500
francs. L'allégalion du maire concernant le manque de
ressources s'avérait donc fausse .
Il en était de même pour le manque de local. En effet,
M. de Launay, notaire, conseiller d'arrondissement, char
gé par le sous-préfet de rechercher un bâtiment propre à
recevoir l'école d'enseignemenl mutuel, lui répondait le
17 juin 1820 :
« Dans le moment, il ne se trouve aucun local convenable
de disponible, mais il me sera facile d'en trouver un à la
Saint-Micbel, époque des locations.
« La grande disette qui a cessé d'exister depuis 2 à 3 ans
a amené dans le bourg beaucoup de malbeureux. On refu
sait, dans les campagnes, de les loger, parce que le culti va
teur aisé, n'ayant, pendant cette grande calamité, que le strict
nécessaire, ne pouvait plus, ni les secourir, ni demeurer
témoin insensible de leurs douleurs: il a renvoJ'é ces mal
be~rellx qui se sont groupés dans le bourg où ils ont cr)l
trouver plus de ressources .
« On m'a dit que la lettre du maire, s'opposanL àla création
d'une école mutuelle, avait été éerite par le secrétaire de
ma~rie qui est aussi instiLuteur primail'e et qui craint de
- 130 -
perdre cette dernière place, par
menl » .
L'école fut ouverte en 1821.
suite du nouvel établisse-
La commune de Crozon (8.000 habitants), Sélns nuire à
ses dépenses ordinaires, pou vait faire face aux frais
d'établissement et d'entretien d'une école mutuelle. Tou .,.
tefois, pour obtenir plus sûrement la création d'une école
dans cette presqu'île où les habitants vivaient dans une
ignorance absolue, le Comité d'instl'Uction publique ac
corda un secours de 700 francs.
L'instituteur, M. Balcon, passa plusieurs jours à Brest
pour étudier la méthode d'enseignement mutuel. Il reçut
un trai temen t de 600 francs et une indemnité de 120 francs
pour son logement. .
La municipalité de Châteauneuf-du-Faou (2.000 habi
tants), en réponse à une intervention du Comité d'instruc
tion de Châteaulin, prit la délibération suivante (18 juin
1831) :
« Depuis longlemps la nécessité d'établir une école au
chef-lieu de canton de Châteauneuf, se faisait vivement
sentir.
« L'insuffisance des ressources de la commune a élé un
obstacle à l'accomplissement d'un vœu déjà émis à diverses
époques par des citoyens bien intentionnés.
« Aujourd'hui que le gouvernement apporte tous ses soins
el sa sollicitude à propager l'enseignement, il nous est per mis d'espérer.
« Il n'est pOint de cant on dans le département où !'instruc
tion ·soit plus négligée. Nous pensons que l'éloignement des
131
villes possédant des écoles, contribue beaucoup à mainLenü'
le pays dans l'ignorance. Le pe ll d'aisance des habitants de
la campagne ne leur permet pas d'en voyer leurs enfants à
Quimper. seule ville qui possède de bonnes écoles. La méLho
de ancienne a l'inconvénient d'être forl lenle ; les familles
sont effrayées des fraisd'lnsLruction et surtout de la priva
tion du travail de leurs enfants pendant les 3 ou 4 années
que l'on emploie à enseigner la leclure, l'écrilure, le calcul
et les premiers élémenLs de grammaire.
« Nous dirons avec non moins de vériLé que c'est à l'igno
rance que l'on doit principalement attribuer les préjugés et
la supers Lilioll qui se perpé Luen t eL se transmeLLent de géné ration en génération. C'est encore a u défaut de l'instruclioll
qu'est dû le peu de progrès qu'a faiL l'agriculture dans ces
contrées où les habitants sont cramponnés à la routine et
aux anciennes habiLudes.
«Nous pensons que le moyen le plus efficace pour attein-
dre le but que l'on se propose, serait d'établir à Chàteauneuf
une école primaire IJar la métbode de l'enseignement mutuel
où les élèves de tout le canton seront admis gratuitement, à
l'exception de ceux dont les parents jouiraient d'une aisance
reconnue. .
« On ne se dissimule point ici que la commune de Cbà
teauneuf est dépourvue des moyens nécessaires pour fonder
un pareil établissement, mais on a l'espoir que le déparLe~
me)1t voudra bien y subvenir et que les communes qui sont
appelées à partager les bienfaits de cette insLiLution, ne se
refuseront pas à en supporter les charges conjointement
a vec celle de Cbàteauneuf ».
Un secours de 900 francs fut accordé à la commune de
Châteauneuf. L'école s'ouvrit en 1 832. Le sieur Delpuech,
officier en demi-solde, résidanL à Rosporden, en obtint
la direction. Outre la rétribution payée par ses élèves, il
ful assuré d'un traitement fixe de 300 francs.
Par les cinq écoles mutuelles dù Carhaix, Pleyben,
Crozon, Châteaulin et Chà teaunellf, le Comité d'instruc-
- 132 --
tion 'se flatle d'atlirer les fils des cullivateurs riches de
l'arrondissement qui, jaloux surtout d'apprendre le fran
cais à leurs enfants, ne consenlenl à les faire instruire
que dans les loc~tlités où la population est agglomérée,
où . l'on parle communément la langue française et où
leurs affaires les amènent périodiquement.
« En aidant les communes à créer des écoles d'enseig)1e
ment mutel, nous avons fécondé le champ de l'avenir, nous
y avons semé des germes qui se développeronl avec rapidité
et enrichiront un pays, pui!'sant deses moyens naturels, et
lie demandant pour parvenir à un haut degré de prospérité,
que moins d'apathie et plus de lumières ».
Arrondissement de Quimper
Dans l'arrond.issement chef-lieu, le préfet obtint de la
municipalité de Quimper (1) la création d'une école d'en-
seigoement mutuel. en 1819. ,
L'imüituteur, M. Miniou, reçut de la ville un traitement
annuel de 800 francs En 1820, l'école mut~lelle était fré
quentée pa r 60 élèves dont 5 seulement payaient une
rétribution de l fr. 50 par mois destinée à l'achat de
fournitures classiques.
Quatre autres instituteurs, les sieurs 'Zens, Laurint,
Fessy et Gaulias tenaient à Quimper des écoles publiques
où le' mode d'enseignement était individuel.
L'école mutuelle fut érigée en école modèle. les maîtres
qui désiraient s'initier dU mode mutuel, venaient y faire
un stage variant de dix jours à trois semaines.
(1) Lapopulaliou de Quimper était, en 1819, de 8 à 9.000 habitants,
133 -
En décembre 1820, Miniou recoit du recteur de l'acadé-
mie un cahie1' spécial pour exercer les élèves à la lec- .
ture des manuscrits et un A brégé de l' Histoire Sainte
« propre à former l'esprit et le cœur des enfants à la ver-
tu et à leur inspirer l'amour de la religion ».
L'école mutuelle de Quimper disparut en 1824 lorsque
les frères de la Doctrine chrétienne vinrent s'établir dans
cette ville. L8 département vota un crédit de 12.000 francs
pour l'achat d'un édifice destiné à recevoir leur école;
cet édifice est l'établissement où se trouve aujourd'hui
l'école Jules-Ferry (rue du Lycée). La ville alloua aux
quatre frères qui y enseignaient une subvention annuelle
de 2.400 francs .
L'école du sieur Miniou, établie dans les bâtiments de
l'ancien collège, fut transformée en école primaire supé-
fleure.
. Le préfet chargea M, Delamarre, inspectem d'acadé
mie, de s'entendre avec M, Piriou, mairé' de Douarnenez,
pour la créationd::tns celte Tille, d'une école d'enseigne
ment muluel.
.Le maire accepta en principe, mais exposa à M. Dela
marre que la commune était hors d'état de fournir aux
frais de premier établissement. La ville ne disposait an
nuellemE'nt que d'une somme de 1.800 francs, produit des
octrois; toutefois, sur celle somme, il serait possible de
dOnner à un instituteur le logement et un traitement de
3 à 400 francs .
Le préfet accorda un secours de 000 francs et M. Dela
m~rt'e sollicita de la Commission royale une subvention
de 400 francs.
134
« Douarnenez, pelile ville de 2.000 habitan ts, est le chef
lieu d'un canlon qui en a de 9 à 10.000. Ce porl est importan t
par le commerce du poisson sec auquel ses babilants se
livrent, et par les sujels qu'il fournil à la marine royale et
il la marine marchande. Pour celle population essentielle
ment industrieuse, rien ne serait plus ulile que l'inslruction
primaire, et le besoin en esL vivemenL senti par les autorités
locales. C'est une école d'enseignement mutuel qu'il faudrait
et que rOll désire dans cette commune où il n'exisl~ point
d'instiluleur. M . Ulliac, ancien officier de marine, demande
la direction de cette école. Il serait d'autant mieux accueilli
qu'il est capable de donner des leçons d'hydrographie, avan
tage dont on ne pourrait manquer de sentir tout le prix dans
un pays maritime comme Douarnenez ..
« Je sollicite de la Commission royale une subvention de
400 francs qui, avec le secours départemental de 400 francs,
accordé par le Conseil général suffira à couvrir les premiers
frais, vu le logement et le traitemenl que la commune est
dans l'intention d'assurer au maUre ».
La Commission royale accorde la subvention deman
dée, «dans la double persuasion que la commune accol'-
dera à l'instituteur le logement et un Lrai.lement annuel.
et que cet instiLuteur sera M. Ulliac. a ncien officier de
manne ».
Mais entre temps, le curé .le Douarnenez persuade le
maire que l'argent destiné au traitement du maître d'é
cole serait Il plus utilement employé à faire les frais d'un
nou vean .Clmetlere )} .
. D'autre part, le maire récuse la candidature de M. Ul
liac et contie la direction de l'école à M. Richecœur. ori-
ginaire de Quimper.
« M. Richecœur, écrit-il au préfeL, est très méritant' par
ses mœurs, sa bonne conduile, ses principes religieux. Il
est marié et bientôt père de famille: il esl le seul soutien
d'un père et d'une mère infirmes et accablés de 'vieillesse ».
-135 -
, Arguant. de ces fails nouveallX, et craignant qu e la
subvention accordée ne soit employée à fonder une école
dont la stabilité ne serait pas garantie par un traitement
assuré à l'instituteur, la Commission royale revient sur
sa.décision parce que « le motif déterminant du secours
semble, en quelque sorte, s'évanouir )J .
« Si M, Ricbecœur ne recevant rien de la commune, et ne
r~tirant pas de ses élèves ce qui lui est nécessaire pour
exister, venait au bout de quelque temps à abandonner l'é
cole, l'argent employé à son établissemen t l'aurait été en
pure perle 'J.
Cependant, le préfet augmente le secours départemen
tal, et l'école s'ouvre en septembre 1820. Examiné par M.
J. Le Coz, ancien principal du collège de Quimper, et
après un stage à l'école d'enseignement muluel de Quim
per, dirigée par M. Miniou, Richecœur est autorisé par
le Comilécantonal à s'établir à Douarnenez.
Hélas, les prévisions de la Commission royale se
réalisent: curé et gros propriétaires mènent campagne
contre l'en:'ieignement mutuel; beaucoup d'écoliers sont
retirés par leurs parents: la pêche est mauvaise, les
élèves qui restent ne peuvent payer; pour comble, des
institutrices et un instituteur non autorisés enseignent
clandestinemeut à Douarnenez et prennent de leurs élè-
ves des rétributions plus faibles que celles demandées
par le directeur de l'école mutuelle. Celle-ci se vide.
, Après quelques mois d'enseignement, B.ichecœur écrit
au 'recteur :
« Je suis en but aux sarcasmes continuels des instituteurs
eL. des institutrices non autorisés; non contents de m'inju-
rier. et de le faire faire par leurs élèves. ils me prennent le
peu que j'ai, en prenant moins que moL En outre, le man
que de pêcbe, depuis quatre ans, ruine le malbeureux pays
où je suis.
- 136 -
« Je désire aller me fixer ailleurs. Je vous serais infini
ment obligé de vouloir bien m'indiquer un canton qui pré
sentât plus de ressources que celui-ci, soit qu'il y ait un
enseignement mutuel ou un· autre à diriger ».
Après le départ de Richecœur, la municipalité comprit
la nécessité de donner à l'instituteur un traitement fixe.
Eu 1831, l'école mutuelle est dirigée par Guillaume
Bossennec qui l'eçoit un traitement annuel de 800 francs
et instruit graluitement tous ses élève1S au nombre de 30.
L'a.nnée suivante, le maire de Douarnenez demande au
préfet le déplacement de M. Bossennec, « payé par la
commune à 800 francs par an pour l'instruction de 40
élèves indigents et qui néglige totalemenL les devoirs de
sa fonction }). Au coues de diverses visites, le maire n'a
trouvé dans sa classe que 10 élèves au plus; souvent la
classe était fermée à 10 heures; il se plaint de sa con-
duite et de son peu d'empressemenL à remplir ses devoirs
religieux.
A vant de prendre des sanctioos, le Comité d'insLruction
charge d'une enquête le juge de paix de Douarnenez, M.
Béléguic. Celui-ci déclare qu'il.n'a rien appris de défavo
rable au sieur Bosseunec, relativement à sa conduite
morale et religieuse : '
le Je croyais, je vous avoue, que celle derniére élait une af
faire de conscience el qu'il ne devait plus en être question ... »
Ancien élève du petil séminaire de Pont-Croix, Bos
sennec se destinait à la prêtrise : mais, ne se sentant pas
de vocation pour ce ministère, il ne poussa ses études
que jusqu'à la philosophie. Après avoir fait à Quimper
sa logique, il quitta la sou talle pour reprendre l'habit
séculier. A sa sortie du séminaire, sans ressources , il
voulut tirer parti de son instruction et se voua à l'en
seignement Il obtint la direction de l'école m'tuelle de
137
Douarnenez. Au dire du juge de paix « il conduit son
école, sinon avec éloge, du moins sans reproche; sa con
duite est et a toujours été réguUère sous tous les rap
ports » .
. Marié en 1831, il perdit sa femme la même année, au
cours de l'épidélllie de choléra qui décima Douarnenez.
La plainte du maire ne fut sans doute pas retenue, ear
en 1834, Guillaume Bossennec exerçait toujours s(-'s
fonctions à Douarnenez.
L'école d'enseignement mutuel de Ponl-Croix fut fon
dée grâce à la générosité de M. Bégé, domicilié à Paris,
eL membre de la Société pour l'instruction élémentaire.
Le rapport ci-dessous, adressé par l'instÏluteur, M.
Odeyé, au préfet du Finislère, nouS renseigne d'une façon
très complète sur le fonctionnement de cette école et 18S
diiflcultés rencontrées dans le recrutement des élèves (1)
Ponl-Croix, le 10 mai 1831.
Monsieur le Préfet,
(c C'étail une idée toul à: la fois grande cl généreuse cl qui
ne pouvait germer el éclore que dam; un cœur libéral cl
bienfaisant, de venir répandre les premières semences de
l'instruction, dans un pays qui en est dépourvu, el que son
costume, son langage et ses IDœurs semblent avoir séparé
du reste de la France.
cc C'est pour rendre hommage au caractère ferme et persé
vérant de notre fondateur qui fit triompher ses .projets,
malgrè les préjugés d'un pays où toute !lOU velle insliLulion
effraie. C'est en retour de la protection que vous accordez
(1. ) Ce rapport, (ort bien rédigé, atteste que l'instituteur n'était pas
dénué d'une certaine culture. Il alteste aussi le soin que prenaii l'admi
nistration de placer de bons maîtres à la tête des écoles mutuelles.
si généreusement à ce qui peul contribuer à ciyiliser noLre
pays, que je viens mettre sous vos yeux un tableau général
de l'école gratuite d'enseignement mutuel fondée à Ponl
Croix par M. Bégé, le 1
mai 1829 .
« Pont-Croix, chef-lieu du canton de même nom, situé à
l'entrée du Cap-Sizun, à trois lieues du Bec-du-Ras, si fameux
par ses naufrages, est une commune de 2.032 habitants.
'l'ouLes ses ressources, du côté de l'instruction, consislaient
en un petit séminaire pour le riche. L'enfant de l'artisan
tl'OU v ait dans deux mauvaises écoles non autorisées, el sui
vies par une vingtaine d'enfants, les premiers éléments de
leclure et d'écriture qu'il achetait par beaucoup de temps et
d'argen t. .
« M. Achille Bégé (1), devenu. le principal propriétaire de
l'endroit, frappé du. grand dénuement du pauvre, pense à
consacrer une partie de son revenu à l'établissement et
entretien d'une école primaire gratuite.
« Le choix de la méthode el celui d'un instituteur furent
l'objet des premières sollicitudes de notre fondateur. Le
muLuellui plut. Je connaissais l'idiome du pays: il m'hono
ra de son cboix. ParU pour Nanles le 15 décembre 1828, et
recommandé au président du bomité de cette ville, je fus
remis au directeur de l'école d'enseignement mutuel, qui me
donna ses soins et les documents nécessaires pour créer un
établissemen t pareil.
« Le 20 Février 1829, je retournai à Pont-Croix, rappor
tan!. avec moi les éléments de la civilisation et de l'industrie.
« J'éLais loin de pressentir toutes les difficultés qui allaient
accueillir un si beau projet. Je croyais qu'il n'y avait
qu'à éprouver les jouissances de l'avoir entrepris. Il n'en fut
pas ainsi: trois mois s'écoulérent avant l'installation défini
II ve de l'école.
« Cet intervalle fut traversé de mille difficultés. Il fallait
tf'OU ver un local convenable, ce qui se trouve rarement dans
un petit endroit. Le matériel de la classe était à confection-
(1) M. Bégé habitait, 1, rue Lepellelier. à Paris.
139
ner, les fournitures de toutes espèces à faire venir de Paris.
Joignez à cela le peu de zèle de quelques autorilés, prove
nant soit d'indifférence, soit de crainte de sc prêter à une
entreprise qui aurait trou vé des désapprobateurs.
« Malgré tout, une correspondance active entretenue avec
M. Bégé, l'empressement de cette Société de Paris, t.oute
dévouée à l'instruction du peuple, la coopération de quelques
personnes influentes dans le pays, firent lever une partie des
obstacles.
« Je pris auprès de moi 20 enfants des plus intelligents,
qui devaient me servir de moniteurs et je m'établis avec eux
dans un local provisoire appartenant il, M. Clermont. Tout
mon mobilier consistait en tables, bancs et télégraphes, ar
doises, crayons et porle-crayons, et des Nouveaux Testa
ments pour la lecture, C'est avec ces éléments que je com
mençai mon travail.
« L'idiome bas-breton avait déjà èté l'objet de mes relations
avec M. Bégé. Justement alarmés du retard qu'apporterait
dans les études cette différence de langue, pour y remédier,
nous convînmes que la marche à suivre serail de ne rien
changer à la méthode d'enseignement, que les explications
seraient données en français et aussitôt traduites en la lan
gue du pays.
« Cela posé, je préparai mes jeunes élèves, leur servant
moi-même de moniteur général. Je leur faisais exécuter les
e~ercices Q.es tables, les instruisant de leurs devoirs à l'égard
de leurs camÇl.rades qu'ils étaient destinés à diriger.
« Dès lors, les préjugés d'un pays où un escamoteur de
muscades est regardé comme' un homme enchanté, où l'on
voit encore les· signes certains de la guerre dans des armées
qui s?entrechoquent dans le ciel, ces préjugés, dis-je, firent
naître un nouveau genre d'opposition contre une méthode
entièrement inconnue. Chacun se livra à ses conjectures.
Les mouvements d'ensemble qu'on fait exécuter aux enfants,
tenaient, dit-on, aux exercices militaires, Le gouvernement,
disait l'un, a des vues sur nos enfants: ils seront préféra
blement pris dans les conscriptions. Un autre ne concevait
140
pas une méthode où 1'011 apprenait à lire sur des tableaux eL
à écrire sur l'ardoise, et où son fils était instruit par- le fils
de son voisin.
"Pour les enfants, ils étaient encbanLés de ce mode d'ensei
gnement qui les amusait Lout cnles instruisant. Les moni
Leurs étaient fiers de leurs petits pouvoirs.
« Le nombre des enfants était doublé lorsque M. Bégé
vinL lui-même à Pont-Croix, dans le courant du mois d'aoùt
1829. Il visita l'école, interrogea lèS élèves sur la lecture,
l'arlLhmétiq ue, vit les écritures, Lrouva qu'ils avaient répon
du à mes efforts et leur donna des récompenses.
« Nous n'étions encore que provisoirement établis, notre
matériel n'était pas complet; il nous [allaH un local plus
central et mieux disposé. L'active sollicitude de notre fon
dateur vint à notre secours. Une nouvelle salle fut bientôt
prête et garnie de ses tableaux de lecture. Alors seulement
nous pùmes mettre la méthode d'enseignement mutuel en
pratique dans tous ses principes. Faire passer rapidement
Lous les élèves par touLes les classes de lecture et en déter
miner la classification fut mon premier devoir.
« Depuis cette époque, l'école prit une marche plus régu
lière, des siluations de trimestre furent adressées à M. Bégé
et au maire; les puniLions et récompenses furent employées ;
des billets furent donnés aux moniteurs et au premier de
chaque cercle, et échangés à la fin de chaque semaine contre
de l'argent. Cinquante élèves de la ville et de 'la campagne
suivaient la classe; les visiteurs venaient fréquemment et
s'en allaient enchantés de la nouvelle méthode, de la tenue
des élèves et de leurs progrès: nous paraissions tranquilles.
(( Cependant, quelque reLard que nous mîmes à nous
mettre en mesure vis-à-vis de l'Université pour l'obtention
de l'autorisation spéciale, attira sur nous les regards de M.
le recteur de notre Académie. On menaça de fermer notre
école; je fus signalé comme un homme peu religieux. M.
le président du Comité.de Quimper, qui n'avait d'yeux que
pour nous, m'écrivit que, pour obtenir l'autorisatiou spé
141
maire et mon brevet de capacité, une atteslation de M. le
curé de Pont-Croix portant garanLie de ma conduite reli-
gieuse depuis l'ouverture de l'établissement.
« Vous connaissez l'esprit du gouvernement d'alors; c'esl
en vain que M. Bégé sollicita quelques secours auprès de
M. le Ministre de l'Instruction Pu),:Jlique ; le Conseil géné-
l'al du département ne fut pas plus sensible à la propagation
des lumières. A cette époque, une malheureuse influence
agissait sur l'école: le nombre des élèves diminua; nous
avi6ns à nous plaindre de leur peu d'assiduité; 20 enfants
se retirèrenL successiveme'nt des 6
et 8
classes de lectu
re, d'écriture, d'arithmélique; d'autres ne passèrent pas
assez de temps, se retirant au moment de recueillir le fruil
de leurs travaux; quelques enfants de la campagne, comme
effrayés de l'appareil de la classe, n'y passèrent souvent
qu'un jour.
« Cependant, noLre méthode avait porté ses fruits: des
jeunes gens qui, depuis 5.et 6 ans fréquentaient les écoles
individuelles sans avoir jamais pu arLiculer un seul mol,
étaient parvenus A lire très couramment.
«( Au milieu de notre affaiblissement, M. Bégé, toujours
les yeux fixés sur une école qu'il affectionnait et qu'il dési-.
rait soutenir de tous ses efforts, connaissant l'esprit intéres
sé des babitants, augmenta les récompenses et promit 30 fr.
A l'expiration de cbaque trimestre aux dix premiers élèves.
«M . Hignard, nouvellement cbargé de l'administration de
la commune, nons prêta un ferme appui et paya de sa per
sonne et de sa forLune. Il visita fréquemment l'école, encou
rageant l'assiduité' et réprimandant la paresse.
« Enfin, le soleil de juillet vint luire: l'horizon s'éclaircit
et nous ne tardâmes pas à en ressentir l'heureuse influence.
M. Bégé obLint des secours du nouveau ministre de l'Ins
truction publique; il est encore venu s'assurer par lui-même
des succès de son école, l'encourager et réveiller l'indiffé~
rence de quelques parents par une brillante distribution de
prix qui consistait . en livres pour certains enfants de familles
aisées et en cravates, pantalons el gilets pour ies autres .
142
Trois habillements complets ont été décernés comme pre
miers prix au moniteue général, aux progrès, à l'assiduité (1).
Pour nous, nous r~çûmes le prix que nous en attendions:
sur le registre d'inscription figuraient les noms de 150 en-
fants, dont 60 suivaient l'école, les autres ayant éLé rendus
à leurs familles.
«Voilà, Monsieur le Préfet, les travaux auxquels nous
nous sommes livrés. Notre système d'éducation ne s'est
jamais écarté de la bonne morale et de la religion; l'ensei
gnement du cathécbisme en bas-bre'L on eL en français a cons
tamment marché avec les éléments de lecture, d'écriture et
d'arithmétique; une heure par semaine a été consacrée à
la lecture générale des livres populaires si propres à déve-
lopper dans ces jeunes cœurs les premières connaissances
agricoles et industrielles el les véritables droits de l'hoill!p.e.
« Voilà comment se développera chez nous le grand œuvre
de la civilisation auquel vous aurez si puissammen t contri
bué. Voilà comment nolre généreux fondateur aura bien
mérité de la Patrie et que son nom restera vénéré dans la
Bretagne. Pour moi, si le souvenir se porte sur l'instituteur
pour quelques services rendus à son pays, je ne demande
poue prix de mes peines que l'honneur de l'avoir servi.
« Recevez, Monsieur le Préfet, l'assurance de l'entier dé~
vouement d'un bas-breton. .
Votre obéissant serviteur ,
A. ODEYÉ .
La prospérité de la nouvelle école ne se maintint pas
longtemps- L'effectif diminua, malgré l'appui du préfet,
et les soins de M_ Bégé. En 1833, de guerre lasse, M.
Odeyé demanda son changement. Il fuL remplacé par M.
(i) Non content de procurer instruction et récompenses aux élève~
de son école, M. Bégé les munit, à leur sortie de l'école, de livres" do
papier, de plumes, « afin qu'ils puissent cultiver et entretenir les connais
sances qu'ils y ont acquises, car, rentré& dans leur chaumière, ils ne
ll'ouveront rien, absolument rien pour s'instruire; quelques livres rèli
gieu?', en langue bretonne, peuplent seuls les chaumières»,
143
Lemée qui ne resta que deux mois à Pont-Croix. L'école
se trouva fermée, fau Le d'instituteur.
Le 5 novembre 1833, le préfet 8x.posait la situation au
recteur d'académie:
« Il est extrêmement fâcheux que la commune de Pont
Croix se trouve dans· l'obligation de fermer son école faute
de maitre. Un LeI éLat de eh oses ne peut que décourager
l'autorité locale et faire manquer l'exécution des mesures
qui sont prises pour la propagation de l'instruction primaire.
« L'école de Quimperlé se trouve également fermée: deux
des principales écoles récemmenL créées dans le département
se trouvent ainsi abandonnées, ce qui est d'un fort mauvais
exemple pour les communes qui ont à lulter contre plus
d'obstacles ».
Arrondissement de Quimperlé
Répondant à la circulaire du 14 ocLobre. le sous-préfe~
de Quimperlé expose l'impossibilité de créer de nouvelles
écoles mutuelles, celle de Quimperlé, déjà établie, répon- -
dant aux besoins de ses administrés:
« Aucune des ·communes de cet arrondissement, hors la
ville de Quimperlé, n'est dans une situation à pou voir con courir aux frais de premier établissement d'une école d'en-
seignement mutuel. . '
« Pont-Aven (1), qui offre le plus de population agglomérée,
peut à peine subvenir à ses dépenses ordinaires et de pre
miére nécessité. Partout on rencontre des difficultés insur
montables à cause du défaut de ressources et de local conve-
nable. : ,
«Il est une autre considération importante qui, lors même
qu'il serait possible d'établir'des écoles d'enseignement mu-
(1.) Poot-Aven comptait à cette époque 800 habitants.
144 -
Luel dans quelques communes rurales, devrait faire hésiter.
Il est en effeL reconn u que les cultivateurs qui on t le moyen
et la volonté de donner quelque instruction à leurs enfants,
les envoient au chef·lieu d'arrondissement pour y apprendre
le français et y suivre les écoles élémentaires ; l'école d'en~
seignemcnt mutuel de Quimperlé (1) est en partie peuplée de
ces enfants des comml1nes rurales, el sans, eux il est à crain-
dre qu'elle ne pourrait se soutenir. '
« Comment, d'ailleurs, dans une commune rurale, un ins Lituleur pourrait-il suhsister avec la modique rétribution de
quelques éléves, puisque les commUlles ne peuvent lui faire
un traitement ? ».
L'école mutuelle de Quimperlé, ouverte le 15 juin 181 9"
était installée dans un local des bâtiments de Sainte-
Croix. Dès les premiers mois, l'effectif atteint 50 élèves;
mais, par suite de la campagne menée par ' les nobles, le
. nombre des élèves diminue. L'instituteur, Martin de
Lagrange, voit ses Illoniteurs, dressés avec beaucoup de
soin, le quitter l'un après l'autre et sam; lui donner de
motif:
« Cependant, affirme le sous-préfet, ce maître jouit à juste
titre, sous les rapports moraux et religieux, de l'estime des
personnes même opposées à cette espéce d'enseignement. ,
« Malgré cette considération parLiculièrej comme l'école
ne se compose que d'enfants d'ouvriers et de personnes dans
leur dépendance, l'influence exercée sur les parents est em
ployée à son détriment.
« L'instituteur m'a assuré qu'il n'avait aucune preuve que
le clergé de cette ville se servît de la sienne; mais il a la
certitude qu'il n'approuve pas cette méthode d'enseignement» .
Marlin de Lagrange informe le maire de Quimperlé de .
la décadence de son école :
(1.) La population de Q\limperlé était, en 1.820. de fi.OOO habitants
environ.
Monsieur le Maire,
« La confiance dont vous avez bien voulu m'honorer en
me chargeant de la direc tion de l'école d'enseignement mu
tuel, ouverte le 15 juin 1819, m'avait engagé à faire tous mes
efforts pour obtenir de ce nouveau mode les r ésultats qu'on
aurait eu li. eu d'en espérer, si [es éléves qui se so nL d'abord
. présentés avec empressement et en grand nombre n'avaient
abandonné l'établissement au point de le r éduire à ne pos séder, depuis longtemps, que huit à dix d'entre eux parmi
lesquels on ne compte plus un 'seul moniteur. Je me serais
sans doute fait un devoir de vous instruire plus tôt de la
situaLion de l'école, si je ne m'éLais flatLé qu'une saison plus
agréable raménerait les éléves que je pouvais présumer
avoir été écartés par les froids qui se sont fait senLir dans
les mois de janvier et février. Je me trouve dOli C dans la
dure 'nécessité de vous faire connaitre, d'une maniére posi
tive, que l'établissement es t désormais totalement nul et que
les fonds qu'on allouerait à cet effet res teraient sans desti-
nation». .
Mis au courant de la situalion, le préfet désire connaî
tre les causes qui ont amené la désertion de l'école.
Le Comité cantonal se réunit d'urgence. La délibératioil
permet de supposer que ses membres ne sont gnèl'0 par-
tisans de l'enseignement mutuel el que leur action ne
s'est guère exercée en sa faveur.
« Aujourd'hui 27 mars 1820, en vertu de la dépêche de M.
le préfet, en date du 21 de œ mois, le Oomité gratuil et de
charité de l'instruction primaire du canton de Quimperlé, a
été convoqué, par ordre de M. le sous-préfet, pour connaître
les motifs qui ont pu occasionner l'abandon général de l'é cole mutuelle par les éléves.
« Le Oomité rassemblé et composé de M. le curé, président,
de MM. le procureur du roi, le juge de paix, du Boisguéhen-
neuc, Le Marant de Kerdaniel, L'Hour, prêtre, et Le Rous-
seau de Saint-Dridan, en présence de M. le sous-préfet, a
146 -
r econnu qu'un grand nombre d'enfanls avaient été attirés à
l'école muluelle établie dans celte vill e par la réptilaLion qui
l'avait devancée ; que les parents y ont co nduiL leurs enfants
dalls l'espérance que l'inslruction y eùt été promple. Mais,
soit que le nombre des éléves ne fùt pas assez considérable
pour ex.ciLer l'émula Lion, ou que celt e méthode trancbât trop
a vec l'ancienne, les péres de famille y a vaien t peu de confi
ance. Co mparanL les progrès des enfants qui fréquentaient
ce Lte nouvelle école avec les succès des enfants qui sont
res tés a LLacbés à l'ancienne manière d'enseigner et sacbant
que les lJ ouvelles écoles devenaien t désertes dans les villes
voisines, ils se son L déterminés à retirer leurs enfants .
. « Tous les efforLs qu'ont fait le Comilé et M. le maire pour
faire revivre ce tLe école ont èté infructueux.
« Le Comité, bien loin d'avoir aucun reproche à faire à M.
Martin de Lagrange, instituteur, ne peut que rendre justice
à la vérité, en disant qu'lll'a touj ours vu porter les soins les
plus assidus à ses élèves ct recollnaît en lui toute la capacité
et la mOl"alilé qu'on peut exiger d' un instituteur. Le dégoùt
qui a été reconnu généralement pour cette manière d'enseigne ment tant dans cette oille que dans les villes voisines, ne laisse
aucune espérance de rétablir l'école mutuelle dans cette
oille )J .
L'instituLeur sollicita du maire l'autorisation de trans
form e r son école mutuelle en école spéciale de latin,
prépa ra nt les enfa nts à entrer au collège. Le maire par
tagea ses vues e t la municipa lité lui vola un traiLement
annuel de 800 francs.
Conclusion
Malgré les efforts de l'administeaLion, malgré les sub
ventions votées par le Conseil général, subv.entions .. dont
147 -
bénéficiaient largement les co mmunes, les instituteurs et
même les moniteurs ; malgt'é les circulaires préfectora
les expliqua nt aux maires la supériorité de l'enseigne-
ment mutuel el les avantages que les communes pou vaieo t
y trouver; malg ré le choix d'instituteurs capables, pour
diriger ces écoles ; malgré la gratuiLé accordée, tantôt
à tous les élèves, tantôt a llX seuls indigents, il n'a pas fité
possible de faire prospét'et' cet enseignement dans le
Finistère. Vingt-trois écoles seulement, dont cinq dues à
l'initiative privée, ont pu s'ouvrir et fonctionne r pendant
quelques années.
Les déboires rencontrés par l'administration ont été
dûs pour une bonne part à l'opposition du clergé, des
nobles et aussi des inslituteurs qui, figés dans leur rou
tine, ne voyaient pas d'un bon œ il le nou vel enseignement
et, tantôt s'opposaient à sa diffusion, tantôt n'osaient le
pratiquer dans la crainte de voir baisser leurs effectifs.
A ces obstacles s'ajoutaient la précarité des budgets com
munaux et, en général, la situation économique assez
médiocre du département.
Le tableau ci-dessous indique la répartition des écoles
par arrondissement.
AR H ONIl ISSEMENTS
Brest
Morlaix
Quimper
Châteaulin
Quimperlé
POPULATION
156.000 h.
130.000 h.
100.000 h.
94.000 h.
40.000 h.
NOMIIH E
C OMM UNES
COMM UNES
POU RV UES
D' ÉCOLES
SUIVANT
C OMMU NES
UNE ÉC OL E
LE MOllE MUTU ELLE
INDIVIDUEL
3 1 7
148 -
En 1828, le Finistère ne possédait donc encore que 88
écoles, dont 2~ fonctionnaient suivanl le mode mutuel;
194 communes n'avaient pas d'école. .
La popula tion' du déparlemen t élai t de 503.000 habi
tants, com prena nt 38.000 ga rçons e L 3H .OOO filles d'àge
scolaire. SUI' ce nombre, 5.üOO enfants seulement fré quentaienlune école.
On remarquera que les arrondissemenfs de Morlaix et
de Brest sont mieux pourvus d'écoles et que l'arrondis
sement de Morlaix arrive netLement en tête, compte teriu
du nombre de communes et du chiffre de la population.
Cette si tua tion s'explique par le fait que le nord du
Finistère éta iL plus prospère; il Y régnait une aisance
inconnue dans la Cornouaille.
Au point de vue de la richesse. les arrondissements se
classent exactement dan s le même ordre que le nombre
de leurs écoles rela tive ment au chitfre de la population (1).
Pour ce qui concerne l'enseig ne rrient mutuel, l'ordre
change du fait que l'arrondissement de Chateaulin ne
possède que des écoles mutuelles .
En 1830, il Y avait en France 804 écoles d'enseignement
mutuel (2) ce qui fait une moyenne de9écoles pardépar
tement. Avec ses 23 écoles mutuelles , le Finistère attei
g nait presque le triple de eette proportion. Ce résultat
esL dû aux efforts persévérants du préfet, des sous-préfets
ct du Conseil g8nclral, efforts tenaces qui n'ont cependant
pas réussi à donner au mode d'instruction cher aux gou
vernemenls de Louis XVIH pt de Charles X, la fayeur à
laq uelle il pou vaiL prétendre.
Si les efforts de la Res tauration pour le développement
des écoles ne donnèrent pas les résultats atLendus, ils
(i) Recherches sllttistiques, pal' A. Duchàlel1ier.
(2 ) Happort du Ministre de l'[ntérieur au n.ai .
149 -
euren t du moins 1 0 mériLe de préparor les esprits :'t la
nécessité de l'inslruction. La loi Guizot, votée en 1833
trouvera un terrain déjà préparé et pourra ainsi donn er
à l'enseignement un tel essor qu'cn trois ans le nombre
des écoles dans le Finistère sera doublé.
L.OGÈS .
156 -
DEUXIÈME PARTIE
Table des Mémoires publiés en 1931
PAGES
l. Simples remar, ques au sujet de " La ville d'ls ",
par Fr. JOUI1DAN DE LA PASSAHDIÈHE. . . " 3
Il. Saint-Tudy, abbé et confesseur (traduit de l'anglais
du Rév. DOBLE, par Mlle BABLET) . . . . " 10
Ill, La construction d'un c1ccher brelon (Saint-Mathieu
de Morlaix), par L. LE GUENNEC ..... , . . . . . . . . 16
IV. Autour de Brizeux, par Daniel BERNARD , . . . .. ... 28
V. Procès-Verbal des prééminences et autres droits
appartenant au seigneur de Goesbriand en 1630,
par H. COUFFON et L. LE GUENNEC ',' .. ' '. . . . . . 53
VI. Les écoles d'enseignement mutuel dans le Finislère
sous )a Restauration, par L. OGÈs ......... ' . . 76