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Bulletin SAF 1931


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Autour de Brizeux

Daniel Bernard

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1931 tome 58 - Pages 28 à 52
u our

rlzeux
L'ADDÉ JOSEPli-LOUIS-MAlILE LE NIR. L'ÉCOLE D'AnZA.NO .

DIUZEUX ET SES CONDISCIPLES. UN INEDIT DE IJRIZEUX :
(( LE DlCTlONNAIRE TOPOLOGIQUE DE LA BRETAGNE ».
Grâce à la pieuse et filiale gratitude de Brizeux, exprimée
en des vers aussi harmonieux que touchants, la mémoire de
son premier maître d'école survivra aussi longtemps qu'il y
aura des admirateurs du doux et grand poète breton. " . '
Cependant les biographes de Brizeux. Saint-René Taillan­
dier (Il, l'abbé Lecigne (2), M. Auguste Dorchain (3), pour
ne citer que les plus importants, n'ont publié sur la vie de
l'abbé Le Nir que peu de détails, souvent erronés. Ayant
entrepris de nouvelles recherches, nous avons été assez
heureux pour découvrir des documents qui permettent de don­
ner une biographie assez complète du digne recteur d'Arzano.
Le 17 mai 1753, Messire Joseph.-Charles Le Nir, prêtre ha­
bitué de Scaër, donnait la bénédiction nuptiale, dans l'église
tréviale de Rosporden, à l'un de ses frères, Jean· Marie Le

(i ) Notice sur Brizeux, publiée en tête de l'édition de ŒliO.
(2) IJrizeux. Sa vie et ses œuvres (d'après des documeuts inédits),
(thèse de doctorat ès lettres). Lille, :1.898, in-8°.
(3) Notice sur Auguste Brizeux, en tête de ses œu \Tes complètes,
édition Garnier, Paris, s. d., in-18.

Nir, fils de Guillaume et de Gabrielle Louise Guillart, et à
Marie-Hyacinthe- Luce Thibout, fille de Jean-François et de
Renée-Josèphe Levidant.
De ce mariage naquirent neuf enfants; trois garçons et six

filles. L'aîn é des fiIs, Jean-Marie, devint procureur à l'Ami-
rauté de Lorien t, puis juge dc paix dans la même ville; le
second fils, Vincent-Marie, fut secrétaire-greffier de la muni-

cipalité de Quimperlé, membre du Directoire du district,
adjoint municipal, puis" enfin, greffier du tribunal civil; le
troisième fils, Joseph-Louis-Marie, né le 7 mars 176LI, devait

être le futur recteur d'Arzano (1).
Jean-Marie Le Nir père, avocat en Parlement, fut pourvu de
l'office de sénéchal de la juridiction du Heznand, sous le res­
sort de la sénéchaussée de Quimperlé, par mandement du 12
février 1757, et de" celui de sénéchal de Kergunus, sous le
ressort de Concarneau, le 22 février de la même année (2). Ces
deux juridictions s'exer.caient il Pont-Aven et c'est ce qui a
f"it dire aux: biographes de Brizeux que l'abbé Le Nil' était fils

d'un sénéchal de Pont-Aven.
Le sénéchal mourut en 1 779, laissant encore cinq enfants
mineurs, dont la tutelle fut confiée à Guillaume-Mauricè
Thibout, négociant à Lorient (3 ).
Après avoir suivi les leçons de l'abbé Le Lay, Joseph-Louis­
Marie Le Nil' entra au collège de Quimper où il fit ses huma­
nités et sa philosophie. Puis, il alla continuer ses études à
Paris, grâce à l'appui de son oncle, Joseph-Charles Le Nil',
recteur de Saint-Nic, qui, à ce propos, disait à l'un de ses
amis, en '790; « Mon amy, j'ai pris beaucoup de peine et
dépensé beaucoup d'argent pOUl' éduquer mon neveu et je
pense que son voyage de Paris l'a rendu plus fou que
(i ) Etat-civil do Rosporden.
(2) Archives du Finistère, B. i290.
(3) Archives du Finistère, B. i254, .

sage » (1). Le même ami rapporte, en eflel. que le jeune Glerc
avait déclaré certain jour: cc Le monde finira nécessairement,
la partie du midi étant plus échauffée par le soleil, doit né­
cessairement (évaporer bien vite, les parties en étant très

légères, tandis qu'au contraire, la partie du nord étant plus
unie et dès lors plus compacte, doit nécessairement par son
froid entrainer l'astre, ce qui doit conséquemment occasion­
nel' une révérade générale . A son retour de Paris,. le jeune
clerc paraît indécis sur la voie à suivre. Pierre-Marie Danguy
des Déserts déclare, en eITet, qu'il avait été employé chez lui
en qualité de scribe, « qu'il lui a connu beaucoup d'esprit,
mais peu de solidité . S'en sépara à cause de celà ». Ensuite,
Le Nir s'en fut travailler chez Calloc'h (Kerili s) où il ne resta
pas longtemps d'ailleurs . Pendant son séjour dans la basoche,
il prenait pension chez Hélène Boussard, qui ravait déjà hé­
bergé durant ses années de collège et son hôtesse assure
(c qu'il donnait très souvent des marques cl'une aliénation
d'esprit et qu'il n'avait prs la tête bien timbrée ».
Enfin le jeune homme prend une détermination: il entre
au séminaire de Quimper où il donna, suivant Jean-Baptiste
Guillaume, principal du collège. « des marques certaines de
disposition à la folie»_ Néanmoins, il fut promu au sous­
diaconat en 1790, après avoir produit un titre clérical gagé
sur «une grande maison à Rosporden, dite des Trois-Mar­
chands D, avec la caution de ses deux frères (2 ) . .
Après le licenciement du séminaire, en 1791, on proposa à
Le Nil' une chaire au collège et il fut engagé à l'accepter, tant
par son oncle que par plusieurs de ses amis; le lendemain de
sa nomination, il avisa par lettre le département qu'il refusait

(' parce que très souvent, il n'avait pas l'esprit à lui-même » .

(i ) Ces détails, ainsi que ceux. qui suivent, sont extraits d'un dossier
du tribunal criminel du Finistère, aux A l'chives du F'inistère, série L.

Il déclarait cependant que le serment civique ne lui répugnait

point (( prêchoit de toutes ses forces qu'aucun prêtre ne pou-
voit se refuser à la prestation de ce serment et que, ayant sû
qu'un curé d'Ergué-Gabéric devait prêter le serment, il dit
que ce curé faisoit bien ».

Voici donc le jeu ne lévite sans emploi et sans ressources.
Heureusement pour lui, son vieil oncle Joseph-Charles-Marie
Le Nil', recteur de Saint-Nic, lui ouvre son presbytère, situé

en pleine campagne, à 600 mètres du bourg, sur les premières
pentes du Menez-Hom . Le recteur de Saint-Nic avait pour
vicaire un autre de ses neveux, Antoine-Marie Le Hars, qu'il
avait baptisé trente-cl-un an plus t.ôt ([ ). Le reclelll' et son
vicaire prêtèrent le serment le dimanche 30 janvier 179 l, mais
leur hôle n'y était' pas tenu, n'étant pas prêtre. L'harmonie et
la bonne entente paraissent avoir régné entre l'oncle et les

déux cousins, dans ce calme pays du haut Porzay; elles sem-
blel1t même avoir continué lorsque Le Bars fut remplacé
cOmme vicaire à Saint-Nic, en 1792, par Mathurin Quiniqui-
dec, et celà jusqu'au début de [79[~. .

Le terrible décret du [2 germinal an II (1" avril '179['), qui
prononçait la peine de mort contre quiconque aurait recélé
un réfractaire,'terrifia sans doute le recteur de Saint-Nic qui
i'ri'vria son neveu à quitter sa maison, parce que, déclara-t-il,
il persistait à ne pas prêter le serment. Il se cacha dans une

barrique au coin d'un bosquet dépendant du village du Cos-

quer en Saint-Nic (2) .

(i) Antoine-Marie Le Hars na4uit ci Ro~porden, le 8 lévrier 1759, de
Charles-Jeaa Le Hars, nolaire et procureur au sirge l'oy~l ÙP, Concar­
neau, et de Marie-Anne Le Nil'. O'abor,1 vicaire ci Plovan, il devint
vicaire â Sainl-Nic en 1789. Il fut élu curé conslitutionnel de Plogonnec
le 6 mai i 792 par l'assemblée électorale de Quimper.
(2) M. l'abbé Parcheminou (Saint-Nic pendant la Révolution, p. 9,9)
rapporte ulle tradilion d'après laquelle « au plus lort de ln Terreur, un
prêtre resla caché aux: envirolls de Slallquelen. Une barrique, enlouie en

Le recteur de Saint-Nic mourut dans le courant du mois

d'août 1794 et le malheureux neveu perdait : du coup et son
sou lien et son conseiller. Néanmoins, il resta -dans sa cachette
pendant plusieurs mois encore. Enfin, le 2 brumaire an III
(23 octobre 1794), il se présenta volontairement dev.anl les
membres du directoire du district de Ville-sur Aulne (Château-

lin), · tt pour avoir un permis pour sortir de la République ».
Les administrateurs le dépeignent: (t un homme de moyenne
stature. ayant pourpoint, culolte et guettres de toile, chaussé
de sabots et portant un chapeau noir rabattu, ayant barbe et
cheveux noirs». Le lendemain, Le Nir est conduit a Quimper
et enfermé dans la maison de justice. Le 5 brumaire an III (26
octobre 1794), Jean-Marie-Charles Gaillard, accusateur public
du tribunal criminel, procède à son interrogatoire. Les répon­
~es ·du prévenu déllotent incontestablement un dérangement
~ental; aussi, séapce tenante, le tribunal ordonne « qu'il

sera sursis au jugement définitif jusqu'à ce qu'il ait été pro-
c~dé à des informations ct pris des renseignements ultérieurs
p\lr toutes autres voies sur l'état et situation de l'esprit du dit
prévenu et, à raison de sa situation actuelle, qu'il sera dans
le jour transféré de la maison de justice, dans celle d'arresta­
tion de la commune de Quimper size au 'collège, pour y
rester détenu jusqu'à jugement définitif ».
Nous avons donné plus haut quelques déclarations des té­
moins appelés à déposer ;' plusieurs détenus viennent dire
qu'ils « l'on~ vu donner des preuves continuelles d'imbécilité
et de démence; qu'il ne savait pas comment il fallait man­
gel'; qu'on était obligé de l'alimenter de force; qu'il ne ré­
pondait jamais juste. aux questions qu'on lui posait ... 1).

Mais, quelques jours après, le prévenu s'évade et prend la
clef des champs. Le 15 brumaire (5 novembre), il est errant
s'agit évidemment de Le Nil'. D'ailleurs, Le Cosquer et Stanquelen se

au bourg de Plogonnec où il est al.'rêté. par. la municipalité.
S'était-il rappelé que son cousin Le Hars éta. it .curé de Plogon­
nec et venait-il vers lui ~ On ne sait. On le reconduisit à
Quim per et, comme le mal heu l'eu x était n Ll- pieds, Louis­ Marie Chamel, instituLeur" à plogonnec ( 1) . . 11.lÎ donna une

pa.ire de sabots.
Le pauvte sous-diacre comparaît de ~lOuveau devant le
tribunal criminel, le 18 brumaire (8 novembre). L'accusa teur
public lui pose encore quelques questious :
Pourquoi avez-vous déserté la maison d'arrêt ~
Pour aller chercher mes vêtements qui étaient restés
dans la balTiq ue et pour me tranquilliser la conscience.
Savez-vous pourquoi les témoins ont été appelés ?
Pour pl"Ouver que je suis fou.
Croyez~vous qu'ils ont fait cette preuve 9

- Je ne sais pas.
Le tribunal paraît édifié sur le compte de l'inculpé et, sa ns
débats, arrête « qu'attendu sa démence plein ement ju stifiée,
il se'ra remis à sa famille» ,
Cette faiblesse du cerveau, Le Nir la tenait de sa famille,
car Chamel avait déclaré à l'audience que son père était morr
fou et l'une de ses sœurs, épouse du citoyen Sauvé, de
Quimperlé (2), était détenue depuis plus d'un an pOUl' cause
de folie.
Le Nil' paraît s'être retiré chez son frère Jean-Marie, juge
de paix à Lorient. Du moins, le 28 prairial an 1II (16 juin
1795), il se fait délivrer à la maison commune de cette ville,
le passeport suivant : « Laissez passer le citoyen Joseph­
Louis-Marie Le Nil' cadet, domicilié de Lorient, ex sous-dia-
(i ) Louis-Marie Charuel, avocat, ancien sénéchal de la juridiction du
marquisat de Pont-Croix, au siègE\ du Quéménet, de 1.772 li 1790.
(2) Luc~Jean-Marie Sauvé, négociant, époux d'Angélique-Hélène­
Françoise Le Nil'.

cre de sa profession, âgé de trente-un an, taille cinq pieds un
pouce, cheveux et sourcils noirs, yeux gris bleux, bouche
grande, menton long, front haut, visage ovale, et · prêtez-lui
aide et assistance, en cas de besoin, pour aller à Saint-Nic,
district de Châteaulin, où il a déclaré devoir se rendre JJ. A
'quelle date se mit-il en route et dans quel but se rendait-il à
'Saint-Nic ~ Nous l'ignorons. Toujours est-il qu'il fut arrêté
par la municipalité de Pleyben et conduit au district de Châ­
teaulin, le ILl messidor an III (2 juillet 179n), où on lui nt
subir l'interrogatoire suivant:
« Interrogé pourquoi il
n'a pas sui vi le chemin
direct de Lorient à Saint­
Nic.
« Interrogé quelles étoient
les personnes de sa connais­
sance.
« Interrogé qnel est le nom
de cet ecclésiastique et où il
demeure.
- «( Interrogé si cet Y venat
est un prêtre assermenté ou
insermenté.

« Répond que la mute ne

lui étant pas désign~e, il a
cnî qu'il pouvoit s'en
écarter pour voir les per­
sonnes à qui il vouloit
parler et qui étoient de sa

connaissance.
« A répondu que c'était
pour voir un ecclésiastique
qui officie publiquement
dans le lieu où il est.
-- « Répond qu'il se nomme
Yvenat (1\, qu'il demeure
dans une trêve dite La
Trinité, commune de Lan­
gonet.
« Répond qu'il est inser­
menté.
(il Jérôme Yvenat, né à Brasparts en 174.8. Professeur de morale au
séminaire de Quimper. Refusa le serment. Caché dans la région de
Gourin, il y fut arrêté le iO mai i 798. D éporlé à l'île de Ré, il Y mou­
rut le 21 mars 1801,

« Interrogé ce qu'il faisoit
dans la commune de Lo~
rient et chez quI il demeu­
roit.
« In terrogé si c'est du
consentement de son frère
qu'il est venu en Cè pays.
« Interrogé
quelle étoiL

pourquOl et
son intention
de ' vouloir se transporter
sur la commune de Saint­
Nic.

« Interrogé pourquoi les
personnes qu'il a consultées
lui ont dit qu'il était à pro­
pos qu'il s'établisse en la
commune de Saint-Nic,
quel en étoit le nom de ces

personnes, leur qualité et
leur demeure }).
« Répond qu'il demeuroit
chez son frère, juge de paix
et qu'il s'y occu ppoit dans
la maison ù des ouvrages
domestiques.
« Répond qu'il a prévenu
son frère de ce voyage,
qu'il ne s'y est point op­
posé, qu'au contraire, son
dit frère l'a accompagné
pour aller solliciter:1 la
municipalité un passeport.
« Répond qu'après avoir
demandé conseil de per­
sonnes éclairées, on lui a
dit qu'il étoit à pl'OpOS d'y
venir et que son intention
étoit d'y rester chez Guil­
laume Lezenven, cultiva­
teur à Lezerguy.
« Répond que c'est le curé
ou Rr (recteur) de Leubin
(Lesbin), prêtre insermenté
et les personnes chez qui il
demeul'Oit, qu'il ne peu t
dire les motifs qu'on lui a
donnés, attendu que c'est
un secret d'ami }) .
Le lendemain, Le Nir fut transféré à Quimper par un gen­
darme « pour être statué ainsi qu'il verra» . 11 est probable
qu'à Quimper on le relâcha aussitôt, dès que son identité fut
reconnue. Nous perdons complètement sa trace jusqu'a u

Au d ébut de l'application du C.oncordat, pour remédier
dans une certaine mesure à la disette d e prêtres, l'autorité
ecclésiastiq ue fit rech ercher les élèves du séminaire, dont les
études étaient déjà q uelque peu avancées au m om en t du licen­
ciement en 1791, et qui seraient susceptibles de recevoir les
ordres . Du nombre se trouva Joseph-Louis-Marie Le Nir, qui
fut p romu ap diacona t le 24 décembre 1803 par lVW André ( 1).
L'année suivante, le samedi-saint, l'évêqu e de Vannes lui
conféra l'ordin ation , à Vannes, en l'absence d e Mg' André,
parti à Paris depui s la fin cie janvier 1804. En 1805- ,806 ,
l'abbé Le Nil' fait p artie du clergé de Quimperl é (2) .

En 180L(, l'abbé d e Caloone avait fondé une école à Quim­
p erlé, Cet établissement , fu t tran~formé en collège secondaire
communal par décret signé a u camp cie Finckenstein, le Il
m ai 1807, Ce décret p Ol;te : (( l'école établie à Quimperlé est
érigée en école secondaire communale, à la charge par la di le
ville de remplir les condition s prescrites par l'arrêté du 19
vendémiaire an XI! ( 1 2 octobre 1803). L'aile orientale du bâ­
timent d e la ci-devant abhaye de Sainte-Croix est concédée à
la commu ne de Quimperlé pour l'usage de son école ' secon-

daire )J . Un arrêté du Ministre de l'Intérieur, du 3 novembre
1807, n ommait l'.abbé cie Calonne directeur de l'établissement,
au traitem ent de 1200 francs, l'abbé Le Nil' et 'M. Singel'y,

(i ) Déjà, au mois de juin de cette anoée, on pensa a lui pour être
professeur au séminaire. Le Directeur ' écrivait, 'en elfet, à l'é~êque :
« M. Le Nil' ~s t peut-être le plus lort ~e tous pour l'aptitude à enseigner ,
la théologie; mais il n'est pas prêtre, et il a eu, au commencement de la
Hévolution, quelque petite tàche. ,. ~ , (Abbé Peyron, Notice historique '
sur les seminaires de Quimper et de Léon, p_ 137).

(2) Archives de l'évêché de Quimper,

LE PRESBYTÈlIE D' AHl~ANO El'i l837

professeurs, le premier au traitement de 1000 francs et le"
deuxième de 900, plus deux instituteurs à 800 francs (1).
Le collège fonctionna régulièrement jusqu'en 1809 et publi­
ait même chaque année un palmarès, imprimé à Lorient, chez
Lecoat de Saint-Haouen, ayec cette devise; « Quid majas
quam adolescentulorum flngere mores}) (2\. Cependant des
dilTIcultés survinrent, le directeur, l'abbé de Calonne, dut se
retirer et même quitter Quimperlé; l'institution périclita et
disparut.
L'opportun e démi.ssi.on de l'abbé Guillaume-Joseph Le Puil
de la cure d'Arzano (3), en 18 ro, permit à l'abbé Le Nil' d'être
nommé à sa place le 18 avril 1810. Le 15 mai, il prêta le ser-
ment.

Pour obvier à la malencontreuse et fâcheuse interruption
des études de ses élèves, dont quelques-uns étaient ses pa-

renls, tels que Ange Le Nil', fils de son frère Vincent-Marie,
René Guillard. de la famille de sa grand'mère. et d'autres
originaires d'Arzano; Yves Moëlo, Jacques Robic, Paul

Stanguennec, l'abbé Le Nir résolut d'ouvrir une école dans

son presbytère. Quelques fils de paysans prennent bientôt
part aux leçon s du recteur; Joseph Hello, Daniel, Yves, du
bourg de Scaër, Loïc de Kerihuel ; Brizeux les rejoignit en
18 r r, quelque temps après le remariage de sa mère ave~
Jacques Boyer.
(1) Archives du Finistére, sél'Ïe T model'lle, dossier « Collège de
Quimperlé n. Cf. aussi. Savina, ta (ondation du collège de Quimperlé
dans L'Echo de Bretagne, 15 lévrier t 929.
(2) Kerviler. Essai de bibliographie des publ'icalions périodiques de
la Bretagne. Fasçicule concernanllo Finislère. Hennes, :1.891, in-8°, 75 p.
(3) L'abbé Le Puil avait eu la p ill'oi~se d'Arzano au concours, ell
1781. Il al'ait d'abord prêté le serment, mais se rétracta bientôt et quitta
sa paroisse cn 1.79:1.. Il fut remplacé par son vicaire, l'abbé Pécart, élu
le 25 mai :1. 792, qui se maria el cessa toute fonction ecclésiastique. Au

Après les pages exquises que Brizeux a consacré à son sé­
jour d'écolier à Arzano, après les notes précises de ses- biogra­
phes, nous nous en voudrions d'insister sur les méthodes et
le genre d'études en usage à l'école d'Arzano (1).
L'abbé Le Nil' n'avait fait, en réalité, que ressusciter les
petites écoles d'avant la Révolution (2 \ que celle-ci n'avait
pu remplacer que momentanément, malgré toute sa bonne
volonté, par suite ' des circonstances et du manque de sujets.
A' la même époque, nous avons constaté l'existence et le fonc­
tionnem.ent d'écoles du même genre dans une autre région
que nous connaissons bien" le Cap-Sizun, à Cléden, à Beuzec
et à Meilars; l'école de ce dernier bourg fut même l'embryon
du petit séminaire de Pont-Croix.

En l8l8,le recteur eut quelques difficultés avec le recteur
d'Académie de Rennes, M. Le Priol, au sujet de son école.
Le6 juin, il écrivait à M. Le Dall de Tromelin, grand vicaire:
« Je fais école à quelques enfants, dont dix à douze étudient le
latin; la plupart sont de pauvres paysans de la paroisse, ou
entretenus par des personnes charitables. Ils nous étaient
même de quelque utilité pour le chant et le service de notre.
église et j'avais cru qu'une pareille école, tenue surtout par' ­ un curé de village, pouvait passer pour un petit séminaire;
mais voici que M.'. Le Priol., recteur de l'Académie, qui en a eu
connaissance, vient de m'écrire des lettres très pressantes. Il
exige la rétribution universitaire des écoliers, qui sont presque
lous hors d'état de payer, et 50 francs par an du maître, qui

n'est guère plus riche que ses écoliers, A.u cas où je fusse
obligé d'interrompre l'instruction de ces enfants, je les re­
commanderai à votre charité, afin qu'il fussent reçus gratis à
votre petit séminaire Il. 0n voit donc que l'autorité académi-
(i) CI. un curieux article publié dans Le Finistère, le 8 septembre
1888.
(2) L'étude du latin marque cependant la tendance nellemenl ecclé­

que voulait assimiler r école d'Ai'zano aux" etablissemenls ·of­
ficiels, exigei" un 'état du nombre des élèves, afin d'assujetir le,
maître et les écoliers' à la: rétribution scolaire. ' ;
L'abbé Le Nil' ne mit aucune hâte à fournir les renseigne­
ments demandés; de son côté le recteur d.' Académ'ie devenait
de plus en plus pressant; en, fin, l'abbé s'exécuta, mais en
m ême Lemps, il écrivit à son e\'êque : «( Ce M. Le Priol en
veut terriblement à noLre misérable école, il ne m'a pas jus­
qu'à présent arraché le moindre sou, mais il croit sans doute
qne je n'ai rien de mi eux à faire que de lui répondre à chaque
courrier, Voici une nouvelle sommation qu'il vient de m'en­
voyer, toujours pal' le ministère du procureur du Roi. Il a
bien voulu oublier que je suis curé pour ne me donner que le
titre de maître d'école; j'aurais bien plus de raison de l'ap­
peler lui-même p ercepteur des contl'ibutions. Mais peut-être

ai·je tort de me fâcher, s'il a pour lui la justice et le hon
droit. J e viens de lui remettre l'état de mes écoliers, J'ai donc
en ce mom!!nt quatorze élèves qui commencent à étudier le
l'atin : dans ce nombre, sept pensionnaires. dont ' trois seule­
ment payent et les quatre auLres rien du tout. Si c'était l'avis
de Monseigneur, j'abandonnerais volontiers des écoles qui ne
me causent que de l'embarras et des tracasseries 'l (1).
, Brizeux venait 'parfois passe l' ses vacances à Quimperlé chez
son oncle Vincent-Marie Le Nil' (2), père de ses condisciples
Le Nil' et' des trois cousÏnes qui vinrent un jour le voir au
presbytère d'Arzano, qui mirent tant d'espièglerie et d'insis­
tance à vouloir connaître Marie, que le souvenir de la scène
(1) Archives de l'évêché. Dossier Arzano.
(2) Vincent-Marie Le Nil' avait épousé, à Quimperlé, le il, lévrier i784 ,
Anne-Marie G'uÉ'guen, dont il eut qualre enfants, décédés Ir. plupart en
bas-âge. Madame Le Nil' mourut le 1.\! jauvier 1792 ; le 12 juin deceU c
même année; Vincent-Marie se remariait avec Julie-Hélène Brizeux,
sœur du père du poèle, et en eut plusieurs enlants,

d em eura profondérnen t g ra vé dans le cerv eau du poète ( \) .
Son oncle était p ropriétaire de l'église et du cimeti ère de
Lothéa, qu 'il avait acquis comme bien nation al, le 2 \ pluviose
an Il ( 10 février [794 : ; il l'ach eta par la suite, de Cambry, le
_~ieux presb y tère . La famill e se rendait, à la saison d' été, dans
c'èUe ch armah te campa g ne située à l'orée de la fo rêt de Saint­
Maurice, Ceci n ou s explique p ourquoi Brizeux a chanté, en
des vers si exq uis, la d ouceur. d e celte vallée et la bea uté d e
ses g rand s arbres (2).
Le recteur d 'Arza no , qu e tou s les biog raphes d e Brizeux
représentent comme étant la b onté m êm e, p araît cep endant

n'a voir pas fait trop b on m énage avec ses vicaires, car p en­
dant l'espace de treize a n s, de 18 10 à \823, six v, icaires se
succédèrent à d es interva lles très rapproch és . Le 10 juillet
lih 6, lni-m ême sollicitait de son évêq ue l'auto risati on de se
retirer dan s une maiso n de trappistes . Ce vœ u n e se r éalisa
pa s.
Un incident fâcheux de\'ait enco re troubler la vieillesse du
recteur. Dan s un e a llocutio n pro noncée lors des funérailles
du maire d'Arzano , M. d e F ournas , décédé le 1· " février 1829,
tout en reconn aissant q ll'il était m ort dans les m eilleurs sen-
(i ) Yoyez le pOB lTle inlitlllé .Ifnrie, p. H O de l'édition Lemcrre, p. Ml.
de l'éd. DOI'chain: .
« . J'avais pour êl re aimé trois cO llsinrs (Irois sœuI's) ;
, Elles venaient souvent me voir au presbytère ;
Le nom qll'eH e. , porlaient alors, je dois le taire :
Toule3 trois aujourd'hlli marchent le front voilé,
Cne près de M orlaix et deux à Kemperlé ;
M ais je sais qu'en leur clO itre elles me sont fidèles
Elles ont prié Dieu pO Ul' moi qui parle d'elles ... )1 .
'l'out :ela esl parfaitement exact. Nous pouvons, sans impiété, nO Ill­
mer ces trois sœurs : l'aînée, Julie Le Nir, et la cadette, Virginie, mou­
furent religieuses ursulines à Quimperlé. l'une en i845 et l'autl'e en
1870; la sp.co nde, Caroline-Pelagie, mourut religieuse hospilali('re il
M orlaix en 1870,

Lime nLs, l'abbé Le Nil' crut devoir l'appeler le passé peu édi~
fiant du défunt. 11 menaça, en outre, de la vengeance de Dieu,
les grands de la terre qui seraient un sujet de scandale pOUl'
leurs contem po l'ai ns. Da ns u ne lettre à l' évêq ue, M. de Bot­
déru, pail' de Fmnce, qui assistait à la cérémonie, se plaig.nit
violemmen t que le recteu r eù t o u tragé la mémoire de son
par~nt, menaçant même de le déférel' aux rig ueurs de la juri­
diction sécu lière. L'abbé Le Nil' donna sa démission le 1

avril .829 ; la famille de M. de Fou rnas pa raît n'a voir pas
exigé d'autre satisfaction ( 1) . '
Le vieux recteul' , devenu sourd et presqu'aveugle, de plus.
soufTrant d'une jambe qu'il s'était cassée en allant de son pres-

bytère à l'église, en 1820, après être resté encore quelque
temps à Arzano, se retim à Saint-Pol·de-Léon et le gouverne­
ment lui servit un e pension de 300 francs, à cause de ses in­
firmités. En 18:l3, nous le trouvons à Clohars, chez son ancien

élève Jacques Robic (2 ). L'année suivante, il est chez Paul
Stang uenn ec, recteur de Moëlan, également son ancien élève.
Brizeux lui rend visite il la Toussaint et il note dans son jour­
nal : « On sort des vêpres. Mon vieux ma1tre, M. Lenir, au­
jourd'hui retiré chez son élève Stangu ennec, sort appuyé sur
le bras du petit Mélen, Il ne me reconnait pas, il est aveugle.
Je lui donne une croix l'apportée d'Italie. Joie du vieillard!
Je remplace M .élen qui s'est échappé et je dis avec mon vieux
maître le bréviaire des Mortti ... )) (3) . Le L . mai 1835, Brizeux
revint voir le vieux recteur à Moëlan : « Le pauvre vieux maî-

lre, nous le lrouvons seu l, presque aveugle, dans sa petite
maison. avec la fièvre et si faible qu'à peine il peut parler.
Cependant il prend m on bras et descend dans la sa lle à man-

(1) A l'chives de l'é vêché. Do~sier Arzano. - Archives du Finistère.
serio M .

(~ I Archives du Finislère, sério V.
(3) Abbé Lecigne, op. cit., p. 1.74.

LE PONT KI::HLÔ VEllS 1830

ger. Là, il ne peut encore rester, tout le gêne (1)).
Brizeux repart pour Paris d'où il ne reviendra qu'en 1841.
L'abbé Le Nil', devenu de plus en plus impotent, accepte
l'hospitalité que lui offre son frere Vincent-Marie dans sa
maison de Quimperlé, qui existe encore au nO 10 de l'actuel
quai Brizeux et que les vieux quimperlois appelent toujours
la [l)aison Le Nil'. Ses nièces et sa belle-sœur l'entourent des
soips les plus affectueux et les plus dévoués. « Une de ses
nièces lui faisait la lecture, elle lui lisait son bréviaire d'a­
bord, puis de longs passages des Géorgiques ou de l'Enéide,
et le bon vieillard prenait encore plaisir à traduire, à expli-
quer son cher poele à ceux qui l'entouraient " (~).
C'est là qu'il mourut le 19 féVl'ier 1R37' Voici son acte de
déces, relevé sur les registres d'élat civil:
« L'an mil huit cent trente sept, le vingt février, à onze
heures du matin, par devant nous, Joseph-François-Marie
Chancellay, adjoint à la Mairie de Quimperlé, remplis san t les

fonctions d'officier de l'état civil par délégation de M. le Mai-
re, sont comparu Messieurs Louis Prespel, âgé de quarante";
six ans, receveur des Domaines, et Michel-Made Julien, âgé
de trente six ans, receveur des Douanes, tous deux voisins du
défunt et domiciliés à Quimperlé, lesquels nous ont déclaré
que le sieur Joseph Le Nil', âgé de soixante douze ans, prêtre.
né à Rosporden, domicilié à Quimperlé, fils de feu Jean-Marie
Le Nil' el daa,e Hyacinthe l'hiboux, est décédé hier à onzé
heures du soir en sa maison, sur le quai à Quimperlé, ainsi

que nous nous en sommes assuré et ont les déclarants signé

avec nous le présent acte, après qu'il leur en a été fait
lecture 1).

(1) Abbé Lecigne, op. cit . . p. 1.79.

(2) Saint-René Taillandier, op. cit. p. 18.

La réputation de Brizeux, grâce à son grand laIent, domine
d' e beaucoup celle de tous ses condisciples de l'école d'Arzano.

Cependant quelques-uns méritent qu'on leur consacre quel-

ques lignes.
René Guillard, le « bon René 1), « cet enfant d'hôpital »,
comme l'appelait l'abbé Le Nil', devait entrer en cinquième au

petit séminaire, en 182 [ ; nous ne savons pas si vraÎment il
y entra. mais il devint instituteur à Pont-Aven et Brizeux ne
manquait jamais d'aller le voir lorsque les hasards de ses

courses à travers la Cornouaille l'amenait dans la région.
Yves Moëlo, né à Arzano le 27 avril 179L I, fut ordonné prè­
tre le '.17 mai 1820, Nommé vicaire à Saint-Mathieu, il Y resta
un peu plus d'un arr. Le 1" août 182 (, il est nommé recteur
de Langolen, puis le l e' octobre ,824, recteur de Loctudy. A
Langolen, il trouva un presbytère en ruines, s'y logea de son
mieux, puis grâce à la libéralité de M. de Monbourcher et à
l'empressement de ses paroissiens, il eut bientôt un te nain et
lés matériaux à pied d'œ uvre. Il laissa à son successeur le soin -
d'achever la construction. A Loctudy, on n'avait pas encore
perdu le souvenir de M. Moëlo; il y a une vingtaine d'ap,nécs.
Au presbytère on appelait une chambre située sous la tou­
relle, la Cc chambre des révélations de M. Moëlo ». On lui

croyait, en effet, des dons de prédiction; dans le livre étran­
ge, touffu, qu'il a fait imprimer, il annonCe la fin du monde
1 pour l'année 2004 (1 ).

(i) Le livre de la fin du monde. Quimper, Keraogal, s, d., io-8°.,
Daos l'avertissement, 00 lit: « Les t'rois dernières heures du mrrcredi
après dimanche de Pâllues, neuvième jour du mois d'avril 1828, étant à
genoux dans la chambre du presbytère de Loctudy, qui. est au bout
oriental de cette maison, je désirais connaître la durée, du pélérinage de
l'Eglise et l'époque ou elle' doit quitter le lieu de son exil ,ponr s'envoler
dans le sein de son di vin époux ... », '

C'est en allant voir son ami à Loctudy, que Brizeux s'em­
bat'qua, à Quimper, avec les (( batelières de l'Odet >J, des mar­
chandes de poissons qui s'en retournaient chez elles, à
Bénodet, à l'Ile-Tudy, à Loctudy peul-être, après avoir écoulé
leur « marée» « Quimper, lout comme de nos jours. Le des-

servant auquel. est dédié la pièce Les Pôles, est encore l'abbé
Moëlo et La légende, des immortels célèbre son humilité, sa

bonté et sa générosité.
L'abbé Moëlo ful nommé recleur de Baye le 14 août 1836.
Il se rapproche de son pays na, tal et recueille chez lui sa vé­
nérable mère, née Marie-Thérèse Kcryaso. La pau vre femmc,
eITrayée des austérités auxquel les se livrait son fils, allait
supplier la famille Le Nil', de Quimperlé, de lui dire de ména­
ger davantage sa santé.
Brizeux vint encore voir son ami à Baye. Dans la pièce
intitulée L'église , blanche, il nous parle de la rencontre des

tl'ois recteurs, au cours d'une promenade: il s'agit de l'abbé
Robic, recteur de Clohars, de J'abbé Stanguennec, recteur de
Moëlan et de l'abbé Moëlo, rectem de Baye.
Après avoir passé cinq ans à Baye, Mg' Graveran, son an­
cien maître au grand séminaire, appela l'abbé Moëlo à
Quimper en le nommant vicaire du chapitre et pro-secrétaire

de l'évêché.
Deux mois avant sa mort, rapporte Pélage Le Nil', Brizeux

lui confia son in tention de célébrer, eo détail, les qualités
morales de son ami: « Je ne craindrai pas, disait-il, de louer
Moëlo pendant sa vie; il est déjà si détaché du monde qu'il
est inaccessible à la vanité l). Lorsqu'il apprit la mort de Bri­
zeux, le vénérable M. Moëlo se montra profondément aiIligé
et dit tristement: « Que ne m'a-t-on pas dit qu'Apguste était
bien malade, je serais accouru près de lui, je l'aurais aidé à

mounr ».
Il sun-écut au poète plus de vingt ans. Après une doulou-

reuse maladie, il rendit sa belle âme à Dieu, chez les frères du

Likès, dont il élait l'hôte depuis l,5 ans, le 18 février 1881,
âgé de 87 ans (1 '1 .
Jacques Robic naquit à Arzano le 2 mars 1798. Ordonné
prêtre le 29 juillet 1821, il fut nommé peu après recteur de
Saint-Goazec. Le 14 février 1829, il est désigné pour Clohars­
Carnoët. En février 1850, il part pour la Trappe. Il s'agit'
probablement de lui dans le morceau de La fleur d'or intitulé:
à un religieux. Le cloitre ne le garda pas longtemps, car il
revint mourir à Moëhn, le 4 octobre 1851.
Paul Stanguennec, né à Arzano le 26 janvier 1795, fut or­
donné prêtre le 2' décembre ,8!!O. D'abord vicaire à Moëlan,
il en devint recteur le [ C,· avril 182 [. Il ne devait plus quitter

cette paroisse. Il mourut au presbytère de Moëlan le 8 juillet
1865.
Des trois frères Le Nil', l'aîné, Ange, né à Quimperlé le Il
juin 1797, devint Directeur de l'Enregistrement à Pau, où il

mourut le 16 septembre 1881 ; le second, Pélage, né à Quim-
perlé le 2 avril 1807, a été Directeur de l'Enregistrement à
Quimper de 1853 à 1868 et mourut dans cette ville, chevalier
de la légion d'honneur, le 29 avril 1879. sans laisser de pos­
térité ; enfin, le troisième, Léon, né à Quimperlé le 6 janvier
1809, devint vérificateur des douanes à Quimper (2 ).

On savait que Brizeux avait composé un Dictionnaire topo­
graphique ou topologique de la Bretagne, resté inédit.

(i ) Beaucoup des détails qui précèdent sont extraits d'un article ano­
nyme paru dans le journal L'Impartial du Finistère, 23 fénier 1.88-1.
Uue poésie signée Barz Herdévot. imprimée chez Kerangal à Quimper,
quelque temps après la mort de l'abbé Moëlo, louange le défuut en des
strophes un peu boUeuses sans doute. mais sincères et enthousiastes.
Un exemplaire est joint au volume de La fin du monde possédé pal' la
bibliothèque de Quimper.
(2) La série F des Archives du Finistère contient les cahiers ùe devoi l's

Saint-René Taillandier connaissait cet ouvrage, mais ne
l'avait sans doute jamais vu, car il se contente de dire: « ajou­
tons à ces curieuses recherches (Telen Arvor et Fumez Breiz)
un Dictionnaire de topographie bretonne, auquel Brizeux a
consacré de longues années, et que ses compatriotes, sans
doute, ne laisseront pas inédit» . L'abbé Lecigne n'a pas su
davantage ce qu'il était devenu (L). René Kerviler mentionne
seulement un extrait d'un catalogue de vente publié en L89 [ :
« Notes pour un dictionnaire topologique ou Dictionnaire de
topographie bretonne, resté inédit, avec un dépouillement du
cadastre des environs de Scaër, un relevé des noms de lieux
contenus dans la rçformation de la noblesse de Bretagne en

1426 et 1535, etc., [9 p. in-8° etin-!~o l) (2 :. Cene sont ici,
évidemment, que des fragments de la collection ' de textes
réunie par Brizeux en vue de la composition de son réper­
toire. Ils montrent néanmoins un souci d'information étendue
et judicieuse.
M. Auguste Dorchain paraît avoir ignoré l'existence du
Dictionnaire topologique, de même que M. Y.-M. Goblet qui a
écrit quelques pages sur l'œuvre bretonne de Brizeux, à la
suite de la notice de M. Dorchain .

Quoi qu'il en soit, le manuscrit semblait définitivement
perdu, lorsque par un hasard providentiel, M. M.aurice Le
Dault « grand fureteur et de flair étonnemment subtil»,
comme le dit excellemment M. Charles Le Goffic, le découvrit

à Paris, en 1927, chez les héritiers d'un officier de marine
ami de Brizeux, et en devint propriétai re. Il a bien voul u
nous le confier et nous permettre de donner quelques détails
sur. sa précieuse trouvaille.
-L'ouvrage comprend huit gros volumes, de format 23 sur
18 centimètres, reliés en toile sur cartons souples. Le premier

(t) Abbé Lecigne, op. cit., p. 19-20.
(2) Bio-bibliographie bretonne, t. VI, p. 417: .

volume concerne le Finistère, le deuxième le Morbihan, le
troisième les Côtes du-Nord, le quatrième l'Ille-et-Vilaine et le
cinquième la Loire-Inférieu!'e. Les trois volumes suivants sont
une reprise en bloc du même travail, c'est·à-dire sans division
par département, Encore ces trois volumes ne comprennent
que les noms de la lettre A à la lettre L. Nous ignorons si
Brizeux a interrompu la deuxième partie de son œuvre, ou
bien si les derniers volumes ont été égarés.
Chaque tome porte en exergue, au verso de la première
page, ces mots de Joseph de Maistre: « Les noms propres
d'hommes et de lieux me semblent des mines presques in­
tactes d'où il est possible de tirer de grandes richesses histo-

nques ».
La définition des noms de sens clair est donnée d'après le
dictionnaire de Le Gonidec, avec l'orthographe adoptée par
cet auteur; pour un grand nombre de noms, dont le sens lui
échappe, Brizeux se contente de les mentionner, en ajoutant
parfois, comme pour le mot Breiz: « Peut-être la science
n'est-elle pas assez avancée sur aucun point pour établir le
sens de ce mot)J. Presque tout ce qu'il a dit de la vie des
Saints est puisé dans Albert Le Grand; il cite cependant
Gallet, Dom M.orice, Dom Lobineau, les cartulaires de Quim­
per et de Saint-Georges de Rennes, la chronique de Saint­
Brieuc, la vie de saint Guénolé par Gurclestin, l'abbé Ruffe­
let, lorsqu'il veut appuyer ses interprétations de preuves
historiques, A propos de la chapelle de Sain tE -Barbe du
Faouët, il donne le texte de l'acte de fondation, daté du G
j uiJ.]et 1489. Au mot Mellionek (Côtes-du-~Ol'd), Brizeux repro­
duit une étrange ordounance de Richard, Duc de Glocester, .
permettant à John Melyonek, l'un des gentilshommes de sa
chapelle (c d'appréhender et saisir pour nous et en notl'e nom
tous les hommes et enfants habiles daus le chant et autre­
ment experts dans la science de la musique, qu'il pourra

Une seule fois il cite le Barzaz· Breiz, à propos de Toull-Efflam,
et reproduit dix couplets de la légende de Saint-Effiam. Il
fait très peu d'emprnnts aux dictons populaires; il en rap ­ porte seulement à propos de Ker-lz, qlle tout le monde
connaît, et de Sainte-Hélène (Morbihan) :
Ré a ia da zantez Elen
Né a golllcel ho {oen (foan).
(Ceux qui vont à Sainte-Hélène ne perdent pas leur peine)
Pour les CÔtes-du-Nord, Brizeux fournit une indication in­
téressante : il cite les commun es où le breton n'est plus parlé.
Des extraits du Dictionnaire topologique ont paru à la suite
du poème Les Bretons, concernant les noms de personnes et
de lieux cités dans l'ouvrage. Dans la note qui précède ces
extraits, Brizeux ajoute même: «Voir ... notre dictionnaire
topologique de la Bretagne (prêt à paraître»)J. Ceci indique
son intention de le faire imprimer; nous ne savons pour
quelles raisons il ne donna pas suite à SOIl projet.
Chaque département comporte une préface particulière,
mais Brizeux a indiqué l'idée générale de son œuvre et sa
méthode dans la préface qui précède le volume concernant le
département du Finistère. Nous croyons intéressant d'en re­
produire quelques passages:

« Le but de ce dictionnaiJe étymologique des noms de lieux
de la Bretagne ne saurait être de substituer de nouvelles ap­
pellations aux anciennes (nul ne nous soupçonnera d'une telle

impiété envers tous les souvenirs des familles et des pays),
mais bien d'arriver à une topologie de la Bretagne fidèle et
raisonnée. L'explication des divers noms de lieux pourra
même éveiller l'intérêt de plusieurs qui, par irréflexion ou
ignorance, prononcent journellement ces noms sans y atta-

cher aucun sens. Hors du pays, ce travail prouvera l'ancien­
neté de notre histoire et de notre langue.

BreLagne Konan-MelÎ.riadek , (Roi-des-peuplades) et à ses
successeurs immédiats, c'est-à-dire aux IV", v· et VI' siècles;
et désignent les chefs et les saints nouveaux civilisateurs de
l'Armorique; d'autres, tels que Enez-Heusâ, Tréo-an-Druzed,
Seiz-Hûn, [(arnak, remontent jusqu'à l'époque druidique.
Quant aux noms topologiques, tels que Aven, Argoad, Arvô ·
rik, Kemper, ils durent être créés par les premiers habitants,
dès leur arrivée dans le pays. Rares dans les noms de com­
munes, presque toutes placées sous le patronage des saints,
ils désignent par milliers les hameaux, les bois, les montagnes,
les landes, les dunes, les val lons. Tout. en Bretagne a un nom
significatif. Entendez -vous nommer un. lieu ~ Vous savez la
position ou la qualité de ce lieu. J'ai dÎt me borner à l'expli­ cation des seuls noms de communes et celte recherche est
déjà bien longue: à cette liste j'ajouterai cependant les noms
des principaux auLres lieux.
« L'histoire de France serait donc plus facile si, comme la
Bretagne, chaque province avait ses origines clairement écrites
dans sa topologie et conservées par une langue qui n'eût pas

varie .,
(( La méthode à suivre dans ce travail, pour être des plus
simples, était cependant très sûre. Un nom semblait-il défi­
gllré par les cartes ou par une mauvaise orthographe: c'était
(avec la connaissance préalable de ['histoire) d'interroger la
prononciation des habitants. Si l'on pouvait visiter tous les
lieux, on ne laisserait que peu de lacunes dans cette nomen·­
clatu re,
(( Cependant quelques noms peuvent s'altérer à travers tant

de siècles, les origines même se perdre: il serait donc peu
sage de tout expliquer ...
« Aucune étymologie n'a étc acceptée qu'autant qu'elle fut
confirmée par l'histoire ou, selon les cas, pal' la topographie,
et toujours par la construction grammaticale.

été suivie. Elle seule pouvait écrire les noms selon leur ,pl'O~

nonciation vraie, les class~r, et .donner le moyen de les
décomposer.
« Mes autorités sel'Ont: 1° pour , la Bretagne-Al'mol'ique, d . e
dictionnai!'e celto·bllelon de Le Gonidec; 1I

pOUl' le Kimru

01'1 'Pays-de·Galles, .Jes dictionnaires de Davies et de Wmiam
Owen; 3° pour la Cornouaille insulaü'e, levocahulaive die
Wnliam P,rice ; (I" pour l'Irlande et l'Écosse, le dictionna· ire
gaël,ic d'Armstrong. " ».
l;'.inlroduction est suivie d'une nomenclature des npms
cHês dans l'ouvrage, su'r deux .colonnes, à gauche, les noms
sèlon les cartes)), à droite, {( les noms selon les Bretons . ».
Cette nomenclature comprend 22 pages et porle 346 noms
exactement. Or, le Finistère contient actuellement 299 · com­
munes; un e cinquantaine de noms concerne donc des .]oca­
lités qui ne sont pas chefs-lieux.
Le volume concernant le FinistèI:e se termine par .un dé­
pouillement du cadastre de Scaër, pays que B-rizeux connais­
sait et · affectionnait particulièrement. , Les noms de v, iUages
sont classés par tréo ou trèves, qui étaient au nombre de
d(!)uze.

-L'œ uvre de Brizeux est de médiocre valeur au 'point de , vue
étymologique et lexicographique . .Elle constituait cependant,
J:'l0Ul' l'époque où eHe a été établie, un réel progrès, surtout
comme méthode, S UI' les conceptions et : les manies ,étymolo­
gi'8afl tes des ceUomanes de · la fin du KVUl' ~t ·du commence·
ment ' du XIX· siècle. Reconnaissons, d'ailleurs, qu',en SIDn
temps on ne disposait .'pa· s encore des ins:l;·ruments d· e t-ravai:l :
publications de cal'lulalres, chartes, pouiHés, textes en ancien
et moyen breton, dictionnaires topographiqHes, qui ont per­
mis ,de donner un si bel essor à la philologie br, etonne.
156 -
DEUXIÈME PARTIE

Table des Mémoires publiés en 1931

PAGES
l. Simples remar, ques au sujet de " La ville d'ls ",
par Fr. JOUI1DAN DE LA PASSAHDIÈHE. . . " 3
Il. Saint-Tudy, abbé et confesseur (traduit de l'anglais
du Rév. DOBLE, par Mlle BABLET) . . . . " 10
Ill, La construction d'un c1ccher brelon (Saint-Mathieu
de Morlaix), par L. LE GUENNEC ..... , . . . . . . . . 16

IV. Autour de Brizeux, par Daniel BERNARD , . . . .. ... 28
V. Procès-Verbal des prééminences et autres droits
appartenant au seigneur de Goesbriand en 1630,
par H. COUFFON et L. LE GUENNEC ',' .. ' '. . . . . . 53
VI. Les écoles d'enseignement mutuel dans le Finislère
sous )a Restauration, par L. OGÈs ......... ' . . 76