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Bulletin SAF 1930


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Simon-Bernard Joly de Rosgrand, dernier sénéchal de Quimperlé. Ses tribulations, ses détentions successives pendant la Révolution

D. Bernard

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1930 tome 57 - Pages 31 à 41

dernier Sénéchal de Quimperlé
Ses tribulations, ses détentions successives
pendant la Révolution
La sénéchaussée de Quimperlé, l'une des vingt-cinq séné­
'chaussées royales que comprenait la Bretagne, avait été orga­
nisée dans la seconde moitié du XVIe siècle. Elle avait été
formée d'un agrandissement de l'ancienne cbâtellerie ducale
de Carnoët qui englobait sept paroisses, (( Septem Ploë Car­
noël )). et avait pour chef-lieu le château de Carnoët où le duc
Conan IV résida vers 1170. Le territoire de la sénéchaussée,
dont les limites se confondaient approximativement avec
celles de la doyenné de Quimperlé au moyen âge, s'étendait
sur quatorze paroisses : Saint-Michel et Saint-Colomban
(Quimperlé), Bannalec et Tréhallay, sa treve, Baye, Clohars­
Carnoët, Lotbéa et Trélivalaire, sa trève, Locul1olé, MOëlan,
Mellac, ' Querrien, Riec, Saint-Tbu rien et Trével1nou, sa trève,
Tréméven et Le Trévoux.
Le siège royal de Quimperlé ressortissait au présidial de
Vannes (1) et il était la juridiction d'appel des juridictions
(1) Le ressort de Quimperlé avait d'abord été rattaché au présidial de
Ploermel, en 1.551., puis après la suppression de ce dernier, en 1.552, à

seigneuriales suivantes: Abbaye d e Sainte-Croix de Quim­
perlé, Baronnie de Quimerc'h en Bannalec, la Port e-Neuve
en H.iec ( 1) eL le I- Ieznant en Névez .
Les officiers d e la sénéchaussée tenaient leurs audiencps
dan s un auditoire situé dans la ru e du Château, lequel audi­
toire était commun à la juridic ti on royale, à celle de l'abbaye
de Sainte-Croix et à celle d e la gruerie (:l),

L'objet d e notre travail n'étant pas l'étude de la sénéchau s-
sée, nou s ne n O LI s étendrons pas sur les attributions ct la
compétence du siège (3). Bornons-nous à dire, en général.
que la compéten ce civil e de la cOllr royale s'étendait à tout es
les amüres portées de nos j oUl's devant les tribunaux d'arl'on­
di ssem ent et les jllstices de paix; au criminel, elle avait toutp
compétence : crimin elle, correctionnelle, d e simple police.
Mais, en dehors de ces attributions judiciaires, les officiers de
la sén échau ssée possédaient encore d es pouvoirs administra­
tifs et de police: ils remplissaient certain es fonction s dévolues
aujourd'hui aux préfets ou aux so us-p réfets, aux commissai­
res de police et aux chambres de commerce .
. A Quimperlé, la cour royale était composée d'un sénéchal ,

d'un bailli, d'un procureur dt! roi et d'un g reffler. A l'époque

d e sa suppression, en 1790, ell e avait comme litul aires :
Simon-Bernard J oly d e Rosgrand, sénéchal; Pierre-François
(1) Ces trois juridictions co nstituaient les premiers ménéants du

s,egc.
(2) La gl'Uerie, qui était une juridiction d'attribution, connaissait de
toutes les affaires concernant les eaux et forêts, la chasse,)a pêche, elc.
(3) Voyez J. :rrévédy, l'Organisation judiciaire de la Bretagne avanl
17110; Delaporte, La Sénéchaussée de Châteauneuf-du-Faou, Huelgoat,
el Landeleau; Giffard, Les justices seigneuriales en Bretagne au XVIIe
et XVIIIe siècles; Bourde de La Hogerie, Liste des juridictions . ..
(Bull. de la Soc. arch. du Finistère, 1910, i9i1, 1911&" 1925); Intro­
duction au tome Il de l'Inventaire s01l!maire des Archi ves départelllen­

Le Breton, bailli; Jacques-Tan g lly-Ma rie Guermeur, procu­
reur du roi et Mancel, greffier ( [).
Simon-Bernard Joly naqu it il Port-Loui s le l a Juillet [730
de Simon Joly, sieur des IUeaux, an cien premier subrécargue
de la Compagnie des Indes et capitain e d'infan terie garde­
côte, et d'Anne Marchand (2) . [1 épousa, en q63, Catherin e­ Loui se Briand du Stang, fill e unique de Théodore- Bonaven­ ture Briand du Stang, avocat à Quimperlé, et de clam e Morie­ Anne Hervieu. De leur mariage naquirent cinq enfants; mai s
au début de la Révolution , quatre selllem ent étaient vivants:
Jean -Marie-Théophile, Ma rie- Toussai nt-René, Clémence­
Louise et Marie-Anne- H.enée -Henriette. L'a [née des fi Iles
épou sa Claude-Marie- Loui s de Kerouallan, de Lignol, el la
(1) Voici la liste des juges de la cour depuis l'origine, avec la Ù !l ie
de leur nomination :
Sénéchaux: J3aillis : Prucureurs du roi :
Yves de Kergoat, 156'1. Yves Pezron, 1592. Yyes KermeU.c, 1578.
Jean Desportes, 1574. Marc Morice, 1598. Jean Lohéac, 1595.
Guillaume Desportes, 1576 . François Faverel, 1609. Charles Lohéac, 1ü42.
Jean GeITroy, 158! .. Jérôme BaeUec, 1623. Jean de Kerm ellec, 1647.
François Le Fla, 1è15. Regnault Le GoU\·ello,163~ .. Jean Frelaud, 1662.
Guillaume Pezron. 1648. Jean Deslo, 16! .2. Louis Le Venier, 1667.
Jean de Pluvié, 1650. Charlés Lohéac, 1679. Michel llrianl. 171 5.
'René L 9 Flo, 1659 . Pierre AufTret. 'IU88. Jean-René Lalau, 17G1.
Thomas-Joseph Le Flo, 1696. Gabriel-Hyacinthe A uITrel. Jacques-Tanguy-Marie
J ean-FrançoisMoreau, '1725 1717. Gucrmeur, 178R .
Jacques-Gilbert Cunat, 1753. Pierre-François Le Breton,
Gabl'iel-Jacques Le Coq, 17G' .
1756.
Simon-Bernard J oly, 1766.
(Archives du Parlement de Bretagne, Registres d'enregistrement des
Acles royaux.).
(2) Simon Joly était originaire de Bourgogne. Sa fille unique, Marie­ Anne-Vincente, épousa à Port-Louis, le 7 juin 1762, Jean-François Le
Gouvello de Rosméno. Ils habitèrent le beau château de Kerlévéllan ,
dans la presqu'He de Rhuys, anobli en i6!î2. Voir une description dans:
U ne excursion dans la presqu'île de Rhuys, par M. de Kermainguy
(Revue de Bretagne et de Vendée, i880, p. 370). Madame Le Gouvello
mourut en i 7(;)3 et Iut inhumée dans la chapelle de Kel'bot en l'église
des Trinitaires de Sarzeau. SOIl mari décéda en 1789. Leur fille, Clé­ mence-Marie-Josèphe, épousa, en 1789, Armand GOUyqlwt, de Quim­
perlé, capitaine d'infanterie.

cadette, Jean-Marie Touzé de La Santière. L'aîné des fil s, Jean­
Marie-Théophile, épousa à Quimperlé, le 21 août 1809 , Anne­
Adélaïde-Sophie Bourke, d'une famille irlandaise établie à
Lorient.
Simon-Bernard Joly de Rosgrand fut pourvu de l'office de
sénéchal de la jurirliction royale de Quimperlé par lettres
patentes du L I juin 1766 (r). Le siège était vacant depuis 1763,
par suite du décès de Gabriel-Jacques Le Coq de Maison­
meur (2 ). Le nouveau sénéchal, après main-levée de restric­
tion obtenue par ordonnance du 31 décembre 1767 (3 ), fut
in stallé en séance solennelle présidée par le sénéchal d'Hen­
nebont, le vendredi l e. août 1768. Le doyen des avocats du
siège, M. Robert Frogerays, ayant remontré « que Monsieur .
« Simon-Bernard Joly de Rosgrand avait traiLé de l'office de
« conseiller du Roi et son sénéchal en ce siège, après avoir
« fait preu ve de bonne vie et mœurs et catholicité et prêté
« serment Il , la cour admit l'impétrant c ( à faire les fonctions
(c et l'office de sénéchal ~ (4 ). Aux dires du sénéchal, son
office lui revenait à 40.000 livres et ne lui avait jamais produit
plus de 6 à 700 livres par an (5 ). En 1787, il songea à se
. démettre de sa charge et fit même afficher à Rennes, à Quim­
per et ailleurs la vente de son office; mais, pour des raisons
que nous ignorons, il demeura à son poste. Joly de Rosgrand
(f ) Parlement de Bretagne. Enregistrement des Actes royaux. Reg.
nO 42, ID 1.5.
(2) Noble maître Gabriel-Jacques Le COl] de Maisonmeur avait été
pourvu par lettres patentes du 18 septembre i756. Il occupait, depuis le
8 octobre 1. 744, la charge de sénéchal, bailli et lieutenant de la Baronnie
du Pont (Arch. du Finistère, B. 438).
(3) Parce qu'il n'avait pas encore 27 ans.
(4) Registre d'audiences de la Sénéchaussée de Quimperlé, Arch. du
Finistère.
(5) Au milieu du XVIIe siècle, d'après Dubuisson-Aubenay (Itinéraire
de Bretagne, t. Il, p. 98 j, l'office de sénéchal royal avait été vendu

a rempli les devoirs de sa fonction avec une haute et scrupu­
leuse conscience et il a été rendu hommage à sa dignité et à
ses mérites. Cambry, présiden t du directoire du distri ct de
Quimperlé, di sait de lui: {( Il est un homme à Quimperlé,
« juge intègre, éclairé, d'un e probité reconnu e, obligeant, qui
« sans être né gentilhomme, eut la fureur ne tenir à cet
« ordre .. , » (r), Lui-même écrivait, en 1792 : « Pendant
« vingt-cinq ans j'ui valu au ressort et surtout au barreau de
« Quimperlé. que je présidois, des éloges que j e m'efforçois
« de leu r mériter par mon exactitud e, pur mon désintéresse­
« ment, par le sacrifice de ma vie et de ma fortune . " )) (2).
Sa sollicitude pour les malheurenx était reconnu e. En 177 r.
il acquit du prince Jules-Hercule de Rohan L ous ses droits SUT
les terres vain es et vagues d es paroisses de Rédéné et d'Arza­
no , moyennant une rente féagère de cent minots d'avoine (3).
SUl" ces domaines, il forma cinq métairies pour employer les
journaliers que la disette et la cherté des grains avaient ré­ duits à la mendicité, « Le riche laboureur gardait ses grains
« pour les vendre et n'employait aucuns jO l1rnaliers, quoique
« ceux-ci offrissent leurs journées pour leur simple nourri­
« ture. Joly de Rosgrand, touché de la misère qui régnait
« dans la paroisse de Rédéné et en celle de Quimperlé, réunit
« tontes ses ressources et occupa pendant les mauvaises an­
« nées 177L, 1772 et 17ï3, toutes les familles infortunées et
« particulièrement celles des pauvres laboureurs. Il les paya

que le sénéchal royal à cette époque était Jehan Lohec (Lohéac), sieur
de Trévosec. Nous n'avons cependant pas trouvé trace de la nomination
de ce sénéchal. Jean Lohéac était proba blement sénéchal de l'abbaye de
Sainte-Croix et Oubuisson-A ubenay avail confondu les noms des deux:
sénéchaux:.
(i ) royage dans le Finistère, édition Fréminville, p. 373.
(2) Arch. du Finistère, série L. Police du département et des districts.
Les renseignements qui suivent sont, sauf indications contraires, extraits
de ce fonds, notamment des dossiers de suspects et détenus.
(3) Arch. du Morbihan, B 3037 .

« én argent et en pain, ou à leur option et suffisait largement
« aux besoins des femmes et des enfants . Les jours de distri­
« bution qu'il allait faire lui-même, lui offraien t l'aspect at­
« tendrissant d'hommes épuisés et décharnés, plusieurs des­
« quels voulaient se jeter à genoux et lui baisaient les mains,
(c en recevant un salaire qu'ils avaient mérité» ( r). (c Ces
c( établissements, dit-il, me revenant à plus de quarante mille
( francs, ne me produisoient pas trois cents livres par an. Ce
(( n'étoit pas de quoi suffire à l'acquit des cent minots. Toutes
(c ces entreprises avoient seulement valu la subsistance aux
« infortunés du païs que j'occupois préférablement dans les
(c tems de calamité » (2 ),
Après la suppression ·des sénéchaussées royales par la loi
des 7- 12 septembre 1790, et leur remplacemen t pal' les tribu­
naux de districts, Joly de Rosgrand ne fut pas élu membre du
tribunal de Quimperlé, pas plus que le Breton, bailli. Seul,
Guermeur garda son office en devenant commissaire national
auprès du nouveau siège.
L'ancien sénéchal se retira complètement de la vie publique,
résidant tantôt à Quimperlé, tantôt au manoir de Rosgrand,
en Rédéné, que son père avait acquis, en 1752, de daine
Marie-Gaëtane de Mornay, veuve d'Anne-Bretagne, comte de
Lannion, baron de Malestroit, en son vivant. lieutenant géné­
ral des armées du roi (3). Cependant, pour affirmer son loya­
lisme envers le nouveau régime, il fit de son fils aîné un
dragon national à Lorient (c pour le soulagement de Quim­
perlé », ce qui, dit-il, lui coùla plus de 1500 livres. Mais, à
·sa majorité, le dragon déserta, se rendit, malgré l'opposition
(i) Notice SUI' Rédéné (Bull. de la Soc . arch. du Finistère, t. IV, p.
166).
(2) On accusa par la suite Joly de Rosgrand d'avoir voulu se livrer à
une spéculation truclueuse. Il est certain que sa tentative philanthropique
. échoua.

de son père, d'abord à Paris, puis en Bourgogne, chez ses

parents. Ensuite, il émigra et il fut inscrit sur la liste des
émigrés du district de Quimperlé comme .. , ex-roturier (sic) ,
Lorsque la nouvelle de la fuite du roi fut connue à Quim­
perlé, le directoire du district ordonna J'arrestation des sus­ pects, dont Joly de Rosgrand père et fils. Les considérants de
l'arrêté qui fut pris à cet effet, le 211 juin '79 [, méritent
d'être cités: « Craignant que dans un moment d'indignation,
« les citoyens justement irrités ne puissent se porter à quel­
(/ ques voies de fait contre les personnes dont la conduite ou
« l'opinion sont le plus notoirement opposées ~ la Constilu­
II tion, l'assemblée a arrêté qne pom garantit' plus particu­
« lièrement leurs personnes de tous excès ou maltraitements
« qui ne serait peut-être pas au pouvoir de ceux qui sont
«( chargés du maintien du bon ordre d'empêcher partout d'une
« manière également efficace, ces personnes seront réunies
« dans les appartemens de la ci-devan t abbaye et soigneuse­
« ment gardées, où elles pou rron t se procurer les besoin s et
«( commodités de la vie et même communiquer avec qui bon
« leur semblera jusqu'à nouvel ordre ') .
La détention fut de très courte dmée; dès l'avis du retour
cie la famille royale à Paris, qu'on eut reçu à Quimperlé, c'est­
à-dire dès le dimanche 26 juin, à deux heures de l'après-midi,
toutes les personnes incarcérées furent remises en liberté.
Le [5 Août 1791, les conseillers municipaux de Rédené se
plaignaient au district de Quimperlé de ce que Joly de Rosgrand
« avoit fait l'appel de ses vassaux par son domestique pour
« les corvées de foin, menaçant de faire double frais à celui
« ou à celle qui auroient manqué )). Les habitants de Rédené,
quoique domaniers pour la plupart de l'ancien sénéchal et
même animés d'excellentes dispositions à son égard, ne pou­
vaient cependant admettre qu'il pût exercer un droit féodal
supp rim é par l'Assemblée nationale.

d'Hennebont, Le Barz, demandait au district de Quimperlé
l'autorisation de continuer de dire la messe dans la chapelle
de Rosgrand. Mais le district, considérant (c qu e les églises et
« paroisses des prêtres assermentés sont en majeure partie
« désertes, et les courses ou les pélérinages des paroisses éloi­
« gnées de plus de quatre ou cinq lieues à des églises de prêtres
« non co nformistes, par bandes de deux cents à trois cents,
« scandalisent sin guhèrement dans ces environs », enjoignit
à Le Barz de cesser de dire la messe à Rosgrand , et à Joly de
ne plu s tolérer la fréqu entation de sa chapelle particulière par
des prêtres insermentés .
A la fin d'août 179 2, quelques eITervescences et même
quelques so ulèvements ayant éclaté s Ul' divers points du
Finistère, le directoire du département décida de déléguer des
com missaire~ dans certain s districts. Le Déan aîn é et Renouard,
commissaires envoyés à Quimperlé, donnèrent l'ordre de
m ettre en arrestation Joly de Rosgrand, de Kermorial, du
Cosquer et Ponsart et de les faire transférer à Quimper. Le
jardinier de Rosgrand, quoiqu'aya nt « sur les bras une jeune
« femme, deux jeunes enfants et une mère septuagénaire qu'il
a substante par le moyen d'un salaire de 15 so us par jour '
« qu'il reçoit, outre son logement dans la basse-cour de Ros-
{( grand )) , fut également arrêté et dirigé SUl' Quimper.
A u début de 1793 , les prisonniers sont remis en liberté.
Joly de Rosgrand retourne à Quimperlé et se fait délivrer, le
15 avril. un certificat de résid ence libellé comme suit: « Agé
« de cinquante-trois ans, taille cinq pieds, cinq pouces (r"'75),
{( ayant le front haut et dégarni , yeux bruns, n ez ordinaire,
« bouche moyenne et menton rond , fig ure ronde, riche en
« coul l-)urs, cheveux. barbe et sourcil s châtains )) . Le manoir
de Rosgrand ayan t été signalé comme un repaire de chouans
et la région de Rédéné comme peu sùre, Joly de Rosgrand et
sa fille Clémence, qui n'avait pas suivi son mari, M. de
Kerouallan , en émi gration , obtinrent du directoire du dépar-

tement un passeport pour se rendre à Quimper, passeport que
leur avait refusé le district de Quimperlé comme « anciens
ci-devants détenus». Ils revinrent cependant à Quimperlé.
mais au moment de l'affaire de Quiberon, le district de Quim­
perlé, à la suite d'un arrêté des représentant Guezno et Guer­
meur, les mit en arrestation. les fit diriger sur Quimper oû
ils furent détenus dan s les bâtiments du collège. Après le neuf
Thermidor, Joly de Rosgrand réclama son élargissement:
« En ce jour où l'on célèbre la destruction du Terrorisme, je
« vous demande de considérer ma pétition. Il ne sera pas dit
(c que sous les yeux du département, on fasse ressucite~ la
« Terreur ... ». Il demanda à résider paisiblement chez le
citoyen Lharidon-Penguilly. Tous deux furent, en eITet, élar­
gis, et, en mars 1796, nous les trouvons à Quimperlé où ils
recoivent l'ordre du district « de demeurer à Quimperlé et de
« ne pas s'éloigner d:ms la circonstance critique où nous

« sommes en ce moment (I)). .
Joly de Rosgrand paraît n'avoir plus été inquiété pendant
plusieurs années . L'exécution de la loi du 24 messidor an VII,
dite loi des otages, le ramena en caplivité. Il avait toujours
protesté contre les mesures de rigu eur qu'il avait subies du
fait de l'émigration de son fils: « Nous souffrons, disait-il,
« pour la faute d'autrui, pour des hommes majeurs qui,
:c maîtres de leurs volontés, n'ont pas consulté les nôtres »),
L'administration centrale du Finistère dut le reconnaître :
« Considérant qu'il résulte des pièces fournies par le pétition­
« naire que celui- ci dans les temps fit tous ses efforts pour
« s'opposer au désir de son fils avait de s'absenter, que la ré­
(c sidence de ce fils a été dans un pays et chez une nation
« amie et alliée de la France, ainsi qu'il est constaté par deux
« certificats lui délivrés par le conseiller provincial du roi de
« Prusse, dans le cercle d'Altona, comté de Marck en \Vest-

« phalie, le 20 aoùt 1797, e t l'alltre par les ministre, pasteur,
« comm issaire de justice, bourgmestre, commerçant, culti-
c( valeur, etc., du village et de la commune de H alver, en
« Prusse, desquel s il résulle que Jean -Marie-Théophile J oly
( de Rosgraud a résidé dans la dite commune de Halver dep ui s
« le 4 du mois de juin 179 2 ju squ'au m ois d'avril 1798,
(( époqu e à laquelle il a dû s'établir dans la ville de Rade-
« worm-Idalo, au pays de Berg» . Le district d e Quimperlé,
tout en maintenant contre J oly de Rosgrand « le reproche
« d'impatriotisme, reproch e fond é sur le défaut de prestation
cc d~ serment, sur l'éloignemen t où il s'est tenu des assem­ « blées primaires et autres actes civiques» , était cependant
obligé d'admettre (( qu'il est de la stricte équité de reconnoitre
(( que le pétitionnaire, dans le res te de sa conduite, présente
(( constamment un citoyen paisible, un b on époux, un bon
(( père, un cultivateur intéressant ». Le commissaire du direc­
toire exécutif, déclarant, d e son côté, cc n'avoir aucun m otif
« pour s'opposer à l'élargissement du pétitionnaire et n'en
c ( avoir au cun également pour le provoquer», la mise en
liberté du détenu était acquise . Elle fut pron oncée par un
arrêté d e l'administration centrale du Finistère, le 23 brumaire
an ,'m (15 novembre 1799) qui, tout en ordonnant son élar­
g issement définitif, lui imposait cependant l'obligation de
c( justifier à l'administration centrale, et da ns le plus court
« délai, de la continuation d e la résidence d e son fil s sur le .

cc territoire prussien ».
Désorm ais, l'ancien sénéchal vécut tranquillement. Son
obstination à tenir à un ordre auquel il n'appartenait pas
l'avait fait « persécuter, poursuivre, par quelques h ommes
« auxquels on pourrait reprocher et des bassesses et d es atro­
cc ci tés » (1). .
En l'an IX (1800), n ou s le trouvons inscrit sur la liste des

notables du département du Finistère, comme propriétaire à
Qui.mperlé, âgé de 6 [ans. ' .'
Il moul'Ut à Quimperlé le 29 Juin 1802 et fut enterré le
même jour. La déclaration de son décès fut faite par son
neveu, Thomas Briant du Liscoët et Dominique·Yves-Marie
Dupé, officier de santé (1).
Jean-Marie-Théophile Joly de Rosgl'and, l'ancien émigré,
maire de Rédéné et juge de paix: de Quimperlé, fut pourvu de
lettres de noblesse par lettres patentes du 3 Juillet I~18, avec
règlement d'armoiries: « d'azur à une lige de lys d'argent,
« au chef d'or, chargé d'une croix pattée de sable » ) (2).
Daniel BERNARD,

(1) Etat-civil de Quimperlé.
(2) A. Révérend, Titres, pairies et anobUssernents de la Restauration
et F. Audran, Notice S!W Rédéné (Bull. de la Soc. arch. du Finistère,

139 -

DEUXIÈME PARTIE
Table des Mémoires publiés en 1930
I. Un programme de séance à l'Académie de philo­
sophie du Collège de Quimper en 1788, par

PAGES
l'abbé J. TOULEMOéH . . . . . . . . . . .. 3
II. Matériaux pour la bibliographie de l'histoire de la

Révolution dans le département du Finistère
(suite et fin), par D. BE RNARD. . . . . . .' 9
Ill. Pénity, par R. LARGILLIÈRE. . . . . . . . .. 18
IV. Simon-Bernard Joly de Rosgrand, dernier séné-
chal de Quimperlé. Ses tribulations, ses déten-
tions successives pendant la Révolution, par D.
BERNARD (avec une planche hors texte). . .. 3.
V. Un procès pour ruptures de fiançailles au XVIII'
siècle, par Jacques THOMAS .

VI. A propos du ravitaillement en 1791, par l'abbé
J. TOULEMONT ......... . a

VII. Les seigneurs de Penmarc'h en Saint-Frégant,
par L. FARCY (4 pages de planches hors texte) . 52

VIII. Liste des juridictions exercées au XVII' et xvm'
siècles dans le ressort du Présidial de Quimper
(suite). Sénéchaussée de Quimper, par H.