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Société Archéologique du Finistère - SAF 1930 tome 57 - Pages 3 à 8
Un programme de
seance
à l'Académie de philosophie
du Collège de Quimper, en I788
Fondé en 1621 par Charles de Lcs:::oet, évêq ue de Quim per,
le collège des Jésuites apporta un puissant secours à l'Eglise
de Cornouaille pour la formation des ecclésiastiques. Bientôt
célèbre dans toute la Basse-Bretagne, par la valeur des ses
maîtres et les succès de ses élèves, le collège vit augmenter
de jour en jour le nombre de ses auditeurs. Il atteignit le
chiffre de 800 en certaines' années (1).
A l'expulsion des religieux de la Société de Jésus, l'établis
sement fut confié au clergé séculier qui essaya de continuer
les belles traditions de piété et de science des Jésuites (2),
Tout ce qui avait été établi par les Jésuites fut maintenu:
nombre et programme des classes, plans d'étude, congréga
tion, académies.
Pour contrôler la force des études, on eut à la fin de chaque '
année scolaire des exercices publics, dont les programmes
étaient imprimés et distribués à l'avance dans la ville. C'était
(i) Ch. Fierville, Histoire du collège de Quimper, Paris, 1864" p. 79.
(2)' (c Chez les Jésuites, les externes ne payaient rien, et sans doute,
celte admission gratuite n'était pas étrangère à la vogue de certaines
maison: Amiens avait :fAOO élèves au XVIIe siècle, Rouen 2000 en 1627,
Louis-Le-Grand à Paris 3000 en 1675 ». Voir vicomted'Avenel, Revue
des Deut e ~4fondes. Tome LVI (1.930), Le goûL de l'instruction depuis trois
là encore continuer une coutume des Jésuites. Leur « Ratio
Sludiorum » prévoit en effet l'institution dans les classes de
seconde, de Rhétorique et de Philosophie, d'académies com posées des élèves les plus intelligents et les plus laborieux. A
la tête est un prêtre qui est le directeur (moderatot), puis
deux conseillers et un secrétaire. Chacune d'elle a son hisl.oi
re, ses traditions, ses usages, son livre d'or, ses séances pu
bliques où, devant les maîtres. les personnages illustres et les
invités, les académiciens argumentent, déclament et s'exci-
tent aux grandes pensées et aux belles actions (1).
Il ne reste malheureusement que très peu de souvenirs des
séances des académies au temps des Jésuites. Les archives dn
Finistère (série D) conservent seulement un programme de
Des exercices publics postérieurs à 1763, plusieurs pro
grammes ont été conservés, et Fierville, l'historien du Collège
de Quimper a pu en voir quelques-uns. C'est ainsi qu'il si gnale, parmi les discours faits en 1785 par des élèves de Rhé
torique, quelques titres (2) :
La vraie grandeur consiste dans la crainte de Dieu.
L'homme abandonné de Dieu est malheureux.
La vertu est la source de la vraie gloire.
Nous avons trouvé dans les vieux papiers d'un presbytère
de Cornouaille un programme dont Fierville n'a pas parlé, et
qui nous révèle l'existence en 1788 au collège de Quimper
d'une très florissante académie de philosophie (3).
Ce programme est malheureusement en mauvais état, le
titre et les premières lignes ont disparu. Mais il en reste en core plus de soixante pleines de renseignements.
(i) Ratio studiorum, édition Ferté, Paris, i8!-l2, p. XLI.
(2) Fi~rville, Livre cité, p. 88, note il.
(3) Dans le Bulletin de la Soc. arch. dIt Finistère , t.
p. i02-HG, Trévédy étudie un programme de f752.
Imprimé à Quimper sans doute, sur un papier assez résis-
tant, il comporte tout autour du texte un cadre en noir relevé
de plis de draperie. Il contient le bref exposé en latin de
douze thèses de . philosophie, de logique, de morale ou de
métaphysique, sur lesquelles devaient argumenter les élèves
de l'académie, dont les noms et l'origine nous sont donnés
au bas de l'imprimé .
Les douze thèses n'étaient évidemment qu'ün court résumé
de l'enseignement reçu par les élèves. Mais il était déjà pres
que trop relevé pour que des jeunes gens puissent argumen
ter en latin ([). Et les sujets proposés étaient plutôt durs.
Ainsi les quatre thèses de logique trailent de la certitude, de
ses causes, du jugement, du raisonnement, du syllogisme,
de ses huit règles générales, de ses neuf règles spéciales et de
ses qualre figures. '
Quant aux cinq thèses de théodicée et de métaphysique,
elles portent sur les preu~es de l'existence de Dieu, sur ses
infinies perfections: sainteté, éternité, bonté, juslice, liberté,
providence. Il y est même question du Thomisme et du Moli
nisme à propos de la science divine et de la liberté humaine.
Les trois dernières thèses sont. de la morale naturelle, indi
viduelle et sociale : liberté humaine, devoirs de l'homme
envers Dieu, envers le prochain, envers lui-même, devoirs à
l'égard de l'Etat, étude des formes de gouvernement.
Les sujets à traiter étaient donc plutôt difficiles. Cependant
nombreux étaient les concurrents. Dix-huit noms sont ins
crits, ainsi répartis, 5 à chacun des :1 premiers jours el 4, à
(i) «Jusque vers la fin du règne de Louis XV, on continua d'ensei
gner la physique el la philosophie. la médecine et le droit en latin ....
Pal' conll'e l'histoire et la géographie n'avaient à peu près aucune place
dans l'enseignemenl » (Article déjà cité du vicomte d'Avenel, Revue des
Deux Monde§, lome LVI (i930), p. 812). A Quimper l'enseignement
en latin a duré au moins jusqu'en t788,commc l'indique le progmmme
académique.
chacun des 2 autres, et leur soutenance allait de :1 heures de
l'après· midi jusqu'au soir.
D'où étaient-ils originaires? Onze venaient des limites du
Finistère actuel, cinq de celles des Côtes-du-Nord, deux de
celles du Morbihan. Ces sept derniers provenaient de paroisses
comprises autrefois dans le diocèse de Cornouaille. Locronan,
Plogoff, Plonèvez-Porzay, Pleyben, Rosnoen, Scrignac (deux
élèves), Lesneven, Brest et Saint-Pol-de-Léon (deux) sont les
paroisses du Finistère représentées , à l'académie. Neuillac,
aujourd'hui en Morbihan, près de Pontivy, a fourni deux
éléves ; quant auX: cinq autres, ils sont de Saint-Mayeux,
Laniscat, Merléac, Mur-de-Bretagne, paroisses appartenant
aux Côtes-du-Nord.
Leurs noms sont semblables à ceux portés de nos jours:
Guillou, Pondaven
Le Roy, L'Helgouach, .Lharidon. Colin,
Lhostis, Quéré, Cloarec, etc. Peut-être même leurs familles
existent-elles encore ~
Que sont-ils devenus plus tard ~ Hélas! pour la majorité
les précisions nous font défaut. Cependant, six sur dix-huit,
soit un tiers, figuren t sur la liste des séminaristes en 1791 (1).
Ce sont:
Mathmin Le Roy, de Neuillac, sous-diacre (mort pendant la
Révolution) ;
Jean-Marie Quéré, de Scrignac, prêLre en 1800, morL rec-
teur de Gouézec en 1815 (2) ;
Pierre Colin, de Laniscat, sous-diacre ;
Joseph L'Hostis, de Mur, acolyte;
Jacques-Marie Menguy, de Saint-Mayeux , acolyte;
Jean Goardon, de Plogoff, clerc tonsu ré.
L'académie était donc bien représentée au Séminaire et ceci
(i) Liste aux, archives de l'Evêché et dans Peyron, Notice sur les
Séminaires, Quimper, 1889, pages 81-82.
(2) Jùidem, p. 81-82.
nous indiquèque lè collège, même après le départ des Jésui-
tes a contribué' au recrutement du clergé de Cornouaille et
n'a pas cessé d'être florissant , puisque la classe de philoso-
phie comptait au moins 18 élèves à l'académie, et sans doute
une dizaine d'autres encore. Cela peut représenter 250 à 300
élèves dans tout le collège ( [). On était loin du chiffre de 800
atteint sous les Jésuites. Ici, comme ailleurs, leur départ
amena le déclin partiel des étud es. On ne chasse pas impuné ment des éducateurs ayant la confiance des familles (2) .
Quant au professeur de philosophie, c'était l'abbé Yves
Marie Ollitrault, né à Mûr en '[756, étudiant au collège de
Quimper entre 1770 et 1777, ordonné prêtre en Ij80 et pro
fesseur depuis le mois de. mars 1783. Il occupa ce poste jus
qu'an 30 avril 1791, date à laquelle il fut nommé par Expilly.
vicaire-directeur au Séminaire. Il avait prêté serment comme
la plupart des professeurs du Collège et suivi l'exemple de
son principal, 'l'abbé Le Coz, futur évêque d'Ille-et-Vilaine.
Il publia même en faveur du serment une brochure intitulée :
Réponse aux plus jortes objections des non-conformistes et
imprimée en septembre I791 parle Directoire du Finistère (3).
A la fermeture du Séminaire, Ollitrault dut chercher un
autre poste. En 1796, il était professeur de philosophie à
l'Ecole centrale du Finistère. En avril [803, c'était la gram
maire générale qu'il enseignait dans le collège rétabli. Le :]
novembre 1808, il était directeur avec Gastinel. L'un el
l'autre furent remplacés le 5 juin 1810, par l'abbé de Calonne,
(1) Fierville (livre cité, p. 89), ne peut citer que quelques chiffres:
en 5
, en f 778, il Y a 72 élèves, ils ne sont plus en f 780, en 3', que
59; en seconde en i 785, il n'y a que 23 élèves, il y fil avait 4,9 en 1768.
(2) « La destruction de cet ordre a lait un mal irréparable à l'éducation
et aux lettres. On en convient aujourd'hui » (Châteaubriand, G énie du
christianisme. T _ IV, p. 302). .'
directeur depuis 1806 du collège de Quimperlé, nommé à
cette place par le Grand-Maître de l'Université, sur demande
de l'évêque de Quimper hostile à l'ancien jureur (I).
Au départ de l'abbé de Calonne, en avril 181 r, Ollitrault
retrouva une chaire de professeur en deuxième année d'3
Grammaire, puis en première classe d'Humanité (I812) . Rele
vé de son emploi, il mourut le 28 novembre 1813 et fut enter
ré à Quimper.
Il avait prêté tous les serments et servi tour à tour tous les
gouvernements, peu fidèle aux leçons de philosophie et aux
vertus qu'il prêchait à ses élèves.
Le programme des séances publiques de l'Académie de
philosophie du collège de Quimper, en 1788, le chargeait du
beau rôle d'arbitre. Que n'était-il resté toute sa vie ce que
doit être un bon maître pour ses élèves ; un chef et un
modèle, Dax et exemplar !
Abbé TOULEMONT .
(i) Napoléon 1
intervint pour imposer le déparl de l'abhé de Ca
lonne qui, signalé comme fanalique, ful transféré dans une ville où l'on
n'aurait rien à craind,'c de l'esprit de parti. (Aulard , Na.poléon l'" et
le 1l!01wpole universita.ire, Paris, 19B, p. 208).
139 -
DEUXIÈME PARTIE
Table des Mémoires publiés en 1930
I. Un programme de séance à l'Académie de philo
sophie du Collège de Quimper en 1788, par
PAGES
l'abbé J. TOULEMOéH . . . . . . . . . . .. 3
II. Matériaux pour la bibliographie de l'histoire de la
Révolution dans le département du Finistère
(suite et fin), par D. BE RNARD. . . . . . .' 9
Ill. Pénity, par R. LARGILLIÈRE. . . . . . . . .. 18
IV. Simon-Bernard Joly de Rosgrand, dernier séné-
chal de Quimperlé. Ses tribulations, ses déten-
tions successives pendant la Révolution, par D.
BERNARD (avec une planche hors texte). . .. 3.
V. Un procès pour ruptures de fiançailles au XVIII'
siècle, par Jacques THOMAS .
VI. A propos du ravitaillement en 1791, par l'abbé
J. TOULEMONT ......... . a
VII. Les seigneurs de Penmarc'h en Saint-Frégant,
par L. FARCY (4 pages de planches hors texte) . 52
VIII. Liste des juridictions exercées au XVII' et xvm'
siècles dans le ressort du Présidial de Quimper
(suite). Sénéchaussée de Quimper, par H.