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Bulletin SAF 1929


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Notice sur deux statues représentant saint Mélar et saint Roch

V. Cormier

Avertissement : ce texte provient d'une reconnaissance optique de caractères

Société Archéologique du Finistère - SAF 1929 tome 56 - Pages 79 à 82

Notice sur deux statues
représentant saint Mélar et saint Roch

Le 8 septembre dernier, jour du pardon de Notre-Dame

de Basse-Mer, en la fête de la Nativité de la Vierge, les habi-
tants de La Forêt-Fouesnant ont pu voir sous le porche de
leur église, où M. l'abbé Arhant , recteur de cette paroisse
venait de les faire placer, deux statues en pierre, du XVIe siècle
au plu s tard, exhumées du cimetière local, où elles avaient
été enfouies à une époque incertaine
Ces deux statu~s en granit du pays et d'une facture assez
naïve (visages sans expression, raideur des mains ), sont
cependant intéressantes par les détails de l'accoutrement;
elles mesurent un mètre trente centimètres de hauteur: elles
doivent avoir été peintes. Gravement détériorées lors de leur
exhumation en 1928 et depuis , elles ont été artistement
réparées à titre gracieux par M. Albert de Chardin, proprié­
taire d'une villa de La Forêt, archéologue et amateur d'art
distingué.
Elles représentent.: celle placée du côté de l'évangile (à
gauche en entrant) saint Roch, vénéré pour son dévouement
à soigner les pestiférés en Italie ail XIV· siècle, mort en 1327
en prison à Montpellier, sa ville natale, à son retour d'Italie,
injustement incarcéré sous prétexte d'espionnage par l'une des
fractions ennemies, qui divisaient alors les habitants de cette
malheureuse cité, dépendant encore à cette époque du

breton Mélar ou Méloir, fils et héritier de son père Méliau,

roi ou comte souverain de la Cornouaille armoricaine au

VI" siècle, et qui fut lâchement assassiné en 544 par le traître
Keryaltan, son ex-gouverneur, soudoyé par son propre oncle,
l'ambitieux et sanguinaire Rivod.
Mélar, considéré comme martyr par le peuple, fut inhumé
à Lan meu r dans la très ancienne crypte souterraine de
l'église de cette paroisse, où il est toujours honoré.
La statue de saint Roch le représente, la face rasée, coiffé
du chapeau à cuve ronde des pèlerins, ses épaules couvertes
du grand manteau à camail (ou pèlerine) traditionnel, mais
non orné des coquilles, dites de Saint-Jacques, habituelles.
De la main droite il tient le grand bâton ou bourdon des
pèlerins, une ceinture à boucle assujétit sa tunique, dont de
la main gauche il relève un pan , de façon à montrer sur sa
cuisse le stigmate de la peste, maladie qu'il avait contractée
en soignant les pestiférés. Ses iambes sont chaussées de bas
ou bottes montant au-dessus des genoux et formant quelques
plis.
. Le haut de la botte gauche forme un large revers, visible
par suite du relèvement de la tunique de ce côté. Du chien,
qui se dressait contre la jambe gauche et qui a été très dété­
rioré, il ne subsiste guère qu'une cuisse et la tête dont la
gueule tient le pain sauveur quotidien. Les jambes sobt
d'une teinte rOEe prononcée, le côté droit de la statue est
fortement verdi.
La statue de saint Mélar le représente nu-tête. les cheveux
frisés en boucles nombreuses, le visage imberbe, un ample
manteau fermé au cou par un bouton ou agrafe en forme de
losange l'enveloppe, laissan t voir une casaque on même plu tôt
le vêtement militaire dit brigandine (en usage au xv· siècle,
sorte de justaucorps de cuivre couvert de lamelles de métal).
En dessous de ce vêtement, dont la partie inférieure est
découpée en lambrequins. on entrevoit le bas d'une cotte,

vr'aisemblablement d'une cotte de mailles. Une étroile cout'-
roie soutient une large et longue épée à poig née à deux
mains. Des genouillères articulées et des jambi0r !'~ de plate
complètent l'équipement mililair

définit if d u j P-I.i[ ! ' p l·Îil CC.
De la main droite il tient un C0urt bâton dont la partie infé­ rieure brisée ne pouvait dépasser le genou, et dont la partie
supérieure, présentant un renflement, a été trop détériorée
pour qu'il soit possible d'en déterminer exactement le carac­
tère. C'est probablement cependant une fleur stylisée. Ce
bâton n'est-il pas un sceptre royal, signe de la dign ité sou­
veraine du jeune saint Mélar? ou bien une masse d'armes?
ou bien un javelot dont la pointe brisée a disparu? Chacun
est libre de choisir entre ces hypothèses ou bien d'en pro­
poser d'autres.
De la main gauche le jeune prince, détail intéressan t, tient
un livre ouvert, sans doute pour montrer qu'au port des
armes saint Mélar joignait l'étude des sciences sacrées e t
profanes, ainsi que nou s l'apprennen t ses biographes.
Cette statue ne laisse voir aucu ne trace des mutilations de
la main droite et du pied gauche àont aurait été victime
saint Mélar d'après la légende.
Les deux statues de sain t Roch et de sain t Mélar ont été
montées sur des supports en granit composés chacun d'une
tablette, sorte d'abaque soutenue par une colonnette engagée,
r'eposant elle-même sur la petite banquette, qui ga mit les
deux côtés du porche, à la décoration duquel elles contri ­ buent ainsi, sans en altérer le caractère architectural de
simplicité, qui en fait un des mérites.
En fait de statues anciennes l'église de La Forêt ne possède
que des statues en bois. Les deux statues en pierre en ques­
tion n'ont donc jamais dû faire partie de l'ornemen tation de
cette église, ou du reste, on ne voit pas d'emplacement
qu'elles aient pu occuper. D'où viennent-elles donc? Par suite
de quelles circonstances ont-elles été enfouies dans le cime-

tiere de La Forêt au pied du cal vaire, là où elles ont été
retrou vées par le fossoyeur lors du creusement d'une sé­
pultu re ~
Antérieurement an Concordat de 1800, l'église de La Forêt
sous le vocable de Notre-Dame de Basse-Mer, n'était qu'une
simple trêve dépendant de la paroisse de Fouesnant, par le
clergé de laquelle elle était desservie. Ce n'est qu'en 1851
(décret du 18 novembre 1850) que de fait elle a été trans­
form ée en paroisse distincte.
Le territoire de la nouvelle paroisse fut composé de la
plus grande partie de celui de l'ancienne trêve et des deux
tiers environ du territoire de l'ex-paroisse de Loc-Aman, non
rétablie en 1800 pal' suite probablemeu t de l'état de ruine de
son église (l'autre tiers se trouvant déjà il. cette époque attri­
bué à lac ommnne de Beuzec-Conq) Pour le même motif les
acquéreurs du prieuré et de l'église de Loc-Aman n'avaient
pas t~rdé à compléter la démolition de l'ancienne église
paroissiale, en en faisant arracher les pierres de taille de
la façade pou r en embellir une propriété voisine, qu'ils
habitaient.
Il est de tradition à La Forêt que les statues dont il s'agit
y fu reo t à cette époque transportées .
De fait, celui qui trace ces lignes se souvient de les avoir
vues, il J' a plu s de 70 an s, dans un petit ossuaire sis à
J'angle Sud-Ouest du cimetière de La Forêt; ce petit ossuaire
presque ruio é et inutilisé. a depuis été complètement sup­
primé. C'est alors vraisemblablement que les statues de saint
Mélar et de saint Roch ont dû être enterrées ainsi que les
ossements retrouvés à cet emplacement., probablement à
l'époque où la paroisse de La Forêt avait pour second recteur,
M. l'abbé Tournais.

106

DEUXIEME PARTI'E

Table des Mémoires publiés en 1929

PAGES

1. La descente des émigrés et chouans à Névez, en.
me&sidor an III, par J. SA YINA. , . .

II. Le Finistère dans l'histoire et dans l'art, par H.
WAQUET ......

IlL La Milice garde-côte, par l'abbé J. TOULEMONT .. J8
IV. Matériaux pour la bibliographie de l'histoire de la
du Finistère Révolu tion dans le département
(suite), par D. BERNARD . , . . . .

V. Le scribe quimpérois du Xy' siècle, J ohannf)S

Spinae et son distique en moyen-breton par
J. L OTH . . . . . . . . . . . . . .

Notice sur deux statues représentant saint
et saint Roch, par V. COR~llER . . . . .
Mélar

VII. Extraits des comptes des miseurs de Quimper,

publiés par R. COUE'FON et H. W.. . . . . .. 83'