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Bulletin SAF 1928


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Marques et signes sur des pierres tombales à Penmarc’h

L. Le Guennec

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1928 tome 55 - Pages 100 à 106
ues et si nes sur des
ierres tom a es

a enmaro'h

Décrivant l'église de Tréoultré-Penmarc'h dans la substan­
cielle notice qu'il a consacrée en 1925 à l'histoire et aux mo­
numents de cette commune, M. l'abbé Quiniou, recteur de
Penmarc'b, y signale (pp. 163-164) « des pierres tombales
armoriées de signes caractéristiques que tel armateur ou telle
famille mettait sur ses bateaux, ses maisons ou ses tombes.
Ce sont des formes d'ancres, de bateaux, de poissons, et par­
fois de caractères hiéroglyphiques; armoiries de ceux qui
n'avaient pas de blason et signature de ceux qui ne savaient
pas écrire ».
Il existe en effet de nombreux signes dans l'église de Pen­
marc'h, sur des dalles tumulaires pavant la nef et les bas­
côtés. J'en ai relevé vingt-six, et je suis certain que quelques
autres m'ont échappé, soit à cause de l'éclairage plus ou

moins favorable, soit parce que dissimulés sous des bancs ou
des chaises. Ils sont généralement gravés en creux au centre
de la pierre. Deux ou trois à peine offrent un léger relief. Les
deux planches qui accompagnent le présent texte les montrent
réduits environ au cinquième de leur dimension réelle.
Ces signes ne peuvent être que des marques distinctives
permettant aux familles de reconnaître leurs sépultures et
d'en revendiquer la propriété. L'église étant vaste et entière­
ment dallée de pierres tombales, il y avait intérêt à placer
sur chacune de celles-ci un repère grâce auquel son posses­
seur pût l'identifier facilement et sans conteste possible.
Nous pouvons même croire, avec M. l'abbé Quiniou, que

PLANCHE I

19 21
MARQUES SUR DES PIERRES TOMBALES A PENMARC'U

102 -

tel marchand, tel patron de barque des temps prospères du
vieux Penmarc'h, lui constituait une sorte de « blason rotu-

rier dont il timbrait, à volonté, aussi bien la porte de son
logis que la voile ou le bordage de son navire et même ses
ballots de toiles ou de poissons séchés.
Un essai de classement des :16 signes reproduits ci-contre
permet de les répartir en six groupes: 1° initiales; 2° attri­
buts maritimes (ancres ou barques); 3° armes ou instru­
ments divers; marques ayant le « quatre de chiffre u; 5°
emblèmes végétaux; 6° signes divers. Le premier groupe
comprend les nOS l, sorte de monogramme où paraissent
s'assembler un A, un V et un L ; le n° 14, où les lettres 1 et
L accompagnent une ancre et peut-être le n° 26, qui pour­
rait être un F dessiné à rebours.

Le second groupe montre, soit des arrières de barques
schématisés (n o, 3, 9 et peut-être :w) soit des ancres de ma­
rine (no, 6, 8, 14, 18, 24 et 25).
Dans le troisième groupe figurent un poids d'horloge (n° :1)
en relief; une tenaille (n° 4) ; un fer de hallebarde (n° 12) ;
trois poids accolés (n° 17)' Les deux signes (nO' 16 et 22) du
guatrième groupe sont surmontés de ce fameux · ~ quatre de
chiffre Il si fréquent dans les marques typographiques des
imprimeurs et des libraires du XV]' siècle, dont on ignore en­
core la signification précise et dans lequel on a proposé de
voir « l'emblème du commerce Il. Le cinquième groupe ne
se compose que d'une unité, une feuille de trèfle (n

5). Enfin
le sixième groupe, le plus nombreux, (n OS 5,7,10, 1 l, 13, 19,
:10, 21, 23) est formé de signes caractérisés par des croix à
longue hampe, que coupent de traits horizontaux ou obliques
et qu'accompagnent des sphères, des crochets, des lignes
droites et courbes d'un tracé bir.arre.
Une autre marque analogue se voit dans l'église, sur un
bénitier qui porte la date 1617 et un « Nom de Jésus ll, c'est­

PLANCHE

LOCTUDY

::" 1/ 41/\0
. f' no .
16 ('1106) (1698)
MARQUES RELEVÉES A PENl't1A.RC'H ET A. LOCTUDY ,

104
sa base les lettres A et V, puis une longue hampe munie
d'anses et de crochets, que termine le « quatre de chiffre J)
tourné à droite. De l'autre côté est figuré un instrument sin­
gulier, qui ressemble à une béquille. Je n'ai remarqué aucun
des poissons signalés par M. l'abbé Quiniou sur les pierres
tombales. Il n'en existe à ma connaissance, qu'au portail sud
de l'église (poissons croisés et scène de pêche).
Outre la reproduction des curieuses marques-signatures
copiées par M. l'abbé Toulemont sur les anciens registres
baptistaires de Tréoultré- Penmarc'h, je joins à ces notes le
dessin (relevé par mon ami, M. Victor Surel, peintre-décora­
teur à Morlaix) d'un monogramme daté de 1565, sculpté sur
une pierre de kersanton encastrée dans le mur de la métairie
du château de Lannuguy, en Saint-Martin des-Champs,
(n° 48). On y trouve un A, un G et un (t quatre de chiffre J)
retourné. A la date ci-dessus, la terre de Lannuguy apparte­
nait à la famille de Crémeur, qui faisait le commerce de mer
à Morlaix. Mais le G est. trop bien formé pour qu'aucune
confusion avec l'initiale des Crémeur soit possible. Les nOS 49
et 50 représentent deux autres signes passablement cabalisti­
ques, en relief sur des écussons qui timbrent deux consoles,
dans le bas-côté gauche de l'église de Rumengol.
On peut signaler encore, dans la catégorie de ces «( blasons
roturiers J) qui mériteraient une recherche et une étude atten­
tives, le marteau et la règle sculptés sur un bénitier de la
chapelle de Saint-Germain (en Plogastel), avec le nom:
Y. PIZIVEN, du brave tailleur de pierres de la fin du XVIe siè­
cle qui le façonna; un autre marteau sculpté sur le pied­
droit d'une porte latérale de la chapelle de N.-D. de Lannien,
en Edern; une tenaille, sur l'écusson d'une console de la nef
de l'église de Locronan, à droite, près de l'entrée de la cha­
pelle du Pénity; un troisième marteau et une pelle (~) en saillie
sur deux des pans coupés d'un bénitier octogonal, dans l'église
-105
timbrant un bénitier qui gît dans le cimetière de Milizac,
à gauche du portail.
Le procès-verbal des prééminences de l'église de Ploudal­
mézeau, dressé en 1762 (Arch. départ. B. 1849) nous décrit,

MARQUES RELEVÉES
A SArNT-MARTI~-DES-CHAMPS ET A RUMENGOL
parmi les tombes de la nef, diverses dalles porlant respecli­
vement une croix longue, un cc Nom de Jésus J), les letlres
1. P. N .. une hache en demi-relief, une ancre dans un car­
toucbe et en dessous un marteau renversé, une aulre croix et
un poids d'horloge en relief. Le chevalier de Fréminville,
parcourant vers 1830 le pays de Léon et visitant l'église de

Lanrivoaré, près Saint-Renan, la trouva cc pavée de pierres
tombales sur lesquelles on voit sculplées des baches, des pi­
ques, des pioches, etc. Cc sont, ajollte-l-il, les instruments
des diverses professions qu'exerçaient ceux qui gisent sous
ces pierres sépulcrales . (Antiquités du Finistère, tome l e',
1832, p. 257)' J'ai visité l'église, d'ailleurs rebâtie, de Plou­
dalmézeau, et celle de Lanrivoaré, sans avoir remarqué ces

106
dalles , Mais il est probable qu'un examen attentif en révéle­
rait un certain nombre, principalement dans les églises des
anciennes localités maritimes et commerçantes du littoral
Iinistérien. La chapelle de Saint-Jean-du-Créach, en Plédran
(Côtes-du-Nord) conserve aussi plusieurs dalles chargées
d'attributs professionnels que j'ai examinées en 1908 ( 1),
L. LE GUENNEC.
(i) Genavia, Bulletin du Musée d'art et d'histoire de Genève,
t. VI, i928, mentionne, dans les collections lapidaires de ce Musée,
plusieurs dalles on fragments do dalles provenant des anciennes églises
de la ville et qui portrlnt des attl'ibuts de métier ou des « marques de
maison ou de commerce») d'un type assez voisin de celles de Penmarc'h,
fer il cheval, marteau, équerre, tenaille, pot d'étain, figures géométriques
surmontées de cro ix ct de « quatre de chiffre », Ces dalles sont du xv·
et du XVIe siècles. A la page i37, un tableau reproduit une cinquantaine
de ces « marques de maison», «marques de propriété »,« molifs souvent
fort anciens, emblèmes talismaniques, astrologiques, magiques », qui
ont aussi le plus grand rapport avec nos marques basses-bretonnes. C es
insignes, aujourd'hui encore employés par les hôteliers allemands,
étaient jadis d'un usage général dans l'Ouest de l'Europe.

119 -

DEUXIEME PARTIE
Table des Mémoires publiés en 1928
PAGES.
1. Matériaux pour la bibliugraphie de l'histoire de
la H.évolution dans le département du Finistère
par D. BERNARD. . . . . . . . . . . . .. 3
II. La légende du marquis de Guenand et la famille
Du Parc de Locmaria par L. LE GUENNEC . .. 15
Ill. Lettres de service du lieu tenan t-géI1éral marquis
de Locmaria par L. LE GUENNEC . . . . . .. 36
IV. Trois bretonnes à la maison de Saint-C)'r par
J. DANIEL. . . . . . . . . . . . . . . .. 42
V. Matériaux pour la bibliographie de l'histoire de
la Révolution (suite) par D. BERNARD. . . .. 48
VI. Au sujet d'une chapelle dans l'église paroissiale
de Crozon par J. DANIEL. . . . . . . .. . 68
VII. Notes sur des cachettes de prêtres assermentés à
Saint- Martin-des-Champs (près Morlaix) par
L. PÉRON .....

VIII. Notes sur quelques orfèvres bas-bretons
L. LE GUENNEC. . . . . . . . . . . . .

par

IX. Deux billets à Kerguélen par Auguste Dupouy ..
X. A propos d'une clef de voûte aux armes de la

maison de Trébéron par R. ANTHONY. . . .
XI. Marques et signes sur des pierres tombales à

. Penmarc'h par L. LE GUEN NEC. . . . . .. 100
XII. Curieuses signatures relevées ~ur les registres
. de baptêmes de Tréoultré-Penmarc'h par l'abbé
J. TOULElIiONT . . . . . . . . . . . . . .. 107
XIII. De quelques points intéressants de nos côtes
(Dinan, Lostmarc'h et Lesteven en Crozon) par
A. JARNO. . . . . . . . . . " lOg