Responsive image
 

Bulletin SAF 1927


Télécharger le bulletin 1927

L’allée couverte de Men-Meur (Guilvinec)

Marthe et Saint-Just Péquart

Avertissement : ce texte provient d'une reconnaissance optique de caractères

Société Archéologique du Finistère - SAF 1927 tome 54 - Pages 48 à 72

L'ALLEE COUVERTE DE MEN-MEUR

(GUILVINEC)

Depuis quelques années déjà nous avions formé le projet
de nous rendre aux Iles Glénans dans le but de juger pa'r
nous-mêmes de l'importance des monumenls mégalithiques
mentionnés et décrits par certains archéologues, et d'y pra­
tiquer,- si possible, quelques prospections intéressantes.
Retenus pendant longtemps par nos recherches dans le
Morbihan, ce ne fut qu'au cours de l'été 1926 que nous
devions essayer de réaliser notre programme.
Grâce à l'intervention de notre ami M. G. Monot, corres­
pondant de la Commission des Monuments historiques à
Pont-l'Abbé, nous pûmes entrer en relations avec MM. E. et
Ch, Lecorre, mareyeurs à Guilvinec et propriétaires de la
plupart des îles de l'archipel des Glénans. Au cours de la
visite que nous leur rendîmès, ces Messieurs, avec une
confiance et une spontanéité charmantes, nous accordèrent
d'emblée l'autorisation d'aller fouiller dans leurs îles. Puis. au
moment de prendre congé, M. E. Lecorre nous dit en sou­
riant: "Quel besoin avez-vous d'aller jusqu'aux Iles Glénans
lorsqu'à 200 mètres d'ici et sur un terrain qui nous appar­
tient vous pourriez trouver quelque chose ? " Comme nous
l'interrogions sur ce qu'il voulait dire: " Venez, ajouta-t-il,

et peut-être serez-vous convaincus". Quelques instants' plus
tard nous étions sur les lieux.
Et de fait, sur une portion de terrain sableux enclavée dans

priétaire nous révèla la présence de quatres crêtes rocheuses
émergeant de la aune d'environ 1 , 5 à .:w' centimètres. ,La
plus grande de ces 'roches,longue de ~ 'm. 80 envifon, se
trouvait disposée Nord-Sud et transversalement, à, trois autres,
plus petites, orientées perpendiculairement en direction Est-
Ouest (fig. 1). " , ' ' " " .
L'agencement ,de Gespierres nous parut si ,évident , que
nQUS eûmes l'impression d'être en présence de vestiges suffi­
samment intéressantspourjust, ifier une prospection. Pour
peu que MM.; t.ecorre 'fussent disposés , à nous ' accorder
l'au torisation';' nous étions prêts à entreprendre le tra vai!.
" Nous en serons d'autant plus heureux"nousréponditM. E.
Lecorre, que: nous ' avons déjà signalé ,la chose à , plusieurs
reprises. Mais, 'puisque personne jusqu'ièi ne s'est 'présfmté,
faites donc sur.'moO't'erraintoutceqtii VOl,lS plaÎl:a ~ : ~ ,:Après
avoir remercié chaleureusement M. E. Lecorre de ses obli-
geantes paroles, nous prîmes congé, bien décidés à revenir
au plus tôt procéder aux travaux de déblaiement.
Le :14 Juillet 19:16, munis de tout le matériel indispen­
sable, nous étions' à ,no'uveau réunis; M. ' G, Monot 'et, nous, à

Guilvinec. '" ; .,1 : :.', ~, ,. ! ..

Guilvinec .est-unjoli , petit: 'port de pêche aux maisons
blanches, aux ,: rues :: propres 'ét ' animées par ,i.me 'pop ula: tion
maritime toujours active.: Bâti sur l'immerise dune qui s!étend
sur une profondeur ' dé plusieurs :kilomètres tout .-lidong ',de
la côte Finistétiennejusql,l'àAUdierne; il est situé à' Il kilomè­
tres au Sud~01!lest ' de Pontel' Abbé èt à' 6 kilomètres ; environ

,au Sud-Estde)a' pointe de ,Penmarc'h; qont 'on aperçbit:les
magnifiques , et.terribles récifs, vestiges de l'ancien littoral.
Le terrain que nous 'nous' ,disposions à explorer ' se troltve
près du lieu dit Men-Meur, à l'extrérriité' Ouest de Guilvinec,
à :100 mètres environ du port et à 100 mètres à peine du lais
de mer.

Nos premrer.es observatIOns et mensuratIons nous perml-

rent d'y délimiter une dénivellation d'environ 1 mètre de haut
sur 16 mètres de long et 7 mètres de large. Nos investigations se
trouvaient dès lors parfaitement localisées, avec pour points
de repère les quatre crêtes rocheuses émergeant du tertre dont
nous parlé plus hau t.
Si, comme nous l'espérions, nous avions affaire à un
monument inclus dans la dune, il était nécessaire, avant
tout, de rechercher et de reconnaître avec exactitude l'empla­
cement et la disposition des parois qui devaient le constituer.
Rien de plus dangereux, en effet, que d'attaquer une

fouille au hasard, sans méthode et sans plan défini. En
dégageant avec précipitation les pierres émergeantes,. nous
risquions, dans l'ignorance où nous étions de leur équilibre
ou de leur solidité ·dans le sol meuble et surtout de leur
situation pal' rapport à un ensemble architectural quel­
conque, de provoquer un ébranlement ou un écroulement
des supports. C'eut été anéantir dès.-le début toutes observa­
tions valables et conpromettre fâcheusement, pour la suite,
les résultats de notre travail.
Puisque la dune recouvrait intégralement tont notre
champ d'action, la prudence nous commandait de respecter,
pout le moment du moins, les. pierres apparentes et de .nous
contenter de l'indication qu'elles nous fournissaient en .tant
que paroi présumée de chambre ou de galerie d'un monu­
ment; c'est ce dont, avant tout, il fallait nous assurer.
Profitant de l'amorce constituée par les crêtes des pierres
nO S 2, 3 et 4 et partant de cette dernière en direction Est­
Ouest nou s pratiquâmes un défoncement superficiel de 15 à
20 % environ. Ce travail fit apparaître successivement les
crêtes des dalles n OS 5, 6, 7 et 8. Nous tenions donc,. par la
succession rectiligne des pierres, la preuve Je l'existence
de la paroi supposée (plan J).
Restait à chercher la deuxième succession de pierres · qui

IJ . /Ii

~ 12 / / ...--::/. 13 1Lt :: ~

( .)(TseT)CO 1;"---

[ ) ( le _ i
7 6 5

Supports ~mergeant avant les travaux .

" mIS ci jour p ar la. fouille.
Tranchées de rechùches ;
1 II/Iù couverte de !1l'n·l'7eur. (OuI/vinee)
S-'Just ·Piqvart
1 . 1 1 9.28. 1

Comme aucun indice ne permettait de soupçonner sa pré­
sence, soit au Nord soit au Sud de la première rangée de
dalles, il fut décidé de pratiquer une tranchée de reconnais­
sance au travers du terrain: elle devait nous permettre de ren­
contrer, si toutefois elles existaient, d'autres dalles, peut­
être la deuxième paroi de la galerie supposée du monument.
Prenant donc comme point de départ la base Nord du
tertre, en face et à l'Ouest de la pierre n° 4, une tranchée de
60 % de profondelll' et 1 mètre de large environ fut entreprise
et poursuivie perpendiculairement au grand axe de la butte.
Après avoir atteint sans obstacle, la pierre n° 4, nous pro­
longeâmes notre tranchée au delà de cette pierre jusqu'à la
base Sud du tertre. Malheureusement, à part la dalle émer­
geante n ° 4, aucune autre pierre ne se trouvait sur le passage
de la tranchée (1 ).
Ce résultat néga tif, assez peu encou rageant nous détermina à
recommencer le travail 2 mètres environ plus à l'Ouest. Cette
fois la tranchée rencontra la dalle n° 13, dont la position,
parallèle aux pierres déjà mises à jour, constituait un rensei­
gnement précieux. Il ne s'agissait plus que dé s'assurer si la
pierre découverte etait ou non accompagnée de quelques
autres. Dans ce but, et prenant cette pierre n° 13 comme
point de départ, nous pratiquâmes un nouveau décapage de
20 à 25 % environ de profondeur en direction Est-Ouest.
Ce travail devait faire apparaître le sommet de la pierre n° 12,
puis, après une solution de continuité de 2 mètres environ,
l'extrémité Nord de la dalle n° g. Cette dalle, contrairement
aux précédentes, s'orientait du Nord au Sud. Le dégagement
de sa tête nous fit découvrir à son extrémité la dalle n° 10,
(i) La suite des travaux devait nous donner l'explication de cette
déconvenue: notre première tranchée, en elfet, par un hasard malheu­
reux, avait pas. sé précisément à un des rares endroits où une dalle
manquait à la paroi Nord .

placée perpendiculairement Est-Ouest, en prolongement à
peu près rectiligne avec la paroi constituée par les pierres 2, 3,
4, 5, 6, 7 et 8. Reprenant nos recherches à la paroi Nord,

un nouveau décapage, à partir de la dalle n° 13 et en direc-

tion Est, détermina la mise à jour des pierres n O' 14 et 15,
puis, au-delà de la dalle transversale n° l, celle des pierres
nO' 16 et 18. .
A ce moment, nous avions donc, dessiné sur le terrain, le
plan à peu près complet et explicite du monument enfoui:
une grande allée centrale, composée .de deux parois, de
.10 m. 50 environ de longueu r ([), bornée à chaque extré­
mité par une . dalle transversale, à laquelle paraissent s'ac­
coler, de part et d'autre, en Est et en Ouest, des rudiments
de chambres adventices.
Si nos prévisions étaient justes, nous étions en présence
d'un monument composé de trois parties indépendantes. Notre
travail ainsi localisé, nous pouvions, dès lors, et sans danger
d'erreur dans la prospection, pousser nos recherches en
profondeur. Délaissant pour le moment le couloir central, il
nous parut plus utile d'élucider d'abord la question de ce que
nous pensions être des chambres adventices. Puisque le
décapage superficiel aux deux extrémités ne nous avait pas
permis de retrouver la totalité des pierres de la paroi, il ne
nous restait plus qu'à approfondir notre fouille avec l'espoir
de les retrouver en cours du travail. Nous attaquâmes donc
simultanément "les deux" chambres" extrêmes en Est et en
Ouest en commençant à les vider du sable qui les remplissait.
Nous dirons dès maintenant et une fois pour toutes que
sur toute la surface du terrain et après une couche de 40 %
(i) Les vides constatés daus la paroi Nord entre les pierres nOS fi et
1.2, 14 et 15, 1.5 et 16, pouvaient marquer soit l'emplacement de dalles
couchées sur le sol et que nous étions susceptibles de retrouver au
cours de nos travaux, soit, pour l'un d'entre eux Lout au moins,
l'entrée du monument.

de sable noirâtre recouvert de végétation herbacée, nous avons
rencontré uniformément le sable blanc de la dune sur une
épaisseur de r m. 40 environ, sous laquelle s'étendait la

couche archéologique.
A l'Ouest, le rudiment de chambre, composé jusqu'alors
des pierres n OS 9 et lO, se compléta au cours de l'approfon­
dissement par la mise à jour de la pierre n° rr qui. s'étant
inclinée, vers le Sud, reposait presque sur le fond de la
chambre (fig. 2).
Après avoir transporté au dehors tout le sable blanc qui
nous gênait, notre premier soin fut de redresser et de remettre
à son emplacement primitif la dalle infléchie vers l'intérieur.
Ceci fait. nous poursuivîmes nos recherches vers l'Ouest · dans
l'espoir de retrouver le complément de la paroi. Mais bien que
nous ayons poussé notre fouille à plus' de :l mètres en avant
de la chambre, il nous fut impossible de retrouver ni dalle ni
vestige de calage des supports, vestiges qui eussent certainement
existé si des pierres avaient été érigées à cet endroit. .
La fouille entreprise dans la chambre Ouest nous révéla,
sous une couche de r m. 40 de sable blanc pur, la couche
archéologique épaisse de .::w % environ et composée de terre
compacte brun noirâtre. Nous n'y recueillîmes que quelques
rares tessons de poterie. des éclats de silex sans caractère et
de menus fragments de charbon.
Pendant ce temps, le dégagement de la chambre Est se
poursuivait dans des conditions moins décevantes et nous
donnait comme premier résultat la mise à jour de la dalle
n° 17, bien d'aplomb sur son calage mais dont la hauteur se
trouvait sensiblement réduite du fait que son extrémité
supérieure avait été brisée (r). Son orientation Nord Ouest,
Sud-Est semblait limiter l'aire de la chambre (fig. 3).

(i) Ce qui explique que nous ne l'avions pas trouvée au cours du

Restait à découvrir la cinquième dalle, celle qui, selon nous ;
" devait" se trouver à l'emplacement du vide existant entre

les dalles nOS 17· et 18.
A ce moment des travaux , la chambre déblayée jusqu'au
sol primitif se trouvait enclavée dan s la butte de sable
environnante dont ~a hauteur à l'Est dépassait 1 m. 40. Pour
retrouver la dalle manquante il nous fallait don c faire une
brèche dans cette énorme masse. Cette en trep rise s'avérait
d'autant plus difficile et même dangereuse qu'une foule se
pressait sur les bords de la fouille el risquait. à L ou t momemt,
de faire écrouler la paroi sur nos têtes . Sans parler des
conséquences fâcheuses qui en eussent résulté poUt' notre
propre sécurité, nous ne nou s soucions g uère d'avoir à sorlir
quelques mètres cubes de sable supplémentaires et de perdre
plu sieurs jours à remettre le terrain en état.
Malgré un barrage bien établi, mais bien vile renversé du
reste, malgré nos prières et nos raisonnements, m alg ré toute
notre persuasion patiente à les vouloir écarter, les curieux ne
démarraient pas de leur poste d'observation . Les fem mes, avec
leurs marmots accrochés à leur ample jupe, un tricot virevol­
tan t à leurs doigts agiles, péroraient et jacassaient sans répit.
Un mot revenait à tout momen t sur leurs lèvres: " An aour,

an aour, de l'or, de l'or". La certitude que nou s cherchions
de l'or, le désir d'être les témoins d'une aussi m erveilleuse
découverte, peut- être aussi l'espoir de s'approprier quelques
bribes du précieux métal, rendaient les spectateurs inconscients
de la gêne, des ennuis qu'ils nous occasionnaient et des
accidents qu'ils pouvai~nt provoquer (fig. 4).
Nous dûmes recourir plu sieurs fois, au cours de nos
recherches, à l'intervention énergique du propriétaire ainsi
qu'à l'autorité de M. le Recteur de Guilvinec, qui était venu
examiner nos travaux, pour faire reculer m omentanément les
commères imprudentes et les marmots turbulents.

une nouvelle saignée dans le sable, en commençant par la
surface pour éviter les éboulis. Après un travail de plusieurs
heures nou s n'avions encore rien trouvé. Nous commencions
à désespérer lorsqu'on vit apparaître l'extrémité de ce que
nous pensions être la dalle cherchée. On entreprit alors de la
dégager, mais il nous sembla que les dimensions de la pierre
étaient plus grandes que nous les avions supposées. Comme
le soir était venu et que la foule continuait à ne nous laisser
aucun répit, il fut décidé que nous reprendrions le travail le
lendemain de très bonne heure.
Le déblaie men t s'effectua ainsi beaucoup plus tranquillemen t,
mais au lieu de la simple dalle plate qui, selon nos prévisions,
devait constituer le support manquant, ce fut, à notre grande
surprise, un menhir de :J m. 50 de long que nous mîmes à
jour (fig. 5).
Il était étendu en orientation Nord-Est-Sud-Ouest, directe­
ment sur le sol natu rel. Seul son culot, un peu plus élevé,
reposait sur du sable blanc qui, au moment de la chute, avait
comblé l'alvéole dans laquelle il avait été encastré. Son
eXtrémité Nord était taillée en lech sur une longueur de
1 mètre environ, tandis que le reste de la pierre, jusqu'à la
base, était resté absolument brut. Ces particularités nous
suggèrent donc les hypothèses suivantes:
Le monolithe était le menhir indicateur de la sépultu re. Au
moment de la construction du monument il se trouvait érigé,
comme tout l'ensemble mégalithique, sur le sol primitif. Au
cours des siècles qui ont suivi, les sables ont recouvert le
monument jusqu'au niveau des dalle~ de couverture (1). Le
menhir, à ce moment se trouvait donc enfoui jusqu'à 1 m. 50

de son extrémité inférieure et n'émergeait par conséquent que
(i) Le fait que nous n'avons .retrouvé aucune des tables tendrait il
prouvel' qu'elles restèrent apparentes, ou tout au moins très légèrement
recouvertes par le sable, ce qui explique leur disparition subsequente .

de l mètre au dessus des sables. Or c'est précisément à partir
de ce nivea u qu'il est taillé. Il est donc plus qu e probable que
les populations vivant à cette époque, et trouvant le monolithe
surgissant de la dune, l'ont adapté à leurs coutumes en le
taillant en lech. Plus tard, la guerre acharnée que les différents
conciles et Charlemagne lui-même dans son édit· d~Aix-la­
Chapelle (789) livrèrent aux païens adorateurs des pierres,
entraînèrent la destruction du lech. La position du monolithe,
reposant sur le sol primitif à l m. 50 au-dessous du niveau
de la dune, indique nettement ce qui s'est passé. Voulant
enfouir ce lech, les gens chargés de ce travail eurent la
désagréable surprise de constater qu'ils n'ava ient pas affaire,
comme pour la plupart des lechs, à une pierre enfoncée de
quelques dizaines de centimètres dans le sol. Ils durent
descendre jusqu'au niveau primitif et enlever le calage du
menhir. Puis ils l'ont basculé dans la fosse ainsi creusée. C'est
ce qui explique la situation dans laquelle nous l'avons trouvé,

la tête touchant le sol uaturel et la base légèrement soulevée.
Du reste, c'était le seul moyen d'exécuter l'ordre des Conciles
enjoignant d'avoir à enlever toutes les pierres "Jusqu'à leur
base enfoncée dans la terre ".
Le soin de le relever et de le remettre en place devait nou s
échoir qu elques 1000 ou 1200 ans plus tard . . A cet elfet,
connaissant son poin t d'érection, nous commençâmes à le

soulever par la tête au moyen d'un cric: puis, . après des
manœuvres successives dont l'exposé ferait ici l'objet d'un
trop long développemen t. nous réussîmes à le redresser à son

emplacement primitif. Il nou s avait fallu pour ce travail cinq
heures environ (fig. 6).
Le menhir remis en place, les recherches en yue de retrouver
le support ferman t la chambre continuèrent par le prolonge­
ment de la tranch ée · vers l'Est. Mais nos efforts demeurèrent
infructueu x. Cette dalle, dont il nous a été impossible de trouver

Les fouilles pratiquées dan s la chambre Est furent peu
fru ctueuses, cette chambre ayant été violée antérieurement.
Après avoir enlevé la première couche superficielle de terre
végétale puis. la masse de sable, nou s avons trouvé la couche
archéologique de 20 % d'épaisseur. Sous cette couche, un
dallage en grande partie détruit s'étendait vers l'Est jusqu'à
1 m. 50 environ; nous y avons observé quelques traces de
foyer et des pierres rougies par le feu . Nous avons recueilli
dans cette chambre quelques fragments de poterie dont
un orné au pointillé, des silex sans retouche, plusieurs éclats
de quartz paraissant taillés m, un morceau de schiste vert
en partie décomposé et un outil en pierre fort intéressant.
Long de 1 0 % et large de 4 % il porte à chaque flxtremité
des traces de travail. Au tiers de sa longueu r, deux cupules
ont été creusées symétiquement sur deux de ses faces latérales.
Pendant que nous effectuion s nous-mêmes les fouill es dans

la , couche archéologique des chambres Est et Ouest, nous
faisions p rocéder par nos ouvriers à l'approfondissement de
la chambre principale. Ce travail, mené sur tout~ la longueur
de la chambre par tranches successives de 30 % d'épaisseur
environ, ne fut abandonné par les hommes que lorsqu'il ne
subsista plus à peu près qu'une épaisseu r de 20 % de sable
blanc. Il était en effet nécessaire de laisser sur toute la surface
une chape de protection destinée à dérober la couche archéo-

logique aux regards des curieux et su rtout à la soustraire aux
incursions et dégradations dans la fouille pendant notre
absence. CeLLe chape de protection devait être enlevée ensuite
par nos soins au fur et à mesure de la prospec tion de la
chambre principale (fig. 7)'
Nos premières observations, dès que le sa ble blanc eut été
presque totalement sorti de la chambre, furent les suivantes;
Alors que les dalles de la paroi Sud avaient gardé une
station verticale absolue et une solidHé complète, les dalles

l'intérieur avec un faux aplomb de 65 % environ. Dès le
premier abord, il ne nous parut pas possible qu'un e poussée
naturelle des sables ait pu provoquer un tel ébranlement,
puisque le remplissage du monument opposait une contre­
pression égale à la pression extérieure. De plus si les trois
pierres manquant à la paroi Nord avaient subi, avant leur
chute, la même inclinaison que leurs voisines, comment se
faisait-il que nous ne les ayons pas trouvées à l'intérieur.
Fallait-il snpposer qu'elles se fussent abattueti, à l'inverse du
mouvement général de la paroi toute entière, à l'extédeurdu
monument ~ Bien que le fait nous parut peu probable, mais
résolus tout de même à nous en assurer, nous décidâmes de
les rechercher au dehors. A cet effet, nous fîmt's ouvrir
successivement des tranchées de 3 mètres .d e .lo.ng entre les
pierres nO' 9 et 12,14 et 15, 15 et ( . . Si ce long travail ne nous
fit pas retrouver les dalles absentes, nous eûmes tout au moins

la satisfaction de déconvrir, bien en place, les importants
calages de ces blocs, preuve incontestable que des supports
avaien t été érigés à cet end roit (fig. 8) (( ). Ces calages, destinés
à contre-buter et à maintenir de part et d 'autre des dalles .de
taille imposante, étaient composés de deux rangées parallèles
de pierres volumineuses de 50 à 60 % de haut, séparées par

un espace de 20 à 25 % environ (v. plan Il). Le fait de
retrouver ces' ; témoins" intacts et dans une position rigou­
reusement verticale devait nous donner la Reule explication

plausible concernant la disparition des trois supports . et le
mauvais état de la paroi Nord, Nous avons donc par le raison­
nement reconstitué les faits de la manière suivante:
Les dalles decouverture. dont nous n'avons retrouvé aucune

trace, étaient, d'a près nQS premières observa 1 ions , à peine
enfouies dans le sable, Logiquement elle devait donc dispa-
(i) La décoU\'erle de ces calages faisait évanouir
entrée du monument dans la paroi Nord.
la possibilité d'une

raitre les premières. Celles-ci enlevées, les crêtes des supports
sur lesquels elles reposaient apparurent à leur tour. A ce
moment, la convoitise suscitée par la vue de ces magnifiques
pierres détermina, sans nul dou te, le désir de se les approprier.
Pour parvenir à arracher les dalles du sable dans lequel elles
étaient enfouies, on attacha une corde ou une chaine à la
partie qui était apparente et l'on exerça une forte traction ,
sans doute à l'aide d'animaux de trait.
Trois de ces dalles furent ainsi extraites de leur alvéole.
Toutefois, la même tentative, renouvelée suries autres supports,
n'eut pas le résultat escompté (1). Elles résistèrent à tous les
efforts non sans avoir été suffisamment ébranlées pour s'in­
cliner d'une façon très prononcée vers l'intérieur dù monument.
Enfin il est probable que les difficultés mêmes de cette
entreprise furent assez grandes pour provoquer l'abandon
d'une manœuvre semblable sur les supports de la paroi Sud,
circonstance qui nous a permis de retrouver cette paroi en
excellen téta t 'de con serva tion .
Après avoir fait ces di verses remarques, il ne nous restait
plus qu'à entreprendre l'examen méthodique de la couche
archéologique encore recouverte, comme nous l'avons dit. de

sa chape de protection. La dernière épaisseur de sable fut donc
enlevée soigneusement sur Loute la surface comprise entre les
dalles n O' 7, 8, 9 et 1:1.
En commençant au pied de la dalle nO g, nous avons recueilli
autour de ses pierres de calage (2) et reposant sur un lit
(i) Ce que nous avons compris, lorsque, d;lns la suite, nous avons pu
examiner le mode de calage des supports éb ranlés. Le choix des pierres,
leur agencement bien réflé :hi eu vue d'une consolidation parfaite des
énormes dalles du monument, constituaient, la encore, et une fois de
plus, une éloquente démonstration de la technique savante employée par
les constructeurs dolméniques.
(2) Au cours de la prospection du monunlent nous avons toujours

agc8J

Pierres dec8/8ge
Dallage.

Allée couverte de f1en-l1eur. (!ill/Iv/nec) 1

st JlIst-Pi'1'uart.

d'argile cuite, d'infimes débris osseux très friables dont
quelques-uns étaient colorés en vert. L'examen de la couche
archéologique dans lout le fond Ouest de la grande chambre
et jusqu'aux dalles n OS 12 et 7 ne nous a donné aucun. résultat.
Cette terre enlevée, nous avons constaté l'existence sur le
sol d'un dallage en large~ pierres plates dont la partie Nord

avait du reste disparu . Il nous sembla, dès lors que le monu-
ment avait été violé ultérieurement. Cette éventualité se trouva
confirmée par la présence aux abords de la dalle n° 12 d'un
amas de coquillages assez considérable composé en majeure
partie de bernicles (Patella vulgata) et d'ormaux ' (Haliotis
t.uberculata), mélangl'is à de nombreux fragments de poterie
de charbon et de débris osseux .

Il semble donc qu'une première violation du lieu ait été
commise avant l'envahissement des sables. On a pu pénétrer
dans la sépulture dans le . but de dérober les objets qui y
avaient été déposés puis soulever et détruire une partie du
dallage pour s'assurer qu'il n'y avait rien dessous.
Par contre, en poursuivant notre fouille vers l'Est, nous
a vons constaté que le terrain compris entre les dalles n O' 12
et 7 n'avait PilS été bouleversé. Sur le dallage parfaitement en
place nous avons recueilli d'abord de nombreux tessons de
poterie, des cha:rbons (1) et quelques silex sans caractère.
Puis nous avons mis à jour un squelette en tellement mau­
vais état de conservation qu'il n'en subsistait d'intact que
quelques os des bra~ et quelques débris du crâne, dont un
fragment de machoire et plusieurs dents . Tout le reste du
corps avait disparu, soit du fait de la violation, soit par suite

qu'il présente, peut, en effet, compromettre la solidité de l'édifice et
provoquer sa ruine subséquente. Ce sont des imprudences de cet ordre
qui ont déterminé la disparition de tant de monuments mégalithiques.
(i) Ces charbons ont été examinés par M. Guinier, directeur de
l'Ecole Forestière de Nancy. On trouvera plus loin le résultat de son étude.

de la désagrégation naturelle. Avec d'infinies précautions
nous avons prélevé ces vestiges humains en vue d'une
détermination future (1). .,
A cet endroit et aux alentours immédiats du squelette
nous avons relevé la présence d, 'un deuxième dallage com­
posé de pierres plates comme le premier et superposé à
celui-ci.
De nos observations, et d'après les traces relevées sur le
dallage, il résulte que le corps était probablement ~placéen
direction Nord-Sud, la tête se trouvant à la base du support
n° 12 et les pieds dirigés vers la dalle n° 7. Ce qui confirma
ensuite cette hypothèse, ce fut la découverte de deux objets
placés l'un à la tête, l'autre à l'emplacement présumé des
membres inférieurs. En effet, tout contre le support 'n° 12,
'à 90 % de son extrémité Ouest, nous avons trouvé, ' niché
entre les pierres de calage de ce monolithe, un vase apode
entier en poterie noire très grossière, mesurant II % de 'dia­
mètre, 9 % de hauteur et 8 à 9 % d'épaisseur (fig. 9 et
10). En face et à environ 70 % du support n° 7 nous avons
recueilli ensuite une hache en · pierre verte de Tréogat mesu­
rant 80 %. de long sur 45 % de large (fig. 1 r). La : présence
de ces, objets venait donc corroborer la position probable du
corps étendu dans la sépulture. Nous avons ramassé en
outre de nombreux tessons de poterie, qui nous ont permis

de reconstituer des parties de vases assez . volumineuses,
'quelques silex dont certains portent des retouches, un broyon
en quartz et un galet dont une face est fortement polie. Le fond

,de la chambre avait été complètement bouleversé et le dallage
détruit sauf devant les supports nO' 14 et 5. '
Poursuivant notre fouille, toujours par le même procédé,
(i) Leo ossements ne sont malheureusement pas restés entiers et sont
tombés peu après en poussière. Seules les dents ont pu servir d'indica­

c'est-à-dire en décapant la mince couche de sable laissée à
dessein sur la couche archéologique, nous avons prospecté
le deuxième tiers de la chambre jusqu'aux extrémités Est des
supports nO ' 14 et 5. où nous n'avons trouvé que quelques
rares débris de poteries et des coquillages. Pour le dernier
tiers de la fouille il en fut de même et nous ne devions plus
trouver de relativement intacte qu'une surface d'un ,mètre
carré environ, comprise dans J'angle formé par les supports
nO' 1 et 2. Nous avons recueilli auprès des pierres de calage
du support na 1 un tesson important avec une anse plate et
un fragment de bronze (plan II). '
Pendant que la fouille s'achevait, nous faisions procéder à

la reconstitution du dallage sur le sol de la grande chambre.
Ceci fait et notre fouille terminée, nous en treprîmes la restau­
ration du monument. Les dalles nO' D, 13,14 et 15 étaient
fortement inclinées à l'intérieur comme nous l'avons dit plus

haut: il s'agissait de les redresser dans leur position primi-
tive. A cet effet, il fallut dégager les dalles en question
pal' une tranchée creusée dans le sable se trouvant en
dehors du monument, immédiatement derrière elles (fig. 12).
Nous avons pu de la sorte vérifier la solidité des calages
extérieurs et les consolider au besoin. Puis successivement
nous avons relevé ces quatre dalles en ayant soin de rem­
placer 'par des pierres plus solides le calage primitif ébranlé
et en partie écrasé par le poids des énormes supports. Après
plusieurs jours d'un travail long et pénible, le redressement
total était effectué (fig. 13). Ayant comblé la tranchée
extérieure de manière à contre-buter à nouveau la paroi Nord,
nous avons élevé, aux emplacements des su pports manquants,

des murets de mottes de gazon superposées, à défaut de

pierres que nous n avons pu trouver aux envIrons.
Enfin, pour terminer, nous avons nivelé tout le sable à
l'entour du monument et répandu sur le dallage reconstitué au
fond de la chambre toute la terre provenant de notre tamis age

FIG. 1. - LE TERRAIN AVANT LES FOUILLES

FI G. 3. CHAMBHG

FIG. LE COUCHÉ

1VI ENW l1 a.

FIG. 6. - LE MENHIR REDRESSÉ

FI G. 7. - DÉGAGEMENT Db: LA GRANDE CHAMBRE

FI G. 8 . - LE SUPPORT N' 12 lNCLTNÉ ET LE CALAGE DE LA DALLE

Fi G. 9. - - LE VASE EN PLACE

FIG. 1J. - U: VASE

FIG . 11. - LA

- FIG. 13. - LES SCPPORTS REDRESSÉS

FIG. 15. - LE MONUMENT RESTAURE

FIG. 16. - LI!: TEHRAI N APRl~S LES FOUILLES

En conclusion, si ces fouilles , effectu ées dans un monu­
ment violé anciennement, n'ont donné qu'un m'obilier
fun éraire trés réduit, 110 US avons eu, du moins,la satisfac ti on
de pouvoir meUre à jour un e constru ction extrêmement

intéressante et dont l'existence, au x temps actuels, demeura
longtemps insoupçonnée.
Comme architecture, ce m'onument réalise un type spécial
d'allée couverte que nous n'avons jamais rencontré, pour
notre part, dans le Morbihan et qui semble particulier au
Finistère, On en peut citer comme exemplaires les monu·
ments de Commana et de Kerriou (commune de Gouézec).
L'allée couverte de Men-Meur (plan II) es t composée d'un e
grande chambre principale m esurant 1 0 m. 85 de long, aux
extrémités de laquelle viennent s'accoler ce qu e nous croyons
être deux petites chambres adventices: celle de l'Est, la plu s
complète, mesurant 1 m. go de long, celle de l'Ouest J m. 35
environ. La longueur totale du monument est donc de
14 m . 10. La largeur entre les deux parois de la chambre
centrale est assez inégale. A l'Ouest, elle est de 2 m. 13,
au centre de 2 m . 20 et à l'Est de 1 m. 60 seulement. Nous

pensons que cet éeart provii!nt de ce que la dalle tran s-
versale Ouest (n° g) étant sensiblement plus large que celle de

l'Est (n° 1) les construteurs ont dû biaiser la paroi Nord
à partir du su pport n' 14 pou r venir Ir l'aplomb de la dalle n° 1
Quant à la hauteur du monument, on peut supposer
qu'elle atteignait, en général, celle des plus hautes dalles
n OS 4 et 7, soit 1 m. 72 à 1 m. 75. On remarquera toutefois

que les supports de la paroi Nord sont moins élevés qu e ceux
de la paroi Sud. Cette particularité n'a rien qui doive nous
étonner. Nous savons, en effet, que les dolméniques, lorsqu'ils
avaient affaire à des blocs d'inégales grandeurs, " rattrapaient"
la différence de hauteur et assuraient l'horizontalité de leurs

dalles de co uverture au moyen d'une maçonnerie édifiée dans
ce but. On en a de trop nombreux exemples pour qu'il soit
nécessaire d'In sister. D'autre part, il est possible aussi que
les manœuvres d'ex traction dont nou s avons parlé plus haut
aient occasionn é un étêtement accidentel des supports.
Quoiqu'il en soit, on peut se rendre compte, par les dimen­
sions que nous en donnons, l'importance de l'alléé couverte de
Men-Meur. Construite avec des matériaux de choix, dalles énor­
mes et superbes, érigées avec une science et un soin remarqua­
bles elle apparait comme un témoignage de la vénération dont
jouissaient, de leur vivant, les personnages inhumés dans cet
sépultures. Cal' bien que les fouilles ne nous aient donné que
les vestiges d'un seul squelette, il ne s'ensuit pas que le
monumen t n'en ait pas abrité d'autres que le viol des lieux a
pu faire àisparaîtl'e. On a peine, en effet, à s'imaginer qu'une
con struction aussi vaste ait été élevée pour abriter les restes
d'un unique individu, surtout lorsqu'il s'agit d'un adolescent
de JO à 12 ans, comme l'a démontré M. le Dr SifTre, Directeur
honoraire de l'Ecole Odontotechnique de Paris, après examen
des dents recueillies par nou s, et dont on retrouvera la descrip­
tion techniqu e en fin de cette relation. Malh eureusement, faute
de documents plus nombreux, la question demeure à jamais
in soluble.
Un autre problème S6 pose encore: y avait-il ou non une
entrée latérale à cette sorte d'allée couverte ~ Si oui, le seul
endroit. où on pourrait la situer, à Men -Meur, serait entre les
dalles nO' 17 et 1 8 de la chambre Est qui, comme nous l'avons
dit. parait n'avoir jamais eu de dalle de fermeture. Ce qui, à
pre rn ière vue, r ('nforcerait cette hypothèse est la présence, à
la base Sud de la dalle n° l, d'une échancrure qui, coïncidant
avec une dépression à la base du support n° 2, parait former
avec cette dernière une sorte de "chatière " , assez exigüe du
reste, mais suffisante pour livrer passage à un être fluet qui,

principale (fig. 14) ? Nous n e nous croyon s pa s cependant
autorisés à prétendre qu'il y eut vraiment là, dn fait de l'utili­ sation possible de cet hiatu s, une véritable entrée au monu­
ment. Qui sait si, d'une part, la disparition de la dalle de la
petite chambre, puis, d'autre part, l'am énagement d'un
passage, n'ont pas été réalisés en vue d'une violation de la
sépulture ? Ce qui nou s laisse incertains, c'est que les belles
allées du Mougau à Commana et de Kerriou, si semblables
co~me architecture à celle de Men- Meur, ne paraissent
comporter aucune particularité de ce genre. Il apparait donc au
contraire, que ces sortes de monuments devaient être complè- .
tement fermés après l'inhumation et que, si l'on voulait y
pénétrer dans la suite, on ne pouvait le faire qu'en déplaçant
les dalles de couverture.
Enfin nous devons insister sur le menhir. Outre qu'il con­
firme une fois de plus la théorie des menhirs indicateurs qui,
sans doute, accompagnaient généralement les monuments, il
présente un intérêt tout particulier. Il est curieux de consta­
ter que les populations d e cette région, désirant tailler un lech ,
se sont servis d'une pierre en place émergeant du sol d'une
hauteur appropriée. D'ordinaire, les lech s semblent avoir été
taillés dans des pierres mobiles , érigées ensuite à un emplace­
ment déterminé. Or, la partie supérieure du menhir de Guil­
vinec étant seule taillée, nous pouvons en inférer qu'à celte
époque une épaisseur de 1 m. 50 de sable recouvrait déjà le
sol. Il est difficile d'établir la date précise à laquelle celte
émergence de la pierre a été travaillée. Cependan t nous ne
croyons pas qu'on puisse remonter au-delà du v· siècle,
car il ne me semble pas qu'il y ait eu de lechs avant cette
époque. Quand à son ensevelissement, en admettant même un
certain retard dans l'application des édits qui ordonnaient la
destruction de ces monolithes .. on ne saurait le croire posté­
rieur au xe siècle, à la rigueur au Xl' siècle. Il y aurait là l'indica­

des sables dans la région ne reposerait pas sur une base
sérieuse puisque nous voyons que le niveau du sol au XIe siè­ cle était sensiblement le même que de nos jours.
Pour terminer, nous attiron s l'attention sur la diffi culté qu'il
y a à déceler des remaniements un peu anciens lorsqu'on a
aflaire à du sable de dune. Il est certain que l'on a été obligé
de creuser un e tranch ée pour pouvoir enfouir le menhir à une
époque bien pos térieure à la construction de l'allée couverte.
Or, dans toute son épaisseur, le sable présentait un même

as pect et aucune trace de remaniement n'a pu être constatée.
Ceci termine nos observa tions sur le magnifique monument
de Men-Meur en Guilvinec. Il ne nous reste qu'à souhaiter de
le voir longtemps sous la sa uvegarde de ses h eureux pro­ priétaires qui nous ont assuré que toutes les mesures seront
prises par eu x en vue de sa conservation ( 1).
Nancy, Mai '9 27 ,
M A RTHE & St-J UST PÉQUART .

(i ) Les objets trouvés dans l'allée couverte de M en-Meur out été, d'a cord

Note de M. GUINIER, Directeur de l'École Nationale des Eaux
et Forêts, sur les charbons recueillis dans l'allée
couver te de Men-Meur.

Ces ch a rbons, en menu s fragm ents. sont. pour la plupart.
de consistance dure, cassante. non transformés en braise
friable. En procédant comme d 'habitude à leur examen à la
loupe binoculaire, après avoir provoqué un e cassure transver­
sale aussi nette que possible. on con state que la structure du
bois est généralement bien conservée. Les déterminations sont
donc possibles a yec précision.
L'étude faite a permis de reconnaître plu sieurs essences.
Chêne (Quercus sp.) vraisemblablement chêne pédonculé
(Q. ped Il ncula ta , Ehrh. ). C'est l'espèce qui domine et à laq uelle
se rapporte plu s de la moitié des fragm ents examinés .
Ajonc (UIex europeu s, L. ) cette espèce est aussi abondamment
représentée (llU quart ou un tiers des fra g ments déterminables) .
Bourdaine (Rham nu s fran g ula, L. ) deux fragments assez
volumineux, de stru cture très nelle.
Saule (Salix sp . ) plusieurs p etits fragm ents. On ne peut
définir de quelle espèce de saule il s'agit.
Toutes les espèces reconnues exi stent encore à l'heure
actuelle et leurs degrés d'abondance respecli ve sont sensible­ ment dans les mêmes rapports que le nombre des fragments
de ch arbons qui s'y rapportent dans le lot examiné. On peut
admettre qu'autour du m onum ent étudié se trouvait une forêt
claire de chênes dont les clairières étaient peuplées d'ajoncs
et où croissaient aussi, comme cela s'observe de n os j ours.
dan s les parties un peu humides la bourdain e et nn saule qui
est le sa ule cendré (Salix atracinerea. Brot.) .
28 Mai 19

7' P. GUINIER.

voulu faire a vec la complaisance qu'il a toujours montrée
po ur to us les examens que nous lui a vons soumis, nous
ajou terons quelques remarques ,
Il semble que la végéta tion , qu ant aux es pèces , n'a pas
va rié en Bretagne depuis les temps dolméniqu es, Cette nou­
velle c1 éterm ina tio n confirme celle qui a été faite des charbons
d u Ma nio, exploré par nous en 1922 , et q ue M, Guinier avai t déjà
reconnll S pou r appartenir à des es pèces encore existantes (1),
Cepenclant, alors qu'au Manio o n trouve enco re des chènes
à proximi té, à Men-Meur, les sabl es ayant recouvert tOllte la
cô te, la végéta tion arborescente a été refoulée beaucoup plu s
loin. Le pin , actuellement en g rand e abondance, n'ayant pas ,
été trou véda ns les charbons recueillis, on peut sans doute encore
ad mettre qu'il a été introduit da ns la région à une époqu e
p ostérieure à l'érection des monument mégalithiques.
M. & St J. P .

No le de M. le Docteur SIFFR E, Directeur honoraire de l'Eco le
Odonlotechnique de Paris, sur les dents recueillies dans .

l'allée couverte de Men-Meur.
Après exa men de ces dents, voici ce que j'en puis dire
absolum ent: il y a quatre couronn es très n ettement inférieures
ga u ches ;
( 0 Une canine permanente ;

Deux prémolaires permanen tes ,

premlere et deuxième ;
3' U ne deuxième g rosse m olaire .
Q uatre co uronnes sans racines, lesquelles ont dû être
. fracturées post m ortem.

(1) Z. Le Rouzic et M. et ;\l m.) St Just Péquart-Ca rn ac, Campagne
i \J~2, 13erg~r-Lcv rault N,Jl1cy, 1923 .

Ce sont de jeunes dents qui n'ont pas du avoir leur apex
terminé. Je crois qu e ce sont les dents d'un très j eun e
sujet, féminin , par la gracilité des organes (~) .
Il Y a en ontre une racine, très vraisemblablement de
m olaire m , mais cela n' est point affirmable. Cette ra cine
est entièrement terminée elle ne semble pas être d'un sujet
aussi jeune que l'indiqu ent les quatre couronnes . Mais ce
pourrait être, n éa nmoins, une des racin es de la premi ère
molaire ou dent de six ans ce qui cadrerait avec l'ensembl e
du lot, puisque la canine, qui est jeune , avec la deuxième
m olaire ou den t de douze ans, sont à peu près contemporaines .
En tout cas on peut affirmer qu'il n'y a eu usure proximale
d'au cun e dent ; et en en particulier de la deuxième molaire
qui n'a pas été en contact avec la première. ni mésialement
avec la canine, ni distalement avec la première molaire.
C'est donc, à mon avis, un sujet de [0 à I2 ans.
Voilà ce qu e j e puis affirmer . Affirmer, car on pourrait
déduire de ces débris des cho~es à perte de vue, mais qui
seraient basées su r rien ; et je n'aime pas le diagnos tic
fan taisiste.
19 Novembre 1926 . n

SIFFRE.

Des organes dentaires ayant été trouvés ultérieurement à la
note précédente, notre confrère S IFFRE, a bien voulu
en f aire l'étude ci-après :
[Og6 : Couronne de première g rosse molaire inférieu re gauche
dite dent de six ans. Individu jeune, mais avec facette
distale et m ésiale d'usure de contact:
A) distale ~ peut-être avec la deuxième molaire ; B) mésiale ~
avec la deuxième molaire de lait, ce qui me semble être

la réalité étant donnée la largeur de la cupule d'u sure ;

c) ou avec la deuxièm e bicuspide ~ Dans les deux cas, pour
l'âge : A ) moin s de douze ans ; B ) douze ans, quatorze ans.
La dent es t petite, gracieuse; elle doit avoir appartenu à
un e femm e.
2° g5 : Deuxième molaire temporaire. Couronne dont la partie
radicul ai re a été facturée. Mais il n'est pas douteux que cette
dent tenait au maxillaire à la mort; dO llC moins de 12 ans.
Usée en surface. 3 Cupu lettes au trois cuspides externes .
Face ttes més iale et distale d'usure de contact proximal:
A l Mésiale, avec la première molaire de lait;
fi) Di~ta le, avec la première molaire perman ente.
Celte fa cette d'u sure semble bien ajustable à la facette
mésiale de la couronne précédente g6 .
g8 Couronne de troi sième molaire supérieure gauche très
j eun e et très incomplètement form ée. Petite et gracile, semble
bien être d'une femme. Elle correspond, en tant que forma­
tion à l'âge du sujet g6 et g5, de dix à douze an s.

Nous tenons à remercier ici le savant odontologiste Siffre
auquel nou s somm es redevables de tant de ren seignements
précieux et dont l'obligeance à notre égard ne se dément
jamais.
M. & St J. P.

107 -

DEUXIEME PARTIE
Table des Mémoires publiés en 1927
PAGES
1. Bonaparte glorifié au pays bigouden (26 août 1798),
par H. WAQUET. . . . . . . . . . . . . '. 3
Il. Un libraire morlaisien au XVI" siècle. Bernard de
Lea u, par L. LE GUENNEC. . . . . . . . . .. 11
III. Le nom de Laënnec. Un cas difficile d'onomastique.
par Joseph LOTH . . . . . . . . . . . . .. 32

IV. L'allée couverte de Men-Meur (Guilvinec), par
Marthe et Saint-Just P ÉQUART .. ...... , 48
V. Dolmen de Brunec (tIes Glénans), par Marthe et
Saint-Just PÉQUART . . . . .

VI. Le vieux manoir de Kersaliou en Saint-Pol-de-
Léon, par J.-M. AUSSEUR. . . . . . . . . .. 84
VII. Une émeute à Kernilis en 166(j, par H. WAQUET. 97