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Société Archéologique du Finistère - SAF 1926 tome 53 - Pages 3 à 25
Première contribution à l'étude des
DU, CAP-SIZUN
Les notes qui suivent sont une continuation du travail de
M. Loth Le brelan de PlogojJ el de Cléden (et non de Beuzec,
comme il a été imprimé par erreur), paru dans les Annales de
Bretagne (1). Cette étude a été faite d'après les graphies des
matrices cadastrales et la phonétique, tandis que pour
celle·ci, nous avons tâché de relever les formes les plus
anciennes des noms d'après les aveux de la Chambre . des
Comptes de Bretagne conservés aux Archives de la Loire-
Inférieure, à Nantes (Sénéchaussée de Quimper) et d'a1.)Lres
documents des Archives du Finistère.
En général, les aveux se reproduisent successivement; les
plus intéressants et les plus sincères pour la Loponomastique
sont ceux qui sont rendus par des possesseurs éloignés. de
leurs terres, établis par des pas. ses ou notflires ne
connaissant pas les lieux, ne subissant pas, par conséqqent,
l'influence' des déformations et qui rapporten t servilem.ent,
des documents antérieurs.
Le travail ci-après n'est qu'ull essai et nos interprétations
pourront se modifier lorsque d'autres dépouillements auront
été accomplis et surtout lorsque nous aurons des Dictionnaires
topographiques pour toute la Bretagne; on sait que seuls les
(i) T. XIV, 1899, p. 4i4, 628; t. xv, 1900, p. 1.90, 30i, 391, ::198 ;
t· XVI, 1901, p. 1.36 ; t. XVII, 1902; p. i26j.
departements du Morbihan et de la Loire-Inférieure possèdent
leurs répertoires.
Le premier élément des noms -de la nomenclature est la
forme actuelle, établie en serapprochant le plus possible de
la prononciation. Lorsque les noms anciens ont disparu de la
région, le premier élémen t est remplacé par un long trait.
Nous avons écarté les noms des paroisses sur lesquels on
trouve des renseignements complets dans la Chrestomathie et
les Noms des saints bretons de M. Loth et la thèse tou te
récente de M. Largillière (Les Saints et l'organisation
chrétienne primitive dans l'Armorique bretonne).
I. NOMS D'BOMMES
(1 ) Azgan, [386, 1540, Azcan, 1380, i557' Az, ad,
pour at- préfixe réduplicatif, gan (né de), comme le latin gen.
Adgan peut être pour ale-gano (né de nouveau, René) ; ad est
souvent confondu avec al ale vieux-celtique. Adgan est
devenu azan dans Kerazan (Ker-adgan).
(2) Belec. Jahan an Baelec, [380. Baelec, forme ordinaire
en moyen-breton de belec (prêtre) ; en vieux breton: bacloc ;
en gallois: baglog (porte-crosse) .
(3) Barbéoc'h. Barbeach, [540. Beoc'h est connu comme
variante de beac'h, buc'h (vache) ; on la trouve dans Grégoire
de Rostrenen. Le sens de bar est douteux. Bar (sommet,
comble), remonte à barr et est bien connu dans tous les
dialectes bretons. Bar (pour barr, plus ancien) est également
employé dans le sens de branche et aussi de barre. Il est
possible que le mot dans ce dernier sens ait subi l'influence
du français, mais ce n'est pas sûr. Barr se retrouve en gallois
et dan·s des dérivés, ainsi qu'en irlandais : barrach (branche
du sommet d'un .arbre, extrémité de branche) ; barran
(sommet d'un arbre, cheveux), employé en composition dans
sens a pu venir du sens d'extrémité, fin (sens qui existe en
moyen-irlandais). Barbeoch est évidemment un surnom. Il se
peut que le premier terme soit barr: cf. irlandais -moyen
barr-bade' (qui a les cheveux blonds), barr-ehass (qui a les
cheveux crépus), barr-dub (aux cheveux noirs). Ce qu'il y a de
. plus probable, c'est que bar est pour barv, barbe; ainsi
barb-difeith (barbe inculte) (Carlalaire de Redon, 860-867) ;
cf. les surnoms gallois baryv-draws (a la barbe de travers ou
rude), baryv-tareh, barbe de sanglier (1). Bar (v)-beoeh (a la
barbe de vache ?). Cf. l'expression couleur queue de vache, en
parlant de moustache.
Au Cap-Sizun. bar a le sens de champ non enclos de murs.
(4)Boudigou. Le Boedigou, 1540. Dérivéd euoed(nou'rrilure).
(5) Breneol. Breneheol, 1540. Bren (colline), heol (soleil)
(colline ensoleillée).
(6) CarvaI. Carvoal (2) , 1520. Car (ami, parent) ; val, vaal,
pour wal (?) qu'on trouve dans le gallois gwal-adr (chef,
vieux-breton walarl pour walatr : cat-wa/art, Riwalart, alc ..
Cf. Kerivaladre, en Plumelec (Morbihan) forme déja archaïque,
pour Ker-ri-waladr (ri, roi) ; cf. Trelivalair pour Tre-rivalèr,
rivalèr - - ri-walazr (cf. laër, lèr, voleur lazr, latr).
(7) Cloaree. Le Cloueree, 1540. Le Clerc, du latin clèriells
(è long latin).
(8) Cozanet. Cozganet, 1385. Coz (vieux), ganet (né) ; cf.
Lescogan, en Beuzec-Cap-Sizun; Leseozgan, 1540.
(9) Cozie. Cozvie, 1426. Vieux-village. Vic, viens (agglomé
ration), identique a Vieuxvy l.111e-et-Vilaine). Cf. Quillivie et
les noms terminés en vic.
(1) J. Loth. hfabinogion, Il, 270.
(2) On pourrait penser pour voal à moal (chauve). m~is moal eût été
encore à cette époque moal (gallois moel, vanuetais mauel l. Cependant
oa pour oe apparait il une époque sensiblement plus ancieune. l'our
-voal, -wal - - val, cf. plus bas cos-vas, pour cos-was, cos-voas.
( 10) Cosvas .. Cosgoas, 1540. Goas (vassal, serviteur). Cf.
eosden. Cosden a un sens péjoratif (homme de rien) mais il
.n'a pas ce sens.ici, non plu s que dans Cozanet.(né tard ~). Il
fa un roi gaulois du nom de Cottus (cf. le sens.du latin senex,
senalus). .
(1 1) Doedy, 1540 Nom de famille disparu . Doe (Dieu),
dy, li, (maison f. l. Doedy a été sans doute un nom de lieu
·d'abord, comme c'est le cas pour un très grand nombre . de
noms d'homme. .
( 12) Donnart. Doenerth, 1250, Doenerd, 1263, Donerz, 131 1,
Donertz, 1540 Doe (Di eu), nerlh, nerz (force); devrait être
Donarz.
( 1 3) Dreau. Andreo, 1380. Dreo (joyeux, migno~). Lenom
'. du roitelet, en gallois, dryw, lui parait identique. La ,Voix du
. roi telet élait, a u moyen-âge, en Galles, interdite par l'église.
En haut vannelais, un des noms du roitelet est 10éig (petit
Dieu) (Qryw confondu avec dryw, druidé : v. celt druwi, gén.
dru-wid-os.
~ 14 ) Esellan, 1380 . . Nom de famill e disparu. De esteU
(bra s du dévidoir ~ ) .
. ( 1 5) Gargadennec. Gargadmnee, 1540 (grande gorge ou
grande gueule). .
( 16) Gloaguen. Gloeguen, 1540. Gloeguen est pour un plus
ancien glo,ew-Iœn (peau limpide, transparente, brillante); v.
b relon Gloeu, en ga llois, gloyw; cf. Maeseloaguen, quartier
de Quimper (1). .
(17) Goraguer. Le Goaraguer, 1540 (L'archer).
( 1 8) GourcufI. Goureuff, 1380. Gour, homme, eut! (ean)
(doux).
(19) Gouzien. Goezien, goezian, 1540. Nom de saint. Le
(i J En 1206 : Campus gloegei (J. L OTH, Chrest01nathie bretonne, pp.
i2J. 206). Le mot est resté euvannelais : gloêu, qui 'n'est pas épais,
· nom breton d'Audierne, qui est une pure abs1:l.r,slrté.,~,~",it
· TreJgoezienau xv' siècle (1). La rivière .~ .~ .rn~t-ÇJ.;9i~, dont
l'estuaire forme le port d'Audierne" ,porte;·ep:C.QI:e 'le nom de
,,1 ~ .. ! 1 . 1 ~ ,'- !
Goyen, contraction de gnezien. On :a v. oulu.expli.tp1€lr;Audierne
par aot-tiern., .(rivage.du tiern),·en le ra pprochant:de Ife.rofJ.~erJ};
cette jnt.erprétation est insoutenable, d'abord . parce., que,
Audierne est une dénomination toute modeyne (infl\:l~Iil ,ce;
peu t-être des mots italiens et espagnols odierna, p~êsen temen t..)
et que Kerodiern est pour un plus ancienK~rmodiern,
Kermordiern (voir Kerodiern). On trouve aussi Torgouyen,
comme nom de famille au XVll
siècle.
(:lo) Guilcher. Guilcher, 1540 (le tondeur). Nom defam.ille
très commun à l'Ile-de-Sein mais qui a disparu ,du .:Gap:.Sjzun.
(:lI ) Hélias. Ëlias, 1380: C'est unnom biblique. Hélyas de
Radnor, au moyen-âge, est évêque de LI;wdav, en Galles.
(:l:l) Jaftry. Jeffreiz, 1380, Jaffraez, ,532. Nom d'origine
germânique pal' le français. Cf. Jaffrez, Jaffrézou; c'est le
français Jeffrei qui a perdu un d spirant, conseryé en breton.
(23) Kerisit. Guyrysit, 1540 (Probablement cerisaie) ;
même sens que Querisouet, XVI" (nom propre :. deKerisouet) .
(:l4) . Lanczehuedez, I54o. Lancz l élan) _ et ehuedez
(allouette). Lanç, lançen. a aussi le sens de jeune' arbre haut.
La forme ehuedez est plus ancienne que la forni e--.huedez.
(25) Lebeul. An nebeul, 1380 (le poulain); vieux-breton
ebol pour epol, gallois ebawl (voir Cartulairc """'de Redon:
· « maenhoiarn qui et ebolbain )J, le poulain de: Bain; Voir
J. Loth, Chrestomathie.
(26 ) Le Bozellec, 1540. Dérivé peut-être de boz (creux
(:1.) Cf. J. LOTH. Les noms des Saints oretons, p. 4.5. GOeZien, Goazienn
· est un dérivé de goez, aujourd'h9i goaz, vannelais goèh, ruisseau (el v.eine) ;
au xm
siècle, goeth: goetheloc, dérivé de goethel, aujourd'hui gwazell,
terrain arrosé par un ruisseau (Chrest. p. 206) . . Le nom de lieu Voujeloc,
'en Cléden, ar voujeloc, par mutation, provient aussi 'de goezeloc,
dela main, paume), comme bozee (qui a de fortes paumes) ,;
irlandais boss, bass, même sens; il est rare mais il existe en
gailois (1) (Ernault, Glossaire).
(:17) Le Gonidec. Le Gonidoc, 1540 (qui gagne, communé-
ment laboureur; sens très répandu). Le su'ffixebreton ee 'a
remplacé. oc vers le XIII" siècle. Au Cap-Sizun, beaucoup de
noms de parcelles ont conservé la terminaison oc dans les
matrices cadastrales et dans la prononciation. (Nous en ferons
une étude ulLérieure).
(:18) Le Guével. An guevel, 1460 (le jumeau) (gallois gevell,
emprunté au latiQ gemellus).
(::19) Le Scaffennee, 154 (. Le double ff indique une
' voyelle nasale précédente et un m intervocalique vieux-breton .
Un dérivé de scoff, seanff' (léger, agile), aujourd'hui scanv,
au point de vue de la dérivation est invraisemblable. En raison
de la graphie ff. on ne peut songer à un dérivé de scavenn
(chalumeau en sureau, navette, caneHe adaptée à un tonneau
en perce, sureau évidé). C'est très vraisemblablement un
double dérivé de seaffn. en moyen-breton tablete (tablette,
escabeau), scaon, du latin scannum; scaffn a dû avoir un
singulatif seaffllenn et un dérivé scaffnennec ; scaffennec (le
fabrican t d'escabeau x, de tablettes), pour seaffnennee.
(:30) Lestoquer, 1540 ; moyen-breton sloquer
(trébuchet pour attraper les oiseaux, coupe-gorge, ratière) :
cf. le n"om propre français Trébuchet (Ernault. Glossaire, 659)'
(31) Logan, 1380. Dérivé de lac (monastère, cellule) ;
moderne log, lok (petite cellule, petite hutte) (Le Gonidec).
(i ) On ue peut songer à un dérivé de boss (nœud, bosse): s reste
dur dans c~ cas: bosse, qui a des bosses, nœuds : bosen (peste; français
la bosse) . . 'Vn dérivé en , -eUec de boss ' (paume) parait d'explication
difficile" On pourràil penser à un mot breton disparu, équivalent au
gall()is both(moyeu, umbo de bouclier. vase ventru) ; bothach (personne
ventrue, grasse) ; botheU (rotondité, va"e à forte panse). Bozel/ee pour
(32) Maesyrvin, 15t11 . Maes, champ et irvin, pour
ervin, gallois ervin (écrit erfin) , navet. Doi. t être un surnom .
. (33) Moullee. Le Mouleuc;1380. Moullec a le sens de mulet
(poisson) et au ssi de plu vier. . .
(34) Moal. Mogl, 1380. Moal, chau ve. Est entré en composition
dans les innombrables Iîermoal' et beaucoup d'autres noms.
(35) Pennamen. Pennamaen, 1538. Pen, tête, sommet, a [nJ,
de'et maen, men, pierre (d'abord nom de lieu ). . '
(36) Plouhinec. PLoezinec, 1556. Plouhinec, Morbihan ' :
PLebs-llhinuc ( Cartulaire de juimperlé) Ploezinec (1283,
Abbaye de la Joie) Ploeyzineuc 1320, Ploe-hidinuc (1037,
Cartulaire de Redon. La forme ancienne est donc · Idinoc ou
même Ithinoc. Il est probable que llhinoc, lthinec, est identique
au nom propre vieu x-gallois Eithinallc, : TrefEithinauc;dérivé
de Eithin qui est également un nom propre connu. Eithin,
vieux- breton Ethin; nom commun, a le se'lls d'ajoncs (J. Loth,
Chresl. p. 136). . ' . .
(37) Porlodec. Porzloedeuc, Le porzloedec, 1540 .. Porz,
port ou 'cour, loedec, chenu, gris (1). C'est le nom d'une petite
anse en Cléden. Loedec, Louedec est: également un nom de
famille. 11 y a encore un Iîerledec, Iîerloedeuc, 1540,.en Plogoff.
(38) . Rozerch, 1384. Vieux-breton Roderch, vieux-
gallois Roderch, moyen-gallois Rhydderch. Le sens de Roderch
est probablement: très en vue, illustre.
II. NOMS DE LIEUX
(1) -- Brenbultul', 1386 (près Kermeur en Cléden),
RrenburtuL, 1540. Bren (colline), bullur pour burtul (vautour)
(voir Catholicon de Lagadeuc).
(2) Berivanel (Goulien). Berivanazal, 1540. Le preinier
terme ' de ce nom n'est pas clair, peut-être un pluriel de
barcbarc : voir plus haut Barbaoch; le second est banal;
vieux-breton banadl (genêt). A dans vanazal est une voyelle
de résonnance. .
(3) Brenelec (Goulien). Brenheleuc, 1400. Bren (colline),
heleuc nom propre hailoc,· dérivé de hail; gallois ha el
(généreux) (J. Loth, Chresl. p. 1'34).
(4) Bremel (Cléden). Bremahel, 1540. Bren et mael, vieux
,celtlgue ,maglos (chef, roi) (Chrest. p. 148).
(5) Bremeur (Goulien). Bremear, 1386. Bren et meur
(grand).
(6) Brézoulous (Cléden ). Bresoloux, 1434, Bresollou,
Bresouloux, Bresoulour, 1540, Bressouloux, 1667' Une règle
:·"absolue en 'breton, c'est que s ancien, moyen-breton intervo
calique, quelle que soit sa provenance (deux ss ou s plus une
consonne assimilée), devient z français dans la prononciation.
Bresoloux ne pouvait donner que Brez()uloux (- oulou pour
olou par assimilation vocalique). Comme ce lieu est situé sur
une hauteur, le premier terme est bre, colline; le mot est
substantif et ,adjectif; mene-bre signifie montagne élevée.
Quand à solou, ce peut être un nom propre comme un nom
commun. Sol a le sens de fond de terrain, le bas (fond de lit,
semelle).
Auprès de ce village, dans un champ appelé men Losquet
(pierre brûlée, un nom significatif) on a découvert des traces
de substructions, des débris de poterie et de petites haches
en pierre. Vers ce champ convergent deux chemins très
creux appelés gariel (1) dont l'un commence en un endroit
(i ) GarieZ est pour carieZ: ar garieZ (le cbemin creux). , Le Golf
(supplément au Dictionnaire breton-français), donne Karhiel comme
bas·vannetais pour Karrikel (brouette): hent garhiel (chemin ou tes
voitures ne passent pas). Il est peu probable que carhiel soil pour karikel
(brouette) mais carieZ peut être un diminutif féminin de carr (voiture,
dit ar rodou, vieux-breton rodoed (gué, passage); c'est
effectivement un passage sur un ruisseau, à gué) et se
continue par une sente en grande partie enclavée dans les
champs qui a conservé le nom de hent -sant Douillen, chemin
. de saint Goulien (Do uillen par influence du t de sant). Ce
chemin, fort ancien, aboutissait à un pont, dit pont Koz, sur
la rivière centrale du Cap-Sizun. La tradition rapporte que
c'était l'itinéraire suivi par saint Goulien lorsqu'il venait de
son ermitage de Lezoulien. rendre visite à son ami
saint Primel, qui avait sa cellule de J'autre côté du ruisseau,
au versant de la colline. Cette tradition ajoute que l'empreinte
du fer à cheval de la monture de Saint Goulien se retrouve
encore màrqu ée en creux sur la dalle de pont Koz. Ce vieux
chemin de sant Douillen, dont il est fait mention dans les
anciennes déclarations, fixait la séparation entre les paroisses
de Goulien et de Cléden.
(7) Brigneoch (Esquibien). Brenyeuch, 1520. Bren (colline),
yeuch, yoch (tas, entassement). Ce second terme se retrouve
dans le nom breton du J nch, don t la motte féodal e de l'ancien
châ teaua déterminé l'appellation (v. haut-vann., ioh ; bas
vann., iuh).
(8) Cutren (Esquibien). Cuzdren, 1540. Cuz (caché) et dren
draen (ron ces). Cf. Rostrenen, au moyen-âge Rosdraenen.
(g) Cosquer (Esquibien) . Cozkaer, lfi40. Coz (vieux), kaer
{castrum. lieu fortifié). Ces noms sont nombreux: au IXe-X ·
siècle, les caer sont très rares et désignent toujours des lieux
fortifiés . importants. Ils commencent à se multiplier au
XIe siècle. La raison en est que les villages furent protégés par
des palissades, des talus et des fossés, contre les ennemis et
les bêtes fauves.
. Ce village se trouve à la lisière de la grande palue de
-Tresgoarem, vaste étendue de sable qui couvre toute
l'extrémité ouest d'Esquibien. Presqu'au centre de cette palue,
se trouve un monticule rocheux, nommé le Kanhaë'k, dans
les flancs duqu el les carriers ont mis à jour des sarcophages
contenant des ossements ( 1) . En contre-bas du monticule, on
voit une fontaine recouverte d'un édicule arrondi, dediee
à saint Onno, patron d'Esquibien. Ce saint, representé
en evêque, est inconnu partout ailleurs (2 ). La tradition
pretend que le bourg d'Esquibien se trouvait autrefois dans
les parages du [{annaek, d'où on aurait dû le transporter
à l'endroit où il est actuellement pour le soustraire à
l'envahissement des sables.
(JO) Kerandraon (Esquibien, Primelin). Kerantnoll , 1540.
Ker ... an, de (la) tnou (vallée). Tnou, tnaou, est devenu
régulièrement lraon, dont le sens actu el est bas et qui a donne
draonien (traonien). Tnou a été souvent mal lu tllon. Sur
tnou, voir J. Loth: Chres l. p. 166 .
(II ) Kerangrill (Cleden), village disparu . Grill a le
sens de langouste, grillet et aussi rôtissoire.
( 12) Kerboul (Esquibien). Kerpoul, 1540. Poul, mare, cf.
Lespoul.
( 13 ) Kerbesquerrien (Cléden). Keranpezquezrien, 1540.
Pesquezr, pesquer (pêcheur, du latin piscalor). C'est un
village de pêcheurs.
(i) Sur le Kannaëck, voir: Du Châtellier, Les époques préhistoriques
et gauloises dans le Finistère, p. i36; Le Carguet et de Bounemère,
Inscription d'une pierre du Karmaëk (BulL de la Société d'Anthropologie
de Paris, i893, p. 2U); Grenot, Quelques mots sur le lieu dit Trezgoarem
(Extrait du journal l'Océan, Brest, i87i); Le Men, Etudes historiques .
sur le liïnistère, p. 86 et Bull. Association bretonne, i873, p. i67.
(2) Avant l'érection, au xvm" siècle, de la petite chapelle de Sain le
Brigitte à Landuguentel (elle se trouvait auparavant au village de
Lallnuign, en Beuzec), Esquibien ne possédait que deux églises : l'eglise
paroissiale, dédiée à saint Onno, évêque, et la chapelle de Landrevet,
dédiée à saint Devet, également évêque_ On peut conjecturer, de ce lait,
que le nom de la paroiss~ Esquibien: les Evêques, provient de ce double
patronage épiscopal (sur D eve t, Onno, voir J. Loth, Les noms des saints
bretons).
, (14) Kerbrezellec (Cléden), 1540. S'il n'y a pas de
mutation dans la prononciation actuelle (/(er-vrezellec),
Kerbrezellec est pour J(er-an-brezellec ; pour Brezellec, cf.
vieux-breton Breseloc, batailleur, dérivé de brezel (guerre) ;
moyen-breton breselec; breselec (porte-bataille) (ErnauIt,
Glossaire). Br~zell a aussi le sens de maquereau_ '
1(5) Kerhaz (Primelin). J(ercaz, 15L~o, f(er (village), caz
(chat) (gallois cath, vannetais cac'h). Kercaz eût donné
Ker-gaz, mais dans beaucoup de cas 'on a, affaire, après le
premier terme, à l'article élidé. Or l'article, devant un nom
masculin, change c en c'h : cf. Penhoat, plus anciennement
Pen-an-hoat ; le vannetais Panér, Panhér, pour Pen-hér. au
contraire, montre l'influence de l'ancienne terminaison de
penn. Kercaz ne peut devenir Kerhaz qU, e par Ker-an-haz.
(16) Kerdrein (Cléden). Kerdrein, 1540, Ker et drein
(épin se).
(17) Kerdugazel (Primelin). Kerdigazal_ ' 1540, Ker .. . di,
privatif et cazal. Kazul a le sens de chasuble. Ker-an-digasal
(village du défroqué ~), Il Y a un Kerigazal en Nizon_
(18) Kerengar (Cléden, Plogoff). Kerhengar, 140 [, Kerincar,
1460_ Ker_ .. hen (vieux, ancien) et car (ami, parent) (ou carr,
voiture)_
(19) Kerfeurguel (g dur) (Cléden). Kertezgael, [540.
Tezguel pourrait être pour lez-kell: Kell du latin cella
(cellule) (Don-gaell, cellule profonde ou compartiment dans
une étable; fez, foi), mais le changement de fez en {ear
semble indiquer l'intrusion de {ear, prix. Fez doit-il être lu
lezr ~ cf. moyen-breton feazr, fourrure, bureau ; {e(u)zr
expliquerait bien leur.
, (:10) Kerfraval (Cléden). Kerfraval, 1540. Ker .. -fràt!al,
vieux- breton framwal, qu'il faut lirefraa-wal, gallois ffravo,
impétueux (rivière torrentielle), cf. aber-ffraw, en Anglesey. Ce
village est, en effet, situé à l'orée , d'un vallon descendant en
(!u) Kergaledan (Cléden). Kercaledan, 1540. Ker .. calédan,
de calet (dur).
(:Il) Kergonduy (Goulien). Kergunnenduic, 1540 ~ (1). Le
village est sur une hauteur. La voie romaine de Douarnenez à
Troguer y passait et on remarquait encore, il y a quelques
années, des traces de pavage. D'après la tradition, une chapelle
dédiée à la Madeleine aurait existé en ce lieu. A proximité, se
trouvaient les deux hameaux de Kertanguy et de Kerbangan,
qui, déjà non hébergés en 1540, ont totalement disparu.
(:13) Kergroas (Cléden). Kergroez, 1540. Ker ... croez, croaz
( croix).
(:14) Kerguentrat (Goulien). Querquentrat, 15:10.
Ker .. ,quentrat (premier, précoce). D'après Le Pelletier,
en quentrat (promptement) ; en vannetais el' hèntrat (celui
qui est venu, qui germe, le premier) ; rentrat, seigle précoce.
(:15) Kerguerc'hen (Cléden). Querquerchen, 1540.
Ker ... querchen (cou, col, cercle). A proximité de la tranchée
du Loch (Kerc'hen existe aussi dans le sens de plant
d'avoine).
(:16) Kerguern (Cléden). Kerquern, 1540. Ker ... quern
(sommet de la tête et tonsure, sommet d'une montagne) (cf.
Ernault, Glossaire.
(:17) Kerguerriec (Goulien\. Kerguerhiec, 1540.
Ker ... querhiec, qui produit du kerc'h (avoine).
(!l8) Kerham (Cléden). Kercam pour Ker-an-ham. Ker ...
cam, boiteux.
(!lg) Kerieoc'h (Esquibien). Keryouch, 1380. Ker ... youch,
yoch, yeuch (tas, entassement). Voir Brigneoc'h.
(30) Kerlaouen (Cléden, Esquibien). Keranlouen, 1380,
Kerlouen, 14:16. Ker ... louen, laouen (joyeux). Laolzenan, nom
(i) Ker-gun, Ker-gon: Con, cùn (en orthographe française GOun) a le
sens d'élevé et se trouve dans les noms d'homme et de lieu: Kergonan,
propre dérivé de laouen, se retrouve dans Kerlaouenan
(Esquibien).
(3r) Kerlazen (Primelin). Kergla zguezen, 1500. Ker ... glaz,
vert, guezen (arbre). Giaz vezen peut être aussi un nom propre
d'homme (glas + weden, au sens métaphorique ou -wethen,
qui combat, cf. J. Loth, Chrest., p. 174).
(3:1) Kerleodin (Cléden). Kerleaudin, 1540. Ker ... leodin
peut-être pour gleodin. Gleu, gleo, comme le gallois glew, a
le sens de "aillant, solide; quant à odin pour -tin, il est d'une
explication difficile: cf. villa Tinsedio (Carlulaire de Redon,
p. :145). En gallois tin a le sens de fondement (anus).
Le sens a pu être métaphorique. Peut-être pourrait- songer à
un mot apparenté au bas-vannetais glowadin (herbe qu'on
sème sur les toits de chaume) (1).
(33) Kerloa (Primelin). Kerloae, 1540. Ker ... loae, peut-être
pour gloae, gloeo, vieux-breton gloeu (brillant), gallois glo'j'w.
(34) Kermaden (Goulien). Kermadezen, 1540. Ker .. madezen,
nom propre; vieux-breton mal-welhen, cf. Kerlazen. On a
voulu voir dans ce lieu la demeure de Maden, le disciple de
saint Goulven, ce qui est impossible (Chrest. p. 174), cf.
Mal-bedoe, devenu mat-vezoe et madezou.
(35) K.ermalero (Primelin). Kervallerau, 14:16, Kermaelerou,
1540, Kermaleru, 1541. Ker ... mael (voir bremel), eru, sillon.
Peut-être maeleru est-il pour maer-eru ; maer, intendant,
eru, ero, sillon.
(36) . Kernalleuc (Cléden), 1386. Village disparu.
Ker-(e)-n-haleuc. On pourrait naturellement penser à halec
(saule), mais la terminaison a été toujours -ec et non -eue,
-oc. A lire peut-être Ker-vatleuc.
(37) Kernod (Cléden). Kernod, 1540. Ker ... od, rivage?
(cf. Pen-an-aut, dan s le cartulaire de Landévennec, xm" siècle) ;
en vieux-breton alt (falaise, endroit élevé) ; gallois allt.
(38) Kernoun (Goulien). Kernouen., 1434, [{ ernouhen, 1540.
K er ... [a] n, du, ouen, ouhen (bœuf). L'article en, an; est
souvent sous-entendu, ce qui fait que les noms masr.ulins
après Ker, par exemple, ne subissent pas la mutation, d'où
K erbelec, pour Ker-[an]-belec, au lie. u de Kervelec.
(39) Kerdeven (Primelin). [{erodeven, 1540. [{er ... ode, brè-
, che, ven pour men (pierre). On trouve encore parc an nodeven .
(40) Kerodiern (Esquibien). [{aerodiern, 1364, [{eraudiern,
13g8, [{erodiern, 1476. Ker ... odiern est pour mordiern, car
dans une vie de saint Corentin, Plomodiern est orthographié
Ploemordiern ; le nom est donc mor-tiern, gallois mordeyrn
(mor-tigern), c'est-à-dire roi de la mer.
(41) Kersivy (Cléden). Kersivy, 1540. Ker ... sivy, fraises;
ga llois, sevi. :.
(42) Kersolouarn (Goulien), 1540. Ker ... 8,01, (semelle, fond,
bas, houarn, fer~) En cet endroit se trouvaient les patibulaires
de Lezoualc'h; serait-ce un souvenir des escarpins de la
question, de sinistre mémoire ~ .
(43) Kervallor (Esquibien). Kermalor, 1540. Ker ... malor ; .
Malor a existé comme nom de famille à E~quibien : Jehan
Demalor, 1443. Malor ne peut être 'pour maelor, gallois
"!aelor (maelaw r) ; on pronol)cerait Ker-vellor ; le double II
indique a bref et ne permet pas de songer au vannetais
malour (celui qui moud). mail en dehors de mall (malI eo, il
est temps), exisLe dans des composés comme mall-c'hest
(jusquiame) ; gallois mall-leut, mall-dracth (rivage que la mer
couvre, où elle s'attarde?, marécageux).
(44) Kerveoc (Esquibien). Kermeauc, 1540. Ker ... meauc,
vieux-breton maioc, nom de saint et d'homme très connu . Cf.
Tre-meoc, Lan-veoc, Gui-maec, Saint-Mayeux (C.-du-N.), Sanc
tus Maeocus, 1418; vieux-celtique magiaco-s, de mag, grand (1).
(i) Sur les noms de lieux et de personnes terminés en eoc, voir
(45) Kerviniou (Esquibien). Herguiniou, 1540. Ker ...
guininu. Guinio est un nom d'homme. Guiniau est un nom de
saint breton et gallois.
(46) Kervizinic (Cléden). Kermynydie, 1040. Ker ... mynydic,
dérivé de menez, menezic. Peut-être est-ce un nom propre
(gallois mynydoe) .
(47) Kervreac'h (Esquibien) . Herbreeh, 1540 . [{er ... breeh
(colline se divisant en plu sieurs bras) ; gallois braieh (id .)
masculin.
(48) Keriolet (Cléden). [(eryoret, 1540 C'est probablement
la forme sincère. loI' existe bien en gallois, entre en
composition de noms d'homm es et a le sens de souverain,
chef; se dit de Dieu. -
(fIg) Lamboban (Cléden). Lambaban, 1540. Lan (monastère, .
lieu consacré),- Paban, nom de sain t. Cf. Lababan. .
(50) Landrévet (Esquibien). Lan ... drevet, contraction de
trefdevet (Cf. Landrefm ael, devenu Landremel, en Lothey) .
Demet, devenu Devet, est le patron de Plozévet, Plo e- Demet,
en 1468. Il Y a dans ce village une chapelle actu ellement sous
le vocable de Sainte Evette; mais anciennemen t elle avait pour
patron saint Devet, (MonsieLlr Sainel Evel) , en 1540, 1640
(aveux de la seigneurie de Lezongarl. Les registres paroissiaux
d'Esquibien, depuis r55 2, portent Dezmala, Demala, DwneLta,
Demale, Demat, Demet, Devet, puis enfin Evette. Chacun
l'orthographiait à sa fantaisie. La substitu tion de sain te Evette à
saint Demet, patron primitif, est relativement récente, ce qùi
n'a pas enpêché rusu l'patrice de se voir auréolée d'une foule de ·
légendes, fort gracieuses, mais apocryphes pour la plupart (1).
(5 r) Landuguentel (Esquibien). Lanyguentel, LanugLlentel,
1540. Lan-ugnentel, si la forme, comme il semble, est la
forme sincère, pourrait être une terre soumise à l'impôt du
(i) H. Le Carguet, La légende de sainte Evette, patronne des
pêcheurs d'Audierne dans le Bull. Soc. arch. du Finistère, 18H9, i 93.
vingtième (Ilgentel dérivé de agent, vingt). Landaguentel doit
être une graphie hybride, lann ayant été influencé par le
français lande .. ajoncs.
(52) Lannoan (Cléden). Lannouan, 1600. Lan ... Noan est
un nom de saint et de famille noble. Une fontaine y existe sous
le vocable de Saint Oan, pour Saint Noan (par influence du t de
sant). A signaler encore Trenoan (trève ou passage de Noan),
tre ayant très souvent le sens de treiz ( 1).
(53) Lanuzulien (Cléden). Lansalyen, 1540. Lan .. . Salien.
Salien est un saint breton qui a donné son nom à Ploe-Salien
(Plussulien), Rossulien, etc ... Sulien tire son nom du latin sol,
soleil et de gen (né de) ; exemple : soli-genos (né du soleil)
vieux-gallois sulgen. Sal entre en composition de plusieurs
noms d'hommes, ainsi que gen (J. Loth, Chrest. p. 132
165) (:l). Dans ce village existait une chapelle dédiée à
saint Guénolé. En 1703, elle était déjà en ruines et les
habitants de la contrée refusaient de payer les dîmes dûes à
l'abbaye de Landévennec, parce que le monastère ne faisait
pas rebâtir la chapelle. Ils n'eurent d'ailleurs pas gain de
cause, puisqu'il ne reste plus aucune trace de l'édifice.
Quelques parcelles, qui ont gardé les noms de parc Sant
Guénolé, foennec Sant Guénolé, en conservent seulemen t
le souvenir.
(54) Lervily ,Esquibien). Nervily, 1540. An-èro-vily (le
sillon de galets). Cf. Corbily.
(55) Leslannou (Goulien). Lesclannou, IMo. Doit être
pour Les-glannoa : glann signifie bord, rive, et par extension
séparation.
(56) Lesnoal (Esquibien). Lesnouel, 1520. Les est clair;
c'est le gallois llys (cour, demeure retranchée), irlandais lis,
(1) J. Loth, Revue celtique, t. XL, 1923; cf. Noms des Saints bretons,
p. 98.
(2) J. Loth, Les mots latins dans les langues brittoniques, p. 405.
moderne lios (demeure importante enclose, ancienr.ement
circulaire, entourée d'une ou plusieurs levées de terre.
renfermant au moins une cour intérieure), irlandais-moyen
air-lis (où pouvaient se réfugier les troupeaux) (J. Loth .
Mabinogion, t. l, p. 320). Dans le Carlulaire de Redon, lis est.
traduit par aula. Quand l'évêque de Nantes saint Félix va
demander au grand chef breton Weroc (le vVarochus de
Grégoire de Tours) la liberté des captifs qu'il a faits dans une
razzia en pays nantais, il le trouve à Aula Quiriaea. que
M. Quilgars a heureusement identifié avec Les-Guiriae en
Piriac près de Guérande.
En revanche Nouel, si c'est le français Noël, ne doit pas
donner noal ; en vannetais et ailleurs, je crois, on prononce
noél (é fermé) ou nouel (écrit noué'l ou noël, chant de noël)
D'autre part, noaZ n'est pas connu comme nom propre. Nouel
pourrait représenter l'irlandais niall, génitif néill (champion,
guerrier), très connu comme nom propre (mac- neill) ; mais
le changement de oue en oa paraît irrégulier. On pourrait
songer au vieux-gallois noueZ (nowell), nouveau, qui paraît
dans un des poêmes à J uvenais (IX; siècle), vieux-celtique
nowillo (nouveau). Nowell (nowillo) aurait peut·être pu donner
no (w) èll, écrit inexactement nouel (l), qui aboutirait avec son
è ouvert à noaZ (Z). Une forme plu s ancienne nous tirerait
d'embarras.
(57) Mescran (Cléden). Maeseran, 1444. Maes, champ, a
pris le sens de hors de : e'r mes (propre men t hors de la mai
son, dans la campagne, au large). Dans les noms de lieux, il
a conservé son sens propre : champ, endroit uni, plaine.
Cran (racines de fougères et autres). Cf. al' grannee. (Crannee).
(58) Mestrezic (Primelin). Maestrezie, 1540. Maez, maes,
(champ), drezie (petite ronce).
(59) Mispirit (Goulien). M«sbyrit, 1540. La form e Mesbyril
rapprochée de an birit (Carlulaire de Landévennee, XIII" siècle),
inaes et de biriL (maes-an-birit). Quant à b!rit c'est peut-être
un féminin pour pirit piritum, piretum (endroit planté de
poiriers) ; e long lalin au lieu de oue, a donné parfois i long.
Exemple : iliz (église), gallois eglwys (ecclesia). Pommerit,
Peumerit, qu'on prononce Peurit, Purit (en trégorois Pauvrit)
pomaretum (pommeraie). Peut-être y a-t-il eu influence de
mesper (nèfles).
(60) Pennarun (Goulien ). Pennarun, 15l&0. Pen (tête,
sommet, commencement), an l'un (promontoire).
(6\ ) Penneach (Plogoff). Penlœrnech, 1 5l&o, Pen ... kernech,
mauvaise graphie pour knech qui a donné crec'h et nec'h, dans
d'an nec'h (en haut). Knech a le sens de tertre, sommet d'une
colline K nech est connu comme nom de famille de Mahalon au
XIVe siècle. !(nech est resté sous la forme J(enec'h, Kene dans
des noms de lieux du Morbihan.
(62) Pennbil (Esquibien). Penbizle, I5l&o. Bizl ne peut
s'expliquer ni par le français bille, ni par pilou pill (tronc).
Peut-être pourrait-on penser à un rapprochement avec le
gallois bid (haie vive, haie) ; bizl remonterait à un vieux
celtique bi- Uo, bi-tlà. .
(63) Quillivic (1) Cléden. Quilliuuic, Il&26. Quillivic est un
nom de lieu des plus intéressants. Il est identique au gallois
Kelliwic, nom de la résidence du roi Arthur en Cornwall
(J. Loth, Mabinogion, passim). On vient de le retrouver dans
une charte anglo-saxonne en Cornwall même. Comme nom
commun, le gallois celliwig a le sens de bois, bosquet, clai-
rière dans un bois . Il a pour premier terme celti, bois (féminin)
répandu en Bretagne comme nom de lieu: le Guily (er gili),
avec 9 dur, en vannetais : gili, féminin, avec l'article pour
kili, kelli; Penguily pour Pen- gelli : en Corn wall, Pengelli est
commun comme nom de lieu et nom d'homme. Le second
(i ) Sur Quilli vic, voir J. Loth , Notes étymologiques et lexicographiques,
terme est wic-gwic, qui a ici le sens de collection, agglomé
ration. De même qu'au lieu de / œlli on a eu Gili (Guily), ce
nom de Quilliuuic, aujourd'hui écrit Quillivic, paraît êLre
devenu, en vannetais, le nom d'homme Guillevic.
Le village qui nous occupe est bâti sur le bord de la route.
Or, nous savons que la forêt de Nevet a. couvert autrefois tout
le centre du Cap-Sizun; les bois de Lezurec, de Lezoualc'h, de
Kerazan et le bois de chênes de Kerharo disparu au XVUI' siè
cle, en seraient des restes. Ce lieu indiqu erait donc un passage
dans la forêt dont la bifurcation se trouvait un peu plus loin,
près de la chapelle de Langroaz. Ce passage aurait été ensuite
utitisé par les Romains, car la route qui passe à Quillivic est
appelée an Hent meul' dans le voisinage. Le nom de Nevet
est des plus importants qu'il soit. Au Xl' siècle, c'est Nemel
-- vieux celtique Nemelon (sanctuaire, endroit sacre circulaire
dans un bois; institution commune aux Germaip-s et aux
Celtes). En Irlande, le nemelh (nemeton) était délimité par des
menhirs, remplacés à l'époque chrétienne par de hautes croix.
C'est le Minihi qui en Armorique a remplacé le Nemeton :
c'était un lieu de franchise inviolable. Le Minihi de Locronan
était marqué par des croix et avait I2 stations (voir J. Loth,
Fanum et Simulacrum dans la vie de Saint Samson, dans la
Revue archéologique, 1925).
Il n'est pas absolument sûr que dans Kelliwie, wie soit le
latin vic us ; vieus a pris en latin le sens de centre de popu
lation non fortifié, de bourgade ou gros village. En Bretagne,
le gwic indique spécialement le bourg, l'agglomération cen-
trale, tandis que la paroisse dans son ensemble est désignée
en vieux-breton par ploib, ploeb (latin plèbes), plus tard ploe,
ploue et, suivant la voyelle qui suit, plu (Plu-fur pour Plu-flur
dont le patron est Saint-Florent), ou pleu, ple. r,'est ainsi que
Plouguerneau est souvent remplacé par Gwikerné. Le gwie
était le centre commercial. En Cornwall, il en a été de même:
(homme du bourg) . Postérieurem ent, gw ycor (g wicwr) a le
sens de marchand, pluriel gwycor yon.
(6L I) Rugolva (Primelin). Rugolva, 1540. Run ... golchva
(la voir).
(65) Le Run (Plogoff). Ruanterridy, 1540. Run ... anterridy.
Terridy est curieux; c'est peut-être bien un pluriel de torred,
conservé dans le gallois torred- wynt (tourbillon, vent
impétueux).
(66 ) Squiberou (Esquibien) , 1520. Pluriel de squiber
(appenti).
(67) Theolen (Cléden). Teulen , 1540. Teulen, teolen (tuile).
On a trouvé des débris de tuiles dans les champs de ce village
qui borde la voie romaine de Troguer.
(68) Toravur (Plogoff). Toramur, 1540. Torr, flanc, an mur,
an vur (mur est féminin), du mur.
(69) Trevarc'ha (Esquibien). Trem archa, 1540. TJ'é (trève ou
passage), marcha, d.érivé de marc'h, mais la terminaison
marcha est très rare, peu t- être pour marchae : cf. gallois
marchaï (cavalier).
(70) Trevennan (Cléden). Treffennan, 1386. Trefvenan ,
1 540. Trève de guenan , nom de sainte en Galles ; cf. Lan
l .'enan en Quimerc'h , Penguenan Penvenan, Pleuguenan.
Dans Plouenan , plus anciennement Ploue-wenan (XVI ' siècle) ,
on a Benoan: Ploe-benoan, 1380. Benoan est pour Benoen,
nom de Saint Benegnus Benignus Benoen .. en Galles
l3enw yn .. irlandais Benèn.
(71) Trevenouen (Esquibien). Trevenouan, 1540. Trève de
Benoan. Voir ci-dessus. On trouve Trebenoen (Combrit).
(72) Trevern (Goulien). TreUguern, 1540. Trève des auln es
et aussi, par extension de sen s. endroit marécageux.
(73) Troubay (Esquibien). Troboay, 1533 . Tro, autour, ou
pour inou, vallée : boay? peut être un nom d'homme qu e l'on
retrouve p robablement dans Compaï, famille de la région.
Trobay a été porté également comme nom de personne
(Alain Trobay, à Lesneven, en Ergué-Armel, en 1531). Il Y a
un Corbaye en Bannalec.
(74) Trouguer (Cléden). Tnoukaer, 1426, trokaer, 1540.
Tnou, val, vallée, kaer. castrum. Pour /caer (kair), voir plus
baut cosquer.
A proximité de ce village se trouvent les restes de l'établis
sement romain dit de Troguer, nommés « Moker greguy )),
dans un aveu du marquisat de Kerharo de 1540 et « Moguer
creguy)) dans un autre aveu de 1699. C'est également ainsi
que les nomme le chanoine Moreau dans son Histoire des
guerres de la Ligue. L'aveu de 1540 ajoute: «( le grand chemyn
conduisant de Kemper-tin, anticquement nommé le chemyn
d'Ahès, condLûsant de la ville de Kemper-tin à l'anticque pales
des troys (sic), nomé Moker greguy ». Le chanoine Moreau a
traduit moguer greguy par murailles des Grecs; il est certain
que greguy, creguy, est le pluriel de crag (grès, pierre de
grès); en gallois, craig a le sens de rocher et aussi de
coquilles. Au temps de Moreau, à la fin du XVI' siècle, les
murailles du camp romain avaient encore 3 toises de haut,
soit près de 6 mètres; il n'en reste plus que quelques vestiges
qui ne tarderont d'ailleurs pas à disparaître. Les champs
d'alentour portent les noms de parcou castel, pen-ar-voguer,
al' runiellou. Moguer, vannetais magoer, gallois magwyr -
vient du latin maceria. (murailles) (1) .
(75) Tromao (Esquibien), Tnoumao, 1540. Tnou, val, bas
fond, mao, gai (le mao). En cornique, maw veut dire garçon.
jeune homme, serviteur, esclave; breton mawes (femme),
mevel (serviteur) : mao magu-s.
(:1.) Sur Troguer, voir P. du Chatellier, Etablissement romain de
Troguer, dans les Mémoires Soc. d'Emulation des Cotes-du-Nord 1891. .
P. de Courcy, Fragment d'un voyage en Cornouaille, dans la Revue
bretonne, 1.844, p. 278 ; Chanoine Moreau, Histoire des guerres de la
. (76) Trouzent (Cléden) . Tnousent, 1426, Tnouzent, 1541.
Tnou ... sent, sai n t (Cf. Le Saint, près Gou ria Ar Zent) ou
les Saints. Il y a dans ce village une chapelle dédiée à saint
Tugdual. Tugdual est une graphie détestable pour Tudgual,
graphie du XIe siècle ; en vieux-breton on a Tut-wal,
aujourd'hui bas-vannetais Tudal, ailleurs Tuzoal, Tual (cf.
Chres t. p. 170, 171, 235).
Dans le pays on prononce san t Uel ou san t Duel. Ce lieu se
trouve sur les rives du sinistre étang de Laoual, aux bords
couverts de l'oseaux, peuplés de noires judelles, âmes damnées
des habitants d'Is la maudite, ensevelie sous ses sombres eaux ...
En face de l'étang, entre les pointes du Raz et du Van,
s'ouvre la fameuse baie des Trépassés qui a suggéré toute
une littérature aux accents tragiqu es et lugubres, quoiqu'en
somme elle n e soit pas plu s effrayante que les autres baies de
la côte du Finistère.
M.ais, ce qui est plus curieux, c'est que cette appellation
Boè' an anaon, est d'origine toute m oderne. Le Dom exact
était Boë an aon (la baie de la rivière) parce que primitivement
la rivière centrale du Cap-Sizun se jetait à la mer en cet
endroit. Un soulèvement s'est produit à l'endroit où gît le
dépôt houiller,a refoulé une partie de la rivière vers sa source
et l'a obligée de s'ouvrir une nouvelle issue dans la baie du
Loch. La réunion de l'article an au substantif a donné anaon
et ce même article encore ajouté pour form er la phrase a fait
Boè' an anaon (la baie des Trépassés) ! Cette allitération a donc
eu pour conséquence d'aider à l'éclosion des légendes
terribles, pour la plupart apocryph es, qui ont trait à cette
baie célèbre (1 ) .
(i) Le cadastre de Plogoff mentionne un champ situé près de l'étang
de Laoual: patcLesnaon, c'est-à-dire, anciennement, la COUt de la rivi. è1'e,
dont le nom ne s'est point mué en parc lès an anaon 1 Cependant cette
cour des Trépassés aurait pu servir de thème à des déductions
(77) Trouerenec (Cléden). Treourenec, 1540, Tregourounec,
/696 . Tre, lrève ou passage, gourounec , dérivé de gouron,
gallois gw ron (wou français), homme va illant, brave, de
gur, gour, homme. Cf. I3regouronec en Mahalon .
(78) Trovreac'h (Goulien). Trobrech, 1540. Tro (autour),
peut-être pour Tnou (vallée) et brech (colline se terminant
par plu sieurs bras ou ramifications). Ce village esLvoisin de
Brezoulou . Brech, même sens dans [(ervreac'h (Esquibien),
[{ erbrech, 1540 .
Daniel BE RNARD et J. LOTH .
- ,- 122 -
DEUXIÊME PARTIE'
Tnbledes Mémoires publiés en 1926 .
PAGES
I. Première contribution à l'étude des noms d'hommes
. et de lieux du Cap-Sizun, par 'DANIEL BERNARD
et J. LOTif .. ' , . . . . . . . . . . . . " 3
II. En marge de l'histoire d'une vieille famille bre- ,
tonne, par AVOCOURT et KERALLAIN. " . . .. 26
III Autour de R,-T.-I-L Laënnec, Quelques lettres
inédites de son père et de ses oncles, par J. SAVINA. 73
IV. , Carhaix ou Châteaulin., Querelles et intrigues pou~
la possession d'un sous-préfet en 1818, par
, . ' H, W AQUET. ' . ' . . . . . '. . . . .: . . ' . . 108
Additions et corrections, . .
116