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Société Archéologique du Finistère - SAF 1925 tome 52 - Pages 86 à 108
SAINT CORENTIN
ET SES VIES LA TINES
A PROPOS D 'UNE PUBLICATION RÉCENTE
Le dernier fascicule des J1émoires de la Société
d'histoi1'e et d'a7'chéologie de Bretagne (VI, 1925, 1
. partie), con tient une publication d'un intérêt capital pour
l'histoire de Cornouaille. Une Galloise, qui s'était distinguée
en 1914 par un travail remarquable sur saint Gilles, paru
sous son nom de jeune fille Ethel Cecilia Jones, et qui a
épousé depuis M. Robert Fawtier, dont les recherches
sur saint Samson ont fait l'admiration de tous les travail-
leurs, a donné dans ce fascicule une nouvelle preuve de
sa très solide érudition; elle y publie une étude sur
saint Cm'entin, elle texte d'une vita Chorentini, décou·
verte en 1910 par le regretté André Oheix. M. R. Fawtier
y a ajouté un avan t-propos dans lequel il évoque, par des
souvenirs intimes, l'émulation des élèves qui collaborèrent
aux: conférences dirigées à l'Ecole des Hautes-Etudes en
1908-1U 10, par un des plus grands érudits de notre époque
M. Ferdinand Lot. Le maître et ses élèves, « avec un
intérêt extraordinaire, et qui pour quelques-uns d'entre
eux, demeu re mystérieux)), étudièrent toute l'hagiographie
brelonne, seule source écrite de l'histoire de notre province
.iusqu'au IX
siècle. Un fort joli portrait d'Oheix précède
cet Le publication.
L'étude de Mme Fawtier est la confèrence qu'elle donna
à l'École des Hautes-Études en 1909; c'est une mise au
vila publiée par Dom Plain e, en 1886, dans le Bulletin de
?a Société archéologique du Finistère. M me Fawlier y a
ajouté les observations qu'Oheix lui' avait suggérées, eta
fait bénéficier son travail dp,s déductions qu'elle pouvait
tirer de la vita et de deux autres textes découverts par
Oheix. Les conclusions qui sor lent de cet article sont
remarquables de clarté, Mme Fawlier prouve que la vita
Chorentini publiée par Dom Plaine a été écrite quelque
temps avant 1236. Il faut ajouter que c'était aussi l'avis
de l'homme qui était le plus compétent en la matière,
l'abbé Duine, qui disait 1235 (1).
Une question délicate que M me Fawlier a peut-être trop
rapidement traitée, est celle que soulève l'inLerven tion,
dans notre vita, de saint Guénolé et de saint Tudy,
candidats à l'évêché de Cornouaille avec saint Corentin,
puis recevant tous deux, de sa main, la bénédiction
abbatiale. Mme Fawtier, (p. 25), considère qu'il y a là une
influence de la vita metr-ica de saint Guénolé (éd. La
Borderie, p. 81-82) : « notre auteur a emprunté Tudy à la
(1) L'abbé Ouine se fondait sur l'argument cité comme étant de lui,
p' 1.7, n. 25, et sur l'argument donné en hautde la p. 22. Je m'étonne
que M'"e Fawtier veuille que l'auteur de la vito, soit un Français écrivant
à Quimper j cette opinion émise p. 23 , est appuyée sur Je fait que l'auteur
, est partisan de Tours, et répétée p. 26 et p. 37 j elle ne repose sur rien.
- Quand à !'influenee de la chanson d'Aquin (p. 27), je fais beaucoup de
réserves. Je ne vois aucun lien qlli s'impose j Quimper est en zone
bretonnante et la littérature fran çaise y avait peu de succès. Il faut se
, méfier de la tendance qui consiste :i rechercher des sources littéraires à
tout ce que disent nos hagiographes. Notre hagiographe avait assez de
traditions, il connaissait la présence d'une chapelle ancienne déd iée à
saint Corentin en Plomodiel'D. Je me sépare aussi de Mme Fawtier,
p. 26, quand elle écrit que la consécration épiscopale de saint Corentin
, el la bénédiction abbatiale , de saint Guennolé el de saint Tud y apparais
sent comme le vrai centre de la vito,. Il n'y a pas de centre ' dans une
vito,. La vito, exalle les vertus d'un saint, sa supériorité, ses légendes.
Dire qu'il y aurait un centre laisserait croire que l'hagiographe a réuni
vila Winwaloei en identifiant le Tudual de ce texle, avec
le fondateur d'une des abbayes du diocèse de Cornouaille
Loc Tudi n. Il faut relire le passage de la vita metrica:
Jamque Lamen L ernos precesserat ordine sanctus
Eximius isLos Tutgualus nomine, clarus
Cum meritis monacbus, multorum exemplar babendus ;
Cujuscumque sinu caperet cum vestibus ignem,
Non tetigit flamma sed leni l'ore madescit.
Sed cum creliLibus vitam tum forte gerebat,
Cum ternis patria munitur fulta columnis,
Quarta tamen, vivens, quo corpore vixerat ipsè
Cum Christo vivit, quia non minus esse putatul' .
Les vers sont form els pour dire que Tudual avait précédé
l'époque de saint Corentin, de saint Guénolé et de Grallon
(1) ; il n'a donc pas été fai L d'emprunt à ce texte. Il est
(1) Texte important qui prouve que les COl'Douaillais avaient des
traditions sur saint Tudual puisqu'ils lui allribuent un miracle, que les
vies trécorroises de ce saint ignorent. Le cutte de saiut Tudual existe en
Cornouaille, il y est ancien puisqu'on à Landudal, ancienne trève de
Briec, et chapelle de Larnpabu en Plouhinec. Très certainement, ce saint
a étendu son apostolat à toute la Breta gne . Le Tréguier a gardé plus
particulièrement son souvenir. On vient ùe voir que la Cornouaille
possédait des légendes locales sur ce . saint, la vita Brioci, ecrite
prohablement au XIe siècle, donne une troisième version dans laquelle
saint Tudual n'est qu'un simple neveu de saint Brieuc, dilectissirno nepoti
suo , (si l'on voulait expliquer par l'histoÎ're ce passage de la vita Brioci,
on chercherait un souvenir d' une tentative de l'évêque de Saint-Brieuc
pour exercer sa suprématie sur l'évêché de Tréguier: force serait d'y
voir une allusion au Concordat ... ) La vita rnetrica ne s'est pas trompée
en pla ça nt saint Tudual bien avant saint Guénolé et saint Tudy; le culte
de sa int Tndual remonte à l'époque des noms de lieu en Plou-, Lan-,
Tré- ; le culte de saint Tudy est de l'époque bien postérieure des Loc-,
voyez à ce sujet I110n article la topographill du culte de saint Gildas,
dans les 1l1ém , Soc. d'hist, et d'archéol. de Bret., V, :1.924, p. 24, n. 32.
- Noter qne, si, comme le dit Mme Fawtier, (p. 2lj, ), notre auteur avait
connu les documents de Landévennec, il aurait exploité dans sa vita
l'épisode de la ch~rte xx du cartulaire, saint Corentin et saint Guénolé
recevant l'ambassade de saint Florent, saint Médard et saint Philibert.
plus simple d'admettre que notre hagiographeafait comme
ses confrères; il a mis son héros en relations avec saint
Tudy et saint Guénolé, aütres saints illustres de la région .
Il a de même conduit saint Corentin rendre visiLe à saint
Primel, il a décidé de le faire ren contrer saint Paterne el
saint M alo; ce sont là des procédés d'hagiographes;
l'abbé Duine l'a dit Cl).
Mme Fawtier a été moins heureuse lorsqu'elle a
examiné le nom de saint Corentin et la topographie de
son culte. Une première constatation s'imposait ; la
toponymie ne révèle aucun établissement ancien du culte
de ce saint; Si. bon nombre d'églises et de chapelles lui
sont dédiées, il n'existe sous son nom aucun Plou ,
Lan , Tré ,même pas de Lok (2). Sur le nom, ilfallait
rappeler une autre étymologie très intéressante, proposée
jadis par M. J. Loth, et qui semble devoir être préférée (3).
(:1. ) Ristoire de Dol, p. 233: « procédé fréquent dans la ba~se hagio
graphie, et qui consiste à mettre le héros, malgré les invraisemblances,
en rplations avec des saints illustres qU'Il éblouit el qu'il surpasse en
prodiges. Je pourrais citer quantité cl'exemples empruntés à l'hagiographie
de notre province. C'est donc chercher midi à quatorze heures, comme
le fait M. de Calan, que de tirer des conspquences mirifiques de la rencontre
des saints Corentin, Paterne et Malo (Rev. de Bret., août 19:1.0, p. 80).
Le conteur de la vita Chorentini, qui a peut-être répété tout simplement
ce qui circulait dans le folklore corisopitain, dit sous forme symbolique;
de près ou de loin, la réputation de notre saint attirait de grands perso"/!-
nages ». ,
(2) J e n'ai relevé que Trégorantin en Sérent, Morbihan (Rosenzweig,
D ictionnaire topographique du Morbihan. Carte E.-M.). Il ne parait pas
avoir existé de chapelle en ce point, c'est très certainement un tré laïc.
(3) J. Loth, Noms des saints bretons, pp. 28, au mot Corentin, p. 29
au mot Couran. La prononciation Cowran ou Cowrant perm et, dit
M. j. Loth, de supposer Cobra11t, avec le su fixe in bien connu. Le
secrétaire de mairie qui avait co pié le cadastre de Ploudaniel a induit
M. J. Loth en erreur. En Ploudaniel, il n'y a qll'un Langouron (Cadastre
et Carte E.-M.). que l'on prononce Langourounn (c f. p. 73) ; ce nom n'a
Enfin, il eût fallu être prudent en ce qui concerne le
Cornwall; il ' est délicat d'avancer que la paroisse de
Gury, dont le nom latin était' Gorentum au XVI" siècle,
représente le nom de notre saint. Il est certain qu'une
église était dédiée à saint Corentin dans cette paroisse (1),
mais it aurait été nécessaire de rechercher les formes an
ciennes, el surtout de s'assurer de la prononciation, pour
décider que Gury représente le nom de saint Corentin.
En dehors de celà, le cu Ite du saint peut avoir été
importé en ce point par les Armoricains etadoptéà cause
. du nom de lieu (21. La toponymie du Cornwall est une
matière bien délicate, à cause ries graphies; M. J. Loth
l'a dit bien souvent.
La publication du lexte de la vita Chorentini décou
verte par Oheix appelle quelques remarques de détail.
L'on regrette d'abord de ne pas trouver à la ~uile de la
vita les autres textes liturgiques concernant sain 1
Corentin, que Oheix avait aussi découverts (3). L'intro-
(i) J. Loth, op. cit., p. 28. Dans l'église de Bréage, tout près de
Cury, une peiuture murale du XV
représente Saint-Corentin, (Rodière,
Les corps saints de Montreuil, Paris, i90i, p. p. 275 et 276, na il.
Bréage et Cury sont voisins de Gunwalloè, paroisse dédiée il notre
. Saint-Guennolé ; celle région paraît avoir été envahie par des cultes de
saints bretons. A signaler que le culte dp. saint Corentin existe déjil en
Angleterre au xe siècle (Dom Gougaud, Le culte des saints bretons en
Angleterre, dans les Annales de Bretagne, xxxv, :1923, p. 603) .
(2) Quant à la montagnfl appelée ~fel!heniot dans le Cornwall, contrai
rement a l .'hypothèse de Mm. l"awtier, p.26, n. 58, elle n'a aucun
rapport possible avec le nom de notre Menez-Hom. .
(3) Oheix avait averti l'abbé Duine (Je sa découverte- immédialemen t
en :191.0 (Duine, Hist. de Dol, p.308, arld. à la p. 233). 11 lui avait
duclion est véritablement trop succinte; quelques rensei
gnements sur le manuscrit français 22362 de laBibliothèq ue
Nationale qui fournit cette vita, auraient été utiles: c'est
un recu eil de copies de pièces sur l'histoire de Bretagne ,
constitué par Gaignères ; la vita Chorentini copiée par
Du Paz est complètement isolée dans ce recueil (1). Il eût
l'hagiographie bretonne m'a dit à plusieurs reprises qu'il avait fourni à
Oheix. bien des renseignements pour l'étude littéraire de celle vita. .
Il y avait, outre la vita, « divers documents relatifs au saint» (jJ[emento,
p. 79, n. J) ; Oheix (c avait achevé un S. Corentin. contenant le tex te
d'une vita et divers documents liturgiques » (notice nécrologique sur
Oheix, Revue celtique XXXVIII, 1.920-2f, p. 247). Mme Fawtier a connu
ces documen ts, elle en cite deux, p_ 29, n. 67 et 68 ; malheureusement
elle ne fournit pas d'indications précises. Le i er (ms. lat. de la Bibl. Nat.
nO i29lJ,) est un bréviaire de Paris de 1.472, vélin sur 2 colonnes, on y
trouve (f" 2MH
) un office de sainl Corentin, texte assez voisin du texte
publié par Dom Plaine, mais plus résumé. Le second (ms. fr. 22321. de
la Bibl. Nat.), est le tome XXXVIII des Blancs-Manteaux, bien connu;
aux pages 728 et 729. on trouve une vita Chorentini en 9 leçons tirée
«ex veteri breviar. Brioc . , texte très résumé, parent de celui de Dom
PIaille, mais qui comporte le miracle du prisonnier de Coray, que ne
donne pas Dom Plaine ; ce texte est suivi des intitulés des chapitres d'une
vila tirée d'un « vetus breviar. namiet .. habens etimn 9 leçones » ; le
même manuscrit donne (p. 605), un court fra gment de vila, « ex brev.
ms. cenom )J _ Le tableau reproduit par Mme Fawtier (p. 37 ), fait
allusion à 4 manuscrits désignés par les ieltres E. C. F. J. sur lesquels
aucun renseignement n'est fourni. Si on suppose que Oheix désiguait
par ces lettres les 2 manuscrits ci-dessus, les nulres sont peut-être le texte
dont un COUI·t fragment est. pa ssé dans la Chronique de Saint-Brieuc
(reproduit par Dom Morice, Preuves, l, :1.0) ; peut-êlre aus~i faut-il y
voir le? légendaires de Quimper, Saint-Pol-de-Léon ('t Marmoutiers,
auxquels Dom Plaine (op. cit., p. 66), fait allusion (cf. Mme Fawtirr,
p.8, n. 6).
(f) Feuillets du même papier, L ous détachés, collés sur onglets et dont
la pagination est modeme. Aussi rien n'indique que le texte soit complet
(v. infra concernan t le fD 6lJ, dont le texte commence sans capitale au
haut de la page et dont les phrases précédentes ne se retronvent pas au
1 ° 63) . Je n'ai pas pu consulter le ms. fr. 22308 de la Bibl. Nat.
(cl. M me Fawtier, 'p. 8) qui contient une copie par Du Paz, de la transl3.
tion de saint Corentiu. Ce fra gment n'a-t-il pas appartenu aux feuillets
été intéressant aussi de dirè quelques mots sur le domi
nicain Du Paz, mort en 1631; il joue un rôle considérable
dans l'hagiographie bretonne. C'est par l'interm édiaire
de ses copies que plusieurs vies latines nous ont été
conservées. Beaucoup des vies latines réunies au
tome XXXVIII des Blancs-Manteaux (Ms. fI'. 22321 de la
Bibl. Nat.) dérivent de ses copies, ou ont été collationnées
sur ses textes. Il a publié une Histoire généalogique de
la Bretagne armodcaine, Paris 1619, et avait laissé en
manuscrit une Histoire de l'église brittanique contenant
la vie et les gestes des saints et la succession des évêques
" et prélats de cette pl'ovince ; c'était pour cet ouvrage
qu'il avait copié les vies latines de nos saints.
La copie exécutée par Du Paz se présente par frag
ments. Il n'y a qu'à voir le manuscrit pour se rendre
compte que Du Paz a lui-même copié sur différents
manuscrits; il est impossible d'admettre comme le fai t
Mme Fawtier (p. 35) qu'il utilisait un texte composite;
les blancs qui séparent certains fragmen ts sont parfois
considérables, 6 centimètres; la page 63 n'est écrite que
sur un tiers, le reste est laissé en bla nc; .Du Paz a donc
copié simultanément divers manuscrits ; c'est probable-
ment à Quimper qu'il a pu avoir en même temps ces
divers manuscrits sous la main.
Un premier fragment doit être mis immédiatement à
part: c'est le § VIII dans la copie Oheix. Le début, Pridie
ldus Decembris festivitas sancti Corentini, indique d'une
façon certaine qu'il s'agit là d'un martyrologe ; le court
passage qui résume très succin toment les § § V et VII et
la tin du § HI d'Oheix, reproduit la donation, à Corentin,
àge la chapellenie du Racher ou Rakaer; le texte dit
circuitus castri traduction latine du nom T1'O ar c'hastel,
Tour du chastel; (sUt' cette chapellenie voir Ca1'tulaire
de Qui't1~per, intr., p. XI, et p. ô7 n. 1). Cette origine de
propriété est bien le fait d'un martyrologe.
Ce passage mis à part, on peut reconnaître dans la vie
copiée par Du Paz, trois sources: d'abord deux manus
crits qui donnent un texte très proche du texte publié par
Dom Plaine. Un premier a fourni tout le texte publié par
Mme Fawtier qu'on retrouve dans Dom Plaine; les variantes
sont peu importantes, mais f'uffisent pOUl' établir qu'il ne
s'agit pas du même texte. Ainsi le § XIV, qui correspond
au § xv de Dom Plaine (chàtiment, puis pénitence et
guérison de la femme avare), contient une introduction
que n'a pas Dom Plaine, mais il n'indique pas le détail de
la solennité pendant laquelle eut lieu ce miracle; il ne
nomme pas l'apocrysarius. Du Paz contient la fin du
miracle, Dom Plaine ne l'a pas: il était pourtant néces
saire de dire que la femme fut guérie (1). Cette remarque,
à laquelle on pourrait en ajouter d'autres, établit suffi
samment que cette première source, bien que voisine du
texte de Dom Plaine, est un autre manuscrit.
Du Paz a utilisé · un autre manuscrit fort voisin aussi
de Dom Plaine, et il s'est trouvé copier deux fois le même
récit: la fin du § v depuis sedem Cornubiœ, le § VI et le
§ VII (2). Ce fragment commence dans le manuscrit de
(i) Le brév;iaire parisiE'n de HI:?2 contient la fin du miracle, comme
Du Paz, mais très ré~umée : (f E~ continuo surgens manum, que persex
dies clausa (uerat, omnibus monstravit appertum et cum omni gaudio,
Çhorentino refferens grates, Deum benédixit, cui est ho. nor in secula
seculorum amen. . .
(2) Mme Fawtier n'a donné qu'une analyse de cette partie du ms.,
p. 45. Elle fait erreur quand elle dit que cetle partie du ms. reproduit
Du Paz, en haut de la p. 64, sans capitale, ce qui indique
que c'était très certainement la suite d'une autre page
qui a disparu, ou que Du Paz a déchirée comme inutile
(cette hYPolhèse est fort possible, puisqu'il a barré le reste
du passage). Les deux textes sont voisins, mais plusieurs
variarites prouvent que ce n'était pas le même manuscrit
que du Paz avait déjà copié aux §§ v, VI et VII : aplau
d€ms au lieu de applaudens,Wingaloeum au lieu de
lYingualoeum, trahatur ad consuetudinem avec au
dessus de ce dernier mot consequentiam (en français :
tirer à conséquence) au lieu de trahatur ad consuetudi
nem; le texte se termine ainsi: tua authoritate episco
pali benedicito in Abbates. His itaque secundum sancti
Martini cons ilium in Abbatis benedictis suivi de points
sur ~ne ligne (1) ; le texte continuait donc, alors que le
texte du § VII se termine, la phrase étant finie. Ces
variantes prouvent qu'il s'agit d'un autre manuscrit.
A côté de ces deux manuscrils très voisins du texte de
Dom Plaine, le texte deDu Paz fournit des fragments qui
n'ont rien de commun avec le texte de Dom Plaine; il
s'agit d'une rédaction beaucoup plus développée, remplie
de mots savants, et c'est là la vie primitive, il n'y a aucun
doute à cet égard. Les rédactions voisines du texte de
saint Corentin à Quimper et la· bénédiction des abbés, un éloge de saint
Corentin (fin du § VIIl et tout le § IX ) passag!)s qu'on ne trouve pas dans
Du Paz. Ajouter que Dom Plaine n'a pas de conclusion à son § x, récit
de la bénédiction des abbés : Corentin reçoit de saint Martin le conseil
de bénir ses abbés, mais on ne nous dit pas qu'il procède à cette béné
diction. Du Paz dans ses deux copies au contraire, conclut: cf. supra,
une remarque identiqne pour le miracle de la femme avare; ici
encore le bréviaire parisien de :\6,72, donne aussi la conclusion. Letexte
de Dom Plaine écourte ses récits pour dodner ses éloges du saint et ses
diatribes contre le clergé, qu'aucun des autres mss. ne reproduit.
(t) La lign~ des points est à la fiu du fragment et non en dessus comme
l'écrit Mm. Fawtier. Le ms. donne dans ce fragment, et au texte corres
Dom Plaine et celle de Dom Plaine sont des abrégées de
cette vila; on retrouve des expressions entières que les
abréviateurs ont empnmtées.
Malgré cette découverte, il faut constater que nous
n'avons pas encore ullevita complète de saint Corentin.
Nous avons un certain nombre de rédactions abrégées,
toutes voisines du texte de Dom Plaine, et ne compor
tant pas tous les miracles (1). De la vita p1"ima, nous
avons seulement quelques fragments que Du Paz nolis
a conservés : § § x et XI, Corentin visite Primel, fait
jaillir une source; miracle de l'homme qui avait frappé
une anguille dans ceLtefontaine § xv, la .femme avare
- § XVI, le jeune homme de Coray prisonnier et délivré
par le saint § XVII, le voleur de soie. C'est là une bien
faible partie de la vita. Il manque presque toute la vie du
saint, l'entrevue avec saint Malo et saint Patern (2) ; il
manque enfin un miracle fort intéressant, que nous savons,
de source sûre, avoir appartenu à la vita .- celui de la
reine qui allait périr étranglée par un chien et qui ne dut
son salut qu'à l'intervention du saint (3). ,
(il Toutefois la vip, copiée au tome XXXVIII des Blancs-Manteaux
d'après un vieux bréviaire' briochin, et qui est plus résumée encore que
les autres vies voisines de Dom Plaine, relate le miracle dn paroissien
de Coray rapporté au § XVI de On Paz : « Est aliud miraculum non
tacendum : quidam nocturni prredones, parrochiam de Corche terra
B. Corentini intrantes, quendam juvenem in archaru retruseruntligatum,
qui B. Corentinum invocansetsrepeexorans, ab archa fractis compedibus
exivit; qui arch a percussa haculo Corentini liberum ministravit egressum ».
Les autres vies abrégées ne reproduisent pas ce miracle.
(2) Cei épisode se retrouve dans le texte de Dom Plaine, dans le
bréviaire,parisien de H72, dans le texte des Blancs-Manteaux (ces deux
textes donnent lI-faelocus au lieu de lI-faclovius), et dans le vieux bréviaire
de Nantes dont les titres sont reproduits à la suite du texte des Blancs
Manteaux, ce dernier texte donntl Macloviu8. L'on doit donc décider
que cet épisode fait partie du fond ancien de la vita.
(::1) Nous conuaissons ce miracle par la vita Ronani publiée au
Catalogu8 Codicum hagiogr. latin. Bibl. Nat., 1, p. 456. L'on verra,
par ce qui sera dit dans la suite sur l'auteur de la vita Ronani, que ce
renseignement qu'il fournit, est tres sûr. Ce passage de la vita Ronani
III
En ce qui concerne le lexte imprimé, que Mm. Fawtier
dit avoir collationné sur le manuscrit, plusieurs réserves
s'imposent. D'abord une première remarque, il eût fallu
s'arrêter à un système d'écriture pour le latin : ou bien
transcrire servilement Du Paz qui ignore les v et les j,
ignore les œ, etles œ (oua e,o e) à l'inlérieurdesmots, mais
écrit presque toujours œ, ou e avec cédille, à la fin des
mots; ou bien il fallait adopter résolument l'écriture
habituelle du latin en France. Mm. Fawtier rétablit tantôt
a e ou ° e à l'intérieur des mots, parfois elle en rétablit
où il n'en faut pas, ou met 0 e alors qu'il aurait fallu
rét~blir a e ; on trouve iocundo, iussionis et justiciam,
just01'um, juclex. Il eût fallu ensuite ne pas faire de cor
rections sans nous en avertir, et toujours donner en note
le texte du manuscrit. Les form es incorrectes autaient
dû être suivies de sic pour que l'on sache que tel est bien
le texte du manuscrit. Pour tous ces détails, Mme Fawtier
aurait pu adopter la méthode d'Obeix . . Oheix avait
publié la vie illédite de saint Cunwall selon les règles les
plus sévères de la critique (Revue celtique, XXXII, 1911,
pp. 154-183). Il avait été aidé dans ce travail par l'abb~
Duine, le plus sérieux des guides. Mme Fawtiel' n'avait
qu'à reprendre la méthode d'Oheix. .
.' L'on trouvera ici quelques corrections et additions au
texte publié par Mme Fawtier.
§ II, 1. 2. Ploemadiern (sic). c'est aussi la leçon
§ III,
du bréviaire parisien de 1472 et du texte
des Blancs-Manteaux .
l 13. quantam; ms. : quando. - quantam est
un non sens.
1. 10.
refectionem; ms. : reffectionem.
superabundantiam ; ms. : superhabun dantiam.
§ III,
§ VII,
§ VIII,
1. 12.
1. 13.
cum tota familia ; ms .. : cum tota familia
sua.
Evangeli ; ms. ; Evangelii. Évangeli
est un barbarisme .
1. 19. procedens; ms. ; prociden.~.
1. 2. proesumpsisset; m!'.. ; presumpsisset.
Il eut fallu rétablir prœ. .
1. 4. piscem sanatam praecepit ; ms. ; piscem
sanatum precepit. piscis est masculin .
- nous ne relèverons plus par la suite
les autres a e.
1. 8. archiepiscopum; ms. ; archiepiscum.
1. 9. dioecesim; ms. ; dioesesim.
1. 8. sicut; ms. ; ut. ici, et dans l'autre
1. 12.
1. 13.
texte du fo 64.
WinUlCaleo; ms. ; Vuinuualeo.
dioecesim; ms. : dioesesim .
Grazdrono (sic).
silvas est au-dessus de la ligne après et.
La place des copules indique que le texte
a souffert.
§ IX, 5· !. avant1 afin emanere; ms. ; emanare. - emanere est
un barbarisme.
§ x, . p. 43, l. 1.
' Occeano (sic). -- les vers sonL disposés
dans le ms. comme dans l'imprimé.
praecorclis,. ms. ; prœcordiis.
ammonuerat ad Dei .. ; ms. ; ammonuerat
scilicet ad Dei.
1. 12.
1. 19 .
l. 35.
p. 44, 1. 13.
differentem ; ms. : de fferentem .
pedetentium; ms. ; [lerleientim. pecle-
tentium est un barbal'isl1l(:.
§ XI, 1. 1. nonnula; ms. ; nonnulla.
§ XII,
§ XIV,
1. 5. prefacium; ms. : pre(atum.
p. 45, 1. 12.
nonnuli; ms. ; nonnulli.
fœnore ; ms. ; fe nore.
pas changer le texle.
Il ne fallait
presentenclum ; ms. : presentandum.
presentenclum est un barbarisme.
p. 47, 1.
3. coram fuisii,. ms. ; coram quibus fuisti.
1. oculis; ms. ; occulis .
§ xv, 1. 2. la référence aurait du être renvoyée en
note; ce n'est d'ailleurs qu'une très loin
taine réminiscence du passage de s. Paul :
inrluimini Dominwn Jesum Christum.
l. 16. Tugdual; ms. : Tudgual. Les deux
formes sont d'époques très différentes,
et la forme Tudgual du ms. est beaucoup
plus ancienne.
p. 48. l. 1. concLicito; le ms. donne concLicto (et non
concListo) quLest bon.
1. 7. pretiosi; ms . : preciosi.
1. 17. en marge le cbiffre 2.
1. 20. que, e est eédillé; il fallait donc lire quœ .
l. 26. coram populo verecundaretur; ms. :
cOl'am populo ferre verecundaretur.
p. 49, 1. 7. incurisse; ms. : incurrisse. Cf. infra
l. 18 : incurristi .
1. 30. les vers sonl confondus dans le texte.
1. 37. veridio; ms. : veridico.
p. 50, l. 16. proe.!atum; ms. : pre.!atum c'est un œ
qu'il aurail fallu rétablir.
1. 37. imburim (sic) ; vole (sic). - imburim est
inexplicable. Du Paz n'a pas compris
ce mot, non plus que vole (vola, volœ
paume de la main) sans quoi il aurait écril
volœ, que Mme Fawtier aurait dû rétablir.
§ XVI, 1. 9. Corae; ms. : Coroe. Le ms. donne une
fOf'me identique à celle CJue donnent les
chartes et pouillés.
1. 12. capi" cefiore ; ms. : capi cepere.
1. 16. clw'e voce; ms. : clara voce.
1. 19. .!rulitatis si; ms. : ('rust7'otis se.
1. 21. frvola; ms. : fi'ivola.
p. 52, 1. 6. sibi, la tacbemenLionlléeà la n. l, couvre
ce seul mot qui est illisible.
1. 13. iniquissime; ms. : iniquissimœ.
1. 16. er'ipatur; ms. : erigatur.
1. 21. emisciclum; ms. : emisciclium. ce mot
e~.t cité p. 51, 1. 14 (ablatif pluriel: emici
chis) ; ce sont les demi-anneaux CJue l'on
rapproche et rive ensemble pour former
§ XVI,
§ XVlI,
1. 27. in iribulaiione sue; ms. : in tribulatione
sua.
1. 37. roboaniem (sic). Il faut lire reboaniem
. (cf. vita Ronani, § 12, reboando Christi
magnalia).
1. 3. Ad huc; ms. : Aclhuc.
1. 4. alique; ms. : aliquœ (e cédillé).
1. 10. exterrarum; ms. : exterarum.
1. 16. cerici; ms. : seT'ici.
1.31.
omnmm meseren; ms. : ommum que
mesereri (sic).
p. 54, 1. 6. paralitico in oro mate ; ms. : paralatico
inotomate; le second mot est au-dessus
de la ligne ; dessous la ligne il y a
1. 25.
moromate. Du Paz n'a pas compris, il a
transcrit deux lectures possibles, parmi
lesquelles, il choisirait ultérieurement.
Il faut lire in oro mate, forme très rare
du mot /wT'ama, orama vision. Le texte
correspondant des ms. voisins de Dom
Plaine donne in visione (grec ~pcxp.cx ;
opcxp.cx't[~OP.CXL se trouve dans les Septante).
v. infra, p. 55, 1. 31.
Tunc; ms. : Tu ne. La phrase donnée
dans le papillon qui forme le fo 68 ne fait
pas partie de notre texte; c'e"t le titre
du §, qui, comme dans Dom Plaine
(§ xvII), commence deux lignes plus
haut: Nocte vero insequenti.
luci; ms. : lucis . Jam lucis orto sidere
est le premier vers de l'hymne de prime
au bréviaire romain.
. 1. 27. conventionis; ms . : conventione.
1. 30. hoc; ms. : hac.
p. 55, 1. 6 exprobabilis; ms. : exprobrabilis .
Tunc; ms. : Tu ne.
1. 7. transcendere; ms. : trans scenclere.
1. 18. ciria; ms. : cÙ·ca .
1. 24. malesuadae; le ms. donne malesuada;
il faut lire malesuadœ. - corrigibiles(sicL
il faut lire corrigibilis. Le texte semble
douteux.
100 -
§ XVII, 1. 31. Du Paz a mis in aromate sur la ligne,
indeniem est en marge; valuerit a été
rayé et remplacé par viduerit qui le suit.
On voit que Du Paz a eu du mal à lire son
texte (cf. sufra p. 54, 1. 6).
p. 56, 1. 5.. perlITnniter; ms. : perhenniter (l}.
Un certain nombrede mots rares devaient être expliqués ;
tout le monde n'a pas à sa disposition le glossaire de Du
Cange ou d'autres instruments de travail du même genre.
Au § XI, p. 45, 1. 11, le terme occare, qui au sens propre
signifie herser, a ici le sens, signalé par Du Cange,de
sacrifier, Luer. A défaut d'explication, .on est tenté, à
première vue, d'y voir une.fausse lecture pour occidere.
Le mot cicinnum (p. 45,1. 21) est très rare. Du Cange n'en
ciLe qu'un seul exemple qui ne lui a pas permis de préciser
le sens (c vestis, oruamenLum, fasciola» ; ici, aUCUll doute:
c'est un ornement de tête. Au § xv, l'expression apocri
saJ"ius ecclesiœ, qui se trouve aussi au § xv de Dom Plaine,
demandait un commentaire; apocrisarius désigne géné ralement le mandataire, le délégué; ici c'est le prêtre
délégué pour assurer le service religieux et l'administra
tion de la paroisse desservie dans la cathédrale ; c'est le
vicaire perpétuel (2) ; p. 49, 1. 2, incenata est encore un
mot très rare; Du Cange renvoie au verbe incœniare,
(1) Il ya certainement d'autres erreurs que je n'ai pas relevées, n'ayant
pu procéder ù un loug examen du manuscrit; c'est ainsi que pour imper
tiret, p. 4,9, 1. 16, je n'ai pas relevé si telle était la leçon du ms. ;
quoiqu'il en soit, ce mot est incompréhensible, et il faut lire impertiri,
comme dans le passage de la Bibie (Tobie, VI, 7).
(2) A Quimper, ce vicaire perpétuel a disparu de fort bonne heure,
puisque dès 1296 la paroisse de la cathédrale était partagée en sept petites
paroisses ou chapellellies, les quelles continuèrent il être desservies dans
. la cathédrale. Il en fut de même à Saint-Pol-de-Léon, où on constitua
sept vicariats, tous desservis aussi à la cathédrale. A Vannes, au
contraire, l'institution du vicaire perpétup] dans la cathédrale subsista
jusqu'à la Révolution .
- 101
{( stupere, cessare» ; 1. 35 le mot coessentibus, participe
d'un verbe coesse, « simul esse », est encore ùn mot quasi
inconnu; p. 50,1. g, eptatico die1'um CU1'riculo, le septième
jour, § XVI, p. 51,1. 14, emicicliis boiarum répété p. 52, I. 21,
(1), § xv in fine,gazophilacium, le tronc du temple de
Salomon, § XVII, zabulus le diable, les mots grecs, cleptes
voleur, cleptim en volant, onomata les noms, orama;
vision (2), soma, le corps (3), exomologesis, confession,
apostatica cogitatio, aposta suggerente, apostatico
cogitatu, les pensées sataniques eL le Démon qui les
suggère, a{!almatha les statues, etenfinsancto Pneumatî,
le Saint-Esprit (4), tous ces mots méritaient un commen-
taire. "
Il s'imposait ensuite d'indiquer les emprunts à l'Ecriture
Sainte et aux textes liturgiques; on en trouvera un
certain nombre dans l'édition de Dom Plaine, pour les
chapîtres communs à ce texte et à celui de Du Paz. Au
§ VII, ut erat columbinœ simplicitatis et se rpentinœ pru
dentiœ est un emprunt à saint Mathieu, x, 16 (estote ergo
(i) Sur ce mot, v. supra notre addit. à la p. 5i, 1. U.
(2) Sur ce mot, v. supra notre addit. à la p. 54, 1. 6 et à la p. 55. L 3i.
(3) Sur ce mot, dans l'hagiographie bretonne, v. Duine, Memento,
p. 83, n. 4.
(4) Sur ce mot dans l'hagiographie bretonne, v. Duine, Memento,
p. i):,!, n. 2. Mme Fawtier ne se doute pas que, dans une vita, tout
doit être étudié: au § XVIIl. 12, le voleur de soie, qui est un léonard
est donné comme filius Belial, c'est-à-dire un impie, un mécréant, un
bandit de la pire race, expression empruntée à la Bible, (Juges, XIX,
. 22, Rois I, II, 12). L'auteur de la rédaction Dom Plaine n'a pas compris
celte expression; il a cru qu'il s'agissait du fils d'un certain Belial, et
comme il trouvaille nom du père du voleur, il a cru qu'il fallait aussi
donner un nom au voleur; il lui a fabriqué le nom Rapsadulus, latin
macaronique dérivé . de rapere, et il écrit Rapsadulus, cleptis, filius
Belial, inter et ceteros venit. Ce" détail est amusant, mais l'erreur de la
rédaction Plaine a l'avantage de confirmer, de façon indubitabll3, que
ceUe rédaction dérive du texte Du Paz.
102 -
prudentes sicut serpentes et simplices sicut columbœ).
Le mot septemplex au § x, p. 43, 1. 10, est un emprunt à
l'EcclésiasLe, xx, 14 (1). Les lignes 18 et 19 du § x sont une
broderie sur un passage très connu de l'épître l de saint
Pierre. v, 8-9: Sobrii estote et vigilate quia adversarius
veste?' diabo!us-, tamquam leo rugiens, circuit quœrens
quem dev01'et, cui resistite (motes in fîde. Au § XII, p. 45,
nous avons une allusion très lointaine à l'évangile des
talents (Mathieu, xxv, 14). Le § xv, p. 49,1. 8, reproduit
le début de l'introït du dimanche dans l'octave de la nati-
vité : dum medium silentium tenerent omnia et nox in
sua CUTSU medium iter haberet. passage qui avait été
emprunté, avec une faule, à la Sagesse, XVIII, 14, Cum
eni' in quietum silentium contineTet omnia et nox in suo
cursu medium iter haberet (2). Au même chapitre, p. 50,
1. 19 et seq. Fides tua te salvam (ecit est un emprunt
à l'Evangile (Mat., IX, 22, Marc., v, 34, Luc., VII, 50) ;
quodcumque patrem in nomine Jesu petierit, est une
réminiscence de saintJ ean, XIV, 13, XVI, 23. La fin du § xv
a tiré le mot gazophilacium et l'épisode dA la veuve, de
saint Luc, XXI, 1 : vidit eos qui mittebant mune1'a sua in
gazophylacium divites, vidit autem et quandam viduam
paupel"culam mittentem œra minuta duo. Au § XVII,
p. 54, 1. 25, Jam lucis orto sidere est le premier vers de
l'hymme de prime du bréviaire romain, hymne attribuée
à saint Ambroise ou plu:'> probablement à saint Grégoire.
(1) Les 1. 27-29 de la p. 43 au même §, paraphrasent le psaume 144, .
t 8-19 : Prope est D ominus omnibus invocantibus eum, omnibus invocan
tibus eum in veritate . . Voluntatem timentium se {aciet, et deprecationem
Ilorum exaudiet et sa/vos {aciet eos.
(2) Quelques lignes plus bas, la phr~se Omni petenti te tri bue et ne
avertas {aciem tuam ab ullo paupere ; si mzlltmn t'ibi fuerit habundanter
stude, si exiguum fuerit, illud etiam exiguu7I! impertiri stude, provient
103 -
Le texte devait être étudié au point de vue littéraire et
surtout au point de vue du vocabulaire. Telle était l'opi
nion d'Oheix qui était l'élève de l'abbé Duine. Or il y a
dans ce texte un nombre considérable de termes pédants,
de formules curieuses, les formules pour désigner la
succession des jours par exemple. Si Mme Fawtier avait
examiné son lex te à ce point de vue, en s'aidant des
recherches de l'abbé Ouine, elle aurait fait très facilement
une d8couverte bien curieuse: L'auteur de la vita Cho
rentini est celui qui a écrit la vita Ronani; même style,
mêmes expressions, même vocabulaire (1). Le relevé
des expressions communes aux deux lextes le démontre
péremptoirement: le }.'Uot cUma que l'abbé Duine disait
être le tic littéraire de l'hagiographe de saint Renan, se
retrou ve dans notre vita (§ XV, p. 48, 1. 14); il Y a d'au
tres expressions chères à notre auteur et qui sont aussi
des tics : Tune temporis, Nec mora, supradictus,
prœfatus, sœpedictus, antefatus qui émaillent le texte
des deux vies. Le terme archimandrita Chorentinug,
le mot tripudiare, notés comme curieux par l'abbé Duine,
se retrouvent aussi dans notre vita (§ x, 1. 13, § XVI,
p. 52, in flne) ; d'autres mols pédants sont communs aux
deux textes; famina, paroles (Chor., x, p. 44, 1. 27. Ron.
§ 3), zabulus (Chor., § XVII, 1. 13, Ron., § 8 et 9), in
somate (Chor., § XVII, p. 54:,1. 19, Ron., § 10), interca
perla (Chor., § x, p. 43, 1. 81, Ron., § 11), separ (Chor.,
§ XVI, 1. 10. Ron., § 9), [remeareJ ad prop1'ia (Chor.,
§ XVlI, 1. 21, Ron., § 8), nequitia pe1'urgente (Chor.,
(i) Je veux rendre à l'abbé Duine ce qu'il lui appartient. Or c'est la
n. i , p. 1.02 du Memento, qui m'a, dès la lecture du texte de Mme Faw
lier, ouvert la cIel du mystère, si lant est qu'après cette note, il pouvait
subsister un mystère pour quiconque lirait le texle Fawtier .
10'1 -
§ XVII, 1. 14), tristitiaperurgente (Ron., § 4), molimen
(Char., § XVII, p. 55, 1. 8, Ron., § 2 et9), cleptes (Char.,
§ XVII, Ron., § 5 et 9), actutus (Char., § XVII, p. 55,1. 27
Ron., § 15), etc., etc. . .
Des phrases entières sont reproduites dans les deux
textes: evolutis paucorum diebus curriculis au § XV,
p. 49. , 1. 19, repris deux fois sous une forme un peu diffé-
rente au même §, se retrouve deux fois dans la vila
Ronani sous la même forme, § 3 et § 9. Notre Dei cultor
specialissimus § xv, p. 48, J. l, est le fidei cultor ' spe
cialissimus de la vita Ronani § 1 (cf. le sacrœ legis cultor
du § 2). aromatica fragrantia au § XIII rappelle sanctœ
frag1'antiœ timiamaterium § 9. Tua sune hœc, tua,
Chris te, magnalia, au § xv in fine, correspond à la vita
Ronani § 6 : Tua sunt, tua hœc mirifica, Domine, ma gnalia. (Magnalia, mot chéri de notre auteur, Ron., § Il
et § 12). Sanctus cujus in prœcordiis almus cluebat
spiritus, § x, p. 43, 1. 12, a son équivalent dans Ronanus
cujus in prœcordiis almus cluebat spiritus, § 6 ; Noctis
vero .... ingruente conticinio .... cui membra soporato
in ipsiu:; noctis galicinnio .... § XVII, p. 54, 1. 36 (cf. § x,
p. 43, 1. 10) se retrouve dans la vita Ronani § 10 : Noctis
ingl'uente conticinio memb1"a Z eto locat soporitero; circa
vero noctis ipsius gallicinium. Qui vocem emittens pro
dolore lachrirnabilem, p. 55, 1. 14, est identique dans
saint Ronan , § 10. Au § xv, p. 49, 1. 18-20, une phrase
rappelle de très près celle de la vita Ronani § 4 : tristilia
te non moclica perurgente nec immerito, sed tristitia
tua vertetur in gaudium. N'oublions pas, enfin, le
nom de Quimper, Confluentia, commun à nos deux vitœ.
Ore rabioso esl dans les deux texles (Chor., § XVI, p. 52,
1. l, Ron ., § 6, cf. rabiosorUin canum dans ce même §) (l).
105
Il n'y a aucun doute, la Vita Chorentini et la
Vita Ronani sont du même auteur (l). Si Mme Fawtier
avait étudié son texte au point de vue liltéraire elle
serait arrivée très facilement à celte conclusion; ceLte
conclusion précise riOS données sur l'hagiogrilphie cor
nouaillaise. L'auteur est un chanoine de la cathédrale de
Quimper. Il est très attaché à sa basilique (basilica dans
les deux vies) ; il Y place non seulement les miracles
posthumes de saint Corentin mais aussi ceux de saint
Ronan, et dans les deux vies il cite des miracles qu'il a
connus personnellement.
L'on possède un autre fragm ent du même auteur, c'est
une pièce ducartulaire de Quimper, qui porte le n° 13
dans l'édition donnée par l'abbé Peyron. Ce passage sem
ble avoir fait suite à la vita Ch07'entini de Du Paz; c'est
le résumé de toutes les donalions qui furent consenties
au chapitre; mais ce n'est pas l'énumération indigeste
d'un terrier, l'au leur relate les faits qui ont incité les
donateurs , raconte le miracle du comte Alain, atteinl
d'une maladie d'yeux, conduit par son épouse implorer
l'intervention de saint Corentin et guéri immédiatement.
cences qui hantaient l'esprit de notre auteur. Des recherches permeLlraient
de savoir ou notre auteur a puisé ces formules . D'autres, que l'on ne
retrouve pas dans la vila Ronani, sonl très jolies : illucente aurofa, § IX.
\. 10, ut primum terris redditus dies efTulsit, § XVI, p. 52, 1. 28, cum
sol occideret et noctis pallor adesset, § XVII, p. 54, 1. 35 j notre auteur
a tout un bagage d'expressions pour désigner la succession du temps.
Il se peut que ce ball"age lui vienne d'un recueil, comme on en possédait
au moyen age.
(1) Le fait que ces deux vies sont du même lIuteur permet de
décider qu'il n'y pas eu, contrairement à ce que dit M me Fawtier, un
liber miraculorum sancti Chorentini (p. 36-37). La vita Chorentini a
été écrite par le même auteur avec ses miracles, comme la vita Ronani.
Malheureusement, de la vita Chorentini écrite par l'auteur de la vita
Ronani, nous avons que des fragments. On com prend pourquoi, nous
- 106
Les phrases sont joliment tourn ées, il y a des recherches
de style, et l'on retrouve 1eR expressions aimées de notre
auteur; un seul paragraphe suffirait pOUl' reconnaÎlre
notre hagiographe :
Alanu s igilur consul, Benedicti comitis filius, cum in
Leonellses, qui fin es regionis suc nocilura sibi tem e
rilale in vaseranl, ad bellum properaret, votum vnvit.
Domino sanctoque CllOrenLino ut, si, viclis hostibus,
ad propria remearet, telTas S. Chorenlini sine dila
lione ampliaret. Leollensibus igiLur victis, cum
predictus consul ad ecclesiam S. Chorentini in
confiuenlia venisset, haul immemor voU, juxta illud
dicenlis psalmographi rooete et 7'eclclite (1), quamdam
lribum nomine Lesbuzgar . . . . dedit.
L'on a déjà remarqué plus haut l'expression ad pra-
pria remew"e que l'on retrouve ici; Tatum vavit, victis
hastibus victO?" sont les alliléralions habituelles de notre
Ronani fail allusion (la rcine dévorée pHI' les chiens et sauvée par le
saint), devait appartenir li notre vila Chorentini. Mme Fawtier fait
errrur en écrivant, p. 36, que ln vita Ronani se retrouve dans le car
lulaire de Quimperl é du Xilt siècle (ce qui aur8it permis de dater cette
vital· Dom Lobineau, a cité, II, col. 97, un passage de la vita Ronani
.(ou plutôt quelques fra gments, comme le révèlent les points de suspen
sion) Pl'Ilpl'ullté, dit·illui même, ex ms. codice abbatiœ Kemperelegiensis,
;i un ms. qui appartenait à l'abb8ye de Quimperlé. S'il avait emprunté
ces fragments au cartulaire de Quimperlé, il aurait écrit ex cartul
J( empereleg.
MM. Maître et de Berthou, dans leur édition du cartulaire de
Quimperlé (1902, p. 302), ont reprorluit le passage de Lobineau et
supposent que Lobineau l'a peut·Mre tiré du ms. rie Dom Le Duc; il
vaut mieux admettre que Lobineau a copié un vieux livre liturgique. -
Comme p OUl' saint Corentin, nous avons pour saint Renan des vies
abrégtles de la vie primitive, ains i celle que les Bollandistes ont puhliée,
AA SS . Juin, t. J, pp. 8i-8~ ; les longs développements et la pédanterie
du vieil hagiographe furent jugés fastidieux, on a résumé et le bré viai re a été plus court.
(i) Psaumes, 75, 12.
107 -
a uteur; in confiuentia es t commun aux trois textes pour
désigner Quimper; haut immemor' sui ?;oti est une tour
nure aimée de notre hagiographe; psalmographus est
un de ces mots pédants qu 'il recherche . La suite du pas sage fournil d'autres termes intéressants : p?"opalari (cf.
Ron. , § 7). l'excla mation Pr o net as (cf. Ro n. , § 5), et
l'adverb fl a musa nt unanimiter' (cf. Chor., § xv, p. 50),
qui fait pa rtie de la série des adverbes en -te? ' de la 1Jita
Chorentini (cognoscibilite1', compassibilite1' , lugubriter ,
lachmabititer, incunctantu, immised c01Yl ita . etc.) ( 1).
En r éunissant tous les élémen ts que fourn issent la v ita
Ronan i, les pa rties a ncienn es de la vila Cltorentini. e t
la pièce 13 dl: Cartulaire de Quimper, e n ul ilisant les ren
seign ements que l'a rchéologie pourrait livr.-!' concerua nl
la da te où fut rebâ lie la cathédrale roma ne de Quimper ,
on arriverait à des précisions sur l'époque de notre
au leur. Ce ne peut être le but de ces quelques lignes.
L'on voit par ce qui précède , co mbien le trava il de
M me Faw lier, e t le te xte jadis découvert par Oheix et
publié par elle, offren t d'j nLerè t. J'ajou le très simplement
ces quelques noies a u monument qu e M me F awtier a
élevé à la mémoi re d'Oheix. Je la pri fl d'accepter cette
(1) L'abbé Peyron, Cartulaire de Quimper, p. 37, n. 2, dit que ce tte
pièce dut être composée peu après 1086. Elle ne saurait lui être beaucoup
postérieure. car la comtes~e Judith, morte en 1063, est dite nostri tem
paris mulier relig iosissima ; il Y a une invecti ve très violente contre
l'évêque Benoit mort en 111.3, contre la comtesse Havoise morte en
1072 ; il n'en faudrait pas décider que celte pièce ait été écrite après la
mort de ces perso nnages. Notre auteur est ace rbe. Le prologue du texte
0 0 111 Plaine le prouve, il vise directement l'évêque de Cornouaille, et ce
prologue me paraît avoir appartenu à [a vita prima, les vies abrégées
108 -
humble collaboration d'un autre élève du cours de notre
venéré maître 1 .... 1. Ferdi na nd Lot, élève qui venait ra re
ment aux confénmces, mais en a gardé aussi le fid èle '
souvenir. C'est une lourde tâche que de mettre au jour
un travail entrepris par les héros que la guerre a
fauchés. J'ai tenté, moi aussi, de publier les notes d'un
camarade tu é non loin de l'Argonne en février 1 915; je
n'en admirA que davantage Mme Fawtier; elle est venue
au bout de sa tache; elle y a mis toute sa science, son
cœur et sa piété; il faut l'en féliciter . Ceux qui ont connu
Oheix, et tous les historiens, lui en seront rAconnaissants.
J'évoquerai ici un souvenir de la guerre l.I!i me per
mettra de demander des excuse8 pour la franchise de
ma conclusion .. En octobre 1918, j'appartenais à la divi
sion qui reprit aux Allemands ce coin terrible de Vienne
le-Château à Binarville. Un jour je rencontrai un ami
d'Oheix, l'abbé Lemasson, aumônier de notre division
et historien très avisé de la Bretagne, avec qui j'avais
plaisir à m'entretenir. Il me dit que c'était dans ce secteur
qu'Oheix était tombé, qu'il avait vainement cherché sa
tombe ; puis nous parlàme E? de l'abbé Duine: le nom
d'Oheix avait appelé sur nos lèvres celui de son grand
ami. Oui, an nom glorieux d'Oheix, il faut méler le nom
de son maître aimé, que nous pleurons aussi. Mme
Favvtier devrait mieux étudier les travaux de celui qui
possédait à fond l'hagiographie bretonne. Si elle l'avait
moins méconnu, si en même temps elle avait suivi les
conseils judicieux qu'un autre ami d'Oheix, M. Joseph
Loth, a maintes fois prodigués, so n travail sur saint
Corentin , déjà si remarquable, y eût enco re gagné.
-124 -
DEUXIÈME PARTIE .
Table des ,Mémoires publiés en 1925
I. Manoirs et rues de Penmarc'h, par
F. QUINIOU [ nne planche]. . . . . . .
l'abbé
II. Liste des juridictions exercées au XVIIe et au
xvm
siècles dans le ressort du présidial de
Quimper (suite) , Sénéchaussée de Morlaix et
PAGES
de Lanmeur, par IL BOURDE DE LA ROGERIE.. 13
Ill. 1 Documents sur le Cap-Sizun. Il Les habitants
du Cap-Sizun demandent un médecin (1609).
III Requête du Roi... pour êtr~ déchargés de
certains impôts (1566). IV Etat du monastère
des Ursulines de Pont-Croix en 1720, par
DANIEL BERNARD . . . . . . . . . . . .. 35
IV. Deux lettres de Guillaume Laënnec sur la guerre
navale en 1779, . . . . . . . . . . . ., 44
V. Quelques réflexions sur l'ordonnance autographe
de Laënnec, par le Dr L LAGRIFFE [une
planche]. . . . . . . . . . . . . . . 49
VI. Nos vieux grands chemins et la corvée en Cor
nouaille et en Léon à la fin de l'ancien régime,
par J. SAVINA [une planche] ....... , 52
VIL Saint Corentin et ses vies latines à propos d'une
publication récente, par LARGILLIÈRE. . . .. 86
VIII. Première contribution à l'étude des noms d'hom-
mes et de lieux du Cap-Sizun, par J. LOTH et
D. BERNARD. Introduction par J. LOTH ...