Avertissement : ce texte provient d'une reconnaissance optique de caractères
Société Archéologique du Finistère - SAF 1925 tome 52 - Pages 35 à 43
DOCU~iENTS SUR LE CAP-SIZUN (1)
Les habitants du Cap-Sizun demandent
un médecin (1609).
« Henry, par la grâce de Dieu, Roy de France et de Navarre,
à noz amez féaux conseillers les gens tenant nostre cour du
Parlement à Rennes, séneschal et bailly de Kemper-Corentin
ou son lieutenant et autres noz justici.ers el officiers qu'il
appartiendra, Salut. Sur la très humble remontrance qui
nous a esté faicte par noz bien améz le5 habitants du
bailliage de Cap-Sizun (2). ceux de la ville de Pontecroix, des
villages et paroisses d'Esquibien, Pormelen (3), Oléden et
Audierne, évesché de Cornouaille et autres de l'évesché de
Léon, qu'ès lieux de leurs demeures, mesmes dans l'estendue
desditz éveschés, il n'y a aucun médecin ny opérateur pour
les assister, sçavoir penser et médicamenter en leur maladie,
de sorte qu'ilz sont nécessitez d'en aller cercher à Kemper
Corentin, esloigné de huit et dix lieues; ce qu'ouItre les
longueürs et fraiz très grandes, faict que bien souvent les
pouvres malades ne sont pas pensés etmédicamentéz à propos
et meurent faulte d'estre secourus promptement; c'est
(1) Voir Bulletin de la Société archéologique du Finistère, t. XXXVII,
1.91.0, 3.
(2) Bailliage a ici le sens de circonscription fiscale féodale,
circonscription administrative.
(3) Primelin.
pourquoy ils nous ont très humblement supplié et requis
a voir agréable l'élection qu'Hz ont faicte d'Augustin Bédouere,
opérateur résidant depuis trois ans audict pays, lequel ilz ont
trouvé très expérimenté en son art, ayant depuis les temps
demeuré audict païs et faict de belles cures desquelles ilz sont
fort satisfaitz, et, comme très utile et nécessaire, ilz l'ont
retenu au païs avec sa femme et sa famille.
« Permettons au dit Bedouere de demeurer audict païs et
de faire l'exercice de son art et faisons deffense à tous
médecins et autres personnes quelzconques de le troubler et
empeécher en ladicte fonction.
« Donné à Paris, le 2
eme
jour de novembre l'an de grâce
mil six cent neuff ».
(Lettres enregistrées au Parlement de Bretagne, le 11
janvier 1610) (1).
Augustin Bedouere, sieur de Boulogne,n'étail pas Breton.
Nous ignorons quel motif l'avait amené à Audierne.
Nous ne pouvont pas dire davantage en .quelle année
il mourut, l'état-civil d'Audierne ne remontant qu'à 1624.
Cependant, en 1 616, il n'existait déjà plus, car sa veuve
est portée au rôle des fouages pour huit sols. Une
cinquantaine d'années environ après la disparition de
Bedouere, les registres d'élat-civil font mention d'un
médecin à Audierne, du nom de Morinier (2) .
A la fin du XVI!' siècle, on trouve, à Audierne. un
apothicaire nommé Bernet qui était également un peu
praticien; au cours du XVIIIe on y trouve plusieurs
chirurgiens; Maubras> Véry, de Grancier; vers la même
époque, à Pont-Croix, existait un chirurgien, Jean Boyer,
et un peu plus tard, \'ers 17::30, un autre chirurgien, Le Gall.
Pendant les épidémies de fièvre maligne qui sévirent
(i) Archives d'Ille-et-Vilaine, Parlement de Bretagne. Minutes d'arrêts.
dans le Cap-Sizun en 1768, les malades furent soignés par
l'Arbre de l'Epine-Belcourt, médecin de Quimper, quoique
Pont-Croix possédât deux chirurgiens-jurés: Davon et
Chapeau (1).
Requête au Roi des paroissiens de Plogoff
et de Cléden-Cap-Sizun,
pour être déchargés de certains impôts
en raison des descentes et pillages des Anglais
et des Espagnols (1566).
« Nicolas de Troyes (2) .... au premier des juges du siège
présidial de Kemper-Corentin, Salut. Veü par nous les lettres
patentes du dict Seigneur, données à Moulins le 4
jour de
feubvrier l'an de grâce mil cinq cens soixante six, ausqueUes
ses présentes sont attachées soubz nostre signet, par les
queUes et pour les causes y contenues iceluy seigneur nous
a renvoyé la requeste a luy présentée par les habitants des
paroisses de Plogoff, Oléder et Capizun (3), en Bretagne,
tendans affin que, pour les domr.aages des pilleries, ruynes,
incursions et invasions faictes sur eux par les Anglois et
Espaignolz durant les dernières guerres et qui se font encore
journellement par les pirattes de mer descendans es dictes
paroisses, mesmes pour lesdicts parroissiens avoir moyen de
se fortiffier contre les dictes invasions, pilleries, descentes des
ennemysquant besoing sera. A ce que pour cause d'icelles
ilz ne soient contraintz quiter et abandonner le pays, il plaise
(i) Archives d'llle:-et- Vilaine, C. 253q,.
(2) Général des Finances de Bretagne.
à sa dicte majesté les descharger du debvoir de fouaige
enquoy ilz sont contribuables ou à tout le moins du certain
n umbre de feuz ensemble des devoirs impostz et biIlotz,
ainsi que plus au long est contenu en ladicte r equeste à nous
comme di cL est renvoyée pour sur .icelle nous informer et
envoyer nosLre advis par devers le di ct seigneur en son conseil
privé, pour es Lre pourveü aux supplians ainsi que de raison,
eL, pour ce qu'il ne nous seroit possible à présent vacquer au
faict de la dicte information, tan t à cause de nostre indisposi tion
que pour les autres empeschemens que nous avons pour le
service dudict seigneur. nous vous mandons, en vertu du
pouvoir à nous tionné par ledict seigneur, que vous oyez le
procureur dudict seigneur appellé à informer deüment
dilligement et bien du contenu en ladicte r equeste pour
lesdictes informations ainsi par vous faictes nous estre incon
tinent renvoyées avecq vostre advis sur icelle, affin que, le
tout par nous veü, donner ou envoyer le nostre audit seigneur
et messeigneurs de son conseil privé pour après estre
pourveü ausdicLs supplians ainsi que de raison. De ce que
faire vous avons donné et donnons en vertu de nostre pouvoir
plaine puissance et commission. Donné soubz nostre dict
signe, le XXIV
jour de juillet mil cinq cens soixante six» (1 ).
Nous ne possédons malheureusement pas l'enquête du
présidial de Quimper, puisque, comme on le sait, les
archives anciennes de ce siège ont été en grande partie
détruites dans un incendie arrivé chez la veuve du greffier
La Roque-Kerandraon, dans la nuit du 17 au 18 juin 1762.
(1) Archives d'Ille-et-Vilaine, C. 3226" fa 330.
L'annotation rimée ajoutée par le recteur d'Esquibien Ollivier Madec,
sur le registre d'état-civil, après un acte du 19 janvier 1560, peut fort
bien se rapporter a ux malheureux évènements dont se plaignent les
Capistes. Cette pièce de vers a déjà été reproduite par H. Le Carguet
(Les clefs et le culte de Saint- Tugen dans le Bulletin de la Société
archéologique, XVIII, 1891, p. 195) et par MM. Peyron et Abgrall
C'est sans doute à ces incursions que doit faire allusion
le passage suivant d'un aveu de Jean de Tréanna, de lO80:
« et est aussy dépendant dudit lieu (Kerhuet, en Cléden),
un vieil chasteau appelé Chaslelmeur où autrefoiz les
Angloys, qui ont habité en la dite paroisse, s'estoient
retranchez et fortifiez par doubles murs efenleveüres de
terre, desquels il ya encore quelques vestiges» (l). Du
reste, nous écrit M. Le Carguet, « la grande tradition du
Cap est que le pays a appartenu longtemps aux Anglais.
Le souvenir des Anglais est toujours vif et rappelle des
temps malheureux. Ainsi, voici le cri que j'ai entendu
proférer à la Pointe du Raz, le 30 juillet 1914, par un
Ca piste de Plogoff. Parlant de,la guerre imminente, je lui
disais que les Anglais viendraient avec nous. Jamais!
proféra-t-il avec force, jamais! ils ont été toujours
contre nous! D'autre part, j'ai trouvé de~ traces de
fortifications faites à la hâte et se rapportant, sans doute,
à l'époque des incursions ».
On possède des détails sur les descentes faites en 1558,
dans le diocèse de Léon (2). Des exemptions d'impôts furent
accordés pendant plusieurs années aux habitants de l'île
de Bréhat, de l'île de Batz, de Lochrist, Plougonvelin,
Saiut-Mathieuet Le Conquet '( eu égard aux grandes pertes
souffertes et soustenues par eux durant les dernières
guerres et aux grands fraiz qu'ilz onl esté contrainctz de
(i) Le Castelmeur est un oppidum gaulois très connu, qui a été fouillé
et décrit par Le Men (Etudes historiques sur le Finistère, p. 82 et
Bulletin Association bretonne, i873, p. i66) et P. du Chatellier (l'An
thropologie, i890, p. 40i).
Les lignes de défense protégeant le promontoire du côté de la terre
ferme, peuvent avoir été renouvelées par les divers occupants.
(2) Cf. La Borderie et Pocquet, Histoire de Bretagne, t. v., p. 48 ;
Urscheller, Abbaye de Saint-Jfathieu, p. 48; Le Guennec, Notice sur
faire tant pour la garde de leur côte que pour se munir
d'armes, d'artillerye et al,ltres choses nécessaires pour
leur défense» (1).
Un peu plus tard, p811dant les guerres de .Keligion, les
fermiers des devoirs disent n'avoir pu faire de recette
dans le Cap-Sizun, « à cause des incursions et désordre
en la coste par les Anglois et autres ennemis de sa
Majesté» (2).
M. Le Carguet a rappelé un épisode tragique de ces
dernières incursions, par la publication d'une gwerz popu
laire de Lescotf « Channik an Ormant », qu'il a commentée
en historien et Eln folkloriste (3) .
Durant les mêmes guerres, la crainte des Anglais,
décida les tréviens de Saint-Tugen, à mettre en lieu sûr
leurs archives au manoir de Lézurec (4), dont le seigneur,
Alain du Ménez, avait élé nommé gouverneur d'Audierne
et capitaine garde-côte du Cap-Sizun « pour faire la visite
des ports et hàvres el pourvoir à la répulsion des ennemis
du Roy ».
La frayeur fut même si grande, que les commerçants et
plusieurs notables d'Audierne et des paroisses environ
nantes, se réfugièrent à Quimper et autres villes de
l'intérieur, en 1631, comme ils l'avaient déjà fait pendant
les désordres de la Ligue. En 1636, l'Ile-de-Sein fut
occupée pendant quelques jours par les Espagnols (5).
(i) Archives d'Ille-et-Vilaine, C. 3224.
(2) Archives de la Loire-Inft'rieure, B. 632, fO 45.
(3) Bulletin de la Société archéologique du Finistère, XXXIV, f907, 324.
(4) A rcl! ives paroissiales de Primelin.
(5) Prain. Arrêts du Parlement de Bretagne, Rennes, i6tl4, in-4,o,
t. Il, p. 685 (Cité par M. Bourde de la Ragerie dans son étude sur le
Etat du Monastère des Ursulines
de Pont-Croix en 1720.
« La communautez est composée de quarante et deux
religieuses.
« Rentes ronci~res : fondation de Monsieur de Mollac, deux
cent quatre vingt livres; deux parcs aux issues de Pont-
Croix, trente six livres ; fondation de Monsieur de la
Villeneuve-Picquet, dix sept livres quinze sols; fondation de
Mademoiselle Blaise Canévet, quinze livres.
« Pensions perpétuelles: en argent, mille sept livres, sept
sols, deux denier; en blé, froment: quarante deux boisseaux
et demi; seigle: trente quatre boisseaux; avoine: quinze
boisseaux; orge: huit boisseaux.
« Constitution de rentes: cent deux livres.
« Pensions viag~res : en argent, deux mille cent vingt et
une livres, quatorze sols; en blé, froment: cent vingt et trois
boisseaux; seigle: cinquante et cinq boisseaux; orge: trente
cinq l:Joisseaux; avoine: trente huit boisseaux; fèves: cinq
boisseaux.
« Il est à observer que la dite fondation de Monsieur de
Mollac ne se paye pas, il y a dix buit ans, quoique l'on
continue à la desservir. Il a esté remboursé des pensions
p~rpétuelles en argent, deux cent trente et cinq livres, les
clauses des contrats l'e permettoient, le dit remboursement
qui est oit de trois mille quatre cents livres a estez employé
à payer les debtes que r Oll avoit. On n'est pas payé de cent
livres de pension royalle, il y a buit ans.
« Crédits et arrérages des pensions dües : onze mille neuf
cent deux livres, dont il y a de douteux cinq cent vingt et
trois livres.
«Frais annuels de la communauté: à messieur les directeurs
et chapelains, quatre cents livres; à messieurs nos médecins
et droguistes, cinq cents livres ; tourières et chambrières,
lrois cents livres; jardiniers et valets, trois cent cinquante
li vres ; pour les réparations de la maison, trois cen ts livres;
pour l'entretien de la chapelle et sacristie, cent cinquante
livres; pour décimes, capitations et dixièmes, quatre vingt
quatre livres; en bois de chauffage eL transport, huit cent
cinquante livres; à l'église de Pont-Croix, cinq livres seize
sols; pour l'entretien et subsistance, sept mille six cent quatre
vingt dix neuf livres, dix neuf sols. six deniers.
« On a commencé à bâtir la chapelle dont on a grand besoin,
faule d'argent il a fallu discontinuer.
« Nous, supérieure et officiaires, attestons et certifions la
présente déclaration sincère et véritable et conforme à nos
livres et journaux.
« Fait à nostre monastère de Saint Ursule de Pont-Croix,
le deuxiesme juin mil sept cent vingt.
« Sr Anne-Marie Tachez, de Ste Angèle, supérieure.
Sr Catherine Billoart, de Ste Thérèse, assistante.
Sr Marie-Anne du Pontois, de Ste Catherine, zélatrice.
Sr Marguerite Tanguy,dela Passion, maîtresse générale.
Sr Marie·Joachim Floch, de St Augustin, dépositaire.
Sr Marie-Anne de Kergariou, du St Esprit, première
portière.
Sr Marie-Josèphe Duboishardy, de Ste Agnès, maîtresse
des novices» (1).
En adressant cet état à l'intendant, le subdélégué de
Pont-Croix, Jouan de la Ville joua n, écrivait:
«Il y a à Pont-Croix, un couvent d'V rsulines fondé depuis
le vingtiesme septembre mil six cent cinquante et deux,
sans lettres patentes.... Ces dames ont le soin de
(il Archives d'Ille-et-Vilaine, C. H95. Cf. l'étude de l'Abbé Pilven,
Les Ursulines de Pont-Croix dans la Revue de Bretagne, f906. Il existe
aux Archives départementales du Finistère (série H), un petit fonds de
l'éducation de la jeunesse, dont elles ne tirent aucune
réLribution, quoique celà fasse beaucoup de bien dans la
ville et aux environs; d'ailleurs elles sont touL à fait
dénuées de tout moyen, pas d'église et leur couvent étant
prêL à tomber par les fondements. , . Depuis plus d'un an,
elles n'ont pas de quoy pê.lyer les provisions qu'il faut pour
leur nourriture ... Elles ont commencé les fondemenls
d'une église, mais elles n'y ont fait travailler qu'environ
deux à trois mois, faule d'a rgent ». .
Daniel BERNARD.
-124 -
DEUXIÈME PARTIE .
Table des ,Mémoires publiés en 1925
I. Manoirs et rues de Penmarc'h, par
F. QUINIOU [ nne planche]. . . . . . .
l'abbé
II. Liste des juridictions exercées au XVIIe et au
xvm
siècles dans le ressort du présidial de
Quimper (suite) , Sénéchaussée de Morlaix et
PAGES
de Lanmeur, par IL BOURDE DE LA ROGERIE.. 13
Ill. 1 Documents sur le Cap-Sizun. Il Les habitants
du Cap-Sizun demandent un médecin (1609).
III Requête du Roi... pour êtr~ déchargés de
certains impôts (1566). IV Etat du monastère
des Ursulines de Pont-Croix en 1720, par
DANIEL BERNARD . . . . . . . . . . . .. 35
IV. Deux lettres de Guillaume Laënnec sur la guerre
navale en 1779, . . . . . . . . . . . ., 44
V. Quelques réflexions sur l'ordonnance autographe
de Laënnec, par le Dr L LAGRIFFE [une
planche]. . . . . . . . . . . . . . . 49
VI. Nos vieux grands chemins et la corvée en Cor
nouaille et en Léon à la fin de l'ancien régime,
par J. SAVINA [une planche] ....... , 52
VIL Saint Corentin et ses vies latines à propos d'une
publication récente, par LARGILLIÈRE. . . .. 86
VIII. Première contribution à l'étude des noms d'hom-
mes et de lieux du Cap-Sizun, par J. LOTH et
D. BERNARD. Introduction par J. LOTH ...