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Bulletin SAF 1924


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Le dernier évêque de Léon : Jean-François de La Marche

L. Kerbiriou

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1924 tome 51 - Pages 95 à 104

LE DERNIER ÉVÊ UE DE LÉON
Jean-François de La Marche (x)
Jean-François de La Marche, qui naquit à Ergué-Gabéric,
près de Quimper, le 4 juillet 1729, était l'un des nombreux
enfants issus de l'union de François-Louis de La Marche et
de Marie-Anne de Botmeur. A seize ans, il entra dans l'armée
avec le brevet de lieutenant de dragons; en cette qualité, il

. prit part à la guerre de Succession d'Autriche, fit la campagne
d'Italie et fut blessé à la bataille de Plaisance le 18 juin 1746.
Réformé après avoir reçu le brevet de capitaine au régiment
de Reine-Infanterie, il embrassa l'état ecclésiastique.
Les registres de St-Sulpice portent qu'après une année de
philoso1Jhie il fut admis, en 1748, au petit séminaire où il
passa trois ans et qu'en 1751 il commença ses études au grand
séminaire, où il resta jusqu'au 6 avril 1756, date dè son ordi­
nation à la prêtrise par M. de Beaumont, archevêque de Paris.
Soit un total de neuf années d'études. Ces détails ont leur
importance. Sur les registres du séminaire, à côté du nom de

(i) Cet article présente en résumé les faits principaux et les plus impor-
tantes conclusions des deux thèses que nous avons présentées à la Faculté des
lettres de l'Université de Paris, au mois de juin dernier, pour l'obtention
du doctorat-ès-Iettres . Elles ont été réunies sous le titre de Jean-François
de La Marche, évêque-comte de Léon (1729 -1.806) en un fort volume in-8°
de.xxvlv-B28 p. en vente à la librairie Le Goaziou à Quimper. Prix:
:1.5 fr. (franco : :l.B 50). La thèse principale se divise en trois parties
d'inégale longueur: J.-F. de La Marche avant l'épiscopat (i729-t77~),
l'administration d'un évêque résident (:1.772-:1.79:1.) ; l'Emigration (179:1.-
180B). La seconde .thèse, qni constitue l'appendice du volume, comporte
un extrait des écrits de Mgr. de La Marche. '

J.-F. de La Marche sont inscrits ceux de plusieurs ecclésias­
tiques qui seront appelés à diriger les diocèses. Pendant un
siècle et demi, St Sulpice fut la pépinière de fépiscopat. On
n'en sortait qu'après avoir parcouru tout un cycle d'examens .
Les étudiants étaient pensionnaires au séminaire où ils rece­
vaient la formation morale et religieuse; ils suivaient les
cours de philosophie et de théologie au collège de Navarre,
dans cette école célèbre qui occupait alors l'emplacement
actuel de l'Ecole Polytechnique et où une pléiade de profes­
seurs donnait à une jeunesse choisie un enseignement brillant.
L'abbé de La Marche y conquit successivement ·ses grades
jusqu'à la -licence en ·théologie.
A sa sortie de St Sulpice, il devin t vicaire général de Tréguier
et scholastique, et ensuite abbé commendataire de St Aùbin­
des-Bois, dans le diocèse de Saint-Brieuc. Comme vicaire
. général, il visita des paroisses et, au nom de l'Evêque,
examina les comptes des 'fabriques ; comme scholastique, il
donna ses soIns à l'enseignement; comme abbé commenda-

taire, il devint, de droit, membre des Etats de -Bretagne. Des
procès verbaux de séances, il résulte qu'à partir de 1766

jusqu'à 1789, il ne manqua jamais une tenue et joua dans

l'Assemblée un rôle ,de plus en plus important. En 1766, et
. pendant les années qui suiviren t, l'agitation étilÏt extrème
aux Etats. C'était au plus fort du conflit d'Aiguillon-La Cha­
·lotais. J.-F. de 'La Marche prit nettement position dès 'le
début et ne voulut jamais participer à la campagne contre
d'Aiguillon. En 1768, il fit partie d'une commission, fut
chargé d'un rapport et s'acquitta fort bien de sa mission. A
la tenue suivante (1770), il fut élu membre de la commission
des Finances et à la tenue de 1772, il présida la commission
des Impositions comme évêque nommé de Léon.
Ainsi, il avait été ,préparé à l'épiséopat par une longue
formation littéraire et théologique à Navarre et à St Sulpice,
par 'ses fonctions de vicaire général qui l'avaient initié à

l'administration diocésaine et par ses attributions aux Etats
qui l'avaient mis au courant de la gestion des affaires
lem porelles.
L'Evêché de Léon était l'un des rteuf diocèses de la pro­
vince ecclésiastique de Tours et, avec Vannes, Quimper et
Tréguier, l'un des quatre diocèses bas-bretons. Il s'étendait
depu is la rade de Brest jusqu'à la ri vière de Morlaix, couvrait
une superficie de 122 lieues carrées, soit approximativement
200.000 hectares, comptait 87 paroisses et 33 succursales ou
trêves. La juridiction de l'Evêque s'exerçait sur 400 prêtres
environ et sur Ulle population de près de 200.000 fidèles.
Les revenus du siège s'élevaient à peine à 40,000 livres.
Dans ces revenus étaient compris, outre les terres, les droits
seigneuriaux, savoir: les lods et ventes ou droits de mutation
perçus par l'Evêque sur les héritages qui, dans la mouvance
de ses fiefs, passaient d'un possesseur à un autre; le droit de

minage ou de mouture perçu sur c.ertain grains; le droit d,fl

poisson salé, perçu en principe sur les poissons qui se salaient
dans les ports de pêche, mais dont le produit était insignifiant
à la fin du ù'm

siècle; la dîme seigneuriale que l'Evêque ne

prélevait plus que sur 4 paroisses,
L'ensemble des biens du clergé régulier et séculier n'attei­
gnait pas une valeur de 200.000 livres, s'il faut s'en tenir à un
inventaire de 1786, qui porte que le revenu à cette date était
de 174'948 livres. 0
Il faut yO ajouter les émoluments du clergé, qui consistaient

dans la desserte des fondations (ceci assurait aux prêtres des
honoraires de messes), dans la prédication des vicaires, les
quêtes, le casuel dans les paroisses des villes et la dîme à
la campagne la portion congrue étant l'exception dans le
/ diocèse, puisque seuls 9 curés en jouissaient. Ces émoluments

formaient un total de 220.000 livres.
Voilà pour les revenus. Les charges consistaient en décimes
pour le don gratuit, en impositions sur les terres affermées,

en réparations des presbytères et des églises, en " droits dûs à
la mense, etsouventen œuvres d'assistance et d'enseignement.
Quant à l'élendue territoriale de la propriété ecclésiastique,
de longs et minutieux calculs, dont les éléments ont été
puisés dans les rentiers paroissiaux et les procès-verbaux
d'adjudication et d'expertise émanant des districts pendant la
Révolution. entrainent cette constatation. il savoirqu'elledevait
à peine atteindre 6.000 hectares, soit à peu près 3 pour 100
de la surface du sol.
Mgr de La Marche garda dans son diocèse la plus stricte
résidence. Il n'en sortit que pour assister aux séances des
États de Bretagne, où, d'ailleurs, c'était encore des intérêts de
la Province qu'il s'occupait; il ne se rendit qu'une seule fois à
l' Assembléeprovincialedu Clergé à Tours et unefois égalementà
l'Assemblée générale du Clergé il Paris. Sauf ces cas prévus et
même imposés par les règlements ci vils et les lois canoniques, il
resta au milieu de ses prêtres et de ses fidèles; la continuité
de sa présence se prouve par de nombreux documents, en
particulier par les procès-verbaux de ses visites pastorales,
conservés il l'Évêché de 'Quimper, pa-r les cahiers des comptes
conservés dans les paroisses et qu'il apostillait lui-même au
cours de se's visites, par les cahiers du Secrétariat conservés aux
Archi\es départementales, et qui nous le montrent conférant
des cures et procédant régulièrement aux ordinations.
Évêyue résident, Mgr de La Marche fut aussi un évêque
actif, et son acti vité s'exerça non seulement dans les diffé­
renles branches de l'administration ecclésiastique proprement
dite, mais dans les œuvres d'assistance et d'enseignement.
Dès le début de son épiscopat, il fit faire par ses curés et
recteurs une enquête sur l'état de la mendicité dans les
paroisses et leur demanda de lui suggérer les moyens d'y
remédier. Les Archives possèdent la circulaire de l'Évêque
avec le questionnaire annexé et 95 rapports de recteurs,
Ces documents sont précieux pour l'histoire de l'ancien

régimeà son déclin, en raison tantdes termes de l'enquête menée
par un prélat plein de bonne volonté que du poillt de vue
auquel se placent les prêtres du Léon pour apprécier le
sort matériel de leurs ouailles. Les lettres sont empreintes
de l'originalité particulière il. chacun des correspondants
et de leur dévouement il. la 'population avec laquelle ils vivent
chaque jour et sur les misères de laquelle ils se penchent
avec une touchante sympathie,
Informé des besoins de son peuple, l'Évêque prit les
mesures les plus variées pour lui venir généreusement en
aide: il entreprit et exécuta, souvent il. ses frais, des travaux
d'utilité publique. tels que l'amélioration des routes et des
chemins; il sollicita la suppression de la corvée. fit obtenir
pour les habitants pauvres de plusieurs paroisses des dégrè­
vements d'impôts, fit rapporter un édit qui gênait la coupe
des goëmons et dont lapplication avait causé une perte de
60.000 livres aux paroisses du Bas -Léon, institua un prix
annuel de vertu destiné il. la jeune fille de Saint- Pol reconnue
la plus méritante par des juges choisis parmi le Corps de
ville, Son zèle s'appliquait-à tout: c'est à son initiative qu'est
due la vulgarisation de la pomme de te ne dans celte région
et les paysans léonards lui furent reconnaissants de la faveur
dont il entoura cette culture maraîchère qui contribue tant
aujourd'hui à la richesse du pays.
Dans le domaine de l'enseignement, ses initiatives ne furent
pas moins éclairées et suivies d'excellents résultats , Il ne se
borna pas à réorganiser le Collège de Léon et à lui donner,
au prix de 200,000 francs de sa fortune personnelle, un lustre
que l'établissement conserva par la suite; par le moyen de
bourses, entretenues à ses frais et judicieusement réparties, il
ouvrit les portes de l'enseignement seconnaire aux enfants
intelligents de la. classe pauvre chez lesquels ils discernait des

aptitudes à l'étude. Au cours de ses tournées pastorales, il
faisait comparaître devant lui les maîtres et maîtresses des

iOO
petites écoles pour s'assurer qu'ils réunissaient les qualités
morales voul ues et la science compétente. li était partisan de
l'instruction populaire aussi générale que possible. Il protesta
avec la plu s vive énergie contre le projet de suppression des
écoles primaires de Recouvrance : li Je pense, écrivait-il à
l'Intend ant, que l'économie qu'on voudrait faire pour priver
de toute instruction les enfants de Recouvrance, ferait un
grand mal dans cette partie de Brest et exciteraille murmure
de tous les citoyens qui ne son t point imbus de fau x principes Il .
f:vêque ad rn inistrateur, pontife pieux et zélé, prélat popu­
laire dans le bon sens du mot, Mgr de La Marche fut encore
un ardent défenseur des franchi ses , privilèges et prérogatives
de la Bretagne. S'appuyant sur le contrat d'union de la
Province à la Fran ce, il s'opposa courageusement au x exigences
fisca les de la royauté. Député par les États auprès du Roi
pou r protester contre J'arrêt du Conseil Royal du 4 novembre
1780, dans lequel les droits des États avaient été qualifiés de
privilèges, il fut ch3rgé d'exprimer les sentiments et les dolé­ ances de l'Assemblée. Il se fit le porte-parole éloquent des
revendications bretonnes dans les termes suivants: « Sire,
nous ne pou vons vous dissimuler les conséquences funestes
d'expressions si opposées aux principes constants de notre
droit national, qu'elles sont alarmantes pour des sujets aussi
dévoués à leur so uverain que jaloux des droits de leur cons­
titution, pOlir des sujets aussi éloignés d'une . obéissance
servile qu'accoutumés à une soumission éclairée ... Votre
Maj es té respectera le droit inviolable des conventions, elle ne
fermera pas l'oreille à nos respectueuses réclamations. »
L'Evêque obtint sa tisfaction et, quand il retourna à Rennes

pour rendre compte de sa mission, il fut accueilli par les plus
vifs applaudissements de l'Assemblée: ..
L'homme qui parlait avec tant de liberté à son souverain
n e pouvait se laisser surprendre par la Révolution. Le premier,
et avant même le vote de la Constitution civile, alors
101
que plusieurs de ses collègues dans l'épiscopat demeuraient
dans l'expectative, il appela l'attention du Pape sur le carac- .
tère an ticanon tique de la Constitution. En même temps, il adres­
sait des instructions fermes à ses prêt.res pour les maintenir dans

la voie du devoir: sur plus de 300 astreints au serment, 27
seulement le prêtèrent, et encore 9 le rétractèrent par la suite.
Il devint par son attitude de résistance le point de mire de ses
adversaires C'est alors que. mandé à la barre de l'Assemblée
:\'ationale et menacé d'être envoyé sous escorte à Paris. Il prit

le parti d'émigrer pour l'Angleterre.
Ainsi se clôt la seconde période de la vie de Mgr de La
Marche : l'admini stration d'un Evêque résident, soit dix-neuf
années biens remplies d'un épiscopat laborieux et féconr!.
A peine débarqué sur le sol britannique (1 ), Monseigneur
de Léon se créa de puissantes relations au nombre desquelles
nous voyons les plus grands noms de la société anglaise, tels
que les Pitt et les Burk . Une fois installé à Londres, il
contribua à fonder le Comité de secours aux Emigrés et fit
intervenir en faveur de ces derniers la générosité privée et les
pouvoirs publics. Sous son impulsion, le Comité s'organisa et
étendit ses ramifications un peu partout sur le territoire de la
Grande-Bretagne. Lui-même, il se chargeait de . centraliser et
de répartir les subsides. Voici quelques chiffres: En août
1792, plus de 400 ecclésiastiques sont assistés . En août 1793,
34 mille livres sterling avaient été recueillies à la suite de
souscriptions volontaires et des subsides du Gouvernement.
Les émigrés laïques dans le besoin sont admis à participer
aux secours. En juillet 1794, les regi stres de Mg de La Marche
portent que 800 laïques sont secourus en plus des ecclésias-
(i) L'étude du rôle de Mgr de La Marche durant l'Emigration repose
sur l'utilisation d'un grand nombre de documen ts conservés en A ngle­
terre tant dans des archives privées que dans des importants dépôts de
la Public library du British Museum, du Records Office et de l'arche­ vêché de Westminster.
102 - .
tiques. En février 1795, une somme de 9.000 livres pour les
ecclésiastiqu es et de 3.000 livres pour les laïqu es est allouée
pa r le go u vernement · En J 797 , 5.000 ecclésiastiques et 3.000
laïques sont assistés . On estim e q ue 40 millions de francs
passèrent entre les main s de l' Evêque pour être ain si distribués .
Et ce sont là les chiffres officiels; il faudrait y ajouter les libé­ ralités particulières du prélat, ma is ici il n'es t pas possible de

citer , des chiITres . ca r, chez le pro moteur et le distributeur de
tan t de largesses, la ma in dro ite, qui tenait la plume pour
inscrire les no ms des émigrés secouru s ig norait ce que donnait
la main ga uche ; celle-ci obéissait aux in spirations du coeur.
Dès la fin de 1793 , plm de J 2 .000 réfu giés français, prêtres
et laïqu es, résidaient à Londres . Ils ne pouvaient rester isolés,
sans églises, sans culte. Malgré les préjugés protestants cO f\lre
le catholicisme, Mg r de La Marche obtint du gouvernement
J'autorisation d'ouvrir des chapelles où les prêtres français
pourraient célébrer la messe et ad mini strer les sacrem ents, et
les fidèles remplir leurs devoirs religieux. Investi dès le début
de toute la co nfiance de Mgr Douglas, vicaire apostolique de
Lond res , et m\1Di par lui des pouvoirs les plus étendus,
l'Evêque de Léon en profita pour construire un séminaire, des
écoles , des hôpitaux, contribu ant ain si à promouvoir un
renouveau catholique en An gleterre qui sera une étape vers
le fameux mo uvement d'Oxford.
Aux soucis de l'exil s'ajoutent pour Mgr de La Marche les
amertum es les plu s do uloureuses résultant des discussions
poli tiques et reli gieuses . Le créd it immense dont il jouissait
en Angleterre appelait sur lui l'attention des chefs de J'Émi­
gration. II ne se défendit pas contre la politique ; il alla même
jusq u'à élabo rer un p rojet d'in surrection de la Bretagne pour
mettre en écbec le gouvernemen t [ ·évoJutionnaire. Après la

p ri se d'Ancenis, il envisagea la po:;;sibilil é de la jonction des
Vendéens et des Chouans et forma u tl plan dans cette vue,
mais il déconseillait une descente de trou pes britanniques sur
103 -
les côtes de l'Ouest qui ne fù l pas corn binée avec une insur­
rection de J'intérieur. En 1795, il n'entra pas davantage dan s
les vues du comte de Puisaye qui mettait une confiance
aveugle dans la politique de Pitt. Il exprima ses craintes au
comle de Provence. Si o n l' eût écouté. la m alheureuse expé­
dition qui devai~ abo utir au désastre de Quiberon n'eût pas '
eu lieu. Plu s ta rd, SOll S Bonaparte, il acceptera l'idée d'une
intervention étrangère pour restaurer les Bourbons, mais il
se méfiera toujours de la politique de ses hôtes . Cette manière
de voir ne donne q ue plu s de poids à son appréciation lorsqu'il
vante la générosité britannique. Il fait un éloge sans réserve
de l'An glais du Sweet Home, mai s il se m et en garde contre
]' Anglais du Rule Britannia.
Une épreuve plus rud e qu e toutes les autres l'atteignit à la
fin de sa vie. Après >.d e pénibles négociations, le Pape et le
Premier Consul avaient fini par sig ner le Concordat. Sous le :
coup d'une inexorable nécessité, Pie VII s'était résigné, pour
la paix de l'Église, à sacrifier ceux là mêmes qui avaient tout
souffert et tout quitté pour la défense des droits de la religion .

Un des articles du Concordat stipulait, en effet, qu e le Pape
demanderait, et, an besoin, imposerait leur démi ssion à tous
les titulaires des anciens évêchés de France. Le 15 aoùt 180 1.
Pie VII éc ri vit à tous ·. les évêques résidant en France ou à
l'étranger pour les prier de résigner leurs sièges, Mg r de La
Marche fut chargé par treize de ses collègues d'opposer à la
demande d u Pape une réponse dilatoire. Dans un document
célèbre, q ui porte la date du 15 mars 1803, il expose les
motifs de la non - dém ission. C'est un e j ustifica tion des
doctrines gallicanes : le pouvoir pontifica l, y déclare-t-'il en
substance, est limilé par le po uvoir épi scopal; le concile
na tional de l'Église de France doit formu ler son avis dans
une a ffaire si g rave ; les évêques ont contracté avec leur
Église une alliance spiritu elle et ne sa uraient être déposés

104 -

Maintenant que le concile du Vatican a défini la juridiction
directe et immédiate du Pape sur toute l'l!:glise, ces motifs
ne sauraient plus être admis; mais ils expliquent la réserve
de prélats imprégnés des idées gallicanes, qui étaient dans
l'atmosphère du temps. Toulefois Mgr de La Marche ne
partagea pa s les exagérations de certains adversaires du
Concordat; il.ne chercha pas à s'opposer au nouvel ordre
de choses qui s'établissait en France; il autorisa le départ
des prêtres qui voulurent rentrer, leur faisant même délivrer
des passeports ; il annonça hautement son intention de ne
pas mettre d'entraves à la juridiction exercée par les nouveaux
pasteurs. Lorsque, en 1812, Mgr Poynter, vicaire apostolique
de Londres, signifia au nom du Pape, aux évêques et aux ecclé­
siastiques français vivant sur le territoire britannique, l'ordre
de donner leur adhésion au Concordat, il y avait six ans
que l'évêque de Léon était mort.
Pour conclure nous pouvons dire: Mgr de La Marche fut,
non pas seulement un type représentatif de l'ancien épiscopat
bas-breton. mais une personnalité marquante de l'épiscopat

gallican. Ce pontife, qui se relie à la pure lignée des prélats
apostoliques, dirigea son diocèse en excellent administrateur,
préférant aux intrigues de la cour et à des évêchés richement
rentés le contact familier et continuel avec les prêtres et les
populations du Léon. Pasteur indéfectiblement attaché à son _
Eglise. il ne craignit point de souffrir pour eHe les amertumes
de l'exil et ce fut pou r conserver in tacte l'un ion étroite et sacrée
qu'il avait contractée avec elle qu'il refusa d'entrer absolument
dans tOlltes les vues du Saint-Siège.
L. KERBIRIOU .

109 ..
DEüXIÈME ' PARTIE
Table des Mémoires publiés en 1924
PAGES

I. La thèse de Laënnec, par le D' LAGRIFFE . . " 3
II. Quelques réflexions sur les origines du peuple bre-
ton et sur la persistance de la langue bretonne
. d'après les écrits d'Albert Travers, par CAMILLE
. V ALLAUX. . . . . . . . . . . .

III. Les anciens manoirs des environs de Quimper
(sui te et fin), par 1. LE GUENNEC. . . . . .. 25
IV. Les mouvements populaires en Juillet et Août 1789
d'après quelques letlres inédites de Ange Conen
de Saint-Luc, par JEAN SAVINA . . . . . .. 46
V. Quelques mots sur l'Emigration bretonneen Armo­
rique, en réponse aux « Quelques réflexions l) ,
par J . LOTH. . . . . . . . . . . . . . .. 68
VI. Une rentrée des classes à Quimper, en l'an VlU,
par fI . W AQ UET .. . . . . . . . . . . . ., 74
VII. Vieilles chansons bretonnes. III Le Clerc de

Trom~lin, par 1. LE GUENNEC. .... . . 78
VIII. La ville d'Iso Ses origines, sa submersion, par
E. DELÉCLUSE. . . . . . . . . .. '.. 85
IX. Le clocher de Ploaré (étude architectonique), par
CHARLES CHAUSSEPIED [u ne planche J. . . . .' 92
X. Le dernier évêque de Léon: Jean-François de La