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Bulletin SAF 1923


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Quatrième campagne de fouilles préhistoriques dans le Finistère (1922)

Abbé Favret, commandant Bénard, G. Monod

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1923 tome 50 - Pages 83 à 96

DANS LE FINISTÈRE

Les fouilles effectuées sous les auspices du Groupe finis-
té rien d'Études préhistoriques se sont réparties, en 1922, sur
divers points du' département, mais, seules, celles des nécro- .
poles de Saint-Urnel et de Roz-an-Trémen mérilent d'être
publiées, en raison de leurs résultats précis.
Nous sommes décidés, en effet, à apporter la plus grande
circonspection dans la présentation .des documen ts soumis
au public. Les fouilles ~lles-mêmes, d'ailleurs, n'auront plus
lieu désormais .sans que ,les programmes aient été examinés

et ratifiés par une commission de compétence : la commission
des Recherches de surface· et de plein sol, présidée par M. le
commandant Devoir. Non seulement cette commission exigera
de ses collaborateurs une méthode impeccable d'observation
. scientifique et de mesures généralisées de tous les élémen ts
. recueillis, mais le bibelot d'étagère sera négligé comparati­
vement aux documents d'ordres généraux et aux éléments
de stratigraphie et de géologie non observés jusqu'ici. Enfin,
les monum ents seront trailés avec un souci constant de
conservation pour éviter les destructions aussi regrettables
que celles des périodes antérieures.

Nous avons déjà indiqué, dans ce Bulletin, que, sur tout le
bord de la baie d'Audierne, entre la pointe de Penmarc'h et
la pointe de Penhors, sur une largeur assez variable, s'éten­
dent de vastes dunes de sable constituées par le vent à une
période encore indéterminée, mais relativement récente.

FINISTERE
SAINT- URNEL

Coupe
Humus
Terre

:;rlse

· '.' . . . . '. .' '. .. . ' . . . . .. ' .... . .' . . .. . ... ' .'. ShI

.. . . . . . . ... . . ' . . . . ' . . '. .. . . .. . '. . e ''!ln es

. . ' .. '. :'. de terl'e

FIG . 1
Toncé
no/ratre
Terre

grIse
compacte

COfjui/ü:s
mollus'P"
t~rre3tre3
"Gronit
de'co0'l'0ai
B....elepe· du CommttndontBàrA~
L. Le Guennec deI.
Ces sables , agissant à l'in slar des cendres et des lapilli du
V ésuve qui, pendant deux mille ans, ont préservé les trésors de
Pompéï, nous ont conservé précieusement des habitats pré­ historiques de divers âges et les nécropoles les plus diverses.
C'est à peine si le voile de ces sables vient d'être soulevé

sont déjà assez importants pour que les archéologues du
Finistère aient mis en construction un musée spécial.
Nous nous limiterons dans cette note à la description des
deux nécropoles les plus importantes: celle de Saint-Urnel et
celle de Roz-an-Trémen qui, d'ailleurs, ne sont encore elles­
mêmes qu'à peine effleurées. Les propriétaires respectifs,
MM. Le Garrec, de Beuzec, et Le Rhun, de Plomeur, les ont

mises gracieusement à la disposition de notre commission
des fouilles.
Tout d'abord, il est nécessaire de constater que, sous toutes
les dunes récentes, apparaît, tant au cours des fouilles que
dans les sondages, une constante dans la stratigraphie des
couches de terrains.
Au ras du granit, au-dessus d'une pellicule insignifiante
de cette roche décomposée, se place d'abord une couche de
terre noirâtre dans la composition de laquelle n'entre que peu
de sable; la proportion de terre va du reste en diminuant
vers le haut. Seules, des coquilles de mollusques terrestres

du genre de ceux qui vivent dans nos cultures actuelles
paraissent dans cette couche.
Puis, brusquement, la couche de terre foncée fait plar.e à
une couche de sable éolien d'un blanc éclatant. Cette deuxième
couche qui, ainsi que l'a indiqué M. le commandant Devoir,
correspond évidemment à une période sèche tandis que la
précéden te correspond à une période humide, n'est cependant
pas absolument nette dans toute sa hauteur; elle est striée à
Saint-Urnel très nettement dans la moitié la plus basse par
cinq couches de très faible épaisseur de terre gris-noirâtre,

comme si le climat humide précité avait réapparu pendant
quelque temps à cinq reprises différentes, dont la plus ancienne
d'ailleurs a été la plus intense. Ce sable blanc paraît ne con­
tenir que les restes des coquilles des mollusques qui habitent
la végétation pauvre et éventée de nos dunes.

Enfin, au- dessu s de la coucbe de sable éolien , dont la partie
supérieure est d'un blanc très pur, apparaît de nouveau une
couche importante de terre grise dans laquelle l'h umus est
moin s abondant que dans la couche inférieure. Au ras du sol,
un humus sableu x se mêle aux racines des herbes.
L'épaisseur respective des trois couches varie suivant les
gisements. Non loin Q.ll bord de la mer, à Roz-an-Tré-men
par exemple, la cbuchesableuse atteint une plu s grande
épaisseur et res couches de terre noirâtre y sont moin s impor­
tantes.
A Saint-Urnel, la couche' sableuse ' diminue ' déjà sensible­ ment , tandis que les couch es noirâtres augmentent déjà très

nettement d'épaisseur. Quand on arrive du côté de Prat-Palud
ou de Beuzec-Cap-Caval (3 kilomètres de l a mer), la couche
noirâtre du fond devien t très épaisse, tandis que celle de
sable éolien devien t presque insignifiante. .
. Il appa rtient aux géologues d'étudi er de près cette triple
forma tion et de chercher à quelles périodes elle peut corres­ pon dre. Leur appréciation aura d'autantplus 'd'importance,
que c'es t dans le sein même de ces êouches naturelles que .se
répartissent les restes hu main s et les pauvres mobiliers que
nous y avons découverts: . .

A Saint-Urn el, en Plomeur, notamment les sépultures et
les squ elettes déco uverts correspondent neltement aux cou­
ches du terrain (Fig. 1 et 2).
Celte vaste nécropole, à étages superposés de cadavres,
s'étend sur un tertre dominan t le désert des dunes, la navrante
« palud de Tronoan )l , à 800 mètres dans le sud de la cha­ pelle et du calvaire du même nom, dont l'importance ' est
bien faite pour surprendre en ce milieu. La nécropole doit
s'étendre sous plu sieurs h ectares ; une sorte de support
mégalitbique encore debout, deux petits menhirs renversés

C'est non loin de cette nécropole que M. Du Châtellier a
recueilli une pierre à cupules remarqua~le (1). A 500 mètres
à l'est, trois mégalithes posés en triangle équilatéral sont
l'objet de légendes mystérieuses; dans le sud-est de la ferme
dite de Tronoan gisent les restes d'un dolmen et de mégali­
thes; au sud, à 600 mètres, au milieu d'un champ, la base
d'un menhir cassé à un mètre au-dessus du sol; à toucher le
calvaire, les morceaux d'un lech ; à toucher la chapelle, les res­
tes d'un gros mégalithe; un lech en pierre noire extrêmement
dure à côté de l'oppidum de Tronoan (2); au sud-ouest, à
600 mètres, le tumulus de Kerdrafic dans lequel ont été
découvertes trois haches en silex de toute beauté; au nord­
est, le camp gaulois de Kerviltrez (3).
, Certainement, Saint-Urnel a dû faire partie dans le passé,
\ tant avant qu'après notre ère, d'une région de grands habi-

tats dont l'importance s'est conservée jusqu'à l'époque de la
constructiou de l'église et du calvaire (4) dressés sur le désert
actuel sous lequel gisent les restes accumulés des périodes
gauloises, mégalithiques et antérieures.

Dans la couche noirâtre inférieure de Saint· Urne!, au ras

du granit, les squelettes S (voir plan et coupe) sont extrême-
ment nombreu, x ; leur orientation d'ensemble est à peu près
ouest-est, les pieds du côté de l'est; toutefois quelques·uns
sont étendus sur des directions qui font avec ladite orientation
des angles allant jusqu'à 45°.
Presque tous les corps sont sur le dos, mais il ya deux
(i) Du Châtellier, Les Époques préhistoriques dans le Finistèrll, p. 3i5 .

(2) Du Châtellier, Op. cit., p. 324.
(3) Bull. Soc. archéol. du Finistère, Avril i921.
(4) Du Châtellier, Op. cit., p. 5~,

exceptions: trois d'entre eux ont la'tête appuyée sur une pierre

bru'te de forme triangulaire ou trapézoïdale rongée par' le' feu.
Un des squelettes SA, qui est ce1ili d'une ' feimn e, avait
:1 mètres de longueur en place. 'ossements assez ~volués;
crâne énorme aux mâchoires pui ssantes, trou occipiti ü 'placé
très en arrière, pla tycnémie des tibias très accusée. ,Sous ce
squ elette, les' restes d'un enfant, un maxillaire de p'etit car­
nassier et deux gros silex bleus dont la taille intentionnelle

ne paraü pas prouvee.
En SB, ' squelette de 1 m 73 en place, f6murs de 40 cen timè':'
tres, ' huméru s de 30 centimètres, crâne dolièhocéphaliqu e
très accusé, front fu yant, inâchoire puissante aux dents très
usées, les tubercules des molaires aplatï's, menton prognàthe.
La suture fronto-pariétale gauche du crâne perforée par une
pointe de flèche en silex trouvée à côté de la tête (Fig. 3),
Autour de sa tête trois pointes de silex moustériens. Quelques
charbons, un haliotis ; pas trace de poteries d'aucun ordre ;
pas trace de bronze ni de fer.

A côté du crâne de SA, un autre crâneelIondré, désagrégé,
nous a laissé quelques morceaux dont l'un présente au ssi un
large trou circulaire résultant d'une blessure.
Dans la partie orientale de ce même étage inférieur de
Saint~Urnel, mais à quelqu es mètres de distance, un sque­
lette 'de petite taille av ec un e tête monstrueuse_

En Sr Sr Sr Sr, quelqu es ossements étaient comme mis en
tas avec des crânes eITondrés ; aucun mobilier, aucune trace
d'incinération.
Entre SA et SB, une grosse pi erre plate en forme de gigan­
tesque rotule humaine recouvrait un e poche grossièrement

creusée dan s le granit, non encore comblée de terre et conte-
nan t trop peu de cend re pour permettre une hypothèse quel-
conque. ,
A qu elle époque, à quelles races peuvent appartenir les

squelettes de cet étage il Nul ne saurait le dire encore.

A 54 centimètres de moyenne au-dessus du granit et des
squelettes S de l'étage inférieur, se place un second étage de
corps, mais qui jusqu'ici n'a fourni que trois squelettes dont
un seul CA en parfait état. long en place de [m 78. Ce sque­
lette est particulièrement in téressant,car il présente la majeure
partie des caract.ères de Cro-Magnon. Crâne dolichopenta­
gonal, orbites larges à contour quadrangulaire, pommettes
saillantes, nez leptorhinien, maxillaire supérieur prognathe,
mâchoire inférieure robuste avec menton triangulaire proé­
minent. Pilastre saillant du fémur, tibia platycnémique.
Les deux autres squelettes sont très mal conservés; toute­
foi s il a été possible de vérifier que celui situé le plus à
l'est présentait aussi les mêmes caractéristiques que le
précédent. Comment ce type de Cro-Magnon se trouve-t-il
en Bretagne ~ D'où, par où, comment, à quelle époque y
sont arrivés les êtres de cette race dont les squelettes de

l'étage 2 de Saint-Urnel sont une survivance ~ Le problème
reste à résoudre.
Les trois squelettes C reposent sur le dos et sont bien
orientés est-ouest les pieds à l'est; ils sont couchés sur un
lit horizontal de pierres de granit brutes. Deux grandes pierres
dont une bnî.lée et rougie par le feu encadrent à la tête et aux
pieds le squelette CA. Le second squelette, à l'est du premier,

appuie aussi sa tête contre une pierre, mais les pierres brutes
du lit s'arrêten t sous les vertèbres dorsales.
Par contre, chose bien étrange, le troisième squelette, qui
n'a pas du tout le type de Cro-Magnon, est coupé au bas de
la colonne vertébrale. A-t-il été ainsi sectionné par la pierre
de tête du squelette CA ~ Cette hypothèse est la seule vraisem­
blable, car les ossements du bas du corps remués par cette
inhumation ont disparu, probablement décomposés.
Dans cet étage des squelettes types Cro- Magnon, quelques
rares silex sans caractères précis, deux morceaux d'haliotis

Une troisième couche de squelettes s'étale au-dessus des

deux premiers étages de sépultures, mais sauf pour un sque-
lette en mauvais état dont le crâne reposait sur une fibule de .
fer; elle présente tout de suite un perfectionnement notoire
dans la construction des Lombes.
Nous nou s trouvons la en présence de cistes composés de
pierres de granit bien choisies, non retaillées, parfaitement
juxtaposées, dont la plus grande part sont triangulaires et
plantées la pointe en haut.
L'un de ces cistes, rectangulaire, contenant un squelette
d'homme de 1 m 71 de longueur en place. Crâne dolichocé-
phale, menton très prognathe. .
Le second ciste trapézoïdal contenait deux squelettes placés
côte à côte, Yu n d'homme de 1 m 79, l'autre de femme de 1 m 815
(Fig. 7)' Crânes dolichocéphales, fronts ' abaissés, mentons
prognathes. Les quatre mains étaient jointes, car, sous les os,
phalanges et phalangettes étaient mêlées dans un conglomérat

auquel aboutissaient les os des quatre bras. .
Dans le cist, quelques silex dont un bout de petite lame,
des morceaux de fibules de fer en mauvais état, des restes de

fer. des traces de bronze. Pas le moindre ' tesson de poterie.
Mobilier en somme d'une grande pauv~eté. Les squelettes
étaient noyés dans une terre compacte légèrement argileuse

recouverte de morceaux plats de micaschiste bleus, formant
un dessus de tombe d'une grande beauté, qui devait au mo­
ment de la construction se trouver au ras du sol.
A toucher l'extrémité orientale du ciste, dans sa partie infé­
rieure, une meule du type gaulois ' régional usée et cassée en
deux, et deux petites pierres à cupules dont une brisée en deux.
Le quatrième étage de sépultures, presque au contact du
précédent. a été construit de telle sorte que les pierres des
cistes on t leur base enclavée dans la terre grise; ceci a dû
être fait avant le dépôt des sables; de telle sorte que les

pierres fussent en saillie sur le sol. La technique de la cons­ truction est restée la même que celle des tombes de la couche
précédente, mais les matériaux ont changé et le travail est
beaucoup _ plus soigné. Les entourages de tombes sont com­
posés de pierres de diaclase d'un blanc éclatant, taillées à la

partIe supeneure en equerre assez exact, et usees pour pre-
senter des bords un peu arrondis.
La toiture, aù lieu de micaschiste8 bleus, présente une sur-
_ face de galets de mer de couleurs variées. de dimensions à peu
près identiques . Nous avons mis à jour sept de ces tombes
blanches, dont deux de petite taille contenan t des squelettes
d'enfant. Dans ces sépultures quelques morceaux de poteries
peut-être gauloises, rares d'ailleurs et sans aucune ornemen­
tation ; quelques restes de fibules de fer, quelques objets
informes en fer, quelques haliotis.

Dans l'une des tombes, une petite pyramide de pierre cristal­ line rose placée à côté du bras, la pointe en haut; dans l'autre,
une spatule de serpentine verte longue de 14 centimètres placée
aussi dans la position verticale entre les côtes et le bras droit .

Squelettes tout à fait évolués, fins, en majorité dolichocé-
phales mais ayant tous le prognathisme du menton, ce qui

reste donc comme une sorte de constante pour tous les étages
de la nécropole .

Reposant sur un plan inclin é partant du dessus de la terre
noirâtre, à toucher l'extrémité occidentale du cist à deux
squelettes, une sorte de fond de cabane en pierres de diaclase
roses ou blanches se déroule en demi-cercle. Dans l'int~rieur,
peu de charbons. quelques coquilles, pas de mobilier.
Tout à fait à l'est de la nécropole, une rangée de treize
pierres. dont celles des deux extrémités hautes de 70 centimè-

tres, s'étale parallèlement aux tombes des étages supérieurs à
la profondeur desquels elle se trouve en terre. Rien ni autour

, A u moment de i'établissem ent des tombes du quatrième
étage et de leur :inclu siondans ' la terre noire, la coucbe de
sable n' existant 'pas, c'es t donc ' sUr cette dernière séri e de
sépultüres q ue le ch an gement de climat ' est survenu et a
commencé à déposer le sable éolien intermédiaire. Jamais
ce sable : blanc n:a ' été ni traversé, ' ni remu é. Un seul
trou, dont le but n ous a échappé, l'a pén étré verticalement
rüais' n'èstpoi'nt descendu assez profond pour atteindre les

tombes.'

Touf rious pod e à 'croire que Saint: .. Urnel a dû être connu
depuis de bien longs siècles comme u'n endrait réservé aux
inhumations. On y est toujours revenu jusqu'à l'époqu e des
grands vents qui ont apporté le sable. Mais nous ne p en sons
pas que l'étage 2 ait jamais troublé les inhumation s de
l'étage l pas plu s que celles de l'étage 3 n'ont touch é celles

de l'étage 2 .

Par contre; nous ne doUton s 'pas 'que les constru cteurs de
l'étage L I connaissaient leurs ' devanciers moins habiles de
l'étage 3 ; d'abord parce que les sépultunis des deux étages
ne se supeq :iosen't jusqu 'ici sur aucun point 'et qu e, sou s les
tombes de l'étage 4; ,il n 'y a' jamais eu eric'ore ' de traces de
squelettes ,bolileversés'.. " . . :"
Et de même que le sable blanc, la coucbe supérieure d'hu­
mus s'est constitu ée san s que jamais de nouvelles sépultures

soient venues' troubler la necropole etiseveh e.

Des générations nombreuses ont dû passer et repasser, san s
s'en douter, au .. dessus des restes que nou s découvrons aujour ..
d'hui."; , ,
Nous avons arrêté les fO llilles à Saint .. Urnel pour l'étud e
des échantiilon s' géologiques ' et des ' squelettes. L'exploration
sera reprise eri. aoûtr!p3 ; mais ' le gisement, au lieu d'être
attaqué de nouveau verticalement, sera étudié en enleva n't

les terres couche par couche. horizontalement, sur une sur-
face de 100 m ètl'es carrés.

La Nécropole de Roz-an-Tré-men (r) (tertre du passage ou
. du trépas) diffère totalement de celle de Saint-Urnel. A l'en-

contre de cette dernière, dans laquelle les sépultures par
incinération manquent totalement, elle en possède une pro­
portion supérieure à celle des inhumations.
FIG. 10. - VASES DE ROZ-AN-TRE-MEN
Favre! phot.
Comme à Saint-Urnel, le lieu est privilégié pour les vesti­
ges des monuments. Au sud-est, un beau menhir avec cupule
de 3 mètres de haut; Men-Griz; à l'ouest, un gros tumulus
dont une chambre a été détruite par M. Du Châtellier; plus
loin et toujours à J'ouest, l'allée couverte à deux branches
perpendiculaires de Run-Aour (2) ; au nord-est, le grand
lech enlizé de Kerveret (3). Et, il ya dix années seulement,
on ne connaissait pas moins de cinq lechs sur le tertre de
Roz-an-Tré-men; mais au retour de la grande guerre, des
poilus brelons, qui les trouvaient gênants pour la culture, les
ont fait sauter avec des pétards rapportés du front.
(1.) Le tertre du passage (lrépas ?).
(2) La colline de l'or.
(3) Lieu du cÏl)1etière.

Deux lechs ont échappé à la destruction : l'un de forme
harmonieuse, haut de :1 m 60, cannelé, en granit rosé que nous
avons envoyé au musée de Quimper; l'autre plus petit, rond
avec de très légères cannelurettes se trouve dans le musée de
Penmarc'h. C'est autour de chacun de ces lechs que nous
avons découvert de véritables îlots de sépultures.
D'abord, des vases à incinération remplis d'ossements brû­
lés et d'objets en bronze, quelques fibules et surtout des mor­
ceaux de bracelets.
En général, ces vases (Fig. ro et Il ) sont enfouis à 70 ou 75
centimètres de profondeur; mais, comme ils sont de grande
taille, certains d'entre eux ontl e col arrasé par la charrue;

presque tous reposent sur des pierres triangulaires et sont ·
recouverts d'une pierre plate triangulaire ou quadrangulaire
tellement lourde qu'elle a provoqué aussi l'écrasement du col
ou son inclusion dans le vase lui-même au travers des osse-

men ts InCIneres.
Quelques vases sont enterrés plus profondément et repo­
sent à l "! 05 de profondeur. Parmi eux se rencontrent de fort
jolies formes, mais le mobilier reste le même. Ils sont mieux
conservés. Les petits dessins d'ornement et les courbes de ces
vases font honneur aux potiers gallois qui ont travaillé pour
cette nécropole. Ces vases, semblables à ceux qui ont été
découverts à Hengistbury Head dans le Hampshire (r ), peu­
vent, comme eux, être attribués à la Tène II ou à la Tène HI (2).
De nombreux débris de poteries (Fig. 12), dont quelques-uns
ornés, émaillent les terres et les sables. Quelquefois les vases
sont isolés; d'autres fois ils sont disposés par trois ou par
quatre. Ils sont quelquefois entourés d'un épais matelas de
r ésidus charbonneux qui les isole du sable ou de la terre .

(i) Soc' iety of antiquaries of London, nO Ill, 1915.
(2) Un vase identique au vase sans pied a été trouvé à Glastonbury
(Somerset), mai, il est couvert de décors incisés que celui de Roz-an-Tré­

Nous en aurions recueilli un nombre considérable si la plus
grande partie n'avait été bouleversée par des inhumations
plus récentes dont les squelettes sont d'ailleurs en état de
conservation médiocre. Sur une dizaine de squelettes que

. nous y avons mIS a Jour, nous n avons pu en conserver qu un
en demi-état (1) et un autre à peu près complet. Ce dernier,
qui est celui d'une femme, est garni de ses bijoux: bracelets
en bronze de bras et d'avant-bras, fibules en fer, torque en
fer et bronze; il présente la particularité du prognathisme
accentué du menton, si général à Saint-UrneJ.

FIG. 11. - VASi!:S DE ROZ-AN-TRE-MEN
Favret phot.
En déblayant les terres avec soin, nous avons mis à jour les
blocages soignés qui supportaient les lechs avec le trou d'em­
base; nous avons découvert. deux jolis cofl'res en granit
inviolés et cependant absolument vides, probablement des
cofl'res d'attente; enfin et surtout nous avons pu déblayer et
reconstituer intégralement un genre de tombe que nous n'a­
vions pas encore rencontré dans le Finistère : quatre pierres

coniques posées verticalement aux extrémités d'un rectangle,
encadrant une pierre plate sous laquelle se trouvait une petite
poche de cendres et d'ossements brûlés, dont quelques pha­
langettes d'enfants verdies au contact de morceaux d'un petit
(i) Ce squelette a été décrit par le Dr LagrifIe dans le Bulletin de la
Société archéologique du Finistère, tome XLVI, i920.

bracelet de bronze; l'oxyde de cuivre en avait assuré la con­
servation.
D'autres poches analogues, dont une avec de vagues traces
de bois vermoulu qui ont rapidement disparu au contact de
l'air, ont été relevées plusieurs fois, mais sans les quatre

pierres comques.
Not'Ons aussi qu'à certains endroits les vases ont été bous­
culés par . des inhumations postérieures, lesquels ont été
mis en pièces à leur tour par des inhumations encore plus
récentes. Deux de ces squelettes ont fourni des fragments de
fibules en fer présentant les caractères de la Tène UI. Par
contre, nous n'avons jamais rencontre de vases dont la mise
en place ait bouleversé des squelettes d'inhumation .
Il reste à fouiller d'autres îlots dans les mêmes parages,'
autour du tumulus et autour du menhir de Men-Griz.
Jusqu'ici les incinérations appartiennent à une classe assez

pauvre, sans mobilier bien intéressant. Peut~êire un jour les
autres secteurs de la nécropole donneront-ils des résultats
plus complets relatifs à cette période de la Tène en Bretagne.

Nous avons le devoir de rendre hommage à nos distingués
'collaborateurs, MM. lecolonelDizot, le Dr Lagriffe, le D" .Codet,
le lieutenant Le Garrec, Th. Monod, docteur ès-sciences,
'attaché 'au Museum de Paris, J. Vincens, diplômé des Hautes

Etudes, Perroz. directeur des écoles de Saint-Guénolé, Malo
Renault, graveur, dont le concoUrs si precieux a assuré le
succès des fouilles.
ABBÉ FA VRET,
Vice- Président du Musée
de Penmarc'h.
COMMANDANT BBNARD,
Président-Fondateur
du Musée de Pemnarc'h.
G. MONOT,
Délégué de la C o n des Monuments préhistoriques,

181 -
DEUXIÈME PARTIE

Table des Mémoires publiés en 1923

PA.GES
1. Quelques notes sur le célèbre centenaire Jean
Causeur, par DAlllEL BERNARD. . . . . . .. 3
II. Vieilles chansons bretonnes : II. La chanson de
Monsieur de Boisalain, par 1. LE GUENNEC . " 8
III. Archives du château de Kerjean-Mol . . . . .. 24
IV. L'expansion romaine dans le Sud-Ouest de l'Ar­
morique, par le D' PICQUENARD [1 planche]. 49, 124
V. Quatrième campagne de fouill es préhistoriques
dans le Finistère (1922), par l'abbé FAVRET, le

commandant BÉ:\'ARD, G. MONOD [7 planches]. 83
VI. Cinquantenaire de la Société archéologique du
Finistère. Discours prononcé li. la séance du
28 juin 1923 par H. WAQUET . . . . . : . '. 98
VII. Discours prononcé à la ca thédrale de Quimper le
lundi 9 juillet 1923 par Mg' DUPARC, évêque de
Quimper et de Léon . . . . . . . . . . . . 1 H
VIII. La Société archéologique et la préhistoire: Etude
rétrospective par H. LE CARGUET et le chanoine
ABGRALL.. . . .

161