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Bulletin SAF 1923


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L’expansion romaine dans le Sud-Ouest de l’Armorique

Dr Picquenard

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1923 tome 50 - Pages 49 à 82

L'EXP ANSION ROMAINE

DANS

LE sun-OUEST DE L'ARMOIUQUE
Je me suis beaucoup intéressé à l'étude des vestiges de
l'occupation romaine sur le territoire de la Cornouaille
actuelle et il y a plus de vingt-cinq ans que j'ai commencé à
réunir des documents personnels sur cette question, en même
temps que je poursuivais des recherches bibliographiques
destinées à compléter les résultats de mes observations. J'ai
déjà donné sur ce sujet dans le Bulletin de la Société archéo­
logique du Finistère, en Ig06, une note sur les Ruines et
substructions romaines du Cavardy et du Slang, canton de
Fouesnanl et un mémoire plus important (73 pages) intitulé:
L'oecupation romaine dans le bassin de l'Odet. Comme com­ plément de ce dernier travail j'ai publié dans la Revue de
Bretagne, en 1909, mes Recherches sur le parcours de quel­
ques voies romaines dans la partie orientale de l'arrondisse­
meril de Quimper.
Beaucoup d'autres ont écrit sur les antiquités gallo-romai­ nes de notre pays. Parmi les ouvrages généraux où il en est
question, je citerai ceux de Desjardins, d'Arthur de La Bor­
derie, de M. Camille Jullian. Parmi les travaux de détail j'in­
dique, au courant de la plume, ceux du D' Balléguen, du D'
Toulmouche, Flagelle, Balna du Frétay, Le Men, Grenot, de La

Monneraye, P. du Chalellier, R. de Kerviler, Villiers du Terrage
et, parmi nos collègues actuels de la Société archéologique,
MM. le chanoine Abgrall, l'abbé RolJand,le colonel bizot, Le

Carguet, Le Guenn ec. Après cela, me direz-vous , le champ
des recherches doit être complètement parcouru et toutes les
sources d'information épuisées ~ Non, ass urément. Je vous
ap porte, d'ailleurs, à mon tour un certain nombre de ren sei­
gn ements inédits ; m ais cette étude dont je vais vous donner
la prim eur auj ourd'hui laissera encore à glaner pour les
archéologues à venir. Cette étude sera la mise au point de ce
que nous connaisson~ (ou que nous croyons connaître) ac­ tuellement sur l'occupation romaine dan s la partie Sud-Ouest
de l'Armorique, au Sud des Monts d'Arrée et en deçà de la
rivière EIlé ou de la ligne qui la p rolongerait vers le Nord à
la rencontre des Monts d'Arrée ; ce sera un nouveau jalon
vers la connaissance plu s complète de l'ét~ t du pays à la fin
de l'empire romain; rien de plu s .

1. ETUDE DES CARTES
ET DU TERRAIN
Les tables de Ptolémée et la carte de Peutinger nous four­
ni ssent peu de renseignements sur la région qui nou s inté-

l'esse, mais nous possédon :; m aintenant un bon n ombre de
directives pour la recherche des ves tiges gallo-romains. Déjà
la Société arch éologique du Fini stère avait fait paraître dan s
le 2" tome de son Bulletin (volume de 1874-75) un « ques ­ tionn aire ') relatif aux restes antiques existant dans notre
département. Un certain nombre d'archéologues ont utilisé
et perfec tionné ces données ; moi-même j'ai cru trouver d es
repères , au moins curieux. Quoiqu'il en soit, la m éthode à
suivre pou r ce genre d'inves tiga ti ons es t devenu e de plus en
plus ri goureuse, de plus en plu s scientifique. Comme elle
n'est étudiée nulle part dans son ensemble, je crois utile d'en
donner ici un exposé aussi complet qu e possible des faits que
nous devons utiliser pour l'étude des ves tiges de l'occupation
romaine dans notre régi~

Il Y a lieu de séparer, d'un côté, le travail préliminaire sur
la carte au 80 .000· et sur le plan cadastral; de l'autre, les
recherches sur le terrain.
Travailpl " éparatoire sur la Carte au 80.000·.
- Au cours de ce travail préparatoire nous aurons à nous'
occuper d'abord de l'étude des nom s de lieux, puis de celle
des longues voies à parcours rectiligne, suivant de préférence
la ligne des points les plu s élevés des plateaux, rayonnant
autour de certain es localités et jalonnées par une série de vil­
lages à noms caractéristiques.
A . Les noms de lieux . - Dans la région qui nous
occupe les no ms de lieux intéressants sont en majorité des
noms celtiqu es. Ces noms p eu ven t être répartis dans les sep t
catégories suivantes :
a) CA M PS ET M O TTES. Les localités appelées actuellemen t

K astel, Kastelloa, K istilli, KesteI C« château )), (c1es châtea uX>l ),
K astel douar C« château de terre!) et en pays de langue fran ­ çaise « camp de César ))) possèdent assez souvent des vestiges
de camps romains.
A côté on p eut ranger les localités portant le nom de « La
Motte», en b reton: ar voden, al' vouden , boden; ~.i ces mot­
tes ne sont, dans un certain nombre de cas, que des ves tiges
de la féodalité il y en a d'in conlestablemen t gallo-romaines ;
nou s verrons par la suite com ment on peu t les distinguer.
b) RÉSJDENCES . Quantité de noms de villages indiqu ant
des résidences sont tout à fait caractéristiques. Le nom de
lieu K erromen (villa romanorum) se passe de commentaires.
De même, en Haute-Bretagne, le nom de li eu Roma.
Celui de Kosker (le vieux village) est au ssi très caractéris ­ tique ; au point de vu e ling uis tique il présente, en outre, un
certain intérêt: la présence de l'adj ectif avant le substantif

de koth par la lettre s nou s indique que le nom est ancien;
les deux particularités que je viens de signaler appartiennent,
eh effet, à la période ùe notre langue, antérieure au XVII' siè­ cle, que les philologues désignent par le terme de moyen
breton; plus tard on eut dit, comme aujomd'hui: Kergoz.
Le nom de Ty ru (la maison rouge) s'il a pu s'appliquer à
des maisons de lépreux est souvent caractéristique des vesti­
ges d'une habitation romaine sur l'emplacement de laquelle
la couleu r rouge de nombreux débris de tuiles à rebord a
depuis longtemps attiré l'attention. Le nom de Guiler, d'ori­
gine gallo-romaine, doit aussi retenir notre attention; dans
la commune ct au village de ce nom ont été rencontrés des

traces d'habitations gallo-romaines .

La Salle, Les Salles (en breton: al' Sal, al' Zal, ar Salou, 1
al' Saleier, al' Zalou) cons tituent égalemen t des nom s très
caracté ristiques. A proximité de Quimper, au bord de la voie
de Carhaix à Aquilonia (Mont-Fru gy) il y a un [{eranpensal
qu i nous donne une forme en moyen breton et qui me paraît
signifier « le village du bout de la Salle )J . En fait de noms

composes presentant une on gll1e anCIenne, retenons aUSSI
Henvic et Lanvic qui, à première vue, paraissent constituer
un amalgame celto latin par la juxtaposition d'un préfixe
peut-être latin (vicus). Ceci, d'ailleurs, à titre d'hypothèse
devant être vérifiée par l'étude des formes successives dans
:les 'pièces d'archives ou autres .

Dans le même ordre d'idées, notons aussi le nom de La Haie,
et, me semble-t-il , une forme bretonisée Penanhaie « le bout
de la haie ») ) et Mur, Muriou, Mureier, Moguer, Moglleroll,
Magoariou «( le mur)), « les murs ))), Mogllermeur « le
grand mur )) ).
Les lieux-dits Le Quinquis et Le Plessis, s'ils se rapportent
à des établissements postérieurs à l'époque romaine, n'en
sont pas moins intéressants à noter, car on y a parfois ren­
con tré des vestiges gallo-romains. Dans les départements

voisins, il Y a lieu d.e faire état des noms de lieux-dits Le
Mortier, Les Mortiers, qüi indiquent souvent d'anciennes
exploitations de pierre calcaire, soit pour faire de la chaux>
soit pour avoir de la castine à l'usage des fonderies de fer.
Dans ce cas, en Bretagne fran çaise, on peut trouver également
des noms de lieux comme La F errière et Le Châtellier. Ça et
là, en pays français, on trouve d 'au tres vocables se rapportan t

à des métaux précieux: L'Aurière, L'Argentière, et indiqu an t

d'anciennes exploitations de minerais.
U ne autre catégorie de noms de villages, fermes, moulins,
est tout à fait intéressante au point de vue de nos recherches
préparatoires : c'est celle où se trouve un radi cal breton indi­
quant la présence du buis . Cet arbuste, auquel son feuillage
persistant a fait donner le nom de (( Buis touj ours vert »
(Bux us sempervirens.l, était certainement indigène dans
quelques localités de la Gaule, par exemple sur des cô teaux
calcaires, tellement arides, que jamais les Gallo · Romains
n'auraient eu l'idée d'y placer leurs habitations; et, de fait,
on n'en trouve aucun vestige dan s ces localités ; mais dans

notre région; où le calcaire est rare et le buis également, on
a eu l'occasion de remarquer plusieurs fois la présence du
buis et de ruines gallo-romaines dan s des localités qui, sous
une forme ou sous une autre, portent un nom contenant une
allusion à cette présence. C'es t le cas du Meil ar Beuz, de La
Forêt-Fouesnant> d'un certain nombre de Buzit et de Beuzit
(a vec des variantes), du Pont-de-Buis , au Nord de Châtea ulin,
de diverses Boixière ou Boissière, localités où, d'une manière
générale, on trouve actuellement et des vesti ges typiqu es et
des plan ts de buis.

c) CHAPELLES. Au voisinage des voies romaines se son t
édifiées à un - e époque très ancienne, puis au Moyen-Age. une
série de chapell es remarquables par leurs noms à caractère

elles sont désignées. En outre, parmi leurs noms ne figure
celui d'aücun saint celtique. Il èst hors de conteste que le
clergé régulier ou séculier a profité à ces époques des voies
romaines si solides, si intelligemment tracées, pour y élever
ces divers monuments cultuels .
Ces chapelles, dont nous verrons souvent par la suite tout
l'intérêt, s'appellent : Lochrist, La Trinité, Saint-Pierre,
Saint-Jean, Locjean, Saint-Symphorien, La Madeleine, Le
Moustoir, Le Pénity, Saint-Christophe, Saint-Laurent, Saint­
Jacques, Saint-Michel, Locmaria, sans compter Sainl-Véner
qui) avant Sainte Agathe, fut le patron de la chapelle de
Langon (Ille-et-Vilaine), ancien temple' païen. Le Cloître me

parait etre aussI un Dom caracterIstIque.
d) ETABLISSEMENTS HOSPiTALIERS. Les établissements
hospitaliers, situés parfois en des points où avaient préexisté
des établissements gallo-romains, portent des dénominations
non moins caractéristiques; ce sont, par exemple, Le Temple,
L'Hôpital, Saint-Jean, Saint-Julien En Haute-Bretagne, on
noterait, en outre, en fait de noms anciens, le long des grands
chemins, ceux de La Maladrerie, La Maladrie, et Saini-Lazare .

e) CiMETIÈlŒS. II y aura lieu aussi de tenir compte des
noms de lieux indicatifs d'un cimetière comme karn (dans
Bot-karn) et beret (dans Park al' Verel).
J) CARREFOURS. Certains carrefours s'appellent encore
Kroa . ru ou La Croix rouge; ces appellations dérivent .
assez souvent de la présence de débris de tuiles provenant
d'un établissement gallo-romain .

g) TERMES DE VIABILITÉ. Plusieurs termes appliqués à la
viabilité sont dignes d'être retenus comme s'appliquant à de
très anciennes voies, romaines presque toujours. Nous retien­
drons surtout: Hentmear, Siralvear (la grande route), Hent

Kerstrat (le village de la route), Strat glaz (le chemin vert),
_ ar Pave (le pavé). Pen ar Pave (le bout du chemin pavé), le
Chemin des Sept Saints, Kerferré, et, d'après le Dr Halléguen,
Hent Ahès, Hent an Noblans koz, Henl al' Gelven.
En Haute-Bretagne, les noms de Chemin Noe', La Chaussée,
Chemin Chas le, Chemin Ferré, sont aussi 'caractéristiques de
voies très anciennes; sur ces voies son t des « Pont de César »

Ailleurs, en France, on a le Chemin des Bœujs, la Chaussée
Brunehaut, le Grand Chemin, La Chevalerie, Haute Chevau­
chée, Chemin des Romains.
B. Les parcours présumés des voies romaines sur
la carte au 80.000·. Les meilleures éditions, pour la
recherche des parcours présumés des voies romaines, sont les
plus anciens tirages de la carte du Ministère de la Guerre, au
80.000·. Là, en effet, il est possible de retrouver de longs
secteurs de chemins à un trait circulant en direction rectili­
gne (ou presque) et passant par toutes les principales cotes
d'altitude ou dans leur voisinage. Sur ies éditions récentes de
la carte, un certain nombre de ces chemins est figuré à deux
traits, au moins pour certains segments, par suite de leur
réutilisation comme chemins vicinaux ou autres, et les études
préliminaires sont dès lors moins faciles.
En dehors de leur rectitude, les longs chemins des hau­
teurs devront, naturellement, être jalonnés par des stations à
noms caractéristiques, comme ceux que je viens de signaler,
et renfermant, en outre, des traces de l'occupation romaine.
Travail préparatoire sur le plan cadastral. -
Le travail préparatoire sur le plan cadastral constituera,

évidemment, une étude plus approfondie que celle effectuée
sur la carte au 80 .000' . Ici on pourra trouver non seulement
des noms de communes et de villages, mais encore des noms

Keranbarz, commune de La Forêt-Fouesnant, une parcelle
cadastrale, en nature de chemin assez large, désignée sous le
nom de Rent ar Panz (la route du puits), peut être considérée
avec beaucoup de vraisemblance comme étant le chemin qui
reliait la station gallo-romaine voisine de Chapel Guiler à un

ancien puits intarissable, e meilleur du pays, · mais situé
maintenant en pleine camp gne, à 300 mètres de toute habi­
tation,
En ce qui concerne le trajet présumé des voies romaines,
les archéologues ont remarqué, depuis assez longtemps, que
le cadastre porte de longues bandes étroites, rectilignes,
circulant entre les champs et correspondant aux vieux
chemins à un trait que nous avons déjà repéré sur la
carte au 80.000",
En résumé, comparé à cette carte, le plan cadastral repré­
sente l'aspect du pays vu à un plus fort grossissement et, par
conséquent, avec plus de détails.
Recherches sur le Terrain. Comment les re-
cherches sur le terrain vont-elles nous donner la confirmation
de l'exactitude du travail que nous aurons ainsi préparé
par la méthode inductive ~ D'une manière générale, cette

confirmation se fera très simplement, les vestiges gallo-

romains présentant des caractères très tranchés. Passons en
revue ces diITérents souvenirs de l'occupation romaine.
a) CAMPS RO~lAINS. Les camps romains ne ressemblent
ni aux camps préhistoriques, ni aux fortifications de la féo­
dalité. Ces camps, situés sur des hauteurs et au voisinage
des gués, souvent disposés de manière à pouvoir correspondre
avec plusieurs autres camps par des signaux lumineux, sont
toujours limités par des remparts tracés en ligne droite et
leur contour est la plupart du temps rectangulaire. Leurs
remparts son t en terre plus ou moins mélangée de cailloux

angles sont flanqu és de tours rondes; à l'intérieur on trouve
les tuiles à rebord indiquant indéniablement une origine
gallo-romaine.
Les camps préhistoriqu es ont une disposition différente.
Dans certains cas, ils sont situés sur des pointes rocheuses,
entourés sur deux côtés par la mer ou des rivières , ou domi­
nant simplement une plain e ou un plateau, avec des défenses
à la base de la pointe, telles que tranch ées transversales,
talu s, remparts grossiers en quartiers de pierres a· moncelées.
On en trouve aussi un certain nombre de forme circulaire,
rarement carrée ou rectan gulaire, avec, à l'intérieur, des fonds
de caban es circulaires. Cette forme plus ou moins circulaire
de l'enceinte se retrouve dans les mottes fortifiées, avec
fossés, des premiers temps de la féodalité.
Les camps préhistoriques ne renferment, d'ordinaire, que
des produits de l'industrie pré-romaine; cependant, il a pu
arriver qu'étant donné leur situation certains d'entre eux

aient été utilisés par les Gallo-Romains et, qu'en ce cas, on y
rencontre certains objets se rattachant à leur civilisation par­ ticulière.

b) TEMPL ES. Tau le construction circulaire ou polygonale,

en petit appareil à contour simple ou double, doit éveiller
dans notre esprit une id en tifica tion avec un temple tel qu'on
les contruisait sur notre sol. Le type de ces édifi ces, compor­
tant deux tours polygonales emboitées l'une dans l'aulre et
séparées par un chemin de ronde de [ mètre de largeur, se
trouve au Haut-Bécherel, près de Corseul. Ici, les subslruc-
. tions à Trégouzel, au Sud de Douarnenez, où u ne aire circu­ laire entoure une aire rectangulaire, peuvent représenter les
ruines d'un temple païen. Par ailleurs, il a été rencontré ça
et là quelques sla tues de divinités, d'origine gallo-romaine .
Enfin, je rappelle que Je béni tier voisin du porche Sud de
l'église de Penhars est un a u tel gallo-romain. .

c) HABITATIONS. Les habitations gallo-romaines se signa-
lent à l'observateur par des caractères tels qu'il est impos­
sible de les confondre avec quoi que ce soit. S'il y a des mu­
railles encore debout, on les reconnait aux parements com­
posés de petits cubes de moellons disposés en lits réguliers
et réunis par un mortier, d'une extraordinaire dureté, formé
de sable et de chaux hydraulique. C'est ce qu'on appelle

improprement le ciment romain. Parfois les murailles des
maisons étaient renforcées par des contre-forts. comme
cela se voit au Cavardy, en Saint-Evarzec. Parfois des
cordons de briques étaient intercalés dans les murs. Géné­
ralem ent on trouve en abondance, dans les habitations
romaines ou à leurs abords, avec des poteries, de nom­
breux fragments de tuiles à rebord et aussi des meules à
bras.
Quand les murs sont éboulés jusqu'au voisinage du sol, le
plan des habitations romaines se reconnait à sa disposition
en rectangle allongé, compartimenté par différents murs; les
fragm ents de tuiles et de poteries samiennes favorisent encore
l'identification de ces substructions. Souvent les moellons
épars sur le sol sont rougis par l'action du feu. Quelques
q)Ups de pioche permettraient sans doute de mettre à jour
soit des dallages en ciment ou en mosaïque, soit au moins
leurs fragments.
Parfois, en fait de vestiges de l'habitation des gallo-romains,
on trouvera seulement des restes d'hypocaustes, c'est-à-dire
de ces cavités constituées par une série de petits piliers sup-

portant un dallage épais de plus d'un pied, cavités où circulait
l'air chaud destiné à élever la température des différen tes
pièces de l'habitation.
S'il s'agit de thermes on pourra, parfois, essayer de recons­ tituer leur disposition en se basant sur les descriptions lais­ sées par les auteurs anciens ou encore subsistantes dans
quelqu es établissements suffisamment conservés .

d) Fouus A POTIERS. Les fours à potiers gallo-romains
sont caractérisés par leur conten u. On ya trouvé, par exem­
ple, de nombreuses statu es de Vénus Anadyomène disposées
pour la cuisson ou de ces petits creusets à section rectan gu­
laire, assez fragiles , dont on ignore l 'usage exact, mais qui ont
été rencon trés juxtaposés sur une aire bétonnée dans les subs­
tructions gallo-romaines de Kerobestin, en Combrit.
Parmi les installations d'ordre industriel, notre collègue
M. Delécl üse, si a u courant des antiquités de la ville d'Is, me
signale à Douarnenez les auges bétonnées, couvertes en tui­
les, ayan t servi, à l'époque gallo-romaine, à saler le poisson
do!)t on a retrouve dan s ces récipients les écailles etles arêtes .

e) AQUEDUCS , Les aqueducs paraissent rares dans n otre
région : peut-être n'en a-t·on pas suffi samment recherché les

vestiges . Ils ne sont cependant pa s inconnus et nou s devons
à la patience et à la sagacité de M. l'abbé Rolland de nous
avoir fait connaî tre le tres important ouvrage de ce genre qui
amenait à Carhaix , centre gallo-romain important, par une
série de' détours h abilement calculés, se déroulant snr une
cinquantaine de kilomètres, l'eau de sou rces
distance de quinze kilomètres au plu s.

captees a une
f ) CIMETIÈUES ET SÉPULTUUES. - L'Armoriqu e ne paraît pas
avoir possédé des cimetières gallo-romains comparables aux

n écropoles de l'Italie. Nos cimetières gallo-romain s donnent
l'impression de cimetières de pauvres. Les cimetières à sépul­
tures par incinération contiennent généralement un assez
grand nombre d 'urn es fun éra ires enfouies directement dans
le sol. Ce type de cimetières a été rencontré à Carhaix et à
Aquilonia .
. D'autres sépultures comportaient un sarcophage en granit
ou en calcaire. selon les ressources fournies par les carrières
de la région , où l'on reconnait l'emplacement de la tête et du

être fait avec des luiles à rebord. Parfois la sépulture est for­
m ée de dalles posées de champ, en rectangle, avec d'autres
dalles pour couverture.
g) MONNA IES. Il est à peine nécessair.e d'indiquer qu e la
présence de m onnaies romaines sur l'emplace ment ou au voi­
sinage d'u n m onument, présumé romain, suffit pOUl; dater ce
monumen t.
h) VOlES RO MAJN ES. - J'ai déjà indiqué comme caractères
généraux des voies présumées romaines, sur la carte au
80 .000

et le plan cadastral, d'abord leur rectitud e, en suite
leur parcours par les points dominant largement les alen­
tours. -STH le terrain il est généralem ent facil e d e les recon­
naître, au m oin s dans certai ns de leurs tronçons, car il arrive

souvent, qu'entre des parties fort bien con servées de ces voies
il s'en trouve d'autres , situ ées dans leur prolon gement, qui
sont très dégradées, réduites à l'état de fondrières ou de sen­
tiers. Généralement ces parties dégradées des voies sont celles
. qui passent da ns les points les plus déclives, et rich es en
sources , ou encore celles qui traversaient les bois et que la
végétation a parfois complètem ent envahi. Les voies bien
conservées ont couramment dix à quinze mètres de largeur
et sont bordées de douves larges et profondes. Elles paraissent
avoir été ordin airement macadamisées ; en tout cas, le pavage
ou le dallage n e s'y ren con tre qu 'exceptionn ellement dan s
notre région. Leurs pentes sont fort raides au passage d es
vallées qu'elles traversent presque touj ours en li g ne droite.
Quand le fond de la vallée était instable ou marécageux, une
solid e chaussée surélevée a été parfois con struite pour parer
à ces inconvénients. L'un des accompagnements les plu s
ca ractéristiques des voies romain es, ce sont les bornes mil­
liaires d ont la taille et la forme en h aute et massive pyramid e
rectan gulaire tronquée, à an gles arrondis, ne peuvent man­

des inscriptions de l'époque. Mais des milliaires aussi intacts
sont ici l'exception. La plupart du temps, en effet" ou les ins­
criptions se sont effacées, ou les pierres ont été repiquées, ou .
encore elles ont été transportées ailleurs et, décorées du nom
de Lech, qui sonne bien et qui constitue un voile commode à
notre ignorance, leur origine réelle est complètement oubliée.
Je n'insiste pas actuellement sur les milliaires. J'aurai J'occa­
sion d'y revenir plus loin.
Mais, en l'absence de milliaires reconnaissables ou demeurés
en place, il est encore facile de jalonner les voies romaines à
l'aide des vestiges gallo-romains qui se trouvent sur leur
parcours présumé et à leurs deux extrémités, par exemple:
camps, substructions indiquant des agglom'érations anciennes
ou même de simples relais.

On sait que la mesure de longueur adoptée pour le jalon­
nement de ces voies était la lieue gauloise de 2.222 mètres. '
Or, en recherchant les emplacements de milliaires, sur des
voies denotre région, j'ai été amené à faire les intéressantes
constatations q1,le voici:
Relativenient aux monuments gallo-romains placés le long
des voies romaines, on constate très souvent qu'ils sont situés
à une lieue gauloise les uns des autres ou à une distance
représentant un multiple exact de la lieue gauloise.

Si nous prenons, par exemple, la voie de La Forêt-Foues-
nant à Carhaix et si nous la suivons vers le Nord-Est, en
passant par Saint-Yvi, Elliant, Tourc'h, Coray, nous remar­
quons qu'à partir de son point de départ au fond de l'anse de
La Forêt jusqu'au village de Chapel-Guiler, siège d'un éta­
blissement gallo-romain, il y a une lieue gauloise; de Chapel­
Guiler au camp romain du bois de Pleuven il y a encore une
lieue gauloise; de même du camp du bois de Pleuven aux

substructions de Ménez-Riou-Bihan, au-dessus de Saint-Yvi ;

à deux lieues gauloises plus au Nord, nous trouvons non des

une lieue gauloise plus loin, un village à nom également
carac téristi que. Le Quinquis, au voisinage duquel se trouve,
d'ailleurs, une b orne milliaire. Voilà une série de faits très
nets et on pourrait , vraisemblablement, en relever d'autres
en remontan t vers Carhaix.
Mais, en dehors du j alonnem ent des voies par des établis­ sements situés à des distances régulières et d'origine gallo­
romaine ou au m oins très an cienne, il y a un jalonnem ent .
non m oin s régulier p ar les croix de pierre, sur lequel j e veux
attirer maintenant votre attention.
Pour mieux me faire comprendre je prendrai deux exemples .
J'emprunterai le premier à la parti e du Chemin des Sept
Saints qui, précédemment, à titre de g rande voie rom aine,
reliait Quimperlé gallo-romain, agglom ération si tu ée sur la
rive gau che de l'Ellé et de la Laïta. là où sont actu ellement le
faubourg du Bourgneuf, le quartier de Saint-Avit et Trévoa­ zee, à la ville d'Aquilonia que n ou s étudierons plus tard et
dont le pos te militaire du Fru gy paraît avoir été le point prin-

cipal. Par la v.oie romaine, il y a L l O kil ùmètres entre Quim-
perlé et le poste militaire du Frugy ; ce chiffre correspond à
18 lieu es gauloises . Or, plu sieurs des croix situ ées le lon g
de la voie sont séparées soit par un intervalle d'une lieu e gau·
loise, soit par une distance correspondant à un n ombre entier
de lieues gauloises, et, les croix dont je' veux parler sont
situées aux points où des bornes milliaires auraient marqué
des lieues gauloises, soit que l'on parte de Civitas Aquilonia
pour aller à Quimperlé, soit que l'on effectu e le voyage en
sens inverse. Ain si, en venant de Quimperlé, la croix d e Ty­
Névez , en Melg ven, correspond au milliaire n° iO; la croix de
Kermar-lret, en Saint- Yvi, au milliaire n° 12; celle d e Ke-

reonnec, dans ]a m ême commune, au miliaire n° 13 (1) .
(i ) Ch. Picquenard, Recherches sur le parcours de quelques vo ies
romaines dans la partie orientale de l'arro ndissement de Quimper, dans

J'emprunterai le second exemple à la voie de Civitas Aqui­
lonia à Carhaix, « Entre le camp de Park-ar-Groaz, point le
plus important, centre militaire de Civilas Aquilonia, et la
croix antique de Keranpensal, en Ergué-Gabéric, il ya une
lieue gauloise. Plus loin . au bord de la voie, on trouve les
lieux-dits Kroaz-ru la (Croix-Rouge) etla Croix-Saint-André; .
en ces deux points il n'y a pas [actuellement] de croix de
pierre; au premier point on a constaté des vestiges gallo­
romains et j'ai trouvé, de plus, qu'il était exactemen t à une
lieue gauloise de la croix de Keranpensal; quant au second
point, la Croix-Saint-André, il se trouve exactement à deux
lieues gauloises de la Croix-Rouge» (1).

(( On m'objectera que d'autres croix élevées au bord des
voies de Civitas Aquilonia à Carhaix et à Sulim ne se trouvent
pas en des points où des milliaires auraient pu exister; je ne
fais aucune difficulté pour reconnaître que, c'est le cas pour
la croix de Lanardé, en Melgven; pour celle dite deToulgoat,
en Saint- Yvi;- et pour celle de Quillihuec, en Ergué-Gabéric,
mais je n'en persiste pas moins à croire que dans un certain
nombre de cas les croix ont remplacé des milliaires. La pre­
mière étape de la christianisation de ces bornes a consisté à
les surmonter d'une croix, comme on l'a fait pour les men­
hirs; c·est ainsi que fut traité le milliaire situé à quelques
centain es de mètres à l'Est du bourg d'Elliant. Peu t-être
même, d'autres lechs, surmontés de croix, situés çà et là et
trop petits pou\l: être des menhirs retaillés, représentent-ils,
eux aussi, d'anciens milliaires ~ Quoiqu'il en soit, on peut
parfaitement admettre pour les milliaires authentiqu es chris­
tianisés que la piété des fidèles aura, au cours des âges, rem-.
placé certains de ces monuments dépourvus de style par
(1) Ch. Picquenard, op. cit ., p. 131. Je fais roomarquer dans l'étude en
question que certains noms de lieux-dits peuvent 5'expliquer par leur
situation il un carrefour (Kroaz).

d'autres présentant un caractère plus architectural. Le fait
que plusieurs de ces croix sont situées en des points où
devaient -se trouver des milliaires d onne à cette hypothèse
une force singulière. Du reste, en un p oint au m oins, à
Kereonnec, en m ême temps qu'on trouve une croix, on
constate la présen ce des ves tiges gallo -romain s et rien n'em­
pêche de croire que la m ême constatation sera faite ail­
leurs» (1).

« En résumé, on n e saurait m éconnaître la régularité avec
laquelle certains établissem ents romain s sont distribués le
long de nos an ciennes voies : ceci est particulièrement évi­
dent, pour les ves tiges gallo -romains cons ta tés à Menez-Riou
Bihan, au bois de Pleuven, à Chapel Guiler qui sont tou s trois
séparés les uns des autres par la di stance d'un e lieue gau­
loise. On ne saurait, n on plu s nier, que certaines croix
m onumentales situées au , bord de nos voies romaines
occupent la place où devaient s'élever des milliaires et
semblen t avoir remplacé ceux-ci, On n e saurait nier que
certains lieux-dits où subsiste le nom d e !{roaz se trouvent,
eu x aussi, là où devaien t s'élever des milliaires. Enfin,
il est possible que tel établissement du Moyen-Age situé
là où devait s'élever un milliaire ait remplacé un établi s ­ sement gallo-romain ou -ait été construit dans son voisi­
nage » (2 ).

i) STATIONS DE PLANTES PRÉS UMÉES D'ORIGINE RQo~rAINE. En
dehors du Buis dont j'ai cons ta té personnellement la présence
au voisinage des stations gallo-romaines de Mau ves (Loire-

Inférieure) ; du Pont-de-Buis, du Moulin du Buis, en La
Forêt-Fouësnant ; du Cavardy, en Saint-Evarzec; du Péren-
(i) Ch, Picquenard , op. cit., p i3:l-i32,
(2) Ch. Picquenard, op. cit" p, i32-i:{3.

nou, en Plomelin (Finistère), peut-on retrouver des stations
de plantes utiles ou non introduites en Gaule par les Ro-

mams. .
C'est la question que s'est posé un distingué botaniste. M.
Eug. Simon, -receveur de l'enreg:strement, et il nous a exposé
le résultat de ses recherches pour une région voisine de la
Bretagne dans un travail substantiel publié en 1913 dans le
Bulletin de la Société botanique des Deux-Sèvres sous le titre
de « Les problèmes de la flore poitevine)).
Il faut retenir deux faits caractéristiques dans la distribu­
tion géographique de ces plantes présumées d'importation
romaine; c'est que, d'abord, leurs stations de la région de
l'Ouest de la France sont séparées de leur foyer princi pal de
dispersion par des distances considérables. 500 kilomètres
par exemple; c'est ensuite que leur présence dans notre
région est subordonnée à la présence actuelle ou à l'existence
ancienne de stations romaines et qu'elles manquent à peu
près complètement là où il n'y a pas eu occupation

romame.
L'une des plus typiques de ces plan tes d'importation ro­
maine signalées par M. Eug. Simon est le Géranium tubé­
reux (Geranium tuberosum 1.,) dont la décoction dans du
vin blanc ou rouge était très réputée chez les Romains . C'est
une espèce de type désertique ou steppique, comme on en
peut rencontrer dans le bassin méditerranéen ou dans le Sud­
Ouest asiatique, c'est-à-dire un type à racines renflées en
tubercules contenant des réserves nutritives et à courte végé­
tation printannière. Il ne s'avance pas ou a disparu de Bre-
. tagne, mais il a persisté dans la région de Poitiers, centre
gallo-romain important. Or il est très curieux de trouver
dans notre région à climat humide et tempéré cette espèce
des pays steppiques et désertiques qui n'existait certainement
pas en Gaule quand elle était couverte de forêts et qui y a
donc été introduite depuis.

Je citerai encore, avec M. Eug. Simon, une autre plante
poussant le long des murs, des chemins, sur les décombres,
c'est une rare espèce d'Ortie, l'Ortie à boules (Urtica pilulifera
1.) qu e les vieux auteurs appelaient Ortie romaine (1) . . Cette
herbe ann uelle don tle centre de végétation est dans le bassin
médi terran éen reparaît loin de là, dans le Poitou, unique­
ment dans les points où il y a des vestiges gallo-romains.
Elle reparaît au Pouliguen, au bourg de Batz, au Croisic et
dans le Finistère, sur trois localités citées: Le Conquet, Ile
Molène, Lampaul-Ploudalmézeau, la première et la dernière
sont au voisinage de points où l'on a trouvé des vestiges
gallo-·romains.
Je crois que l'on peut ranger aussi parmi les plantes d'im­
portation romaine, une autre espèce d'Ortie plus rare que
la précédente. l'Ortie membraneu se (Urtica membranacea,
Poil') dont le centre de végétation est aussi dans le bassin
méditerranéen et que nou s retrouvons, sans stations intermé­
diaires, à 700 km de là. dans l'extrême Sud-Ouest du Finis­
tère ; o r, partout où elle se trouve: à Pont-l'Abbé, Plomeur,

Guilvinec il Y a, dans le voisinage, des traces de l'occupation

romaI ne.
TI a été écrit que les Orties étaient utilisées par les Romain s
pour se frictionner et se réchauffer la peau quand ils se trou­
vaient transportés dans des pays plus froids que l'Italie. Il
me semble que ce traitement eut été plutôt... énergique. Il
est plus 'v rai semblable de supposer que ces plantes ont été
utilisées par les Romains pour quelque usage médicinal,
par exemple, à titre de révulsifs.
Parmi les autres plantes médicinales cultivées par les
Romains et qui ont subsisté au voisinage des décombres de
leu rs établissements je mentionnerai seulement l'Aunée et
l'Olusatnun.

L'Au née est une grande composée dépassant l m. de hau­
teur, ,offrant de larges feuilles et cles inflorescences d'un jaune
foncé rappelant celles du Topinambour. Son nom botanique
est Inula Iielenium L. Or, en ce qui concerne le Sud-Ouest

de l'Armorique, il y a lieu de noter que tou tes les localités où
cette plante s'est maintenue, sans s'élendre, sont au voisi-

nage de stations gallo-romaines, ou de voies romaines, qu'il

s'agisse de Kerinvel, en Ergué-Armel; de Saint-Tromeur, en
Guilvinec; de Penmarc'h; de l'p.nse de Dinan; de l erIoc'h,
en Crozon; de Rostellec. près du Fret.
L'OlusaLrum (SyrmnÏtun Olusalrufrt L.) est une plante Om­
bellifère dont l'aspect rappelle un peu celui de l'Angélique
sauvage, mais avec les fleurs jaunes au lieu d'être blanches.
Quoiqu'elle ait acquis plus d'exLension que]' Aunée, on
remarquera qu'elle abonde surtout auprès des centres d'occu­
pation romaine comme Vannes et Brest.
C'est vraisemblablement à l'époque du défrichement des
forêts de la Gaule. r.'est-à-dire sous la domination romaine,
qu'ont été intl'oduites chez nous les mauvaises herbes de nos
moissons (OLI plantes messicoles) telles que: Nielle, Bleuet,
Coquelicot, Valérianelle; mais nous ne pouvons pas en
faire éta t ici, car ces plantes très envahissantes se sont
répandues un peu , partou t, parfois loin des points
primitifs d'apparition, surtout quand le sol s'y prêtait
et que le manque de soins culturaux favorisait leur pullu­
lation (r ).
J) GISEMENTS DE PIERRES CALCAIRES ET DE M1NERAIS USUELS,
FER, PLOMB, ARGENT, ÉTAIN, OR. En ce qui concerne les
gisémellts de pierres calcaires propres à fournir de la chaux

pour les constructions ou de la castine pour les fonderies
de fer, j'ai signalé les noms caractéristiques comme Les Mor-

tiers rencont rés dans les départements voisins. Les calcaires
de l'étage go thlandien du Mortier, en Saint-Jacut(Morbihan)
ont ain si servi de castine lors de l'exploitation des minerais
de fer du même niveau géologique . En Fini stère il faudrait
examiner les abords des zones calcaires dévoniennes du pour­
tour de la rade de Brest qui on t été exploitées au siècle der­
nier comme pierre à chaux et y rechercher systématiquement
des ves tiges gallo-romain s ~1ais j e considère comme carac­
téri stiqu e la présence de traces d'occupation romaine sur l'île
de Laber, ell tre Telgruc et Morgat, près du four à chaux de
Rosan où se trouvent des calcaires appartenant au m ême
étage géologiq ue que celui du Mortie[, en Saint-Jacut. De
même, comme me l'a fait remarqu er M. le chanoine Abgrall,

le. calcaire ca rboniférien d\] Pont-de-Buis a été exploi té à la
période gallo· romaine.
Pour l'exploitation des min erais usuels il est facile . d'en
retrouver des traces et de les dater d'après les vestiges d'oc­
cupation relevés près des ancienn es exploitations. On ne sau­
rait donc examiner avec trop de soin le voisinage d'ès alleu­
rements des couch es de fer et des gîtes ou filons de plomb,
argent, étain et or. Le fer, abondant chez nou s, a été large­ ment exploité depuis l'époque gauloise. C'est évidemment
pour la recherche du plomb argentifère que se constitua près
de Huelgoat le vaste village du camp d'Artus .

L'exploitation de l'étain fut aussi très ancienne dans le
ma ssif armorica in (région d'Abbaretz).
Quant à l'or, le professeur Kerforne attribue aux H.omain s
les amoncellements de déblais anci ens qui ont été remarqués
aux mines de la Bellière . .
Tel s sont les principauxélérnents à l'aide desquels no us
pou['rons nous lancer dans l'étude scientifique des traces de
l'occupation romaine sur le sol où nou s vivons.

II.- LES PRINCIPALES AGG TIONS

ET LES
PRINCIPAUX POSTES AIRES
Les divers itinéraires et les ouvrages historiques anciens
qui sont parvenus jusqu'à nous, nous ont conservé les noms
de quelques agglomérations ou de quelques postes mili taires
situés sur le territoire embrassé par le présent travail , Mais,
sur ce 'même territoire, il y avait d'autres stations d'importance
égale, à en juger par leurs vestiges, et dont les noms gallo­ romains ne nous ont pas été transmis .
, Parmi les localités du Sud-Ouest de l'Armorique qui sont
implicitement citées dans les documents anviens nous retien~

drons les noms suiva'nts.
D'abord Carhaix ( Vol'gium) doot la dénomination réeHe a

fait l'objet de beaucoup de discussions, les \ln s y voyant la
ville de Vorgium, les autres celle de Vo rganium, d'autres,
enfin, les deux à la fois. Voici maintenant Quimperlé, désigné
très anciennement sous le nom d'Anaurot; dans son voisinage
se trouvait Sulim (Hennebontl(r). Quimper était connu sous
le nom d'Aquilonia, Audierne. sous le nom de Vindana Portus;
le large promontoire où se trouve celle ville, le Cap-Sizun,
parait avoir été le Gobaeum Promonlorium; l'île de Sein était

la Sena Insula Au voisinage et au Nord de la régioo que
nous étudions se trouvaient encore Gesocribale (Brest) ;
PortusSaliocanus (Le Conquet); en face Uxanlis Insula
(Ouessant) ; sur la cô te de la Manche, Barsa Insula (île de
Batz) ; Mannalias (Koz Gueodet -Perros).

Rappelons en passant quelques autres noms importants
de localités d~ la presqu'île armoricaine qui nous seront utiles
à connaître lorsque nous étudierons le réseau des voies

(i) Comme me l'a fait rema rquer iVI, \Vaquet, Blabia se rapporte plus

romaines. Ce sont: dans le Sud, Locmariaker; Darioritam
(Vannes) ; Daretia (Rieux) ; Grannona (Guérande) ; Brivates
Portas (La Grande Brière) ; Nanmetam Portas et Gondevicnam
(Nantes) ; Ralialum (Rezé); dans le centre, Sipia (Visseiche)
et Gondate (Rennes) ; dans le Nord, Ad Fines (Fèins) ; Aletam
(Saint-Servan) ; Fanum Marlis (Corseul) ; Regina (Erquy).
Mais il existe, par ailleurs, dans le Sud-Ouest de l'Armorique,
plusieurs centres habités ou fortifi és, importants à l'époque
gallo -romaine et don t les noms anciens ne nous sont pas
parvenus.
La ville d'Is, par exemple, occupait un grand espace,
indiq ué par ses nombreux vestiges, sur le territoire des

communes actuelles de Douarnenez, Ploaré, Plonévez-Porzay
et Tréboul. En outre, dans le Cap-Sizun, le camp de Castellien
dont nous avons pu voir les hauts remparts et dont nous
déplorons la destruction récente, présentait assez d'intérêt
aux yeux de ses auteurs pour avoir entraîné la construction
de la superbe voie romaine, encore très visible, qui le reliait
à la ville d'Ts. A l'extrémité Nord-Ouest du Cap-Sizun. près
de la pointe du Van, la station de Troguer, où l'on voit encore
des substructions en petit appareil. motivait l'aboutissement
d'une autre voie romaine qui la reliait à la ville d'Is et à
Aquilonia _
Parmi les groupes notables de vestiges gallo-romains de

notre région je dois citer la station de Keruret avec extension
vers Kel'el et Saint-Guénolé, station protégée par des postes
militaires, au carrefour de plusieurs voi es romaines, entre Le
Pérennou et Pluguffan.
Un autre groupement remarquable s'observe aussi sur 'lm
espace de 1500 mètres de long près et à l'Ouest du bourg de
Saint-Evarzec; là, en dehors des noms caractérisliques comme
Kerromen, Moguerou, Cosker, on trouve, sur ce plateau,
des vestiges gallo - rorna.ins au Ca.va.rdy, à Kerromen, à
Cosker-braz,

En dehors des limites de ce travail, dans le Nord du Finistère
actuel, il ne faut pas oublier, non plus, l'importante station
gallo-romaine de Kerilien.
Quelques détails maintenant sur les stations gallo-romaines
les plus développées du Sud-Ouest de l'Armorique .

Carbaix. Carhaix a droit à u'ne place d'honneur parce
que de cette grande agglomération gallo-romaine raJonnaient
plusieurs voies qui la reliaient soit avec divers centres (le
l'Armorique occidentale, soit avec Nantes, Rennes, Saint­
Servan et le reste de la Gaule.
Comme le fait remarquer M. P. du Chatellier (1), la ville
gallo-romaine de Carhaix dépassait les limites de la ville
actuelle. Il a été rencontré sur le territoire de cette commune
et sur celui de lacommune de Plouguer de nombreux souvenirs
de l'occupation romaine.
D'abord, des ruines d'habitations, d'hJpocaustes, une
mosaïque, une aire en ciment, des tuiles à rebord, des poteries,
un fragment de colonne en marbre blanc. Puis des statuettes
en bronze, des monnaies romaines en quantité, des pierres
fines gravées, et une bague en or, du poids de 13 grammes,

portant au chaton deux bustes aITrontés avec une inscription:
SABINE VIVAS
Puis encore la série de trois plats en bronze plaqués d'argent
à l'intérieur et de trois casseroles en argent, dont deux avec
inscriptions, rencontrées par 1\1. Nédélec, ancien député du
Finistère, dans sa parcelle n° 225 (Park ar Frout) dela section
cadastrale de Carhaix, à côté de beaucoup de monnaies
romaines en bronze, de six en argent, d'une en or (2 ) .
C'est ensuite la découverte en janvier 18g8, par M. P. du

(i ) P. du C halellier, Les époques préhistoriques et gauloises dans le
Finistère, 2

éd ition, p. 162-164.

Chatellier, d'une nécropole d'où il fut retiré 405 vases avec
restes incinérés 'et quelques monnaies, dans la parcelle n° 25
du plan cadastral de Carhaix (1).
C'est enfin la constatation de la présence à Carhaix: et dans
sa banlieue Est des vestiges nombreux de l'aqueduc qui ame­
nait dans la ville gallo-romaine les eaux: de la butte de Coat­
ar-Scaon, entre Paule et (rlomel.
Le trajet de cet aqueduc a été étudié avec le plus grand soin
par nolre confrère M. l'abbé Rolland (2) dans un mémoire
publié par noire Société. Nous y apprenons que les travaux
d'art exécutés par les Romains pour l'adduction à Carhaix des
eaux de Coat-ar-Scaon et de points intermédiaires décrivent
encore actuellement un trajet sinueux, en grande 'partie sur
la rive droite du canal de Nantes à Brest et que plusieurs por­
lions de cet aqueduc livrent encore passage à des eaux: cou­
ranLes . L'auteur nous y renseigne sur l'emplacement du château
d'eau de Carhaix et nous décrit les ramifications de l'aqueduc
qui s'éLendent encore aujourd'hui sur [.500 mètres du Nord
au Sud et 1.000 mètres de l'Est à l'Ouest.
Cette agglomération gallo-romaine qui a précédé la ville
moderne de Carhaix: ne paraît pas avoir été entourée d'un mur
d'enceinte; il en sera de même de toutes les agglomérations
de celte période que nous rencontrerons dans le Finistère. Les
seules villes armoricaines qui aient présenté des traces de for­
tifications sont Nantes, Rennes, Saint·Servan (Alet) etVannes.
Par ailleurs, le mur d'enceinte du Park-ar-Graaz à Aquilonia
et les maçonneries gallo -romaines du château de Brest doivent
être considérées comme entourant non des villes, mais' de
simples postes militaires.

(f) P. du Cbatellier, Les époques préhistoriques et gauloises dans le
Finistère, p. i63 .
(2) Abbé L. Rolland, L'aqueduc romain de Carhaix (Bulllltin de la

Quimperlé. Il est hors de contestation qu'un groupement
assez important d'habitations romaines a occupé sur' une sur­
face d'environ 1 kilomètre carré les côteaux de la rive gauche
de l'Ellé et du Laïta entre ces rivières, Kerdaniel, Saint-Avit
et Trévoazec en Quimperlé; la voie romaine d'Angers à Aqui­
lonia, traversait cette agglomération, D'assez nombreux ves­
.tiges gallo-romains y ont été rencontrés,
Aquilonia. Avant la fondation du Quimper breton au
confluent de nos deux rivières. la ville d'Aquilonia a occupé
plus au Sud, le plateau du Frugy. sa pente Ouest et le quar­
tier de Locmaria,
Notre confrère Le Men a longuement décrit le poste mili­
taire de Park-ar-Groaz (!) qui cou ronnait notre Frugy et notre
confrère M, le lieu tenant, aujourd'hui colonel Dizot a rendu
compte de la fouille faite par lui de la nécropole voisine (2) ,
Nos bulletins et l'ouvrage déjà cité de M, p, du Chatellier
renferment par ailleurs un bon nombre de renseignements sur
les nombreux vestiges de l'occupation romaine qui ont été
retrouvés sur un espace de plus d'un kilomètre carré.
Au poste militaire de Park-ar-Groaz con vergeaient plusieu rs

voies romaines importantes forma nt une croix à branches
Nord-Sud et Est · Ouest. Ce poste occupait. en outre, une
situation stratégique remarquable . Il est donc bon de 'nous
remémorer quelques détails donnés par Le Men sur cet éta­
blissement.
Le Men a donc constaté l'existence sur le plateau du Frugy
d'un établissement gallo·romain dont l'enceinte rectangulail'e
de 120 m X 75 III était constituée par un mur en petit appareil,
épais de 40 % . Dans cette enceinte existaient six constructions
(1. ) Bulletin de la Société Archéologique du Finistère, 1. cr volume,
i873-77.

rectangulaires bâties en petit appareil assez g rossier, sauf aux
angles. L'une de ces constructions, de 29 m X lOm, présentait
sur ses mu rs, épais de 60 %, des contreforts large de 1 m 40
faisant en deh ors et en dedan s une saillie de 0 m 30. Notre

confrère a pu constater que le sol de ce bâtiment qui compre-
nait plusieurs pièces était bétonné et que les enduits des murs
étaient peints en rouge vif avec des panneaux encadrés de
filets verts et jaunes . Une autre construction avait 16

Elle portait les traces d'un incendie. Une autre encore, placée
au voisinage de celle qui paraît avoir été le poste de la garni­
son, était une tour r eprés'entée au moment des fouilles par les
substructions de deux carrés emboités. Le carré intérieur
semble avoir formé un terre-plein et le carré extérieur avoir
servi de support à la rampe d'accès au terre-plein; quoiqu'il
en soit, cette tour constituait un excellent poste d'observation
pour tout ce qui pouvait se passe l' vers la baie de Kerogan.
Je n'insiste pas sur le détail des autres construction s que
l'on trouvera tout au long dans l'étude p ubli ée par Le Men,
Je rappelle seulement qu e cet archéologue a noté la prése,nce
à 140 mètres au Nord-Est de l'enceinte du Park-ar·Groaz d'un
autre observatoire à plan, tout-à- fait com parable à celui
signalé plus haut, mais d'une construc tion plu s soignée. La
tour extérieure de cet observatoire, placé au point culminant
du plateau, avait 7 mètres de côté ; l'intérieure 3 m 40; ses
m urs, bien appareillés, avaient 50 % d'épaisseur; de ce point
il était possible de surveiller un vasle h orizon et de corres­
pondre avec plu sieurs autres postes militaires par des signaux
lumineux, selon une méthode largement utilisée dans l'an­
cienne Gaule. Parmi les rares débris trouvés dans cel obser-

vatoire, on remarque surtout un épais fra gment d'ardoise sur
lequel a été gravée une rose des vents.
Le Men cite un certain nombre de débris de poterie, plomb,
fer, bronze, os, verre, et des 'monnaies
dans l'enceinte du Park-ar-Groaz,

romam es rencontres

Parmi ces objets, une bague en bronze, à patine épaisse,
de 23 % de diamètre, portait sur un châton ovale en gravure
au trait, une croix à branches inégales avec une palme dans
chaque angle. La présence de cette bague dont la patine sou­
ligne l'antiquité, nous indique qu'il existait à un moment
donné un élément chrétien parmi les occupanLs gallo-romains
du Park-ar-Groaz.
L'agglomération d' Aquilonia paraît avoir été surtout groupée
aux abords d'une longue rue à direction Est-Ouest, qui tra-

versait la ville, descendait la pente du Frugy "ers Locmaria
où elle franchissait l'Odet.
Un voyageur gallo-romain venant de l'Est aurait rencontré
les premières habitations au voisinage des fermes actuelles de
Saint-Laurent, de Lesperbez et de La Tourelle où des traces
en ont été constatées. Plus loin, il serait arrivé au post.e miii­
taire du Park-ar-Groaz, qui commandait l'intersection des
voies mentionnées plus haut. En approchant de la rivière, là
où sont aujourd'hui la ferme du Petit-Méné, le faubourg de
Locmaria, le parc de Poulguinan. il aurait vu encore une
série d'habitations dont on retrouve souvent des vestiges · et
dont le souvenir se manifeste à l'œil le moins prévenu par de

nombreux fragments de tuiles à rebord traînant sur les terres
cultivées et le long des chemins. Ort est en droit de penser que
les parties en petit appareil de l'église romane de Locmaria
ont été construites avec des matériaux provenant de quelque
édiEce gallo romain (un temple peut-être) (1). .
La nécropole d'Aquilonia, mise partiellement à jour par
notre confrère M. Dizot, paraît avoir été située entre le Park­
ar-Groaz et Locmaria, au bord Sud du champ de manœuvres

actuel.
M. P. du Chatellier rapporte à un âge antérieur. au début
. de la période gauloise, la curieuse sépulture explorée par

(1.) H. Waquet, Vieilles pierres bretonnes, p. 7i

M. Grenot, à la ferme de La Tourelle, dande champ dit Park­
ar-Bosser (r). Là, sou s les ruin es d'un établissement romain
r enfermant de très nombreuses statues en terre cuite repré­
sentant des Vénu s (2), des Lu cines, des cavaliers, des tau­
reaux, des chevaux, s'étendai ent les deux chambres d'une
grotte sou terraine artificielle, d 'un modèle a b solumen t clas­
sique à l'époque du fer.
Il existait une ébauche de faub ourg sur le parcours de la
voie romain e du Nord à l'emplacement de la ru e acluelle du
roi Gradlon et de la place Saint-Corentin. Nos deux mu sées
s'élèvent, en effet, au voisinage de substructions d'habitations
romaines, comme l'ont montré des trouvailles de tuiles à

rebord faites en ces deux points. Mais le véritable faubourg
de la ville se trouvait au Sud d'Aquilonia.ll était desservi par
la voie romaine à direction Nord-Sud dont on retrouve les
traces depui s le Park-ar-Groaz jusqu'au littoral de Bénodet.
A droite et à gauch e de cette voie, mais surtout, semble-t-il,
aux abords de la b aie de Kerogan, s'égrenaient les divers éta­
bli8semen ts dont on retrouve les traces de nos jours. A travers
ces sites charmants des abords de la baie l'on voyait ainsi,
durant 6 kilomètres, se succéder une série de résidences , d'ex­
ploitation s agricoles ou indu strielles placées sous la protection
de plusieurs postes militaires . Les vestiges gallo-romains se
montrent ainsi à Poulguinan, à Kern oter, à Kergren, à Lanros;
il s'agit probablement de villas, t.andis que dans ceux rencon­
trés à Kerradénec, au moulin de la Lande et à Toulven, M. P.
du Chatellier croit voir d'anciens fours à potiers gallo­
romains (3), opinion très défendable puisque n ous sommes là
dan s la région si rich e en couches d'argiles tertiaires qu e les

(1) P. du Chatellier, Les époques préhistoriques et gauloises dans le
Finistère, p. 65, 66 et 330.
(2) L' une des Vénus parlait au revers l'inscription: REXTUGENOS
SVLLIAS AVVOT.

géologues désignent sous le nom de « bassin de Toulven » et
qui a fourni d'argile depui~ lem début, déjà ancien, les
faïenceries de Locmaria.
Au delà du gonlet communs aux anses de Toulven et de
Saint-Cadou, sur les côteaux dominant les Virecours, d'autres
stations gallo-romaines existaient encore dont les plus connues

sont celles du Buzit, de Boutiguéry, de Kéranscoët; enfin, au
bord de la mer, à Bénodet, l'établissement du Poulker. sans
oublier en passant les fours à potiers de Kéraign, en Goues­
nacb, contenant des creusets à section rectangulaire dont j'ai
déjà parlé plu s haut. .
Sur la rive droite, dominant la vallée où s'éteod aujourd'hui
la ville de Quimper, deux grands postes militaires étaient
établis sur les côteaux où sont le Likès et l'Ecole Normale
d'instituteurs (poste de Bourg-les-Bourgs); j'y reviendrai plus
loin . Ce que je veux en ce moment. c'est passer en revue les
autres établissements gallo-romains qui, sur la rive gauche,

commençai ent à Pénanguer et qui continuaient à se montrer
jusqu'à l'anse de Bénodet dans une série de paysages d'un
aspect charmant là où sont actuellement les p ropriétés de Ker­
lagatu, K.éraval, Kerdour, Kérambleiz, Rossulien, Pérennou,
Malakof, [(érobestin, Kergaradec . Et ainsi nous pouvons
constater que la plupart des châteaux ou des villas existant
aujou,'d'hui sur les deux rives de la majestueuse rivière, en
aval de Quimper, ont été précédés par des établissements
gallo-romains où les conquérants de l'Armorique pouvaient
jouir de la beau té de la nature ambiante, en même temps
qu'ils conlinuaient à y trouver, comme nous le prouvent les
thermes du Pérennou, tout le bien-être dont leurs compa­
triotes jouissaient sous le ciel de l'Italie.
A défaut d'un mur d'enceinte un certain nombre de postes
militaires assmaien t la défense d'Aquilonia et de ses faubourgs.
Le trépied stratégique pour la protection de la ville c'était

Bourgs. L'on pouvait faéilement correspondre de l'un à l'autre
par des signaux et ils assuraient la surveillance des grandes
vallées et du pays environnant.
La surveillance des voies et des vallées secondaires à l'Est
et au Sud de la ville était assurée par une série d'autres postes
décrivant à peu près un quart de cercle à 5-7 kilomètres

d'Aquilonia, à Boden, en Ergué-Gabéric, à Ker-an·avel-fresk,
en Ergué-Armel; au Dréau, à Kerdroniou, à Cosker-braz, en
Saint-Evarzec et enfin à Beg-ar-C'hastel, près de Lanros à
l'en trée du goulet des anses de Saint-Cadou et de Toulven .
Is. La position et m ême l'existence de la ville dis ont
fait l'objet d'un certain nombre de discussions. Son existence

est prouvée aujourd'hui et j e crois p ouvoir affirmer qu'elle
était située au bord de la b aie de Douarnenez sur l'emplace­ m ent de la ville du même nom avec extension à l'Est et à
l'Ouest sur les territoires des communes de Ploaré, d e Plo­
névez-Porzay et de Trébou!. La dénomination populaire de la
voie romaine qui passe au Nord de Landrévarzec pour aboutir
à Douarnenez es t, en effet, Hent-I s, la route d'Iso D'un autre
côté de nombreuses et importantes traces de l'occupation
romaine sont groupés sur les quatre communes précitées et
plusieurs voies anciennes, j alonnées par des établissemen ts
romains, partent de ce p oint du liltoral de la baie d e Douar­
n enez ou y viennent s'y terminer (1).
La légende populaire place aussi au même lieu la capitale
du légendaire c ( Roi Grallon )) et pour le vulgaire les ruines
gallo-romain es couronnant la falaise des Plomarc'h sont le
c( Château du Roi Grallon )J. Ce personnage plus ou moins
mythologique a, quand même, sa statue équestre entre les tours
de notre cathédrale et même son tombeau à Landévennec .

(i) Pour M. Le Carguet, au conlraire (Bulletin de la Société archéol.
du Finistère, i920), Is aurait été situé non dans la baie de D ouarnenez,

Une gwerze du Barzaz Breiz nous résume en langu e bre­
tonn e, sous le titre de Livaden Ceris (Submersion de la ville
d'ls) la scène ci e la destruction de cette cité par les flots, du
fait de Dahut, fille de Grallon, qui ravit à son père pendant
son sommeil la clef des écluses protégean t la ville con tre un
envahissement éventuel de la mer, Une toile de notre musée
des Beaux-Arts, œuvre du peintre Luminais, représente le
roi Grallon fuyant à cheval devant les flots de la mer en
compagnie de Saint Gwénolé et précipitant dans le domaine
de Neptune, sur l'ordre du saint, sa fille Dahut qui s'était
réfugiée auprès de lui.
Enfin, parmi bien d'autres écrits concernant Grallon ou sa
fille, l'archéologue Bizeul a composé sous ce titre « Le Roi
Grallon )) une chanson française pleine d'une pétulante malice,
que le docteur E. Halléguen a reproduite à la fin du premier
volume de son grand ouvrage L'A rmorique bretonne, celtique,
romaine et ch rélienne . Je ne cite que pour mémoire le fan-

taisiste opéra Le Roi d'Is, musique de Lalo, etc, ..
Quoiqû'il en soit, même en écartant tou t ce qui touche à la

légende, (reposant sûrement sur un fonds de vérité), la ville
d'ls nous apparait, d'après ce qu'il en reste, comme ayant été
à l'époque gallo-romaine un centre important.
Le développement de l'Est à l'Ouest des vestiges de la ville
d'Is offre à vol d'oiseau, du Grand Riz, en Plonévez-Porzay, à
Saint-Jean-de Tréboul, une étendue de 5 kilomètres. Vers
l'intérieur d es terres, dans la direction du Nord-Sud, on

retrouve des traces de monuments romains ratLachables à la
ville d'Is sur une largeu r moyenne de r500 mètres. Parmi
les débris de constructions civiles, ceux du Grand Riz, des
Plomarc'h, du Guet, du Beret (près de la gare), de Saint·Jean
de Tréboul, sont les plus connus.
Au point de vue militaire, l'île Tristan, ancien oppidum
gaulois, fut certainement utilisée par les Gallo-Romains, étant

la situation stratégique de cette île utilisée également plus tard
comme repaire par le célèbre brigand Guy Eder de La Fontenelle.
Au Sud, on retrouve des vestiges d'occupation romaine
jusqu'à Trégouzel et même jusqu'à Kerru (le village rouge).
Les substructions de Trégouzel, d'un caractère tout particulier,
ont été considérées par M. Halna du Frétay comme appartenant
à un temple païen (1). Elles se composent d'un rectangle de
maçonnerie, de 6 m 75 X 13 m 75, circonscrit par une enceinte
circulaire où cet archéologue voit un pronaos.
Parmi les objets retirés des ruin es de la ville d'l s je dois
citer: une statue en béton de déesse-mère de 45 % de hauteur
provenant de la pointe du Guet; une statue d'Hercule en
pierre calcaire de 60 % de hauteur, provenant de la rue de
Poullan au Port-Ru; une autre aux Plomarc'b. La première
de ces statues estau musée de Kernuz; la deuxième à Quimper.
Il est, par ailleurs, assez difficile d'assigner une date au
sarcophage en plomb contenant un ~quelette avec restes d'une
étoffe tissée d'or rencontrée dans la rue Fontenelle.
En résumé, en tenan t compte des indications dO~1Dées par
les archéologues précéd ents et en particulier de celles qui
m'ont été fournies oralement par M. le chanoine Abgrall,
nous pouvons nous représenter la ville d'Is comme ayant
constitué dans les limites ci-dessus une agglomération parti­
culièrement dense au Port-Ru, au Guet, aux environs de la

chapelle Sainte-Hélène, dans les quartiers du Glazen et des
Plomarc'h, à l'île Tristan et vraisemblablement sur des terres
basses envahies aujourd'hui par la m er.
Car celte catastrophe qui a laissé des traces dans notre
folklore, cette submersion d'au moins une partie de la ville
d'ls est poss'ible, sinon vraisemblable, étant doimé la nature
du terrain d'un côté, le travail continu de la mer, de l'autre.
(i) Halna du Frétay, Les temples romains dans le Finistère (Bulletin

La côte nord et la côte sud de la baie de Douarnenez sont
constituées par des roches résistantes, surtout dugrès armo­
ricain pour la presqu'île de Crozon el des granulites pour le
Cap-Sizun. Ces roches tiennent bon sous l'assaut des vagues,
sous le choc des galets, sous les embruns, sous le ruisselle­
ment atmosphérique et sous le gel. Si elles cèdent du terrain
à ces divers assaillants, leur recul est extrêmement lent et il
y a lieu de penser que les belles falaises dépassant roo m. de
hauteur du Cap de la Chèvre ont à peu près le même aspect
qu'il y a plusieurs siècles et qu~ dans plusieurs siècles cet
aspect n'aura pas sensiblement changé.
Il n'en est pas de même de la nappe de schistes précam­
briens, d'environ r 2 km, de largeur, qui, en tre les deux môles
constitués par la presqu'île de Crozon et le Cap-Sizun constitue
le fond de la baie de Douarnenez, ni de la bande de micas­
chistes de r km . à r km. r/2 qui les borde au sud et qui
forme les falaises du Grand Ris.
Toutes ces roches du fond de la baie sont facilement alté­
rabl es et les agents atmosphériques on t beau jeu pour détruire
progressivement le relief de ce triangle de terrains peu con­
sistants situés entre le chaînon nord et le chaînon sud de la
bifurcation des montagnes Noires C'est à cette friabilité des
micaschiles qu'est dû le creusement des grottes du Ris. Quand
eUes auront suffisamment entamé la falaise en profondeur
celle-ci s'écroulera el le phénomène se reproduira en arrière
en avançant un peu plus vers l'est. C'est pour la même
raison que telle pointe sapée par les flols à droite et à gauche,

vers sa base, s'est isolée vers le milieu de la côte du fond de
la baie pour se transformer en îlot qui, de destruction en
destruction, se transformera lui-même en récif. Ce sont la
des faits d'observation courante et notre région en offre des
exemples nombreux. .
Dans le cas particulier de la ville d'Is, il est vraisemblable,
comme l'explique le docteur Halléguen, que la ville haute a

été partiellement détruite du fait de l'érosion par les flots des
falaises qui la supportaient et que la ville basse, située dans
le vallon du Ris, a été submergée et ensablée .

La ville d'Is parait avoir eu, comme la ville d'Aquilonia.,
~ne banlieue assez peuplée à la période gallo-romaine. Les
établissements sont nombreux vers l'ouest et le sud-ouest.
sur un parcours de 8 km. Nous en reparlerons en étudiant

le trajet des voies romaines qui, de l'est à l'ouest parcouraient

le Cap-Sizun.

Non enclose de murailles, la ville d'ls possédait une ceinture
de forts commandant les voies qui constituaient un véritable
camp retranché. Actuellement, en allant du nord-est au sud
et à l'ouest de la ville on a reconnu les postes militaires de
Trémalaouen, de Trézent, de Penguilly, de Kermaburon, de '
Lesvoyen,de Coz-Feunteun,deCastellien,deLestreux. Au nord­ ouest, l'oppidum de l'île Tristan, commandant l'entrée de la
rivière de Port-Ru, a été, nous le savons, utilisé par les Romains.
(1 suivre). D' PICQUENARD.

181 -
DEUXIÈME PARTIE

Table des Mémoires publiés en 1923

PA.GES
1. Quelques notes sur le célèbre centenaire Jean
Causeur, par DAlllEL BERNARD. . . . . . .. 3
II. Vieilles chansons bretonnes : II. La chanson de
Monsieur de Boisalain, par 1. LE GUENNEC . " 8
III. Archives du château de Kerjean-Mol . . . . .. 24
IV. L'expansion romaine dans le Sud-Ouest de l'Ar­
morique, par le D' PICQUENARD [1 planche]. 49, 124
V. Quatrième campagne de fouill es préhistoriques
dans le Finistère (1922), par l'abbé FAVRET, le

commandant BÉ:\'ARD, G. MONOD [7 planches]. 83
VI. Cinquantenaire de la Société archéologique du
Finistère. Discours prononcé li. la séance du
28 juin 1923 par H. WAQUET . . . . . : . '. 98
VII. Discours prononcé à la ca thédrale de Quimper le
lundi 9 juillet 1923 par Mg' DUPARC, évêque de
Quimper et de Léon . . . . . . . . . . . . 1 H
VIII. La Société archéologique et la préhistoire: Etude
rétrospective par H. LE CARGUET et le chanoine
ABGRALL.. . . .

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