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Bulletin SAF 1923


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Quelques notes sur le célèbre centenaire Jean Causeur

Daniel Bernard

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1923 tome 50 - Pages 3 à 7
QUELQUES NOTES
SUR LE

Dans le dossier form6 aux Archives d'Ille-et-Vilaine
p:lr les relations des faits remarquables et C'xtraordinaires
sllrvenus en Bretagne et envoyées à l'Intendant par
diverses personnalités de la province ponr être commu­ lIiquées à la Gazette de France, nous avons trouvé
quelques documents concernant le fameux centenaire
,It:an Causeur, morL en 177 1 au bourg de Saint-Mathieu,
paroisse de Notre-Dame de Gdke (diocèse de Léon), à
l':ige d'au moins cent trente ans. Quoique ces documents
110 résolvent point le problème de l'Clge de cet individu
(les registres d'état civil de Ploumoguer, sa paroisse
lIatale, n'existant pas pour l'époque pr6sumée de sa
lIaissance), ils fournissent cependant sur sa longue exis-
1.()l1ce quelques particularités curieuses qu'on ne trouve
pas dans les études qui lui ont 61 6 consacrées jusqu'ici
d qt;l'énumère en détail la Bio-Bibliographie bretonne
do Kerviler (1) .

(( La diversité des sentiments sur l'âge de llotre bon vieil­
lal'd m'a paru jusqu'à ce jour un vrai problème, Si l'on s'en
raportoit aux temoignages des octogénaires, nonagénaires

(i) Signalons du moins celle de J. Trévédy dans le Bulletin de la
Sllc' iéte archéologique du Finistère, i893.

et mêmes centenaires de ce pays, qui m'on t attesté ne l'avoir
jamais connu que vieux, il en resulleroit que Jean Causeur
devroit passer 130 ans; mais, comme ces preuves tesliœo­
niales ne peuvent fixer une époque certaine, je m'étois.
borné dans le mémoire envoié à Paris à ce sujet (1), à lui
donner 120 ans, fondé sur ce qu'il a attesté lui même plu­
sieurs fois devant des personnes respectables et sur le
témoignage de ses propres enfants et de toule sa famille,
que le dit Jean Causeur étoit àgé de quarante ans quand il
se maria la premiére fois en 1690.
« J'ai découvert depuis cc lems dans les registres de la
paroisse de Ploumauguer, l'acLe de son second mariage en
1692 avec Louise Halscoüet, par lequel II esL consLaté qu'il
n'avoit alors que 30 allS, ce qui ne fer oit que 38 ans sur
l'autre siécle, auquel nombre ajoutant 71 de celui-cy, on ne
trouveroit exaclement que cent neuf ans révolus iell suivant
cette époque, qui paroit sûre, notre Jean Causeur ne peut
a voir au plus que 110 ans.
« Il épousa, en premières nopces. au mols de juin 1690,
Marie Le Hlr dont il n'euL point de lignée i lis ne furent
ensemble qu'environ un an. Le 9 octobre 1692, il épousa en
secondes nopces, Louise Halscoüet.
« S'ensuivent les extraits de baptême cles enfants du dit
Jean Causeur.
la Marle-Anne, née le 9 Septembre 1693. Celle fille a été
mariée et est morte depuis deux ans à Brest.

Perrine, née le 24 août 1695. Cette fille est décéclée sans
a voir été mariée.
30 Guillaume, né le 21 mars 1598. Ce Guillaume a éLé ma-

rié, a laissé lignée et est mort. j
4° Jean, né le 6 oclobre 1700. Jean a été pareillement ma- !
l'ié, a laissé lignée et esl mort.
50 Marie, née le 30 mars 1703. Celle fille esL encore exis­
tante cL demeure avec son père donl elle prend soin.

«Jean Causeur a encore en de ce mariage une quatrième 1

lille, en 1705 j elle se nomme Françoise, n'a pOint été mariée
d est actuellement en condHion.
« Les particularités de la vie de notre Jean Causenr n'of­
l'I'enl absolument rien de fort intéressant. Tout ce qu'on ('n
pl~ul dire, c'est que cel homme étoit très bien constitué,
qu'il n'a jamais cu de maladies ct qu'il a toujours été très
I;thorienx. Né de parents laboureurs, il n'a cu d'abord d'au­
Ll'e profession que celle de ses pères. Il la quitta pour
pl'endre celle de boucher qu'il a exercée très longtems, sans
s' y être enrichi. Obligé de vivre dans la suile chez ses
t~llfants établis, il fut contraint, après leur mort, de se reti­
rer cl1el. dUférenls recteurs où on l'occupoit au jardin et il
différenls petils ouvrages. Ses forces ayant beaucoup dimi­
Ituées avec l'àge, il vint, il y a quatre à cinq ans, sc réfu­
gier à St-Mathieu chel. une de ses pc lites filles mariée au
.iardinier de notre sbbayc. Les religieux lui ont fait bàtir
tians le bourg une pelite maison où il demeure avee une de
ses filles àgée de soixanle-neuf ans, qui en a soin, sa pelile
lille ct notre jardinier. La communauté prend soin de sa
subsistance. Il n'y a que lrois ans que le bonhomme cercloit
I~ncor dans nolre jardin et se faisoit lui-même la barbe.
Depuis deux ans. son occupa lion sc bornoit à ouvrir de la
laine cl il bercer tout le jour son arrière petite-fille. Il étoit
!'orl inquiet de savoir qui berccroit cet enfant sile Seigneur
le feUroiL du monde. Je l'ai vu, au derni.er jubilé, venir de
son pieel il la paroisse et faire loutes les stations appuié sur
su fille. Les Jambes lui ont beaucoup affoiblies depui.s un an;
il ne marche queelans chambre avec du secours. La mémoire
commence à lui manquer, quoi qu'il ait des moments où il
raisonne lrès juste; du reste il a tout l'usage de ses sen!:> ct
rait au mieux ses fonctions animales j il mange, boit el dort
ilien ; il se couche dans cette saison à quatre heures du soir
d se lève il quatre du matin . Ses couleurs et sa carnalion
sont belles et ne portent point son âge, si l'on en excepte
I(!s yeux qui sonl trés rouges. Il prend beaucoup de Labac
d boil avec plaisir le vin quand on lui en donne. On a tiré

présenté un à Sa Majesté, qui a bien voulu l'agréer et même
le placer à côté du HL où il couche. On a parlé de cette
faveur à notre bonhomme qui a répliqué fort spirituellement
en son brelon que son portrait doit heureux, mais que lui
n'en étoit pas mieux et qu'il ne voyoit rien venir. C'est que
les peintres, en le lirant, lui avoien t fait espérer quelque
petite gratification. »
« François! que, pour notre bonheu/',
La très inexorable Parque
Accorde les jours de Causeur
A notre bien aime monarque. ))
De t'Abbaye de SL-Malhieu, fin 1 F. Maurice Arnauld La Pie,
de terre, ce i3 D écrmbl'e i 771 1 priour de St-Malhieu.
D'autre part, le 26 novembre 1771, 1 0 subdélégué de
Brest, Borgevin, communiquait à l'Intendant de Breta­
gne une leUre du r ecteur de Ploumoguer concernant le
même Jean Ca.useur, dans laquelle il disait:
« Jean Causeur . tit pu blier ses ba ns à fin de mariage sur
la paroisse de Ploumoguer les 19, 26 mars et 2 avril 1690,
comme fils de Sébastien et de Magdelaine Lbuel, avec Marie
Le Hir, fille de Vincent et de Magdelaine Bernard, les deux.
parLies de Ploumoguer. Ce mariage n'est pOint rapporté
sur les registres et il y a apparence que ces gens se mariè­
rent ailleurs . Dans son second mariage, il s'est clonné pour
âgé d'environ 30 ans, aussi il y a apparence qu'il naquit en
1662 et qu'il esl par conséquent dans sa 110

année.
« Je n'ay point les registres de 1662, 63, 64, 65, 6fi, 67 ct
1668. Celà fait une lacune cie 7 ans J'ai cherché clepuis 1635
jusqu'à 1661 inclusivement el je n'ay pas trouvé le raportde
son bâtême.
« L'OIl a débité dans ce païs-cy qu'il avoit vu Dom Michel
Noblet, qu'Hluy avoit servi la messe et qu'il av oit fait sa
première communion sous ce missionnaire; mais toutes ces
prétendues anecdotes sont autant de contes bleus. J'ay

slluvent parlé à Causeur: il y a bien douze ans que me
Il'ouvant à Lochrist où il demeuroit alors chez le recteur,
.il: luy demanday son âge, et il me répondit qu'il avoit 120
ails; une demie heure après je luy fis la mes me question, et
il m'assura avoir 150 ans. C'est apparamenl sur de sem­
blables propos qu'on le fait si vieux ... li>
Et Bergevin ajoutait, en particulier:
« Il n'y a pas encore fi ans qu'il avoit l'esprit goguenard
d qu'il plaignoit amèrement le sort des familles qui per­
Iloient leurs chefs, et quand on luy disoit qu'a son âge, sou
I.our ne pou voit tarder, il répondoit en riant que celà ne
pouvoit estre et qu'il y avoit plus de 20 ails que son feuillel
esLoit déchiré! Du l'es Le, M. Caffiery, second sculpteur en
I:C port eL qui peint assez bien, a tiré le portrait de cet
Ilomme il y a 3 mois eL l'a porlé luy mesme au ministre de
la marine. »
Enfin, le 2 mai 1774, le subdélégué de Brest annonçait
il l'Intendant la mort de Jean Causeur, en ces termes:
« J'ay l'honneur de vous prévenir que Jean Causeur si
célèbre par sa grande vieillesse, vient enfin de payer le tri­
but à la nalure, plus par le nombre d'années que par mala­
die. Il est morl à SI-Mathieu fin de terre dans la maison du
('ecleur qui l'avoit reLiré chez lui, le 30" avril dernier, six
Ileures du malin. On m'assure qu'il n'a presque poinl élé
malade el que la seule foiblesse l'a obligé de s'aliLer. Je
venois dès le commencement d'avril de faire passer à M. le
l'ccLeur de St-Mathieu les 300 livres que les Etals dans leur
Ilernière assemblée, avoient ordonné en faveur de ce cenle­
Ilaire, payables d·avance ... » (1)
DANIEL BERNARD.

181 -
DEUXIÈME PARTIE

Table des Mémoires publiés en 1923

PA.GES
1. Quelques notes sur le célèbre centenaire Jean
Causeur, par DAlllEL BERNARD. . . . . . .. 3
II. Vieilles chansons bretonnes : II. La chanson de
Monsieur de Boisalain, par 1. LE GUENNEC . " 8
III. Archives du château de Kerjean-Mol . . . . .. 24
IV. L'expansion romaine dans le Sud-Ouest de l'Ar­
morique, par le D' PICQUENARD [1 planche]. 49, 124
V. Quatrième campagne de fouill es préhistoriques
dans le Finistère (1922), par l'abbé FAVRET, le

commandant BÉ:\'ARD, G. MONOD [7 planches]. 83
VI. Cinquantenaire de la Société archéologique du
Finistère. Discours prononcé li. la séance du
28 juin 1923 par H. WAQUET . . . . . : . '. 98
VII. Discours prononcé à la ca thédrale de Quimper le
lundi 9 juillet 1923 par Mg' DUPARC, évêque de
Quimper et de Léon . . . . . . . . . . . . 1 H
VIII. La Société archéologique et la préhistoire: Etude
rétrospective par H. LE CARGUET et le chanoine
ABGRALL.. . . .

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