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Bulletin SAF 1922


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Le Cap Sizun à l’époque néolithique

H. Le Carguet

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1922 tome 49 - Pages 99 à 104

LE CAP SIZUN

L'ÉPOQUE

NEOLITHIQUE

Le Cap Sizun a la configuration d'un triangle, dont le
sommet, à l'ouest, se termine au Raz-de-Sein.
Le côté sud du triangle donne sur la baie d'Audierne; le
côté nord, sur celle de Douarnenez.

Deux falaises granitiques, hautes de 60 à go mètres, à pic,
enclosent ces deux côtés du triangle sur presque tout leur
pourtour. Les versants de ces falaises, sur les deux baies, ont
disparu par affaissements, érosions, actions des vagues. Les
deux autres versants se réunissent, sur toute la hauteur du
triangle, en une vallée qui semble être, dit-on, un prolonge­
ment, par la vallée du Goayen, des bassins houillers de
Cuzon et Kergogne, près de Quimper.
A l'est, la base du triangle est constituée, sur une longueur
de dix kilomètres, par l'estuaire du Goayen et le vallon encaissé
de Lespoul qui le prolonge. en ligne droite, vers le nord,
jusque près du bourg de Beuzec. Cette base, du côté ouest,
est bo[:dée de hautes collines qui arrêtent le regard et isoleut
le Cap du reste du continent. C'est là une ligne de défenses
naturelles que les néolithiques ont franchies cherchant un
refuge qui leur donnât, dans le présent et dans l'avenir, sécu­ rité et moyens d'existence. Leur espoir n'a pas été déçu. La

1 00 -
situa tion du pays, sa configuration, ses ressources s'y prê­ taient. Aussi l'occupation néolithique, dans le Cap Sizun, a
été de longue durée et, sur tout son territoire, se rencontrent
les vestiges de cette occupation .

Actuellement, l'aspect du Cap Sizun est nu ; excellente con­ dition pour une description topographique du sol.
Il n'en était pas de même autrefois. Le Cap Sizun est le

dernier contrefort des Montagnes Noires, et la grande forêt de
Névet le couvrait de ses hautes futaies. Même la Pointe du
Raz , si aride aujourd'hui, avait ses grands arbres. La mer
était au loin, séparée du continent par la plaine marécageuse,
l'ancienne Bretagne Paludéenne. Mais, comme aujourd'hui,
les vents d'ouest s'engouffraient dans les grottes, faisant bruire
les Méginou , les sou/flets de Jorge . Nous avons relevé les noms

d'environ une centaine de grottes , autour du Cap Sizun, tou­ tes inexplorées . Trois seulem ent, dont l'ouverture est à mi­
hauteur de la falaise, ont montré des couches épaisses de
cendre, restes d'anciennes occupations.
Sur les baies de Douarnenez et d'Audierne, les falaises
sont dentelées d'éruptions granitiqu es qui forment autant
de pointes isolées, surmontées, à leur extrémité, d'un

mamelon rocheux . La mer a corrodé, à droite et à gauche,
la gangue argileuse qui englobait l'éruption, de sorte que
ces pointes ne sont reliées au continent que par u ne base
étroite. C'étaien t là des refu ges en cas d'alerte ou de dangers
pressants.
A io si le Cap Sizun offrait, aux néolithiques , comme moyens
de sécurité, J'isolement par la mer et les hauteurs de la base,
le mystère des forêts, les grottes et les pointes de rochers, à

101
III
La rivière qui coule de l'est à l'ouest, au fond de la vallée
centrale du Cap Sizun, divise son territoire en deux parties
principales :
Le versant nord de la vallée, comprenant les communes de
Goulien et de Cléden, est abrité par la lign e continue de ses
falaises qui s'étendent jusqu'à la pointe du Van, sur la baie
des Trépassés. Exposé en plein midi, ce versant offre, cachés
dans ses plis, des sites merveilleux et fertiles qu'on ne s'at­
tend guère à trouver dans un pays d'aspect si aride .

Le versant sud comprend la plaine d'Esquibien et de Pri­
melin, s'étalant jusqu'à la baie d~ Andierne. C'est la principale
région agricole du Cap Sizun, par son étendue, et, en grande
partie, par sa fertilité.
A partir de Rugolva, près du bourg de Primelin, cette plaine
s'incline vers la mer, pour se terminer à l'anse du Loc'h. Là
se trouve une ligne de défense naturelle, parallèle et sembla­
ble à celle du Goayen : l'anse du Loc'h remonte vers le nord,
traverse la vallée et se continue par un vallon encaissé qui
coupe le versant de Cléden vers Penharn, mais sans entamer
la falaise.
Au delà del'anse du Loc'h, le plateau, qui constitue la com­
mune de Plogoff, reprend, dans toute son étendue, l'altitude
de 70 à go mètres, cemme la falaise du nord du Cap, et cons­
titue, à son extrémité ouest, la pointe du Raz.
Le thalweg de la rivière est situé au fond de la vallée cen­
traie, en ligne est-ouest. La rivière avait son estuaire à la
baie des Trépassés. Mais un soulèvement géologique, ou un
apport maritime, forme en Cléden et Plogoff, enlre Kervizinic
et Kergaradec, une colline, ar Vellen, qui refoule vers l'est la
partie basse de la rivière. Il en résulte deux courants d'eau,
allant à l'encontre l'un de l'autre dans le même lit; puIs,

102 ' .

se réunissant, dévient, du nord au sud, pour former un
estuaire commun et se jeter dans la mer, à l'anse du Loc'h.
La rivière est alimentée par des ruisselets qui coulent
au fond de vallonets encaissés et verdoyants et coupant
perpendiculairement tout le versant nord. Ceux qui se
trouvent à l'ouest du Vellen se déversent dans l'étang des
Trépassés .
Dans ces limites, une population pouvait, en toute sécurité,
se livrer à tous les travaux qui lui donneraient les moyens

d' exis tence.

Les néolithiques occupèrent tout le Cap Sizun. Partout on

trouve de leurs traces . D'où venaient-ils? de contrées diffé-
rentes, sans doute. La diversité minéralogique de · leurs
haches de pierres, indique la provenance de multiples con­ trées, origine, probable, de leurs possesseurs.
La fusion de ces divers groupés a créé un {( modus
vivendi », une civilisation, des usages que l'on trouve
identiques, autant qu'on le peut juger, par les vestiges qu'ils

ont laissés .
Leurs cantonnements étaient, pour la plupart, isolés sur
les collines, à sous-sol granitique, le piétinement sur un sol
argileux aurait rendu la fréqùenlation difficile.

Sur ces collines, on rencontre très souvent, et à proximité,
ces quatre éléments :

L'habitation. sous le nom cadastral de Budu, Ker-a­
pudu, etc. ;
2 ° Le Harn, indiquant incinération, retailles de silex, frag-
ments de poteries et d'argile plastique: ossements brûlés;

La pierre levée;
lI· Le tumulus et le dolmen.
103

ce groupement d'indications. Mais dans les autres commu­
nes, deux ou trois de ces éléments font supposer l'existence
ancienne des autres.
Un rite funéraire répandu dans beaucoup de sépultures
était celui-ci: toutes les haches de pierre polies étaient neu­
ves. Beaucoup étaient brisées intentionnellement et les frag­
ments jetés dans la sépulture. L'instrument porte, dans son
milieu, la trace du choc qui l'a brisé. Le choc était donné sur
l'une des parois du monument.
Outre ces éléments réunis par quatre, et isolés, il y avait
des groupements considérables ~de mégalithes: à Ros-Criben
en Audierne ; à Lervily et Créac'h, en Esquibien; au bourg
de Primelin et au Castel; il. Plogoff; Roz-Méringard (Monta­
gne de Bon voyage) et LescofT. Mais les groupements les plus
- importants se trouvaient, sur la falai se nord du Cap Sizun.

De Beuzec à la pointe du Van, entre la voie romaine et le
bord de la falaise, c'est une suite de dolmens et des files de
grosses pierres provenant de monuments détruits et enchas­
sés dans les clôtures des champs. Une autre ligne borcie la
route de Pont-Croix à Goulien, de la chapelle de Lannourek
au bourg et tout alentour du bourg. Au delà, elle avoisine la
Croix dite Interidi et tout le chemin de Lezoulien, Cléden
possède aussi le dolmen de Penharn, signalé dans la charte
LIlI du CCirtulaire de Lanclévennec. Les groupements de
Ménez-Béziou, près de Brézellec, et surtout ceux de Kériolet,
avoisinant l'occupation gallo-romaine de Troguer. C'est par
multiples centaines que l'on compterait tous ces mégalithes
longeant la baie de Douarnenez.
Le groupe de Kériolet est le plus important de tous. Un
seul champ, d'une quarantaine d'ares, en était littéralement
couvert. Malheureusement la plupart ont été brisés pour en
utiliser les pierres.
De tous temps, les mégalithes ont attiré la curiosité et, sans

doute, les chercheurs de trésors, les collectionneurs et les

101

archéologues en ont tenté l'exploration, La villa gallo-romaine
de Troguer se servait, d'une hache de pierre, comme polis­ soir; le dolmen de Penharn renfermait un fragment de pote­
rie samienne. Les émigrés hretons insulaires des v' et VIe siè­ cles, il leur arrivée dans le Cap· Sizun et à Saint-They, ont dû
aussi s'arrêter devant les pierres de Kériolet, et chercher l'ex­ plication du mystère mégalithique. En face du plus haut
menhir, ils discutèrent sur l'origine du monument et son
histoire. Ne trouvant aucune solution, l'un deux s'écria :
{( Cette pierre seule la sait!» et le nom de men gouïek, la
pierre qui sait, a été donné" au menhir, malheureusement
aujou rd'hui détruit.
H. LE CARGUET.
Audierne, 26 octobre 1922 .

136
DEUXIÈME

PARTIE
Table des Mémoires publiés en 1922
1 Sur l'étude de la civilisa tion préhistorique armori­
caine, d'après ses monuments, par ALF RED
P AGES
DEvou'\, . . . . . . . . , . . . . . . " 3
II Élie Fréron,d'après un livre récent, par 1. LAGRIFFE 20
III Vieilles chansons bretonn es : I. François de Coëtlo-
gon, prieur de Kernitron, par L. LE GUENNE C. 26
IV Le bouton breton, par E. CHARBONNIER . . . ., 33
V Troisième campagne de fouilles en pays bigouden ,
par le commandant BÉNARD, l'abbé FAVRET,
GE ORGES A. - 1. BOISSELIER, GEOR GES M ONOT
[2 planches]. . . . . . . ' . . . . . . . .' 37
VI Les sépultures à coffrets et la chapelle Saint-Gilles
en Bénodet, par 1. OGÈs . . . . . . . . .. 51
VII Les anciens manoirs des environs de Quimper,
par 1. LE GUEN 'EC (suite) . . . ' . . . . 57, 11 7
VIII Le chemin du « Tro-Breiz )) entre Quimper et Sain t·

Pol· de-Léon, par le chanoine ABGRA LL et 1. LE

GUENNEC r 1 planche] . . . . . , . . . . . . 65
IX Le Cap Sizun à l'époque néoliLhique, par H. LE
CARGPET. . ..... , , .. , .... , 99.
X Quimper au XVIIIe siècl e. Notes et documents (II),
par DANIEL BERNAR D,

105

Quimper, - Imp. Mm . BARGAIN & C" , 1, Rue Astor et Quai du Stéir