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Bulletin SAF 1922


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Les sépultures à coffrets et la chapelle Saint-Gilles en Bénodet

L. Ogès

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1922 tome 49 - Pages 51 à 56

LES SEPULTURES A COFFRETS
ET LA
C HAPELLE DE ST-GILLES EN BÉNODET

Au cours de l'hiver dernier, M. Saute je au, ancien maire
de Bénodet, en défonçant le terrain dit « Placître de Saint­ Gilles», situé non loin de la pointe de ce nom, découvrit de
nombreuses sépultures ft coffrets de pierres, très curieuses
par leur mode de const ruction, leur nombre, leur disposi­
tion ct leur emplacement.
Le samedi 22 avril, je me rendis su r les lieux. Je ne fus
pas peu surpris de constater que le placître en question, qui
aut refois entoul'Uit la chapelle de St-Gil les ou Gi ldas, cons­ tituait un tumulus d'environ 30 m. de diamètre et seulement
1 m. ft 1 rn. 50 d'élévation. Les excavations qui y avaiont
été pratiquées étaient eomblées. Néanmoins je pus faire
quelques constatatio ns et, grâce aux renseignements précis'
que me fourn it M. Saute je au , me l 'encl l'e compte du travail
effectué ct des décou vertes faites,
Ce terrain qui appa l'tenait à la cc fabrique)l de Bénodet,
fut acquis par !YI. Saute je au il y a une vingtaine d'années .
En y plan tant des arb res, ce dernie r avait déjà, il Y a quel­
ques années, mis à jour des briques, du ciment romain ct
plusieurs coffres de pierres contenant des squelettes.
En janvier 1922, voulant défoncer le terrain pour l'amé­ liorer, il décou v ri t, à une profon deu r de 70 cen tim ètres '

environ, de nombreuses sépultures à coffrets, plus de vill/l,I,
dit-il. Les squelettes, très bien conservés pour la pluPHI'!j
étaient placés dans des cercueils faits de pierres pl:\t\l.
posées de champ et recouvertes de pierres semblab
Ces pierres, d'une épaisseur moyenne de 8 à 10 coll
timètres, et d'une forme irrégulière, mesurent dans leuril
plus grandes dimensions, environ 40 centimètres SU!' ~1O,
Elles étaient reliées entre elles, tantôt par un mortier
chaux blanche, tantôt par un ciment mélangé de briqqll
pilée. Ce mortier empêchait les infiltrations; le
était ainsi hermétiquement fermé, c'est ' ce qui expli [110
l'excellent état de conservation des ossements. Quelqlll!
coffrets étaient même recouverts entièrement d'un lit do
mortîer.
Il est à, noter que de nombreuses pierre::;, recoonaissabl014
à leurs angles usés et à leur surface polie, ont été prises kllr
la grève voisine et employées dans l'état où on les avall
tl'ouvées. Le fond de quelques sépultures était garni d'u
couche de gros sable de mer.
Les squelettes recueillis étaient tous couchés sur le dOlf,
la tête à l'ouest, los pieds à l'est. M. Saute je au affirme q
les sépultur es ne contenaient ni poterie ni objets d'aucun
sorte. J'ai cependant recueilli dans les déblais, des débris do
poteries et une petite plaque de cuivre ou de bronze
aucun caractère (1).
La longueur des coffres variait avec les cadavres qui
étaient inhumés. Le docteur Chapuis a reconnu des squ~
lettes d'enfants, des squelettes de femm es et des sq
d'hommes. J'ai moi-même recueilli des ossements
n'ayant pu appal'tenir qu'a un enfant. J'ai. pu examiner un

(i.) 2 pièces de monnaie en bronze ont été trou vées ci une faible pro­
fondeur. L'une d'elles a été donnée ci M. Le Bourdellès, conseiller il. 1.
Cour d'appel de H en nes. M. Saute je au ne peut me dire de quelle époque
dataient ces monnaies.

crâne d'aspect masculin, en parfait état de conservation:
crâne nettement brachycéphale, arcades sourcilliéres peu
saillantes, dentition saine et bien rangée, molaires usées; la
mâchoire inférieure manque. J'ai voulu emporter cc crâne
pou l' le présenter à la Société Archéologique, mais le pro­
priétaire s'y est opposé, disant qu'il allait l'enterrer et que
ces ossements devaient demeurer là où ils avaient été autre­
fois inhumés.
Les cercueils reposaient sur un dallage fait de briques
et de pierres de petit appareil, noyées dans un mortier
excessivement dur contenant de la brique pilée. Ce
dallage, dont j'ai vu des parties notablos, avait environ
20 centimétres d'épaisseur; il n'a été rien trouvé dessous.
Les pierres provenant des coffrets sont entassées au bord

du chemin voisin. Les briques et le ciment ont servi à
combler des ornières.
A la base même et sur le pourtour du tumulus, des osse­
ments nombt'eux, mélangés à la terre, ont été découverts à
une profondeur de 10 à 20 centimètres. Un amas important
. de coquillages, hullres, bemiques, bigomeaux, a été trouvé
1 à 60 cen ti mètres de pro t'ondeu r.
: Les t'ouilles n'ont porté que su l' le tiers environ du tumu­
, lus. Le propriétaire sc pl'opose de les continuer l'hi ver pro­
chain.
De quelle époque datent ces sépultures? La présence dans
le tumulus d'un e plate-forme en briques et en ciment, la
nature du mortier em ployé au lutage des pierres consti­
tuant les cercueils, permettent d'affirmer qa'elles appartien­
nent à l'époque gallo-romaine.
Toute la presqu'île connue sous le nom de pointe de Saint­
Gilles et s'étendant du Letty an Poulker, fut d'ailleurs un
eentre important d'occupation gallo-romaine, Des traces
irrécusables de cette occupation se rencontrent à chaque

pilée. Des fouilles effectuées au P oulker en 1806 pal' NI ,
Greno t, professeur au Co llège de Quimpe r, puis , en 187),
pa r M. Le Men, a rchiviste du Finistère, ont mis au jour ""
important balneum ou établissemen t de bai ns compre ll:LUI
13 pièces, toutes séparées pa r des couloirs étroi ts . 1.1\
sous-sol co nstitu ait un h!JPocauste ou sys tùme de challr
l'age central, q ui donnait aux pièces s u pél'ieures rlotl
températures différentes, suivant leul' éloig nement du fOY'I',
Le Musée de Qlli m pe l' conse rve di vers objets provenall~
de ees fouilles. Il ne s ubsiste p lus rien de eet im po rtaliL
établissement.
Sur l'emplace ment du fort du Groasquin (1), il fut décol\~
vert un trésor de 80 monn aies r omaines en or qui fure nL
vendues séparément.
Les noms de lieux eon fi ,'ment l' impo rtance de l'OCCUpl\~
tion gallo-romaine dans eette région. La ferme située 1\
moi.ns de 50 mètl'es du placltl'e de St-G illes, porte le nom .dn
Ru .~-Conan , On sai t qu e le qualificatif Ru, RIta ou Ru;,
indique généralement l'emplace ment d'un établissement
gallo-romain , peut-ê tre il. cause de la co uleur rouge que IOIi!
tuiles donna ient il ces établis3ern ents . Le mot Co nan qui Sil
retrouve enco re a uj ourd'hui comm e nom propre de pCl'~
sonne, est un vieux mot cel tique qui s ignifie chef.
Un village voi::; in est a ppel6 Creïsangaer (le mili eu de IlL
ville) ; un autre Pennalda[juer (l'a ut" e bo ut de la ville) .
Le tumulus de St- Gilles éta it vraise mbla blement la nécrOr

pole des occupants de celte région .

(1 ) Le (ort du Groasquin ou Groasguen (la G roix blanche), (ut cons­
truit en 1803 sur l'ordre du Premier Consul. Pour transporter l'arm(oo
cie fioulogne en Angleterre, B onaparte avait [ait construire SUI' tout le
littoral (rançais, des centaines de bateaux: plûts. Pour concentrer co~ "' ..
flottilles et les protéger contre les escadres anglaises, il (allait les lairo
cheminer le long des côtes. il l'abri des nombreux forls ou batteries éta­ blis spécialement dans ce but. D e là l'origine de le batterie fixe du

Mais les sépultures n e constituent pas le seul intérêt de ce
tumulus. Il était autrefois surmonté d'une chapelle dédiée a
saint Gildas. Il ne reste plus aucune trace visible de cette cha­
pelle ; la maiso n voisine ct le mur entourant le placitre ont
été construits au moyen des pierres en provenant. Des bri­
ques et du c im ent rom ain entra ient dans la construction
des soubassements . Celle particularité nous permet de s u p­
poser que l'Mifice chrétien a pu remplacer un temple païen
qui, à l'ol'igine> surmonta it le tumulus . Il y aurait cu ainsi
simple s ubstitution de culte.
Si les choses sc sont ainsi passées, il est très possible
que la chapelle ait été ['ondée par saint Gildas lui-mê me.
On sait en effet que cc saint, né en Grande-Bretagne en
493, vint en {( Bretag ne - Armorique » ct y évangélisa
particulièrement la Cornouaille du sud, y bâtissant diverses
chapelles (1). Il n'est donc pas téméraire de suppose r
qu'il est le fond a teur de l'église qui n ous occupe. Pour
opérel' sans heurt la tl'ansition du paga nis me a u christia­
nisme, il aurait fait bùtir une chapelle a l'emplacement
même du temple que les habitants a vai ent coutume de
fréquente!' (2).
Les seuls souvenirs qui subsistent de cette chapelle sont:
le nom du lieu, Placître de saint Gilles> ct un béni tier en g ranit
appelé le bateau de saint Louis. Ses caraetèl'es (intérieur des­
sinant vaguement la form e du corps , absence de logette
pour placer la tête), permettent de le faire remunter à l'épo-
(:1.) A. de La Borderie, Histo' ire de Bretagne, 1. l, p. 384.
(2) La chapelle de Perguet, autrelois église paroissiale de B énodet, est
dédiée à sainte Brigitte. Oll sait que c'est sur l'appel de saillte Brigitte,
morte en 523, que saint Gildas passa en Irlande où il restaura la loi
religieuse. Ne serait-ce pas lui qui aurait établi 1 0 culte de sainte Brigitte

que mérovingienne. Ce sarcophage a été brisé par le prll
priétaire actueL On en voit les débris dans le mur qui abO li
tit au puits.
La tradition rapporte que les Anglais se seraient retrf.lll~
chés dans la chapelle au cours de l'une de leurs descenL "
sur nos côtes, Ces derniers passent également pour avoir
creusé le puits situé au pied du tertre et encore aujourd'hui
appelé « le puits des Anglais ».
Un vieillard m'a rapporté que, dans sa jeunesse, Ill"
anciens lui disaient avoir toujours vu la chapelle à l'état (11 F

rume.

L. OGES.
23 Avril 1922.

136
DEUXIÈME

PARTIE
Table des Mémoires publiés en 1922
1 Sur l'étude de la civilisa tion préhistorique armori­
caine, d'après ses monuments, par ALF RED
P AGES
DEvou'\, . . . . . . . . , . . . . . . " 3
II Élie Fréron,d'après un livre récent, par 1. LAGRIFFE 20
III Vieilles chansons bretonn es : I. François de Coëtlo-
gon, prieur de Kernitron, par L. LE GUENNE C. 26
IV Le bouton breton, par E. CHARBONNIER . . . ., 33
V Troisième campagne de fouilles en pays bigouden ,
par le commandant BÉNARD, l'abbé FAVRET,
GE ORGES A. - 1. BOISSELIER, GEOR GES M ONOT
[2 planches]. . . . . . . ' . . . . . . . .' 37
VI Les sépultures à coffrets et la chapelle Saint-Gilles
en Bénodet, par 1. OGÈs . . . . . . . . .. 51
VII Les anciens manoirs des environs de Quimper,
par 1. LE GUEN 'EC (suite) . . . ' . . . . 57, 11 7
VIII Le chemin du « Tro-Breiz )) entre Quimper et Sain t·

Pol· de-Léon, par le chanoine ABGRA LL et 1. LE

GUENNEC r 1 planche] . . . . . , . . . . . . 65
IX Le Cap Sizun à l'époque néoliLhique, par H. LE
CARGPET. . ..... , , .. , .... , 99.
X Quimper au XVIIIe siècl e. Notes et documents (II),
par DANIEL BERNAR D,

105

Quimper, - Imp. Mm . BARGAIN & C" , 1, Rue Astor et Quai du Stéir