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Bulletin SAF 1922


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Le bouton breton

E. Charbonnier

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1922 tome 49 - Pages 33 à 36

LE BOUTON BRETON ·

Je me propose d'étudier sommairement ici un accessoire
du costume breton: le bouton, de faire un peu de lumière
sur cet objet humble mais utile,. qu'on peut comparer à une
petite médaIlle; il est en effet joli et frappé ordinairement au
balancier.

Malgré notre orgueil breton, appelons ce bouton de son .
vrai nom: bouton du peuple ou bouton de paysan tout sim­
plement. En effet, il a été porté au XVIII' et au XIX· siècle dans .
toutes les parties de la France, il s'est même conservé jusqu'à
nos jours dans les provinces où les paysans portent encore un
costume particulier. Ainsi en voyons-nous sur les vieux cos-

tumes de nos paysans bretons, sur ceux des vendéens, des
auvergnats, des savoyards; j'en ai même trouvé à Châlons­
sur-Marne. Ce bouton en général est en cuivre jaune plat,
peu épais, une queue plate percée d'un trou pour passer le fil
qui doit l'attacher au vêtement.
Il serait presque sans intérêt s'il était orné simplement de

fleurs, de ronds et d'étoiles, mais ce qui lui donne un intérêt
vraiment historique, c'est qu'il est timbré de sujets signifi- '
catifs, surtout au ·XVIII· siècle.
L'on peut diviser au moins en quatre catégories les vignettes
frappées sur ce petit ornement de costume .

En premier lieu, les sujets populaires, deuxièmement les

sujets politiques et portraits d'hommes et de princes, troisiè- ,
. mement les fleurs, et quatrièmement les sujets géométriques.
Parmi les sujets populaires l'on trouve l'image du Semeur,
représentant un paysan du XVIIIe siècle semant le grain à la .
volée, marchant avec le vent, l'artiste n'a pas fait de contre-sens

comme Roty, qui grava la Semeuse semant dans le vent. Roty

a-t-il connu ce bouton, et s'en est-il' inspiré 1 Je ne sais.
Mongolfier fait-il élever une grande machine en l'air, aussitôt
nous voyons la mongolfière timbrant les bou tons. Un meunier,
son fils et spn âne les ornent, et Franklin attirant, le
tonnerre sur terre avec un cerf-volant, provoque ainsi la
fabrication de boutons représentant la foudre.
Je passe aux boutons politiques.
Un bouton qui a encore son actualité, représente un aigle
à droite portant sur la poitrine un écusson chargé d'une
étoile; il a dû être fabriqué en l'honneur des insurgents, comme .
on appelait les Américains pendant la guerre de l'Indépen­
dance; un autre porte le millésime 1781, timbré des armes
de France et de Navarre surmontées d'une couronne.
Nombreux sont les bustes des rois et empereurs, Louis XV,
XVI, Napoléon 1

. et les impératrices, -!-ouis XVIII, Charles X,
Louis-Philippe et les princesses royales, Napoléon III : j'en ai
même un de Pie IX, et la statue d'Henri IV du Pont-Neuf.
Comme attributs, nous trouvons la croix de Saint-Louis,
l'aigle impérial, la légion d'honneur, les trois fleurs de lys dans
un écusson entouré de laurier, surmonté d'une couronne, par_
fois une grande fleur de lys simplement sur fond uni ou strié.
Les paysans, suivant leurs opinions politiques, portaient-ils
les attributs de leur parti, imitant ainsi les demi-soldes et
leurs adversaires royalistes ~ Ce n'est pas certain. Une ancre
et les armes de Genève que j'ai trouvées à Quimper paraissent
difficiles à expliquer.
Toute une série porte Napoléon sur un cheval marchant
sur le pont d'Arcole. Un cosaque tirant de l'arc en fuyant
rappelle 1815. Sur une autre série une galère voguant à
toute voile est l'image de la Belle Poule ..
Les sujets de chasse ne sont pas oubliés, comme un cerf
bondissant, un chien ou un sanglier.
Regardons donc le bouton comme une petite médaille

représentant un évènement ou un règne, comme les monnaies
des familles romaines. Du reste la frappe en est bonne et vaut
souvent bien des médailles. Je ne rappellerai que brièvement,
sans les décrire, des roses, des bouquets variés, très gracieux,
ainsi que des sujets géométriques. Ils sont trop nombreux,
comme les godrons formant rosaces et les étoiles à plusieurs
branches. Enfin l'imagination s'est donnée dans ces sujets

libre cours.

Les plus grands boutons sont ceux que les paysannes por-
taient pour attacher le haut de leurs corsages. Nous ne ren­
controns sur le marché presque que des boutons à fleurs et à
étoiles, les boutons anecdotiques étant en général plus anciens,
sans cela Quimper pourrait nous en fournir beaucoup, car la
Bretagne fut la province qui en porta le plus longtemps.
N'oublions pas, simplement comme origi. nalité, le bouton
d'os porté par les habitants de Plougastel-Daoulas, en forme
de cône, qui orne si bien de points blancs la poitrine bleue
de ces marchands de fraises.
Il y a encore à dire un mot des boutons qui attachaient le
col de la chemise; ils sont ordinairement carrés, avec les

coins abattus, ils sont attachés deux à deux par uu fil de
cuivre, uu des boutons représentait un empereur; un roi,
l'autre sa femme, les armes de France, la légion d'honneur
ou l'aigle impérial. .
Presque tous ces boutons étaient étamés et, si on les ren­
contre jaunes, c'est que l'usure a fait partir l'étain.
Le musée de Quimper en possède quelques-uns, mais il
serait intéressant pour lui d'en posséde~ une série complète.
Que le musée de Quimper ne se croit pas déshonoré en accueil-

lant un objet aussi banal en apparencequele bouton de paysan.
La Société préhistorique de Paris possède plusieurs séries à

dessin géométrique, représentant des étoiles et des soleils, et
attestant ainsi le goût du paysan de France pour le culte des

astres.

Ramassons donc, comme le fonf déjà de nombreux collec-

tionneurs, ce petit monument qui ne se fabrique plus, et qui
sera dans quelque temps introuvable même en Bretagne.
Si je puis en sauver de la hotte du chifTonÎf;r nombre
d'exemplaires, je serai heureux d'avoir contribué dans une
petite mesure à ne pas dédaigner cet ornement dont nos
ancêtres aimaient à se parer la poitrine.
E. CHARBONNIER .

136
DEUXIÈME

PARTIE
Table des Mémoires publiés en 1922
1 Sur l'étude de la civilisa tion préhistorique armori­
caine, d'après ses monuments, par ALF RED
P AGES
DEvou'\, . . . . . . . . , . . . . . . " 3
II Élie Fréron,d'après un livre récent, par 1. LAGRIFFE 20
III Vieilles chansons bretonn es : I. François de Coëtlo-
gon, prieur de Kernitron, par L. LE GUENNE C. 26
IV Le bouton breton, par E. CHARBONNIER . . . ., 33
V Troisième campagne de fouilles en pays bigouden ,
par le commandant BÉNARD, l'abbé FAVRET,
GE ORGES A. - 1. BOISSELIER, GEOR GES M ONOT
[2 planches]. . . . . . . ' . . . . . . . .' 37
VI Les sépultures à coffrets et la chapelle Saint-Gilles
en Bénodet, par 1. OGÈs . . . . . . . . .. 51
VII Les anciens manoirs des environs de Quimper,
par 1. LE GUEN 'EC (suite) . . . ' . . . . 57, 11 7
VIII Le chemin du « Tro-Breiz )) entre Quimper et Sain t·

Pol· de-Léon, par le chanoine ABGRA LL et 1. LE

GUENNEC r 1 planche] . . . . . , . . . . . . 65
IX Le Cap Sizun à l'époque néoliLhique, par H. LE
CARGPET. . ..... , , .. , .... , 99.
X Quimper au XVIIIe siècl e. Notes et documents (II),
par DANIEL BERNAR D,

105

Quimper, - Imp. Mm . BARGAIN & C" , 1, Rue Astor et Quai du Stéir