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Bulletin SAF 1921


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L’Elégie de Monsieur de Névet et le baron Huet

L. Le Guennec

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1921 tome 48 - Pages 112 à 121

et " Le Baron Huet"

Dans son intéressan te notice sur Kerlaz, ses légendes, ses
familles nobles ([ l, M. l'abbé Horelloll, aumônier de la Retraite
de Quimperlé, a reproduit le texte breton et la traduction
française de la fameuse Élégie de Monsieur de Névet (Maroliad
an Oll'ou Névet), l'une des pièces les plus connues du Barzaz­
Breiz; de La . Villemarqué. Aucun doute ne semble l'avoir
eIDeuré au sujet de l'authenticité de celle belle gwerze;
« composée, dit-il, au XVII' siècle, par un mendiant du nom
de Malgan, sur la mort de M. de Névet)). Pourtant, lorsqu'il
s'agit d'identifier, d'après la généalogie de cet antique estoc,
le personnage dont l'éd ifiante fin a inspiré l'auteur de la
complainte, M. l'abbé Horellou ne peut que se référer aux
opinion s contradictoires ém ises tour à tour à ce propos par
M. Gaston de Carné (2), M. Trévédy, et récemment par notre
si regretté vice-président M. le chanoine Peyron (3).
C'est qu'en elfet la question ne laisse pas q ne d'être embar­
rassante. Le chant breton nous apprend: 1° que son héros
est un homme avancé en âge; 2° qu'il a une femme et plu­
sieurs enfants; 3° qu'il est mort chez lui, c'est-à-dire au
château de Névet-Lezargant, paroisse de Plonévez-Porzay,

trève de Kerlaz; 4° qu'il a été enterré au cimetière du bourg

(i) IIl-12 de 241 pages, Brest, Imprimerie de la Presse Libérale, 1920.

(2) Dans l'Elégie du seigneur de Nèvet, Bevue Historique de l'Ouest,
4,e année, i 7

livraison.
(;-)) Dans Les demiers seigneurs de Névet, Bulletin de la Com

-113

"Voisin. Mais tous ces traits réunis ne peuvent s'appliquer
, à aucun des seigneurs de Névet qui vécurent au XVII" et au
xvm

siècles. Il est impossible de les utiliser pour reconnaître
dans la gwerze, ni Jacques, baron de Névet, tué en duel à
Rennes en 1616, et sur le compte duquel je reviendrai , plus
bas; ni Jean, baron de Névet, seul fils du précédent. qui
laissa plusieurs enfants, mais mourut jeune en 16[16, à l'âg;e
de 37 ans; ni son fils René, marquis de Névet, mort à
Névet-Lezargant en 1676, à 35 ans, laissant deux petits en­
fants; ni Henry-Anne, marquis de Névet, fils du précédent,
, mort à Beaubois, diocèse de Saint-Malo, en 1699, à 28 ans,
sans avoir été marié; ni enfin son oncle Malo, marquis de
Névet, dernier représentant mâle de la race, mort à Névet­ 'Lezargant en 1721, âgé, il est vrai, de 76 ans. mais père d'une

, -unique fille, et dont le corps fut enterré avec pompe dans la
tombe de ses ancêtres, au milieu du 'chœur de l'église de Lo-
cronan.
Aussi, l'o'n conçoit la perplexité de ceux qui se sont atta­ qués à la solution de ce menu problème historique. Chacun'
d'eux semble l'avoir résolu un peu au petit bonheur, en ne
faisant état 'que des particularités favorables à sa thèse, et en
négligeant celles qui peuvent l'infirmer. Pour M. de Carné,
le héros de la complainte serait Malo de Névet, parce qu'il est
;le seul qui ait atteint la vieillesse, Pour M. Trévidy, ce serait
Jean de Névet, parce qu'il est le seul à avoir eu plusieurs en­ fants. Pour M. le chanoine Peyron, ce serait René de Névet.
La raison qu'il en donne est spécieuse et vau't d'être examinée
et discutée en détail.
La chanson dit que le seigneur de Carné, lequel, entre

parenthèses, apparaît d'une façon inattendue dan s une région
où sa famille ne possédait aucun important domaine, de
retour d'une fête de nuit, demanda, en rentrant à son manoir,

pourquoi les' Névet n'était point venus au bal. Jean de Névet
étant mort hl II décembre 1646, pendant l'Avent, et Màlo

-114-
étant mort le 1" avril I]2 l, pendant le Carême, M. le cha­
noine Peyron présume que cette gwerze ne peut les concerner,
parce qu'alors les gentilshommes bretons n'avaient pas cou­
tume d'enfreindre les lois de l'Eglise en organisant des di­
verli-ssements mondains à des époques consacrées à la morti­
fication et à la pénitence. Mais il estime que ce détail concorde
Li en avec la date du décès de René de Névet, mort le lundi
de la Quasimodo de l'année l 676, pend an t les réjouissances
du temps pascal.
Le malheur est que deux objections très fortes se présen­
tent aussitôt à l'encontre de ceLte thèse. René de Névet, mort
en pleine jeunesse, à 35 ans, n'est sûrement pas le vieux sei­
gneur (an otrou koz) dont parle la complainte. M. le chanoine
Peyron prétend que l'expression bretonne n'implique néces-

sairement pas une idée de vieillesse, et qu'on attribue cou-
ramment cette épithète': an otrou koz, à un gentilhomme
père de famill e, pour le distinguer de ses enfants. D'accord,
mais encore faut-il que ces enfants aient déjà atteint un âge
. approchant de leur majorité, et René de Névet, mourant à
35 ans, père de deux bambins de 5 et de 3 ans, ne pouvait
être l'objet d'une confusion de ce genre. D'ailleurs, la preuve '
que le personnage mis en scène était réellement parvenu au
déclin d'une longue existence se trouve dans les paroles qu'il
adresse à ses métayers, assemblés auLour de son lit d'agonie:
Ma memourien, na oelet kel,
Tud diwar mez, gouzout a l'et,
Pa ve Iwo an ed, ve medet,
Pa zeu an oad, mervel zo red !
(Mes métayers, ne pleurez pas,
Vous le savez, gens de la campagne,
Quand le blé est mûr, on le moissonne;
Quand l'âge vient, il faut mourir 1)

115-
La Seconde difficulté, M. le chanoine Peyron ne l'a poirit
abordée. Le vieux seigneur possède plusieurs enfants et une
femme. qui tous assistent à ses derniers moments. Or, René
de Névet n'avait que deux fils, et sa femme Anne de Goyon­
Matignon semble bien n'avoir pas été présente lors de son

décès, puisque le père de la Retraite qui fut témoin de la
mort si chrétienne du marquis de Névet dut ensuite lui en
faire le récit . .
La question demeure donc aussi obscure que jamais, et,
en présence du résultat négatif auquel on parvien t après avoir

confronté les circonstances connues du trépas des derniers
seigneurs du Névet à celles que relate la complainte, on se
trouve amené 'à envisager une solution nouvelle, qui aurait
du moins le mérite de tou t expliquer. Un romancier moderne.
père littéraire du célèbre lycéen-policier Joseph Rouletabille,
lui fait souvent répéter que, dans les cas épineux, ce qu'il
importe le .plus!. c'est de savoir prendre sa raison par le bon
bout. Suivons ce sage conseil, et raisonnons selon les princi­
pes d'une inexorable logique. Puisque l'élégie du seigneur de
Névet ne peut absolument s'appliquer à aucun des représen­
tants de cette noble maison depuis 1616 jusqu'à 1721, date de
son extinction, concluons donc que ladite élégie est une œu­
vre d'imagination et non un document historique, qu'elle a
été composée seulement au XIX" siècle et qu'e par suite elle
manque d'authenticité.
Il n'entre point dans ma pensée de vouloir rouvrir ici la
querelle du Barzaz-Breiz, ni me ranger parmi les contemp­
teurs malveillants de l'œuvre du vicomte de la Villemarqué.
Si ce dernier a quelque peu péché en usurpant sa réputation
de collecteur exact et scrupuleux, il faut beaucoup lui par-

doimer parce qu'il a beaucoup aimé la Bretagne, parce que
l'admirable ouvrage qui fut le fruit de sa collaboration intime
et savante avec l'âme populaire, a plus contribué à magnifier
le nom de notre chère province que tous les travaux réunis

-116 -
des autres littérateurs bretons. On sait quel>; cris d'enthou­
siasme la lecture du Barzaz-Breiz arrachait à George Sand.
Notre illustre ancien président s'étant toujours énergique­
ment défendu d'avoir inventé l'un quelconque des chants
qu'il a publiés. nous devons l'en croire. car il ne suffit pas
qu'une pièce figure dans le Barzaz-Breiz et manque au recueil
des Gwerziou et Soniou de Luzel pour qu'on puisse, sans plus
ample informé, la supposer forgée de toute pièces. Je crois
donc que M. de la Villemarqué a , réellement découvert quel­
qu es lambeatr.K d'une gwerze ancienne sur la mort d'un sei­
gneur de Névet probablement dece René qui trépassa dans
de si touchants sentiments de résignation et de confiance en la

bonté divine; qui était, au dire de M. de Tréanna, le père de

ses vassaux et, désirait'les rendre les plus aisés du pays. La
mémoire de cet excellent gentilhomme méritait bien l'hom­
mage 'd'une complainte; mais cette complainte, M. de la Vil­ lem arqué n'en put sans doute retrouver que d'informes dé­
bris. décousus et sans valeur, indignes de figurer, même au
prix d'une sérieuse toilette, dans la galerie sévèrement sélec­ tionnée du Barzaz-Breiz. II fallait pourtant une belle figure
: de châtelain bas-breton à opposer aux traits sinistres que la
légende prête au marquis de Guerrand. M. de la Villemarqué
refondit donc, développa, transforma, polit. fit chatoyer
comme un joyau la pauvre rapsodie du « chercheur de pain»
Malgan, y peignit d'émouvantes couleurs le tableau idéal de
la Mort du Juste, et plaça ce nouveau chef-d'œuvre dans sa
collection de poétiques merveilles.
Lorsqu'on relit la pièce avec attention, on y relève, sans
parler des invraisemblances signalées plus ,haut. certains
détails singuliers qui auraient dû, depuis longtemps déjà,la
rendre suspecte. ·Puisque son soi-disant auteur, -le mendiant
Malgan, prétend avoir assisté aux obsèques du marquis,
pourquoi les décrit-il d'une façon tellement inexacte, en en
-117 -
mais le convoi d'un simple paysan. René de Névetn'a pas été
conduit à sa dernière demeure dans une charrette traîné' e par
deux bœufs, mais soit dans une litière, soit dans un carr01!se
transformé en char mortuaire; il n'a pas été enterré dans le
cimetière d'une bourgade, mais dans l'enfeu de ses ancêtres,
placé au milieu du chœur de l'église collégiale de Locronan,
sous un somptueux tombeau armorié dont les derniers débris
offrent encore son épitaphe. L'herbe donc n'a pu « reverdir
sous les larmes du pauvre autour de sa tombe », et la pierre
qui la recouvre ne s'est point « usée sous les genoux des habi­
tants de la paroisse ». , Ils se ~ont contentés de regretter sincè­
rement leur bienfaiteur, et de prier pour son âme, autour du
beau mau solée de marbre noir où, depuis le xv

siècle, tous
les Névet venaient dormir l'éternel sommeil.

Mais il est une autre gwerze. authentique celle-là, que jus­
qu'ici personne semble n'avoir remarquée dans le recueil où
elle se cache, et qui a trait à la tragique fin d'un autre sei­
gneur de Névet , Luzel en a rencontré deux versions, et les a
publiées l'une et l'autre au tome 1

de ses Gwerziou Breiz­ Izel. Ce sont les pièces qui ont pour titre: la première Ann

Aotro Rosmadek (le seigneur de Rosmadec), la seconde Ar
Rosmadek ha Baron Huet (Rosmadec et le Baron Huet) (1). A
la suite de celte dernière. Luzel ajoute: « Je ne suis pas en
mesure de déterminer à quel personnage de l'illustre famille
de Rosmadec se rapporte cette ballade d'une allure , si fière.
Le baron Huet de la seconde version ne me semble pas le
véritable nom; ce doit être une altération, quoique je l'aie
trouvée dans la bouche de plusieurs chanteurs )) .
. Ce nom est en effet estropié; il faut lire: le baron de Névet
(:1.) Gwerziou Breiz-lzel, t. l, pp. 365-38:1., .
-118

(Baron Nével) . Les chanteurs trégorrois, auquel ce patronyme
n'éLait pas familier, l'ont défiguré et remplacé sans vergogne
par un autre d'origine normande, mais très répandu de lon­
gue date dans les :régions de Guingamp et Morlaix. De même,
ils ont substitué le nom de Rosmadec, bien connu en Basse­
Bretagne, à celui d'une maison tout aussi ancienne et fameuse,

mais fixée surtout dans les évêchés hauts-bretons de Rennes

eL de Saint-Malo, j e veux parler des' Guémadeuc.
Voici le fait dont s'est inspiré l'auteur de la gwerze. C'est
un sombre et sanglant épisode comme le début du XVIIe siècle,
à 'peine sorti des brutalités et des fureurs de la Ligue, en a vu
b eaucoup. En 1616, Jacques, baron de Névet, chevalier de
l'Ordre du Roi, capitaine de 50 hommes d'armes d'or'donnance,

gouverneur du Faou et de Douarnenez, s'était rendu aux Etats
de la provin ce, réunis à Rennes sous la présidence du maré­
chal de Brissac. Une question de préséance le mit en conflit
avec Thomas de Guémadeuc, vicomte de Rezay, baron de
Blossac, grand écuyer héréditaire de Bretagne, gentilhomme
de la Chambre du Boi et gouverneur de Fougères. Une ren­
contre s'ensuivit, où le baron de Névet succomba, le, 28 octo­
bre 1616, traitreusement frappé par son adversaire, qui s'enfuit
aussitôt et alla ~'enfermer dans le château de Fougères. Aux

Etats, l'indignation était générale contre l'assassin; le maréchal
de Brissac conduisit la noblesse au siège du refuge de Gué-

madeuc. Le roi lui-même s'en mêla. Il dépêcha au coupable
un exempt des gardes du corps, chargé de prendre possession
du château, et. d'en conduire le gouverneur à Paris. Guéma­
deuc obéit d'abord, rendit la place. suivit l'exempt. Mais
bienLôt, redoutant les suites de son crim e, il quitta furtivement
la capitale, revint à Fougères et s'y barricada, en révolteouvertè

contre l'autorité royale. Dès lors, tout espoir de pardon lui

était refusé. Snrpris par le duc de Vendôme et le maréchal de
119 -

procès. Sa tête serait tranchée en place de Grève, puis portée
à Fougères et plantée au bout d'une pique fichée sur le prin­
cipal portail du château; son corps irait pendre aux patibu­
laires de Montfaucon et ses biens seraient confisqués au profit
du Roi. En vain la baronne de Guémadeuc se jeta suppliante
aux genoux de Louis XIII. Il lui répondit fermement :
« Madame, c'est la justice qui fait régner les rois. Je la dois
à mes sujets, et en cet endroit, je dois préférer la justice à la
miséricorde ». La tête du grand écuyer de Bretagne tomba, le
27 septembre 1617, sous la hache du bourreau. (1)
Cette tragédie eut un immense retentissement dans la pro­
vince. La légende s'en empara, et aussi la poésie populaire. On
ne voulut pas voir dans le châtiment infligé à Guémadeuc
l'acte sévère d'un monarque frappant un sujet rebelle. On
préféra raconter que le fils de la victime avait, à peine ado­
lescent, vengé son père en tuant le meurtrier. L'histoire,
ainsi narrée, était plus émouvante et plus belle. C'est sous

cette forme que les serviteurs et les suivantes de Claudin e de
~évet, fille de Jacques et veuve de Gabrielle de Goulaine, '
remariée en 1643 à Vincent du Parc, marquis de Locmaria et
du Guerrand, l'apportèrent dans le pays de Tréguier, où ell e
fit travailler l'imagination et excita la verve de deux bard es
rustiques. Luzel a recueilli leurs vers; ils ont tous deux, on
le sent, puisé à la même source, et, malgré d'inévitables gau­
cheries, ils ont imprim é à leur œ uvres un noble et drama­
tique caractère. Si M. de la Villemarqué avait eu l'heur de

découvrir l'une de ces gwerzes, que n'en eût-il pas tiré 1
Je résume ici les récits des deux poètes trégorrois, en com-

pIétant l'un par l'au tre. En l'an 1714 (sic), aux Etats de Nantes
(sic) . il y eut querelle entre le seigneur de Rosmadec (lire:
Guémadeuc), et le baron Huet (lire de Nével). Provoqué par
(t ) Gaston de Carné. Les Chevaliers bretons de Saint-Michel, i884,

120 -

Guémadeuc, Névet répond qu'il préfère aller à la messe, et .
engage son adtersaire à l'accompagner, puis se décide à le
suivre au Pré-Neuf, où tous deux croisent le fer, après avoir
mis bas habits et parures. Névet a l'avantage. Guémadeuc lui
dit: « Baron, ramasse tes boucles; si je marche dessus, je
les briserai». Sans méfiance, le baron se baisse; aussitôt
l'autre le transperce de son épée. Névet mourant appelle son
domestique Guillaume Le Bellec (probablement le seul nom
inaltéré de l'histoire). et lui recommande de cacher à sa
femme qu'il a été tué, en lui disant qu'il est allé à Paris pour
saluer le roi Louis .
De retour au château, le serviteur ne peut s'empêcher d'ap­
prendre à ses compagnons la triste nouvelle, pas plus que la
femme de chambre de la baronne ne peut se retenir d'avertir
sa maîtresse. Atterrée; celle-ci s'affaisse trois fois. Elle est
relevé par sa servante et par le jeune baron son fils, qui lui
dit: « Ma mère chérie, ne pleurez pas. Moi j'aurai la vie
de Guémadeuc ! »
A 15 ans, il réclame à sa mère l'épée paternelle, et, ainsi
armé, pa rt chercher sa vengeance. Guémadeuc l'accueille
au manoir de Derleu (?) avec une indulgence dédaigneuse:
« Retourne à la maison, jeune baron, ce serait grand' pitié de
t'ôter la vie à présent » « N'ayez pas plus pitié de mon
sang que vous ne l'avez eu de celui de mon père! » Le duel

s'engage, et Gu émadeuc inquiet veut renouveler le coup de
traîtrise qui lui a déjà si bien réussi: « Baron, ramasse
tes boucles: si je marche dessus, je les briserai» Mais l'a­
dolescent réplique en poussant sa pointe: « Quand mes
boucles seraien t brisées, j'ai de quoi les remplacer; ne t'en

inquiète pas!» Guémadeuc insiste: « Baron, ramasse
tes mouchoirs (sic); sije marche dessus, je les salirai. » « Et
quand ils seraient salis, riposte son ennemi, les filles rie
manquent point pour les laver. Songe plutôt à te défendre,

-121

de parler, poursuit le poète, qu'il lui trancha la tête et la \anç

sur la rue, aux enfants, pour joner à la crosse ~ Et les
gentilshommes alors se disaient l'un à l'autre; « Voici le
jeune baron qui passe, portant la tête de Guémadeuc )l En
rentrant au château de Névet, le vainqueur remet à sa rpère
l'épée qui a châtié l'assassin; « Tenez, ma mère, voici l'épée
de mon père; -je l'ai lavée dans le sang de Guémadeuc ; j'ai
mis sa tête à bas, pour servir de boule aux enfants! » -
Il Y a, n'est-il pas vrai, un art réel et vigoureux dans ce
mouvement rapide qui emporte la ballade vers son sanglant
dénouement de vengeance assouvie et de joie sauvage. Le
trait final de la tête de Guémadeuc emportée en trophée par
son jeune vainqueur, puis livrée aux jeux des enfants, est

d'une inspiration saisissante qui dépasse en énergie la réalité,
c'est-à-dire l'exposition au por'tai! du château de Fougères.
Aussi, peut-être me pardonnera-t-on de m'être attaqué à l'au­
thenticité de F-Elégie de M. de Névet et d'en avoir nié la valeur
documentaire, puisqu'en échange de cette pièce, qui d'ail­
leurs conserve intact son mérite poétique, j'en apporte
une autre, également consacrée au souvenir des anciens sei­
gneurs de Névet, et parée. à défaut de charmes littéraires, de
cette beauté que rien ne peut égaler au monde, la beauté du
Vrai!
L. LE GUENNEC.

Quiinper, 23 [éurier 1921.

-174 -

DEUXIÈME PARTIE
Table des Mémoires publiés en 1921

PAGES
l Claude de Rohan, évêque de Cornouaille (1479-15'10)
par If. DU HALGOUET. . . . . . . . . . . . . 3
JI Laennec après 1806, d'après un livre récent, par le
Dr LAGRIFFE . . . . . . . . . . . . . . .. 9
III Deuxième campagne de fouilles dans la région de la
Torche et les îles Glénans, par le commandant
BÉNARD, l'abbé FAVRET, GEORGES A. BOISSELIER, '
Th. M ONOD [22 planches]. . . . . . . . . '. 22
IV Un prélat amateur des jardins, François de Coetlo-
gon, évêque de Cornouaille (1 668-1706) par H . .

W AQUET l2 planches] . . . . . . . . . . '. 49
V Les forêts royales en Cornouaille à la fin de l'ancien
régime, par JEAN SA VINA. . . . . . . . . " 8 :~
VI L'Elégie de Monsieur de Névet et le baron Huet,
par 1. LE GUENNEC . . . . . . . . . . . . . 112
VII Introduction à l'étude des vitraux de Bretagne, par
PAU L ConoZE et FERNAND GUEY [2 planches] . . . 122

VIII Les anciens manoirs des environs de Quïmper par
L. LE GUENNEC ............... 144