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Bulletin SAF 1920


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Essai d’Histoire économique d’une paroisse rurale, Plogastel-Saint-Germain au XVIIIè siècle

J. Savina

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1920 tome 47 - Pages 127 à 159

ESSAI

ECONOMIQUE

D'HISTOIRE
n'UNE PAROISSE RURALE

AU xvnr SIÈCLE

. De Quimper à la Trinité-Plozévet court une longue croupe
,granitique, d'une altitude médiocre mais d'une remarquable
conti nuité. Une ' de nos plus anciennes voies romaines, de
Civitas Aquilonia à Audierne, suit la ligne de faite (l). Là
se troll vent les limites de deux pays cO,rnouaillais : le pagus

Cap-CavaI et le pagus Cap-Sizun (2). Le vel'sant nord de cette

(1) Les hauteurs de Plogastel et de Landudec 'avaient, au temps de
l'occupation rom~ine, une grande importance stratégique. Trois voies
romaines se croisaient sur le territoire de Plogastel: 1° la voie de Civitas
Aquilonia à Audierne. 2° la voie d'At'vor qui se détachait de la précé­
dente prè!! du Moustoir et se dirigeait vers Saint-Démet en Plozévet,
avec embranchement sur Plovan; 3°- la voie N.~S., d'ls à Kel'ity, d'origine
gauloise mais utilisée par les Romains, passait à Menez-Kerveyen, au
poste romain de Kergurunet en Plogastel et au camp de Rrenguelven en
Landudec. On sait qu'un camp romain couronnait la colline où est assis
le bourg actuel de Plogastel et que deux autres garnissaient ses flancs.­
Cf. : C -A Picquenard, L'occupation romaine dans le bassin de l'Odet,
Bull. Soc. arch. du Fin., t. XXXIII, p. 291; Conen de Saint-Luc,
Notice paroissiale sur Landudec, Ibid., t. XLIV, p. 18. "
- (2). Les pays duCap~Caval et 'du Cap":Sizun ont été, de temps immé-

-128

arête montagneuse tombe en pente abrupte sur le sillon schis­
teux où coule le Goyen. Au sud, les déclivités SOllt plus
adoucies. Un plateau vallonné par le chevelu d'origine de
nombreux petits bassins côtiers descend vers l'Océan en

ondulations de plus en. plus effacées.
La paroisse de Plogastel-Saint-Germain occupe les confins
N.-E. du pays du Cap-CavaI. Limitée au nord par le Goyen,
elle forme, dans une position dominante, la transition entre
les deux ancien~ pagus. D'une part, des hauteurs de Keran-

doaré; au nord, la vallée du Goyen offre un vaste panorama .
Puis, au S.-O., du magnifique belvéaère de Ménez-Kervcyen,
la vile em brasse un immense horizon, tout le pays de Pont­
l'Abbé, entre Loctudy et Penmarc'h, toute la baie d'Audierne
entre Penmarc'h et Plozévet. La croupe dénudée qui longe
le Goyen traverse la parcelle septentrionale de Plogastel, la
rendant montueuse et âpre. Le reste de la paroisse constitue
le bassin supérieur de la rivière de Pont-l'Abbé. C'est, dans
l'ensemble, un plateau fortement ondulé composé de roches
archéennes: granit au nord, au centre et à l'est, gneiss et
micaschistes, dans l'angle sud - ouest, vers Peumerit et

Pouldreuzic. Un talus de granit intercepte les vents rigoureux
du nord et du noroît. Les rocs y affleurent à des altitudes de
120 à 136 mètres. Plus bas, les landes bombées alternent
avec les vallons évasé~. En somme, un centre de dispersion
au cœur d'une pénéplaine, une région accidell1ée à la phy­
~ionomie un peu rude, tel apparaît le terroir de Plogastel­
Saint-Germain .

morial, distingués par l'instinct populaire et, depuis l'occupation romaine,
cette distinction a été généralement consacrée par les divisions fpodales,
ecclésiastiques ou admioisbatives. Les caractères primitifs des· deux
groupes ethniques se sont fort altérés au cours du deruier siècle Cependant
si les origiQalités natives se sont émoussées nans ces deux cantons de
notre Armorique, bien des particularités discordantes, legs d'un long
passé, permettent encore de reconnaîh'e les deux individualités. Po.ur
l'observateur avisé, le type Bigouden demeure distinct du type Capiste.

-,129

L'ANCIENNE PAROISSE

La paroisse ancienne était moills étendue que la commune
actuelle. Au début du XIX

siècle, la majeure partie de la
trêve de Saint-Honoré, avec son ancien chef-lieu, a été

annexée à la paroisse de Plogastel-Saint-Germain qui, de
ce fait, s'est accrue d'environ 450 hectares. Saint-Honoré
était, depuis le XIVe siècle, une trêve de la paroisse de Lan­
vern. Cette dernière paroisse a été elle-même supprimée en'
1825 et réunie à Plonéour.
La paroisse de Plogastel-Saint-Germain, sous l'ancien
régime, avait une superficie de 2.650 hectares, soit une
étendue un peu supérieure à la moyenne des autre::; paroisses
de Cornouaille. Les aptitudes agricoles y Naient médiocres .

La décomposi.tion des roches du sous':"sol, granit, gneiss et
micaschistes, n'a engendré qu'un sol assez ingrat, une terre à
sr.igle, terre. maigre et légère qui a besoin d'être amendée.
Malheureusement les amendements n'étaient guère possi­
bles. Certes, les paysans de Plogastel n'ignoraient pas la
valeur du sable calcaire de la baie d'Audierne. Leurs voisins
de Plovan, de Pouldreuzic et de Lababan en faisaient un
judicieux usage. Mais le mauvais état des chemins ne permet­
tait pas le transport de cet amendement à si grande distance.

Aussi le terroir de Plogastel dont l'exploitation était rudi-
mentaire et la culture chétive împosait-il a ses habitants
une vie rude. La population était relativement clairsemée:
1.100 âmes, soit 4:2 habitants au kilomètre carré (1).
Le voyageur qui, il y a cent cinquante ans, traversait la

(1.) Le dictionnaire d'Ogée porte 1..1.00 communiants; il convient de
lire 1.. 100 âmes. Un état de population du district de Pont-Croix, du
29 thermidor Il, attribue à Plogastel 1.73 feux et 803 habitants. Des
statistiques ultérieures mentionnent pour 1.800, 1.Ol&,9h ; pour 1810,959 h.
- Le chifl:fe de 1..1.00 correspond approximativement à l'évaluation que
nous avons faite d'après la mo.yenne des naissances et des décès, entre
1750 et 1.790.

. . 130 ' -.

paroisse de Plogastel, se rendant de Quimper à la mer ou
de Douarnenez à Pont-Y Abbé, devait éprouver une impres_

sion,de solitude désolée .. « Six lieues de landes presque con-
tinues! » s'écrie le voyageur Marlin, après avoir maudit

leschernins «.' cahoteux, mal. 'entretenus, mal faits }) qui

l'ont conduit, en 1785, de Douarnenez à Plonéour (1). C'était

un pauvre bourg isolé que Plogastel en ce temps-là. Les

deux seules bonnes routes de la région celle de Quimper à
Douarnenez et celle de Quimper à Pont-l'Abbé le laissaient
bien à l'écart. Situé au croisement de deux mauvais che-

mins de t1'a verse, il comprenait, outre sa vieille église et son

presbytère, sept ou huit chaum,ières. Même en 1825, cette
agglomération devenue pourtant chef-lieu de canton gardait
encore un aspect minable. Des voisins, malveillants il est

vrai, pouvaient écrire, avec dédain: « Presque ignoré dans
l'arrondissement, son bourg se compose dt) cinq à six misé-

l'ables chaumières où Monsieur le ·.J uge de paix quoique
célibataire n'a pu se loger qu'avec beaucoup de peine. Le

site de la commune est en général aride et d'un aspect sau-
vage et les .habitants presque tous dans la malaisance » (:2) .
Faisons la pai.'t de l'exagél'ation dans cette appréciation peu
flatteuse; il faut reconnaîtl'e cependant que Plogastel n'était

au xvm

siècle qu'un très modeste village, un « pauvre lieu }),

comme disait Marlin.

M ais ce bourg, perché au haut d'une colline, serl'é autour

de son égl,ise, dominait toute la campagne environnante, Il

se donnait, vu de loin, un air de citanelle comme pour rap-

peler le: castel l'omain qui avait été son berceau. On n'y
accédajt que -par des chemins escarpés. Au nOI'd, la route de
Goudizon enjam bait le Goyen à angle dl'Oit, au p,'ix de

pentes vertigineuses. Le's deux « cf(~c'hen-goz » qui descen-

" (i) J. Trévédy, Voyages dans le département actuel du Finistère
broeh. de 35 p., Quim'perlé. 1891, p. 32.
(2) E Cognee, MonograpMe de Plonéour-Lanvern, p. 3.

_ . 131

dent, l'une vers le Hilguy, l'autl'e vers le Quilliou .étaient

presque impraticables tiUX attelages. Ces larges « crec'hen .)),
tracées sans doute par les légionnaires romains, ont vu

passer, à la fin du XVIe siècle les cavaliers de La Fontenelle

s'en revenant du massacre de la (,paysantaille » de Saint-
Germain. Les imaginations superstitieuses les ont depuis
peuplées de mau vais esprits et de légendes. Elles ne sont plus

suivies que par les piétons, les routes modernes les ayant
évitées par un tracé moins hasardeux. '-

La vieille église n'avait pas l'aspect monumental du vaste
édifice qui l'a remplacée, il y a une quarantaine d'années.
Plus humble et plus familière, encadrée dg frênes vigoureux,
elle était trop basse et trop sombre (1). Le cimetière était au
cœur du village, mais o'n sait que le voisinage des morts
n'incommodait pas nos pères. Les frênes qui le couvraient
ne laissant plus assez de place aux sépultures, on songea à
les abattre. Le dimanche 21 février 17Î3, Jacques Loden,
fabrique en charge, remontra « que: l'église manquant de

réparations, on ne pouvait mieux faire que de tirer parti des
25 arbres de frêne qui sont sur le cimetière et autour de

l'église, d'autant" .plus que les dits arbres, pour la plupart,
sont. sur le retour, offusquent l'église et pourraient même
occasionner de fortes dépenses, si par leur chute ils venaient
à tomber sur l'église et eu égard encore que le terrain pour
les sépultures se trouve étroit. Ce que considérant, les ·déli-

(i) « L'église est très obscure, même en plëiri' midi »'. En 1'174" au
décès du recteur Rrdivet, les rrparations nécessaires au chœur et au
chancel sont évaluées à 6DO 1. Cetté charge incombant audécimateur;
les héritiers du défunt recteur, «( pour éviter 16ut liti'ge », paient à la
paroisse la gomme de 775 1 Mais .I-egénrral et le nouveau · recteur
Mathieu CoUiou estiment que ces réparations seront 'inutiles, si l'on n'a
soin préalablement de surélever l'édifice. Ils pensent « qu'en laissant
subsister le clocher qui est assez bon, -on pourrait pour. donner du jour

et de la clarté à l'église, élever le c~œ~r àinsi que la nef sur les anCieI1S
ondements ». Délib. 27 novembre -1 77 ~" . _ _

132

bérants ont chargé Jacques Loden d'en donner avis au grand-
maître 'des eaux, bois et forêts et d'en tirer la permission
de les exploiter d'autant plus que la paroisse trouve des

acquéreurs qui se chargent des frais de la déclaration » (1).
Toùtefois, quelques-uns de ces frênes vénérables furent

épargnés; ils subsistent et chaque printemps les voit encore
reverdir. ,

A une demi-lieue, au sud-est, se dressait le bourg trévial

de Saint - Germain auquel était rattaché le quart de la
paroisse. Une magnifique chapelle gothique du XVIe siècle,

aux portails sculptés, aux hautes fenêtres fleurdelisées

faisait l'orgueil de ce hameau (2). A l'entrée du cimetière,
une porte monumentale et un gracieux ossuaire, aujourd'hui
en ruiTle, étaient des annexes dignes de ce beau monument.

Une modeste «' maison curiale couverte en paille» complé­
tait ce bel ensemble. Saint-Germain n'était pas une trêve
~ proprement parler. Un curé ou vicaire y résidait, mais
elle n'avait ni général, ni , registres paroissiaux,ni rôle
distinct pour les impôts. "

ÉTAT ÉCONOMIQUE '

Quelle , était la situation économique de la paroisse de
Plogastel-Saint-Germain, à la fin de l'ancien régime? Quels
étaient notamment la répartition du sol, le régime de la

propriété, les charges fiscales du paysan? Comment la

paroisse était-elle administrée ? Telles sont les questions '

(1) Arch. dép. du Finistère, 166 G. 2. (28 mai 1.768).
, (2) Les paroi~siens semblt'nt avoir eu une prédilection pour leur
chapelle de Saint-Germain Ils pourvoient, à son entl'etien plus largement
qu'à celui de l'église paroissiale. ' En 1716, le général fait un marché
avec Jean Le Cilm, menuisier à Pont-l'Abbé, pour la réparation du
lambris de la chapelle. Le devis monte à 400 1., somme assez con si dé.,. ,
rable pour l'époque. Mais « la fabrique de la dite chapelle est en état de
fournir à Ja dépense, comme il le parait par le vu du dernier compte
qui a été rendu et qui porte plus de 700 1. de reliquat li. Un inven-

auxquelles nous allons essayer de répondre succinctefIlent.

U ne remarque s'impose, tout d'abord. L'hi~toÏl'e écono-
mique de nos paroÎsses bretonnes est fort mal connue.

Les dOGuments d'ordre économique qui nous ont été légués
parl'ancien régime sont généralement très suj~ts à caution.
L'enchevêtrement des diverses circonscriptions, l'infinie "

variété des ' mesures, l'action souvent divergente d'~dmi-
nistrations jalouses de leurs prérogatives rendaient difficile

l'établissement de statistiques exactes. D'autre part, il ne
faut pas s'é!onner de l'imperfection de ces documeI1ts, si
l'on songe que, par crainte du fisc, chacun s'ingéniait à
dissimuler ses revenus. Les paroisses, les communautés:

les ordres privilégiés, la Bretagne elle-même ménagée par
la fiscalité royale et privilégiée au regard des autres

provinces, tous redoutaient les Înnovations fiscales. Les

recherches les plus désintéressées paraissaient suspectes

dès qu'elles touch'aient à l'état économique ou s8cial; elles

rencontraieilt toujours des obs'tacles insoupçonnés. Si, dans
un louable sentiment de justice, les commissions diocé-,
saines s'efforçaient, au moyen de renseignements officieux,

de répartir équitablement les impositions entre les paroisses,
elles s'interdisaient des enquêtes systématiques, de caractère

officiel,' qui : eussent révélé la capacité fiscale ré'elle des

individüs et des collectivités.

A ce sujet, un document tr'.ès ' significatif nous fait
connaître les principes adoptés et invariablement suivis par

les Etats de Bretagne et leur èommission intermédiaire. Le '

taire dressé le 29 septembre 17:1.7 mentionne un mobilier fort conyenable.
Nulle somptuosité cependant, car ' l'argenterie ,ne comprend que « 3
calices et 3 patènes, le tout doré, a v ' ec 2 ~tuis; un cib,Qir~ doré en
dedans; un petit ciboire servant à porter le viatique, aussi doré; 8 chan-'
deliers de cuivre et un plat de cuivre, une croix d'argent 'ët'une 'cr:oix
de plomb. » Délib. des 9 mai 1716,. 29 aùût el 29 septembre 1717
(Arch. dép. du Finistère, 166 G. P). ., , .. .. . ' .. ,
," If 1. '.

--- ' 1:34

13 avril 1787, la commission diocésaine de Quimper recevait
du procureu;I' général syndic des Etats, de Bot~erel, les
instructions ~uivantes : « J'ai été instruit que certains parti_

culiers faisaient des informations, dans différents cantons

de la Province, pour savoir combien il ' y avait de feux,

quelle était la nature de leur sol, de leurs productions,
l'espèce de commerce, la quantité de grains et de fruits qui

y croissent, etc... Ces informations étant contraires au

vœu des Etats et à la tranquillité publique, je les ai, en

eonséquence, dénoncées à M. le p('ocureur général du roi.
Si vou::; 'flvez connaissance de pareilles perquisitions, veuillez

m'en instruire. Je solliciterai le ministère public de réprimer

ces. inquisitions qui peuvent jeter l'alarme dans l'esprit des

pJ:opriétaires et de leurs fermiers et même être préjudiciables
à l'intérêt de la Province. » (1) .

. Et, pour mieux marquer la politique constante des Etats,
à cet égard, de Botherel rappelait une délibération du

9 janvier 1.775, où l'on disait: « Les subdélégués de l'Inten-

dant avaient l'année dernière (1774), écrit circulairement à
Messieurs les recteurs pour qu'ils leur envoyassent le
dénombrement des habitants de leurs paroisses et qu'ils
leur marquassent leurs différents états, conditions et facultés,

le dét. ail des biens- fonds et leur valeur, la nature et la

valeur du commerce qu'on y fait, le nombre de leurs
bestiaux. Les Etats chargent la commission intermédiaire

et leur procureur général syndic de veiller et de s'opposer

à ce qu'une pareille nouveauté ne s'introduise pas dans

c~tte province. »

. LA RÉPARTITION DU SOL

Quelle éta'Ït l'étendue des terres labourables? Un rapport

adressé à l'i'ntendant de Bretagne, vers le milieu du xvm"

(~) Arch. du Finistère, C. 76. Registre de correspondance de la
commission diocésaine de Quimper, à la date

- 135 ...;...;.; '

siècle, nous apprend que la subdélégation de Quimper, dont

dépendait la paroisse de Plogastel, (( occupe 144.720 arpents
dont 64.690 sont en valeur et de bonnes terres produisant
des froments, orges., avoines, seigles, fèves, pois, vcsces et
'blé noir., 80.030 en non valeur, la plupart parce qu'elles son.t
situées sur des rochers, d'autres sont des landes et des ge­
nêts dont on se sert pour faire du fumier et pour pacager '

les bestiaux. 11 serait impossible de défricher celles situées
sur les rochers; on pourrait défrichf-r celles qui sont. en
landes et genêts, mais les habitants prétendent qu'elles leur
sont aussi avantageuses dans l'état où cllc5 se trouvent» (1).
Les renseignèments, donnés par le subdélégué de Quim­
per, sont un peu sommaires. Entre les « bonries terres» et
les terres ( en non valeur », il y a, dans chaque paroisse,
des variétés intermédiaires. Dans quelle catégorie range-t-il

les terres médiocres, susceptibles cepcndant ' d'une culture

temporaire par l'écobuage? Vraisemblablement dans la pre-
mière catégorie qui comprend 44 % du sol. D'aùtre part, les

prés, les bois ne sont pa-s des sols « en non valeur» ; les

(i) La subdélégation de Quimper comprenait les deux. cantons actuels
de Quimper et de nriec, plus les paroisses de Plogastel-Saint-Germain,
Plonéis, Guengat, Plogonnec et Coray, en tout, une superficie de
47 346 ha. Si le subdélégué de l'Intendance emploie comme unité de me­
sure l'arpent de Paris (3.4i9 m2), son évaluation est supérieure à la
réalité, d'environ un vingtième.

D'après la même notice, la subdélf'glltion de Pont-l' Abbé~ qui s'étendait
sur tout le cantou actuel, plus les paroisses de Lanvern, Plonéour et
Tréogat, offrait, comme de nos jours, une répartition plus avantageuse
du sol: 03

10 de terres labourables contre 47 üfo d'incultes. « La sub­
délégation de Pont-l'Abbé embrasse 70.770 arpents de terres dont 37.\70
sont terres labourables, très bonnes, produisant froment, seigle, orge,
avoine, sarrasin, fèves, lin et chanvre; 33.300 d'incultes;-parce que les .
unes sont gagnées par les sables de la mer, les autres qui sont en landes
et bl'Uyères servent à pâturer les bestiaux. On y prend des bruyères,
landes et molles pour faire les engraifl. des terres à blé. Le surplus sel't
aux paysans pour faire du feu, parce qu'il n'y a point de bois sur toute
la c6te ». Arch. d'Ille-et-Vilaine, C. l,et C. L434.

136 -

la, ndes même ont toujours tenu en Cornouaille une grande

place dans l'économie .rurale. Prés, bois et landes entrent
sans doute dans la seconde catégorie qui s'élève a 56 0/0
de la superficie totale. Ainsi interprétée, cette statistique
paraît assez exacte. Elle sem ble d'ailleurs corroborée par un
.grand nombre d'autres documents, malp.eureusement frag­
mentaires et souvent peu précis.
Quoi qu'il en soit, les documents qui ont servi, sous la

Restauration, a l'établissement du cadastre de Plogastel-
Saint-Germain révèlent qu'il y avait encore en cette paroisse
une forte proportion d'incultes, puisque les landes de toute
nature couvraient 53 0/0 du sol (1). La situation . était, en
18~8, apeu près telle qu'elle était à la fin de l'ancien régime.

Les défrichements, en cette région, ont été insignifiants
sous la Révolution, l'Empire et la Restauration. L'insta-

.bilité des régimes, les troubles intérieurs, les guerres étran-
.gères ont été, pendant trente a~s, de sérieux obstacles au
progrés agricole. ' .

En,1828, on comptait a Plogastel 838 hectares de terres
. assez régulièrement cultivées, soit. un peu moins du tiers de

la superficie totale, exactement 31 0/0' De plus, 322 hectares
étaient en pâtures, land~s et genêts. Ces terres n'étaient pas
des incultes proprement .dits. Ce n'étaient pas non plus de

'vraies terreslabourable:s~ quoique les statistiques les aient

s'auvent rangées dans cette ' catégorie. La culture y était
essentiellement temporaire. A de. longs intervalles, tous les
neuf ou douze ans, on pouvait les écobuer pour obtenir une
récolte Çle seigle et parfoi:s. une autre de blé noir; puis on y
semait de l'ajonc ou du genêt ou bien on les abandonnait à
la pâture. ' La culture n~occupait au maximum que 32 0/0 du
sol.

. (1) Arch . .. de Plogastel-Saint-Germain: Documents cadastraux; État
de seclion et matrice cadastrélle (1828). Delibérationsrelatives à l'éva-
:malÏon du revenu des propriétt"s foncières (1~ mars 1828),

137 -

Les incultes permanents, pacages, landes et vagues étaient
d'une étendue considérable: 1.126 ha, indépendamment des
terres d'écobue, soit 42 % de la superficie totale. Les
prairies s'étendaient sur 132 ha, (5 %)' Les bois couvraient
154 ha, (6 %) dont 141 ha SOIIS taillis et 13 ha SOUS futaie,s. Le
reste du sol, un peu plus de 2 °/0 était occupé par les pro­
priétés bâties, cours', églises et cimetières, chemins et places
publiques (1). '
LES CULTURES

En 1795, dans le district de Pont-Croix, la superficie totale

ensemencée en céréales se répartissait de la manière sui-

vante: seigle 29 %, blé noir 24 0/0' avoine 21 ?/o, C!rge 14 %,
froment 12 % (2). Mais cette répartition variait beaucoup sui­
vant les paroisses. Le froment et l'orge étaient surtout culti-.

(i) En i 91 7 , les 3. H5 ha de la commune de Ploga$tel se répartissaien
comme sllÏt : terres labourables, en culture, en jachère, en prairies arti­
ficielles ou en prairies temporaires: L34,8 ha, (4,3 0/

); prés naturels:
190 ha, (6 °/0); pâturages et pacages: 290 ha. (9 %); landes et terres
incultes: 982 ha, (3i %) ; bois et forêts: 178 ha, (5.5 0/0) ; territoire
non compris ci-dessus : i 72 ha, (4, 0 Jo). '
Si l'on considère que dans la parcelle de Saint-Honoré, annexée à
l'ancienne paroisse, la valeur du sol est. sensiblement équivalente à celle
du reste de la commune, on constate que la superficie des landes et in­
. cultes a passé de 4,2

10 à 3i °/0' celle des pâturages et pacages de t3 °/0
à 9 °/0 el· celle des bois. de 6 % à 55

, Par contre, en augmentation,
les terres labourables ont pa~sé de 31 à 43 % et les prairies de 5:à 6

En somme, indépendamment de l'améliora"tion générale du sol, le
progrès agricole s'est manifeEtfé à Plogastel-Saint-Germain par une exten­
sion du sol productif égale il 13 % de la superficip. tot~le:et à 4{°/0 des
terres labourables. Cela rrpréspnte, pour le seul territoire de l'aricienne
'paroisse un gain de 345 ha enlevés aux incultes, pacages et landes. Si
l'on considère enfin que les terres dites labourables au XVIIIe siècle
n'étaient pas toujours régulièrement cultivées, parce que la jachère se
pratiquait sur une grande échelle, il ne sera' pas exàgéré de conclure
qu'à Plogastel la superficie annudlement cultivée a été à peu près dou-
blée depuis un siècle. . .
. (2) Etat- des ensemencements en l'An III. (Arch. nationales F" 449,
cité par' H. Sée, Les classes rurales).

138 -

. vés près du littoral, a Plogoff, Primelin, Esquibien, Plouhinec,
·Plozévet, Lababan, Plovan, Tréguennec. A Peumerit, un peu
en retrait de cette lisière maritime, on trouvait encore le fro­
ment . et l'orge dans une notable proportion. Mais plus a
l'intérieur, a Plogastel, Lanvern; Landudec, Pouldergat,

. Mahalon, ces deux. céréales étaient fort rares.

. Les états des dîmes (1) nous fournissent de très intéres-
santes indications sur l'importance relative de chaque cé­
réale dans ces divers terroi· rs. Les dîme3 de Plovan compren-

, nent 190 boisseaux de froment~ 206 d'orge, 103 d'avoine et

'seulement 5 de seigle et 6 de blé noir; celles de Tréguennec :

107 boisseaux de froment, 109 d'orge; 1 d ,~ seigle, 5 d'avoine.

De même, les paroisses de Primelin, Esquibien, Lababan
et Tréogat paient presque la totalité de leurs dîmes en orge
-et froment. Par contre, les dîmes de Pouldergat, Plonéis,
Landudec, Meilars, ne comprennent guère que du seigle:

Pouldergat, 216 boisseaux de seigle; Plonéis, 19-! boisseaux

de seigle;.10d'avoine et Il de blé noir; Meilars, 23:) boisseaux
'de seigle et 27 d'avoine; Landudec, 177 boisseaux de seigle,
18 d'avoine et '1 de blé 'noir, Intermédiaire entre ces deux

groupes de"parois~es,Peumerit donne pour dîmes 126 bois-

seaux de' seigle, 65 d'avoine, A8 de from'ent et 43 d'orge.
Nou~ n'avons pu retrouver l'état des dîmes de Plogastel,
mais étant donné la nature du sol, elles devaient compren­
dre surtout du seigle, un peu d'avoine et de blé noir et très
peu ou point d'orge et de froment. La tradition 10cale rap­
porte cependant qu'on cultivait un peu d'orge et de froment
dan:::; 'la sèction 8-0 de la paroisse notam ment il Leslosquet
etau Ruot. .

La pauvreté du sol, la médiocl'ité des procédés de culture,
le peu ' de variété des assolements et des fuinures, ne
permettaient que de faibles rendements. En 1789, les

(1) Déclarations des recteurs en, !790 (Arch. du Finistère, L. 243). '

139 -
paysans de Lababan et ceux de Tl'éogat affirmaient dans
leur cahier de doléances que Ct quand on sème un boisseau
de blé ordinairement et par année commune, il ne produit
qu'envieon quatre » (1). Désireux de voir réduire leurs
charges qu'ils estimaient excessives, ces laboureurs exagé­
raient leur pauvreté. L'exagération est évidente, surtout
pour Lababan dont le sol était. fertile .

Au xvm

siècle, dans la Cornouaille, on estimait que
pour ensemencer un journal de terre il fallait environ un
boisseau et demi (n1esure du roi) de froment ou de seigl.e,
2 b. d'orge, 2 1/2 d'avoine, 1 3/4 de blé noir. Dans cette
même région, le rendement par joùrnal était de ]0 à 14
boisseaux de froment, 9 à 13 b. de seigle, 15 de blé noir,

20 à 25 d'avoine et 20 d'orge (2).
A Plogastel, la répartition du sol labourable était appro­
ximati vement la suivante : 280

en . jachère ou sous
cultures di verses (foureages, chanvre, légumes) ; 260

ensemencés en seigle, 140

en avoine et 120

' en blé noir.
La récolte devait être d'environ 5.200 boisseaux de seigle,

5:600 d'avoine et 3.600 de blé noir, soit en chiffres ronds
10.000 hectolitres de céréales. Les deux tiers suffisaient à
la consommation 10c310; le reste pouvait être exporté. Une
statIstique du corn mencement du XIX

siè'cle con:statc que'
Plogastel exportait, année commune, le tiers de sa récolte.

Nous voyons qu'à la fin du XVIIIe siècle il eri était à peu
près de même . .
Il est à remarquer que la valeur moyenlle de l'exportation
annuelle, 14:.000 1. vers 1760, correspondait sensiblement
au revenu riet de l'ensemble des immeubles de la paroisse,
revenu calculé au taux de l'imposition de::; vingtièmes (3).

(1) Cahier. de doléances de Tréogat (Arch; du Finistère, Sie B.) .
(2) Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 1651. Cf. A. DucbaLAllier, Recher-
ches statistiques (3

partie) p. 74,.
(3) Le taux de l'imposition du vingtième, à Plogastel, en ~776, parait

140 ----
LE HARAS DU HILGUY

Au XVIIIe siècle, l'élevage des chevaux était déja prospère
dans notre région. La Cornouaille avait une e~pèce cheva­
line qui lui était particulière, «·le bidet breton », race petite,
mais nerveuse et ré6istante. Le {( double bidet» notamment,
élégant de formes, vif d'allure, était estimé pour le trait et
même pour la selle. On l'attelait peu, dans les paroisses de
l'Argoat, If'S charrois 8t les labours se faisant sudout a

l'attelage de bœufs. Les chevaux des cantons de Plogastel

et de Pont-Croix étaient fort recherchés par les éleveurs du
Léon et de la Normandie, aux foires de Confors, de Poul-
david et de Quimper. .
Les Etats de Bretagne fil'ent au Xvm

siècle de louables

efforts pour améliorer les races chevalines indigènes. A
grands frais, on plaça dans les centres d'élevage, chez des
agriculteurs notables, des ' étalons de bonnes races. Dans
chaque paroisse, on dressa un rôle des poulinièreS et ça et
là furent établis des ( commissaires-inspecteurs des haras

choisis dans les familles qui avaient traditionnellemrnt le
goût du cheval » (1). C'est ainsi que, de 17fJO a 1770, le
marquis Nicolas-Louis de Plœuc du Guilguiffin s'occupa

très activement de la surveillance de la remonte .

Quelques années avant la Révolution, on constata que la
dispersion, dans les paroisses, des étalons fournis au compte
de la Province, offt'ait des · inconvénients. « Quand les

être d'envü'ou 9 °/0 du revenu net. C'est ce qui ressort. de la requNe
adressée, le 28 avril 1776, aux commissaires des Efats à Quimper', par
le général, en faveur de Pierre Glehen cie Briscoul imposé au rôle des
vingtièmes pOUl' t91. 5 s. « Considérant que l~dit liru de Briscoul ne
vaut pas plus de 100 1. à sou propriétaire, le général est ullaui men1f'nt
d'avis de modérer et de réduire ladite somme de 19 1. 5 s. à celle de
81. 19 s. ». .
(1) H. B. de la Rogerie, Inventaire sommaire des Arch. dép. du
Fin' istère, t. III, introduction, p. CCIX

141-

chevaux étaient chez les simples gardes-étalons, ils étaient
mal soignés et au bout de deux ou trois ans ils étaient hors

de service. Les gardes les faisaient travailler et les nourris-

. saient mal. De plus, séparés, il était difficile aux vétprinaires

de les soigner» (1). Les étalons fUl'cnt réunis dans des
dépôts. On créa en Cornouaille deux haras: l'un au Hilguy

chez le chevalier Le Gac de Lansalut, l'autre à Kersalaün .
en Leuhan (2).
En 1788, la Commission diocésaine de Quimper, à qui
revenait la surveillance de ces haras, constatait les bons

résultats de cette création. « Les dépôts sont fort nouveaux.
Les étalons étaient jeunes et n'ont guére pu servir que l'année

dernière. Aujourd'hui ils sont en bon état». En conséquence,

la Commission diocésaine proposait à la Commission inter­
médiaire de Rennes la création de plusieurs autres dépôts
semblables. Elle suggérait aussi l'idée de « faire couper tous

les chevaux entiers de la région, sauf quatre ou cinq des

meilleurs qu'on garderait dans chaque paroisse ). _
. Les paysans montraient peu d'empressement à fair, e sail­
lir leurs juments par les étalons dits « royaux» ou par ceux .

reconnus par les. inspecteurs des haras. Le marquis de Plœuc
s'en plaignait amèrement dès 1753. Il imputait la désobéis­
sanc, e des paysans aux conseils pernicieux des prnticiens de

campagne, procureurs et notaires qui « abusant dè la bourse
et de la confiance de nombre de paysans les excitent à l'in- .

dépendance, en leur représentant les haras comme un joug
et une vexation, au moyen de quoi, il est des cantons de

mon département où l'on s'aperçoit si sensiblement de ees
insinuations que dans des parcelles de paroisses et des

paroisses entièl'e:s, les paysans paient au garde-étalon le
droit de salit pour les juments enrôlées san$ faire saillir crs

(1) Arch. d Il Finistère) C, 76 (Correspondance de la Commission
diocésaine, ,17 février 1788).
(2). A la même époque, il existait trois dépôts d'étaloris dans l'évêché

142 -

juments» (1). Une amende de 5 livres frappait les délin­
quants; mais ni les menaces ni les amendes ne parvenaient
à contraindre les paysans, car dans certaines paroisses. on
comptait chaque année 20 ou 25 réfractaires (2). .
La préférence obstinée accordée aux étalons indigènes
non reconnus dérivait certes, en partie, d'un préjugé. Peut­
être aussi les étalons royaux n'étaient-ils pas toujours judi­
cieusement choisis. Dans leur cahier de doléances de 1789,
les paysans d'Esquibien demandeut « la liberté de faire
.pouliner leurs juments par des étalons non royaux ». Ceux
de Goulien et de Primelin déclarent « qu'on leur amène des
étalons étrangers dits "barbars'~ dont · les produits ne

conviennent à aucun marchand et qui ne sont ni propres ni
utiles au pays où les fourrages ne sont pas abondants ».
«( L'arbitraire dans l'administration des haras, le despo­
tisme des inspecteurs et l'excès de la dépense d'achat et

d'entretien des étalons» avaient provoqué bien des réclama-

tions. Toutefois, les efforts persévérants des Etats eurent
d'heureux résultats pour l'amélioration des races de chevaux

. bas-bretons. Nous avons, à cet égard, un témoignage

probant, celui même des plus ardents adversaires de l'ancien
régime, au ' début de la Révolution. Les premiers ' adminis­
trateurs . du Finistèl'e en 1790, reconnaissaient que « ces
établissements (les haras), avaient acquis un degré de per­
fection qui semblait ne rien laisser à désirer. Les races des
meilleurs chevaux de l'Europe y étaient en quelque sorte
naturalisées et étaient devenues la source d'une branche de

commerce infilliment précieuse» (3).
de Léon: l'un à Sainl-Pol-de-Léon sous l'inspection cie M Kt'rmen~uy
de Roslan, le second il Lannilis (M. de Kerdrel), 10 troisième au Conquet
(M. de Ke/'sauzon) .
(1) Arch. d'Ille-et-Vilaine, C. 16lt,7 .
(2) Ibid., C. 1639. .
(3) Rapport fait au Conseil du département du Finistère (i 791),
Quimper, Derrien, 1792, p. 9. '

143 _ . -

Le haras du Hilguy disparut en 1790. La correspondance

du district de Pont-Croix nous apprend que le 3 décembre
· 1790, les étalons existant au I-lilguy, chez M. de Lansalut

furent vendus à Quimper (1). .

LA PROPRIÉTÉ

Bien des idées fausses out été répandues sur la répartition
. de la propriété entre les diverses classes sociales, à la fin
de l'ancien régime. Trop souvent, à ce sujet, on a donné
cours à des généralisations excessives. En réalité, en notre
Cornouaille surtout, cette répartition variait considérable­
ment d'une paroisse à l'autre. Ici, la noblesse possédait .

comme au moyen-âge a peu près la totalité du sol ; là, la
propriété bourgeoise dominait; là, enfin, comme àCro­
. zon 'ou à Penmarc'h, la propriété rurale très morcelée avait

déjà passé, en majeure partie, dans les mains des paysans.
En l'absence de bonnes 'monographies paroissiales, toute
généralisation en cette matière serait téméraire. En ce qui
concerne le territoire des anciennes sénéchaussées de Quim­
per et de Concarneau, l'opinion courante dans la bourgeoisie
quimpéroise était qu'à la veille de la Révolution « les dix-neuf
vingtièmes des propriétés rurales étaient en domaines
congéables et les trois-quarts au moins appartenaient .à des

rot.u riers » (2). .

Un document fort intéressant nous révèle l'état de la pro-
priété à Plogastel-Saint-Germain en 1771 (3). Un arrêt du
Conseil du roi avait autorisé, dans cette paroisse, une levée

extraordinaire de deniers pour la reconstruction du presby-

(1) La Constituante supprima, le 12 novembre 1790, les haras établis
par les Etats provinciaux. Ibid., p. 48 .
. (2) Pétition des propriétaires de la ' commune de Quimper en 1.795
citée par M. L. Dubreuil, Les vicissitudes du domaine congéable en
Basse-Bretagne, t. II, p. H6. _.
(3) Rôle d'égail inséré au registre des délibérations en 1771.

144 -

tère. Les rôles des vingtièmes servirent de base à l'égail de
cette imposition. On sait que l'impôt des vingtièmes était
de tous les impôts de l'ancien régime celui qui provoquait

le moins de réclamations .parce qu'il était · le plus équitable-
ment réparti. Impôt réel, il frappait le revenu de tous les
immeubles, quels qu'en fussent les propriétaires. Quand. il

s'agissait d'une imposition extraordinaire comme celles
nécessitées par la construction d'une église ou d'un presby- .
'tèl'e, les propriétaires seuls, nobles ou roturiers, ' y étaient
soumis, à l'exclusion des simples fermiers ou locataires. La
contribution de chacun était, en pl'incipe du moins, toujours
. proportionnée au revenu de ses immeubles, dansla paroisse.
La délibération initiale du génél'al de la paroisse de Plo-

gastel, concernant la reconstruction du pl'esbytèl'e et sa
req :.lête tendant à la levée extraordinair'e de deniers à cet
efiet sont du mois d'octobre 176!. La dépense était estimée

à 2.924 livres. Il y eut de longs débats; la procédure dura
sept ans et occasionna des frais su pplémentaires de 4541i Vl'es,
ce qui porta la dépense totale à 3.378

C'était pour
l'époque une somme assez considérable, beaucoup trop
considérable au gré du Marquis de Plœuc qui pendant sept _

ans mit tout en œuvre pour contl'arier les vœux du recteur
et du général de la paroisse. Plogastel avait déjà eu bien

des démêlés avec ce puissant seigneur; une fois de plus, la
paroisse obtint gain de cause. Le« rôle d'égail» de la somrnB
de 3.378t, établi le 30 septembre 17_ 71, en vertu d'arrêt du

Conseil du roi et d'ordonnance de Monseigneur l'Intendant.
fut sans nul doute établi avec un soin méticuleux. L'hostilité

de M. de Plœuc garantit, en quelque sorte, l'exa~titude du
docnment. Pl'Ocessif, à son ol'dinaire, le m'al'quis n'eût pas
manqué d'y relever les moindres erreurs et d'en faire grief

au x égailleur~. , ' . .
Ceux-ci, au nombre de six, choisis par le général, à raison

de deux par parcelle, furent: Jean Guellec de Guilel'-Saiùt-

145-

Germain, Alain Guenec de Kerouanquen, Jean Guenec du
Grand - Briec, Louis Le Tymen du Moustoir, Mathieu

Le Corre de Kermorien et Alain Conan du Grand-Drevers.
Ils firent la répartition (t proportionnellement ct au marc la
livre des vingtièmes et deux sous par livre du dixième ....
Et &e sont trou vées monter toutes les im positions à la somme

de 3.378

6d laquelle somme sera payée par les contri-
buables dénommés audit rôle ou en leur acquit par leurs
fermiers, débiteurs, bien - tenants, ayants - deniers entre
mains de Guillaume Loden de Kervigodou, Jean Glehen de
Briscoul et Hel'vé Nicolas de Guiler, les trois, paroissiens

dudit Plogastel, collecteurs, par la délibération du 27 janvier

1771, huitaine après la publication dudit rôle pour, les col-
lecteurs en faire la remise ~ux mains du marguillier ct du

procureur-terrien en charge .... SOIIS peine d'être, les con-
tribuables, les collecteurs, contl'aints par toutes les voies de
rigueur et de justice dues et raisonnables. »
Le rôle dressé par Me Vallet, notaire royal assisté de Me
Charles de Malherbe,avocat, fut contrôlé à Quimper le 9

octobre 1771. Il n'y eut, à cette occasion, qu'un seul paysan
à savoir signer: Jean Glehen de Trevoyen.

En 1771, la paroisse de Plogastel est presque tout
entière divisée en domaines congéables. On y distingue

donc deux sortes de proprïétaires : les seigneurs fonciers et
les domaniers. Les premiers possèdent le sol . ; nobles pour
la plupart, ils !le résident guère , dans la paroisse. Les
domaniers, tous paysans, ont acquis la majeure partie des

édifices et superfices .
Sur l'imposition totale de 3377 1., la noblesse à: elle seule
paie 1970 1., soit 58 % La propriété noble comprend les
manoirs, les moulins, les rnétait'ies rfobles du Hilguy, Le
Quilliou, Kerdaniel et Kermatbéano et environ ' les cinq

sixièmes du territoire. Les deux seigneurs les plus imposés .
sont la corritesse Du Guay, née de Visdelou, dame du,

146

Hilguy (72-1l.) et son cousin le marquis de Plœuc, seigneur

du Quilliou (6871.). M. de Kermorial, seigneur dè Kerdaniel
paie 1211. En outre, Briscoul est àM. de Trédern (721. 15s.),
Kermoguer à M, du Minven, K~rveyen à M. de Rosily,
Trégano à M . . de Kerguern, Kermorien à Mmes de Trévi,en

et de Trégain, Kergnernou a MM. de Carné et de Chateau-
giron, Kernoa à M. de Kervazegant, Kerdeurnel à M. du
Clézio. Enfin, le baron de Pont-l'Abbé, Bande de Saint-Père,
possède une tenue à Troguenec et M. de Keratry une autre
à Leslosquet.
La propriété bourgeoise; encore restreinte, s'étend pro­
gressivement. Elle comprénd le fonds de 17 à 18 tenues et

la métairie de Keravarn, à peu près le sixième du sol.
FroUo de Kerlivio, conseiller au PI'ésidial, puis maire de
Quimper, paie 86 l. pour trois tenues à Kerouanquen et à

Leslosquet, Guesdon, sénéchal des Regnires de Cornouaille,

possède deux tenues, l'une à · Kervigodou, l'autre au Petit-
Dl'evez. M. de Peoanreun (Royou), beau-pèl'e de Fréron,

a une tenue à Kerandoaré et de Boisjaffl'é, avocat à Quimper,
en a une autee à Kerbinibin.

Les paysans les plus aisés de Plogastel ne possèdent que
les droits convenanciers des tenues exploitées par eux .

Toutefois, la totalité des édifices et superfices de la paroisse
ne leur appartient pas, 'carles ' manoir. s, les moulins, à
l'exception de celui de Kel'mathéano qui paraît acconve­
nancé, et une dizaine de métairies sont en.; pleine propriété

à des noble3. La propriété lJaysanne est réduite aux droits

convenanciers d'environ 80 tenues, soit approximativement

86 °/0 de l'ensemble des édifices et superfices. Le revenu
net en est évalué à 32 010 du revenu t.otal.

A côté des domaniers, paysans-propriétaires, il y a des
fermier3 qui ne figu'rent pas au rôle de cette imposition

extraordinaire. Les uns, une dizaine, exploitent à bail
d'importantes métairies. Ils disposent nécessairement d'un

117
petit capital et leut' condition sociale est a:ssez voisine de
celle des domaniet's, Les autres, beaucoup plus nombreux,

sont locatail'es de pen-t!l. En effet, les tenues'de quelque
étendue comportent généralement un ou même parfois deux
pen -ty, portions de tenues cédées à de petits fermiers .

Ceux-ci exploitent pour leur propre compte qu-elques lopins
de terre et sont, par surcroît, valets, journaliers agricoles
ou gens de métiers, tailleurs, tisserands, charrons, maçons

ou couvreurs. Ces petits fermiers sont dans une situation
toujours pl'écail'e et souvent misérable.

. LES JURIDICTIONS SEIGNEURIALES

La pal'oisse de Plogastel relevait, presque tout entière, en
proche fief, des deux importantes seigneuries du Quilliou et
du Hilguy et, tout entièr'e, en arr-ière- fief" de la seigneurie

du Quemenet (1).
Dans les délibérations du général, le marquis de Plœuc,
« en quàlité de haut justicier et propriétaire de la terre et
seigneurie du Quilliou» est qualifié de « premier préémi­
nencier » en l'église de Plogastel (2). La seigneurie du

Quilliou dont le chef-lieu féodal fut, à l'originé, la motte de

Castel-Coz, dans le bois du Quilliou, comprenait, outre ses
nombreuses possessions en Plogastel, la majeure partie de
la paroisse de Plozévet et un village en Landudec. Elle
perdit de bonne heUl'e ses seigneurs particuliers et passa,
dès le moyen-âge, à la famille de Guengat.

(1) Quelques terres relevaient de la seigneurie de Coatfao. En 1788,
une fille Glehen, de Briscoul, est décrétée de 'justice par ëelte .juridiction
qui avait pour ' sénéchal Jacques-Corentin Royou, ,gendre du ' critique
Fréron et, pour greffier, François-Joseph Chauvel" procureur au pré­
sidial et greffier ordinaire des délibérations de la paroisse de Plonéis
Les petites seigneuries de Kerdaniel et de Kerm;ühéano, en Plogastel, ne
paraissent pas avoir eu de juridiction exercée lm xvm

siècle.
(2) Délib. des il mars 1770 et 27 novembre '1774:.

148

« Le Quilliou fut vendu en 15!6 a .J ean de Tyvarlen, cha­
noine de Cornouaille, par.J acques de Guerigat, alors criblé
de dettes» (1). Gùi~laume de Tyvarleri recueillit, vers 1557,
l'héritage de son frére le chanoine et peu de tempoS après, la
juridiction du Quilliou fut annexée à celle de Kerharo.
La haute justice de Kerharo avait son siège a Pouldavid,
« en l'étude du procureur-fiscal», dans un local situé au
dessus des halles (2). .

La seigneurie du Hilguy s'étendait sur la moitié orientale
de la paroisse. Le Hilguy qui eut jusqu'au xv

siècle des

seigneurs de ce nom passa par alliance aU XVie siècle, suc-

cessivement aux familles de Lezongar de Pl'atanras, du
Quélennec, puis de Visdelou, en 1592 (3). Au xvm

siècle, la

darne du Hilguy étaÏt Marie-Françoise de Visdelou, cousine,
par sa mère Suzanne-Claude de Plœuc, du marquis Nicolas­
Louis de Plœuc, seigneur de Kerharo, du Guilguiffin et du
Quilliou. Marie-Françoise de Vi$delou épousa en secondes
noces le comte Du Guay, lieutenant,,:,général des. armées
navales en 1757 et commandant de là Marine à Brest, en

1759. Veuve en 17.60, la comtesse Du Guay mourut en 1765 .

La seigneurie du Hilguy fut vendue quelques anrlées plus

tard et acquise vers 177-1 par César-François Le Gac de

Lansalut, ancien capitaine de dragons, d'une famille origi-

naire de Plouézoch (4).
La juridiction du Hilguy s'exerçait · à Quimper, dans un
bâtiment du couvent de Saint-François, mais les patibu-
.. (1) H. Waquet,Rapport sur l'état des Archives du Finistère (1920) .
.' (2) J. Trévédy, ;Jlichel .Laennec, broch. in-8° Saint-Brieuc, :1887,
p. 7. De 174,1 à 175~, le procureur-fi~calde cette juridiction fut
. chel .Laënnec, le grand .... père du Docteur. En 1782, le sénéchal était

Louis' Piclet. plus tard juge au district de Ponl-Croix, puis administra­
teur du Finistère, guillotiné à Brest, le 22 mai 1794..
(3) J. Trf.véJy, La maison n° 17 de la rue Saint-François, broch.
in-8°. Quimper 1898, p.4.2. . .
(4.) J. Trévédy, La maison no 17, p. ~5 .

149 -

laires de cette haute justice se dI'essaient à Ménez-Ogan,
non loin du manoir du Hilguy (1). ','
Quels étaient les droits honorifiques resprctifs des sei­
gneurs du Quilliou et du Hilguy, en l'église paroissiale? Le
marquis de Plœuc « premier prééminencier» qualifie lui­
même la dame du Hilguy de « fondatrice» (2). Il . semble
que la 1( supériorité » revenait au seigneur du (juilliou.
Dans le procès-verbal de la réception solennelle faite, le

28 mai 1775, au nouveau seigneur du Hilguy, en l'église de

Plogastel,il est dit que ce seigneur « a son banc situé dans
le chœur, à la droite» (3). La place éminente, à gaucbe, du
côté de l'évangile, . devait donc être celle du seigneur du
Quilliou.
LES CHARGES ROYALES
QUELLES ' ÉTAIENT LES CHARGES ROYALES (4) SUPPORTÉES

PA. R LA PAROISSE?
L'imposition des fouages payée sür toutes les terres rotu­
rières était relativement .1égèl'e. Depuis la fin du moyen-

àge, Plogastel était taxée in variablement pour 14 feux un

quart, un peu plus que Plonéis (9 feux 1/ 2), Lababan (11 ]/3),

Landudec (13 3/-1), mais bien moins, que Plovan (30 1 Il),

ou Pluguffan (30 1/2), trois fois moins que Plozévet et qua-

(1) En 1770, Me Urbain Le Bescond (de Coalpont) est procureur fiscal
de la juridiction du Hilguy et du fief du Quemenetà Plogastel; Piriou,
autre procureur au présidial, en est le greIfier.
(2) Délib. du 14 janvier 1770. '

(3) Ibid. 28 mai i775.
(4) Nous ne parlons que. des charges ordinaires. Le:; expédients finan~
ciers de latin du règne de Louis XIV imposèrent aux paroisses rurales,
comme aux municipalités, de véritables emprunts forcés, sous forme
d'achats d'offices. C'est ainsi qu'en 1703 et 1.705, Plogastel dut . payer au
roi un office de syndic perpétuel de cette par.oisse. (Quittances men­
tionnées à la délib. du 12 décembre 1729).

1"50 -

tre fois mo'ins que Plonéour. Les fouages ordinaires 's'éle-

vaient à 2951. et les fouages extraordinaires à environ 400 l.
On estimait au xvm

siècle que l'imposition affectée à un feu
de fouâge était de 48

6d. Pour leurs 14 feux 1/!, les

paysans ' ne 'Plogastel payaient d'one 697 1., « le fort aidant

le 'faible » (1).

L'impôt des vingtiè'mes qui frappait indistincteriifnt tous
f~s iriùrreubies nobles ou rotl~,;iers était le plus équitablement

;"épâtti. Ù 's'élevait il 1.123 1. 12

('2). 'Les domaniers en

pIlyaièriï 'Une part proportionnelle à la valeu'r de leurs
iriirrieubles, soit en'viron le tiers du montant du rôle.

'La capitation, impôt personnel sur le revenu était réparti
entre les contribuables roturiers, selon « leurs facultés ». Le
rôle de Plogastel comprenait 218 cotes dont 123 de 3 1.

ou au-dessous et 95 au-dessus de 3 1. Le total atteignait
6611 '14" (3).

., (1) « Tableau de l'imposition et des droits dus sur l'extraordin~ire des
Î6'tiàges, l'ordinaire, les garnisons et droits particuliers», pour 1.768. -
Arch. dep. d'Ille-et-Vilaine, C. 3958. Le général choisissait chaque
:mnée des égailleurs pour les fouages, mais la confection du rôle et la
coll.ecte éta, ient faites par u. n procureur qui recevait 9 1. pour le rôle et
lB d. p'ôJr livre de ses rèceltes. Ce 'procureur remplissait aussi générale-
rrient l~s 'forictions de greffier des délibérations. .
(2) Vingtièmes (Je l'année 1788 (Arch. d'llle-et-ViÎainé, C. 4599),­
L'.égail etla collecte des impositions ,abonnées, vingtièmes et capitation,
~e fa~saient sous la responsabilité du général. Pour les villgtièmcs, vers le
mois 'de mars où 'd'a~ril, le général de Plogastel choisissait 6 « asseeurs n,

2 pal' parcelle, qui de concert avec le correspondant, de la, commission
intermédiaire faisaient l'égail de cette impositiori. Il désignait .en, même
temps un « collecteur» par parcelle. On' ptôcédait de la même faç~n 'pour
la capitation qui était répartie et perçue par un 'mênle-'norribre d'aùtres
asséeûrs 'et collecteurs. . Il, est ,à remarquer que le général lui-même
comprenait presque invariablement quatre délibérants par 'parcelle. ' Le
plus souvent èhaque dèlibérallt, â sa sortie de charge, désignait son
successeur. '

' ('3) 'CapItation et' droits y joints pour l'année ::1.770 (Arch. d'Ille-et­
Vilaine. C. 3981).

151

A ce~ iI!lPô~~ dirl3~ts, il con~ient d'ajouter,la c9

yée r9yaAe
pour l'entretien ou . la constyuction des gr~nds~~er:n.in.$.
C'éta~.t ~l1c lourde charg~ qu'il e~t difficil,~ d:éy~lu,er . en
argent. La tâche de chacun était proportionnée à sa capiia-

tion; elle était, en principe, d'une toise par livr~ de capita;tion.
J 1 ~ t ~ _, ~ 1 ~, \ ~" ~

Cette corvée éta~t, av bas mot, éqlli vale,nte a l, a ~~(>}t~tiop
elle-même .

La tâch, e de la paroisse, située sur la route de Quimper à

Douarnenez, près de Pratanras, s'étendait entre C9 manoir

et l'embranchement de la v.ieille route de Quimper par la

Terre-Noire sur une longueur de 660tois~s (1~87~) (1).
La distance du clocher au centre .de la tâche étant de ~It~ 300,

les corvoyeurs de Leslosquet, Penfra,t et. Le Ruot avaient a

parcourir 15
ltm
pour se rendre à leur t~a vail.

Deux fois par an, au printemps et en automne, les cor-
voyeurs étaient convoqués. Çertains restaient sur la tâche

une semaine entière, logeant dans les fermes du voislllage

ou, comme des troupes cantonnées, ils avaient place au
feu et à la chandelle. . 1

La convocation des corvoyeurs, la ~urveillance des travaux

et la répartition des tâches incombaient au syndic des che-
mins.' D~ns les années qui précédèrent 'la RévolutIoIi,' ~e
) syndic inamovible fut Louis J oannis de Trevoyen, l'un des

rares paysans sachant écrire. :"

La milice constituait une autre charge un peu moins lourde

que la corvée des chemins mais tout aussI détestée. Plogas-

tel ne se trouvant pas sur le passage des troupes n'avait"que

très rarement à s'occuper de leur logement ou du transport

de leurs bagages. La paroisse ne fournissait pas ' de cohtiri-
,\, '. .' I! l , Ill, . l-l ' )
gent à la milice de terre, mais contribuait. au recrut~rnent
, . 'I~' l '~ ' I '1

(1,) Arch. d'Ille-et-Vilaine, C. 4883 : Etat de situation des travaux de
corvée au 3i dece' mbre 17$7. P~ur ·l'entre. tien de leur" tâc. he; re's ' cor­
~oyeurs' de Plogastel exploitent urie carrière et 'l'rtat 'de:'cë~te tâché 'e' st
« passable » .' ., , . . " " ·· .. 1 f III; "

152 -

de la milice garde-côtes. Chaque année, le général établissait
la liste desmiliciables, puis le tirage au sort s'effectuait en

présence du subdélégué de l'Intendant. Le contingent de
Plogastel était de 14 miliciens renouvelés par cinquième

. ·tous les ans (1). La paroisse devait subvenir à leur petit

équipement. Vers le milieu du xvm

siècle, .les miliciens ' de

Plogastel, Plonéis et Landudec, formaient une compagnie
détachée commandée par M. Penharvan de Kermorial (2) .
Douze fois par an, des revues occupaient les miliciens pen­
dant trois jours consécutifs ; la solde journalière était

. minine : 58 6

Ainsi, abstraction faite de la milice, les charges royales,
fouages, vingtièmes, capitation et corvée des chemins mon-

taient annuellement au total de 3.144

LES CHARGES SEIGNEURIALES

Les charge'S seigneuriales sont de difficile appréciation (3).

. Les documents ne nous permettent . pas de les connaître

, directement. Nous avon'S vu que les rôles des vingtièmes

permettent d'évaluer globalement les revenus seigneuriaux
à 68 °/0 du revenu net de tous les immeubles. Mais ce serait

une erreur grave de mesurer les charges réelles supportées

par les « vassaux» au profit net que les seigneurs én reti-

raient. Le:5 redevances les plus modérées étaient parfois

singulièrement aggravées par des perceptions plus ou moins
licites d'agents intel'médütires. Or, par suite de l'absenteisrne

de la noblesse, une multitude de parasites s'étaient immiscé,:;;

(l) Ibid., milice garde-côtes, C. L:14i et C. 3.670 . .
(2) Arch. du Finistère, B. 4268. .

(3) Sur les terres relevant du marqlÎis de Plœuc, une mesure particu-
lière était usitée. ({ Cette mesure de Plœuc' a été . rrg[é~, à la suife d'un
procès qui a eulièu~ ily a euviron 30 alJS (1. 768) enlre]e défunt P.lœuc et
. ses doITJariiers». Arch. de Plognstel: Reg. des délibérations de l'an

IV, 1.6 germinal. .

153 -,
dans la fiscalité seigneuriale. Ils multipliaient les abus et
les chicanes dont ils vivaient. C'est ainsi que leurs exactions,

dénaturant les institutions les plus légitimes, firent qu'à la

veille de la Révolution, le:5 paysans abhorraient même le
régime du domaine congéable.

LA DIME

Nous n'avons pu retrouver l'état des dîmes de Plogastel,
Mais les démêlés survenus entre le recteur Corentin Corre

et le général de la paroisse, en 1747 et 1748, au sujet des
réparations du presbytère, nous permettent d'évaluer ces
dîmes .à environ 900

en 1747 et à 1310

au taux de l'apprécis,

quarante ans plus tard.

En 1747, le général voulut contraindre le recteur à faire

réparer son presbytère (1). Le recteur effectua quelques répa-
rations qui furent jugées insuffisantes. Trois experts furent
nommés : MM. de Penanyeun pour le général, Poullain.

architecte, désigné d'office pour le recteur résolu à garder
une attitude passive, et Doucin. avocat, tiers arbitre. Une
sentence du présidial (19 juillet 1717) condamna le recteur
à achever les réparations convenables et à consigner à cet
effet une somme de 1201, SOU:5 peine de la saisie de ses

gros fruits. '
Le recteur, trouvant ses charges trop ,lourdes, préféra
abandonner ses dîmes qui furent saisies en 1747 et 1748' (2).

- Le recteur, abandonnant les gros fruit~ , de la ' paroisse,
devenait quitte des charges qui montaient à environ 8501.

(portion congrue du recteur, 500 1., celle du vicaire 250 1.

(1) Il convient de remarquer que le grnéral n'eut pas l'initiative des
poursuites contre le recteur. Une telle démarche' IUÎl'épugnait sans doute

car, pour agir, il attendit une assignation en règle de ln dame du Hilguy
et du seigneur de Kerdaniel. Délib. du il février 1748.

(2) Les grains furent déposés dans les greniers de Me Jadé, notaire et
procureur il Quimper, puis vendus aux enchères.

décimes et· frais de perception des dîmes 100l.). Les r.evenu~

d'e deux années ayant à peille suffi à ces charges et aux

t'r~is de répa'ration du presbytèl'e, on peut donc évaluer les
dîmes à un peu plus de 900 l. Cela représentait à cette date
la valeu'r de 210 boisseaux de seigle, 20 b. d'avoine et 10 b.
de blé noir. Ainsi le recteur devait dîmer en moyenne à la
30& gerbe .
LES EMBARRAS FINANCIERS DU GÉNÉRAL

Les généraux de paroisses n'ont pas dedeniers communs
et par suite pas de budget. Les fabriques seules disposent
.de ressources réguliéres pour t'exercice du culte. Aussi le
général de Plogastel se trouve-t-il dans le plus grand
embar.ras quand, pour l'utilit.é commune, la paroisse est
- contrainte à certaines dépenses. On ne peut y pourvoir que
par des oorvées, des emprunts ou des levées extraordinaires
de deniers; si celles-ci sont préalablement autorisées par le
Par.lemènt, ce qui d'ailleurs ne manque pas d'occasionner

des f.rais supplémentaires.
En 1748, l'un des délibérants avance 80 1. 10 s. pour les

frais d'un procès intenté au recteur par le général (1). En
1768, J ("an Glehen de Trevoyen prête à la paroi;:;se une
somme de 150 l. dont il réclame le remboursement l'année
suivante. A ce moment, « les délibérants répondent avoir
.~ntière et pleine connaissance du prêt de la somme et avoir
,été jusqu'ici bors d'état de-la rembourser n. Le 3 décem bre

1160, « les délibérants ont prié Jean Guénec de Guiler de
leur prêter la somme de 400 1. pour faire le retrait des
sentences et arrèts rendus au présidial contr'e le marquis de

Plœuc ». (( Jean GU,énec leu!' a, en l'endroit, com pté ladite
somme; laquelle ' ils s'obligent solidairement de lui payer,
ce jour en un an, SJlr tous leurs biens en génér;al, meubles

( 1) Délib. du li févripr i 748.

1.55

et immeubl~s, présents et futurs ». Hélas! le remboursement ·

ne se fera pas au bout de l'an. Las d'attendre près dé 5 ans,
le créancier présente une requête au présidial. Ainsi
astl'eint, le général n'a d'autre moyen d'acquitter sa dette
que de puiser provisoirement dans le coffre de la fabrique (1).
LES RESSOURCES DE LA FABRIQUE

Les ressources de la fabrique sont très variables. De 1700
à 1725, elles oscillent entre 500 et 1 026li vres. Ces ressources
pro\Ïennent de deniers patrimoniaux, location d'immeubles,
fondations en rentes foncières ou autres, du ca!3uel de la
fabrique ct surtout des dons et offrandes.
La confrérie du Saint-Sacrement possède, au bourg de
Plogastel, une maison et quelques tenes affermées 39 1. en
1719. La fabrique pa roissiale possède également au voisi­
nage du boul'g quelques parcelles pour lesquelles le général
est condamné « à fournir aveu en forme !) au marquis de
Plœuc en · 1725. Une fondation de Catherine Daoulas est
hypothéquée sur le lieu de Penhors en Pouldl'euzic, terre
relevant du prieuré de Locmaria. La fabrique de Saint­
Germain perçoit annuellement un comble de froment sur le
lieu de Saoudua en Pouldreuzic (2).
Les deux presbytères et leurs dépendances appartiennent
à la fabrique; mais ces deux immeubles ne constituent pa::;
une source de revenus, car la location est minime et couvre
à peine les frais de répàrations. La paroisse met à la
disposition de son recteu r « un logement convenable». A
cet effet, le général pa::;,se un traité avec le recteur, qui prend
« le prvsbytèl'e et ses dépendances à titre de ferme et ~'oblige
à payer par an au général la somme de 2! 1. parce qu'il
sera quitte de toutes Ips réparations à l'exception des clé:s,
(i) Délib. du 7 août 1774 .
(2) Délib. des 2 avril 1719, 3 juin 1725 ~t 17 févri~r 1.7· 19 .

; 156-

vitrage~ et serrures qu'il sera tenu d'entretenir en bon état».

Ce traité reçoit en 1775 l'homologation du parlement (1).
A Saint-Germain, ]e presbytère est situé dans l'enclos du
cimetière et contigu à la chapelle. La jouissance en est
laissée au curé, à charge seulement d'entretenir la -toiture

et de pourvoir aux menues réparations.
Les recettes de la fabrique subissent de grandes et brusques
variations qui tiennent à plusieurs causes. Les donations et
offrandes affluent dans les années de prospérité; elles se

font minimes et rares dans les années de disette. D'autre

part, soit mauvaise volonté des redevables, soit négligence
des marguilliers les revenus des fondations ne rentrent pas

régulièrement. A partir de 17-1:2, « on ne sait sous quel pré-
texte », les marguilliers laisse~t arrérager la rente due sur
Saoudua. En 1781, sans les remontrances opportunes du
recteur Colliou,cette même rente tombait sous le coup de la

prescription (2). Enfin, il arrivait aussi que des expédients
financiers amenaient la dépréciation des monnaies. C'est
ainsi qu'en 1721 le procureur-terrien Yves Simon porte dans

sa décharge .une perte de 21 1. causée « par la diminution
survenue sur les espèces» (3).
LES BUDGETS
Jusqu'en 1721, les procureurs-terriens et marguilliers de

Plogastel avaient négligé, à leur sortie de charge, de rendre
compte de leur gestion. Ils gardaient par devers eux «( les
râlés, mandements, quittances et autres titres en forme de
com ptes » et, ce qui était plus grave, les reliqllats des bud-

gets. En 1721, tous les procureurs-terriens, depui::, 29 ans,
sont appelé.3 en reddition de comptes, sous peine de pour-
(i) Délib. des 29 novmnbre 1774 et 31 déct'Illbre i775 .
(2) Délib du 22 avril i78l.

(3) Ibid. 13 février 1721.

157 -

suites. Ce fut une désagréable surprise et un immense em-

barras pour ces comptables illettrés et surtout pOUl' leurs
héritiers. Cependant ces errements étaient si préjudiciables

à l'intérêt public que la paroisse approuva des mesures de

rigueur. C'est ainsi que le recteur put porter cette mention
au registre: « J'ai fait lecture dc la délibération ci-dessus, au
prône de ma grand' messe, le 26 janvier 1721, et elle a été
applaudie du 'général de cette paroisse 1).
Les recettes qui sont de / H7 1. seulement en 1701, mon­
tent à . 9521. en 1713 et à 905 1. en 1719. Elles retombent à
592 1. en ]723 et à 6151. en 1724. Mais elles avaient dépassé
. 1.0001., à trois reprises, entre 1705 et 1715, (1.0051., 1.0181.,
1.026 1.). De 1700 à 1725, la moy-enne des recettes est de

. 779 1. Le budget laisse . chaque année un reliquat val'iablé,
de 5 à 90 1. Pour cette même période, il est en moyenne de
431., non compris le droit de recette du procureur-terrien
qui est de uq. sol pour F vre et dont il fait généralement état

dans sa décharge (1). .
« Le 22 avril 1781, le général, après avoir pris lecture
des comptes des fabriques et des pièces au soutien, a apuré
celui de François Gloaguen fabrique de l'église paroissiale,
à 331 1. 8 s 4 d de reliquat, y compris les reliquats de ses
prédécesseurs; celui de Joan Guenec, fabrique de Saint­
Germain, à la somme de 1911. 6 d de reliquat, aussi compris
les reliqllat~ de ses prédécesseul's ; les deux sommes for-
mant un capital de 525 1. 8 s 10 d, de laquelle somme le
corps politique a chargé M. le chevalier de Lansalut ») (2) .

(1) Ibid. 6, 13, 1.4 et 28 février 17· 21..
(2) Les règlements prescrivaient de conserver les fonds df's paroisses,
. aiQsi que les archives. dans les sacrislips, dans un con're-fort à trois
serrures différentes dont l'une des clés était au recteUl' . la seconde au
procureur- fiscal f't lé! troisième au fabrique. Jusqu'en 1781, Plogaslel
n'a pas' de cotrre-fol't. Quand le gpnéral a la garJe de fonds importants,
il les dppose « par parties entre les mains de cinq des paroissiens les plus

- , 158

, LES DOLÉANCES DE 178~,

A.insi la conditton du paysan dl) Plogastel-Saint-Germai, n
n'est pas tr~s enviable, a la fiG de l'ancien régime. La
paroisse est pauvre; les ressources du paysan sont parei..,
monieuses et s~s charges bien lourdes. Que répondra ce

paysan quand, en 17&9, il sera interrogé sur son sort? QueUes

doléances, plaintes ou remontrances fera-t-il entendre?
Celles-ci n'auront ni âpreté ni originalité car, trop passif ou

trop indifférent, ce paysan s'e. n remettr~ a des boul'gcois de

la ville du soin de formuler ses plaintes et ses vœux. Chose
cu~i ,euse, ses demandes ne seront même pas toutes appro­
priées a ses besoins. On lui fera réclamer la suppression du
franc-fief; or, il ne souffre pas de ce droit onéreux qui ne
frappe que les bourgeois propriétaires de terres nobles.

C'est que, en réalité, les paysans de Plogastel ont eu p~u

de part a la rédaction du cahîer de leur paroisse. Mettez,

procureur au présidIal, qui présida le 7 ~yril, dans la sacris-
tie, l'assemblée de Plogastel, avait eu soin de se munir d'un

modéle de cahier émané évidemrr~nt des bourgeois de
Quimper. Le même modèle servit, en effet, dans 10 paroisses:
Plogastel, Plonéis, Ergué-Armel, Ergué-qabçric, Cuzon,

Kerfeunteun, Guengat, Pluguffa~, , Bodivit, Landudec et dans
la yille de Douarnenez. 1\ l'exception de Douarnenez et de
Kerfeunteun où des bourgeois instruits introduisirent des

demandes originales, la plupart de ces paroisses se conten-
tèrent de reproduire textuellement le modèle .

notables et les plus aisés, pour !ps garder en dépôt et les représenter sous
la huitaine, sur la demande qui 'leur én serait faite par ceux qui auront
drOl, t ». C'e~t ninsi q9c le 27 npve,mb~e i 774, une somme de 775 1. est
~nfiée à 5 dplpaniers : Yves Joannis, Laurent Caradec. Henri Gloaguen,
Charles Kerfriguin et Piprre Guénec. Le 22 avril 178i, le général .
« donne tout pouvoir» au recteur Colliou pt au chevalier de Lansalut

(( de faire faire un cotTrè-fort ». Délib. des 27 novembre i774 rt
22 avril i 78i. . . .

- , 159
Après avoir déclaré fidélité et obéissance au roi, les rédac­
teurs demandent: l'égalité devant les impôts, une répartition
plus équitable des revenus des biens ecclésiastiques, l'égale

contribution des ordres il l'entretien des ehemins, la suppres-
sion des justices seigneu'riàles, dcsaides coutumières et des
corvées et enfin la suppression du domaine congéable 'ou,

plus exactement ' :-on {( convertissem'ent en ccnsive », Pour

tout le reste, ils déclarent « adhérer, comme il est juste aux
charges arrêtées par le Tiers-État, dans sa dernièl'e assem-
blée a Reunes », '

Parmi ces revendications, celle yui pouvait avoir le plus
de portée pour les habitants de Plogastel ètait relati v'e au
-règime 'du domaine congéable. Or, sur ée point préèisé'ment
qu'ils avaient- fort a cœur, la bourgeoisie l'évolutibhhilÎrc lie
permettra guère de donner satisfaction aux pajlsaris ' de
Basse-Bretagne.
J. SA VINA.

- DU FINfSTERE

de YlUe
B.P .. 531
29107 QUIMPER

- 210

DEUXIÈME PARTIE

Table des mémoires publiés en 1920.

PAGElS

1 La ville d'Is par H. LE CARGUET. . . . . . . 3
II Quimper (études archéologiques) par [H. VVAQUET]

-(planches) . . . . . . . . . . . . . . .. 26
HI Locronan (études archéologiques) par [H. W AQUET]
, (planches) . . . . . . . . . . . . . . .. 10 l
IV Essai d'histoire économique d'une paroisse rurale,
Plogastel-Saint-Germain a'u XVIIIo siécley par

J. SAVINA

127
V Les Monuments historiques du Finistère, par [H.
WAQUET]. . . .. .. ' . . . . . .. 160
VI Plaidoyer pour la "chapelle des bergers " par C.
V ALLAUX. . . . . . . . .

VII Discours de fin d'année de M. le PRÉSIDENT.

187
200

Quimper, Imp. M .... CHAVET - BARGAIN, Rue Asto!' et Quai du Steïl'