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Bulletin SAF 1920


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Quimper (études archéologiques)

H. Waquet

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1920 tome 47 - Pages 26 à 103

(ÉTUDES ARCHÉOLOGIQUES)

UN COUP D'ŒIL
SUR L'HISTOIRE DE LA VILLE

Quimper ou, plus exactement, Kemper, c'est-à-dire le
Confluent, est par excellence une ville bretonne, mais les

nombreux restes romains mis au jour sur le sommet et le
versant nord-ouest du mont Frugy donnent à penser qu'il

existait, avant l'invasion du v

siècle, à l'emplacement du
faubourg de Locmaria, une agglomération d'une certaine
importance. Parce qu'une charte du XI

siècle appelle Locma­
ria Civitas A quilonia, il est admis que tel était le nom de la
petite vme gallo-romaine. On peut, non sans bonnes raisons,
croire qu'à l'origine elle dépendait de la cité des Osismes,
qu'elle était le chef-lieu d'un pagus de cette cité, dit pagus
des Corisopites, enfin que, ce pagus devenant à son tour une
cité à la fin du lII

siècle. Aquilonia prit alors, comme la
plupart des chefs-lieux' de cités, le nom de la peuplade elle-

. même. On la nomma, à partir de ce moment, Corisopitum.
Le titre latin de l'évêque de Quimper est encore episcopus

Corisopitensis (1) .

(1) On a beaucoup écrit sur le sujet de Corisopiturn . A citer surtout:
A. de la Borderie, Histoire de Bretagne, t l, p. i09·HO eti22, A. Lon- .
gnon, Les cités gallo-romaines de la Bretagne, 1872, p. H-i6, Ch de
la lleraye, Géographie de la péninsule armoricaine, 188i, p. 51.-55,
- L Duchesne, Fastes épùcopaux de l'ancienne Gaule, 2

éd. ) 1. II~ '
p. 24,~ et ~'l3.

Ce que nous savons de certain sur la bourgade d'Aquilonia
puis Corisopitum se réduit à très peu de chose. Un réseau de
-voies la mettait en communication avec les principaux points
de l'intérieur et de la côte (J). Elle était garantie des attaques
par un système de fortifications organisé, ce semble, après la
grande invasion germanique de 276-277 et consistant en trois
postes militaires, bâtis, l'un sur le mont FrugY(2), un autre
sur la hauteur qui domine Quimper au nord, près du champ

de foire, le troisième, moins fort, sur le coteau de Bourlibou
(Bourg-Ies-Bourgs), sur le terrain de l'École normale des ins­
tituteurs. Corisopitum ayant à redouter surtout les. attaques

par mer, celles des Saxons, ces postes se trouvaient très bien
disposés pour assurer la surveillance de la rivière. Cependant,
nous ne saurions rien affirmer quant aux origines.Même avant
277, les empereurs ont. pour la défense des grandes routes·
contre les brigands, mis sur pied «( une sorte de gendarmerie,

formée surtout de détachements militaires, avec casernes et
corps de garoe aux bons endroits. Il a pu y en avoir en
Armorique» (3). Dàns les tout derniers temps de l'empire/ les

troupes cantonnées à l'extrêmité de la péninsule anboricaine

se composaient en grande partie d'auxiliaires recrutés en .
Mauritanie (4 ). netrouvera-t-on jamais la trace des Marocains
qui défendaient Corisopitum ~
Rien ne prouve que le christianisme n'y pénétra pas avant
la venue des Bretons. Au contraire, c'est un fait presque établi
que saint Corentin, s'il fut vraiment évêque de Quimper, avait

(1.) Ch. Picquenarrl, L'occupation gallo-romaine dans le bassin de l' Odet}
dans le Bulletin de la Société archéol. du Finistére} t. XXXIIl, 1906,
p. 1.88-21.7 et 282-323. . . .
(2) H.-l '. Le Men. Fouilles d'un poste gallo-romain sur le mont Frugy
(Ibidem} t. III, 1876,. p. 1.89-1.91.).

(3) C. Jullian, Histoire de la Gaule} t. II, p. 289.
(4,) A. de La Borderie, op. cit.} p. 1.63.

eu de's prédécesseurs dans le pays (1). Quant aù roi Grallon,
, dont la légende, la poésie; la sculpture, la peinture ont, à l'en­
vie, popularisé le nom, les meilleurs érudits s'accordent à

confirmer aujourd'hui ce qu'écrivait de lui Dom Lobineau :

« En vérité il y a si peu de fonds à faire sur les lé~endes qui

sont les seuls mémoires dont on pourrait tirer ce que l'on au-

rait à en dite qu'il vaut mieux s'en taire tout à fait». ' .
, Les Bretons, délaissant l'antique Corisopitum, s'établirent
en amont, au confluent de l'Odet et du Stéïr. lieu qui, du

" r~ste; n'était pas resté jusqu'alors inhabité, car on y a, de nos

jours, découvert divers objets attestant une occupation
romaine (2). .
Jusqu'à la fin du XIe siècle Quimper fut la capitale du comté
de Cornouaille, lequel disparut en 1066, le mariage du comte

Hoël avec la fille du duc de Bretagne l'ayant fait rattacher
directement au domaine ducal. Dès cette époque l'évêque se ,

trouvait un des principaux seign~urs de la région. Il le resta
jusqu'en 1790. Toute la partie de la ville située à l'est du Stéïr
relêvait ~e lui tandis que, de l'autre côté dé la rivière, s'éten­
dait la « Terre au duc ». Sa juridiction s'exerçait au tribunal

des Regaires d'où les appels ne pouvaient être portés qu'au

Parlement.
Aucun grand événement de l'histoire générale ne s'est passé
à Quimper; toutefois les guerres civiles ne laJssèrent pas d'y

, avoir leur coritre-coup. Jean de Montfort, après s'être soumis
la ville en 1341, ne la garda pas longtemps; le I~r mai 1344,
Charles de Blois la lui enlevait par un violent assaut à la suite

duquel il ne réussit pas à empêcher une affreuse tuerie. Mont-

fort tenta inutilement de la reprendre en août de l'année sui-
vante. Découragé, il mourait peu après à Hennebont. Les ha­
bitants demeürèrent, . sans ,trop de zèle, attachés à la cause
(i) L. Duchesne, op. cit., p. 263-266 .
(2) P. du Châtellier, Les époques préhistoriques et gauloises dans le
Finistère , 2

éd., HW7, p. 337-338.

de Blois. Quand, au rriois de novembre 1364, le vainqueur
d'Auray se présenta, l'évêque, Geoffroy Le Marhec, s'efforça
de stimuler leur courage, de les déterminer à se défendre. A

ses exhortations les plus pressantes la plupart répondirent en
regimbant. c( Nous ' sau Lerons par dessus les murs », décla­
raient les uns. « Nous n'y monterons plus la garde », criaient
les autres. L'opposition était irrésistible. L'évêque craignait
. pour sa vie. On traita des conditions de paix . Le duc Jean IV
n'en imposa pas de cruelles et reçut volontiers tout le 'monde
en sa « begnivoJance, grâce, miséricorde et obéissance » (1)

Durant les troubles de la Ligue le peuple se montra très

hostile au parti royal. Malgré J'hostilité de ' beaucoup de
bourgeois, les ligueurs l'emportèren t vite. La .garnison résista
avec succès au sieur de Lézonnet, capitaine pour le roi à

Conéarneau, mais en fin de compte il fallut bien, après un

échange d'arquebusades moins meurtrières que bruyantes, se
rendre quand même au maréchal d'Aumont p2 octobre 1594).
L'affaire n'avait duré que trois jours dont deux de négocia­
tions, Un moine blessé au talon, un gamin écorché à la fesse:
il n'y eut pas de plus grands dommages.
Aux xvue et xvm

siècles} l'histoire de Quimper se résume
dans celle de ses évêques, de son chapitre, de son présidial,
de son corps de ville, de toutes ses au tres administrations et
juridictions séculières : . processions, ' entrées solennelles
d'évêques, de sénéchaux, de gouverneurs, quelques rares
alarmes de guerre, jamais · de vrais périls, de loin en. loin
séjour, très bref, d'un grand de la cour ou de l'armée, inces­
sants proçès, infinies querelles de préséances (2).

(1) Voir les textes publiés par H. Bourde de La Ragerie dans le Bul­ letin de la Société archéol. du Finistère, t. XXVII; 1900, p: 245-254 .

(2) Le seul travail d'ensemble sur l'histoire de Quimper est la notice
écrite par A. de Blois pour la seconde édition du Dictionnaire historiqut
et ' géographique de Bretagne d'Ogée, 1853. Pour le Moyen-âge l'Histoire
. de Bretagne de La Borderie permet de la rectifier sur quelques points .

LES REMPARTS

Le quartier de la cathédrale portait jadis le nom de Tour
du ChâteL Divers actes ' nous montrent qu'au Moyen-âge le
ruisseau duFrout se trouvait appelé Frout-Questell (ruisseau
du château) ; les alentours immédiats de l'église formaient

le château de saint Corentin, castrum sanct(Corentini. A cet
endroit devait se dresser, "à l'époque romane, le château que,
suivant une tradition fabuleuse, Grallon avait donné au
vertueux évêque de Quimper. A quelque époque qu'il importe

d'en faire remonter l'origine, il y a lieu de voir là, sans doute

jusqu'à la place Maubert vers l'ouest, l'espace délimité par
l'enceinte primitive de la ville (1). Des poternes, évidemment

refaites à une basse époque et dont l'une, celle de la rue du
Guéodet, a duré jusqu'au XIX

siècle, en perpétuèrent long­
temps le souvenir . ..., Celle de la rue Kéréon était qualifiée de
Portzmen (porte de pierre), en latin porta lapidea, ce qui fait
supposer que l'enceinte proprement dite consistait surtout en

palissades.

Une autre ceinture de murailles, d'un périmètre plus vaste,
à peu près pareil à celui de la plus récente, dut être bâtie au
XIIIe siècle, cette fois toute de pierre. En cwg Guy de Thouars,
gouvernant la Bretagne du chef de sa femme Constance, voulut

en vain faire élever une forteresse au confluent de l'Odet
et. du Stéïr, mais nous savons que, lors du siège mis par
Charles de Blois, non seulement la cité de l'évêque se trouvait
enclose de murs, mais, de plus, sur la Terre-au-Duc, se vo­
yaient des ouvrages que Charles, pauvre en troupes, fit

abattre après sa .victoire pour n'avoir pas à y inst.aller de

garnisons. Ces remparts du XIIIe siècle furent en partie res-
taurés sous Jean IV vers 1380, principalement le long de

(1.) n.-F. Le Men, .Horwgraphie de la cathédrale de Quimper, p.4 .

' l'Odet, côté par où avaient eu lieu les assauts. A cette date on -
établissait même sur la rive gauche de nouvelles murailles
dont le tracé coupait les bâtiments de l'hôpital Sainte-Cathe­
rine par le milieu \,1). Cependant il n'y eut de travaux d'en­
semble entrepris qu'à pariir de 1452, lorsque le duc Pierre II

eut 'enfin obtenu de l'évêque l'autorisation de faire faire au
confluent un groupe de tours plus fortes que les autres: ce

fut ce que les Quimpéroisdécorèrent assez prétentieusement
du titre de " château". Les travaux avancèrent avec len teur .

Ils n'étaient pas encore tout à fait finis en 14g8 (2 ).
Au XVIe siècle cinq portes et deux poternes donnaient accès

à l'intérieur de la villt'. La principaL: porte, celle de Sainte-
Catherine ou de l'évêque, ménagée sur la face sud, était
flanquée de deux tours et touchait au moulin de l'évêché,
installé un peu en aval~ dans un îlot fortifié (3). A l'ouest la
porte Médard, dont une sorte de barbacane couvrait les
approches, présentait une disposition analogue. A l'angle
nord-ouest s'ouvrait la porte Saint-Antoine ou Mescloaguen,

au nord celle de la Tourbie, voisine de la plus haute, de la
plus imposante des tours, la tour Bihan, qui dominait tous '
les toits :t servit jusqu'à la fin du XVIe siècle de logis au
gouverneur. A l'est, l'enceinte passait non loin du chevêt de

la cathédrale. De ce côté on trouvait la porte des Regaires.
Entre les portes et poternes, de nombreuses tours, tantôt

rondes. tantôt, notamment au nord-ouest, carrées, interrom-

paient la cOJlrtine qu'elles ne dépassaient guère en hauteur (4) .

(1) D'après une lettre du pape Clément VU publiée par le P. Denifle
(La désolation des églises, t. Il, p. 746). L'hôpital Sainte-Catherine était
là où est aujourd'hui la Préfecture.
(2) J. Trévédy, Promenade à Quimper, dans le Bulletin de la Société
archéol. du Finistère, t. XII, 1R85, p, 213, 253, 317, 381.
(3) Il avait été fortifié dans les premières années duxv

siècle par les
soins de l'évÂque Gatien de Monceaux.
(4) DUCl'est de Villeneuve, Anciennes fortifications de Quimper, dans
le volume du congrès de l'Association bretonne tenu à Quimper en 1895. '

L'ensemble était assez imposant. Mais, en 1576, quand écla-
tèrent en Cornouaille les premiers troubles civils, une longue

paix avait assoupi la vigilance des bourgeois . « Pas une
des portes n'était en état d'être fermée; pas un pont-levis
n'était en état d'être haussé ». (1):

Le maréchal d'Aumont, ayant pris la ville, songea tout de
suite à en assurer sérieusement la défense. Il fit entreprendre

dans la partie haute une citadelle « la moitié dedans la dite

,ville, la moitié dehors, la tour Bihan demeurant au milieu en
forme de donjon 1). Quatre éperons, formés de t, errassements
et de pieds d'arbres, furent édifiés en r596 entre la tour Bihan
et le confluent des deux rivières. Ces ouvrages avancés mon-

traient déjà « l'apparence d'une forteresse battante, capable

de brider bien une autre ville que Quimper » quand le maré-
chal s'en alla. « Tout celi:l.futruiné depuis de soi -même ». (2)

La portion la mieux conservée de l'enceinte est maintenant

celle qui, partant deTancien palais épiscopal, s'étend en bor-

dure du boulevard de Kèrguélen jusqu'à un point correbpon-

dant exactement à l'angle sud-est, qu'occupait une tour ronde.
La base des murs, jadis baignée par l'eau, est à ' présent
enterrée; en outre, les merlons ont dispar:u, mais les mâchi­
coulis, désormais bouchés, demeurent, et les corbeaux,

profilés en double quart de rond, appartiennent bien au type
régional. Un autre long pan de mur, assez semblable au '

précédent, sert de clôture au lycée sur le champ de foire.

D'autre part, on voit près de la ,place Terre-:au-Duè, au

milieu de quelques maçonneries anciennes, une échauguette

en encorbellement, suspendue au-dessus du Stéïr et portant
un petit écu , sur lequel on distingue trois fleurs de lis.

Quant au « château » ~ les dernières tours en' son t tombées

sous les pics des démolisseurs vers 1860 à l'époque de la

réfection des 'quais .

(t) Chanoine Moreau, 'Mémoires, éd. de 1857, p. 72.
(2) Toutes lés citations sont du chanoine Moreau (op. cit., p. 285-287) .

.LA CATHÉDRALE
Historique. Il Y a eu · certainement, à la même place

que la cathédrale actuelle, une église romane, remontant,
selon toute vraisemblance, à la seconde moitié du XIe siècle,

et dont la nef ne disparut qu'au XV·. ~Nous n'en connaissons,
__ et encore l'attribution ne va-t-elle pas sans conteste,

qu'un chapiteau, retrouvé en 1879 dans le mur d'une maison
voisine (1). Ce chapiteau, déposé au musée archéologique,
offre les 'plus grandes analogies avec ceux de l'église Sainte­
Croix de Quimperlé, fondée par le comte de Cornouaille
Alain Caignart ou Canhiart (1022-1058) et achevée vers 1085.

Derrière le chevet, mais à part; une petite chapelle renfermait,

suivant une tradition discutable (2), les restes de ce même
comte Alain. Un baptistère, qui subsista jusqu'à [440, c()m-
pIétait ce groupe d'édifices. .
Le 22 août 1239, vingt ans après son élection, l'évêque

Rainaud, touché par la pauvreté de la fabrique à laquelle ses
propres ressources ne permettaient pas de réparer la cathé-

draIe, lui accorda, son chapitre y consentant, le revenu d'une

année de toutes celles des paroisses à sa collation dans le
diocèse, qui, par autre cause que par permutation. viendraient

à vaquer. Le catalogue épiscopal nous apprend que Rainaud ou
Renaud (Ranoldus ou Ranulphus) était d'origine française (de

(i) R. -F. Le M en, Note sur un chapiteau roman . .. , dans le Bulletin
de la Société archéologtque du Finistère, t. VII, i880, p. 70 à 74. -
La Monographie de la Cathédrale de Quimper, par le même auteur
. (Quimper, 1.877, in.8°), a conservé . du point de vue historique une réelle
valeur. ais l'analyse archéologique y est tres insuffisante. Le a
composé, â propos de la cathédrale, une sorte de catalogue de notices
sur les familles, les rues, les évêques les artisans. L'essentiel passe un
peu au second plan.
(2) Au XVIIe sièole on montrait ) â Sainl-Croix de Quimperlé, un tombeau
dit d'Alain Caignart. .

genere francus).Le détail n'est pas sans importance. On sait qUe
le style flétri au XVIIe siècle de la méprisante épithète de
{( gothique» se nommait, au Moyen-âge, style français (opus
francigenum ). Nulle part il ne s'épanouissait avec plus de
force et d'éclat que dans le domaine propre des Capétiens et
les fiefs limitrophes, sur les bords de l'Oise, de la Seine et de
la Marne. C'est là qu'il était apparu. « L'art gothique» écrit
un grand artiste contemporain (1), «( c'est l'âme sensible,

. CHAPITEAU ROMAN DE Q UIMPER

(fr 5

tangible de la France; c'est la religion de Vatmosphèrc

française ». Quoi d'étonnant qu'un évêque né f[~ançais ait

désiré faire adopter l'art de son propre pays dans le diocèse
où l'amenaient les hasards de sa carrière. Du reste, la '
Bretagne avait alors pour maître un prince franç'lis, Pierre
de Dreux, dit Mauclerc, petit çousin du jeune roi Louis IX .

Jamais, avant 1532, elle ne fut unie d'un lien plus serre à la

(1) A. Rodin, Les cathédrales de France, p. 3~.

' iIi

E. Lefèvl'e-Pontalis, phot .
Clocher et chapelle de Locronan.

E. Lefèvre-Pontalis, phot.
Cathédrale
de Quimper. '
Abside .

Cathédrale

E . Lef0vre·Pontali s, phot·

A . V illard , pho t .
Cathédrale de Quimper.

Le rè vl'e-Pontalis, phot.
Cathédrale de Quimper.

couronne et ne subit plus profondément l'influence française

que sous les règnes des ducs issus en ligne directe de ce
prince, jusqu'à la mort de Jean III en 1340. Tl 'n'est pas
interdit de conjecturer 'que Pierre avait 'provoqué l'élection

d'un de ses compatrio1 2s au siège de Quimper. Aussi bien ce

rusé politique, si mal disposé pour les prêtres. quand, en

1236, il prit la croix, confia-t-il à l'évêque Rainaud la garde

du duché pendant la minorité de Jean son fils (1). Or, à
l'exception, d'une part, de quelques arcades dans la nef de
l'abbaye de Saint-Mathieu en Plougonvelin, d'autrepart, du

chœur de l'église de Bénodet, il semble que le style gothique

n'ait, dans la région bas-bretonne, rien produit d'antérieur
à la cathédrale de Quimper. Encore les arcades de Saint-

. Mathieu pourraient elles bien dater de moins loin qu'on ne

pense (2 j . Quant au chœur de Bénodet, il a des chapiteaux et .

des fenêtres conformes au style de la cathédrale de Chartres;
chaque fenêtre se subdivisant en deux lancettes simples que '

surmonte une rose à redents et sépare un meneau bâti,
encore un -peu massif. ' Mais, précisément, le souvenir de

Rainaud s'y rattache. C'est lui qui, en 123 f ~ d'accord avec

Eude de Fouesnant, donna l'égli. se Saint-Thomas de Bénodet .

et toute la paroisse de Perguet à l'abbaye de Daoulas pour y

fonder un prieuré ~3). Nous avons donc le droit de saluer en

l'évêque Rainaud le principal importateur en Basse-Bretagne
du style gothique, du style français /4).

(1) En conséquen~e le pape dispensa Rainaud du vœu qu'il avait fait
lui-même de partir ' pour la Terre sainte (Registres de Grégoire IX
publiés par L. Auvray, nO 3364). Cf. Analyse dalls P~yl'on, Actes du
Saint-Siége concernant les diocèses de Quimper et de Léon, nO_35. .
(2) En outre il s'agit d'une église abbatiale; It's grands ordres ,'cli­
gieux échappaient toujours plus ou moins aux principes des arls locaux.
(:{) Chanoines Pèyron et Abgrall, Notices sur les paroisses, t.. II,
Bénodet, p. 1.20. .
(.4) Il est curieux de constater que c'est par Pierre de Dreux, protec- .
teur de Rainaud, que fut généralisé en Bretagne l'usage de dater les actes
d'après Pâques (mos gallicanus). Voir un article d'A. Oheix, dans le
.Moyen-âge, 1914, p. 2US. .

L'œuvre nouvelle fut commencée par le chœur, probable-

ment dès 1240. La petite chapelle d'Alain Caignart qu'on avait
peut-être eu d'abo~d l'intention de conserver pour la raccorder
au monument projeté, fut démolie. Une autre, faite pour appar-

teni~ à la masse même de la cathédrale, la remplàça bientôt.
Le mur de la travée sud du déambulatoire contigne à cette cha­
pelle centrale contenait jadis dans son enfeu un tombeau que
l'on a parfois regardé comme celui de Rainaud, mort en 1245.
En 1261 on enterra dans le chœur l'évêque Hervé de Lan.,.

deleau (cJ45-1261 ). Le chœur, qui devait se trouver dès ]ors
passablement avancé, servait à la célébration du culLe en 1287'
.Son bas-côté nOFd,moins les remplages des fenêtres, existait.
à cette date, car l'inhumation de l'évêque Yves Cabe11ic (1267-

1280) qui, sans doute, l'avait fait entreprendre. y avait eu lieu
. dans la seconde chapelle. Sur le has-coté sud les textes ne four-

nissent aucun renseignemen t, mais il est perm.is d'affirmer que,
. sauf la muraille même de ses chapelles, il existait lui aussi en

1287 depuis plusieurs années, ainsi, à plus forLe raison, que les
travées en trapèze qu'il prolonge. En 1287, l'évêque é~ait Éven' .
de La Forest, depuis 1283. Nous pouvons lui attribuer, à la fois
. l'achèvement de certains détails dan. 1'e chœur et ses bas-côtés,

et aussi la pose des remplages des fenêtres dans la chapelle
centrale, d.ans les travées contigues à cette chapelle et dans les

travées en trapèze, même, du moins en partie, dans le .chœur . .

Il fut enterré en 1290 dans la chapelle centrale.
Les dernières années du xm

sièclA et les premières du XIV e se

ssèrent, semble-t-il, à finir de garnir les fenêtres hautes du
chœur et à garnir celles des quatre chapelles du bas-côté nord .
Le 15 mai 129 l, le pape Nicolas IV accordait une indulgence
, d'un an et quarante jours à ceux qui visiteraient «( l'église de

. 1 Quimper)) aux quatre fêles de la sainte Vierge et de la ,Sainte-
\ Croix (1). Le texte de la lettre ne mentionne aucune intention

(1) Peyron, Actes du Saint-Siège, n° 58,

spéciale, mais il serait étonnant que le pape n'eût pas eu en
vue la construction à poursuivre. ~ /

Le mur et les fenêtres des chapelles dans le bas-côté sud du

chœur daterit des années 13[)5-1336. C'est la seule partie qu'il
faille formellement assigner au XIVe siècle. Du inventaire
ancien signale, il eS,t vrai. un martyrologe de 1361 faisant

mention, sous cette même date, « de la nouvelle œuvre de la
cathédrale et d'un certain miracle ). Cette ( nouvelle œuvre »

pourrait, à la rigueur, avoir été l'établissement des voûtes de
la chapelle centrale, mais il est plus probable qu'il s'agissait
de réfections, peut-êtr~ dans ]a nef romane. On est porté à
croire qu'à cette époque si malheureuse les architectes bretons

ne construisirent rien de « nouveau ». Quoiqu'il en soit, il
n'est pas douteux que les sièges et les assaüts subis parla
ville au cours de la guerre de Succession ne furent pas sans
nuire au bon éta t de la cathédrale. La preuve en est que, le

30 septembre 1367, deux ans aprés la paix de Guérande qui
ayait mis fin à la guerre, le pape Urbain V, sollicité par l'évè­
que Geoffroy Le Marhec, accordait poür dix ans une indul­
gence d'un an et quarante jours aux fidèles qui contribueraient
par leurs aumônes à la réparation de l' « église de Quimper »

En raison, faisait-il écrire, « des guerres qui ont sévi dans ces
contrées, elle a perdu des livres, des calices, des parements, des

ornements et vêtements affectés au culte divin, et se trouve, en

outre, gravement endommagée dans ses édifices, ce qui fait
qu'elle a besoin d'être réparée, non sans grands frais-» (1) .

Le 22 novembre 1 37 l, son successeur Grégoire XI accordait
la même faveur pour vingt ans à tous ceux qui visiteraient
ladite église aux jours de fêtes accoutumés et pendant leurs
octaves, pourvu qu'ils aidassent à sa restauration (2). Com-

(-1) Archives duVatican, Reg. Aven. 1.67, Urbain V, t. XVIII, fol. 309.
Cf. analyse dans Peyron, Actes du Saint-Siège, nO 3MJ (l'acte y est, à
tort, daté du i oroctobre). .
(2) Peyron, op. cit., nO 400.

ment,.avant d'avoir effacé les marqües laissées par les dégâts
d'un récent et pénible passé, songer à former des projets pour
'avenir ? -1 La première grande période de travaux était bien

close. .

La seconde s'ouvre en 1408. Elle commence par la construc-

tion des voûtes du chœur pendant l'épiscopat de Gatien de
Monceaux (1408-1416). Bientôt enfin la nef romane céda la
place à une nef gothique. Les tours, dont la première pierre

avait été posée le 26 juillet 1424, au milieu d'un ' grand ·
concours de peuple, par l'évêque Bertrand de Rosmadec,
1 assisté d'un représentant du duc Jean V, se trouvaient ache-

vées, ainsi que les portails latéraux, en 1445. .

Jean V paraît s'être intéressé au sort de cette église, la plus
igrande et la plus belle de son duché. C ~était) on Je 5ait, un
. " homme de goût. Venu à Quimper en décembre 1424, puis s'y
:. étant arrêté au cours d'un pélerinage au Folgoët en mai 1426,

il avait pu voir monter les premières assises de la façade. En sep-
tembre 1432 et en juillet 1433 il revint en sa bonne ville cor-

nouaillaise (1). 'En 1432 il Y séjourna, ce semble, plus d'un
mois (2). Nous avons lieu de pré~umer que, durant ce temps,
il visita plus d'une fois les chantiers de la cathédrale. On se
plaît à se l'imaginer in terrogeantles tailleurs de pierres, expo­
sant ses intentions pour l'agencement et l'ornementation du
grand portail, félicitant l'évêque Bertrand de Rosma~ec èt le
chanoine Jean Hascoët " gouverneur. de l'œuvre", se réjouis­
sant avec eux de l'heureux progrès de l'entreprise. Cependant
il désirait que l'argent ne cessât pas d'affluer. Ce fut sur sa

(1.) Lettres et mandements de Jean V, publiés par R. Blancbard, p .
CXXVII et cxxx. En 1424, H32 et 1433, les villes où il séjourna
avant et aprés sa venue solit toutes il l'est de Quimper, ce qui autorise
il croire que le but de son voyage était bien de se rendre en cette ville.
D'ailleurs il ne quittait guèl'e la Haute-Bretagne et le pays de Vannes.
Au-delà ' de Quimperlé on ne le trouve, sur l'itinéraire dressé par
Blanchal'J, qu'au Folgoët, à Quimper, à Saint-Renan (Locronan),
une fois à Morlaix, en 1.404, et une fois à Saint-Pol, en 1.41.9. . .
(2) Le 31 août il était à Quimperlé, le 7 octobi'eà· Vannes.

prière, joint~ à celle du chapitre et de Bertrand de Rosmadec, '
que le pape Eugène IV concéda encore des ,indulgences en
fa veur de la fabrique (1O mai 1436). t :
La l1ef était terminée en 1460, le croisillon sud, et le carré du

transept en 1467, Le croisillon nord fut élevé de 1475 à 1485

et voûté avec le reste du transept en 1486. La nef, saufIes bas-
côtés elles chapelles, couverts dès leur achèvement. ne reçut
ses voûtes qu'en 1488-1493.b.la fin du xv· siècle, il ne man­
quait plus à l'édifice tout entier que les flèches destinées à

couronner les tours . Les travaux, amorcés vers 1450, restèrent
en. plan pendant quatre siècles. On coiffa les plates-:-formes de

petits toitsoctcigones, très laids, couverts d'ardoises.
La cathédrale eut beaucoup à souffrir des passions révolu­
tionnaires. Le 25 septembre 1790 on en détruisit ou martela
les armoiries. Ce n'était qu'une niaiserie d'enfants. La Terreur
en traîna bien autre chose: le 12 décembre 1793 une bande

de polissons et de brutes avinées envahit Yéglise. Ils cassèrent .

ou déchirèrent . tout, jusqu'à satiété. Les tombeaux furent

violés, les ossements ' jetés dehors. La bacchanale s'acheva
enfin sur le Champ-de-bataille où l'on brûla solennellement les '
autQentiques des reliques au pied d'une statue de la Liberté.
Il ne serait pas juste toutefois d'imputer aU seul" vandalisrne "

de la Terreur tout le mal accompli. Nous pourrions tracer un

tableau fort peu édifiant des mutilations infligée::; à l'édifice,
dans toutes ses parties, de 1802 à 1836. On ne se préoccupa'

activement de le préserver, puis de le restaurer, qu'à partir
de 18!-lo. C'est Mgr Graveran, un breton de Crozon, qui gal'

dera le principal mérite de cette initiative. Il avait calculé

qu'un sou donné par chacun de ses diocésains, pendant cinq
ans, produirait urie SQmme suffisante pour couvrir les fr . ./

de la construction des flèches (1)-:-L nerosIté des fidèles,
l'ardeur et la conscience de l'architecte et des ouvriers trom-I

(i) C'est ce qu'on appela le "sou de Saint-Corentin".

pèrent d'une très heureuse façon ses calculs. Dès le 10 août 1856
les flèches apparaissaient débarrassées de leurs échafi:mdages;
la dépense, en fin de compte, avait été inférieure 'au devis .

Mais Mgr Graveran n'avait pu jouir du succès de son ingé-.
nieuse piété. Il était mort le 1

février 1855. Après lui la

restauration se poursuivit. On regrette d'être obligé d'ajouter
que, quoiqu'elle ait eu, à tout prendre, de bons effets, elle
n'est pas sans prêter, sur trop de points, à la critique (1) .

- L'édifice est orienté. Il comprend une nef de cinq
travées, flanquée de bas-côtés que borde une rangée de cha-
pelles, un transept de deux travées à chaque croisillon,
un chœur formé de cinq travées droites et d'une abside à
trois pans avec bas côtés, chapelles et déambulatoire. Une

chapelle rectoogulairc, ' divisée en deux ' travées, s'ouvre sur
le déambulatoire derrière l'abside (2 ; .
L'axe du chœur ne coïncide pas avec celui de 'la nef: il s'en
écarte de deux degrés et demi, ce qui produit, au niveau du
chevet, un déplacement de trois mètres vers le nord. Quel­
ques-uns veulent encore voir da-ns cette particularité l'exples­
sion d'une idée mystique, la -figuration du Christ penchant la
tête pour mourir. En fait, M. de Lasteyrie a démontré que l'len

ne justifiait de pareilles interprétations. Les irrégularités de
cette espèce s'expliquent toujours assez aisément par les cir­
constances dans lesquelles la construction s'effectua. Elles résul
tent soit d'uneerreur d'alignement,soit de la nature des lieux (3)

(1.) J. Bigot père, Notice historique sur la cathédrale de Quimper} dans
le Bulletin de la Société archévl. du FinistètP-} t. XVIl. 1890. p. 3-8 ;
- Construction des flèches ... (Ibidem) t. X, 1883, p. 262-267).
(2) Les principalps dimensions sont: longueur lotalè. 92 m 45; longueur
du chœur, 30 mètres; longuour df' la nef, a6 l1lètrps ; hauteur de la voùlt>
au-dessus du sol, 20 fi 20 ; largl'UI' de la façade, 31Je mètres; hauleur lies
tours avec les flèches, 75 fi 40.
. (3) H.. de Lasleyrie, La déviation des églises est-elle symboliq' ue ?} dans
les Mémoires de l'A. cadémie des Inscriptions et Belles-Lettres, t. XXXV l,
1906, p. 277-308 .

Ici, quelque nombreuses que se révèlent, on le verra, les
traces d'inhabileté en divers points du monument, il ne sau-

rait cependant y avoir eu d'erreur: la faute serait trop gra\'e,

invraisemblable. D'ajl}eurs, les fondations de l'édifice roman,
qu'on venait de jeter à bas, devaient servir de points de repère.
C'est à la nature du sol qu'il faut demander l'explication
cherchée.
La dévüition était prévue, admise à l'avance: sinon, lJne
fois arrivé au transept, l'architecte se serait bien aperçu qu'il
s'était trompé, et la dernière travée construite dans le chœur
eût reçu la disposition necessaire pour s'adapter à un transept

auquel on devait désirer donner, ainsi qu'à la' nef, le nouvel
axe adopté par mégarde Au contraire, la - divergence des axes
fut respectée et les dernières piles furent placées en corres­
pondance avec celles de la nef. Nous pouvons nous en
rendre compte par l'examen des piles actuelles; elles' ne

sont en somme que celles du XIIIe siècle refaites en partie au
XV· , mais dont certain:'l profils, subsistant du côté du transept,

nous permettent de nous représenter l'aspect complet. Si les

travaux avaient été continués alors vers l'ouest, la nef aurait

donc eu, sans aucun doute, la même orientation qu'aujour-
d'hui. La déformation de la dernière travée du chœur (la pre­
mière pour nous, dans le sens de l'ouest à l'est) ne pourrait
s'expliquer, si l'on croyait à une erreur, qu'à la condition de
croire en même temps que les évêques se contentaient d'avoir
fait rebâtir. cette partie de la cathédrale et ne se proposaient

pas d'aller plus loin. La chose, certes, D'a rien d'impossi:Qle~

mais elle est très douteuse. En tout cas, même prouvée, elle
ne prouverait pas la, réalité d'une erreur . .

Pourquoi donc les architèctes du chœur gothique adoptérent-
ils un axe différent de celui du chœur roman il Suivant R.-F.
Le Men, ils auraient voulu rattacher leur construction nou-

velle à la vieille chapelle d' Alain Caignart. Cette hypothèse
n'est guère plausible, car, en fait, la chapelle en quèstion ne

fut pas conservée. D'ailleurs, nous ne savons pas exactement

où elle se trouvait. Reste une seule explication: à l'erriplace-

ment de plusieurs des maçonneries romanes, et surtout là ,
jusqu'où les murailles de l'édifice projeté, plus vaste que le
précédent, devaient s'étendre, le sol était trop instable. En 1835
M, de Blois, de Morlaix, signala à Mérimée « un manuscrit en'
sa possession où il était relaté que, le terrain destiné à l'em­
placement du chœur s'étant trouvé fangeux, on avait dû, pour
en rencontrer un plus solide, s'écarter de l'axe de la nef) (1)

, Il faut se souvenir ql1ele lit de l'Odet passait autrefois plus
près que maintenant de la cathédrale et que le ruisseau du

, Front, s'y jetant à très petite distance en aval, devait contribuer

à entretenir l'humidité dans ces parages; un léger écart pouvait
suffire pour éviter la vase, Il faut se souvenir aussi que la

partie du chœur la plus récente est précisément le mur des
chapelles du bas côtésud.Suivant une tradition locale ancienne,
ce mur aurait été bâti sur pilotis. (2)
Une dernière qüestion se pose: Pour quelle raison les maîtres

d'œuvre de la nef ne tentèrent-ils pas de rectifier le plan d'en-
semble ~ Pour une raison sans doute analogue à celle, qui, au

siècle, avait fait à la fois déplacer l'axe du chœur et

maintenir, pour la nef fllture, l'orientation primitive: il leur

semblait désirable, même de ce côté où , le terrain était

meilleur, de ne pas se rapprocher, si peu que ce fût, de la

(1) Pro Mérimée, Notes d'un voyage dans l'ouest de la Fmnce, 1S36,
p. 202-204. . ' .
(2) L. dB Jacquelot ùu Boisrouvray, Notices Sll1' la cathédmle de
Quimpe1', 1.840, p, 7, nnllllscrit conservé aux Archives du Finistère.
L'auteur. de ces intél'essalltcs notices, très méritoil't's pour cetto époque,
rapporte que ({ l'abbé de BnislJillY , syndic du chapitre en t 770", a décluré
à ùes personnes dont plusieurs vivent encor8 qu'en compulsant les
a, rchives, il y avait trouvé la preuve que la déviation dr.s axes était due
à des nécessités de consoliùation ; l'une de ces personnes est M. de Blois,
de Morlaix, neveu de l'abbé de Boisbilly » (Ibidem, p, 8), ce qui confirme
l'assertion de Mérimée. On ne sait ce que sont devenues los pièces au,,-
qIJellfj;; l'ab' Qé d~ 6Qi;;billy fai&ait ~llllSio!l , . . .

rivière (1). De plus Bertrand de Rosmadec venait justement
de faire reconstruire son palais épiscopal, et ce' palais,
serré entre la cathédrale et la rivière, occupait une position

telle qu'il fallait nécessairement l'entamer si l'on tenait à
obtenir nne constructio. n symétrique. Les gens du Moyen-âge

ne se préoccupaient pas assez d'observer une symétrie rigou-

reuse pour çonsentir à cette mutilation. Qu'une interprétation
mystique de la divergence des axes se fût, en outre, accréditée
peu à peu,. rien n'interdit de le croire. Bref, on accepta facile­
ment ce qu'il était difficile d'empêcher.

Chœur. Nous commencerons notre visite par le chœur,
qui est la partie la plus ancienne de la cathédrale.
Il comprend en élévation trois étages; les arcades, le trifo­
rium et les fenêtres. Toutes les travées offrent la même dispo­
sition générale, que l'on éonserva d'ailleurs au xv

siècle dans
la nef. Cependant, la travée voisine de l'abside est un peu
moinslonglle que les autres; en outre, celle qui touche au
transept présente du côté méridional une -arcade plus large

que celle qui lui fait face au nord. Celte bizarrerie' s'explique
sans peine par la nécessité de rattacher le chœur gothique au

transept roman. Mais ce qui paraît inexplicable. c'est le fait
que la pile du sud, mitoyenne entre l'arcade et le transept, est

moins forte dans le sens longitudinal que celle du nord. Le .
contrail'e eÛ't été plus rationnel.
Les arcades de l'abside, sur lesquelles se profile un faisceau
de tores, reposent sur des piliers cantonnés de colonnettes de

diyers diamètres dont quelques-unes sont réunies par des
gorges. Il y a autan t de colonnettes sur les piliers que de tores

sur les arcades. La rno111uration des archivoltes reste la même
dans la partie droite du chœur, (2 ) mais nous avons affaire ici à

(i) Des fOUIlles fai tèS au pied de cbaque tour en 1.854 fir'ent. voir que
les fondations reposent sur le galet. ,
(2) Il Y a un filet au tore de l'intrados, des arcades 3 et 4 du sud. Fan­
taisie personnelle ou réfection? Il est impossible de décider.

un autre genre de supports, un massif, cylindrique pour les
deux dernières piles, les plus proches de l'abside, octogonal
pour les autres, flanqué de trois colonnes, à savoir une de
chaque côté dans le sens longitudinal et une vers le collatéral,
et d'un faisceau de colonnettes vers l'intérieur du chœur. Le
faisceau placé face au chœur comporte, aux ' deux dernières
piles, manifestem.ent un peu plus anciennes que les autres, trois
colonnettes, aux premières, cinq. Les bases des dernières piles,

Ch. ChatLSSepied dei.

PILE DU CHOEUR (A L'ABSIDE)
portées sur dé haut socles polygonaux,' se composent d'un
gros tore aplati, surmonté de deux baguettes de même profil,
le tout- débordant le socle 'et soutenu eh encorbellement, çà et
là, par de petites consoles , Les bases les plus proches du tran-
, sept ont une mouluration plus compliquée. A l'abside, au
contraire, l'aplatissement , est tel que les bases se trouvent
presque réduites à rien.
Les chÇlpiteaux, assez peu élevés, sont garnis de feuillages

variés. On distingue sur quelques-uns des corps d'anim. aux, .
sculptés malheureusement sans finesse. Dans la partie droite,
es chapiteaux des colonnes constituent, avec celui du massif, .
une sorte de frise sous un tailloir commun, dont le profil con­
siste en un cavet légèrement refouillé par en-dessous et placé
entre deux filets, le filet supérieur, plus latge que celui d'en

bas, étant lui-même décoré d'un onglet très mince. En plan,
les tailloirs, à en considérer les grandes lignes, 50nt polygo ­ naux. Ils supportent. du côté interne, trois 10ngU(~s colon­
neutes groupées qui montent vers les volÎtes pour recevoir
les doubleaux. le& ogives et les formerets . .
On ne peut s'empêcher d'être frappé de ce fait que, abstrac-
lion faite de certains détails et allssi, cela va sans dire. de
l'habileté dans la facturr, ces piles imitent celles des grandes
églises ùe l'lle-de-France, des églises entreprises dans le pre­
mier tiers du XlII!: siècle, principalement des cathédrales de
Chartres et de Reims. NO :'lS voici donc ainsi ramenés. au sou-

venir de l'evêql1e H.ainaud . Qui sait si le plan primitif cJ.u
chœur n'a pas été tracé par un maître de l'œuvre, qui, lui
aussi, était de genere jrancus ?

En poursuivant notr~ examen, nous constatons tout de suite
l'influence d'un autre école; de l'école normande. Elle se révèle
juste au-dessus de la clef des arcades par le rang d'ornements
sculptés en creux ou en relief qui se développe sur toute
l'étendue du chœur. La plupart de ces ornements sont des

feuilles de fantaisie, des arcatures simples, des quatre-feuilles

Toutefois on aperçoit également des têtes humaines, surtout
du côté nord où se voient quatre têtes, dont l'une, coiffée

d'une mitre pointue, doit représenter l'évêque entouré des
dignitaires du chapitre. Un cordon mouluré, contournant, en

manière de bagues, le~ groupes de colonnettes montantes,
accuse l'étage du triforium, constituè par une suite de petites'
baies tréflées, au nombre de quatre dans l'abside, cinq dans
la.. dernière travée, si~ dans les autres . Chaque paie présente

une mouluration continue t'ormée par deux baguettes et par

une gorge intermédiaire. Un tore en amande encadre le cintre
et retombe sur les chapiteaux à feuillages de colonnettes
adossées aux piles. Des ornements ~n creux garnissent les
écoinçoins. A la première travée, du côté ilord, deux petites
arcades en tiers..:point géminées s'ouvrent dans le mur à

droite de l'arcature du trifor:um.

On ne manquera pas de remarquer, dans l'ensemble du
chœur, diverses fautes de construction. Les clefs des arcades

ne montent pas toutes au mème ni veau. Il y a même de l'in-

certitude dans Je dessin des archivoltes, en particulier sur
le mur du nord. Celui-ci du reste, ne suit pas un tracé recti-

ligne exact; il suffit, pour s'en. rendre compte, de .considérer,
sur toute son étendue, le cordon placé au niveau du triforium,

Les fenêtres occJpent la partie supérieure du troisieme
étage. Un mur plein forme le fond de la partie inférieure. Le

long de .ce mur passe une galerie de circulation qui traverse

l~s piles et SUI' le bord de laquelle règne une balustrade qua-

. drilobée. Les galeries de circulation sont, on le sait, d'un usage
très fréquent dans l'école normande. Mais, en Normandie, on

trouve presque toujours une voussure profonde ençadrant

la fenêtre, tandis qu'à Quimper, les montants et le cintre de
chaque fenêtre sont réunis à la face interne du mur par des

ébrasem~nts pourvus d'une série de moulures et de colon-
nettes. Les remplages, de bon style rayonnant, à deux ou trois
meneaux, se composent de trèfles et de quatre-feuilles com-

portant des lobes arrondis. La première fenêtre du nord en a
un plus simple que les ' autres, évidemment antérieur à
eux. Comme ceux des travées en' trapèze du déambuléitoire,

auxquels il ressemble beaucoup, il doit remonter à la période
1280- 1290. La date des autres est incertaine, mais ne sau..,

rait guère être avancée au delà de l'année 1300 .

La voûte, établie dans les premières années du xye siècle, se
divise en cinq croisées d'ogiv~s que traverse une longue lierne

aU tracé quelque peu sinueux. Les compartiments sont de
blocage. Sur les nervures se profile un tore à filet dégagé par
deux gorges entre deux onglets. Les doubleaux' décrivent une
courbe prisée. La clef de la croisée voisine du transept est

percée d'une lunette. Sur les autres clefs se détachent les écus
des divers personnages importants, laïques ou ecclésiastique;:"
qui cont.ribuèrent par leurs libéralités à l'achèvemen t de cette
partie de l'édifice. La voùte présentait jadis une décoraLon

d'un autre g·enre. Dès 1417, on l'avait peinte. ·Des lignes rou-
geâtres dessinaient sur fond blanc un appareil de pierres. Les

ogives avaient reçu une couleur jaune clair. Au XVIIe siècle,
on recouvrit celte peinture d'un badigeon bleu de ciel semé
d'étoiles bleu foncé. Lors de la restauration, une couche uni­
forme de badigeon blanc recouvrait tout l'intérieur de l'église . .

Le chœur se trouvait, au XVIIIe siècle, séparé de ses collaté- .
raux par des murs de pierre. Une disgracieuse cloison de bois

rernplissait le vide des. arcades ; elle' fut abattue en 179 [ sur '
l'ordre du Directoire du département.

Déambulatoire. -- On compte, de chaque côté du chœur
quatre travées droites, dans le déambulatoire cinq travées en
trapèze rattachées chacune à une chapelle rayonnante à trois
pans, le pan central de la troisième s'ouvrant sur une chapelle
. d'axe. Les travées droites sont bordées par des chapelles que
séparent les unes des autres des murs peints à fresque par le
peintre breton Yan d'Argent.

A la première travée du sud correspondent deux chapelles, . .

plus étroites que-les autres; disposition qui résulte de celle

du chœur. Cette première travée ne dessine pas un rectangle;

·aussi la pile qui, sur le bas-côté, reçoit l'arcade intermédiaire
entre les deux chapelles, présente- t-elle des colonnes dont les
chapiteaux ne supportent rien~ Peut-être les maîtres de l'œu­
vre du xm

siècle prévoyaient-ils, pour la voùte d'ogives, une
ordonnance autre que celle qu'on adopta plus tard.

Dans tout le déam bulatoire, à l'exception de la chapelle cen- '
traIe, et dans les bas-côtés du chœur, le profil des ogives
reproduit celui que nous avons vu dans le chœur.
La principale différence entre les bas-côtés sud et nord réside
dans le dessin et l'encadrement des fenêtres. Au nord, à la
réserve de la quatrième fenêtre, manifestement pourvue d'une

nouvelle armature au xv· siècle, les rempJa,ges se composent
de trèfles et de quatre-feuilles dont les lobes restent arrondis
ou ne s'amincissent que faiblement; ils doivent remonter aux
, premières années du XIV~ siècle. Au sud, au contraire, on
constate un amincissement très prononcé; les remplages et le
mur lui-même y sont de 1335-1336. Au nord, l'encadrement '
des fenêtres consiste en tores sur les archivoltes et colonnettes
à chapiteaux sur les monlants, landis qu'au sud on voit

seulement quatre biseaux continus en ressaut. '
Lés travées en trapèze font, de chaque côté, partie du même
ensemble architectural que les travées droites, avec un carac- ,

tère cependant un peu plus ancien. Elles son t étroitement unies
chacune à une chapelle par une combinaison de voûtes d'ogives
à six nervures. Toutefois il y a des différences sensibles entre

celles du sud et celles dn nord. Par lesquelles commença-t-on ~
Question embarrassante! Tout compte fait, il y a apparence
que ce fut par celles du sud, vers 1265. Celles ci présentent
des fenêtres dont l'archivolte en bandeau a son arête émoussée
par un tore, lequel repose, à la naissance du cintre, sur , une
' sorte d'encorbellement orné de feuillages et formant saillie
sur les montants biseautés ' 1 J. Les biseaux ne révèlent aucune
époque particulière. mais l'archivolte formée d'un bandeau et ,
d'un tore est d'un type relativement ancien. Les feuillages
sont, pour la plupart, d'un dessin très sobre. Il y a une
certaine variété dans les remplages. L'un porte l'empreinte

(i) La fenêtre centrale de la deuxième chapelle est accostée d'une colon­
nette sur chaque montant, mais c~tte colonnette n'a pas de base et porte
un chapiteau formant encorbellement. ,

du XIVe siècle avancé; deux autres sont composés, suivant la
tradition normande, par de pelits arcs tracés avec la même
ouverture de compas que les grands. Une seule fenêtre pré­
sente le véritable remplage rayonnant, tel qu'il s'observe à la
première fenêtre nord du chœur. Cela suffit, du reste, pour
nOUS autoriser à prétendre que ces chapelles ne sont pas
postérieures à 1290. Quant aux pans coupés rattachés ·à la
chapelle centrale., au nord comme au sud, ils comptent parmi
les morceaux les plus anciens de la cathédrale. Par leur

remplage, posé probablement après coup, les fenêtres ne se
distinguent guère des précédentes; elles ont aussi pour enca­
drement un bandeau dont un tore émousse l'arête, mais ce

tore retombe sur deux colonnettes dont les chapiteaux ont un
tailloir carré et une corbeille évasée. Est-ce bien là, du côté sud,

que fut enseveli l'évêque Rainaud ou ne serait-ce pas plutôt
dans la chapelle du cou vent des Cordeliers ~ Les deux opinio· ns

ont été soutenues. Il y a un moyen de les concilier, c'est en
admettant que Rain8ud a eu deux tombeaux, cas très fréquent · .
au Moyen-âge. Certains personnages en eurent jusqu'à trois.
C'est ainsi que le pape Jean XXII autorisa la reine d'Angle­
terre Isabelle. le 26 novembre 1323, à prescrire qu'après sa
mort on partagerait son cQrps en trois parties pour l'inhumer
en trois églises différen tes (1). . .
La première chapelle du nord, à partir du bas-côté, a été

l'objet de diverses modifications au XVIe siècle. lors de la cons-
truction d'une nouvelle sacristie. Au-dessous d'une fenêtre a:u
remplage moderne, se remarque une baie rectangulaire, sur­
montée d'nn arc en .anse de panier et encadrée d'une riche
décoration flamboyante. Une forte grille, dont la partie cen­
trale est mobile, la ferme. On a beaucoup discuté sur la desti­
nation de l'édicule, aujourd'hui démoli, qui prenait jour par
cette ouverture. C'était, sans doute, une chambre à reliques, .

(i) G. Lettres communes de Jean XXII, n° f8D4.3.

une sorte de confession. Lors de certaines fêtes, quand le clergé

présentait par le guichet les reliques à'contempler ou à baiser,

la grille 'protégeait le trésor contre les dévots peu discrets ou

trop pressés; .
. Lestravées suivantes ont des fenêtres à remplage rayonnant

des archivoltes moulurées et des montants pourvus de deux

colonnettes (1). Les chapiteaux sont décorés de feuillages .

variés,feuilles d'eau, feuilles de fraisier, etc. Par exception,

deux corbeiiLes jointes entre elles montrent. le corps d'un
homme' allongé auquel 'une cygogne aJministre un clystère
Les tailloirs, polygonaux dans le bas-côté, sont ici carrés, la

plupart avec les coins abattus. Il en est de même sur les
grosses piles qui, en face, supportent les arcades du chœur. On
notera que, vers le déambulatoire~ ces piles présentent des

colonnes qui ne reçoivent rien. Les constructeurs des voûtes

n'ont pas su ou n'ont pas voulu utiliser ces supports .

. ' Aucune armoirie n'a été mise sur les voùles du déambula-
toire; il n'en existe que sur les arcades des enfeu~mériagés

dans les chapelles, mais ces voûtes ont des clefs ornées de
feuillages dont quelques-unes sont, parmi tous les morceaux

de sculpture de la cathédrale, ceux qui ont été traités avec le

plLIS de soin et de ' goût.

La chapelle centrale, dont le plan offre un trapèze allongé,
se' divise en deux travées et se termine par un mur plat. La
partie inférieure du mur nord de chaque travée se creuse pour

former un enfeti, la partie supérieure de toutes les travées, au

sud comme au nord, es. t percée par une fenêtre, la seconde

fenêtre du sud étant un peu plus large que les antres. Une
vaste baie s'ouvre, en outre: dans le mur du fond. Dans le
mur sud de la deuxième travée, il ya une piscine entre deux
petites ' arcades en tiers -poin t reposant sur des colonnettes

(1) L'un de ces remplages, plus .surchargé que les autres, a dû être
posé quelques années aprés eux. .

dont les chapiteaux n'ont pas de tailloir, Dans 'les remplages

des fenêtres, on remarque des trèfles et des quatre-feuilles du
type ordinaire de la première période rayonnante. L'enca­
drement se compose d'un tore sur l'arête des archivoltes en
bandeau. d'une colonnette sur chaque montant. Les tailloirs
sont carrés ou à coins légèrement abattus. C'est exactement le

style des pans de mur voisins dans le déambulatoire. Tout cet
ensemble est homogène.
Les voûtes seules font exception. Les faisceaux de colon-
nettes placés entre les travées et aux angles de l'est cornpren­
.' nent autant de colonnettes qu'il y a de nervures à recevoir.

Ils étaient en place dès le XIII· siècle, mais le profil des ogives,
qui révèle une date bien postérieure, ressemble à celui des

voûtes du chœur, avec l'onglet supérieur en moins. Peut-être,

mais la chose n'est nullement certaine, cette voûte fut -elle
établie avant celle du chœur. On remarquera le tracé singulier,
mal explicable, du formeret du fond qui, au lieu de suivre

l'arête du mur, vient encadrer le sommet du cintre de la

fenêtre. Dans les angles de l'ouest, les ogives reposent sur des

culots sculpt, és en têtes fantatisques.
Cette chapelle se trouve parfois désignée, dans les ades des

XiV· et xv· siècles, sous le nom de « chapelle neuve». Suivant

R.-F. Le Men elle ne serait autre que l'imcienne chapelle
romane, remaniée et rattachée à la cathédrale gothique. Le

remaniement aurait eu lieu de 1285 à [290. Nous ne saluions
admettre une telle hypothèse. lYunc part, nous venons de le

constater, la chapelle ne diffère que très peu des pprties les
plus anciennes de l'édifice, justement toutes voisines d'elle;
si elle ne fut achevée qu'en 1290, et dut subir alors un rema-

niement, c'est sans doute qu'elle resta plUSIeurs annees sans
remplages aux -fenêtres. D'autre part, on n'y aperçoit aucun
élément qu'il convienne d'assigner à une époque antérieure
au xm· siècle. De l'ancienne chapelle d'Alain Caignart il sub-

siste peut-être des matériaux, rien de' plus.

Nef. Bien que la nef soit de cent trente ans plus récente
que le chœur, l'ordonnance d'ensemble y demeure la même .

-Nous retrouvons les trois étages: arcades, triforiu m, fenêtres

avec galerie de circulation. .
En partant des tours, dont les puissants supports d'angle
· formént, à l'entrée, de gros piliers cantonnés de colonnettes,

on compte cinq travées, communiquant avec les bas-côtés par

des arcades en tiers-point dont la brisure n'est que faiblement

accusée, surtout à la troisième et à la quatrième travée, un
peu plus longues que les autres. Les arcades sont, d'ailleurs,

toutes inégales entre elles. Dans Ja cinquième travée, celle du
riord présente une ouverture plus étroite que celle du sud.
La fenêtre haute est aussi, de ce côté, moins large qu'en race.

On est porté à croire que l'église romane était plus 'courte que
· l'église actuelle. Dans cette 'hypothèse, les fondations des tours

auraient donc été posées en avant de l'ancienne façade et le
repérage fait aJors n'aurait pas été très exact, ce qui n'est pas
pour nous étonner. Les diverses irrégularités relevées tout à

. l'heure n'ont pas non plus d'autre cause.
Les arcades reposent sur des piles de diverses sortes. De

chaque côté, la première est un solide massif cylindrique

dans lequel se perdent, en y pénétrant, les moulures des archi-
voltes. Deux groupes de moulures, l'un vers la nef, l'autre vers
le bas-côté, retombent sur un cuJot à figurine sculptée. La
pile suivante se compose d'un faisceau de colonnettes jointes
par des gorges et correspondant 11 tous les tores d~s archivoltes .. '
Les colonnettes ont des chapiteaux couverts d'une ornementa­
tion végétale, les tailloirs .~ont octogones, les bases prisma-

tiques. Seules les. plus. gro~ses colonnettes ont un filet. Les

troisième et quatrième piles prés. entent un plan octogone. Sur

chaque face; Une colonn~ reçoit un des tores des archivoltes
voisines, les moulures secondaires et intermédiaires pénétran t

dans le fût. Les coloniH~s des faces non orientées portent un
filet et se' dégagent de la pile ,par des gorges au profil ondulé' ;

les autres, plus fortes, offrent un profil cylindrique qUI

leur donne une certaine allure d'archaïsme. Sur aucun de ces
supports, notons le, la colonne interne ne fait saillie sur la
nef: elle ne reçoit que les tores des extrados, tandis que cene
qui se trouve sur le bas -côté reçoit les doubleao ux et ogives

correspondants. La pile mitoyenne entre la nef et le transept ·

est un massif c~7lindfique, cantonné de dix colonnettes, dont

trois reçoivent· les moulures de la dernIère arcade.

Le triforium est souligné par un larmier qui repose sur un

bandeau de feuillages. De même hauteur que celui du chœur,
o 0 0
il se compose comme lui de petites arcades, au nombre de 0 six
à chaque travée, type plutôt rare, à l'époque flamboyante.

Ainsi que dans le chœur, chaque baie s'amortit en trilobe, mais

ici les montants sont formés par un groupe de colonnettes et

chaque trilobe est encadré dans· un arc en accolade; Dans les

écoinçons, des feuillages se mèlent à divers motifs d'ornemen-

tation sculptés en bas -relief. 0
La balustrade qui borde la galerie haute a été mise en place

en 1860, 0 mais d'après 0 des amorces qui ont permis de la
reconstituer. Une voussure profonde et des tableaux perpen-

diculaires au mur encadrent chaque fenêtre dans les trois
premières travées; les deux dernières ont des ébrasements

garnis de colonnettes. Les remplages, qui appartiennent au

style de la dernière période flamboyante, fnren t posés plusieurs
années après l'achèvement de la net en 1495.

La voûte d'ogives, accompagnée, comme dans le chœur et
le transept, d'une longue lierne, et, . à chaque travée, d'une

lierne transversale,date de 1488-1493.On l'avait .probablement

commencée en achevant les mùrs, cal' il subsiste, aux retom-

bées de la première croisée, des assises dont le profil es: t sem-
o blable à celui des ogives du chœur; puis on s'arrêta. Le profil

adopté près de trente ans plus tard' consiste, dans la première

tr'avée,en un tore à filet dégagé par des cavets; dans les sui-

vantes, un ' tore aminci et rehaussé d'un filet se relie par des

cavets à deux tores simples
par un onglet.
et plus minces, dégagés chacun

Nous avons déjà observé, en décrivant les piliers. que les
colonnes posées vers la nef ne reçoivent que les moulures .
externes des grandes arcades. Il n'existe, en effet, aucune

liaison entre les parties inférieures et les voùtes. Les ogives
et les doubleaux viennent reposer sur des culots placés au

niveau de la naissance du cintre des fenêtres. Les murs s'élè-

vent jusqu'à ce point sans que rien dans leur structure révèle '
l'attente ' des voûtes. Il serait trés vraisemblable que les

maîtres de l'œuvre se fussent résignés à s'en passer. L'effet

produit par une telle disposition est assez fâcheux. Les murs

étalent ainsi au-dessus des piles une surface nue dont la

monotonie n'est rompue que par les cordons délimitant les
trois étages'. Les sculptures variées des culs-de-Iampes, ornés

d~ bouquets de feuillage, d'animaux fantastiques et de masques

humains, ne ~ont ni assez soignées, ni, d'ailleurs, assez visibles
pour compenser vraiment cette monotonie.
Les voûtes de la nef furent peintes en 1492; elle portent,
comme celles du chœur, des écus, où figurent, avec les

armoiries de l'évêque Alain Le Maout (1484-1493), celles de

divers chanoines de cette époque ;on en compte cinq dans la
travée qui est entre les tours. La tribune adossée à la façade

en a remplacé, en 1866, uneautre, de style classique"à pilastres

corinthiens, construite en , 1644 aussitôt après l'installation

, des orgues. '

Tl·ansept. - Des arcades très moulurées délimitent le c, arré

du transept (1). Celles des croisillons dessinent un cintre légère-

ment brisé, celles de la nef et du chœur' un cintre un peu

(1) Le Iil, aître de l'œuvre, ci l'époque où fut bâti le croisillon sud et le
carré, se nommllit Pierre Morvan, recteur de Guiscrifl' et procureur ùe ,
la Iabriquè. Au, croisillon nord s'attachent les noms de Pierre et Guillau~e
Le GoaragiIer, de Quimper, maîtres tailleUl's de pierres et maçons.

surbaissé. "Les massifs d'angle reçoiverit les moulures de ces .
ares, à l'entrée du chœur, sur autant de colonnettes q~l'il 'y a
de tores dans les 1:\'rchivoltes, des autres côtés, sur deux ou
trois colonnettes seulement, la plupart des moulures allant se

perdre directement dans le fût de la pile. Les massifs placés à
l'entrée du chœur ont été reconstruits au xv

siècle, mais dans
la mesure strictement nécessaire pour faire correspondre les
supports aux voûtes. En cet endroit s'élevait jadis un jubé de
style classique qui fut abattu en mê'me temps que la clôture
du chœur, en 1791, .
Le croisillon sud est un peu plus court que le croisillon nord,
pour la même raison sans doute qui décida les architectes,
au XIIIe siècle à infléchir l'axe du chœur,puis, au xv

siècle,
à conserver l'orientation primitive de la nef: l'instabilité du
sol en certains points entre l'église et la rivière. Cependant,
l'ordonnance générale ne c!lànge pas 'd'un bout à l'autre du

transept. Elle est identique à celle de la nef. Chaque Croisillon
comprend deux travées ouvertes par des arcades et nne travée

à murs pleins, cette dernière plus longue au nord qu'au sud.
Il n'y a pas de concordance, d'ailleurs, entre les clefs des

arcades et celles des fenetres hau tes et encore moins des '·
croisées d'ogives, car une seule croisée d'ogives et une seule
fenêtre correspondent, de chaque côté, à la seconde et à' la
troisième travée ensemble. Au fond, le triforium se continue
par une galerie de circulation à balustrade quadrilobée qui
passe sous l'appui de grandes fenêtres en tiers-point. Les
fenêtres, divisées, celle du nord par cinq, celle du sud par
quatre meneaux, renferment au tympan un remplage fait de
soumets et de mouchettes d'un dessin assez mou. Les vitraux
sont modernes.
Une lierne longitudinale, coupée dans chaque travée par
une lierne transversale,. parcourt toute la voûte, Toutes ces

nervures ont, ainsi que les ogives, le même profil que les

nervures de la nef. Ici encore on . remarque des armoiries

sur les clefs. Au carré se voit l'écu de Bretagne timbré de la
couronne ducale. Autour de cet écu, la décoration picturale

donnée aux voûtains comportait un semisde fleur de lis d'azur

sur fond blanc. Le goût des armoiries ainsi prodiguées est

propre à la Bretagne .. Quiconque y a remué des arch i "es de
paroisses et de seigneuries sait quelle importance y gardèrent

. jusqu'à la Révolution les questions, nous pouvons dire les

querelles, relatives aux prééminences dans les églises. Le fait
frappait les étrangers. Il inquiéta le roi François 1

qui espéra

" faire cesser les difTérents qui sOnt provenus et proviennent

à cause des prééminences que l'on prétend au . dedans des

. églises du dit pays" (1) Vain espoir! Après lui les différents .

continuèrent c.omme devant. Le normand D.ubuisson-Allbenay

remarquait en 1636 que les Bas-Bretons sont" grands
.al.'moyeurs et généalogistes, item soigneux d'apposer en leurs
bastirpents leurs armes et devises" (2). Les archéologues ,
eux, ne le déplorent jamais et s'en réjouissent parfois. Ces écus

ne sont-ils pas des documents pour l'histoire ~

Bas-cote. ' Aucune particularité bien originale ne signale

à l'attention les bas-côtés. Contempoi'ains de la nef, ils portent
l'empreinte du même style qu'elle Une suite de chapelles,

ouvertes presque toutes les unes sur les autres par des arcs én
tiers-point, les bordent et, en quelque sorte, les doublellt d'un

bas-cô'té secondaire moins large. Les su pports des si nent en

plan des losanges; ils consistent en un faisceau de colonnettes
et de nervures piriformes correspondant toutes aux moulures
des arcades. Toutes h~s colonnettes ont des hases·prismatiques

et de petits chapiteaux à corbeilles renflées, pareils à ceux de
la nef. A peu près la moitié des fûts se trouvent rehaussés par
un filet. Les voûtes présentent de simples croisées d'ogives,

(1) Isambert, Anciennes lois françaises, t. XI[ p. 594 et 640,
(~) ltinérair~ àe Pretaqne, t. Il, p. ~4tj . ' .

sans liernes. On y houve le même profil qu'aux ogives de la
nef; chaque clef est ornée d'une écu.
L'uue des travées de chaque bas-côté, située sous une tour, 0

communique avec les autres par une forte arcade m()~lurée.

. La travée de la tour sud est couverte de huit branches d'ogives
. rayonnant autour d'un trou de cloche, celle de la tour nord
de huit nervures dont la clef porte les armes de l'évêque Raoul
Le Moal. La première constitüait le .senl coin de l'église où les

caqueux ou cacoux (anciens lépreux) eussent le droit d'assister
aux offices. Le ciborium qui, dans la seconde, abrite les
fonts baptismaux, est du XIX

siècle. Dans l'une et l'autre

on pouvait accéder du porche même par une porte latérale

qu'on a eu . tort de murer lors de la restauration de l'édifice. '· .
Daris la première travée, au nord coin me au sud. s'ouvre un

porche latéral. Les deux travées suivantes, dans le bas-côté

sud, s'appuient au mur du palais épiscopal et sont, par con-
séquent, aveuglées; un escalier de pierre, construit au XVIIe

siècle pour rattacher l'évéché à la cathédrale, occupait jadis

la quatrième; la fenêtre qu'on y voit maintenant est toute
moderrie. A la place 'de l'escalier il n'y a qu'une petite porte ~

Les fenêtres, inégales entre elles à la fois en hauteur et en

largeur, appartiennent toutes au style' flamboyant par leur
remplage à soumets et mouchettes, et sont encadrées de colon-

. nettes surmontées de petits chapiteaux. La plupart des enfeus
pratiqués sous ces haies ont été vidés de leurs tombes. .

Façade. La façade est très élégante. Élargie à la base
pat deux contreforts latéraux, elle dresse ses flèches jusqu'à

plus de 75 mètres. D'autre part, la prédominance des lignes

verticales lui donne un aspect particulièrement élancé. 0
Le portail, placé en faible saillie eritre deux contreforts, est

surmonté' d'un gâble plein ct d'une plate-forme bordée d'une
. balustrade à quatre-feuilles et à soufflets. 'Il comporte sept
voussures, qui se con.tinuent sur lesébtasements par de larges

. gorges de même profil, trois principales, garnies de niches ·à
dais, quatre secondairès, occupées chacune par un cordon de
bouquets feuillagés. Des tores, limitant les voussures, retom

bent, sur les chapiteaux très minces des colonnettes logées
entre "les ' canaux des ébrasements. Quelques niches abritent
des anges d'une sculpture assez fruste. Le tore externe se relève·
à la clef en une accolade à peine marquée, ornée de choux
frisés et portant un fleuron. Un petit nombre seulement dë
colonnettes et de moulures présentent le filet, classique ailleurs
à l'époque flamboyante. Du reste cette dernière observation

s'applique à toutes les parties de la cathédrale élevées au

siècle.

Le tympan et le trumeau datent de 1866. Le portail avait
été mutilé vers 18:wpour laisser aux processions . un large
passage. Il se divisait auparavant en deux baies en tiers-point,
séparées par un pilier qui se composait de trois ou quatre
colonnettes. Au tympan, une grande niche, flanquée de deux
autres plus petites. contenait une statue équestre du duc
Jean V (1). Du moins l'écu carré du duc subsiste toujours,
sculpté sur le mur, entre les rampants du gâble. Il est porté

par le lion de Montfort casqué, qui, de son autre patte, tient
la hampe de la bannière de Bretagne. Autour se pressent
plusieurs autres armoiries qui ont été trop conciencieusement
martelées à l'époque: révolutionnaire.
·Au-dessus du porlail, le mur comprend encore deux autres

étages de hauteur égale, chacun percé d'une vaste baie. Celle
. du milieu, èn plein cintre, renferme un remplage, de tracé à
la fois souple et simple, établi vers 1490. La fenêtre supérieure,

. (1) Renseignements aimablement cummuniqués par M. de La Hogol'ie.
archiviste d'ne-ct-VilaiIlE', d'après des Jessim; du XVIIIO siècle, cousel vés .
à la bibliothèque de la ville de R('nnes, dans ]a collection Robien.
Le Men écrit que ".le tympan était occupé pal' un bas-l'elicf rl'presen­
tant le Père-Éternel adoré par ses anges". La sta.tue é luestrc de ' Jean V
aurait été adQssée au trumeau,

en ·plein cintre comme la précédente~· mérite l'attention, Une
accolade · ornée de crochets flamboyants borde l'archivolte
moulurée et monte s'appuyer à la balustrade qui couronne le
mur. Un faisceau central de colonnettes. divise l'ensemble en
deux baies, recoupées elles-mêmes en deux pètites baies tréflées.
Les petits arcs sont tracés avec la même ouverture de compas

que les grands, à la manière normande. Deux meneaux hori -
zontaux recoupent toule la fenêtre dans le sens de la hauteur.
C'est là encore une disposition normande; mais chaque
meneau comporte, dans sa partie inférieure, un motifde déco­
ration tréflé qui, ainsi employé, est, semble-t-il, bien breton.
Une balustrade analogue à celle du portail orne les ram­
pants à pente douce dn pignon supérieur. Au-dessus, portée
presque jusqu'au niveau du sommet des tours par le fleuron
qui prolonge l'accolade de la ~ aie du second étage, s'élève une
statue équestre, refaite de nos jours, et représentant le roi
Granon. La statue originale, qui datait du xv" siècle. avait été
mise en pièces en I79~. .
Les deux tours sont semblables entre elles, à quelques détails

près. Une large fenêtre, qui ne reçut son remplage qu'en 1-!9J, .
correspond à chaque bas-côté. Un larmier qui secontinue sur les
contreforts · court au niveau des fenêtres; un autre accuse la
limite supérieure de l'étage. Plus haut, le mur plein n'est percé
que de deux petites ouvertures rectangulaires, mais deux

longues baies, prorondément ébrasées, le dominent el ajourent

plus de la moitié de la hauteur " totale de la tour . Cinq minces
colonnettes en décorent les montants . Une accolade amortie

par un fleuron encadre l'archivolte dont la brisure est très peu
accentuée. De fausses arcades en mitre, décorées comme les
accolades, et, du reste, unies à eUes, garnissent les surfaces

nues, aux angles. Cinq travées horizontales recoupent les
baies, à la manière normande, mais on -y retrouve, au moins
à la tour nord, le même motif tréflé qui se voit à la fenêtre
supérieure de la façade , .

Deux contreforts qui, dans li:mr montée; s'amincissent en
se chargeant , de pinacles à crochets, épaulent la façade de
chaque tour sous les fausses arcades en mitre. Ceux des côtés,
plus courts que les autres, forment, au rez-de-chaussée, une
masse à for'te saillie, et, au-dessus,. se réduisent de façon à

devenir les culées de deux petits arcs-boutants ajourés. '

, Deux bandeaux sculptés, dont les motifs flamboyants sont
d'un bel effet décoratif, se déploient sur le mur entre les baies

- et la corniche. De la corniche même s'élancent douze gar-
gouilles, une à chaque angle, deux sur chaque face. Une galerie
,à double étage couronne la tour. Elle comprend une galerie

principale couverte, entourée d'une balustrade quadrilohée à
laquelle se superpose une arcature' tréflée, et une plate-form, e
supérieure bordée d'une balustrade flamboyante. Cette sorte
de galerie couverte, dont le prototype, un peu différent de la
galerie de Quimper, est à Rosporden, jouit d'une grande vogue
dans la région bas-bretonne du XIVe au XVIe siècle. Elle s'6b-

verse encore dans la seconde moitié du XYI

siècle sur la tour
,de Ploaré. près de Douarnenez, et sur, celles de Beuzec et de
Plouhinec, près dt Font-Croix. Elle appartient surtout à la ,

CornouaiIJe. Dans le Léou elle n'apparaît qu'à l'église du 1"01-

,goët dont la tour nord, du reste, est peut-être antérieure de
'quelques an'nées à celles de la cathédrale de Quimper.
Les flèches, œùvre moderne, s'adaptent néanmoins aussi ,

pien que possible au restP. de l'édifice et font grand honneur

à l'architecte qui les conçut, M. Bigot, à l'entrepreneur qui

les éxécuta, M. Quéré. Il n'y a pas lieu de s'attarder à les

décrire. Toutefois elles ne sont pas les creations d'une imagi-

nation fantaisiste. De la construction ébauchée au xv

siècle
il restait des assises qUi fourni~entun point de départ très sûr.

Ainsi, il était facile de déterminer la hauteur à laquelle les

anciens architectes se proposaient d'atteindre, Pour les détails,
le clocher de Pont-Croix, bâti vers 1450, servit de modèle.
L'aspect de l'en semple est, en somme, très satisfaisant et sans

doute assez conforme aux intentions des constructeurs des
tours. Vieilles pierres et flèches neuves, nulle disparate, même

de teinte, ne les différencie. Bien des yeux exercés s'y sont

laissé prendre. .

E. L e{(;VTe - Ponti:tl-is lJhot.

TYMPAN DU PORTAIL svp

'Elévation Iaté .. ale~ - Tout auprès de ]a tour du sud, sur

le côté, s'ouvre un portail, composé d'une porte en anse de .

panier q ni est in::ïcrite dans une baie en Liers-point amortie
en accolade et décorée comme le grand portail de ]a façade.

Un faux gâqle aux rampants relevés de choux frisés vient

~'ap:p1iquer à la l:>qlustq~d~. pans l'espace qu'il délimite ' 9n

remarque. au . milieu de divers écus martelés, l'hermine de
Bretagne qui tient un cartouche sur lequel se lit la devise
" A ma vie". Les sculptures du tympan, jadis mises en pleine

valeur par le secours de la peinture, montrent la Vierge tenant
sur son bras gauche l'EnfantJésus que deuxanges crépus encen­
sent d'un geste vigoureux mais non sans grâce. A gauche, dans

la niche d'un contrefort s'abrite une statue de kersanton repré-
sentant sainte Catherine d'Alexandrie avec une roue sur]e bras
gauche et une épée dans la main droite ' La Légende dorée rap­
porte que l'empereur Maxence n'ayant pu venir à bout de l'in­
vincible dialecticienne fit préparer quatre roues à laquelle on
devait la lier pour l'écarteler. Mais les anges brisèrent la ma­
chine. Remarquons-le en passant: ce récit semble fournir un
exemple des cas où l'image est à l'origine de la légende. En effet,
dans l'iconographie primitive de sainte Catherine, une sphère
symbolisait sa science (r). Une sphère se métamorphose sans

peine en une roue. Cette roue, d'autre part, ne fallait-il pas en
expliquer la présence ~ De très hab~les hagiographes surent l'ex­
pliquer.Quoiqu'il en soit. l'imagination bretonne ajouta encore
aux réCits de la légende commune. Elle se plaisait à rattacher la
sainte égyptienne à une fan1ille de rois de la B.retagne insulaire .

Le bon historien Alain Bouchard expliquait aux contemporains
de la dernière duchesse, avec un orgueil délicieusement naïf,
« la magnifique noblesse de la gén . ration de Madame saincte
Katherine, de laquelle Constantin, premier de ce nom, roy de
Bretaigne et depuis empereur, estoit ayeul paternel Il. Et, obser­
vait-il, pénétré d'une pieuse satisfaction, « c'e&t moult grant
honneur aux princes bretons d'avoir en la court célesticlle une
telle parenté (2 ) ». A Quimper bien des gens, au moins parmi

(1 ) Abbé H. Brémond, Sainte Catherine, dans la collection l'Art et
les Saints.
(2) Alain Houchard g',:'gare dans la chronologie et confond Constantin
avec son père Constance Chlore. Sur l'origine de ces fantaisies historiques,
voir Pierre Le Baud, Cronicques et Ystoires, édit. Ch . . de CaJan, p.2iO.

les clercs, connaissaient cette glorieuse histoire. Sainte Cathe-

rine Y était particulièrement en honneur: l'hôpital situé en face
du portail méridional de la cathédrale, sur la rive gauche de
l'Odet, la vénérait comme sa patronne. Le portail lui-même
était désigné tantôt sous le nom de Notre-Dame, à cause du j.oli
groupe du tympan, tantôt SOLlS celui de sainte Catherine à
ca:use de la statue du contrefort.
Au-delà du bâtiment de l'ancien évêché, la première fenêtre
n'a été pourvue de remplage qu'au moment de la restauration.

Une balustrade règne au sommet des murs des chapelles et

de la nef; celle des chapelles se compose de souffiets en
forme de cqmr; celle de la nef de quatre-feuilles. Une sorte
de frise de bouquets feuillagés s'allonge au-dessous de la cor·
niche supérieure. A. la limite de chaque trayée, un petit
pinacle à crochets flamboyants interrompt la balustrade.
Les arcs-boutants sont à double volée. Un quatre-feuilles
ajoure l'écoinçon de. la volée interne La culée centrale est
amortie par quatre pignons surmontés de fleurons ~ la culée
externe par une bâtière avec des fleurons, disposition emprun­
tée au style normand. A cette culée s'adosse un pinacle à cro­
chets formant contrefort et porté lui-même sur les glacis du
contrefort qui épa'ule le mur des chapelles.
La balustrade de la nef se continue sur le croisillon du

transept qu'elle contourne complètement. L'aspect des fenê-
tres, à l'est et à l'ouest, est aussi le même dans le transept
que dans la nef. Deux puissants contreforts s'élèvent â chacun
des angles du croisillon, l'un appliqué sur le côté, l'autre sur
la façade. Ils s'amortissent par des glacis d'où jaillissent des­
pinacles ornés de fleurons et de crochets. Un grand larmier,
qui continue la corniche du mur des chapelles, divise l'en­
semble en deux parties à peu près égales dans le sens de la

hauteur. La partie inférieure de la façade est nue; la fenêtre
occupe presque toùte la partie supérieure jusqu'au niveau de

la balustrade, qui, passant en avant du pignon, forme une

loggia découverte. Des crochets flamboyants garnissent les '
rampant~ du pignon' qu'un fleuron couronne. '
A l'extérieur comme à l'intérieur, l'ordonnance du chœur

s'harmonise avec celle de la nef.
Du transept jusqu'au pan de mur voisin de la chapelle'
d'axe, les fenêtres basses sont rncadrées par nn biseau plus

large sur les montants qu'au cintre, de sorte que le cintre,
formant encorbellement, porte, comme à: l'intérieur du déam-

, bulatoire,suf des culots feuillagés. La fenêtre voisine de la

,chapelle d'axe, celles de celte chapelle el du déambulatoire

nord presentent presque toutes des biseaux contillus. On aper-

çoit sur le mur de fond de la chapelle d'axe, de chaque côté
de la fenêtre, les marques d'une reprise. Les dimensions pré-
vues 'tout d'abord fm'ent abandonnées: la fenêtre eût été trop ' ,
large. Une balustrade formée de trèfles ou de quatre-feuilles '

règne au sommet du mur des çhapelles.

Les' fenêtres hautes possèdent un encadrement constitué par
un tore et une colonnette. Une moulure appliquée sur le mur

longe l'extrados et retombe, un peu au-dessous du niveau

des chapiteaux, sur de petits culots sculptés dont la plupart
figurent des têtes humaines. Sur le toit du chœur court une

balustrade quadrilobée qui n'atLeint pùs au niveau de celle du

transept, car le toit dü chœ ur se trouve légèrement en contre-

bas par rapport à celui du reste de la cathédrale.

Les culées externes des arcs-boutants de la partie droite

portent à faux sur la corniche du mur des chapelles. Il n'existe
pas de contreforts. Les murs qui, à l'intérieur, séparent les
chapelles en tiennent lieu Ce sont en effet de véritables con-

treforts intérieurs et non de simples cloisons. Les maîtres de

l'œ uvre de.vaient se fiei' trop peu au terrain pour contrebuter
, ' la muraille du dehors Désirant s'éloigner toujours plus de
l'Odet, ils reportèrent les contreforts, au dedans. En ce qui

concerne le bas-côté nord, solidement assis pourtant, des
raisons de symétrie ont pu le faire concevoir sur ce même

plan. ~es arcs -boutants, construits évidemtnent .lors dé la .
nlise en place des voûtes, c'est-à-dire vers 1410, . sont, à l'ex­
ception de certains détails, pareils à ceux de la nef. Quant aux
contreforts qui épaulent les murs du déambulatoire et de la
chapelle d'axe, ils datent à: la vérité du XIIIe siècle, mais ne

reçurent eux 3Hlssi de culées qu'au xv

C'est à cette même

époque qu'il convient d'attribuer les balustrades, en gran:::le
partie refaites denosjours, et l'élégante tourelle à flèche octogo- .
nale qui, à la naissance d. u chevet, contient un escalier. Ce sont
là les plura alia opera que, d'après le catalogue épiscopal (1),
fit faire,outre les voûtes du chœur,l'évêque Gatien de Monceaux.
D3 la place Saint- Corentin, au nord, l'inclinaison de

l'axe dl1 chœur sur celui de la nef s'aperçoit très nettement.,
CeLte face de l'église est la plus décorée. Les fenêtres basses
du chœur sont encadrées d'un tore. reposant sur des tailloirs

carrés; les corbeilles des chapiteaux sont garnies, pour la

plupart, de crochets ou bouquets de feuillage; l'une porte
une tête de chien, deux autres sont arrondies et nues, à la

mode anglaise. Notons surtout qu'un filet saillant rehausse le

tore des archivoltes. Le fait est eri vérité notable, car cette
partie de la cathédrale, saufIes remplages des-fenêtres, remonte

vraisemblablement à 1275 ou 12S0. Or l'emploi de la moulure

à filet ne se généralisa guère, on le sait, avant le XIVe siècle.
A propos du transept et des murs de la nefil y a peu d'obser-
vations à faire. La balustrade supérieure ne passe pas sur la
façade du croisillon nord, mais l'ornementation est plus
abondante ici que sur le croisillon sud. Une porte, aujourd'hui

murée, était percée en bas à droite (2). L'archivolte qui subsiste .
comprend de n'ombreUses voussures moulurées . et . s'amortit

par une accolade et un fleuron. Un gâble plein surmonte le
tout. Au sommet du pignon. un éèusson martelé portait les

(i ) L.Duchesne, Catalogues épiscopaux de la province de Tours J p. 81.
(2) Si elle n'est pas au milieu, c'est que l'autel était appliqué au mur
nord; on avait voulu réserver un peu de place par devant.

armoiries du duc François ·1I. Une autre petite porte du
même style, pratiquée SOI1S une fenêtre du bas- côté, est éga­
lement murée .
Le dernier porche, dit porche des baptêmes, forme une légère
saillie et s'ouvre, à l'extérieur, entre deux contreforts à niche,
par deux baies jumelles en tiers-point qu'encadre un gâble
plein. La décoration, avec ses crochets, ses cordons de feuil-

lages et ses écus, ne diffère pas de ce1le des antres portails .
On remarquera cependant les deux petites statuettes de chiens
posées, suivant une habitude courante en Bretagne, aux points
qe retombée des rampants du gâble. L'intérieur, voûté d'une

croisée d'ogives, communique .avec l'intérieur de la cathédrale

par une porte en plein cintre. Un banc de pierre est disposé
le long des murs latéraux sous les niches vides dont les dais
flamboyants ont été presque tous refaits.

De petites échoppes avaient été établies depuis la sacristie
jusqu'au palais épiscopal, tant" pour le logement des officien
et serviteurs " de la fabrique "que pour empêchedes infectiOn!

et incommodités que l'on recevait dans la dite église" (1)
Elles n'ont été abattues que vers 1 850. Cette modification i
l'aspect ancien n'a, certes, rien de regrettable; mais on n

saurait trop déplorer la démQlition, effectuée au XIX· sièclE
d'un élégant ossuaire construit en r 5 14 près du portail nord
à ]a limite de l'ancien cimetière. à ]a place marquée mainti
nant par une croix, et la suppression, en 1620. de la flèche d
plomb liui se dressait sur le carré du transept. Elle .avait él
frappée par la foudre et presque fondue (2) .
Vitraux. Les verrières des fenêtres basses, parmi le:
quelles un magnifique vitrail de l'évêque Claüdede Roba

(i) Archives du Finistère, 2 J 2, n° 1.. CL H. Diverrès, Le pour te
de la basilique de Saint-Corentin, dans le Bulletin de la Société arché
dn Finistère, t. XV, 1883, p.3-.U (d'après 2 G. 2, n° 3).
(2) La sacristie actuelle est d . e i857 ·J859.. . .

Jur .
3 0l.

du début du XVIe siècl~, ont été mises en pièces sausla Revô­
lution. Celles des fenêtres hautes ont été réparées de 1867 à

, mais souvent avec maladresse: l'ordre des panneaux
et, dans chaque panneau, celui des compartiments, se trouve
parfois interverti. Plusieurs vitraux ont néanmoins gardé
leur beauté et sont vraiment intéressants.
Chaque panneau contient un ou deux personnages, géné­
ralement un chanoine, un seigneur ou une dame avec son
saint patron. Un dais, constitué par une somptueuse archi-

tecture de flèches et de pinacles, décore la partie haute.

Ceux du choeur, les plus anciens, datent de 14I7~I419. Du
moins, un peintre verrier de Quimper, Jean Soyer, dit Jamin,

y travaillait pendant ces trois années. Ce sont par malheur

les moins bien conservés. Beaucoup d'entre eux, notam-

ment les trois du fond, dont l'un représente le duc Jean V
avec son fils François ' et saint Corentin, sont modernes

ainsi que toutes les armoiries des tympans. Les fenêtres du

nord semblent réservées aux gens d'église. les fenêtres du sud
aux laïques. Outre les donateurs, on remarque, entre autres
saints, la Vierge portant l'Enfant Jésus sujet représenté
quatre fois les apôtres saint Pierre et saint Paul, ce der­
nier figuré trois fois, la Sainte Trinité, symbolisée par Dieu .
le Père, assis, tenant entre ses genoux le Fils crucifié, tandis
que la colombe du Saint-Esprit repose sur le bras droit de la

crOIX.
Les vitraux du transept ont subi plus de dégradations que
ceux du choeur. Plus de la moitié des panneaux ont été refaits .

Parmi les morc~aux anciens on peut citer, dans le croisillon
nord, à l'ouest, saint Paul et saint Pierre, à l'est, saint Michel

terrassant le démon, saint Christophe portant le Christ. Dans
le croisillon sud, à la seconde fenêtre de l'est, on voit sainte
Geneviève de Paris et saint Martin de Tours. Cette dernière
verrière porte la date de 1496. Celles du fond des croisillon~
sont modernes.

armoiries du duc François ·II. Une autre petite porte du
même style, pratiquée SOI1S une fenêtre du bas- côté, est éga­
lement murée .
Le dernier porche, dit porche des baptêmes, forme une légère
saillie et s'ouvre, à l'extérieur, entre deux contreforts à niche,
par deux baies jumelles en tiers-point qu'encadre un gâble
plein. La décoration, avec ses crochets, ses cordons o.e feuil-

lages et ses écus, ne diffère pas de celle des autres portails .
On remarquera cependant les deux petites statuettes d~ chiens

posées, suivant une habitude courante en Bretagne, aux points
de retombée des rampants du gâble. L'intérieur, voûté d'une

croisée d'ogives, cqmmunique .avec l'intérieur de la cathédrale

par une porte en plein cintre. Un banc de pierre est disposé
le long des murs latéraux sous les niches vides dont les dais
flamboyants ont été presque tous refaits. .
De petites échoppes avaient été établies depuis la sacristie
jusqu'au palais épiscopal, tant" pour le logement des officiers
et serviteurs " de la fabrique "que pour empêchei' le· s infections

et incommodités que l'on recevait dans la dite église" (1).
Elle$ n'ont été abattues que vers ,850. Cette modification à
l'aspect ancien n'a, certes, rien de regrettable; mais on ne

saurait trop déplorer la démÇ)lition, effectuée au XIX

siècle,
d'un élégant ossuaire construit en 1514 près du portail nord,
à la limite de l'ancien cimetière. à la place marquée mainte­
nant par une croix, et la suppression, en 1620. de la flèclle de
plomb sui se dressait sur le carré du transept. Elle .avait" été
frappée par la foudre et presque fondue (2). .
Vit ..
quelles
x.· Les verrières des fenêtres basses, parmi les­
un magnifique vitrail de l'évêque Claude · de Rohan,

(i) Archives du Finistère, 2 J.. 2, n° 1. CL H. Oiverrès, Le pourtour ·
de la basilique de Saint-Corentin, .dans le Bulletin de la Société archéol .
dit F~nislèreJ t. XV, 1883,p. 3-i2 (d'après 2 G. 2, n° 3).
(2) La sacristie actuell~ est de i857 :i859. .

du début du XVIe siècle, ont été mises en pièces sèms la Revô­
lution. Celles des fenêtres hautes ont été réparées de 1867 à
1873, mais souvent avec maladresse: l'ordre des panneaux
et, dans chaque panneau, celui des compartiments, se trouve
parfois interverti. Plusieurs vitraux ont néanmoins gardé
leur beauté et sont vraiment intéressants.
Chaque panneau contient un ou deux personnages, géné­
ralement 'un chanoine, un seigneur ou une dame avec son
saint patron. Un dais, constitué par une somptueuse archi-

tecture de flèches et de pinacles, décore la part.i. e haute.
Ceux du chœur, les plus anciens, datent de 14 I7~1419. Du
moins, un peintre verrier de Quimper, Jean Soyer, dit Jamin,
y travaillait pendant ces trois années. Ce sont par malheur

les moins bien conservés. Beaucoup d'entre eux, ' notam-

ment les trois du fond, dont l'un représente le duc Jean V

avec son fils François ' et saint Corentin, sont modernes

ainsi que toutes les armoides des tympans. Les fenêtres du

nord semblent réservées aux gens d'église, les fenêtres du sud
aux laïques. Outre les donateurs, on remarque, entre autres
saints, la Vierge portant l'Enfant Jésus sujet représenté
quatre fois les apôtres saint Pierre et saint Paul, ce der­
nier figuré trois fois, la Sainte Trinité, symbolisée par Dieu .
le Père, assis, tenant entre ses genoux le Fils crucifié, tandis
que la colombe du Saint-Esprit repose sur le bras droit de la

crOIX .

Les vitraux du transept ont subi plus de dégradations que
ceux du chœur, Plus de la moitié des panneaux ont été refaits.
Parmi les morc~aux anciens on peut citer, dans le croisillon

nord, à l'ouest, saint Paul et saint Pierre, à l'est, saint Michel

terrassant le démon, saint Christophe portant le Christ. Dans
le croisillon sud, à la seconde fenêtre de l'est, on voit sainte
Geneviève de Paris et saint Martin de Tours. Cette dernière
verrière porte la date de 1496. Celles du fond des croisillon~
sont modernes.

Sans contœdit, les plus beaux vitraux sont ceux de la nef.

Ils ont relativement moins souffert que les autres de la vio-
lence ou de la maladresse, et l'éclat en demeure très vif. A en
juger d'après les dais, dont l'ornementation est tantôt gothi­
que, tantôt conçue dans le style de la Renaissance, ils ne
remonteraient pas tous à la même époque. Les plus anciens
doivent être contemporains de ceux des croisillons. Le dessin
y est plus soigné que dans le transept. Mais on y retrouve les
mêmes sujets, les mêmes groupements que partout ailleurs
dans l'église. à savoir des saints, soit seuls, soit accompa-

gnant des personnages agenouillés. A l'exception de tous les
tympans et de la cinquième fenêtre du nord, refaite presque '
en entier, il n'y a que quatre panneaux neufs . . Ceux qui
méritent surtout l'attention sont au nord: à la première fenê-

tre, troisième panneau, saint-Jean l'Evangéliste; deuxième
fenêtre, troisième panneau, la Vierge allaitant l'Enfant Jésus;

troisième fenêtre, au milieu, une pietà; quatrième fenêtre,

deuxième panneau, un chanoine en chape, à genoux, présenté
par une sainte à l'abondante chevelure blonde. Ge chanoine,
nommé Yves Du Dresnay, ayant été attaché au chapitre de

1486 a 1497, le vitrail se trouve ainsi à peu près daté. Au sud,
la seconde (1) la troisième et la quatrième fenêtres attirent et
charment le regard par la richesse du coloris ou la netteté du
dessin. Jusque vers 182 l, la fenêtre de la façade, derrière l'or­
gue, possédait un vitrail où l'on voyait un grand crucifix, en­
touré de la Vierge, de saint Jean l'Évangéliste et divers autres

. saints. Peu après 182 l, pour des motifs inconnus de nous,
on lui substitua de simples vitres blanches. C'est vraiment

dommage. .
. Sculpture; bilier. ". La cathédrale est moins riche
en sculptures qu'en vitraux. Des nombreux tombeaux qu'elle
renfermait avant la Révolu tion, pas un seul n'a été préservé

(1) Le pre~ier panneau (saint Ronan) de la seconde fenêtre est neuf.

de toute atteinte. Celui qui eût été le plus préèieux pour nou~

. était le tombeau de l'évêque Hervé de Landeleau (1245-1261),
haut de trois pieds au-dessus du sol du chœur, couvert d'une
plaque de cuivre et portant une statue de cuivre" gisante à
l'épiscopale" (1). Il 'a été sottement rasé en 179 l, par les soins
de l'évêque constitutionnel Expilly, dans la seule intention de
faire de la place dans le chœur. Des autres, tous pl~s récents,
on a reconstitué quelques-üns, mais, à vrai dire, trois seule­
ment valent la peine qu'on les regarde. Le reste a été t'l'Op
restauré ou bien est trop médiocre.
Le tombeau de l'évêque Raoul Le Moal (1493-1501) se trouve
dans un enfeu . de la travée placée sous la tour nord. La statue
seule remonte au debut du XVIe siècle. Elle représente l'évêque
couché, ayant sous les pieds un dragon dans la gueule duquel
il enfonce sa crosse.

En face de cet enfeu a été adossé au mur un haut-relief
d'albâtre plus curieux que beau, figurant saint Jean-Baptiste
dans le désert. Il provient d'une église de Penmarc'h, qui, à

ce qu'on raconte, le tenait d'un navire naufragé. En tont cas
ce n'est pas une œuvre bretonne. Les formes étirées et angu­
leuses rappellent certaines sculptures anglaises. Aussi bien,
il a été démontré que presque tous les reliefs d'albâtre con­
servés dans l'ouest de la France et particulierement nombreux

en Bretagne ont été fabriqués en Angleterr~e (2). Il y a lieu de
se demander s'ils n'auraient pas été acquis par des marins
ou négociants français lorsque la diffusion de la Réforme

(1) Dubui'3son-Auben~y, Iti1iéraire de Bretagne., t. 1. p.122. Le texte
de l'inscription qui se lisait sur les ,'ebords de la ;plllque est plus exact
dans cet ou vrage que dans la' Monographie de Le ,Men. Le tombeau de
Guillaume Le Prestre, évêque de i6US à 164,0, fut enlevé du chœur et
détruit pour le même motif et à la même ppoque :que celui d'Hervé de
Landeleau.
(2) John Bilson, Un panneau d'albâtre au musée du Mans, dans la
Revue historique , et archéologique du Mans} t. LX VIIl, 1910 .

eût fait proscrire les images religieuses. Celui de la cathé-

ALBATRE DE SAINT JEAN-BAPTISTE

- ,-- 7 71 1

draIe de Quimper est du xv

siècle, ainsi que le prouve l'ar­
mure du petit chevalier à genoux aux pieds du saint.
La travée de la tour sud renferme dans un enfeu le tom­
beau de l'évêque Alain Le Maout (1484-1493) dont, malheu­
reusement,un amas d'objets des plus hétéroclites rend l'ap~
proche difficile (1). '

En remontant le bas-côté sud on rencontre, dans la troi-

sième chapelle du chœur, la statue tombale, d'une facture
un peu fruste, de Bertrand de Rosmadec, lequel, certes,

méritait mieux, pllis, dans la quatrième, celle, beaucoup
meilleure à tous égar'ds, du chanoine Pierre du Quinquis ou

du Plessix, mort en J 459 (2), Un coussin soutient la tête qui
est coiffée de l'aumusse. Contrairement à la tradition, qui, à
cette époque, commençait à s'oblitérer, les pieds reposent,

non sur un dragon, mais sur un chien couché. BiEm que taillée
dans le granit (granit de Scaër) cette statue présente des.Iignes

nobles et pures; les plis sont modelés avec beaucoup d'habi-
leté. La sculpture bretonne n'a rien à montrer de plus parfait

dans la pierre du pays.

Non loin de là, à l'autel de la deuxième chapelle sud du

déambulatoire, se , voit un petit retable d'albâtre venu de Pen-

marc'h, comme le 'saint Jean. Autour du Christ assis se tien-

nent les quatre Vertus cardinales. Seules la Justice et la Force

se distinguent par des attributs nettement caractérisés: la

Justice par une épée et une tête de mort, la Force par une
croix dont elle enfonce le pied dans la gueule d'un dragon.
La chapelle d'axe, dite de 'la Victoire, possède une table

(1) Son épitaphe, arbitrairement l'econstituée, par Le Men est donnée
par Dubuisson-Aubenay (op, cit" p. 123). Fils d'un paysan du Faouët
il avait débuté comme enfant de chœur à Quimper. La Mise au tombeau
siluée dans la même travée est une copie moderne d'une Mise au tombeau
existant à Bourges"
(2) Il avait été à plusieurs reprises procureur de' la fabrique. Ses
armes sont figurées à l'intérieur du porche nord au-dessus de la porte.

d'autel datée de 1295. Le grand autel du chœur a été exé-
cuté en 1866, de même que le ciborium, sur les dessins
de M. Boeswilwald. Le chœur, privé de ses belles stalles,
qui remontaient à 1475, ne contient maintenant plus rien

· d'ancien (1). Dans la nef, la chaire mérite une mention, car
c'est un artiste quimpérois, Olivier Daniel, qui la fit en 1679.
Les bas-reliefs de la cuve et de la rampe, racontant divers
épisodes de la vie de saint Corentin, ne sont pas sans
valeur .

Signalons epfin, à l'intérieur, au-dessus du porche, le
buffet d'orgue dû à un " ancien organiste de la reine d'Angle­
terre ", Robert Dallam, qui travailla vers ~645, ~ l'extérieur .
sur le toit de la façade, derrière la statue du roi ·Grallon, une
cloche qui fut bénie au printemps de l'année 1312 par l'évêque
Alain Morel. Qn a rattaché à l'horloge neuve la cloche plus .
de six fois centenaire. Ce sont les vibrations, toujours les
mêmes. de ce vieux bronze intact qui mesurent pour les
Quimpérois du vingtième siècle la fuite du temps irrépa­
rable (2).
(1.) La sculpture bizarre logée dans l'angle nord-oues t du chœur a été
· passablement retouchée lors de la restauration de la calhédrèlle.
· (2) Pour ne rien laisser de côté que ce qui est tout à fait négligeable,
il convient de ne pas oublier les fresques de Yan d'Argent. Dans le bas­
côté nord du chœur) à la 1. re chapelle: scrnes de la vie de saint Pierre,
- d. ans la 2

: scènes de la vie de saint Frédéric, dans ]a 3

: scènes
de la vie de saint Roch, - dans la 4

: scènes de la vie de saint Coren­
tin (à l'ouest saint Corentin s'entretenant avec saint Primel, à l'est saint
· Corentin porté par les élnges), près de l'entrée de la sacristie: le P.
Maunoir recevant ]e don de la langue bretonne. Dans le bas-côté sud du
chœur', dans la 2

chapelle: sainte Anne et la Vierge, dans la 3

fuile en Egypte ct la mûl"t de saint Joseph, dans la 4° : le baptême du
Sauveur et la prédication de saint Jean, _. dans la 5) : saint Paul SUl' le
chemin de Damas et devant l'Aréopage, dans la 1. rI" chapelle en tra-

pèze: prédication de MlCbel Le Nobletz. Yan d'Argent, né à Sdint-Servais,
près de Landerneau, en 1824 et mort en 1.899, a p.3int ces frèsque5 d~
:1870 à !883. Ce ne sont pas s~s chefs-d'œQvr~t .

PALAIS EPISCOPAL. _.

MUSEE

Palais épiscopal (1). Au sud de la cathédrale se trouve
le palais épiscopal, transformé maintenant en musée archéolo-

gique. Il ne forme pas un monument homogène. Des bâtiments,
peu considérables, qui existaient au Xl11

siècle, rien ne reste.
Ceux que fit élever Bertrand de Rosmadec ne s'étendaient pas
jusqu'à la rivière. Ils furent complétés, sous l'épiscopat de
Claude de Rohan (1501-1540), par une grande tourelle d'esca­
lier et, près des remparts, par une aile orientée vers l'est. Les
travaux, commencés au mois de mars 1508, sous la direction
de Daniel Gourcuff et Guillaume Le Goaraguer, avaient été
probablement menés à terme quand l'évêque fit son entrée
. solennelle à Quimper, le 6 juin 1518.
Cet évêque, encore très jeune, était fils du vicomte Jean II

de Rohan. Aussi est-on conduit à penser que Daniel GoUrcuff
et Guillaume Le Goaraguer se virent invités à s'inspirer du
modèle que leur offrait la magnifique façade intérieure du
château de Josselin; reconstruite entre 1490 et 1505, par les

soins du même vicomte Jean (2). Ce vicomte fut grand bâtis-
seur. En Basse- Bretagne, il fit, entre autres ouvrages, jeter un
solide pont, très imposant, sur l'f:lorn, dans sa ville de Lan­
derneau, chef-lieu de sa principauté de Léon. Nous pouvons,
être convaincus qu'après avoir fait choisir son fils pour le

siège de saint Corentin, il voulut lui procurer un palais digne
de l'éclat de son nom. Claude prit-il une part personnelle à
l'élaboration des plans ~ C'est très douteux. Il passait pour
" homme de dévotion", mais" non entendant aux faits de ce
(1) Chanoine Pèyron, Le palais épiscopal de Quimper) dans le Bulle­
tin diocésain d'histoire et d'archéologie) t.. XII, 1912, p. 0-18.
(2) C'est ce qui a été démontl'é par M. Roger Grand dans le volume
du Congrès archéologique de France de 1914, p. 3i8 et 319 .

-' Iill!.....

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flIC "

'iEL 1J...,. J.

fl/ML ' ,

Louis Le Guennec, deI.
LOGIS DE ROHAN AU PALAIS EPISCOPAL DE QUIMPER

monde". Ce qu'il y a de sûr, c'est qu'il n'avait rien d'un
grand clerc: sa famille dut ' s'adresser au roi, en 1527, pour
faire pourvoir à " la conduite de ses affaires tant. temporelles

que spirituelles" (1). Heureusement, après la pompe de son
entrée, ses diocésains ne connurent de lui que l'opulent manoir
où s'étalaient partout }{~s armoiries à neuf mâcles des Rohan.

Les troubles de la Ligue eurent pour le manoir les 'plus

désastreuses conséquences. En l'absence de l'évêque Charles

du Liscoët qui, gagné au parti :royal, résidait à Concarneau,

les habitants ouvrirent toutes grandes aux gens de guerre les
portes de l'évêché. Hospitalité fatale! Très vite, l'évêché devint

un vrai corps de garde, bien pis, une forteresse. On hissa des

canons jusque dans les chambres hautes; on en fourra dans

les embrasures. Ainsi en défense, la garnison se donnait du
bon temps. · Un soir qu'on s'amusait fort et ferme dans .les

vastes salles du. logis de Rosmadec, le feu s'y mit, consuma
tout le bâtiment du xv

siècle (2). Quand, la paix faite, l'évêque

. revint à Quimper; il dut renoncer à son manoir trop délabré;
il s'installa dans son " palais rural" de Lanniron. Peu après
toute l'aile contiguë au rempart s'effondrait. Le palais naguère
si brillant servait alors de prison, et de prison mal close,

aux détenus de la juridiction des Regaires.

Du palais de Claude de Rohan ne subsistait plus, cOmme

aujourd'hui, que' la haute tourelle d'escalier, lorsque fut
construit, en 1646, sous l'épiscopat de René du Louët, à
la place du palais de Rosmadec, le corps de logis qui la relie

à la cathédrale. Au sud, le mur de ville vient buter ,contre une

(i) Dom Morice, Preuves, t. III, col. 973 « Il estoit homme qni
n'avoit sens ne entendement pour conduire, diriger ne ordonner affaire,
ainçois esloient toulps ses affaii'es menées pal' ses servitems et gens qui
estoient environ lui ». (Ant. Dupuy, Histoire de la réunion de la Bre­
tagne àla France, t. II, p. 4,33, d'après Arch. na1., J 24,5, n° 125).
(2) Chànbine Peyron, Incendie de l'évêché de Quimper en 1595 dans
le Bulletin de la Soci, été archëol. du Finistère, t. XIX, 1892, p. 3-13 .

c.onstruction sans intérêt, remaniée de nos jours, qui rem-

plaça, à la veille de la Révolution, l'aile écroulée plus d'un

siècle et demi aU.paravant. Quant aux arcades de cloître qu'on
voit dans la cour et le long de la cathédrale, elles ne
datent que de 1866.
archéologique . - Le musée archéologique, de
création assez récente, présen te un caractère strictement local

et n'est pas encore' très riche. Il possède néanmoins quelques
objets précieux (1).
Le long des murs, dans la cour, s'alignent de vieilles

mesures à grains, des bbulets dG pierre et de petits :chapi-
teaux du XIIIe siècle. Mais la seule chose vraiment intéres­
sante est cette masse de pierre, informe au premier abord, qui
se tient à gauche de la porte. On y distingue assez vite

les formes d'une croupe de cheval et les " jambes d'un
homme. Nous sommes en présence d'une de ces statues

bizarres et mystérieuses que l'on est convenu d'appeler

groupes du cavalier et de l'anguipède. Elle est fortement
mutilée. Placée contre le talus d'un chemin de service, à la

sortie du village de Guélen en Briec, elle gardait son cavalier

en bon état quand, en (835, un châtaignier, tombant sur
lui, le brisa. Sa main gauche tenait la bride de la monture,
le bras lui-même restant collé au corps. Il était barbu; nn

ample manteau flottait sur ses épaules. Quel geste faisait la
main droite ~ Nous l'ignorons. Quant au monstre anguipède,
unissant les formes d'un homme par devant à celles de deux
serpents par derrière, il soutenait de ses épaules Jes patles
antérieures d'un cheval (2). Un fragment d'une statue de ce

(i) Qu'on ne cherche pas dans . ces pages un catalogue; on n'y
trouvera qu'une série de courtes notes descriptives et explicatives sur '
les principaux objets, li l'exclusion de la préhistoire.
(2) J. Trévédy, Les anguipèdes bretons) dans les Jlfémoires de l'Asso­
ciation bretonne, 1888. Cf. Em. Espérandieu~ Bas-relie(s, statues et
~ustes q,e Ill- Ga1l1e romaine, t. IV, p. 159-161.

genre, moins grand, mais moins dégradé, est · conservé au
château de Keraval en Plomelin, sur la rive droite de l'Odet,

au sud de Quimper. Un troisième existe à Saint-Mathieu
près de Plouaret, dans les Côtes-dll-Nord. Nul doute qu'ils
ne se rapportent tous trois à l'époque gallo- romaine, proba­
blement au lIe ou ,m" siècle. Mais que veut dire ce groupe ~

Hors de Bretagne on en a découvert un grand nombre de
spécimens dans la région du Rhin et de la Moselle, en
général dans le nord-est de l'ancienne Gaule (1). La plupart
sont plus petits que celui de Quimper. Beaucoup étaient
posés au sommet d'une colonne dont le soubassement
montrait des figures de dieux et de déesses (2). Le groupe
avait donc un,e signification religieuse. En tout cas, il ne com-

mémorait pas, quoi qu'on ait dit"la victoire d'un empereur
sur les Germains, car, alors, comment expliquer la vogue

dont le cavalier etl'anguipède jouissaient dans la partie occi-

dentale de l'Armorique ~ Il faut nécessairement supposer des
traditions communes aux populations des deux grandes

régions où se localisent ces statues. Aussi bien M. Jullian
a-t-il soutenu que l'extrémité de l'Armorique, surtout près
des côtes, fut occupée, au lUe siècle avant notre ère, par des
hommes de race belge qui se mêlèrent aux populations

primitives (3). Notre conjecture s'accorderait parfaitement

avec cette opinion. Le cavalier barbu représenterait le dieu-
soleil ou plutôt, dans la statue de Quimper, quelque Tarannis,
Jupiter d'origine belge, dieu du tonnerre accommodé sans trop
(1.) Les plus occirlenlaux et méridionaux (et encore, ce sont des
isolés) se trouvent l'un à Meaux, l'autre dans la Nièvre. (Em. Espéran­
dieu, op. cit. t. III, p. 140-1.44 et 266).
(2) 'Ibidem, t. IH, IV, V, VI, VII. Voir surtout (t. V, p. 452-458) le
beau monument de Merten et ,t. V, p. 1.34-1.36) celui de Portieux.
(3) Histoire de la Gaule, t l, p. 323 et t. II, p. 488. Le pays des
Bedons aurait, lui, subi une influence purement celtique, tandis que ce
sel'aientles Belges qui auraient le plus contribué 4 faire de ce que nou s.
appelons Basse-Breta~ne qne terre gallioise,

de difficulté aux idées romaines (1). L'anguipède serait, soit
le mal ou la nuit, soit, à l'origine, quelque divinité inférieure
dont le dieu du tonnerre triomphe et · qu'il abat: figuration

d'un mythe venu sans doute du plus lointain des âges, legs

fidèlement transmis de génération 'en . génér'ation par les

Belges établis loin d~ leurs frères de race dans le pays des

Osismes. .

Pénétrons dans le musée et tournons à gauche. Dans la salle

. basse,. dès l'abord, les yeux sont attirés par un écJatant vitrail

provenant de la 'chapelle Saint-Exupère de Dinéault. Il porte

la marque de la Renaissance avancée et ne doit guère être

antédeur à-1560. Au centre, la Vierge assise tient sur le genou

droit l'EnfaQt Jésu;; qui incline doucement le corps en côté

comme pour offrir une corbeille de fruits à quelque person-

nage invisible. Dans le panneau de gauche, sainte Marie-

Madeleine, 'patronne de la paroisse, leur tend un ' vase de

parfums. A droite, un saint évêque présente un chevalier

agenouillé. Dans les soufflets inférieurs du tympan, des

mains, ' sortant de nuages, tiennent des écus armoriés sus-

pendus à des banderolles. Un troisième écu, porté par deux

anges , et timbré des instruments de la Passion; ' décore le

soufflet supérieur. L'éVêque est saint Exupère (en breton sant

Ispar); le chevalier; vêtu de l'armure .à cuissards et jambières,

est un Kersauson, peut-être Jean de Kersauson qui, en 1562,

possédait la seigneurie de Rosarnou en Dinéault (2 ). Les

médaillons à bustes du soubassement, 'le riche fauteuil de la
Vierge, les niches à coquilles des trois compartiments, les

pompeux arcs de triomphe qui les surmontent, tout accuse

une' profonde 'influence italienne. En face de cette Vierge et

(1.) Le cavalier d'un groupe découvert en 1.908 près de Saverne
brandissait un foudre de fer qu'on a retrouvé (Espérandieu, op. cit.,
t. VU, p. 241.), Parfois le cavalier porte une roue, .dans quel cas il doit
symboliser le dieu-soleil.
(2) Chanoines Peyron et Abgrail, Notices sur les paroisses, t. III, p. 40 .

de cet Enfant il est impossible de ne pas évoquer le souvenir

VITRAIL DE DINEAULT AU MUSEE

de certaines madones milanaises. L'attitude et le costume de
la Mère, la pose de l'Enfant, sinon son geste, sont les mêmes

que dans la charmante peinture de Bernardino Luini dite la

Madone au berceau de roses, qu'on voit au musée Brera à
Milan. On aimerait savoir dans quelles conditions fut exécuté
ce vitrail. Seuls les binious ' dont jouent les anges musiciens
nous prouvent qu'il a bien été fait en Bretagne. Mais par qui ~
Nettement à part entre tous les vitraux produits par l'art
local, il s'offre à nous comme une énigme.
Tout au contraire, le tombeau posé au centre de la salle
appartient sans réserve à l'art breton. Il porte une statue de

. gisant, celle d'Yves du Parc, gouverneur du château du
Taureall près de Morlaix, mort en 1640. Dans son beau livre
sur l'A rt religieux à la fin du Moyen-Age, M. Mâle indique la
statue tombale du ' connétable Anne de Montmorency, mort
en 1567, comme· un des derniers ( gisants)) qui aient été
sculptés en France. Il oubliait la Bretagrie, si soucieuse
pourtant de toutes les choses de la mort et de l'au-delà. Nous

y pourrions citer plusieurs tombeaux conçus comme celui
d'Yves du Parc et datant comme lui du XVIIe siècle (1). Sans
quitter Quimper, nous en verrons un second dans une autre
salle du musée .

Dans celle où nous sommES il reste à admirer la façade à

pans de bois d'une maison située naguère en face de l'évêché . .
Traverses et montants, tout est sculpté. Sur la partie supé­
rieure des montants se trouvent de petites statuettes d'horn:" .
mes, de femmes, d'animaux fantastiques, traitées avec beau-

coup de verve. Combien il est fâcheux que nous ne puissions
plus contempler cette riche façade à sa vraie place, sur la
maison qu'elle paraît et qu'on aurait dû respecter! (2) .

(i) Le plus beau est celui de Guillaume de RosmaJec (mort en 1608)
. dans la chapelle de Notre·Dame de la Cour en Lantic (Côtes-du-Nord).
, (~) Xavier de Maistre, de passage par Quimper, en avait pris un croquis
(Fureteur breton) 1. VIII, 1.91.3, p. 228). Cf. Taylor et Nodier, Voyages
pittoresques et romantiques, i840, t. II, p. 31. 7 -320. .

Le vestibule, où il faut revenir, renferme une pierre

milliaire trouvée à Kerscao, en Kernilis, près ' de TAber-
wrac'h. Les huit premières lignes de l'inscription qu'elle

porte se lisent ainsi : Ti[berius] Claudius, Drusi filius, CêEsar .
Aug[ustus] Germanicus, pontifex maxim[us], tribunicia pot[es'"

tate] [V], imp[erator] XI, p[ater]p[atriée] co[n]s[ul] III, designa-
tus IIII. La neuvième:
V 0 R GAN M P V ...
(Vorgan[ium], m[illia] p[assuum] V) a donné lieu à bien des
controverses,. Sans entrer ' dans les détails il vaut la peine

d'exposer sommairement la question et de proposer une
hypothèse (1).
Faut-il lire un V ou · un X ~ Dans le premier cas, Vo/'­
gan[inm] devrait être cherché du côté occidental de la voie;

dans le second il devrait être cherché du côté opposé. Or, de .
ce côté, la voie passe par Carhaix, et il est indiscutable, d'une
part que Carhaix, à l'époque romaine, s'appelait Vorgium ou
peut-être aussi, du moins dans les premiers temps, Vorga-
. nium, d'autre part que ce Vorgium ou Vorganium était le chef­
lieu de la cité des Osismes. S'il était prouvé que les deux noms,

Vorgan[ium] de la borne et Vorgium, désignent la même ville.
il faudrait donc lire un X et le compléter par LVII pour obte­
nir le chiffre XLVII, exprimant la distance en milles romains

de Km'scao à Carhaix. Mais la forme Vorgan[ium] ne se ren-
contre avec certitude que sur cette l)ûrne (.2). D'autre part les
distances étaient-elles toujours, sans aucune exception, comp-

tées à partir des chefs-lieux de cités ~ Supposé au contraire

(1) Voir la bibliographie du sujet dans Seymour de Ricci., Répertoire
épigraphique de la Bretagne occidentale (Mémoires de la Société d'Emu­
lation des Côtes-du-Nord, i897, p. 244). DesjardlOs (Géographie de la
Gaule" romaine, t. IV, ' p. 1'79 et 180 et pl. 'XI) donne un estampage de
l'inscription. .'
(2) Dans Ptolémée,. c'e~t bien 'Ouorgion et non Ouorganion qui est
indiqué comme chef-)ieudes Oslsmes. Voir à ce propos les Neue Heidp,l­
berger Iahrbücher, 189!, p. i-36.

qulil n'y ait pas moyen de lire autre chose qu'un 'V, Vorga­
n[ium] ne se confond certainement pas avec Vorgium ; par
suite la localité nommée se trouvait sur le bord de la mer. Où ~

Les archéologues, espèrons-le, nous le-diront un jour. En
attendant il n'est pas po'ssible, à la lecture, de décider sans
recoùrs si la lettre en question est un X 0U un V.
Dàns tous les cas on a eu tort de ne pas considérer la date de
la borne: l'an 45 de notre ère. Depuis deux ans les Romains
étaient en Bretagne. Si la lutte n'avait pas été très dure, l'expé­
dition n'en avait pas muins été très importante. Elle se pour-

suivait pour la soumission de tout le pays. N'avons-nous
pas le droit de présumer que la voie fut ouverte à l'occasion de
cette entreprise ~ Et pourquoi l'ouvrir à ce moment si elle
ne menait pas à un port dont les troupes avaient besoin} Le

nom du prince est au nominatif dans' l'inscription, usage qui

distingue en général les voies impériales de celles dont les
cités faisaient les frais. Si la distance n'est pas comptée à par­
tir du ctIef-lieu des Osismes, c'est que la cité ne contribua pas
au travail. De cette manière~ la réalité d'un Vorganium dis- .

tinctde Vorgium reste croyable. 'Au surplus, les deux mots,
semblent signifier l'un et l'autre " lieu fortifié", le premier
comportant en plus, par rapport au deuxième, le sens d'un

diminutif (1). Vorganium, port de la cité des Osismes, aurait
été, soit créé, soit tout simplement développé et utilisé au

cours de la conquête de la Bretagne, pour les communications
des troupes opérant dans l'ouest de l'île (2).
Mais pou.rsuivons notre visite. Dans la troisième salle on

s'est efforcé de reconstituer, aussi exactement que possible,

. (1.) R. Mowat, La station de Vorgium, p. 6 (extrait de la Revue archéo-
logique; 1874). .
(2) Plusieurs travaux de voirie du règne de Claude, dans d'autres
régions de la France, se rattachent à cette conquête, surtout en Norman­
pie e~ dans le Jura (Notes gallo-romaines par C. Jullian, dans la Revue
des Etudes anciennes; 1.91.9, p. 2H et 212). La borne du Manoir, entre
Bayeux et Vieux, est de l'an Ml, comme celle de Kerscao .

un intérieur rural breton. Dans la quatrième a été posé un
vitrail de la Pa~sion, datant du XVIO siècle ét pr6v'éhant de
Langolen près de Quimper, œuvre d'un art sincère, vigou­
reuX et sauvage. Parmi les objets les plus remarquables de
cette partie du musée~ citons, en premier lieu une frise de
bois. provenant de l'ossuaire de Guimiliau, sculptée avec une
grande adresse et une rare sùrelé de main, en second lieu une
sorte de médaillon ou ' vaste clef de voùte également de bois,
sculpté et peint, qui représente la Sainte-Trinité entourée de .

petits anges musiciens. Le Père et le Fils. assis côte à côte, .
tiennent, le premier le globe du monde, le second un livre
ouvert. Au-dessus plane la colombe du Saint-Esprit. Les gra­
cieux anges du pourtour ont un air de famille très marqué
avec ceux des portails de la cathédrale, surtout du portail de
sainte Catherine. Du reste, c'est à la cathédrale qu'appartenait
jadis ce médaillon, dû à un artiste du xv

siècle. Nous regret-
. tons d'ignorer le nom de cet artiste. Il était doué d'un talent
incon testable.

Des meubles bretons garnissent cette même salle de divers
côtés. Plusieurs remontent à la fin du XVIe siècle ou à la pre-

mière moHié du XVIl.

Outre leur valeur propre ils présentent
cet intérêt de témoigner, par leur ornementation, de la per-

sistanceen Bretagne des motifs flamboyants.
La dernière salle du rez-de-chaussée contient des tombes
plates ou en ronde-bosse, d'un dessin peu soigné, et une statue

tombale de 16[2, couchée sur un soubassement du Xv

siècle .

La statue gisante, mieux travaillée que celle d'Yves du Parc,
est celle de François du Châtel, seigneur de Châteaugal en

Landeleau. Du reste, en dépit du lion, que le sc'111pteur, tenant
aux traditions, lui a mis sous les pieds, c'était un guerrier assez

peu' valeureux (1). Le soubassement se composé de fragments

(1) En 1590 il1aiss3 smprcndre pal' les l'O)'iI UX Qnimpedé, dont il était
capilaine pour la Ligu f.', et s'enfui l pi Ll'USl'flJ..'n t.

des tombes des

eveques Gatien de Monceaux (ll~o8 - 1416) et
Alain de Lespervez (1444-1 451 , mort en

1455) (1). Quant aux

MEDAILLON DE LA TRINITE AU MUSEE

cb.apiteaux romans exposés sur les saillies des murs, ils pro­
viennent de l'église Sainte':'Croix de Quimperlé. Sur l'un d'entre

Celle d' Ala in de Lespervcz était aux Cordeliers.

eux se détache la svelte silhouette de deux oiseaux fantas-
tiques, d'une allure toute orientale, buvant tous deux au même
vase. Près de la porte qui donne sur l'escalier se. remarque,
transformé en bénitier, le chapiteau qu'on peut considérer
comme le seul vestige de la cathédrale romane de Quimper .

Au premier étage, la salle synodale conserve une série de
portraits d'évêques, peints, sans beaucoup d'originalité, par
un artiste vannetais du XVIIIe siècle, Lhermitais. Parmi les
pièces exposées, il en est une très curieuse. c'est la reconsti­
tution en relief s'ur bois de l'ancien couvent des Cordeliers .

L'auteur de cette reconstitution, M. Bodereau, membre de la
société archéologique du Finistère, travaillant avec le soin le
plus scrupuleux, d'après des documents d'archives et des des- .
sins, a fait revivre tout un quartier du Quimper d'autrefois.
. Il Y .a bien des choses à voir dans les autres salles. L'esca-

lier, à lui seul, mériterait qu'on en fit l'ascension jusqu'au
. sommet. Il est couvert d'un plafond circulairè de bois soutenu
par des nervures qui rayonnent autour d'un poteau central
comme des branches qui jailliraient d'un tronc d'arbre. Une

ornementation d'une amusante fantaisie garnit le poteau et la

corniche du plafond. Dans les deux salles d'en haut subsistent
des cheminées du début du XVIe siècle. Il n'y a pas longtemps
qu'on y distinguait encore, entre les vilains plâtras des murs,
quelques dessins burlesques ou obscènes tracés par les sou-
dards de la Ligue. .
La ville de Quimper possède un autre musée, municipal et
plus ancien que celui de l'évêché. Il y existe une galerie de pein­
ture comprenant un certain nom. bre de bonnes toiles qu'il n'y a
pas lieu d'énumérer et d'étudier ici. Du point de vue archéolo- .
gique breton, on notera avant tout les costumes anciens, recueil- .
lis en différents cantons de la Cornouaille et du Vannetais et
présentés, un peu artificiellement, dans une scène de noce.
Le fond de la scène est formé par une sorte de petit porche

qui reproduit en partie l'ossuaire détruit de la cathédrale.

. L'ÉGLISE SAINT-MATHIEU

L'église ~aint-l\1athieu, construite de 1894 à '1896, à succédé

à un édifice gothique qui avait lui-même succédé à un édifice

roman. L'église gothique, consacrée le 28 octobre 1514, pos-

sèdait un grand vitrail de la Passion qu'on a conservé (1 ).

Il comprend dix scènes: Agonie au jardin, Baiser de Judas,

Comparution devant CèlÏphe, Flagellation. Couronnement

d'épines, Condamnation par Pilate, Portement de croix, Cru-
cifiement. Mise au tombeau, Résurrection, le tout ' disposé
dans une grande fenêtre à cinq divisions dont le Crucifiement
occupe à lui seul trois sur les deux tiers de la hauteur. Un dais

conçu dans le style de la Renaissance domine chaque scène .

L'Agonie et le Baiser de Judas ont été refaits d'après un vitrail
d'Ergué-Gabéric. Le panneau central du Crucifiement a été
lui aussi refait, du reste avec soin, sur le modèle d'un vitrail
de Tourc'h. Dans le soumet supérieur du tympan, le Père
Éternel, en tiare et chape, bénit de la main droite et, de la
main gauche, soutient le globe du monde. PIns bas, les autres
soumets montrent les instruments de la Passion et des

armOIrIes .

Tout porte à supposer que ce vitrail provient du même

atelier que celui de Tourc'h, avec celte réserve qu'à Tourc'h
n'existe que le Crucifiement. Il y eut d'ailleurs, à Quimper,
aux Xy

et XYl

siècles, surtout au XVIe, une école florissante
d~ .peintres verriers qui a laissé des œuvres nombreuses, rel a-

tivement variées, et dont quelques-unes, à Plogonnec, à
Gouézec, à Pleyben, à La ' Roche- Maurice, sont de premier
ordre. Nous savons le nom d'un verrier qui travaillait à la,

cathédrale en 1417-1419, Jean Soyer, dit Jamin, chef d'une

(-1) L'Église Sainh}!ath-ieu de Quimper par l'abbé Abgrall dans le
Bulletin de la Société archéol., du Finistére, t. XX, 1893, p. 1.98-2' 00 .

famille de peintres qu'on retrouve jusqu'en 15ILl. Le Men en
a cité plusfeurs aütres dans sa Monographie, mais s'ans pou- ,
voir leur attribuer d'œuvres bien déterminées. Au xVI~ siècle
leurinfluence rayonnait sur un territoire étendu,jusqu'à l'Elorn
et aux montagnes d'Arrée vers le nord. Ce fut un Quimpérois,
Gilles Le Sodee, qui reçut en 1543 la commande d'un vitrail
des douze apôtres pour l'église pqroissiale de Brasparts (J).

Du côté de l'est ils se trouvaient en concUrrénce avec l'école
moins importante mais active du Faouët et de Quimperlé.
Cependant ils formaient une des trois grandes écoles breton­
nes, les deux autres étant celles de Tréguier et de Rennes (2).

~a beauté de leurs vitraux leur avait valu une distinction
flatteuse: ils faisaient partie à titre honoraire de la corporation
des peintres-verriers de Paris. .
Dans l'ordonnance générale, le vitrail de Saint-Mathieu
rappelle beaucoup celui de La Roche-Maurice, daté de 1529,
et qui raconte la fin de la vie du Sauveur depuis l'entrée à

Jérusalem. En dépit de l'opinion de Palustre (3 , l'original est
évidemment à La Roche. Le vitrail de Quimper témoigne d'un
certainprogrès. Des soldats, au pied de la croix, se disptitent.
le couteau à la main et, mettent en lambeaux les vêtements
du Crucifié. détail qui manque à La Roche. A Saint-Mathieu,

la présence de dais donne aussi plus d'harmonie et de régu-
larité à la composition. Le Sauveur attire davantage le rega'rd,

il apparaît vraiment comme le personnage es?entiel. Enfin,
nous l'avons noté, les dais y sont nettement de la Renaissanée.
Or l'influence de la Renaissance, sensible dans la région dès
1516, ne s'y affirme guère avant 1548. Assurément la peinture
sur verre, grâce aux verriers italiens du pays nantais, la mani-
(1) Bullet'in de la Société archéol. du Finistère) t XXIC 1.895, p. 320.
Ce vitrail n'existe plus.
(2) A. A ndré, De la verrerie et des vitraux peints dans l'ancienne
province de Bretagne, 1.878, p. 1.88-1.95. .

(3) La Rena~ssance en Françe) t. 11(, p. 68-69.

resta plus tôt que ne fit l'architecture elle-même. Mais le vitrail
de Tourc'h n'étant pas antérieur à 1550, celui de Saint-Mathieu
pourrait être attribué à la période 1550- 1560 .
L'ÉGLISE DE LOCMARIA

Historique. ' Les évêques de Quimper, avant de pénétrer
pour la première fois dans leur ville et de prendre possession
de leur siège, passaient une nuit au prieuré de Locmaria.
C'est de là que, le lendemain, quatre puissants seigneurs
cornouaillais portaient le nouveau prélat sur leurs épaules,
comme en triomphe, jusqu'au chœur de la cathédrale. Cet
usage n'était-il pas une commémoration symbolique, devenue
peu à peu inconsciente, du transfert de l'évêché d'Aquilonia-

Corisopitum à Kemper ~ On ne peu t s'interdire de poser la

question. Si ' réellement il existait avant saint Corentin un
êvêque des Corisopites, cet évêque avait une cathédrale, si
petite fût-elle, et cette cathédrale devait s'élever à Corisopitum, .
c'est-à-dire à Locmaria (1). Quand, vers l'année 500, les Bretons
eurent fixé le siège ecclésiastique plus en amont, au confluent,

des moines s'installèrent-ils à leur tour dans les ruines de la
petite ville abandonnée (2) .~ Cela non plus n'est pas impOssible .

Mais, quatre siècles après, le formidable flot de l'invasion
ilOrmande surgit, emportant tout. .
En somme, nous ne savons rien de positif sur le monastère

antérieurement au XIe siècle. Peu après l'an mil, de toute façon
avant 1022, l'évêque Benoît (Benedictus ou Binidic), fit don à

(1) Sur les origines ecclésiastiques de l'Armorique, voir L. Duchesne,
Fastes épiscopaux, 2

édit., t. II, p. 246·266 et 370-370 .
. (2) Cf. supra, p. 28. Dans cette hypothèse, Corisopitum aurait, dans
la langue des clercs, repris son vieux. nom d'Aquilonia, celui de Coriso­
pitum s'appliquant désormais à Kemper. C'est ainsi que le nom de LulècA
ne Iut jamais oublié à Paris,.bien qu'il n'y eût pas eu déplacement.

89 _0

Notre-Dame d'Aquilonia (Sancte Marie in Aquilonia civitate),
du tiers de la paroisse de Gourlizon et d'un terrain assez vaste
s'étendant, autour de l'église; jusqu'au bord de l'Odet ,CI) .

Cette donation a tout l'air d'une constitution de temporel, de
quoi l'on peut inférer que le monastère venait d'être créé ou

rétabli depuis peu. Il n'y aurait donc dans l'église aucune
partie remontant au-delà de l'épiscopat de Benoît. '

Un bien singulier et peu recommandable personnage que ce
Benoît, exemplaire trop parfait dù haut clergé féodal. D'abord,

,ce semble, comte de Cornouaille, poussé dans les ordres par

l'amour immodéré des biens d'église, il avait pris femme et
fondé une famille : l'évêchépourluiétaitun patrimoine.En 1022,

on ne sait pour quel motif, il se retira des affaires. De ses detix
fils,l'un, Alain Caignart (bellator fortis), reçut le comté, l'autre,
Orscand, l'évêché. En qualité d'évêque. Orscand devint ainsi
seigneur de Locmaria. Mais, comme son père, il était marié. Un
jour, à la cathédrale, Sil femme refusa de se lever devant sa belle­
sœur, épouse d'Alain. Grand scandale ! Locmaria servitderan­
çon. L'évêque dut en céderla seigneurie au comte (2). Le monas-

tère, d'ailleurs. n'y perdit rien ;.Alain se montra fort généreux.
Une querelle de femmes avait déCidé d!..l sorl de la vénérable
abbaye. Les ducs de Bretagne, succédant aux droits des comtes
de Cornouaille. la recueillirent, en purent disposer. En II 24
Comin III l'unit comme simple prieuré à l'abbaye d~ SaÎnt­
Sulpice de Rennes. Primitivement- elle comprenait une double

communauté: religieux et religieuses. Bientôt les religieuses

dominèrent. Au XIVe siècle, la communauté d'hommès ayant
disparu, le prieur n'était plus qu'une sorte d'aumônier- (3) .

(1) Chartes inédites de Locmaria de Quimper publiées par A. de La
Borderie dans le Bulletin de la Société arclu!ol: dit Finistère, t. XXIV,
i897, p. 96-113. ,
(2) Cartulaire de Quimper, publié par le chanoine Peyron, p. 4" 7,4,4 . .
(3)' Chanoine Peyron, Origines de Locmaria) dans le Bulletin de ,la
Société archéol. du Finistère, t, ' XVII, 1890, p. 101-106.

~l~n. . D~, l'église que cOllnur~,J)t B.enoît, Alain Caignar,t
... , r, .r·' 1 r. .
el Orscand. l~ nef seule, 'avec ses bas-côtés, a été conservée. La

d~sposi!i9Çl, primitive de l'ensemble. nQ'-lS est inconnue. Aujour- .
d'JlUi la nef est prolongée par un transept et une abside en

hém.içycle fl~nq\lée de deux absidioles qui s'ouvrent chacune

sur uri des croisillons.

térienr. . L'intérieur, d'un~ extrême simplicité, produit

. né~nmoins une belle impression. Nulle voûte; seulement

~es la~bris de bois. Rien ne révèle l'influence poitevine qui

d,evait se fai.re sentir fortement en Bretagne au XII" siècle.

La !lef, éclairé.epar des fenêtres hautes ébrasées sans
moulures, compte six travées, les bas-côtés n'en compta,nt,

eux, qu. c cinq, parce que les fenêtres, ébrasées comme celles

de la nef, n'y sont pas dans les axes des arcades. Les arcades

en plein-cintre sans ressaut ,retombent sur des piles· de plan

rectangulaire, qui offrent dans leur appareil deux particula-

ri, tés rappelant , l'art ca,rolingien : d'une part l'alternance

d'assises basse.s et d'assises hautes, d'autre part la préseI1ce

de pier~es four~ées verticalement dans la maçonnerie. Le

tailloir, ou plutôt l'imposte, puisqu'il n'y a pas de chapiteaux,

se c?mpose d'un filet et d'un bisea~l, et, face à la nef et aux
collatéraux, se confond dans la masse d'une sorte de pilastre

saillao., t sur la pile . . Au-dessous de l'imposte, le, plan des piles

se trouve ainsi cruciforme. Une ordonnance analogue se
voit, non loin de Quimper, à la chapelle çl~ Pergllet en

B .éno_~et, pl~,srécente que l'église de Locmaria; mais, à Perguet,

la saillie de l'imposte supporte une petite colonne trapue,

engagée dans le mur et recevant la retombée des fausses
arcades .. ~ Locmaria rien n'indique qu'on ait prévu une
d,i~pqs!tio~ de ce g~nre. Si l'on vO,nIait caractériser d'une

formule cette nef, on pourrait dire que c'est une co.nstruction

. . romane où s'accusent encore des traditions carolingiem,l~~ .

Au-delà de la dernière arcade, une poutre de gloire

PLAN

- -- ' -,:::jfi
________ oao _

5.1d
Relevé cle M. Bigot .
DE L'ÉGLISE DE LOCMARIA

(1 ) Vers 1020.
(2) Fin XIe siècle ou

débutXII'(iB4)?
(3) XV, siècle.
(4) Restitution.

traverse la nef en avant des piliers du transept. Elle supporte,

au centre, un Christ vêtu d'une longue robe rouge, qui est la

reproduction d'une statue de bois du XVIe siècle. L'usage
d'habiller le Christ en croix, abandonné dans le reste ' de la

France au début de la période gothiqu. e, se maintint très

longtemps en Bretagne, au moins jusqu'au plein épanouisse- .
ment de l'art de la Renaissance.
C'est aux dernières a.nnées du XIe siècle ou aux premières

du XIIe qu'appartient probablement le transept. Au plus tard

il peut dater de l'union à Saint-Sulpice (1124), On ne saurait
en tout ca~ le considérer comme -contemporain de la nef.
Tout y dénonce un art plus avancé,pareil, avec une déco­
ration plus simple, à celui de l'abside de Sainte-Croix de
Quimperlé, qui date de vers 1085. Quatre grands arcs à
double rang de claveaux délimitent le carré. L'arc septen­
trional est en tiers-point parce qu'il a été refait, avec la pile

nord-ouest, sans doute au xv

siècle. Les piles, sauf celle du

nord-ouest, constituée par un gros massif cylindrique, pré-:-
sentent, aux angles, des ressauts et, sur les faces, une

colonne. Les chapiteaux, passablement retaillés pour 'la
plupart, ont des 'volutes et des feuillages simples .

Le carré du transept, recouvert aujourd'hui d'un plafond
de bois, devait être autrefois éclairé d'en haut par la tour-

lanterne, comme c'était l'usage en Normandie (1). Au xvn

(t) On trouve la même disposition dans beaucoup d'églises bretonnes,
à Kernitron près deLanmeur. à Merle\enez, à Rosporden, à Fouesnant,
à Guingamp, au Creisker, à Kerinec (où le clocher prévu n'a pas été bâti),
à Tréguier, à Pont-Croix, à Bedon. A Plogonnec on détruisit en 1721
quatre gros piliers 'qui, devant le chœur, « soutenaient autrefois l'an­
cieime tour » (délib8ration du général de la paroisse, dans Bulletin de
la Société archéol. du Finistère, t. XXVlI, 1900, p. 37). Ces tours
centrales n'étaient peut être pas toutes de véritables tours-lanternes, mais
les plus ancienne~ se trouvent sur des monuments où se manif~ste aussi

d'autre façon l'influence normande (surtout Kernitron, Merlevenez, Ros-
porden

. le Creisktl·.

siècle, la to.ur menaçant ruine, o.n bâtit po.ur la so.utenir un
mur de refend qui bo.ucha l'arcade sud, séparant ainsi le
cro.isillo.n du reste de l'église. Le cro.isillo.n du no.rd avait été
déjà mutilé au Xv

siècle. To.us deux o.nt été l'o.bjet, à partir
de 1866, de restaurations impo.rtantes qui hmr o.nt rendu leur

aspect primitif. Au fo.nd se superpo.sent deux rangs de deux

fenêtres ébràsées sans mo.ulure ; une archivo.lte nue, repo.sant
sur de hautes co.lo.nnes engagées qui partent de fo.nd, encadre
chacune des fenêtres supérieures. De fausses arcades, égale-

ment nues, garnissent le mur o.uest:

L'abside, démo.lie au XVIIe sièclé po.ur faire place à un. e

co.nstructio.n plus vaste, mais sans caractère, a été refaite
dans le style .. du transept. Par un heureux hasard, les
substructio.ns ro.manes, retro.uvées avec les arrachements des

Co.lo.nnes, permirent de travailler presque à Co.up sûr. 1'absi-

dio.le sud, restitutio.nmo.derne elle aussi, a été co.piée sur
celle du no.rd (T). .

. Extérieur. L'extérieur répo.nd par sa pauvreté à la
grande simplicité de l'intérieur. La façade, épaulée par quatre
co.ntrefo.rts, reflète l'éco.no.mie générale de la co.nstructio.n. Le
po.rche, bas et très saillant, s'o.uvre, et sur la place et sur
l'église, par des portes flambo.yantes en plein cintre. La fe­
nêtre percée au-dessus est du même style que lui, c'est-à-dire

de la fin du xv

siècle.
Antérieurement à cette épo.que, le po.rtail se co.mpo.sait de

deux baies ro.manes en plein cintre, d'un seul ro.uleau, to.utes
deux de même largeur et dont, à l'intérieur, o.n distingue

enco.re les claveaux. Il existait aussi une o.uverture . à l'extré- .

mité du bas-co.té rio.rd et une autre à la troisième travée de
ce bas-côté (2).

~ i) Archives du Finistère, série T. (Monuments historiques).
(2) Le petit saint Pierre juché à l'~ngle du bas-côté nord provient
d'un calvaire démoli.

L~Ei ml,1rS la\éraux de la nef et des bas-côtés son t b~tis en

pet~t appa~eil, avec, par places, quelques fragments de briques,

~a façade~ au con~raire, est faite c:1e moyen appareil..Ne doit-on
pas la cr?ire plus récen~e que lel? rr:turs latéraux, contempo­
raine, par exemple, du transept ~t du chœur ~ De même p.our

~es contreforts : appar~iennent-ils à la même campagne de

construction que les murs laté~aux ~ En réalité rien ne nous
impose le dO, l,lte. ~a ~ifférence d'appareil ne prouve rien, car
les régions d, e l'ouest de la :frap, ce restèrept parfois fidèles an
petit appareil jusqu'assez avant ~ans le XIe siècle. C'est ainsi

qu'un exemple très net s'en r~marque à la façade .de la cathé-

. draIe du ~1ans sur des murs qui nedoivent pas être antérieurs
à 1060. Aussi bi~n n'oublions pas qu'il existait à Locmaria
des r.uines romaines dont les matériaux ont pu être utilisés .
Ils f~rent utilisé, s parce qu'on les avait sous la main, non
sy'stématiqueme~l; c'est pou~qu ?i les membres d. e l'~difice .

qui devaient être les mieux et les plus sqli,deme~t traités

furent construits en moyen appareil, les pierres tirées des

ruines ne servant en quelque sorte que de « tissu conjonctif».
D'autre part les contreforts sont de simples pilastres peu sail­
lants, terminés carrément, s~ns glacis, bref, tels qu'on en

peut trouver dans le premier tiers du XI~ siècle. Remarquons
les encadrements des fenêtres. Là aussi nous trouvons le
moyen appareil, d~ 'mên1e, au surplus, qu'à l'intérieur de la
nef, dans la maçonnerie des arcades~ Refaire après coup

toutes les fenêtres, tous les con treforts, tou tes les arcades,
c'était, . e'n somme, refaire . toute l'église. Qu'il y ait eu,

postérieurement à la construction, des réparations, des rema-
niements, des consolidations, c'est t.rop clair; de prétendre
qu'il y eut davantage, c'est aller trop loin .
La 'touf, trapue et · carrée, est surmontée d'une · flèche
massive, faite de charpente. L'aspect ancien en a été modifié

a,u xv

siècle pÇl.r la réfection des fenêtres sur les faces ouest

et nord, mais on le retrouve intact à l'est et al,l . s~ld : il

95 0 -

comporte deux fenêtres qui se composent de deux petites

arcades géminée~, séparées par , une colonnette et encadrées

par un simple arc de décharge; au-dessous, trois arcs noyés
dans la maçonnerie correspondent à des arcatures v'isiblesà
l'intérieur au-dessus des arcades du carré du trans'ept ; tout.e-

fois il n'est pas probable que la tour lanterne ait jamais pris

jour par des baies ouvertes là.

obilier. - A es. - Dans le bas- côté nord, l'église

de Locmaria posséde des tombes plates, très usées, d'une
facture grossière. La moins détériorée présente sous une

arcade trilobée l'effigie d'un prêtre revêtu 'de ses ornements

sacerdotaux. Les armoiries gravées des de~1X côtés et , au-

dessous de l'effigie et l'inscription mise en bordure révèlent

le nom et la qualité du défunt: Hic jacet magister A/anus de

Penlu, prior de Loco Marie, qui obiit die vicesima VlI junii

anno Dni MCCCC vicesimo III (Alain de Pennelé, prieur de
Locm;:tria t 27 juin 1/123). Près des fonts baptismaux une
autre pierre tombale, qui remonte à 1302, doit être celle d'une

prieure: les pieds reposent sur un lévrier; la tête est encadrée
pal' une arcade trilobée qu'entourent deux anges agenouillés,
balançant chacun un encensoir. Le hénitiei' placé tout à côté
paraît être du XVIe siècle. Les fonts baptismaux sont plus dif-

ficiles à dater; la cuve affecte la forme d'un tronc de pyramidè

octogonale renversé, posé sur un socle à huit pans très bas.

Vers 18So on distinguait dans le bas-côté sud, à droite' de

la porte du jardin, un petit fragment d'ancienne peinture

murale de teinte jaune, représentant de la ,décoration végé, -

laIe (1). Toutes les parois qui sont à présent recouvertes ,d'un

badigeon blanc devaient être ainsi décorées durant tout le
Moyen-âge.

({) Le Goyee, Quelques observations faites dans r église de LQcmaria,
dans le Bulletin de la Société archéol. du Finistère, t. X, 1883, p. 328-336.

Dans le jardin subsistent trois arcades à moitié enterrées,
restes d'un cloître du début du XIIIe siècle ou plutôt de la salle

capitulaire qui s'ouvrait sur la galerie orientale du cloître. Les

.arcades de style classique, adossées à la muraille même de
l'église et sous lesquelles gisent pêle-mêle une vieille croix
romane, des fragments de pierres tombales et des statues,
datent du 'XVII

siècle, Elles appartiennent au mêmeensemble
que les bâtiments du prieuré, reconstruits vers 1630, ' et qui,

vus de la place, font à l'antique sanctuaire un cadre majestueux .

LES VIEILLES MAISONS

L'élégante maison dont la façade à pans de bois est conser­
vée au muséè archéologique devait être, par la richesse de ses

sculptures, unique à Quimper. Cependant la ville avait très bon
air. Dubuisson-Aubenay, qui la visita eri 1636, n'hésitait pas
pas à le déclarer: " Les maisons" écrivait-il. " sont toutes

de pierre grisonne tirée ès environs, et couvertes d'ardoise,

ce qui rend la ville fort agréable" (1). C'était aussi l'avis de
Toussaint de Saint- Luc, qui, une trentaine d'années plus tard,
avouait qu' " il n'y a que son éloignement de Pat'is qui la
puisse faire servir de peine aux exilés de la cour" (2). Nous
pouvons très bien nous figurer ce qu'était Quimper à ce
moment, car peu de villes, en France, ont gardé autapt de
demeures anciennes. Dans l'impossibilité de les décrire toutes,
nous allons passer en revue les principales (3).
La place Saint-Corentin était le centre des affaires. le quar­
tier le plus animé. Elle correspond à la plus grande part' de
l'ancien Tour du Châtel qui, limité à l'est par les remparts et
(1) Itinéraire de Bretagne, t. l, p. H6-i2i

(2) Recherches de la Bretagne gauloise, 166'!!, p. 246.
(3) J.-M. Abgrall, Autour du vieux Quimper, dans le Bulletin de la
Société archéol. du Finistère, t. XXVIH, i901, p. 79-89.

le ruisseau du Frout, englobait la cathédrale et l'évêché.
Dubuisson-Aubenay observe que" cela se peut aussy appeler
la cité, car la chapelle joignant icelle place s'appelle Notre-
Dame de la Cité". Et il ajoute : "Du chasteau et. cité il y a
encor une petite porte du coste de la dite Notre-Dame de la
Cité et une autre dans la rue ou passage à la Croix et place
Maubert ". Tout autour de la place Saint-Corentin s'étalaient

des maisons prébendales, des hôtels de gentilshommes, les
hôlelleries et tavernes les mieux renommées. L'hôtel du Lion
d'Or qui, en 1594. portait l'enseigne de la Grand'Maison, se
distingue encore par sa tour carrée, dont les étages, disposés
en encorbellement hardi, sont couverts d'un revêtement d'ar­
doises, revêtement très usité en Bretagne pour garantir les
murs contre l'humidité des vents d'ouest (1). A l'autre extré-

mité, - au coin de la rue du Guéodet, s'élève une ancienne .
maison prébendale, construite de pierre; elle a conservé des
portes et des fenêtres à moulures piriformes et des lucarnes
à meneaux en croix. On y voit au dernier étage, et notamment
sous l'avancée d'une des lucarnes, des espèces de mâchicoulis .

Au nord-est de la place, la rue de la Mairie conduit vers

l'hospice civil installé dans l'êmcien séminaire du XVIIe siècle.
La chapelle, de la même époque, renferme trois bonnes sta-
tues de bois: un saint Antoine et une sainte Barbe du XVIe siècle,

une Vierge du XVIIIe. .

Rue du Guéodet, les maisons nOS 2 et 4 sont de bois, mais
avec un rez-de-chaussée de pierre, ce qui est la règle générale
en Bretagne. Les murs mitoyens sont aussi de pierre. Le n° 2

est revêtu d'ardoises; le n° 4, dont les étages sont fâcheuse-
ment .défigurés par un crépi blanc, montre au rez-de-chaussée
une décoration toute spéciale, formée de masques rieurs ou

grimaçants, de bU1?tes d'hommes et de femmes sculptés par

une main joyeuse sur les piédroits des baies. Les costumes

(1.) Il existait alors aussi un Lyon d'Or, près de la porte Médard .

, de ces personnages sont ceux qui étaient à' la mode vers 1550.

~a rlle Frér~n, ci-devant Royale, puis National~, puis ~n,core
Royale, suit à peu de chose près le tracé de celle à iaquèlle les

. saIllies exagérées des étages avaient fait donner le nom d'ü"bs_

cure (en breton Demer). Même au Xye siècle, plusiéurs mai-

sons-y étaient cependant bâties de pierre et placées 'en retrait.

Il .en subsiste des traces aux n(S 19 et 22. Au n° 26 'se voit une

belle maison de bois ~ deux étages sut rez de-chal1ssée de pierre.

On not~ra que les pâns de bois comporlent '~eulemen ,t des tt:a-
verses et des nlontants très rapprochés, sans· croix de , 'Saint-

Andre. Il en est ainsi tres frequemment a Quimper. C'est au

coin de ia 'rl1e Ohscure et du TOUT du Châtel que s'etrouvait

établie, en 1551. la taverne à ' la mode' , lr.nne par un certain

DenIS perrauÙ. 'Des gentilshommes, de riches' 'bol1rgeois s'y

rencontl~ai{mt. Des chanoines ne cl'aignaient pas d;y" paruÎtre .

Les buveurs pouvaiént d" e:là contempler il l'aise. les Jours de

fêtes publiques, les ébats du populaire autour des' feux de joie,

ou bien:, lors des fréqùeptes processioiù soienneIies; le déploie-

m'ent - des 's'ompfueuses bannières et des châsses iniroitaùles.

SaJù Œouté y venaieIlt-ils avec moins' d'empressement quand

les officiers de la justice dés Regaires faisaient accrocher quel-

que pauvre diable a la potence-plantée juste en face (1) .

, 'Sur la' 'place au Heurre, h~ n° :3 présente le typé normal" des

maisons' quimpéroises du" XVlt. siècle avec l~ezc.de-éh·aussée de

pierre' 'et simples montants SUl' les éLages. A l'entrée de la

rue du 8dIlège; à gauche; 'une maisbn de piene a 'des arcs eh

accolade:' cl- es n10ulures aux arêtes vives : et même~ à ·l'une des
1 ~ \', r. r '.' "

feirêtl'ès' , 'une,petite frise -de 'feümage an~logue - à' ëel1es Je ]a

nef dé 'l~ cathédi·ale. En : raée!, à ~'r:oite, ' u~Je ~etlté fllais:6n' cie

be>is offI'e, par exception, des' croix de - Saint-André.

La rue du. Collège mont'e"à la place te Coz où se dl~esse la

(1) TrévMy, Promenades dans Quimper, d~ns le Bulletin dr:, la Société
archéol. du Finistère, t. XII; 1885, po' 285 et 289.

chapelle 'du
Lycée, construite de '16-66

68 sur des plans

KEREON

RUE

laissés par Martellange , le plus célèbre, archit fcte de'la Çom-

pagnie de Jésus

, ' 100 -

. En redescendant vers le bas de la'ville on rencontre, dans
la rue du Sallé, deux maisons de bois à pignon sur la rue, et
qui ont chacune deux étages en encorbellement, dans la

rue' de Kergariou, au n° 26, une maison intéressante qui pré-

s enté quelques croix de Saint-André.
La rue des Boucheries, qui prolonge la rue de Kergariou,

tombé dans la rue Keréon (via sutorum ou des cordonniers)

au carrefour dit place Maubert. C'est de là jusq u'à la place

Saint-Corentin que subsiste' le plus important ensem! ,le de
constructions anciennes. Aucune n'est datée. Elles semblent

toutes remonter à la fin du xv

siècle ou à la première moitié

du XVI": Les nOS I2 'et Î4'ont un rez-de-chaussée et trois étages.

Au no 14. ce n'est pas seulement le rez- de-chaussée, mais
a;ussi le premier étage qui est de pierre. Au , dessus, un revê-

t~ment d'ardoises, ajouté peut-être après coup, couvre toute
',la surface des murs. De l'autre côté, les nOS 9, Il et 13. surtout

les 9 et 1 l, se font , remarquer par leurs traverses moulurées
et ouvragées et leurs pans sculptés. Au n° 9, les' montants du

premier 'étage présentent trois petites statuettes de person-

nages. placées comme des c.ariatides sous l'encorbellement.
Au n° 22 de )a rue Saint-François, tout contre la rue Kéréon,

des pilastres à motifs de )a Renaissance décorent les montants.
, Les rues des GentiIshommes,'Sainte-Catherine, du Chapeau-

Rouge gardent aussi plusieurs maisons intéressantes, trop

, gâtées par des modifications modernes. Sur la place Terre-au-
Duc. elles forment un groupe qui maintient à peu près à ce

coin sa physionomie du passé. C'est bien là toujours la ,. place

assez grandette" que vit Dubuisson-Aubenay, " bastie de

. petit~s maisons ornées de quelque peinturage, de mes~e

parure et ,de fort bonne grâce ~'. Dans le même quartier on
remarquera les vieux logis des XVIe et XYII

siècles qui bordent

la rue Saint-Mathieu, jadis rne du Rossignol, et, un peu plus
loin~' près dé l'église, les rèsles dù couvent des Ursùliries

établi eh 1621. Sur la place 'La Tour d'Auvergne,.la maison

- 101 ~'

des dames de la Retraite, aujourd'hui caserne de la gendar­
merie, fournît un beau type des riches demeures bretonnes du

:x:vn e siècle;
Dubuisson-Aubenay.noùs apprend que, de' son temps, le

quai de l'Odet, ' d~l côté de la Terre-au;,Duc, était déja" bien '

revêtu de pierre"; , De l'aùtre côté on n'avait rien fait de pa-

reil. mais, à Locmaria même, il admira fort le " pont de bois

totlrna~t sur pivot et se séparant et déjoignant pour laisser

passer : les vaisseaùx .. '. On passe dessus à pié et les plus
hardis aussy à cheval, mais ce n'est pas sans qu'il tremble" ...
Aujourd'hui on passe la rivière en ' barque, et. en dehors de

l'église, on ne voit plus d'ancien qu'un petit nombre de
maisons à pans de bois, dans la rue Basse. ,

LES MONUMENTS DISPARUS ' .

;n faut, en terminant, donner au moins un souvenir aux

monuments disparus, dont trois méritaient vraiment qu'on
lè~ épargnât; le couvent des Cordeliers, la chapelle du Pénity

et:celle du Guéodet (1). ,
[Le COll vent des Cordeliers, le premier en date des établis-

séments franciscains de Bretagne, avait été fondé en 1232 par

ce, fameux évêque Rainaud. d'origine franç'aise, qui une

di~aine d'années après, fit reconstruire le chœur de la cathé-

dt;ule. Il occupait presque tout l'espace qui s, 'étend entre les

rqes du Parc, Saint-François et Astor et le quai du Stéïr (2).

L* rue de La Grandière correspond à l'emplacement de l'église.
Cet édifice offrait la particularité, fréquente chez"les Cordeliers,

(i) Cambry, Catalogue des objets échappés au vandalisme ... , éd. Tré­
védy, p. 22-26.
(~)' Bigot, Notice ' architectonique sur,l' ég,Jise des , Cordeliers, dans le
Bulletinde la Société archéol., dK Finist~re, ,t. X, p. i99-20L J. Tré-
védy, Le Couvent de Sa(nt-F'(ançois (Ibidem t. XXI

- '. i02 -

d~ n'àVoir qu'urt seul bàs-côté, au nord, par où pénétraient

tes fitlèles. Il n'étaitpas voûté. Si l'on en juge d'après une

(D'après Taylor).
CLOÎTRE DÈSCORDEÜERS

", anèiértne gravû~e (1), il avait été'trèsreman'~é ·a'uxy.6 siècle. et,

(1) Voyages ... de Taylor, p. 31.7-320. Cf. supra, p. 85 .

-" 103

à partir de cette époque, il ressemblait, en moins grand,
à l'église des Carmes de Pont-l'Abbé. Le cloître se composait
d'une sui, te ~e petites ;arc~des en tiers-point qu'on a reproduites
en 1866 dans le jardin de l'évêché~musée.ll remontait certaine-

men tau XIIIe siècle. '

Malgré les nombreux obits fondés par les évêques et les
grands seigneurs du pa)Ts, le couvent s'était toujours débattu

contre des embarras d'argent. Église, cloître, bâtiments con-
ventuels, veI}.dqs Gomme biens natiom'luX , penqant la Révo­
lution, furent jetés' à bas en 1843. Quèlquesarcades visibles
encore dans la COUt' d'une maison de la rue Saint-François.
quelques chapiteaux d' u xiII" siècle, provenantdli cloitre ~ et

rangés dans la cour du musée archéologique, quelques'pierres

tombales déposées dans le même musée, telles sont les' dernières

épaves de ce Saint-Denis de la CotnouiliBe. " ' , . ,
La chapelle d~ ,Pénity;bâtie dans les premières anriéesdu

xvie siêcle, ,à peu près au milieu des allées de Loomaria, renfer-
mait 'd!intéressantsvitraux consacrés 'à la vie dé la Vierge. '

Notre..:Dame du Guéodet ou de la Cité, dont ·la rue de Ce nom
désigne, l'émplacement, était la chap'elle municipale., 'La nef

rerriontait au débùt du XIIIe sièele'i le chœur, refait à-l'époque
flamboyante, possédait des: boiseries de la 'Renais: sanée avec
des'èolonnes'cannelées. Là se trou vaient les' meÜleurs vitraux

de Quimper; notamment une magnifique Adoration des ber-

gers, datant de i 503. Tout fut détruit en 1817. Lés 'boiseries
sculptees : firerit, dit-on, du bois de chauffage. " .

- DU FINfSTERE

de YlUe
B.P .. 531
29107 QUIMPER

- 210

DEUXIÈME PARTIE

Table des mémoires publiés en 1920.

PAGElS

1 La ville d'Is par H. LE CARGUET. . . . . . . 3
II Quimper (études archéologiques) par [H. VVAQUET]

-(planches) . . . . . . . . . . . . . . .. 26
HI Locronan (études archéologiques) par [H. W AQUET]
, (planches) . . . . . . . . . . . . . . .. 10 l
IV Essai d'histoire économique d'une paroisse rurale,
Plogastel-Saint-Germain a'u XVIIIo siécley par

J. SAVINA

127
V Les Monuments historiques du Finistère, par [H.
WAQUET]. . . .. .. ' . . . . . .. 160
VI Plaidoyer pour la "chapelle des bergers " par C.
V ALLAUX. . . . . . . . .

VII Discours de fin d'année de M. le PRÉSIDENT.

187
200

Quimper, Imp. M .... CHAVET - BARGAIN, Rue Asto!' et Quai du Steïl'