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Bulletin SAF 1920


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La ville d’Is

H. Le Carguet

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1920 tome 47 - Pages 3 à 25

---000--_

1. L)ANONYME DE RA VENNNE. LA
BRETAGNE ·MARÉCAGEUSE. ASSISE GÉO-

LOGIQUE DE LA VILLE D)/S.

. La ville d' 1s avait sept lieues de tour . . La légende ne
pouvait donner une moindre étendue à. la capitale de
Gradlon-Mur, Gradlon-le-Grand, . '

Tous les rivages actuels, des Glénans à Moléne briguent
l'honneur d'avoir été les attaches de la ville d'1s avec le

continent. Ce sont là des restes de traditions qui rappellent
des mq,dificationsdu littoraf, des souv~nirs de villes dispa­
rues: urie, ou plusieurs.
Un géographe ancien, l'Anonyme de Ravenne, a dit aussi:
- . (\' La partie de la Bretagne continentale, où le monde ·
« prend fin, en face de l'Océan occidental, s'appelle la
« Bretagne dans les marais) Britannia in paludibus ... Elle

« a possédé,autrefois, (OLIM), un certain nombre de villes ..
« dont Cris' au pays des Vénète~. l) (1).
Le lit~oral, disparu avec la légendaire Ville d'1s, répond
à l'orientation décrite par le géographe. ..
Cet auteur écrivait au VlI

siècle, ou au commencement du '
VIII". n s'est basé sur les travaux de deux géographes plus

anciens, HANARIDE et HILDEBALDE, ce dernier surtout. Sa
description remonte donc a l'époque où la tradition rattache

(1) Anonymi Ravennatis Geographiœ, lib. i, cap. 3, lib. IV., cap. 39 .

au continent les îles Glénans, les Etocs de ;Penmarc'h, la

chaussée de Sein, l'archipel de Molènes; alors que n'étaient
pas encore ou vertes la baie de Douarnenez et la' rade de
Brest: au temps d'Is et de Gradlon.
En avant de nos rivages actuels, il a donc existé une zone

de terres basses qui reliaient, entre eux~ tous ces points
extrêmes de .l'ancien continent Armoricain. Cette zone

recevait toutes les eaux douces pui se déversent aujourd'hui

dans la mer, et qui formaient, à travers la Bretagne maré-
cageuse, de nombreux , canaux plus ou moins navigables.

Ces canaux se réunissaient'en un estuaire commun qui, seul,
communiquait avec la mer. Un cordon de dunes, ou de
galets, protégeait faiblement ce littoral contre les assauts de
la mer Océane, com~e actuellem.ent encore les rivages ~e
Penmarc'h, Tréguennec, Plovan, etc.

, Telle était la Bretagne maréeageuse~ assise de la ville d~ Is.

A cause d'une certaine assonnance, entre Cris et Keris,
l'on a conclu que Cris était bien la capitale du roi Gradlon.
Malheureusement, en cela, l'on ne tenait pas compte de ce fait
que Cris et lesauires villes del'Anonyme étaient toutes gallo-

romaines et anciennes, tandis qu'Is était de fondation
bretonne-insulaire et toute récente.

Laissons donc Cris aux Vénètes, et demandons au Cartu­
laire de Landévennec, l'emplacement réel de la ville d'Is,'
aujourd'hui à v.ingt brasses sous la mer. '

Il. ' LE CAR TULA IRE DE LANDÉVEN1 VE&,

MONUMENT LITTERAIRE. ORIENTA TIaN
- VERS LA VILLE D'IS.
Le Cartulaire de
de la ville d'Iso

Landévennec passe sous silence le nom

Conclure de là que cette ville n'a

point existé, c'est résoudre cette, question historique . avec

une partie seulement des données du p.roblème. GurdQstin
écrivait surtout pour l'édification des moines de son abbaye.
On doit respecter sa réserve, sans l'admettre comme l'entière
vérité historique. .
Le Cartutaire fait de Gradlon un petit Charlemagne, vain­
q~eur des pirates saxons, sanf' pitié pour les vaincus. Gur­
destin pouvait étendre sa · comparaisoQ, en parlant aussi

d'Ahès t1), comme Eginhard (2) l'a fait des filles de l'Empereur
d'Occident. L'une et les autres ont déshonoré les cheveux
blancs de leurs pères. Toutes ont reçu la punition de leur vie
di:::isolue : Ahès, la fille de Gradlon, engloutie, par un châti­
ment du ciel en même t~mps que la ville d'Is ; les filles de
Charlemagne, aussitôt la mort de leur père, cloîtrées par
ordre de leur frère, le roi Louis le Pieux. . .
« Il faut reconnaître, dans Get acte du roi de France,

« un effet de la sévère réforme de Benoît d'Aniane» a dit
Henri Martin. (3).

Peut-on, à cette
Gurdestin ?
même sévér'ité, attribuer la réserve de

Il écrivait environ soixante ans après la réforme mona!5-

tique de Landévennec, alors que l'esprit Je cette réforme.
avait eu le temps de ·rendre désuète la règle de saint Colom­
ban et de mettre en défaveur les . traditions scotiques. Cela
expliquerait pourquoi Gurdestin n'a pu, ou n'a voulu, extraire
des archives et des traditions trois fois séculaires de l'ab.,.

baye le souvenir entier des fastes d'Iso
Mais, en même temps que la réforme bénédictine, s'était
aussi faite la restauration des lettres: Benoît d'Aniane, avait
été l'ami d'Alcuin. .
Alors Gurdestin, sous cette nou velle impulsion, - « a cons-

(i) A Douarnenez, la fille de Gradlon ' est appelée Dahut,
sans doute, du voisinage dè Poul-David, ou Dahu.
(~) Vita Caro li, § XIX.
(3) Histoire de France, (T. II, page 367) .

a cause,

« .truit, en l'honnelJr de saint Guénolé, un admirable monu-

« ment littéraire » (1).

Tel est le jugement porté sur l'œuvre de son maître, par

le' moine Wormonoc, dans sa préface de la vie de saint Pol
Aurélien . . ' .

On ne peut donc demander, à la Vie de saint Guénolé~ une

· histoire complète de la fin du Ve siècle, pas plus que la topo-

graphie de cette même époque ; les quatres siècles écoulés

avaient obscurci, ou doré, le souvenir des évènements,
comme la mer avait submergé l's, et le sable recouvert ses
traces .

Cependant 1'œuvre ·littérairA de Gurdestin n'est pas
dépourvu d'un certain intérêt historique; mais il faut le faire

ressortir des ornements de son style et de ses réticences .
C'est ainsi qu'on peut y relever: . .

10. Un repère géographique précis ;
20. Des traditions que revendiquent le Cap-Sizun et l'Ile­
. de-Sein;
3- Des allusions discrètes à des évènements anciens, qui
trouveront leur explication aux chartes. .

Tous ces faits concordent pour donner une orientation vers

la ville d'Iso

IIi. LJILE DE THOPOPIGIE

. Le repère géographique qui a survécu à la disparition de
la ville d'Is, avec une grande partie du littoral ancien, est
le nom de 1'Ile de Thopopigie (2). Il ne faut pas chercher
cette île, en face de Landévennec, à . Ti-Bidi, l'étable du

biquet) mais bien au-delà du Cap-de-la-Chèvre, vers l'Il'Oise,

(1) Vita s. Pauli Auréliani. (H. B. Il, page 294).
(2) Thope-Pygiam. (Cartul. p. lO9)· ,

ou Carwl-Is; même vers Canol-guéor

1e Raz-de-Sein
a.ctuel, c'est-à-dire en pleine Bretagne marécageuse.
Le mot Thopopigie est, du reste, un maquillage hellénique

du nom du Cap-de-Ia-Chèvre (1). De plus, cette île, d'après

le parcours fait, par saint Guénolé et ses onze compagnons,
en la quittant, était séparée du premier établissefilent
monastique de , Landévennec par la haute mer, une grève

de sable ou des dunes, ùne vaste forêt, une vallée (2) : ce

qui n'est pas le cas de Ti-Bidi.

Cette localisation dé l'Ile de Thopopigie permet de faire ' .

crédit au Père Albert Le Grand, qui, dans sa Vie de saint

Guénolé

a si 'longuement parlé d'Is, de Gradlon et d'Ahès,
donnant, pour référence, les légendaires manuscrits de

l'Abbaye de Landévennec, et « bons cautions de tout

ce qu'il écrit l). -' (3) .

IV. ' TRADITIONS COMMUNES DU CAR-
TULAIRE ET DE LA RÉGION DU CAP-SIZUN.

Des règles de la vie cénobitiqJle, tracées pàr Gurdestin

se dégage un ensem ble de préceptes a l'usage des anacho'-
rètes. Les chartes XXIX-XXXVII-LII en donnent l'expli..;
cation.
Lorsqu'une donation était faite a saint Guénolé, le père
abbé dépêchait un ou plusieurs religieux pour prendre

possession des biens légués. Ces religieux avaient pour

missiond'y établir et exercer le culte chrétien. Ils y vivaient

en solitaires. C'étaient, en quelque sorte, ' des moines i~ten-
dants.· "

(i) Thôos, chèvre saüvage. Pêgnumi, pango, pepigi, enfoncer. (Pointe
qui s'enfonce dans la mer). _
(2) Cartul., p. 63 et 64.

(3) Albert Le Grand. Vie des Saints de la Bretagne-Armorique : .
A vertissement au lecteur, p, XII.

Le solitaire qui prit possession des nombreuses donations
faites par Gradlon, au "lou du . tyern Cléden, fut le saint
They dont la chapelle surplom be actuellement la baie des
Trépassés.
Gurdestin connaissait bien cette région du Cap-Sizun et
ses traditions. Aurait-il été, comme régisseur, l'un des

successeurs de saint They? On ne peut l'affirmer. En tout

cas, la vie de saint Guénolé fait mention de plusieurs tra-
. ditions que le Cap-Sizun et l'Ile de Sein revendiquent
comme héritages de famille .
Nous citet'ons : la description du continent vu de l'île de

Thopopigie (1). Elle a une grande analogie avec l'aspect du

Cap-Sizun vu de l'île de Sein. Ici se trouve, en effet,
entre la pointe du Raz et celle du Van, le riant vallon des
Saints

qui sépare Cléden de Plogoff, avec leflu'vius ingens,
Ster-vras de Kerham. La fumée qui s'élève au soleil levant,
cornme celle décrite par le Cartulaire, c'est le Boquet- Yan-

a- Go des Isliens, qui en augurent bon vent pour la pêche

-ou -les épaves, selon l'aire vers laquelle il se penche, en
s'épanouissapt. Cléden a encore le Chœur des Anges qui
'montent ail ciel; c'est l'explication, donnée . aux enfants,
des cris des oiseaux migrateurs, Chasf$-ar- Gueden.

UIle de Sein, de son côté, réclame, pour elle seule, le
privilè.ge que le Cartulaire donne , a la région Breona (2),

d'avoir été délivrée, par saint Guénolé, de toutes les bêtes

. venimeuses. L'effet de ce miracle s'y exerce encore, on y
trouve seulement quelques lézards inoffensifs. Bien mieux,

c'est en partant de l'île de Sein, vU de son voi:5Ïnage, que
saint Guénolé a traversé la haute mer, " 'proJundum
pelagus" a pieds secs. Ce' miràcle a eu lieu le Vendredi­
Saînt, 'et, en sa cqmmémoration, la marée de ce jour est
(i) Cart. Chap. III, p. 61..
(2~ Cart. p. 37, ' Brel colline: Qnn

eau.

appelée Mour Guénolé, mer ou marée, de saint Guénolé .

En témoignage de la pl,llssance du saint, la pleine mer, à
pareil jour, vient, chaque annéé, effleurer l'âtre du foyer,
dans toutes les maisons de l'île.

Un rapprochement est aussi à faire entre le Sanctus
eximius Tutgualus du Cartulaire (1) et le Sant Huel du
Vallon des Saints. Tutgualus, l'un des quatre luminaires
de la Cornouaille, a, pour attribut, le feu qui avait pris à ~ .
son vêtement. Mais, par miracle, une douce rosée lui vint
humecter le. sein qui ne fut pas atteint par la flamme. Saint
Huel est invoqué pour la guérison des maladies exéma­
teuses dont . une sérosité, dour Katar

vient aussi éteindre

le feu du prurit.
La chapelle de Saint-Huel (2) est située au centre des
donations du roi Gradlon, entre le Castellie de Lescléden
et le village de Les-an-Kel. Plus haut, dans le vallon, se

trouve Lan-Poban, où la tradition place ·un ancien

monastère. .
Toute cette région semble avoir gardé la réelle tradition.
dur.oi Gradlon et de la ville d'Iso Les familles des anciens

tenanciers de la'bbaye de Landévennec la possèdent sous
le nom de DOare-l{er-a-Is. Les récits qu'on en fait sont très
laconiqUes et se disent à peu près dans les mêmes termes.
. C'est là le caractère de l'histoire orale. Si l'on insiste pour

avoir des détails, c'est le gwerz d'Olivier Souvestre (3) qui

en fait les frais.

Le chanoine Moreau (4) mentionne, à propos du Cap-
Sizun, «( quelques pièces en vers bretons ' qui faisaient
« mention d'I:::; en écrÜure de main ». Est-ce le Gwerz-
(1) Cart. p, 82. .
·(2) Duel, Tuel, Tual,-Tugdual. Confondu à tort avec Saint-Tugdual
de Tréguier. (Hist. Bret. l, p. 322, en note).
(3) Gwerz ar roue Gradlon ha Ker Is.
(4) La Ligue en Bretagne, éd. de 1836, p. H.

ar-ger-a-Is~ chanté dans les seuls villages de ·Cléden et de
Plogoff, bordant la baie des 'Trépassés et l'entrée de la
baie de Douarnenez'? Ce chant, très ancien, au dire :des
habitants de cette région, avait trait entiérement à la ville
d'Is, et a cessé d'être chanté, vers le milieu du dernier
siècle, quand on a pu se procurer le gwerz imprimé

d'Olivier Souvestre, dans les pardons de la région. Malgré

nos recherches nous n'avons recueilli aucun fragment du

même chez les tenanciers des biens légués

· gwerz anCIen,
par Gradton,
tradition.
qui nous ont cependant donné la vraie

V. ALLUSIONS HISTORIQUES
DU CARTULAIRE

D'après M. Loth Cl), « les rédacteurs et les copistes

(1: des Charte~de Landévennec, fabriquées ou remaniées du

« XIe au XIIe siècle, paraissent avoir eu en mains quelques

« pièces fort anciennes, dont on ne peut faire usage dans

« l'état où elles nous ont été transmises »; -
Il en est de même de Gurdestin. Sou"ent son récit effieUI'e

des évènements, des faits basés sur des documents qu'il
déclare ne po~voir entièrement utiliser, .. parce qu'il . était

'dans l'impossibilité de remonter à leur source.

Le rapprochement des Chartes avec certains passages de
.la Vie de saint Guénolé fait ressortir quelques-uns de ces

- évén ements ..
C'est donc entre les lignes du Cartulaire, et non parmi

les briques gallo-romaines, qu'on doit rencontrer les traces

de la ville d'Iso

Mais auparavant, il est utile de connaître. son rôle · au

( t) L'émigration bretcmne en Armorique .

point de ' vue historique et la situation politique de la
Cornouaille de Gradlon.

VI. - FONDA TIaN DE LA VILLE D'IS

Vers l'an 460, les émigrations bretonnes-insulaires avaient
jeté, tumultuairement, par bandes successives, sur le conti­
nent armoricain, une population fuyarde et désemparée, à

la recherche d'une nouvelle patrie. .
Chacune de ces bandes avait formé dans la zone mari­
time, autant d'îlots de populations séparés par des espaces

déserts.

A 13. suite de ces émigrations, les pirates avaient recom-
mencé leurs incursions contre l'ancien littus saxonicum. Les

Plous, isolés, leur étaient une proie facile. Pas d'entente enfre .
leurs chefs pour repousser . l'ennemi . commun; . pas de

concorde dans les groupes. Les Goad-huel~ proches parents '

des Tyel'n, briguaient ou contrecarraient leurs pouvoirs. Les

Plous, l'un après l'autre, sous les attaques des Saxons,
étaient, à bref délai, appelés à disparaître.
Vers l'an 470, probablement même quelques années aupa-

ravant, avait eu lieu 'l'émigration de Gradlon (1): Elle 'était

bien différente de celles qui l'avaient précédés. Instruit par
les défaites de l'an 455, et placé entre les Pictes au Nord et
les Saxons au Midi, Gradlon n'avait pas attendu le contact
d'un nouvel ennemi paul' préparer son flxode et l'exécuter.
Il aborda le littoral de l'Armorique avec tout soU peuple,
toutes ses ressources, organisations civiles et militaires
intactes, et s'avança dans l'intérieur des terres, laissant le

littoral aux émigrations qui l'y avaient précédé; .
Bientôt, à l'étroit au confluent du Stéïr et de l'Odet, il élar-

(i) NQUS suivons la chronologie de l' Bist. de Bretagne de M. de la
Borderie.

git ses frontières aux dépens des Romanis (1), restes des
Gallo-Romains qu'il refoula jusqu'aux marches de Rennes

et d'e Vannes. Tel fut le commencement du vaste empire,

magnum regnum (2), que le Cartulaire donne a Gradlon. ,
Ses victoires engagèrent les Plous maritimes à recourir a
lui pour repousser les pirates. Gradlon accepta; mais, il leur
imposa ses conditions: sans doute, d'être élu roi souverain

, de toutes les émigrations de la Cornouaille.
Son premier acte fut de mettre la concorde entre tous les
Plous, d'ou le titre 'de Moderator Cornubiorum (3), que lui
donne Gurdestin. Il les réunit ensuite en une confédération
mari·time dont 'il établi le siège dans la région occidentale,
Oeeidue partis (3), la Bretagne marécageuse, afin, dit le
chanoine Moreau « d'ententre plus facilement par mer,
« les nouvelles des pays étrangers et des royaumes voisins

« et que rien ne se pa~sàt a son préjudice ». -
Ainsi fut fondée la ville d'Is, vers l'an 475 à 480.
De la, Gradlon, - « Souverain des choses de la guerre»
- s'élançait avec navires à la poursuite des pirates.

Gurdestin a dit ses corn bats, ses victoires, ses richesses,
sa puissance (-1). La légende s'émerveille de la grandeur et

des fastes de la ville d'Is ; la réalité est tout autre~

VII. ' IS

LA CITADELLE D'EN BAS,

CAMP NA VAL ,DE GRADLON.
Dom Denis Briant, l'un des quatre initiateurs de l'histoire

de Bretagne de Dom Lobineau, a suivi les errements de

(1) Romania, territoire occupé pal' les Gallo-RomnÎns : Romanis, ses
-habitants (Dom Denis Briant).
(2) Cart. p. 78.
(3) Ibidem.
(4) Ibidem.

Gurdestin : il ignore tout de la ville d'Is, même le nom. Mais,
après avoir longuement glosé d'Herbadilla et de son ' chan­
gement en un lac de sept lie.ues de tour, il ajoute:
« Si tout ce qu'on dit a quelque fondement, il ne faut
« pas imaginer d'autre que quelque maison ou village, sur
« les bords de ce lac, ce qui est arrivé plusieurs fois en

« d~auttoes lieux. » (1).-
C'est là un demi-aveu de l'existence d'Is et une méthode
critique d'interprétation des légendes.
L'auteur de la vie de saint Martin de Vertou, que com­
mente Dom Briant, est encore plus affirmatif .

- ' « Ce que j'ai exposé, dit-il aussi à propos d'Herba-

« dilla, se rapporte à un villag.e autrefois florissant, qui,

« malgré sa submersion, a cependant gardé son ancien nom
« jusqu~à aujourd~hui». Cet auteur écrivait au xe siècle.

La survivance du nom, même orale, est donc une preuve
d'authenticité. -

Tel est le cas de la ville d'Iso

Or, d'après M. deLa Borderie, ({ il n'y a pas de tradition
« sans causp, )) (2).
On doit savoir gré à la tradition d'avoir, gardé le nom
d'Is, et, à la légende, d'a voir doré son histoire. .
. Mais· qu'adviendra-t-il de la ville d'Is, en passant sa
légende au crible de Dom Denis Briant?
Gradlon était un grand con:::;tructeur de murailles Au

siècle. la Bretagne insulaire était célèbre par ses murs,

ses tours et ses vastes édifices (3). Gradlon introduisit cet
usage en Armorique: .
« Quand Gradlon ot dom pté ses ennemis austères,
« Il fonda eri Bretaigne deux beaulx monastères:

(1) Dom Denis Briant. Mémoire critique' pour servir à l'histoire de
la Bretagne. Bibl. Nat., Ms. fr. n° 22309.
(2) Histoire de Bretagne, I. p. i>36.
(3) Cart. p. 7. .

« Sainct J agu, . Landévenech en Cornouaille, ..

« Et les fist atourner de très-belle muraille (1).

1s, également, avait Ses murs, et le Cartulaire ·le dit :-
« Mœnia qui sceptri regf1,abat condita celsi » (2); . Mais
c'étaient des murs en gros granit, sans cordons de briques.

Une telle enceinte ne pouvait avoir 'Sept lieues de tour.

Depuis son arrivée en Armorique, Gradlon n'avait eu ni le
temps, ni les moyens de lui donner cette étendue créée par

la légende. Cette étendue devait êlre celle · du territoir. e
soumis au tractus maritime fondé par Gradlon . .
La tradition désigne la capîtale de Gradlon : f{er-a-Is, et

hon Keris.

D'abord était-ce bien une ville dans le sens d'Urbs ?

Le mot Ker a deux acceptions. La plus ancienne, celle du .

temps de Gradlon, indique une jorteresse,et correspond à

Ar~. Au XIe OU XIIe . ~iècle; le mot ' Ker désigne bien la

, ville, Urbs, et c'est sur cette acception qu'a brodé la légende,

1s signifie bas.

Ker-a-1s n'est donc pas le nom de la capitale de Gradlon,

mais une indication de sa situation. Avait-elle même un nom? .
Ker-a-Is est la citadelle d~en bas. Le Cartulaire de son côté

mentionne les ruines d'une citadelle d~en haût que les chartes
permettent de situ~r. .

D'après sa destination, la citadelle de Gradlon. était une

de ces forteresses nautiques~ castra nautica~ castra navalia~

qui servaient à protéger les navires au mouillage. Ces camps
nautiques étaient toujours entourés de murailles; à l'abri de
leur enceinte, les flottes étaient tirées à terre, pour l'hiver-

nage. En tout temps: les voiles étaient hissées; et cette ruse

devait tromper l'ennemi, en liJi faisant croire que la flotte

était to.njours. parée à 'prendre la mer .

. . (1) Hist. des Princes de Bretagne-Armorique, par Maubugeon. -
Bibl. Nat. manuscrit nO 60f2, Ju xvO s.
, (2) Cart, p. H3 .

Telle était Is durant les incursions des pirates . .

Après les victoires de Gradlon, des palais s'y construi-
sirent ; les dépouille~ des ennemis et les richesses s'y accu-

mulèrent, et avec elles s'y introduisirent le luxe et les désor- .
. dres de toutes sortes. Ahés, la fille de Gradlon, menait le
branle. La royauté de Gradlon menaçait de devenir éphémère.

C'est alors que le roi songea à recourir à saint Guénolé .

VIII.· ENTREVUE DE POULCARVAN.
SERMON DE SAINT GUÉNOLÉ. AHÈS ET LA
VILLE D'IS. .

La Cornouaille; déli vrée de ses ennemis, proclama Gradlon
roi. C'était la condition ' probable de l'aide apportée., par lui,

aux plous maritimes. Mais, de simple chef militaire iL la

royauté absolue, la distance était grande.
Gradlon était un roi barbare et chrétien iL demi seulement.

Sa cour était païenne. Les chrétiens ne trouvaient' auprès de. .
lui qUe moquerie ou persécution, témoin saint Ronan (1).
Alors, soit question religieuse,soit antagonisme de races (2),

son trône se trouva menacé. .

Or, vers l'an 486, la renommée des miracles de saint Gué-
nolé était parvenue jusqu'aux confins des Romanis, aussi
loin, ou plus loin que les limites même du royaume de Grad-

Ion. «Toute la Bretagne, en long et en large, célébrait le . '

« nom et les mérites de saint Guénolé. De partout l'on accou-
« rait pour contempler son image, et l'on se disait; Ce
« n'est pas un. moine, mais un ange descendu parrrii les

« hommes » (3). .

. (1) Vie de saint Ronan. .
(2) Gradlon était originaire du Nord-Est de la Bretagne insulaire, des
abords de la Tyne et du mur de Sévère; un grand nombre de Plous, an
centrairevefJaient du Sud-Ouest, de la Cambrie principalement, peut­
être aussi d'Irlande.
(3) Cart. p. 77.

Ce mouvement de la foule nt trembler GI'adlon, qui, par
politique, voulut corrompre ou s'attacher Guénolé. Dans son
esprit, c'était chose facile: «Guénolé., ébloui devant la
« magnifieence royale se laisserait gagner par des présents».
La présomption de Gradlon était grande.
Saint Idunet ménagea-t-il une entrevue entre Gradlon et
Guénolé? Les chartes II et III permettent de le supposer (1).
Cette entrevue eut lieu à Poulcarvan . .

Nous voudrions voir; au musée de Quimper, comme pen­
dant au tableau de Luminais, « Fuite du roi Gradlon » -
un autre tableau rappelant cette entrevue, et mettant en scène
saint Guénolé dans toute son austérité monacale: le roi avec
tout le faste de sa cour, mais en humble suppliant; Ahès

insolente, au milieu de ses courtisans. Avec le peuple à

l'arrière-plan, ce tableau donnerait une représentation fidèle

des mœurs de la Cornouaille, à la fin du IVe siècle.
M. de La Borderie tl ou ve dans cette scène décrite en vers

par Gurdestin, et surtout dans le sermon adressé par saint

Guénolé au roi Gradlon, l'origine des.pompes de la ville d'Is
et de son roi (2) .

Il Y a mieux dans ce discours qui rappelle celui :

« Vanité des vanités », adressé par saint Grégoire de
Nàziance à l'empereur Théodose.

Après avoir rejeté avec mépris les dons que Gradlon vou-
. lait lui faire, à lui personnellement (3), saint Guénolé domi­
nant de toute sa taille, le roi courbé et tremblant devant lui,
s'écria: (\ Et toi, pauvre misérable, qui brûles de jouir de
« l'or étranger, tu brilles dans ta soie et ta pourpre ornées
« de gemmes; tes entrailles sont remplies de festins magni-

« fiques ; ta chair, n~:)llrriture des vers, se gonfle à plaisir
« d'une graisse ignoble ». -
(t) Cart. p. i4.4,-U6. .
(.~) Histoire de Bretagne) 1. p. 323.
(3) Cart. p. 78 ; vers 14,e.

puis, cessant le tutoiement, Guénolé lance à Ahès et à ses
courtisans, cette apostrophe : '
_ « Les flûtes, les cithares, les lyres murmurantes sous

« l'archet, les tambours retentissent, en stridents accords,
« dans vos palais ».

Et revenant à Gradlon : « Dis oü sont les rois, autrefois
« s'enflant d' orgueil, dans la forteresse d'en haut? Pauvres se
« et riches de cette forteresse, où sont-ils maintènant, dis-le '? » ,
, « Dic ubi sunt reges alla olim ex aree tumentes ? » (1)
La politique de Gradlon et les chartes nous indiqueront
qu'elle était cette forteresse d'en haut qui dominait, du som- ,
met de la falaise, Is, la forteresse d'en bas.

La cessàtion du tutoiement et l'apostrophe indiquent, d'ac-

cord avec la légende, Ahès et les dèsordres de ses palais.
Elle était donc présente à l'entrevue de Poulcarvan. Du reste,
en petit Charlemagne (2), Gradlon devait toujours se faire
accompagnez' de sa fille.
Or, Ahès était le plus grand obstacle à l'entente entre
Gradlon et Guénolé. Car, dès sa fondation, l'approche du
monastère de Landévennec était absolument interdite aux
femmes. « Ce lieu, » , dit le Cartulaire, « avait été
«. préparé par Dieu pour ses serviteurs » (3) .

Le chapitre XVI met doncAhès en scène, le chapitre XVIII
la met en cause.

Ce derniel' chapitre (.:1) a trait à une intervention de saint

Rioc entre le roi Gradlon et saint Guénolé. Le bon saint Rioc,

parent de Gradlon ... était présent à l'entrevue de Poulcarvan.
Par quels motifs saint Rioc détermina-t-il Guénolé à
accepter les dons qu'il avait déjà refusés? De quels argu-

(t) Cart. p. 79.
(2) H. rtin. Histoire de France. (II, p. 33). Eginhard. Vita Càroti.

§ XIX.

(3) Cart. p. 66-68-179-2H. - Histoire de Bretagne, (1: p. 372).
(.\) Cart. p. 81. ,

ments us a-t-il en vers Gradlon ? Le, Cartulaire ne le dit pas.
C'était assez de faire connaître le résultat de cette inter_

vention (1). Le sujet traité (~tait trop scabreux.

D'après cette réserve expresse du Cartulaire, on doit sup_

poser qu'il s'agissait d' Ahès, et que Gradlon finit par consentir
, à' éloigner sa, fille de toutes les relations qu'il briguait d'avoir

avec saint Guénolé et avec le monastère de Landévennec.

Cela ressort implicitement de cette assertion de Gurdestin,
disant que, depui:::; sa fondation, aucune femme 'n'avait été
assez téméraire pour pénétl'er même dans les dépendances
· du monastèJ'e (2). ,
Ahès eut ainsi tous les loisirs pour étendre sur la ville d'ls

entière sa conduite coupable, ce qui attira la colère divine .

IX. LES CHARTES

LEUR VALEUR HISTORIQUE

Queile est la valeur historique des chartes du 'Cartu­
· laire (3), et particulièrement des chartes de Gradlon ?

Elles ont été rédigées sur les indications topographiques

d'Amalgod et de ' Uethenoc, deux des vassaux de Landé-

vennec, ' restés dans le pays, après la destruction du monas-

tère en 914 et l'exode des Moines à Montreuil. '
M. de La Borderie (4) a démontré l'aide qu'ils ont apportée,

à l'abbé J cany revenu en Bretagne, pour connaître la situa-

tion du pays .; puis leurs rôles dans la défaite des N orrnands,

par Alain Barbetorte. Ils figurent aus~i comme témoins, à
(1) Cart. p.H3~ '. : . .
(~) Cart. , p. 66. . '
, (3) BeÇlucoup de chartes, par leur libellé même, indiquent des faits
passés bien antérieuremf'nt. (Hrec me:ffioria rt'tinet quod ... '. Hre litterre
narrant. . .. iterùm .... ) "
(4) H. Bret. II, p. 386.

la donation
945 (1).

de ce prillce à rAbbaye de Landévennec, en

Amalgod, (a Malgod; d ' z.), ou Malcoz, est un nom '.' ,
de famille répandu à Douarnenez et dans les paroisses qUi

bordent la baie, à l'Est et au Nord. .
Les Uethenoc, ou Guézennec, de Cléden, sont connus, de
date imm.émoriale, pour avoir été les tenanciers de Landé­
vennec, au village de Théolen. Des actes, que nous avons
vus. disent que, ce village payait la dîme à la 8.ouziéme
gerbe. Un fils de Uethenoc, désigné du nom latinisé de
Sylvester (2) . est l'auteur de la donation de Penkarn en la

terre sainte, douar santel -de Cléden (3). Une tradition de

Cléden est aussi très formelle: {( Les Guézennec de la
Terre-Sainte vitmnent de Théolen », dit-elle .

C'est sur l'es ' renseignements donnés par Amalgod et
Uethenoc, que Landévennec pùt récupérer ses 'biens pro­
venant d'anciennes donations et, un demi-siècle plus tard.
faire rédiger les chartes apocryphes que donne le Cartulaire.. .
A propos de. ces chartes, il y a lieu de remarquer que
les désignations topographiques et administratives sont de

la fin du xe siècle (!). Par conséquent, elles ne donnent
qu'une idée imparfaite des anciennes donations, par exemple,

de celles du temps de Gradlon. Ces désignations n'existaient
pas à la fin du v

siècle. Gurdestin, dans la vie de Saint

Guénolé n'en cite aucune; il emploietoujoul's le mot vague,

locus) comme expression géogl'aphique.

(i) Chartes XXV, p. H>6.

(2) Chartes LIII, p. i72. ' .
(3) Bulletin Société Archéül. Les immigrations bretonnes, insu-
laires du Cap-Sizun. . "
(4) « Les vies des Saints sont précieuses par J'expression des opinions
et par le détail des mœurs, mais suspect~s et controuvées, quant aux faits
conterriporains. Ce sont depâlbs flambeaux qui jettent à peine, çà el là,
quelques lueurs dans la nuit profonde». (H. Martin, ' Hist. de France,
1[' p. lOi). .

Autre remarque: les chartes du Cartulaire signalent les
biens existant au xe siècle et seuls récupérés. Elles ne
tiennent point compte des territoires disparus dans la catas­
trophe de la ville d'Is, ni des corrosions des ,rivages, par

l'action de la ' mer, ' durant les quatre siècles et demi qui
ont suivi la catai:itrophe. , -
,Mais tout informes et incomplètes que sont ces chartes,
on en peut déduire des renseignements historiques que la
tradition à transmis au xe siècle, entre autres l'emplacement

de la ville d'Iso

EMPLACEMENT DE LA VILLE . D~IS

APRÈS4LES CHARTES

Après l'entrevue de Poulcarvan, le trône de Gradlon se

trou va raffermi (1). Il continua son règne avec douceur et

, justice, conseill~ par saint Guénolé qui le visitait fl'équem-
ment.

Toute la politique de Gradlon se ré:sume, à attir~r saint ,

Guénolé en la VIlle d'Iso Les chartes le démontrent. '

La charte lUe le pose comme ' roi des Bretons, par la

seule grâce de Dieu, et indépendant des Francs. Gradlon a

eu des relations avec Clovis; mais il ne reconnaît pas la

suzeraineté du roi de France qui avait hérité des droits
gallo-romains sur toute la Gaule, par le fait même de ::ion

baptême. .

,Elle exprime encore le désir, depuis longtemps conçu,
de Gradlon de connaître Guénolé; puis la déférence que le
roi lui a témoignée, en allant à sa renéontre, à Poulcarvan.
Toutes ces circonstances devaient mettre le saint en con-

fiance prés du roi souverain Gradlon .

(1) Cart. pp. 81 et 133.

Cette charte Ille indique au~si que les donations, qu'il va
faire, de partie de son propre héritage, sont à i'intention
d'obtenir les priéres de saint Guénolé pour son âme 'et
celles de ses parents vivants, défunts et à venir. Cette

dernière expression indique l'espoir de Gradlon de voir sa
race se perpétuer par ses enfants Ahès et Romélius.
La chatte IVe, ' en commémoration de l'entrevue de
pou lcarvan, fait, devant de nombreux témoins Cornouail-

lais~ nobles et fidèles, donation, en la trève de Poulcàrvan,

de XIV métairies.

Les chartes sui van t'es oilt trait à des concessio~ faites:

Aux abords de la résidence royale, pour y entretenir
des relations SUl vies avec saint Guénolé;
2° Aux environs du monastère, pour agrandir ses dépen-

dan ces ;

De biens ruraux, pour arrenter Landévennec.

A eemarquer, qu e dans plusieurs donations figurent, à la
fois, de:s biens dans la Wesqu'ile de Cmzon, voisine du
monastère, et dans le Cap-Sizun .

Qné conclure de cette dernière particularité? sinon que
le Cap-Si~un était a/tenant à la réSidence de Gradlon~ _ à

la ville d~ 18.

L'analyse des chartes le prouve.

Charte V. Elle fait ,donation de l'île qui est appelée
Ile Seidhun, avec tout ce qui dépend d'elle.

C'était un reste de la Bretagne marécageuse qui a dirriinué

pru à, peu jusqu'à devenir l'ile de Sein actuelle. Elle a pris
nom des sept courants de fond qlli portaient de terre vers le

large, à l'opposé des courants de sllrfacequi portent du
large vers la toree. CeS- courànts ont le ' nom de Sun (pro­
noncer : Sûne). Des sept qui entouraient l'île au X, e siècle,

l' He de Sein n'en possède plus que quatre.

La charte aurait pu çlonne\' les noms des dépendances

de cette île : Guivian; Guiveur; Bre-arog; Is-audy ; Douar_
. meurus ; . Guel van, etc., etc., qui ont aussi disparu.
Charte VII. Cette charte donne la trève de Cleeher

XIII villes, tout le plou d'Areol, d'une mer à l'autre, et
tout le plou de Telehrue.

Clecher, c'est K erg léguer , du Vallon des Saint8, qui
payait aussi la dîme à Landévennec, et où se trouve le
Castellic attribué à Gradlon (1).
Pour Arcol, le père Albert Le Grand (2) donne un troi-

sième repère: le -château de Tévennec. Arcol de Gradlo

ne serait donc pas la paroisse . de la presqu'île de Crozon,
mais bien Liord-Ar[Jol~ au Snd de l'île de Sein, entre les

deux mers 'ainsi désignées à l'île : mer droite, ou baie
d'Audierne; mer gauche, ou baie de Douarnerlez, à l'entrée

de làquelle se trouye l'îlot du To-Ven oc, ou Tévennec .

Cette charte est com pIétée par la . charte IX, où se
trouvent : Les-Cletin~ ou Lescléden, près de Kergléguer;

Tref-pul-Dengel~ ou Poul-Denver, à l'î. le de Sein; Ros-
Tuder~ au haut du Vallon des Saints, près de Trévern, en
Goulien.

La paroisse de Plogoff possède aussi, au versant Sud du
Vallon des Saints, un 'lee~h et une fontaine, près desquels la
tradition place une chapelle au vocable de saint Guénolé,
aux dépendances du . village de Laoual (3) .
Toutes les donations de Gradlon sont ainsi groupées à

l'entrée Sud de la baie de Douaf'nenez,à l'île de Sein et

surtout à l'extrémité Ouest de la par. oisse de Cléden, sur
le plateau qui bOl'de et domine la baie des Trépassés. Au

point culminant de ce plateau, se trou ve l'occllpation gallo-

romaine de Tl'Oguer, qui a longtemps servi . d'amer aux
navigateurs. De longue date, les habitants voisins en

(1) Cadastre : C. 690 à 700 .
. (2) Vie de Saint Guénolé, §. IX. .
(3) La Ligue en Bretagne, p. 9 (en note)~

tiraient des matériaux pour leurs constructions et en
déblayaient le terrain pour leurs cultures. A la fin du XVIe
siècle, ces ruines, en forme de quadrilatère, avaient encore
trois t~ses de hauteur. Vers ]576, le procureur du roi à
Quimper, Jacques Mocam, requit défense aux habitants des
environs de continuer à les démolir. Vers 1860, un agent-
voyer en fit du macadam. .
Ces ruines sont celles de la citadelle d'en haut mentionnée

par Gurdestin.
Gradlon. Elles
80 mètres.
dans le sermon de

dominaient la ville
saint Guénolé au roi ..
d'Is d'une hauteur de '

Xl. LA VILLE D)IS D)APRÈS LA TRAI)ITION .

« La ville d'Is se trouvait à ls de Menez-Beziou~

(c au bas de la Montagne des tombeaux) en face de llis-
(( pors-FaU) (cadastre E, 120) l'église (ou grotte) du mauvais
(c port) . .. là où est actuellement la Basse-Jaune )~. '
Le cbanoine Moreau rapporte aussi ce fragment de poésie:

« Ar roue Glazren zo en Y$ bez. »

(c Le roi G l'udlon ~~st au bas du tombeau. »
Mènez-beziou est au sommet de la montagne du Robar,
qui borde, à l'Est, l'anse de Porz-Théolen.
2°. « Le raz de Sein n'existait pas, ni la baie des Tl'é-
« passés. Une t~rre occupait l'espace compl'is entre la
« Bass.e-J aune, le To-Venoc, l'lle-de-Sein, la Pointe· du-Raz.
c( Cette terre attenait à la Pointe-des- Van et à la côte de

« Cléden . L'Ile-de-Sein est ce qui reste de cette terre. »
3°. « Eno e oa, gad he dek dor,
« Ac eun aife aour d'ho digor. » - (1)

( C'est bien sur cette terre disparue qu'était 18, avec
« ses dix éclus_ es, une clef d'or pOUf les ouvrir. »
. L'. _ ' il ' .= . . ...
(1) Ancienne chanson de la ville d'Iso

Les écluses se trouvaient la où les roches du Gorlé prolon-
gent la Pointe du Raz vers l'Ile de Sein .

4°. {( Seiz mantel skarlat a tri-ugent, heb ni veri ar l'e al.
« A tetie, oud ar Ger-a-Is, bep $àl, d'an oferen da

[LaouaI. »

- « Soixante-sept manteaux d'écarlate, 'sans compter les
autres, venaient de la ville d'ls, chaque dimaIiche, a la
messe, à Laoùal. »)

5°. « Un chemin pavé

bordé d'arbres, conduisait de

« la ville d'Is à LaouaI. » -

Aucun accore n'indique l'atterrissement de ce chemin,

d~trllit, san.s · doute, par affais:;;emènt du sol, corrosions et
éboulis des falaises. .
6°. «. Er verven d'an Enez,

« E oa palez ar Br.insez. » (1)

- « Au Sud-Ouest de l'Ile de ~ein était le palais de la prin-
cesse Ahès. »

Vers le Guivian (le petit bourg), à deux ou trois milles en
mer, une roche porte encore ce nom. .
7° « C'est aussi, au Sud-Ouest de .1'Ile-de-Sein que

« se fit la rupture du cordon littoral qui protégeait la Bre-
C tagne marécageuse 1). .
Bien au-dessous des fondations de la digue, à Liord-Argol

. . et Beg-ar-c'halé, à l'Ile-de-Sein, l'on a tl'ou vé des coffrets .
avec inhumations, des br'iques li ct'Ochets gallo-romaines,
des emplacements de maisons. Preuve d'un affaissement

important du littoral en cet endroit.
C'est aussi, en cet endroit, qu'existe.le Sun le plus violent.
Depuis le Ve siècle, le littoral de l'ancienne Bretagne
marécageuse n'a cessé de subir de profondes modifications,
par corrosions, affaissements, dAnudations pal' raz-de-marée .

Nous citerons seulement ce fuit qui nous a été par M. Le Cor-

(1) Ancienne chanson de la ville d'Iso

vaisier, détache aux travaux maritimes de l'Ile-de-Sein :
« La pyramide Beautemps-Beaupré, construite pour
« signal de mer, au commencement du demier siècle, a

« baissé df' Oro 17 par an, depuis dix ans, de 1900 à 1910 ».
L'Ile- de-Sein peut dispal'aîtrc, la légende d'Is, de Gradlon "
et d'Ahès se contera toujours. .

Audierne~ 30 Décembre 1919.

H. LE CARGUET.

- DU FINfSTERE

de YlUe
B.P .. 531
29107 QUIMPER

- 210

DEUXIÈME PARTIE

Table des mémoires publiés en 1920.

PAGElS

1 La ville d'Is par H. LE CARGUET. . . . . . . 3
II Quimper (études archéologiques) par [H. VVAQUET]

-(planches) . . . . . . . . . . . . . . .. 26
HI Locronan (études archéologiques) par [H. W AQUET]
, (planches) . . . . . . . . . . . . . . .. 10 l
IV Essai d'histoire économique d'une paroisse rurale,
Plogastel-Saint-Germain a'u XVIIIo siécley par

J. SAVINA

127
V Les Monuments historiques du Finistère, par [H.
WAQUET]. . . .. .. ' . . . . . .. 160
VI Plaidoyer pour la "chapelle des bergers " par C.
V ALLAUX. . . . . . . . .

VII Discours de fin d'année de M. le PRÉSIDENT.

187
200

Quimper, Imp. M .... CHAVET - BARGAIN, Rue Asto!' et Quai du Steïl'