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Bulletin SAF 1919


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Un jeune matelot bigouden otage de corsaires jersyais (1744-1718)

Le Bourdellès

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1919 tome 46 - Pages 168 à 171

OTAGE DE CORSAIRES JERSY AIS

(1744-48)

Le J7 juillet 1744, la barque Saint-Charles~ de Pont­
l'Abbé, meltait à la voile de ce port pour Bordeaux, avec
un chargement de 24 tonneaux de seigle et de 9 pièces de

toile de Locronan. Elle était commandée par un capitaine
du pays~ Jean Le Gars.
A peine était-elle à 9 lieues en mer, qu'elle fut rencon­
trée par un cors:üre Jersyais, lequel lui enleva toutes ses
manœuvres courantes de rechange, les vivres du bord et
les belles toiles de Locronan qu'elle portait.
Afin de s'exempter d'être fait, lui-même, prisonnier, le
capitaine accepta de. racheter, moyennant une somme de

2.200 livres promise aux corsaires, la valeur de la barque
et de ce qui restait à bord de la cargaison :·en outre, pour
sûreté du payement de la rançon, il livrait aux Anglais

un jeune matelot de l'équipage, Thomas Garnier~ fils de
Jean-Hervé Garnier et de Jeanne-Corentine Guyomard.

Cette opération faite, le capitaine remit, tristement, sans
. doute, à la voile vers Ponl-l'Abbé.

Le 25 juillet, il passaitdéclara.tion régulière de ceL

événement de mer au gre. ffe de l'Amirauté de Quimper et,
deux jours après, il faisait nolifier cette déclaration aux
armaleurs du ~;"aint-Charles. les sieurs René Charpentier

et Hervé LDrgnnton, négociants à Ponl-l'Abbé, les sorn-

- 169 -'

mant, en même temps, de délibérer sur la rançon, de
déclarer si la barque et la cargaison étaient assurées et,
en ce-cas, de lui fournir indication des noms et demeures
des assureurs, sinon de faire abandon du bàtiment et de .

la cargaIson.
Le 30 juillet, les armateurs dénoncèrent au capitaine
que la 'barque était assurée, avec ses équipements et la
cargaison, pour 2.067 livres, à des assureurs de Bordeaux,
dont ils fournissaient les noms, ajoutant qu'ils , allaient
notifier à ces derniers l'abandon du bàtiment et des mar­
chandises et qu'en conséquence, ils se désintéressaient,
personnellement, des suites de l'affaire .
. Effectivement, cette notification était faite, le 5 août, par
les armateurs aux assureurs. .

Pendant ce temps, naturellement, l'infortuné mineur
Thomas Garnier demeurait aux mains des corsaires et il

allait en être ainsi, pendant toute ladurée de la procédure

qui devait se continuer jusqu'en 1748 ; d'autre part la

barque demeurait improductiye dans le port de Pont-
l'Abbé, la marchandise rostée à bord n'avait pas tardé à
dépérir et le capitaine Le Gars devait, lui-même, mourir
avant la fin du procès.
Le 22 mai 1745, Guillaume Le Bourg, Luteur du mal­
heurf'ux otage, assignait les armateurs devant l'Amirauté

de Quimper, en payement de la rançon de son mineur et
en dommages-intérêts pour le préjudice à lui causé par
dix mois déjà de détention chez l'ennemi.
Les propriétaires des n ;avires sont, disait-il,respon­
sables, aux t~rmes de l'Ordonnance de 1681 sur la Marine,
des faits du maître: ce sont eux qui ont donné le com­
mandement de la barque au capitaine Le GaI,'s ; c'est celui­
ci qui a composé pour la r.ançon et donné le mineur en

otage; les propriétaires du Saint- Charles doivent donc
payer, d'autant que, dans l'espèce, la c?mposition a été

- 170 -,
avantageuse pour eux, puisque la barque' étant assurée
pour 1.500 livres et la marchandise estimée à 864 livres,
, le total de ces sommes est supérieur au montant de la
composition fixé seulement à 2.200 livres.

Mais, répliquaient les armateurs, cette déduction des
termes de l'Ordonnance n'est pas exacte: les propriétaires
sont, en effet, déchargés des actes du maître du navire,
s'ils abandonnent le bâtiment et le fret; sinon, le capitaine
'pourrait les ruiner entièrement el cette éventualité serait
de nature à entra ver les armements et à atteindre la
richesse de l'Etat lui-même.
Le 6 août 1745, une sentence de l'Amirauté de Quimper
condamnait les armateurs à fournir la som;ne nécessaï're

pour la rançon et le retour de l'otage, sauf à eux à se
pourvoir contre qui de droit; celte sentence était déclarée
exécutoire par provision elle tuteur autorisé à em, prunter
les sommes nécessaires pour retirer le , mineur d'escla­
vage (sic).

Mais le pauvre Thomas Garnier ne possédant pas de
biens suffisants pour garantir le payement d'une somme
aussi élevée que celle de 2.200 livres, personne ne voulut
prêter de fonds au tuLeur et, quatre ans plus tard, Garnier

était encore entre les mains des pirates de J orsey !
Comme nous l'avons ~it plus haut, le capitaine Le Gars,
lui-même, était mort, sans laisser de succession suscep­
tible de répondre d'un recours quelconque.
C'est dans ces conditions que l'affaire venait enfin le
8 août 1748 devant la grande Chambre du Parlement de
Bretagne. .-

La Cour rendit un arrêl qui confirmait la décision des
premiers juges et y ajoutait une condamnation sévère en

600 livres de dommages-intérêts au profit de Garnier,
contre les armateurs, pour les punir, sans doute, de leur

morosité si préj udiciable à ce malheureux.

- 171 '-
Les archives judiciaires ne vont pas plus loin que la
solution même du litige soumis à la Justice; nous aimons
à penser néanmoins, que la rançon, desfinée à assurer la
liberté de notre compatriote, fut enfin mise à la disposition
des audacieux Jersyais et que le jeune Thomas Garnier,
put l'entrer joyeux au pays Bigouden.
LE BOURDELLÈS .

DEUX1ÈME PARTIE

publiés en 1919

1 Les trou pes de guerre àLesneven sous Louis XIV
par l'abbé G. PONDAVEN. . . . . . . . . .
/ Il Etablissement gallo-romain de GOfré-Ploué en

Plouescat par le chanoine ABGRALL (2planches)
III La révolution en Bretagne. Les derniers Monta­
gnards 1795 (suite) par PRo HÉMON. . . .
IV Laënnec bretonnant par GASTON ESNAULT. . .

V Excursion à Quimperlé par le chanoine ABGRALL
VI Etablissement gallo-romain de Pors-Guen en

. Gouesnac'h par 1. OGÈs. . . . . . . . . .
VII La chapelle Notre-Dame de Kerinec et les hôpi-

taux des chapelles bretonnes par H. WAQUET
(1 planche).. . . . . . . . . . . . . .
VIII Un jeune matelot bigouden otage de corsaires

jersyais (1744-17 t8) par LE BOURDELLÈS. . .

IX Importance archéologique de la région de la

presqu'île de la Torche par le commandant
CHARLES BÉNARD, l'abbé FAVHET et GEORGES
BOISSE LIER.. . . . . . . . . . . . . .
X Note sur le squelette exhumé à Roz-en-Tremen
dans la région de la Torche par le docteur
LAGRIFFE ... . . . . . .. . . . . . . .. .
XI L'enseignement de la langue bretonne par L.
OG~:S. .. .. . .. .. .. .. .. . .. . .. .. .. ..

XlI Discours de M. le PRÉSIDENT. .

PAGES

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