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Bulletin SAF 1919


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La chapelle Notre-Dame de Kerinec et les hôpitaux des chapelles bretonnes

H. Waquet

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1919 tome 46 - Pages 153 à 167

ET LES HOPITAUX DES CHAPELLES BRETONNES

On. visite peu la chapelle Notre-Dame de Kérinec en Poul­
. lan. La faute en est a la situation q~'elle occupe, isolée loin

des grandes routes et difficilement accessible. Du côté de la '

route de Douarnenez a Audierne elle est presque inabordable. .

Ne nous en plaignons pas trop cependant : ce qui l'isole .

contribue a sa beauté. Elle gît dans une légère dépression

de terrain, auprès d'une fontaine d'où jaillit une source, sous
le couvert d'un épais rideau de châtaigniers et de hêtres, frais
asile de repos, presque de joie, dans ce rude pays du Cap,
terre de landes et de pips, sur laquelle, même par un clair .

jour bleu, semble toujours peser la mélancolie de l'immense

mer toute proche. Qu'on vienne a Kérinec par Poullan; de
petits sentiers assez bien tracés conduisent sans erreur pos­
sible a la chapelle; il n'y a de marche que pour quarante
minutes. ,

Origine; Histoire. Quelle est l'origine de cette cha-
pelle? Personne n'en saura jamais rien. Une source est là.
U devait s'y rattacher quelque croyance païenne. Une divi-
, nité présidait au débit , et il; la pureté des eaux, divinité bien­
f~isante, puisqu'elle entretenait la fraîcheur et la vie, créa­
tion spontanée d'un pag~nisme vraiment immortel puisqu'il
n'est autre qu'une forme de l'attache de l'homme a la nature.
'Le christianisme survenu exorcisa la source. La Sainte

154 -

Vierge chassa l'ondine et, au XIIIe siècle, une ardente piété
lui éleva près ' de sa fontaine l'un des deux plus beaux sanc-

tuaires qu'elle ait possédés dans la Basse-Bretagne jusqu'à
la construction de Notre-Dame du Folgoët. (1)
Telle que cette chapelle se présente à nous aujourd'hui,
diverses époques s'y dénoncent sans, toutefois, que l'harmo-

,nie de l'ensemble en soit troublée.' Trois siècles surtout y
ont laissé leurs empreintes respectives, le XIII", le XVs,
le XVIIe, mais il se trouve qu'à chacun d'eux se rapporte
une part bien déterminée de la construction. Au XVIIe siècle
appartient la tour posée sur le pignon de la façade occiden-

tale, à la première moitté du ' XV" l'enveloppe extérieure de

l'église, au XIII" les arcades de l'intérieur. Au XVIIe siècle,
lorsqu'on reconstruisit la tour, vraisemblablement à la suite
d'un écroulement. causé par 'la foudre, la maçonnerie de la
façade fut un peu remaniée, mais le portail, sans conteste,
est ancien. '
Plan. Le plan offre un long rectangle de sept travées,
trois pour le chœur, trQis pour la nef. Au centre une travée
plus vaste forme le carré du transept .. A l'extrémitè ouest
une construction massive, prolongeant la nef, porte la tour.
C'est par là, sous le passage voûté s'ouvrant sur la grande
porte, qu'il faut se placer pour apprécier l'élégance correcte

de ce vaisseau' aux colonnes sveltes, qui, un peu sombre
dans la nef proprement dite, va s'éclairant toujours davan-

tage jusqu'à la belle rose rayonnante du chevet plat. Un toit

(1.) L'autre est Notre-Dame de Roscudon, aujourd'hui église paroissiale
de Pont-Croix. Les fondateurs de Notre-Dame de Roscudou furent les
seigneurs de Pont-Croix. En 1.D~4 le droit de patronage, à Kérinec,
appartenait à Alain de Tyvarlen, seigneur de Guilguiffin (Archives du
Finistère, 219 G 2, nO 1), représentant une branche cadette de la grande
famille de Tyvarlen dont un membre était devenu, au début du XIve siècle,>
seigneur de Pont-Croix.

; .. ".",,1 ~ -\ ~ r le ~ 1 "j ~o~~

nu- siècle. . . . . . . .
Première moitié du XV, siècle.
XV, siècle (remaniement au XVII' · siècle).
Moderne (fin du XIX' siècle)..

~ llf{

PLAN DE LA CHAPELLE DE KÉRINEC

Ch. Chaussepied del.

.156

commun, sauf, n~turellement; pour le

couvre la
nef et les .bas-côtés. ' .

Intérieur. Les ' piles de la nef ~ont, les premières
polygonales, d'-ailleurs engagées dans le massif de la tour,

. les ,suivantes cylindriques puis polylobées, constituées par

un faisceau de huit colonnes. Ce dernier genre de supports,

où 'farchitecte, au lieù d'engager les' colonne~ dans des
, angles rentrants, les a soudéés le~ unes' aux autres, est

C ' d'origine et de tradition poitevines, mais, par l'effet d'in-

: fluences ignorées, de nous, a été très pratiqué dans le pays

. : _ de Porit, -Croix à partir d'au moins 1170. Le plus ancien

: ~ e-xemple connu, du moins\ Îe plus -ancien exemple 'daté, s'en

. : . trou ve dans la cha.-pelle ~n ruines de Languidou, près de '

': Plovan" bâtié vers l'année 1170. L'église paroissiale,de Pont-

_.. Croix possède un très remarquable ensemble de piles de ce

' :~ type (1). On peut citer: aussi'les églises de Mahalon, de Lan-

:' guivoa en Plonéour-Lanvern, de Lambourg en Pont-l'Abbé,

': de Pluguffan, de Pont-l'Abbé même. Cette derniereéglise est

de l'extrème fin du XIVe sièéle, et, cependant" on y trouve

. encore de' s piliers analogues à ceux du XIIe siècle, La raison
'. ; en est ~acile à co~prEmdre. Com~e ,ori ne prévoyait pas de

, ':voute, çe plan' de

pÎle' où rien n'est fait pour ' recevoir des

, . ,rétombees de nervures n'avait.rien de gênant. C'est précisé-

mentce 'qui es~arrivéà Kérineè. La nef et lè carré du tran- '

. ', (1)' M. Ch. Chaussepied a, l~ preII}ier. donné à ëette ', véritable école
: regionale l'attenlion qu'rIle mérite (Etud~ sur l'architeCture romane du

Finistère... Ecole régionale de Pont~Croix, dans le Bulletin de la Société
" arch~olog{que 'du ',Finistère, 1.909): Puis ,MM,' E. Lefèvre-Pontalis et
, : L. t..éCur~llX en ont précisé avec beaucoup dr- soin .les 'caractères essen­
tiels èt rriontré ce que ces églises avaient de commun ~vec 'les monuments
, poitevins (Les influenée-spoitevines en Bretagne et l'église de Pont-Croix,
-, dans le pulletin, monumental, 1910). M. ,le chanoine Abgrall' a consacré
: :quelcj\ies lignés à la cha. pelle de KéfInec'dans son Architecture bretonne,
, ' p. 26; et dans llOl 'Livre d'or des églises de Bretagne, Pont-Croi.'IJ, p. 8.

-- 157 -

sept y sont presque certainement de la fin du XIIIe siècle.
Le tracé en tiers-point d~s arcades le révèle, ainsÏ, sürtout,

NEF ET ,TRANSEPT

· '!J.O ' .'" ~ M '

que le profil des tailloirs et l'ornementation des chapiteaux .. '

Plus de cnlots en forme de cône renversé au-dessus des tail~ ..

loirs, comme à Pont-Croix et à Langùidou. Plus de cha· pi- '

-·158 -

teaux cubiques: sur les larges corbeilles s'éploient des feuille~
. lancéolées traitées, d'une main assez ferme ou bien grima-

cent des masques humains grossièrement taillés. Les arcades
des deux premières travées présentent deux rangs de cla-
veaux simplement biseautés aux arêtes; la troisième a des
moulurations toriques sans filet saillant. Cette absence de
filet semble autoriser l'attribution de ces arcades non pas au

XIVe siècle, mais à la' fin du XIIIe, car cet élément déco-
'ratif, existant sur les tores d'intrados dans le chœur de l~église
de Pont-Croix, aurait été très probablemenf appliqué ,aux
arcades de la nef de Kérinec si cette nef avait été faite pos­
térieurement aux arcades du chœur de la g. rànde église voi­
sine. Au surplus il est .à remarquer que les caractéristiques
du style, a tort appelé souvent du XIVe siècle et qu'il faudrait
de préférence qualifier toujours de rayonnant (1), ont été
adoptées relativement tôt en Cornouaille: c'est ainsi qu'il y
a un filet saillant à l'intrados de deux arcades dans le chœur

de la cathédrale de Quimper, arcades bâties vers 1260.
Les profils des bases ne fournissent aucun élément certain
pour fixer une date: elles sont très aplaties, avec des socles

posés eux-mêmes sur des cubes de pierre arrangés pour

servir de bancs. Les piles orientales de la première et de la
.deuxième travée portent vers l'ouest, aux deux tiers de leur

hauteur, une sorte de console destinée sans doute à recevoir
une statue. ,

(i) Quelques archéologues, notamment M. de Lastey;rie, dis~nt c( rayon­
nant ou géométrique ». Le second terme, plus exact à certains égards que
le premier, est un peu abstrait. Ce n'est pas à dire que le qüalific. atif
« rayonnant» ne prête pas à la critique. Il est seulement meilleur que
l'e:x:pression : du XIve siècle Dans l'histoire de l'art comme dans celle
des idées, la division par... siècles, très . commode certes, et même, par
hasard, assez souvent juste, a quelque chose de trop arrêté qui fait illu­
sion. La Sainte Chapelle de 'Paris, élevée en 124,5-1218, se rattache au .
style dit du XIve siècle. Celle de Riom, élevée vers 1380 pOUl' le duc de
Berry, est tout il fait flamboyante.,.,

-159 -

Le carré du transept montre des amorces d'ogives, mais
n'a pas été voûté (1). Les quatrè solides massifs qui lè des­
sinent, composés de douze colonnes" avaient été évidemment
bâtis pour supporter une tour centrale; par malheur, cette
tour, qui aurait constitué a l'église un couroilnement magni­
fique, n'a jamais existé. Des pierres retrouvées jadis dans la

sacristie, et qui venaient d'une ancienne tour, appartenaient

certainement a celle du XVe, siècle que le clocher actuel a
remplacée. Les arcades du carré du transept sont en tie'rs­
pojnt, tandis que le plein-cintre a été conservé sur les arcades
épaulant latéralement les grosses piles et qui font commu­
niquer les bras du transept avec les bas-côtés de la nefet du
chœur. Ce sont, en quelque sorte, des arcs-boutants intérieurs.
Les arcades du chœur rappellent davantage celles de
Languidou et de la nef de Pont-Croix -parce qu'elles sont en
plein-cintre et parce que, sur le mur, a l'intérieur, s'allonge
un bandeau horizontal dont, au-dessus de chaque support, un
appendice vertical descend vers la pile pour se soutenir, un

peu au dessu' s du tailloir, sur un culot a masque humain, -
disposition qui ne se trouve pas dans la nef. Néanmoins,
comme, dam; les autres détails, le chœur offre les mêmes
caractéristiques que la nef, on doit le dater lui aussi du

XIIIe siècle, peut-être en lui donnant _ une antériorité de

plusieurs années par rapport a la nef. En tçmt cas, c'est ici
la partie la plus ancienne de l'église actuelle.

Extérieur. Au XVe siècle fut reconstruite toute l'enve-

loppe extéri~ure; laquelle est, d'ailleurs, moins riche que les

extérieurs de la plupart des chapelles analogues de cette
région. Contrairement a l'usage breton, a Notre-Dame de
Kérinec c'est l'intérieur qui a été traité avec le plus de soin
et de somptuosité (2).

(i) Contrairement à ce qui a été écrit par inadvertance dans l'étude
déjà citée de MM. E. Lefèvre-Ponlalis et L. Lecureux.
(2) La sacristie est presque entièreme~t une construction moderne .

- · 160 --

Sur la nef s'ouvrent, du côté sud, une porte correspon, .
dant à la deuxième travée (1), des deux côtés, deux petites
fenêtres correspondant l'une à. la première, l'autre à la troi.

sième travée. Ces petites fenêtres, dessinées en plein cintre,
étroites presque à la façon de meutrières, ne distribuent que

parcimonieusement la lumièi'e à l'intérieur de la chapelle,
cependant, malgré la première apparence, elles ne sont pas
le moins du monde romanes: elles ont des encadrements

qui, d'après les caractères des chapiteaux et des bases, ne
peuvent pas, si l'on se ra~porte aux traditions de l'architec­
ture cornouaillaise, remonter plus haut que ·la première
moitié du XVe siècle. Tous les portails sont de cette même
date, ainsi que les. grandes fenêtres du transept et du chevet.

Parmi les portails, celui de la façade rappelie un peu, par ses
voussures biseautées et ses chapiteaux d'allure archaïque,
~ les arcades de la . base de la tour de Locronan, qui doivent
Île pas être postérieur'es à 1435 (2). L'ornementation d-és
. grandes fenêtres est, il est vrai, purement rayonnante et
peu différente de celle que, dès ~es derniéres années du
XIIIe sièc~e, on employait dans beaucoup d'églises, même

en Bretagne, par exemple à la cathédl'ale de Quimper: ..
nulle tmce de ~ouffiets ni de mouchettes, partout des quatre-

feuilles et des trèfles .; la seule caractéristique notable est

l'emboîtement de .ces quatre-feuilles et ti'èfles dans des
triangles ou losanges convexes. Toutefois chacun sait que
l'art breton, qui s'était assimilé assez vite les principes du
style rayonnant, les a longtemps conservés, surtout dans le

dessin des grandes veHières et des balustrades:' Il suffit de

. citer les grandes roses du transept de la cathédrale de Saint-
Pol et du 'cbevet de l'église des Jacobins de Morlaix. Du

(1) Au nord n'a été pratiquée qu'une toute petite ouverture rectangu-
laire aujourd'hui murée. .
(2) Et qu'à tort-on présente encore parfois COfIlme rQmanes. .

. . 161

reste, à Kérinec, le style des encadrements, comportant des
colonnettp-s à bases prismatiques, exclut une date plus an-

cienne que la première moitié du XVe siècle.

FONTAINE DE KÉRINEC

Pour ce qui est des grandes fenêtres et roses ... on n'en
pourrait pas sans doute citer dè rayonnantes après 1450,

date où, par l'effet du relèvement du royaume de France,
l'ar't flamboyant français semble s'implanter définitivement

en Bretagne; mais, sur les balustrades, particulièrement sur

162

celles des clochers, le quadrilobe s'étale jusqu'à la fin du
XVIe siècle et presque jusqu'au XVIIe (1). C'est ce qui

se constate avec une évidence convaincante sur le clocher
de Kérinec, reproduetion dégénérée, alourdie, des beaux

clochetons si hardis, si élancés, de Pleyben et de Penmareh.
Les corbeaux qui soutiennent l'avancée de la plate-forme
indiquent, de niême que le plein-cintre et la décoration des
baies, la fin de la période de la Renaissance ou plutôt le
début de la lJériode dite classique. A tout prendre, le clocher

avec sa flè~he, doit êtr.e de 16,?O environ. A vrai dire, il est

à peu près certain que la balustrade se compose de maté-
riaux réemployés provenant de la tour du XV· siècle, mais,
. puisque les motifs d'ornementation de ces matériaux con­
veIlaient aux nouveaux architectes, n'est-il pas permis de

. les considérer comme appartenant de fait au g?ût donc à
l'art de leur temps. Singulier mélange de styles et de formes!
Partout, dans ces églises de la cam pagne bas-bretonne, des
piéges attendent ainsi quiconque sY en vient les étudier comme
il ferait des monuments de la Bourgogne ou de l'Ile de
France. C'est ce que certains archéologues ,'eLllent dire en

éCI'ivant que l'art breton est retardataire. A d'autres le terme

semble, à cause de son ambigüi'té, im pliquer une nuance de
mépris. Disons donc que les maîtres d'œuvl'e en Basse-

BI'etagne, surtout eri Cornouaille, avaient le tempél'amcnt
conservateur. Lorsqu'une forme leur plaisait, ils y tenaient
et ne se croyaient pas forcés, pour se conformel' à la mode,
de l'abandonner aussi vite qu'on le faisait ailleurs pour en
prendre une autre. Dans leur cas il y a, non pas impuissance,

mais fidélité. Les grands monuments, comme la' cathédrale
de Quimper, si, dans certaines parties, ils sont bien accommo­
dés aux nouveautés de leur époque, témoignent eux aussi, en

(1.) Le plus bel exemple s'en trouve sur la tour de Ploaré dont la ga-
lerie supérieure porte la date de 1586.

-' 163 -

beaucoup de points, de cet attachement au passé qui est un
des traits de la race. Chaque peuple construit pour lui-même
et c'est de ce point de vue qu'il faut juger ses constructions.
Avec des éléments empruntés de divers côtés, et qu'ailleurs

on ne trouverait pas ainsi combinés, les bretons d'autrefùis

ont élevé le genre d'église qui sa.tisfaisait les besoins de leurs
yeux et .de leur âme. Cette combinaison n'est-elle pas en .
elle-même une nouveauté?

Annexes de - l'Eglise. Et puis, il y a les annexes de·
l'église, car le sanctuaire ne se suffit pas à lui-même. Il .
n'est que la pièçe principale d'un ensemble, pour les églises
paroissü, tles : cimetière, are de triomphe, calvaire, ossuaire;
- pour les simples chapelles: fontaine, croix et, particu­
larité peu connue, hôpital (1).

Il existe dans lé Finistère des fontaines plus belles que
. celle de Kérinec ; il n'en existe pas de plus gracieuse dans sa
simplicité. C'est, à quatre-vingts métres environ à l'est de la

chapelle, un petit édicule à pignon dont la niche a une arcade
dessinée en anse de panier que relèvent deux moulurations
prismatiques. Une légère colonne à nids d'abeilles décore
chacun . des angles. Il n'est pas possible d'assigner à cet
édicule une date antérieure à 151:0. Il ne seràit pas étonnant.
que nous dussions même descendre jusqU'à la seconde moi­
tié du XVIe siècle; cependant une note de la chronique
paroissiale conservée au presbytère de Poullan, et d'aprês
laquelle la fontaine aurait été refait~ en 1656 par les soins
du recteur N. Caodal, ne peut faire allusion qu'à une répara-

tion. Le nom de ce recteur se lit sur la partie supérieure du

pignon, partie qui dut alors être refaite; ainsi, vraisembla-

blement, que la bordure de la fontaine et le canal ménagé
pour l'écoulement de l'eau. . '. -
(i) Le mobilier de la chapelle ne contient malheureusement rien d'in­
téressant.

.. .....;. ' '164

, ' Sensiblément plus près e la chapélle, au sud-est, la croÏx_

calvaire, d'une exécution- grossière, se fait remarquer SUr_

.. tout par la haute chaire qu'elle domine au . centre et sur le

rebord de' laquelle repose un curieux pupitre de pierre. Sous

'le .pupitre même un buste humain semble représenter Un
a,uditeur attentif au sermon ouà la lecture.

L'Hôpital. L'ensemble se tl'Ouve complété par la mai-
son à demi ruinée qui, s'élève à droite de la route d'accès, du

côté nord; c'est-à-dire au nord-est de l'église. Elle comprend

sur une haute cave~ un étage qu'éclaire, au sud, une petite

fenêtre. Elle devait être jadis un peu plus vaste car, à.l'ouest,

se voit parmi des ruines une cheminée ancienne, qui pourrait ..

. remonter à la fin du XVe siècle. Ce .bàtiment, aujourd'hui

, inhabité" doît être regardé comme l'hôpital de ~a chapelle.

Dans une liasse de documents relatifs aux dl'oits et posses-

. sions de la seigneurie de Kerbaro en Poullan, remÏse aux

Archive~ départementales du Finistère par M. l~ comte de
" Sain ' Luc, se tl'Ouve en effet un acte du 5 juin 1513 passé

« en la maison de l'ospital de la chapelle Nostl'e-Dame de

, Kerynec )) (1). Nous constatons là une des rures traces lais-
sées dil'ris les textes par une coutume charitable et touchante',

, .trop perdue de vue pal' les archéologues.

Cette coutum'e est rappor·tée da,~s un mémoil't~ (2) que les

jésuites du , collège de Quirnpel' C0t11p'o'sèreut ver's 1670

pour expliqllel' qu'en dépit d'une tradition -alors cOUI'ante" la
chapelle de saint Laurent en Er·gué· .. .Armel, dépendant du

" prieuré" de Logamand, n'avait jatIln.is 'été un hôpital ou mala-

· . (1) Arch. (lu Finistère, E 45328. ;

(2) Archives du Finistère, D 4.5 (cité par M. le cha,noine Peyron dans
· son travail SUl' Les églises et chapelles du diocèse de Quimper, publié
.. dans le Bulletin de la Société archéologique du Finistère, 't XXX, f903, .
p.:1.40). Cette chapelle, qui s'élevait sur le mont Frugy, a complètement
· (lisp~ru:. Cf. ch: anoines : 1?eyron et Abgrall, Notices sur ,les . paroisses,
t. III, p. 255-257. '

Ch. Chaussepied phot .
CHAPELLE NOTRE-DAME DE KÉRINEC .

-165 -

drer:ie. C'est, écrivaient-ils « une simple chapelle bâtie
dans le fief du prieuré de Logamand, et il en est de cette

chapelle comme de beaucoup d'autres bâti'es en Bretagne, où
les peuples ayant une dévotinn particulière aux chapelles et

aux pélerinages, et anciennement beaucoup plus qu'au.:.
jourd'hui, comme on le remarqllP' p,n ce que la plus grande
partie de ces chapelles, qui sont en rlus grand nombre nahs
cet.te province que dans quatre autre.s du royaume, . ont été
bâties il y a plus de deux et trois cents ans, en ce temps là
chacun vouloit avoir sa chapelle et y procuroit de~ dévotions
. particulières; il Y en avoit mème qui, pour y mieux réussir

et qui par un pur motif de piété et de charité, sans aucun~
obligation, mettoient dans ces chapelles, ou dans quelques
autres lieux voisins qui leur appartenoient qui deux, quatre
ou six lit~; plus ou moins selon le nombre d'offrandes qui
tomboient dans ces chapelles et dont on se servoit, les
réparations de ces chapelles préalablement faites, pour l'en­
tretien de ces lits et des pau vres estropiats et pélerins qu'on
y recevoit.Vers l'an 1510 cette dévotion aux chapelles s'étant
relâchée, en sorte qu'y (1) ayant beaucoup moins de péle.;;
rins et,. conséquemment, y tombant beaucoup moins d'of­
frandes, cela donna lieu à quelques uns de n'y plus tenir de
lits ni recevoir de pauvres ».
La même pièce nous apprend que, justement vers 1540,
la commission extraordinaire constituée pour la réformation
des hôpitaux de la provi nce, dont les fonds étaient ·en géné­
ral mal administrés, fit quelques tentatives pour toucher
aussi aux simples chapelles. En vain ' d'ailleurs; -mais ces
prétentions hostiles durent confribuer à hâter l'abandon de
la vieille coutume. Toutefois il semble bien' que l'hôpital - de
Notre-Dame de Kérinec était' encore très fréquenté au débu~
du XVIe siècle puisque non seul~ment on y hébergeait des

(1) Le texte porte: qui.

- 166 _.

pélerins et -des mendiants, mais des notaires, des ({ 'pas­
seurs », comme on disait alors en Basse-Bretagne, y rece­
vaient des contrats auxquels ils apposaient leurs seings (1).
Il serait intéressant de rechercher aux alentours de toutes

les chapelles .rurales s'il ne subsisterait pas des hôpitaux
analogues. Peut-être doit-on reconnaître les vestiges d'un
hôpital auprès des ruines de Sainte-Barbe en Gouesnac'h.
Constatons au moins qu'aux portes mêmes de Quimper nous

en rencontrons un presque intact. En effet; quiconque a visité
la chapelle de la Mère de Dieu en Kerfeunteun se rappelle
qu'au Sud-Ouest, sur le bord de la route, se dresse une petite
maison de plan rectangulaire à laquelle une structure extrê­
mement fruste donne un air assez étrange. Nul ne saurait

la dater. On a pensé (2) que cette annexe de la chapelle, il.
présent convertie en oratoir.e, était destinée il. rappeler a la
piété des fidèles la Santa Casa de Lorette. Mais il faut faire
attention qu'elle se trouve hors de l'église principale, ce qui
la différencie de la Santa Casa, que, d'autre. part, elle ne
présente pas l'orientation Ouest-Est, ce qyi interdit de la
regarder, si elle est ancienne, comme ayant été primi­
tivement une chapelle. Ce qu'il y a de plus probable, disons

même de presque certain, c'est que cette maison était
l'hôpital de la chapelle. Il est vrai que l'église actuelle a été
commencée en 15,iO, date vers laquelle, suivant le mémoire
cité plus haut, se relâcha la dévotion aux chapelles et, par­
tant, la coutume de ménager des hôpitaux soit il. l'intérieur,

(1) C'est à cet hôpital, dès lors désaffecté, que doit se " rapporter un
article du compte de la chapelle en , 1791 où figure la mention. d'un paie­
ment fait pour « l'ouvrage fait sur et autour de la maison appartenant à
la dite chapelle» (Arch. du Finistère, .219 G ~, n° 5). La présence,.
de cheminées dans certaines églises ne s'expliquerait-elle pas elle aussi
par la pratique de l'hospitalité envers les pèlerins et mendiants?
(~)Notice sur la chapelle de Tg-Mam-Doué par l'abbé Peyron, chanoine,
Quimper, Kerangal, 1893, 16 p.

167

oit dans le voisinage, mais, pour avoir bâti ce délicat chef-
'œuvre d'architecture rurale qu'on appelle Ty-Mam-Doué,
1 faut croire que les braves gens de· Cuzon, paroisse dont ce
errain dépendait alors, demeuraient attachés aux bonnes
raditions de leurs ancêtres. pu reste, rien n'empêche de

onsidérJr l'hôpital comme antérieur a 1540 puisqu'avant les
avaux du XVI· siècle il existait déjà en ce lieu un sanc
aire dédié sous le vocable de la Mère de Dieu. Avec le
emps, l'hôpital cessa de servir aux pélerins mendiants ou

stropiés, on en fit une petite chapelle, puis tout le monde
vint au point d'en oublier la destination primitive.
H. WAQUET .

DEUX1ÈME PARTIE

publiés en 1919

1 Les trou pes de guerre àLesneven sous Louis XIV
par l'abbé G. PONDAVEN. . . . . . . . . .
/ Il Etablissement gallo-romain de GOfré-Ploué en

Plouescat par le chanoine ABGRALL (2planches)
III La révolution en Bretagne. Les derniers Monta­
gnards 1795 (suite) par PRo HÉMON. . . .
IV Laënnec bretonnant par GASTON ESNAULT. . .

V Excursion à Quimperlé par le chanoine ABGRALL
VI Etablissement gallo-romain de Pors-Guen en

. Gouesnac'h par 1. OGÈs. . . . . . . . . .
VII La chapelle Notre-Dame de Kerinec et les hôpi-

taux des chapelles bretonnes par H. WAQUET
(1 planche).. . . . . . . . . . . . . .
VIII Un jeune matelot bigouden otage de corsaires

jersyais (1744-17 t8) par LE BOURDELLÈS. . .

IX Importance archéologique de la région de la

presqu'île de la Torche par le commandant
CHARLES BÉNARD, l'abbé FAVHET et GEORGES
BOISSE LIER.. . . . . . . . . . . . . .
X Note sur le squelette exhumé à Roz-en-Tremen
dans la région de la Torche par le docteur
LAGRIFFE ... . . . . . .. . . . . . . .. .
XI L'enseignement de la langue bretonne par L.
OG~:S. .. .. . .. .. .. .. .. . .. . .. .. .. ..

XlI Discours de M. le PRÉSIDENT. .

PAGES

133
150
153
168
172
193
197
205