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Bulletin SAF 1917


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Quimper au XVIIIè siècle. Notes et documents. I. La comédie et les jeux à Quimper en 1785

Daniel Bernard

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1917 tome 44 - Pages 121 à 132

uimper au X

otes ' et _ OCU l 'f lents
...:.. '---Ote-: -_ . _---

1 .. La Comédie et· . les Jeux à Quimper, en .1785~

A l'angle nord-ouest dela place Sa~nt-Corèntin, il exis-
tait, avant 1784, un espace non' bâti· séparé de la ru'\:;

dt~ GUBÛ'det par deux maisüns dont l'une, appartenant ·

à NI. Démizit, avocat, était habitée par M. de la Vil1e-

louys du Nessé, .ancien conseiller de grand'Cha.mbre au
Parlement de Brl etagne. Ge terrain, clos sur' la place

par un mur de 8 pieds de hatH, servait de chantier à
un marchand de bois nommé Philippe qui était en
même temps . chapelier. .
En 1783-1784, Philippe se décida, sur les sollicita- .
tions de quelques Quimpérois amateurs de théâtre, à
bâtir ,en eet endroit ùne salle de spectacle et un café.

L'année suivante, tout était terminé et la « Comédie »,

de même que le café ne manquèr; ent pas de clients, car,
nous dit ·Cambry (1) : «La passion principale des ha­
bitans de Quimper était le j·eu; I,es f.emnies s'assem-

blaient, pour jouer, dès le matin ; ün ne quittait l, es
cartes qu'à la fin du jour. 'Les hommes cédaient à tou-:-

. tes les fureurs, à ·tous les désordres de cette passion
funeste; les étrangl ers s'y rassemblaient. On' y vivait

(1) Voyage dans le Finistère, EdIt.ion
323-324 . .

Fréminville, iJ

122 -
toute l'année, comme pendant une saison, aux -eaux

de Spa, de Batz et de Barèges, ' 0' On sent qu'à, Quimper-

Corentin, on jouait quelquefois des comédi, es bourgeoi-

ses qui ne valaient pas mieux que celles de Chantilly ~
de Versailles, de la. Duchesse de Villeroy, du Duc de
Grammont, de Mlle Guimard et d.e Mme de Montesson,
etc .. , Elles avaient un mérite de plus, PréviUe, . Molé~
Sainval, n'en faisaient pas ressortir les grimaües : 01\
les jouait sans 0 prétention, avec gaîté ; les scènes des
. coulisses et des répétitions dédommag,eaient amplemen l

les acteurs de l'embarras et de la gaucherie, des fauies
Je mémoire 0 qui ne les tourmentaient qu'un mom.ent
sur la scène » (1),
o Mais 0 l'Evêque de Quimper, Mgr de Saint-Lue, qui

n;jgnorait point l,es habitudes de ses administrés, s'é-
mut fortement do ecette nouveauté et crut devoir se
plaindre au Duc de Penthièvre, gouverneur de Bre-
tagne (2), _
o Celui-ci transmit la plainte
manda des informations à son

à l'Intendant qui d~-
subdQlégué de Quimper,

o (1) La salle de théâtr, e bâtie pa r Philippe' , en 1784 a. gardé
son affedation jusqu'à 1877; Plusieurs anciens Quimpérois
se souvieiment d'y avoir vu joue, r la comédie , et tenir des
réunions pour discours et conférences, puis d'y , av, oir joué
et bu daIJ.s leca~me et la tranquillité,

En 1877 Madame Autrou 0 y installa son magâsÎn de meu­
bles et tapisseri, e et y Testa 10 ans ; eUe la 'quitta en 1887 .
pour s'établir dans l'ancien Hôtû de Provence, place Toul.
al-La e'r. Peu de temps après la salle fut démolie pour être
remplacé3 par les magasins G-e~lion qui donnënt en parUe
sur la place Saint-Corentin et eh plus grand développe-
o ment sur la rue du Guéodet. o.
Cette salle était vaste et c'Ûmprena~t une scène 011
. estrade, un parterre et des galeries prenant tout le pour­
o to~u avec décors et peintures allégoriques dans le plafond .
. J. M. A.

(2) Lrt pla i .nte de l''Evêcrne n'est malheureusement T'R :
ïointe. au dossier.

123 -- .,

Le Goazre, frère du sénéchal de Cornouaille. Voici les
réponses adressées à l'Intendant ; nous croyons devoir
les' r·eproduire intégralemeiTt à cause des détails très '
(~urieux cju'elles fournissent:

« Quimper, le 1 .3 septembre 1785 .

. « MO'llseigneur,

( l.l est vrai que nous · avons à Quimper une sale DI.;
spectacle et un -cafté de . comédie; il - est ~galement vrai
que l'on joue chaque jour au -caffé; mais il n'est point
vrai qu'on y tienne des jeux défendUs. Il n', est pas non :
plus vrai qu'il s'y f,asse des parties ruineuses; il n'est
pas vrai · enfin qu'on ait joué à Quimper des pièces de
théâ tre obscènes et irréligieuses.

« Nous avons été ass.ez heureux pour rencontrer
. d'aussi bons acteurs qu'on en peut . avoir en province

et qui ne nous ont donné que les meilleur· es pièces, tel'-
tes qu'elles se donnent aux français, soit dans I·e genre
--- comiqùe, soit dans le tragique. Il faut vous dire ce­
pendant qu'on joua l'hyver dernier le 'Mariage de Fi-

gara. Ce cadeau ne plût pas et le publ,ic n'en v6ulut
plus. .

« On a beaucoup joué à Quimper et tandis que cette
ville subsistera, le goùt pout le jeu sera le ffiêm· e. Il y

a dix ans que nos assemblées les plus décentes et les

plusbrillaoles n' offraiènt que des tripots, üette expres-
sion n'est pas trop forte. Là, le père et ses fils, 'la mère
et s·es filles se hatoient de quitter une parbe de société .
pour s'attabler au trente et quarante. L· es suittes en

étoient funestes ; cependant les magistrats travailloient
depuis longtemps pour empêcher la ruine de toutes les

familles et chasser le mauvais exemple que 108's jeunes

gens retrouvoient partout. Enfin, un dernie.r coup d 'au-

"torité . fit cesser les. jeux de hazard clans la bonne com-
pagn :e ; les femâles et les jeunes g· ens ne jouèrent plus,

- ' 124

, mais les hommes prir, ent alors le parti ,de s'assembler'
à ' petit bruit. Ces parties sourdes se faisoient tous -les

jours · chez de nouv, eaux hôtes. Et pour cette fois, le m'al ,

devint sans remède. Tout, es les précautions sages de5
magistrats n'aboutir, ent à rien. Les pères de· famille

jouoient et se ruinoient impuném-ent.

« La bonne compagnie désiroit depuis longt-émps lll1 E'
sane; on avoit des décorations ' sans local fixe pOUr

- . donner des spectacles. On jouoit , cependant, mais les

personnes qui s'etoient donné la peine d'apprendre des

.rolles ne pouvoient pas les bien remplir f.aute d'un lieu
propre à recevoir un théâtre. Un particulier ouvrit une
souscription pour bâtir une salle et les famines sou~cri­
virent. L' Bntrepreneur ne vouloit qu'essayer son projet;
, dès qu'il vit· pouvoir réussir, il y employÇt lui-même ses

.. fonds. Il crut bon d'y établir un .caffé pour mieux assu-
rer l'intérêt de son argent et lecaffé -fut établi. La

nouv, eauté y attira les hommes et les magistrat~ y trou-
, vèrent un moyen. sùr d'- empê.cher les parti.es sourdes.
On accorda des carbes sans trop régler d'abord les '

jeux. Gette liberté ne .dura pas deux nioois. Le maître

du caffé soumis à la nolice, ne put laisser jouer que le

piquet, le with et la triomphe.

( Je suis allé hier à ce caffé; j 'y ai trouvé beaucoup .

de monde - et deux tables occupées, l'une par un piquet
au eent, aux douz,e . francs la partie; l'autre par une .
triomphe qui n'étolt pas plus .chère. Il est établi qu'un

joueur ne .perde pas deux parties; il se lève pour être

r- emplacé par un a~tre joueur qui se lève -a.ussi s'il perd

la parüe. De üette manière il n'y a point de tête à tête .
Dans 'l'hyver, lorsque le mauvais temps ramène à la

ville les habitans des .campagnes, on voit plus d'argent
aux parties, majschaque individu n'en joue pas plus

. fort. Pour encourager les troupes qui nous viennent, i!

èst . ét.abli que l'on ne joue pas pendant le spectaèle.
Av, ec des précautions il ne sauroÜ y avo.ir des 'parties
ruineuses.' Pour éviter la consommation des cartes, il

est de règle que les mêmes durent trois parties. Le prix
des cartes est fixé à 36 sous pour deux jeux qui d11:rent

trois parhes. Le caffé se f.erme à dix heur, es; le .sergent

de garde est chargé d'y veiller et d'en rendre compte.

Si l'on supprimoit aujourd'huilesèartes au caffé, les
parties sourdes reprendroient demain. Mieux vaut · un
mal que l'o.n peut · calculer, qu'un autre qu'on ne peut
soupçonner et pour leqüel il n'y auroit pas de remèdes.

((' M. l'Evêque a prèché dans sa cathédrale ce qui est

d,ans son ' mémoire, que personne n'avoit' plus de senti-
ment d'honneur, de [I elligion ni de pudeur. Ce repro-

, che {téplut infiniment ' ,et les f, emmes furent très piquées
de ' s'e voir mises au rang des filles de Sajnt-Honoré. On

s'· entend.it néanmoins ; le spectacle · fut suivi, et nos
redoutes , co.mptaient 200 dans, euses.

( Les plaintes des professeurs 'relaüvement à leurs

élèves ne me semblent pas fondées. Ces , enfans ne se
présentent jamais au 'caffé; s'il y v, enoient, ils seroient .

éconduits ; c'est une obligation imposée au maître du
caffé qui n'oseroit y manquer. Quelques enfans sont
venu? aux redoutes; ils étoient ,âccompagnés de leurs

mères et de leurs sœurs. Ce ' n',est pas dans cette süciété
qu'ils perdront leurs mœurs. Quant au spectacle, j 'i~
gnore qu'ils s'y soient glissés,· mais ils ne le peuvent

que très difficilement; on met chaque ' fois à la porte un
valet de ville qui sait son Quimper par cœur et sa prin-

cipale consigne est d'écarter les écoliers que d'autres

raisons retiennent encore: le défaut d'argènt, la -crainte .
d'être reconnus , et le souper qui les rapeUe à leurs pen­
slons à sept heur, es et souvent plus tôt. L'enfant qui

s'absenteroit- sans raison ne · sauroit, -couvrir sa ' faute;

" 126 ..

au ' reste, il ne seroit pas raisonnable de priver une .
ville entière du plaisir du spectacle pa.rüe que trois Oll

quatre · enfans auroient , trompé la vigilanoe du garde
pour se glisser furtivement au parterre. .-

« . 5i les enfans du collège perdent leurs mœurs, OD
ne saurait l'attribuer au caffé ni au spectacle puisqu'ils
y sont consignés; il faudroit plutôt les chasser des bil­
lards . où ils vont fréquemm, ent. M. l'Evêque auroit
mieux agi s'il s'étoit entendu avec les juges de police,

quelques défenses aux maîtres de , ces jeux pourroient

suffire, , et si ce n'étoit pas assez; l'on pnendroit d'au-

tres moyens.

« Notre ville n'est p.as très considérable; j,e trouve
cependant que M. l'Evêque la niyale beaucoup trop.

Elle n'est pas riche, mais l~s vines de commerce excep-
tées, en , est-il quelqu'une qui soit riche ? Il a été re-

. connu qu'avant l'établissement du caffé et du specta-

cle, le prix s'eul des cartes étoit 'pour Quimper une im-

position de plus de dix mille écus; cette dépense est

, ~ diminuée de plus de moitjé. Le spectacle ne dure ici

que· les tro~s mois de l'hyv'er; il n', a jamais . coûté, calcul
fait, plus dt\. douze mine livres, où est donc encor, e la
. '1 ft'?
rUIne .[ es or unes.

. « Me voilà au dernier moyen de M. l'Evêque. LB peu­
pIe. . . Ouy, Monseigneur, nos ar~sans aisés prennent

quelque fOlS le dimanche,- le plaisir du spectacle; ils ai-
. ment · les rolles à tabliers et on leur en donne de tems

'à autr, e; ils viennent avec leurs f.emmes et s'en' retour-
nent contens d'avoir vu représenter sur la scène ce

, qu'ils font chaque jour cn·ez eux. Les secondes loges

content quarante-huit sous pour le mary et laf, emme,

est- ce trop qu'à , ce prix ils prennent une fois. par an un
delasg,e~1ent honett,e ? Nos artisans, au surplus, consu-

crent pour leurs .plaisirs les après-midy des fêtes et

I.umanches. Ils boivent en été de la bière ,en hyver du

vin. Je donne ce calcul à M. l'Evêque, il ne 'sauroit
trouv'er qu'up. résultat : l'écot du dünanche coûte au

moins trois livres, le mary ml profite seul, et très sou-

vent la famille s'en trouve pire, paroe que le chef yvre,

tourmente à· son retour la -mère et les enfans. Quarante-

huit sous donnés au spectacle seroient JllÏeux employés,

et je n'y verrois pas de fortune ruinée. Quant à la dé-
pense des ajustés, il est très inutile d'en parler, cha'que
artisan .a ce qu'il appelle ses habits des heaux jours

et il les met une fois de plus dans l'anné· e. Voilà tout
le luxe que j'y r, emarque . .

« J'oubliois la plainte de M. l'Evêque relativement
au, local que le . caffé oocupe. Ge batiment,n'offre qu'une

.. jolie facade qui rend la place plus régulière. Sur cette

même place et plus près ' dé la cathé,dral, e, sout différens
0abarei's où le peuple va s'enyvrer; sur üe, tte même
place représentent les bateleurs et 'les marchands d' 01" ·

vietan. Le caffé où l'on ne joue jamais durant les offi-

ces, la salle de spectacle où l'on ne se rend pas .avant

cinq heures du soir, ne me semblent pas plus indé-
oents. .

. « Reste ènfin la facilité des magistrats dont M. l'E-

. vêque dit aussi un mot. Cette facilité avoit des motifs

pressans. La néoessité de faire r· enonoer à ces parties

. sourdes où l'on jouoit un jeu 'considérable, l'utilité de

rassembler les joueurs chez ull homme soumis aux rè-

glemehs de la police, T'avantage , d',exposer ainsi à la

vue du public la conduite de chaque joueur, ne laissoit
aucun doute .sûr le parti à suivre. Si toutes ces raisons
n'avoient pas déterminé; le caffé n'auroit pas obtenu

de .cartes. .

« Le maître ducaffé est un . homm, e de bonnes

mœurs qui avoit beaucoup d'aisance quand il , est' venu

128

ct Quimper; jl éLoit,aussi maîL.n~ de caffé à Lorient qu 'il
n'a quitté que par, ce que la vie de Quimper lui a semblé
plus douce. On trouve chez lui les sirops et les rafraÎ-

düssemens que doivent fournir les ètabIissem, ens de ·

cette espèce et dont on manquoit avant oette epoqUe

ou que .1' on faisoi t venir d'ailleurs , et à plus de frais.
Cet homme ne f.era. point de fortune à Quimper, mais

il Y conservera sa première aisance. .
« Si j' étois consulté sur le mal · que peuvent faire aux

. mœurs le , caffèet la salle de spectacle, je dirois que le

spectacle ne dure pas longtems; qu ' on ne peut pas
compter chaque année sur une troupe de , comédl, ens;
qu'on doit même , en manquer, à m'oins que celles de
Brest ou de Lorient ne se 'padag, ent pour nous venir et

que le m, al que feroit le spectacle ne peut être que très
léger; j'ajoute mêm, e que les mœurs et la relUgjoFl H tJH
. souffrent pas, un sp, ectade honette ne gâ~e point. les
mœurs, il faut qu'elles le soient .auparavant. On n'a

point joué et l'on ne jüuera jamais ici des pièces équi-

voques. Dès que l'on a annoncé quelque chose de nou-
veau ou qui n'· étoit pas connu, le poëme .a été déposé

et lu par .tes magistrats; il n'en est aucun qui n'aime
à conserver les mœurs de ses enfans ; ils en sont les

gardiens et y ont plus d:intérêt' que personne. L'on lit
compte 'cette année sur aucune troupe de comédiens;
on se propose de r,eprendre l'usage de jour en société

et l'on s'occupe en oe moment de la distribution des
roUes. ~
. « Un caffé par lui-même est une sorté d';i:mtreprise
que l'on peut ranger dans la classe des auberges utiles
aux étrang, ers oümme aux ·habitans. C'est là une bran­
che d'industrie qu'on ne doit pas détruire. Un mar"":
chanel caffetier à l'aise est un homm, e de plus qui , aide
R payer les impôts et les autres charges publiques .

" " 129

« Un second caffetier voulut, il y a . quelque tems,
slétablir à Quimper. La police s'y est opposée parce
qu'un seul café suffit, parce qu'ùn seul homme est .plus
f.acile à surveiller, .parce que la concurrance diminuant

le débit de chacun, il falloit qu'ils vendissent plus cher
et parce qu'enfin si l'ùn des deux obten6it la vogue:
l'autre n'avait plus qu'un caffé borné qui devenoit la 0

retraite de tous les crapuleux du païs.

« Quant à la corruption des mŒurs des j, eunes g.ens

qui vont au collège, Je crois pouvoir a$sur:er qu'eUe .

s'étoit fait sentir avant que .nous eussions ni caffé ni
salle de spectacle et M. l'Evêque doit s'attribuer ce

" chang.emenl. Les prof, esseurs destinés à vieillir dans les

occupations clégoutantes de l'instruction, . y sont san~
ai:nbition comme sans espoir de récompense. Les hom-

lUes capables refusent ces places; il faut les r,emphr

par les premiers VBnus; on n'y voit plus que des pro-

fesseurs niédiocres. Les , enfans s', en aperçoivent et les

leçons sont perdues; pour f.ormer des homm·es de mé-

rite, il faut aussi des hommes de mérit·e. Les prédéces-

seurs de M. de Saint-Luc avoient su rassembler aVBC

choix et récompepser ensuite les p[ofess·eurs qui prési-

dojcnt à ]" éducation de la jeunesse. M. d· e Sajnt-Luc

s'est plu à humilier les pro; fessaurset tous ceux qui

avoi· ent du talent, se sont hâtés de quitter de$ places
qui li' étoient plus faües pour eux.
« . Voilà une bien longue lettr-e, mais j'ai voulu vous
donner tous les détails pour que vous puissiez jug.er par

vülls-meme.

« .Je suis .avec respect. .. , etc. . . »

Signé : LEGOAZ RE.

P. S. -- « Sur cette même place ou le caffé figure, se
dressent J.es échaffauts et les potences, · chose indécente
en face d'une cathédrale; cependant M. l'Evêque n'a
jamais songé à se plaindre de cette indécepee. »

BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉO. -. TOME XLI V (Mémoi' e g.)

- 130 -'

. Gette lettr.e fut ' , communiquée ,au Duc de Penthièvre
par l'Intendant qui eut soin cependant de supprimer

le dernier paragraphe ·r , elatif au üollège « comme inu-
tile, quoique bien vray ». L'Evêque. de Quimper dût
lui-même avoir connaissance de fa réponse du subdé­
légué,car, dans une lettre assez dure, quoique fort po­
lie, il 'se plaint à l'intendant d'avoir , eu si peu de con­
fiance dans s, es rapports et de s'être crû obligé de de­
mander des renseignements à son subdélégué plutôt
qu'à lui-même. L'Evêque soulevait là un conflit déli­
cat , entre les prérogati, ves de l'autorité civile et celles
de l'a\lDorité ecclésiastique et l'Intendant dans sa ré-

ponse le lui fait sentir finement. .

D'autre part, le Duc de Penthièvre suggér, a, à l'Inten-
dant de soumettr, e l'établissement aux règlements des
Âcadémies de jeux, ce qui am'ena des explications sup­
plémentaires de la 'part du subdélégué Legoazre, q~e
nous reproduisons ci-dessous : .

Quimper, l, e 27 janvier 1786.

« Il m'étonne que l'on surprenne aussi souvent la

religion de M.' l'Evê(1).e de Quimper. Ce prélat doit sa-
voir cependant que lecaffé de cette ville n'est point un

établissement clandestin. Il fut annoncé et oonnu de .
toùs les habit ans q'ni s'empressèrent de remplir un

grand nombre d'abonnement pour la salle du spectacle

à laquelle ~on arrêta aussi, dès le premier moment; de
joindr'e un café. Les juges de p.olice en furent par~icu­
lièrement instruits et c'est de leur aVeu que.J' entreprise

s'exécuta.

« Les jeux qui se jouent .au caffé fixèrent à léur nais- .

sance l'attention de la police qui ne permit que le pi-
quet et la triomphe et ce sont absolument les s, euls qui
s'y jouent .Il n'est pas un homme à Quimper qui puisse
ignorer ce fait, comme il n'en est pas' encore qui ne sa-

die que le maître du , caffé est tout à fait soumis , àUx
volontés des juges et qu'il se .conformé si bien aux rè-

gles qui lui ont été prescrites, qu'il est presque inutile
de le surveiller. On a cependant touj ours l' œ.il sur .ce
qui se passe dans cette Ill"aison et je doute qu'il y en ait
aucune de cette espèce qui soit ,mieux éclairée. ,

« Un privilège au pr, ofit du maître des jeux feroit
cesser tous les petites tracesseries .des personnes qui

se plaisent à troubler la conscience de notre bon prélat.
Mais j~ doüte qu'il , en puisse rien résuUer de mieux
pour l' ordr, e public. Il arrive au " contraire quelquefois
que les privilèges pour des académies de' jeux qui r , en­
dent moins, soumis ceux qui les ont obtenus. Il peut
arriver aussi que des juges de poliüe usent avec fai­
blesse ou trop de circonspection de leur autorité. On
aimeroit à prévenir M. le duc de Penthievre avant de .
sévir cpntr eun maître de caffé qui pourroit se couvrii'
dn nom de ce prince; une pareille position s-e:roitemba-

~assan te et les contraventions aux bonnes règles ne se-
roient punies que tardivement. Je penserois donc que -

la proposition de M. Benojst (1) ne seroit pas pour notre

ville d'une grande utilité et qu'elle apporteroit peut- '

êt.re même des inconvéni{~ns qu~ forceroit à revenir au
point d'où l'on seroit parti.. , '
« Vous vous rapellez surement le . fait que je ~vou~
cito:s dans ma preniièr' e- lettre, où je parlois de ce joeune
homme qui vouloit établir un seoond , caffé. La police ,
s'opposa ~ ce projet parce que la concurrance nuizanl
à tous deux, il étoit nécessaire qU, e l'ml ' o~ l'autr.e de

ces deux établissemens, devint la retraite des_ crapu- .
leux. VQj]à bien une preuve qu'il 'n'y a point de tripot
III d'académie clandestine à Quimper et qu'on est trè~

(1) Secrétaire du Duc de Penthièvre.

1:12 _ .

décidé à n'en ,pas souffrir, en veillant d'une manière
. toute particulière sur le caffé qu'tOn a regardé comme
indispensable et le seul moyen de bàrmir de la bonne
, société les jeux d'hazard qui y avoient pris faveur et

de faire , abandonner oes parties , sourdes où les hommes
se ruinoient sans qu'il fut possible d'y apporter de re-
mède. · .

« Le produit des cartes n'est pas considérable et si

I· e m, aître du' eaffé n'avoit d'autres r· essources, il seroit
hors d'état de payer son loyer qui porte à 1350 livres.
Heureusement pour cet homme, le débit de ses sirops

le dédommage, . et .comme il dispose à volonté de la
salle de spectacle, il y donne chaque semaine des re­
doutes qui lui aportent un bénéfice honnête; s'il · étoit

privé de ce dernier objet surtout, ·il ne se soutiendroit
- pas. ·

« M. l'Evêque n'a pas raison de dire qù'il a .chasse
la Gomédi, e; il est vrai quecet'hiver n'a point vu 'et ne
verra point de spectacle à Quimper, mais nous sommes
trop just.espour attribuer ce désagrém·ent à notre pa~· .
teur. La troupe de Lorient devoit se partager pour nous
venir donner alternativement l'opéra· et la oomédie, la
retraite de deux pr,inc'ipaux acteurs s'y est opposé et
nous n'avons que l'espoir d'être plus heureux l'année
prochaine».,

L'aff,aire semble n'avoir pas eu de suites fâcheuses,
car l'Intendant répondit au ·duc de Penthièvre que l'E­
vêque avait dû êtr, e mal renseigné et que « la -comédie
est un divertissement honnête et qu'il est, bO~l dé toJérer,
même à Quimper, où 'd'aillevrs elle n'a lieu que pen­
dant trois mois de l'année ». (1)
Rennes, le 7 mai 1917. Daniel BERNARD.

(1) Archive-s d'Ille-et-Vilaine, C. 562.

DU flNISTERE
Hôtel de Vitte
B.P.531
29107 QU1MPER

É PARTIE

'Table des mémoires pu.bliés en 1917 .

1. Note sur' la, stèl, e gravèe du Téven de K, e:i'IDorva;n

(commune' de' PIQùmogu,er-Finistère), ' par [A ~f.
DEVOIR} (planches) '." ......... ' .......... ... .... '~ .. '

II. Notice pa.roissial, e. : Landudec, par CONEN DE ' SAINT-
Luc (ca1'te) .. " ............. : .................... . . " .......................... ..

III. Note VI su.r une récente communkaüon de M. le

docteur Baudouin" relative à « l'existence d'une
glacia.tion néolithique dàns le c,entre d(~ la Bre-

tagne ", par [AH. DEVOIR] ......... ............. .

IV. Les ArchIves de LesauHfiou et, ~'archiv;ste JéEm-

François L.e · Cl,ech, par L. LE GUENNEC ......... .
V. Glanes archéolog,iques : Plouédern. Plo.unéven- ·
ter. -- Lanhouarneau. Ploue/ scat. Land,er-'

nea,u, paT le chanoine ABGRALL ................. ;
VI. RappOlrt' sur la. se.ssion normale des Comités régio­
naux des ar; ts appliqués à Par'is les 6, 7, 10, 11,
12 avril 1917> par Charles CHAUSSEPIED . . : .... ;
VII. Quimpe.r au XVIIIe 'siède. Notes et Docum,ents,
I. La COlnédi'eet les JeuX: à Quimper en 17~5,
par Daniel BERNARD ...................... : ... .. .
VIII . Comment étaient tra.ités les Pris.onnlerl s d, e guerre
en Bl~etagneà ,~'époque d·e la Guerr: e dl el Trente
ans, par Henri \VAQUET ..................... : ..
IX. Respe, ct et Conservation d.es œuvres du pa,ssé. Le/ t­
. tre o'live;y't,e à M. le cha'noine Abgra.ll, par Char-
l, es. CHA USSEPIED ............................... .

X. EXClus~on d'étud, e à Pont-l'Abbé le je'udi 2 août

1:l1
147
1917, p,ar le chan6ine ABGRALL .................. 15:l
XI. Une orise à l'abbaye du Relec, 1458-1462" par Henri
XII.
XIII.

"'\i\' AQUET " ................................................... ................ .o ..... .o ..
[Les Eglis.es et Chapelle1 s du diocès, e de, Quimper
(suite)] : Archiprêtré , de .lVlorlaix (suit1 e), d'oyen­ nés de Saint-Thégonec, de Sizun, de T.au~é.
Archinrêtré de SRint-Pol-de-Léon, doyenné de

Saint-Pol-d, e-Léon, paT le chanoine PEYRON.: ..
Discours de M. le PRÉSIDENT ................... .

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