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Bulletin SAF 1917


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Rapport sur la session normale des Comités régionaux des arts appliqués à Paris les 6, 7, 10, 11, 12 avril 1917

Charles Chaussepied

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1917 tome 44 - Pages 97 à 120

eSSlon norma e

des omités régionaux ,

, des
les 6,

. Fàlt à la Société Archéologique du Fi~istère
, en sa sé nce du Jeudi, 25 Avril 191 7

~Ion cher Président,

. Vous nous demandez de ' nouveau de vous entretenir d'un
sujet quelque peu étranger aux qUestions que nous som.mes
habitués a traiter ensemble. Nous allons nous efforcer ce­
pendant, dans ce rapport, de nous rapprocher autant que
possible des choses d~ passé, . de ne pas sortir de ce temple
des antiques où nous rious réunissons, mais nous tâche-

rons, au contraire, de renouer la chaîne interrompue entre

nos métiers d'art anciens 'et ceux qui s'exercent aujour-
,d'hui. '
Mesdames,
,Messieurs,
Chers Collègues, '

, De retour de Paris olt nous venons d'assister a une série

de conférences et de visites d'ateliers organisées par le "
Comité central technique des Arts appliqués, pour les pro­
fesseurs de dessin dans les écoles d'art et pour les membres
des Comil

és régionaux, nous en avons rapporté ,des im­
pres,sions que notre émÏnent président nous prie de vous

commulllquer.

BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉO. ... TOME XLIV (Mémoire 7.)

. Ces conférences placées sur le haut patronage de l) Ad-
ministration des Beaux-Arts eurent lieu au Conservatoire

des Arts et Métiers et furent confiés à· des techniciens de
mérite, dont la plupart se firent une place d'honneur dans
la production artistique française. Elles 01).t donc été fon
intéressantes et amplement documentées, cependant blen
des secrets professionnels rie nous 'ont pas été dévoilés,

les orateurs se contentant de nous développer des idées
générales sur les sujets qu'ils. avaient à traiter. De nom­
breuses projections illustrèrent ces conférences, nous mon~
trant les plus beaux spécimens de l'industrie . p, arisienne.
N éanrrioins elles firent connaître certaines techniques nou-

velles sur les métiers qui pourraient peut-être s'implant'er

chez nous tout en les adaptant aux :traditions et. coutumes
, bretonnes 'qu'il est de notre devo-ir de conserver. . . '

Ces conférences du reste s'adressèrent moins aux pro-
fessionnels qu'au personnel enseignant dans les écoies

d'art de , l'Etat ; l'int~ntjon des organisateurs étant de
diriger l'enseignement du dessin et de la composition déco­
, rative dilns un sens plus ra.tionne1 se rattachant aux mé-
'. tiers d'art et contribuer ainsi à leur rénovation. Les pro­
fesseurs vinrent en assez grand nombre des quatre coins
de la France et s.uivirent avec attei1tÎon toutes les confé­
rences 'qui nous furent do~nées; il faut donc espérer qu'.i1s
auront emporté chez eux des idées nouvelles et des prin-
cipes leur permetté!nt de participer au travail cle résurrec-
tion des métiers d'autrefois, étouffé, 's par la concurrente

étrangère . et par l'indolence de nos populations .

Le maître Bonnier) architecte en chef des services d'ar-
chitecture de la ville de Paris ouvrit cette première session
par tin remarquable exposé des idé~s générales qui doivent ·
présider à toute conception. Appuyant sa théorie sur les
œuvres' anciennes, conçues avec tant de charme et de vé-

rité, ila su nous montrer la voie que nous devI01~s reprell:-
dre, non pas pour revenir en arrière, mais 'pour la conti- :

nuer vers .le progrès et le bon sens ; que ·la logique devait
in~erv.enir dans nos ' com.positions, que si nous étions sir~ ,
cères avec' nous-mêmes nous pourrions créer des œuvre::.
belles tians toutes les branches d e la création humaine.

L'art est partout: dans l'humble objet d 'usage journalier
comme dans une toile ou un~ statue, à condition bien en-

tendu que cet objet répond bien à sa destina.'tion et: solt
agréable à r~garder. !. Si les bibelots anciens qui" meublent
nos ' vitrines on tpour nous tant de charmes n' estl-ce pas .

parce que nous nous' rendons compte qu'ils . ont servi à
quelque chose et qu'ils répondaient bien ~l l'usage auquel
ils 'furent destinés. .
Un vase' qui ne peut rien contenir, un meuble incom-
· mode, un objet ne répondant à ' aucune distinction, un bi­
jou qu'on ne peut pas porter; perdent beaucoup de leur
intérêt fussent-ils composés de ' matières précieuses. En ce

q1J.i touche l'art appliqué il faut envisager bien des choses:
la connaissance de ou des rbahères premières qui devront '
être employées, les moyens dont on dispose pour les tra-:
vailler, les ressources qu'on en peut tirer r'aisonnablement,
l'économie de cette matièra par rapport à l'usage q.u'on en
veùt faire, sa forme, son poids, .. sa destinatlon ; si l'objet:
doi t. être d'un usage · journalier 0 u s'il - doit être placé à

'demeur~ fixe et .alors quelle sera la place qu'jl devra occu-
per. EnfiQ. chercher le caractère de l'ürnem.ent qui lui con­
vindra le mieux,c'est-a-dire qui fera ressortir sa .forme

. pour .l'usage auquel il est destiné. Ainsi furent exécutés
nos gardes d'épée qui tenaient bien dans la main, nos vieux

pots qui nous invitaient à boire, nos grands fauteuils -où
l'on S'3 sentait bien assis .

L'éminent orateur: nous a dit combien il était important

d 'unir à la théorie de l'ornementation, et à la composition
d'un sujet la technique des réalisations lorsqu'il s'agit de .
créer un modèle; il n'set pas possible d'imaginer une œu-

vre vraiment bonne ·si on ne connaît pas comment et avec

quoi ' elle sera exécutée. Si les architectes par exemple, ne
se .. contentaient que de faire des images, croyez-vous que
leurs constructions tiendraient réellementi debout ? S'ils

sont rationnels et .logiques dans la: conception de leur pro-
jet, c'est qu'en les étudiant ils pensent . continuellement à .

leur réalisation, c'est qu'ils ont" appris, du moins suffisam-
ment, les techniques des métiers 'qu'ils emploient, ' c'est
qu'ils passent la' moitié de leu["t.emps sur le chantlersau
milieu d'2 leurs oUvriers. Ce qu'il est nécessaire .de con-

" naître pour l'architecte, l'est tout autant pour tous les
créateurs de modèles - dans · les métiers d'art industriels,

l'artiste en ce cas devient un artisan,capable au besoin

100

de doi1l1er un conseil à celui qui traduit sa pensée par la
· nature, · Clu du moins susceptiqlè d'en comprendre la fabri-

cation. .

Nous avons en Bretagnè tous les éléments nécessaires
pour faire de belles èhoses : les matières premieres, la N a-

ture avec sa fleur et sa faune presque sauvages. Ne deman_
dons à la matière que ce qu'elle peut donner, ne traitons
pas le fer comme du bois et le bois comme la pierre. Inspi- '

rons-nous de ceux qui nous ont precédés et qui ont si bien .
compris leurinétier i analysons cette Nature si riche, si
variée, au milieu de· laquelle nous vivons, sachons tirer
. p'arti de ce qu'elle offre à nos· yeux et à nos mains ; sou­
venons-nous enfin que nos vieux maîtres ont su la compren_ .
dre ei! l'adapter à ··tous les styles français formant des éco­
les distinctes, c'est vrai, mais sœurs, de la même époque .
et de la même Patrie. C'est en reprenant ces saines tradi­
tions que nous reprendrons notr~ place çlans le monde et
que nous ferons plus grand.e et plus forte la famille fran,

çaise de demain.
La deuxième ' conférence eut lieu l'après-mldi au Musée
de sculpture composée du Trocadéro. M. Lenoir, i1J.spec­
teur général de l'enseignement du dessin, après nous avoir

exposé les lois d'esthétique d'où naquirent tous les chefs-
d'œuvre de la sculpture nous a promenés dans les galeries . . '
où sont alignées de belles reproductions d'œuvres c!es
âges reculés jusqu'à celles de nos contemporains et où on
les voit généralement mieux qu'aux lieux où elles sont pla-
cées. .

. L'éminent professeur nous a montré combien étaient l?el .
les les statues anciennes qui se mariaient si justement à
l'architecture. Ici, . nùlle recherche d~llls le , détail, mais une
grandiose simplicité, une adaptation savante de la forme
pour l't;mplacement à occuper, tels 'les colosses d'Egypte
· aux Pylones des temples, les cariatides de l'Erechthéion à
Athènes, les statues des portails de Chartres ou ' d'Amiens.
Puis virù la séparation. des arts, amenant la: disproportion,
le manque d'harmonie ; peut-êtrt trouve-t-on dans le sta­
tuaire d 'alors, plus de vie, plus de personnalité, mais cela
aux dépens ·de l'ensemble et de la sage beauté.. '.
Point n'est besoin de franchir les monts et les mers pour '
nous rendre compte- de cette supériorité d es anciens arti-

10-1

sans sur. nous; vIsitons attentIvement nos VIeux monu-
ments br.etons, nous y trouv:rons cette heureuse harmonie
qui nou~ captive niême dans les plus modestes construc­
tions ; là c'est tin amortissement de pignon, qui termine
une chevronni~re, ' ici c'est une gargouille grimaçante, re­
jetant l'eau au-delà des murs, plus loin un curieux mar­
mouset recevant unt: retombée de voûte ; t'Oilles ces cho-.

ses sÜ'nt à leur place, bien conçués dans la forme qui leur .

convenait le mieux; puis ce sont ces mille retites figurines
sortant d'un médaillon, où ,d'un rinceau feuill~5é et qUI

· semblent être tous des portraits du temps. .
Ces artistes, ' comme ceux de l'aptiquité, possédaient .bie).

le sentiment des valeurs, de la répartition des' lumières et
des ombres, des vides et des pleins, comm'ë Ils savaient en
même temps donner à leurs personnages de pierre, une
nouvelle vi e qui devait veùir jusqu'à nous . .
M. LenÜ'ir s'est élevé avec raison contre les 'mauvaises

el inutiles reproductions en plâtre qu'on donne dans' les
écoles pour les cours de dessin', contre ces réductions qui

· dénaturent l'original et ne. montrent à l'élève qu'une image

inexacte du sujet. que l'on met sous nos . yeux. II demande
qu'à c6té du mÜ'dèle antique on place des copies d '~uvres
françaises, celles qui ont le mieux caractérisé 1es plus belles
· époques de notre histoire artistique nationale. Ne serait-il
pas " possible à nous de. mett!;e dans nos écoles quelques
moulages ' des meilleurs morceaux sculptes par nos ima­
g iers; on inviterait ainsi l'enfant · à s'intéresser à nos ri­
chesses provinciales et plus tar, d . il s'en souviendrait dans

ses étUdes et ses travaux. . ..

Le lendeman fut consacré' au travail dti Bois. Que n'a-t-

on pas produit avec cette matière en tous temps, eù tous
lieux! Depuis le plus petit objet jusqu~ati plus grand, de

l'écuelle où le petit paysan mange sa soupe juSqù':: lUX char- .'
p~tes lardées qui s'élancent dans le ciel, n'y a -t-il pas tout
un monde d'ouvrages dignes d'intérêt et qui forment tout
u"n enseignement! .· .
Un jeune artiste de beaucoup .de té).lent qui fait présager
Un brillant avenir, 1 \1. Le Bourgeois, a ouvert les confé-

rences sur ce ·sujet. Nous le connaissions comme sculp-

teur, il nous a parlé en poète, non pas en . poète rêveur,

· mais positc jf et bien de son temps.

- .102
Délaissant l'outil à main pour la machine il a su la pli r
à son génie, la faire marcher sous son inspiration; sa fraise
roulante, coupe, taille, .i dansto'us les sens, c'est pn~digieux,

mais il est probable qu'il retouche et finit à la main l'œu-
vre que la machine a ébauché. Il n'a pu nous montrer s~u­
lement quelques exemples de ses travaux exécutés, mai!',
nous aurions été contents de le voir diriger sa machine et
reproduire l'œuvre terminée. C'est un audacieux, mais

. - aussi un sincère, ses sculptures sont bien comprises pour
·du bois et très décoratives dans leur simplicité. AUXI der­
niers salons, en voyant les ouvrages de 'ce jeune maître .
nous pensions involontairement à nos hu~l:J:iers d'autrefois
scu.1Ptan~ ' ;lans . nos entraits de charpentes ces .monstres
marins, et pour nos autels, ces statues de nos saints véné­
rés d'une facture si naïve mais d'une interprétation si

fidèle et si vraie! Ne pourrait-on pa.s, à l'exemple de Le
Bourgeois fonner . chez nous une nouvelle phalange . de
sculpteurs; qui, amoureux comme' lui de leur art et du pro-
. grès moderne, feraient revivre ce métier si florissant jadis

dans le pays breton. Le génie français nous a-t-il di;: est
une source et on n'empêche pas une source de couler. Fai­
sons donc ' couler cette source nouvelle éomme celles qui
coulent au pit;d de nos fontaines' sanctifiëes.

A côté de ses œuvres de haute sculpture Le Bourgeois
s'est mis à la tête d'une industrie de jouets nouveaux olt il . .
. emploie généreusement des p1u~î1ésde la guerre. Il crée
avec des formes simples des modèles de perroquets, d~
poules, de coqs, de canards, de lapins qu'il fait reproduire
en grande quantité par le découpage à la scie mécanique, .

tous ces animàux a ux silhouett~s heureuses sont pris dans

des planchettes d'environ un centimètre c!'épaisseur, apres
le passage de la scie on abat les arrêtes, par un chanfrein
· on les dresse et ils passent aux ateliers de peinture, là une
équipe de peiiltres sous l'habile direction du décorate~r
Rapin, enjolivê 'de mill e couleurs ~ous ces animaux .

C'est si décoratif que quelques parents échangèrent ce .·~
jouets à leurs enfants pour les mettre sur leur' étagère. A
côté de c'ela. , .. on fabrique aussi le meuble de poupée : . lits,

buffets, petits bancs cl 'une confection simple et facile, dé-

corés sobrement de' points ou de fleurettes de couleurs au
pochoir, c'est- gai, c'est graciéux, on y a joint les tasses et ·

les assiettes ornées dans le même esprit. · Ces jouets mis.
en~re les mains de nos enfants peuvent leur donner la sen­
sation :du beau, former peu à peu leur jugement et leur
go~t et les encourager à fabriquer eux-m~mes quelques .
jouets nouveaux. N 'y aurait-il pas .quelque chose à faire, eli
ce sens dans notre t:égion, nos tourneurs, nos sabotiers
sont gens très adroits, le bois ne leur manquerait pas,
pourquoi ne se mettraient-ils pas comme les paysans d' Au­
vergne ou de la Lozere à façonner quelques jouet s qui aug­
menteraient leurs ressources et donnerait de la JOIe aux eu
fants. .
M. Maurice Dufrêne nous atenus longtemps sous le
charme @e sa parole claire et éloquente. Il aVaIt à traiter
un sujet quelque peu abstrait, . il s'en est acquitté d'une fa:­
çon magistrale. Pour lui, comme pour tous ses collegues du
Comité. cent.ral, l'art · doit évoluer dans un sens' franche-

ment maderne, dégagé de toute imitation, mais en s'ap-
puyant sur les principes rationnels qui forment la base de'
toute composition. Le meuble comme tout objet usuel doit
répondre entièrement à sa destînation. · Il . peut, dans une
large mesure contribuer au bien être de son possesseur,
devenir en quelque ' sorte comme le reflet de son existence,
triste ou gai, somptueux ou simple, mais toujours à l'é­
chelle humaine et d"une utilisation, facile et . pratique; il
doit participer aussi à la décoration de l'intérieu.r et cela
dans une harmonie complete a'vec fout 'ce qui voisine avec
lui. Le meuble, c'est l:ami de la maison, c'est ' le com­
pagnon de tous les jours, c'est le confident de bien des se-
crets. .

On devra donc le confectionner avec soin et solidité et

en accuser franchement sa fonction.

Celui qui sait composer un meuble doit connaître néces-

sairement l'essence des bQis qui seront employés à sa fabri_
ca~(ion, le parti décoratif a:dapté, sculpture, application de

bronzes, marquetterie, 'etc. Tous les détails, tous les as-
semblages sont étudiés par lui consciencieusement avant la
mise en exécution. Dans cet. art la France possede un glo­
rieux passé qu'elle ne peut et ne ,doit pas oublier; le mon- .

de entier est venu emprunter nos modeles, mais nous nous

sommes grisés par le succes et nous sommes tombés dans
. la répétition. Ce fut une .grande fal,Jte} car ce qui a été ne'

peUL plus être ; un monsieur · en habit sur un fauteuil

Louis XV paraîtra toujours déplacé. Nos gr:.andes dames
ne s'habillent plus et depuis longtemps comme La Ponpa­
dour, et nos gentlemeIi. ne portent plus des.culottes courtes

. et des bas de soie. Pourquoi donc vouloir être de son temps
dans un milieu qui n'est plus le nôtre. Soyons logique
comme l'étaient nos pères, les marquis du règne de
Louis XIV n'auraient point souffert coucher dans .des lit s
du moyen âge et plus ' près de nous les . meuble's du grand
roi paraissaient bien ridicules aux Français du rel: Empir'~ .

En Bretagne l'erreur a été plus choquante, car au lieu
de recopier tout bonnement les types d'autrefois on s'est

mis à en adapter plus QU moins adroitement les motifs sur '
des formes modernes qui ne les demandaient point ; on est
tombé dans l'abâL àrdise, 'd'où la négation mêm edu mobi­
lier breton. Devons-nous continuer à fabriquer ces posti-

ches, nous ne le pensons pas. Nous étudierons ' nos vieux

'coffres, nos grand bahuts, nos vaisselliers et nos lits-clos,
noi1 plus pour les reproduIre ou les interpréter faussemen t ;
mais pour en comprendre le caractère, la sincérité. Alors '
comme ce pauvre Ely Monbet, de Caurel (Côtes-du-N ord),
tombé sous les · balles allemandes, nous chercherons . dans
notre art .breton une heureuse rénovation.N ous nous ins~

pirerons comme les autres ·de la fleur et oe la faune ' qui
nous sont familières et nous redonnerons une vie nouvelle ~-l

ce rnetler. .

. Dans.l' après-midi nous sommes .allés visiter, non pas les
ateliers de la maison Dufrêne, mais ses salonsd 'exposition
22, rue Bayard, aux Champs-Elysées. Entassés les uns

près des autres nous pouvions voir qu'avez bèaucpup de .
pèine toutes les merveilles réunies en ce lieu ; ·non seule­
ment il y avait des meubles mais des objets d'intérieur .de .
. . :outes sortes, formant des ènsembles ravissants : porte­
lampes, plafonniers, . encriers, vases, etc., tout ooncourait

à une décoration originale et .recherchée . . Il n0US serait dit-
ficile d'énumérer tout ce que nous avons vu 'ou plutôt mal
vu. Les meubles de cett~ maispn sont en général faits de
bois sombres, sobres de sculpture, d'une ' mouluration fine
et bien comprise, ornés soit de marquetterie de bois d~
couleurs et de nacre, soit de cuivre ciselé. N ousavons re­
marqué quelques plafonds lumineux d'un tres heureux

-- 105 ---

effet. Certes il eut été préférable qu 'on nous fît visiter plu- .
sieurs fabrications, mais ·il nous aurait fallu beaucoup plu~
de temps que celui dont nous disposions.

M. Deneu~ architecL e des MO!lUments historiques, ter-

minait cette matinée en nous faisant une conférence sur la

charpente . en bois: .Avec · son talent d'érudit et de cons
tructeur, il nous présenta O\.lr â. tour les types de charpente

des époqu.es romanes, gothiques et de la- Renaissance, de-
p uis la . lourde ,ferme à. entrait' , du XIe siècle, jusqu'aux
mauvaises combinaisons de la fin du XVIIe siècle en s'arrê-

tant plus longuement sur les chevrons portant f~rmes des
grandes toitures du moyen âge. Il est regrettable que notre
confrère n'ait 'pas montré les combles ~ ç1ôme des Mcm­
sard , et plus regrettable encore qu'il n'ait pas tiré de dé­
duction pratique sur ce que . devrait être l'art de -la char
pente rie à. l1ptre époque. En terminant il a' passé rapide'
inent en revue quelques exemples de pans de bois et. d~'
planchers. Il est vrai que sa conférence ne pouvait s' adres­
.ser qu'à. des spécialistes, à. des connaisseurs,et que pour
beaucoup, elle était lettre morte et peu utile. Mais pour
nous qui aimons cet art, nous sommes heureux d'en avoir
entendu parler et d'en causer â. notre tour. .

Le métier de charpentier fut tres prospère en Bretagne,
les œuvres qu'il a laissées dans toutes nos chapelles et ma­
noirs 'le prouvent surabondamment, nQS ouvriers possé- ' "
daient une science et une adress~ remarquables, témoins ces
fermes œuvrés qui traversent nos nefs d'églises, ces lam­
bris sculptés qui les recouvrent en berceati où Jes penden­
tifs et les sablières sont parfois ~i richèment décorés. Ne
verrons-nous plus refleurir ce ' métier parmi nous !. .. . Aux
beaux plafonds à poutres et poutrelles travaillées, aux fa- '
çades à pans de bois en encorblement ont succédé 'le pla­
fond de plâtre avec sa corniche et. sa rosace stupides, les -
façades endu,ites et recouvertes d'un faux . appareil de
pierre. On ne veùt plus montrer le bois, on .le cache dans

les mtirs, dans. les planchers, l'expo$ant ainsi par l'humi­
dité à la pourriture. Pourquoi ne reviendrions-nous pas
aux bonnes traditionsd 'a:utrefois, pourquoi ne· cherche­
rions-nous pas à faire revivre cet art de bâtir qui a été si
florissant chez nous. Si nous n'avons plus de grandes piè­
ces de bois ; des for.êts nous res'tent encor"e que le fléau de

106 ,

'_ la guerre il 'a 'pas détruites' : Reformons d(),1c de jeunes ou -

"riers charpentiers, il y aura beaucoup à faire dans ce n~é ,

tier comme dans d'autres si nous voulons relever les rui-

nes accumulées pa.r..les ravages d'une longue ' guerre.
" ApTes ,le bois, le fer, les métaux, M. de Ribes-Chris~o -

fie, le grand orfèvre parisien bien 'connu qui présidait au x
conférences de cette journée" dans un rapide exposé de::,
métiers travaillant les métaux,a rendu hommage à l'a: ­ chitecture, il l' app, elle à la' directiori de toutes les g-randes
,œuvres : n'e~t-ellepas, en effet, le chef d'orchestre qui
, doit dirig.er le concèrt des métiers concourant à une même
édification:: C'est d'elle a-t-il dit que nous attendons la

note m'oderne qui nous guidera dans nos conceptions.
C',est donc aux architectes de rechercher le beau dans le

vrai, d'être logiques et rationnels puisqu'ils seront appe-
lés à dirig~r le mouvement que nous , envisageons. Nous
aussi nous devons étudier le passé et nous inspirer des œu­ vres grandioses et belles qui nous ont été ' laissées, mais
comme des objets d'étude et de musée, qui ne sont plus d€.
, ·notre temps puisque nous ne pouvons plus les adapter à
nos ressources et à: nos besoins. '
Nous' sommes amenés ' chaque jour à nous servir des pn;
cédés nouveaux' que l'industrie française met à notre dis­
position, nous sommes tenus par des considérations d'é­
'conornie, d'emplacement, ,d'hygiène que l'on ignorait au­
ttefois. Travaillons donc; non plus à rebâtir le temple de
Minerve ou la Sainte Chapelle de Paris, mais il des cons­
tructions 'dt! .. notre temps. Suivons plutôt la trace de nos
maîtres qui firent école dans l'histoire moderne de l'archi~

tecture, les Vaudremer, les Magne, les de Baudot et tara
cl 'autres qu'il me faudrait citer. Marchons résolument dans
la voie du progrès comme nous l'indique notre éminent
, confrère Bonnier, avec nos soldats d'avant-garde qui sont

les Guimard, les Plumét, les. Dervaux, tous ,ceux qui rc-
cherchent la vérité, il y' a déjà tout un grop.pe de jeunes

confrères qui, débarrassés des préjugés ' erronés étudient
sérieusement ce que . devrait être l'architecture de demain.
En Bretagne, le programme est bien défini, rious avons ' Je
granit dont nous devons continuer à nous servir, nous vou­
lons conserver daris nos constructions le caractère local et
ne plus dénaturer, comme ôn l'a malheureusement fait nos

107 -_ .

sobres paysâges par des habitations emprUntées des styles . .
· noérnands ou méridionaux. Nous ferons de l'architecture

régiorialist~ et trè~ moderne en même temps. Comme ' cela
s'est fait en Belgique et en Suisse, nous reprendrons les
bonnes traditions ·d'autrefois, nous les adapterons a des
formes nouvelles rt:pondant au' x néèessités actuelles, nous
ferons de nos villes et de nos villages ce que nos voisins
du Nord et de l'Est ont fait de Gand et de Berne, des ci-

t~s qui se sont agrandies sans choc, dans une harmonie
~parfàite entre le passé et le p.résent ; où la chaîne s'est con-
· Linuée sans interruption. Ainsi pous montrerons l'exemple
a ceux qui travaillent . avec nous, à ceux qui . viendront

après. .

Nous nous excuson s de cette digression que nous avons

cru neceSSaIre pour expnmer notre pensee, pour marquer

la voie où nous devons entrer résolument. Ne faisons plus

d'individualisme, marchons la main dans la main, comme .
les maîtres d'.œuvres qui nous ont précédés. Nos œuvres
.lais eront comme les .leurs, le souvenir de notre union .

Les conférences sur les métaux commencèrent par le fer..
Présenté d'abord p ;l.r le maître ferronnier Emile Robert,
ancien ouvrier, travailleur infatig~able et habile techniciel1,
· pouvait seul nous entretenir d'un tel sujet ; il l'a fait avec
une maîtrise consommée, nous présentant son .atelier école
où il forme ses ouvriers. Après deux ou trois ans d'a·ppren- .
tissage ces jeunes gens deviennent de véritables artisans;
il faut voir ces panneaux toürnés et asseinblés, ces boîtes
de serrures, ces poignées de portes .pour se rendre é6mpte
·des résultats obtenus. Sa .méthode est simple mais pra. ­ tique, l'enfant dessine, fait des épures de tracés et d'as­
semblage, étudie la plante, l'animaI, compose une décora­
tion, la fait en modelage ' puis passe ensuite a l'exécution .
· Aussi s'intéresse-t-il dès le début a' son ouvrage ; c'est
bien son œuvre, sa chose puisqu'il l'a conçue et fabriquée;
il aime son métier, il y met toute son intelilgenc~, toute
son âme, aussi plus tard . cet enfant se souviendra-t-il tou­
jours de son éducation. C'est une œuvre de haute portée'
morale que créa ainsi Emile Robert et nous voudrions voir
chez nOlis de ces apôtres dévoués parmi nOs vieux forge­
rons. Tour à tour il fait passer sous nos yeux, les travaux
de ses élèves, les pl?ases par lesquelles passe un ouvrage

108 ._-

de ferronnerie avant d'être terminé ; des exemples d'ajus-
tage, d'assemblage, de repoussage nous ont é~é montrés,
nous assistions à u nvéritable cours de construction. Le
maître ferronnier est l'ennemi de la machine, du moins en-

tre les mains du débutant, la machine produit et ne crée
pas. 11 est bien certain qU'un travail fait entièrement à
la main aura toujours plus de valeur que celui exécuté a lu
machine et sera Pél-r ce fait, bien plus recherché des ama­
teurs et connaisseurs, mais dans la pratique, ce système est
forcément abandonné: Notre temps exige, que l'on marche
vite, ,que l'on produise a bon marché et alors, la main de
l'ouvrier ne peut plus suffire il lui faut l'aide méçanique
qu'il a lui-même inventée. . ' '

L'après-midi nous sommes allés visiter ses ateliers o'
sont adjointes des salles d'expo~itioh. Que de belles chu
ses nous avons vues et comme tout cela' donne envie de
, travailler: Balcons, rampes d'escalier, 'grilles, portes, pla­
fonniers, supports de lampes, tous ces objets sont autant
de merveilles que nous ne nous lassions ' pas' d'admirer.
,NIais où nous trouvons que Robert a peut-être un pe~j

dépassé son art c'est dans ces interpr, étations d'animaux,

c'est encore du fer sous sa main ,habile, mais nous ne

çensons pas que ce soit un exemple a suivre pour tout le

monde, car ,qui réussirait mieux que lui? En ferronnerie,
n )empi~étons pas sur le domaine de la sculpture. Ne soyons
pas trop ambitieux. Voila ce que devrait être le ferronnier
de nos jours ; le reverrons-nous revivre chez nous? Quand

nous entrons dans un village et que nous entendons le son

de l'enclume où s'abat le lourd marteau, nous nous sen-

tons saisis d'une impression profonde, nous regardons au '
fond de l'antre noir ,qu'illumine par instants le brasier rou­
gissant. Nous distinguons des ·bras robustes qui battent le.
fer, les étincelles qui s'échappent, mais d'où sortira bien­
tôt la potence ou le cercle d'une roue, le 'vent du souftet
de forge arrive ' jusqu'a nous et nous passon's, heureux
d'entendre l'enclume du forgeron: ,

Elle t-inte à Il aurore Œ'vec la cloche altiè1'e,
Jl,1êlant àu chant du coq Son matinal refrairi;
Le marteau qui la frappe est comme une prière

Qui slàchève le soir dans uri écho lointain. '

1.09

Au maître ferronnier succède notre confrère Dervau'X,

avec sa competence et ses connaIssances acqUises par un
labeur con'stant il lui est facile de nous parler des métaux
employés dans la construction. C'est par la charpente en
fer qu'il commence, s'aidan~ d'intéressantes projections.

Ce fut l'époque glorieuse du fer qui commença vers le mi-
. lieu du siècle dernier jusqu'à son grand effort à l'exposi-

tion de I889'. Ce fût pendant cette période que l'on vit s'é-
lever les Halles Centrales de Paris et l'église Saint-Augus­
. tin, par Balta'rd, la grande salle de travail de la Bibliothè­
que Nationale de Labrouste, le viaduc de'·Garabit, · en Au -

vergne, l'immense galerie des Machines et la Tour Eifel à

l'Exposition, En I90o, le fer produisit enCOre des œuvres '.
remarquables, l '·ossa ture' des palais des Industries diverses

de l'esplanade des Invalides, nous nous souvenons de l'heu"
reux parti décoratif qu'en ' surent tirer les architectes du
g rand Palais .et Lucien Magne au Pavillon de la Grèce .

Puis il vint à parler des autres métaux employés dans '
la constr-uction, cuivre, plomb, zinc, nous faisant remar­
quer combien était décorative cette couverture en cuivre
de la coupole de l'Opéra, avec sa patine verdoyante qui

prend mille .tons cplorés et chauds sous les rÇlyons du soleil
couchant. Les anciens employèrent aussi cette matière dont
ils couvrirent parfois les toitures de leurs cathédrales, mais
alors ce n'était pas si cher qu'à présent. Comme ils surent
aussi employer. le plomb ; nous .possédons encore ici quel­
ques vieux épis travaillés avec art, bien supérieurs aux

poiFlçons en zinc qui les ont remplacés. Le plomb est plus
souple, plus malléable, se prête facilement à toutes les

combinaisons, il ne miroite. pas comme le zinc et s'hat·
.monise · bien mieux avec la couverture d'ardoise que nous
employons.
L'habile et consciencieux artiste Rivaud termine la mati­
nee ' par u'ne trop courte conference sur la joaillerie, la bi­
jouterie et l'orfèvrerie, sujets divers qui auraient dû faire
l'objet d'une longue causerie. Peut-être le temps lui a-t-il
manque et nous le regrettons sincèrement cet art si fin, .si
subtil auquel il s'est consacré, meritait certainement d'être

m ieux connu.

montre en projection qu~lques inte-

Après nous avoir
rieurs d'ateliers où

l'on prepare les matières premières .

110

prupres à la fabrication des bijoux, le maître est entre
dans des considérations d'esthétique et de théorique qui
nous firent compr.endre qu'en cet art aus,?i, la ' logique et '
la sincérité s'imposaient. Une bague, un collier qui bles-

sent, un métal qai par frott ement se ternit ou noircit la
peau, une monture trop légère qui se brise, ' autant de fau­
tes qu'il faut éviter.: Puis il y a les alliages, l'harmonie des '
ors et des pierres précieuses, le sujet, .sa composition, sa

destination. Tantôt il doit être discret ce bijou, tantôt bril-
ler au front d'une souveraine; ce qui va sur une blonde ne '

p~ut c01];venir à une bru, ne, toutes raisons qu'il faut prévoir
pour créer quelque chose de beau et 'qui soit ' bien porté !
Vers la soirée, M.Rivaud nous av~it conviés à visiter

ses appartements. '

Un petit hôtel, au bas des Batignoles où nous nous

sommes entassés.sans voir grand chose malheureusement .
Cependant par les quelques œuvres qui tombèrent par ha- '
. sard sous nos yeux nous pûmes nous rendre compte du ta­
len t de cet artiste amoureux de son art, de ses recherches,
de ses variétés ' de conception. A côté de ces bijoux de prix).
ne pourrait-on 'pas créer 'l'objet populaire, le bijou provin­
cial à bon' marché. M. Rivaud comme' nous y a déjà pensé,
il nous sem bIe qu'il Y aurait quelque chose à faire en ce
genre dans notre région: une bague, une broche, un bracelet

confectionnés autant que possible avec ce qu'on t rouve-
rait dans le pays, rappelant une légende sainte, un insigne
vénéré, la fieur de nos landes ou de nos côtes rocheuses

auraient quelque chance de succès. On créerait ainsi une
industrie nouvelle qui serait une source de richesse pour
. la contrée, ~os coquett~s paysannes porteraient certaine­
ment ces parures et peut-être serait-ce du pain pour bien

des malheureux, une carrière d'avenir pour certains mliti ..

Comme M. de Ribes-Christofie, M. Kœchlin, vice-prési-
dent de l'l] ilion centrale des Art s décoratifs, qui présidait '
l~s conféreqces du II, nous a indiqué 1 '.architecture comme

l'ordonnatrice du décor dans l'ensemble d'une habitation.

C'est donc à l'architecte de s'entendre avec le décorateur, .
de l'être qu~lque peu lui-même cela n'en vaudra que mieux.
Dans une décoration, qu'il s~agisse d'un palais ou d'une

simple habitation; il faut que les masses soient bien écrites,

, 111

que les effets de lumière et de clair-obscur jouent hatmo-
njeusement, que tout' soit vrai, sincère et répondent a un
but. Il ne s'agit pas, a-t-il 'dit,de copier textuellement la
nature car op n'en égalera jamais la beauté, mais de cher­
cher à l'interpréter, à en tirer la quiri tessence, les caractè­
res principaux qui peuvent servir à la décoration. Il s'est
élevé contre certaips préjugés sur notre art moderne qui
veulent que nous l'ayons emprunté aux Allemands. Non, '
tous les efforts qui ' ont été tentés ' n'ont rien de commÙI\
avec nos ennemis, rios artistes décorateurs sont restés
bien français , ,si parfois sous une influence plus ou moifis
prouvée , quelques œuvres se sont ' écartées de not~e carac­
tère national ce sont des égarés qui sont , demeurés
l'exception. C'est bien, au contraire, comme aux siècles

passés, la France qui donna la note d'art moderne au
monde et · quand l'étranger revenait avec ses compositions,
, elles se ressentaient toutes 'du génie français plus ou moins ,

bien interprété. ' , '

Notre ami Coudyser nous fit une intéressante conférence,
acçompagnée .de projections sur la brÇ>derie ; artiste d e
grand talent, chercheur infatigable, il , nous a montré quel­
ques~unes de ses œuvres qui sont de magnifiques mor-
' cea.ux. Nous n'avons guère vu que ses ouvrages en brode"
rie b,1ancbe, alors que chez Lui il y a tant de travaux di­
vers que nous ~ûmes le plaisir d'admirer 'particulièrement:
broderies en couleur, décoration d'étoffes alf pochoir, ta- '
pis, rideaux, etc. Toutes ses com~ositions sont heureuses,
elles se lisent bien, le 'dessin est précis,les couleurs se 'mé­
langent harmonieusement. Ces travaux de broderie se fon ::
a IÇl main et à la machine Cornély: Nous n'avons pas trh
, bien compris ce qu:était et ce que donnait cette machine
Cornély et cela est fâcheux car peut-être pourrait-onl'uti-

liser dans nos travaux provinciaux. Il y a en Bretagne,
dans la région de Pont-l 'Abbé surtout, d 'habiles brodeurs
et brodeuses qui pourraient 'employer; Nos ouvrières sont
restées dans le décor ancien, qui du ' reste est fort riche et

fort ' joli, mais 'nous voudrions' qu'elles évoluent un peu

aussi, qu'elles cherchen, t de nouvelles combinaisons em-
preintes néanmoins du style conservé ; l'ornement géomé­
trique, losanges, carrés ~ rosaces, se mêlent aveç la branche '
de fougère, le jaune, le rouge ,et l~ vret dominent dans. les

112-

touleurs' employées. Avec ces éléments dé.veloppés on pour-
rait trouver d'innolnbrables compositions qui donneraient
la aussi un nouvel essort a ce métier.
M. Cornille, vint aRrès nous instruire sur les Tissus .

Technicien consommé il a . su nous intéresseé pendant t, oute
sa conférence, nous expliquant ce qu'était la chaîne et la
tram'e dans une tapisserie. Nous donnant · un léger aperçu
sur cet artdepu is les premières tapisseries des Flandres

jusqu'a celles de nos jours qui se font aux GoDelins._ Puis
il nous décrivit avec \lne technique serrée et précise, ·Jes
différents tissus ornés; les lampas, les damas, les velours

frappés, etc. ,leurs procédés de fabrication qu'il serait dif ..
ficile de donner dans notre court exposé. Les services ren-

dus paI: les métiers J aquart. Enfin les compositions qui doi-
vent être faites en vue d'étoffes imprimées. RépétitIon d'un .
dessin, alternance des sujets, limitation des couleurs em-

,ployées, jeu des nuanoes entre elles, etc., accompagnant
ses descriptions de tres beaux échantillons 'qù'il déployait
devant nous. . .

Ce fut surtout l'après-midi au Pavillon de Marsan gue
nous pûmes juger' de ce que . pouvait fouruir l'industrje
française des tissus, dans cette exposition organisée pro-

bablement pour nous, il y avait de tous les genres ; d?ns
tous les tissus : toiles, velours, satin, parsemés de fleurs

. Ou strillés de bandes ornées, tous ravissants et d'un- bon

goût français. A côté du nom du fabricant peu de n'oms
d'artistes créateurs ' de ·modèles ! Cependant à noter les
compositi.üns des Quénioux, de Feure, Drésa, de Sté-

vens et autres. On avait installé au premjer étage une
petite section austro-allemande pour établir entre nos enne-
mis et nous des points de corpparaisop .
Les compositions allemandes sont généralement lourdes,
de tons sombres, d'un dessin brutal et d'oppositions heur·
tées, il est évident :ru 'il y a un esprit . de recherche, un
effort réel, mais qui ne peut rivaliser avec l''1'rt français .
Les Autr, ichiens, gens plus délicats,' se rapproch.eraient de
no~s davantage, ils ont de jolies étô:ffes, qui, soit par trans_
parence, soit en pleine lumière produisent des effets variés ,.
et intéressants. Mais nos maitres incontestés ce sont les

J~ponais, dans cet art ils sont arriv_ és, et depuis longtemps,
a une perfection extraordinaire. Deux petites sallsedu bas

leur avaient été réservées, nous' avions là des compositions
superbes de tons, de dessin,de décors etd'hqrmonie, il
y avait d~s échantillons datant même des XVIe et xv,rre
siècles, tôut aussi beaux, fout aussi frais qu'au jour de leur

fabrication. . . '. .

Ce peuple ne semble pas vieillir, son imagjnation est tou-
jours en éveil il se reproduit sans se recopiel.

_ En voyant toutes ces étoffes chamarées nous pensions
aux riches tabliers de nos paysannes bretonnes., à ceux
. qu'elles portent, pimpantes, les jours de fêtes et de Par­
dons, et nous nous demandions s'il ne pourrait pas se mon-

t.er en . ~retagLl~ une industrie de ce gerire, qui chercherait
elle aussi à se renouveler dans 1 'interprétation de la flore

du pays. Nous revoyions par la pensée les femmes de
Plougastel avec leur 'fichu de couleur; les filles de Douar­
nenez couvertes du long châle brodé. Tout cela ne pour·
rait-il pas se faire un jour chez nous !
Les mêmes réflexions nous venaient p~ndant la confe-

rcnce d'2 YI. Bauer sur la Passementerie, les rubans de nos
petit :;s bi'goud~nes, les petits bonnets garnis d'étoiJes ou
de g lants pailleté d'argent, les franges des gral,d.s ch{11 e;:;
don t nous parlions tout à l'heure ; pO\1rq"-wi !Oule; ~,~~
choses ne se feraient-elles pas en Bretagne?
L'art de la Passementerie remonte, paraît-il, ~i Ll lÎn du
XIIIe si~cle, mais ne fut bien connue en France qu!; Y en;

r(i40, époque Ol! s'introduisirent les premiers métiers di,: ; :
h la barre. La passementerie embrassè une foule de c:u­
feetions diverses, bandes, galons, franges, soutaches, l-,er ..
. lés, etc. Elle se fait naturellement . en noir, en blanc, en
couleur, parfois à la main, mais . ordinàjremenl à .la ,ma­
chine, on arrive par le procédé. mécanique a fabriquer de
J 00 à 120 mètres de galon ou de frange par jour. La passe··
menterie convient à la parure des vêtements comme à l'en­
semble d'~s étoffes d'appartement, elle a joué jadis un grand
rôle dans ce dernj er genre, par ses ambrases de rideaux .'
d'al.! pendaient de gros glands, par ces franges autour deI:>
ciels de lits, des fauteuils ·ou des tapis de table que l'on
voyait dans tous, les s;:!.lons. Serait-ce une industrie destinée
t-l disparaître, nous ne le pensons pas, car il y aura encore

de belles créations et d'intéressantes adaptations à faire
BULLETIN DE LA SOCIl~TÉ ARCHI~O .

... TOME XLiV (Mémoire 8.)

114 ; .

avec ses multiples procédés, dans la toilette et dans l'a~
meublement. .
La matinée très chargée së terminait par la conférence
dê M. Dumas sur le Papier peint. M. Dumas est un des

principaux industriels dans ce genre sur la place de Paris; .
il connaît donc bien SOn rnétier et nous en . parle en technj­
cien de vieille date. Après nous avoir montré les premiers

papiers de te9-ture faits à la main qui étaient souvent de
véritables tableaux représentant des paysages ou des scè­
nes animées, il passe aux décorations pompéïennes du 'pre­
mier Empire, puis aux lourds bouquets de la Restauration,
aux mignardises du règne de Napoléon III. Enfin aux fi-

dèles reproductions 'd'étoffes de ces derniers temps . . Il est
bien. certain que la fabricàtion du papier peint est aqivée à
des résultats surprenants tant au point de vue de la fabri­
cation que de l'immense pro: duction. 'Mais est-il bien logi:­
que de s'ingénier à donner au papier l'aspect d'une cré­
toue, d'une étoffe de soie, d'une moire changeante, à notre
avis, c'est plutôt un non sens et cela manque cl 'intérêt. Il
. n'est pas nécessaire pour qu'urie chambre soit jolie que les
rideaux soient du même dessin que la tenture, les llIl::, ~ont
tendus à plat, lt::s autres forcémént froncés, ils ne jouent
·donc pas 'le même rôle, sont diversement éclairés et n'ont
aucune rai.son pour se ressembler.. Qu'on cherche dans cet
intérieur une harmonie de tons, c'est parfait, inais qu'on
ne perde pas son temps à vouloir donner au papier l'aspect
de l'étoffe et à l'é. toffe celui du papier. Avec les procédés
perfectionnés de l'industrie du papier peint il y a autre
chose à faire comme l'a fort bien dit le maître Bonnier.
A la suite de cette conférence, il eut · été utile qu'on nous
parla de la peinture décorative, des pochoirs, etc. , mais
. c'eût été encore charger davantage notre programme. Es­
. péroils que l'année prochaine cette question sera étudiée
caf il y a beaucoup à faire de ce côté.. -

Nous arrivons à une-industrie qui conime,' celle du meu-

ble intéresse particulièrement notre contrée : la Dentelle.
M. Lefébure qui s'est fait une place marquée en ce genre
dans le commerCe parisien, est \ienu nous en parler en fin
conna"isseur; par quelques ' projections il nous a montré les
différents points de France et des pays étrangers. La den- -
telle s'exécute le plus souvent à la main, c'est un métier

- 115

" . sodal par exceilence, car il 'peut se répandre partout, ap~

porter son assistance dans la maison de l'ouvrière qui peut
travailler tout en vaquan' aux soins du ménag;eet sur-

veiller ses enfants, Chez nous, . sur nos côtes, petits et
grands, toute la famille travaille quand la pêche ne donne
pas. Les dentelles se vendent tres bien dans le pays, sur­
tout aux touristes pendant la saison d'été, elle~ s'exportent
à ~aris ~t même a l'étranger.' "
La dentelle doit se suffire' a elle~même, elle ne peut
avoir recours a un fond qui lui est indépendant et qu'elle
doit orner' en se posant dessus. Elle ne peut être que' légère, .
transparente, avoir une heureuse disposition dans les plellls
et les vides, dans "la composition de son dessiil, très franc,
tres lisible et bien ordonnancé; elle doit, 'de plus être
solide et SlJsceptible d'être nettoyée sans déformation.

Il existe bien des sortes de denteHes, les plus connues
sont : la dentelle aux fuseaux, la dentelle a l'aiguille, la:

dentelle au crochet, la dentelle au filet, le ma~ramé, ' etc.
n y a l'Irlande, le Richelieu, le poin.t de Venise, les den­
telles des Flandres, de Chantilly, 'de Luxeuil, le point d' A­
lençon, le point d'Argentan, toutes ayant leurs qualités
prôpres qui les distingu~nt et les font rechercher. .

N os ouvrières bretonnes travaillent dans la perfection,
malheureusement sur des modèles qui n'ont souvent aucun
intérêt, combien serait-il désirabl~ de leur fournir quelques
beaux modèles nouveaux, ayant un caractere breton ,dans
la composition d'ensemble comme dans la, flore qui servirait
de thème a cette composition. Quelques 'essais viennent
d'être faits et ont. donnés ,d'heureux résultats quoique lais;
salit à désirer au point de vue de la note bretonne a mon-

trer.

S'il y eUL un e conférence vraiment technique et instruc­
tive ce fut celle du maître Grasset. Cet art du vitrail qu'il
développa devant nous lui est familier comme tant d'au ­ t res métiers qu'il n'exerce pas cependant, mais où ses re­
cJ ierches e t sa science lui donnèrent , des connaissances

étendues sur toutes ces matières parce qu'il a vu et fait
travailler. Dans l'art du vitrail nu'l secret qu'il ne connaisse
et'qu'il ne nous ait dévoilé: n'étant pas fabriquant il pou-

vait nous en parler a l'aise. Ce sont des professeurs comme

116

lui que nous voudrions avoir, dont nous avons si grand

besolll pour l11strUIre seneusement nDtre Jeunesse.

Apres nous avoir fait un exposé rapide d 'histol'l. c du
vitrail l'éminent artiste est entré a fond dans les techniques
du métier. Il nous a montré avec des projections faciles à
. comprendre, comment il fallait combiner une armature de
bai~ à vitrer pour ne pas nuire au sujet qui. y serait placé ;

comment devaient se disposer les plombs suivant la com-
posi 1!ion du vitrail en cernant les contours principaux et ne
pas -couper mal à propos la tête ou une main d'un person-
nage représenté de la taille et de la dimension -des ver-

res, .en évitant les angles trop aigus difficiles à enchasser
- de la grandeur des panneaux n'excédant pas 0,65 x 0,80,
ett. Puis il nous a entreL'enu de la composition des sujets,

des dimensions qu'ils devaient avoir par rapport avec l'é-
loignement du spectateur, des colorations chaudes et froi­
des, de tons lourds qu'il faut éviter, des modelés qui ne
doivent être que légerement indiqués, soit par des varia-
. tions de tons, soit par des traits marquant les ' plis des
étoffes, les . accents d 'un g~ste ou· d'une physionornie. Enfin
du jeu des cculeurs, de leur rayonnement, des influences
qu'elles exercent les unes ' sur les autres, mille considéra­
tions qu'il est bon de connaître quand on veut étudier un
carton de verrière. Il est regrettable que le maître ne nous
ai pas conduit devant de vieux vitraux ou daps un atelier
moderne, pour compléter ' son enseignement.

, L'art du vitrail qui n'occupe plus aujourd'hui que quel-
ques artisans en Bretagne, fuf jadis tres ' florissant. Les
magnifiques vitraux que nous possédons e'ncore et qui fu­ rent exécutes dans le pays, en sont la preuve certaine; il
n'est pas de petites chapelles qui n'aient enchassés dans

ses fenêtres quelques joyaux de ce genre. Malheureusement
beaucoup ont été brisés et disséminés ou rongés par le
temps. Que ceux qui nous restent nous inspirent dans nos
compositions ; les légendes bretonnes, sacrées ou profa­
nes nous Offriront assez de sujets de composition. Q,ue ceux
qui les étudieront situent leurs scènes dans les paysages que
nous connaissons, qu'ils habillent leurs personnages avec
les costumes de nos peres' que leùr verrières soient de ce
fajt de nouvelles pages de- notre histoire provinciale. -
Le maître ceramiste Bigot devait nous faire' une confé-

117 ,

rence sur son art ; retenu en Province il n'a pu nous la
donner . .-

1\1. Gent.il, l'associé de M. Bourdet, a traité de la céra-
mique du bâtiment.. Sa causerie fut très intéressante, t.res
instructive aussi. Il nous a démontré d'abord l'avantage

du grès sur la porcelaine pour la fabrication des grandes
pièces, l'analyse des produits qui le composent. Il nôus ;­
pa.lé ' des difficultés d'exécution des pièces en relief et c1i~
grand calibre, du prix élevé qui en résultait, tout ceci ·
accompagné de nombreuses projections. La céramique a .
contribué et cont.ribuera encore longt.~mps à ,la décoration
du bâtiment pa-rçe qu'elle se prête admirabllment à tOll,S.les
modes de construction, mais à notre avis c'est. surtout un
art. de décoration plane, une sorte de revêtement et ndus
nous : demandons pourquo t on est sorti de ces limites pour
aborder des ouvrages ' en relief fort difficiles d'exécution
et par sui te très coûteux. D'autant que ces tours de force
ne donnent pas souvent le résultat souhaité ; ces cheminées .
mon'umenales et tourmentées où la ligne s'émousse, où la
c.ouleur lutte avec le relief sont plus curieuses que jolies .
On y sent un effort excessif qui n'aq}-?utit à rien, les
formes sont .lourdes, indécises et nat.urellement, dans un
intérieur, assez mal éclairées. Pourquoi ne pas s'en tenir
a}l carreau pour frisees, ' grands pôèles alsaciens, revêtement
de salle de bain, vestibule, etc.

L'art de la céramique pourrait fort. bien s'implanter,chez

nous , nos fabriques de faïence de Quimper, se révèleraient
en ajoutant cette brânche à leur industrie, elles ont tout ce
qu'il faut poür réussir. A leurs services de table, à, leur po-
~ terie coura,nte elles ajouteraient les carreaux de revêtement,
les poinçons de faîtage, les balustrades pour habitations, ' .
etc. Nous n'aurions plus besol'J.l.alors de faire venir ces pro­
dui t s de fort loin comme nous le faisions avant la guerre
e t. ce serait tout profit. pour le pays. Et puis, aussi bien
dans la confection de la faïence que dans celle des grès
d'ornementation, on pourrait créer des modèles nouveaux,
toujours dans un caractère bret.on, en s'inspirant des œu­
vres passées et de la nature de notre pays ; que de sujets
multiples il y aurait à chercher ! .
La conférence de clôture était réservée à notre distingué
r:onfrère Frantz-Jourdain. Dans une causerie pleine d'es-

118

prit et' de charme il nous a .mo.ntré

les rôles de l'industrie

et de l'ar '~i.ste créateur de mo.dèles .

Le fabricant traite le

plus souvent celui-ci comme un employé et ne paie pas ses
œuvres à leur juste valeUl-; cela provient que la plupart lit.
temps' ces artistes leur apporten't des études, des composi­
tioùs inexécutables, Si l'industrie les leur achète il est
obligé de les faire mettre au point par ses dessinateurs, qui
. sont bien souvent obligés de les dénaturer. C'est be'aocoup
. po.ur cela que l'on ,désire refo.rmer l'enseignement se rap­
portant à la composition décorative, que l'on veut faire dt.;
nos futurs ar:tistes en art appliqué des compositeurs sé­
rieux, connaissant la technique des métiers pour lesquels
.~ls seront appelés à do.nner des modèles. Alors, et alors seu­
lement, quand ils présenteront, une étude réellement réali·
sable ils 'seront appréciés, l'industrie les associera ?J :"5on
entreprise et son nom figurera à côté du sien au bas de
. chaque objet. Trava~l1ons don,c à . former cette jeunesse
d'a.rtistes et d'artisans, ce sera le plus sûr moyen de sou­
tenir la conçurrence étrangère qui demain, comme hier,
viendra no.us assaillir.

Ne nous arrêtons pas à ne faire que l'art sonmtueux,

l'o.bjet spécial ou inutile; mettons un peu d'art , un peu de
go.ût dans le bibelot à bon marc}:lé, dans la chose de tous
les jours, dans le jouet, dans les ustensiles de ménage .des
plusmo.destes familles. Ainsi nous amenerons le peuple
vers le beau, le goût, ainsi nous donnerons un peu de gaîté

et de joie à tout le monde. Et puis nous intéresserons l'ou-
vrière et l'ouvrier à leur métier, en créant de no.uvelles
choses, nous leui- ferons co.nnaître toutes les ressources des
industries modernes, ils acquéreront de l'initiative, ils aù­
ront plus d'entrain à travailler, ils y mettront tout leur
cœur. . .
La veille de cette dernière co.nférence, à la demande de
plusieurs membres des Comités ré'gio.nauxnous avions eu
une réunion générale à l'Ecole des Beaux· -Arts. Il était
nécessaire qu'avant de nous séparer nous échangions no.s
idées, nous exposions nos vu~s. Chacun de délégués po.u­
vait avoir quelqu~ chose à dire et l'on sentait dans les coul­
loirs, avant l'ouverture. de la séance, qu'un vent de discus­ sion allait souffler. ' Elle s'ouvrit d'abord sur le 1noded'en­
seignement dans les écoles d'art de l'Etat. Avec ,courtoisie '

i1H - -

et tact, notre Président Bonnier sut diriger, mais n0!1 sans
peine, les débats au milieu de l)ombreuses interruptions.
Ce que nous voulons, nous praticiens, industriels, construc- '
· teurs, c'est que L'enseignement soit donné dans un sens
pra~ique et raisonné, que la. technique des rnétiers soit à
la base de toute composition décorative, que les pr.ofesseurs
ne soient pas seulement des artistes mais des techniciens,
nous voulons qu'à ceux qui ne connaissent paos suffisam- '
ment les métiers, leur soit adjoint des contre-maîtres capa­
bles de compléter l'éducation rationnelle que nous souhai-

tons v fir appliquer. Que ce soit à l'atelier parini les com-
pagnons, que ee soit dans les ateliers-écoles il est indispen­
sable que l'enfan( apprenne en même temps le métier et

le dessin pour lequel il travaillera. Nôus insistons de pl~s '
pour que les professeurs soient choisis dan la région où ils
se sont formés et où ils auront -appris -les . métiers afin de

contribuer, par leur enseignement, à la nénovation des .
arts régi maux que nous souhaitons tous. Nous le répétons

il n'y a pas de composition décorative, pas de projet réa-
lisable' sans cela. Former de véritables artisans c'est ce
dont nous aVQns le plus besoin en Fracne. Nous aurons
toujours as?ez d 'artistes pour garder notre prestige dans
le monde et maintenir la pensée dans les régions élevées.
U ne autre question est venue se présenter à cette réu­
nion : la prédominence du Comité central technique sur les
Comités régionaux. ' Il est bien certain que Paris tiendra
. toujou,rs la tête ,de tout mouvement artistique, que ce sera
le point d'où partira la lumière qui rayonnera sur nos con­
trées ; mais 'il ne s'ensuit pas que la Province, qui possède
aussi d~s artistes et des savant's se laissa complètement
absorber par la Capitale et ne marche qu~avec le mot d'or­
dre , de Paris. Nous réclamons notre indépendance parce
que nous mourons de cette centralisation ; nous voulons
faire du régionalisme, ciest-à-dire 'conserver dans nos arts
comme dans nos industries françaises le style régional qui
les caractérise et les fera prospérer. N'était-ce pas du reste
· revivre no.s vieux métiers provinciaux; nous vQuIons dans
la pensée du gouvernement lorsqu'il instituait ces comités
régionaux? Nous devons travailler ensemble, mais garder
chacun, non pas notre pe'rsonnalité (car l'individualisme est
une faute), mais nos spéc.ialités. Nous travaillerons à faire

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un nouvel effort, leur redonner un nouvel éclat, de n:ou­
veaux · débouchés ; le meilleur moyen n'est-il pas de tra-

vailler ensemble, ,de s'entendre tout en gardant ses libertés?
L'école de Nancy, par exemple, qui a été une des pre-

. mières à entrer dans les voies nouvelles, qui a eu et possède

encore . çles maîtres décorateurs, de premier ordre, devrai t-
elle a.bdiquer, s'effacer devant Paris? Nous ·ne le pensons
pas et notre sympathique collègue, Victor Prouvé, nous a

démontré que . nous pensions juste. Trouvons des hommes
tels que lui dans nos Provinces ' et nous saurons garder
notre rang et notre dignité. L'éminent Prési- dent il- clos la
discution par une belle parole que nous rous plaisons à

redire et qui devra être notre Credo : « Il n'y a pas Paris,
.. il n'y a pas la Province, il y a la France ». C'est pour Elle
toute ën~iere que nous devons nous dévouer.
Enfin nous aVons fait observer combien il était regret-

table qu'entre les conférences sur le bois et sur le fer il n'y

. en eut pas une sur la pierre. Il nous semble que le travail

de la pierre oC, cupe assez d}articles et d'ouvriers· en France
pour ne pas être oublié,' qu'il, a produit l,es œuvres les
plus grandioses qui font l'orriement et la beauté de nos
cités ; qu'avant de songer au décor de no's habitations on
travaille à les construire et que c'est par la pierre ordinaire­
m~nt que l'on commence. Quel beau thème , ce chapitre
pouvait fournir: .
, . Elle sort en menhir de la lande sau~'age,

Elle sculpte un fleuron sur la maison ete Dieu.
Sous rhumbZe toit moussu; au YOC brut âu yivage

.v oit !/ évanouir les t.emps et mourir le flot bleu.
Admirant notre granit nous voulons nous en servir, car
sans lui le caractère breton sera perdu . . Devant toutes les
œuvres qu'on a tiré de lui, resterons-nous indifférents ?
N echercherons-qous plus à notre tour à lui faire rendre
encore sous l'outil et Je marteau ce qu'il nous a toujours
donné. La Nature a favorisé notre sôl, soyons-lui recon­
naissants et ne la dénaturons pas par des m;;ttériaux étran-
g"ers. . .

QlIim .per~ le 26 ' avril 1917. . .

Charles CHAUSSEPIED,
A rchitecte du Gouve1'nemen, t,
Vice-Préside'nt du Comité Régional
des A 1'ts appliqués, centre de N a1'!tes .

DU flNISTERE
Hôtel de Vitte
B.P.531
29107 QU1MPER

É PARTIE

'Table des mémoires pu.bliés en 1917 .

1. Note sur' la, stèl, e gravèe du Téven de K, e:i'IDorva;n

(commune' de' PIQùmogu,er-Finistère), ' par [A ~f.
DEVOIR} (planches) '." ......... ' .......... ... .... '~ .. '

II. Notice pa.roissial, e. : Landudec, par CONEN DE ' SAINT-
Luc (ca1'te) .. " ............. : .................... . . " .......................... ..

III. Note VI su.r une récente communkaüon de M. le

docteur Baudouin" relative à « l'existence d'une
glacia.tion néolithique dàns le c,entre d(~ la Bre-

tagne ", par [AH. DEVOIR] ......... ............. .

IV. Les ArchIves de LesauHfiou et, ~'archiv;ste JéEm-

François L.e · Cl,ech, par L. LE GUENNEC ......... .
V. Glanes archéolog,iques : Plouédern. Plo.unéven- ·
ter. -- Lanhouarneau. Ploue/ scat. Land,er-'

nea,u, paT le chanoine ABGRALL ................. ;
VI. RappOlrt' sur la. se.ssion normale des Comités régio­
naux des ar; ts appliqués à Par'is les 6, 7, 10, 11,
12 avril 1917> par Charles CHAUSSEPIED . . : .... ;
VII. Quimpe.r au XVIIIe 'siède. Notes et Docum,ents,
I. La COlnédi'eet les JeuX: à Quimper en 17~5,
par Daniel BERNARD ...................... : ... .. .
VIII . Comment étaient tra.ités les Pris.onnlerl s d, e guerre
en Bl~etagneà ,~'époque d·e la Guerr: e dl el Trente
ans, par Henri \VAQUET ..................... : ..
IX. Respe, ct et Conservation d.es œuvres du pa,ssé. Le/ t­
. tre o'live;y't,e à M. le cha'noine Abgra.ll, par Char-
l, es. CHA USSEPIED ............................... .

X. EXClus~on d'étud, e à Pont-l'Abbé le je'udi 2 août

1:l1
147
1917, p,ar le chan6ine ABGRALL .................. 15:l
XI. Une orise à l'abbaye du Relec, 1458-1462" par Henri
XII.
XIII.

"'\i\' AQUET " ................................................... ................ .o ..... .o ..
[Les Eglis.es et Chapelle1 s du diocès, e de, Quimper
(suite)] : Archiprêtré , de .lVlorlaix (suit1 e), d'oyen­ nés de Saint-Thégonec, de Sizun, de T.au~é.
Archinrêtré de SRint-Pol-de-Léon, doyenné de

Saint-Pol-d, e-Léon, paT le chanoine PEYRON.: ..
Discours de M. le PRÉSIDENT ................... .

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