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Bulletin SAF 1917


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Les archives de Lesquiffiou e l’archiviste Jean-François Le Clech

L. Le Guennec

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1917 tome 44 - Pages 51 à 64

..... es . UI

l'archiviste breton Jean-François L . . lech .'

La note de '-M. Daniel Bernard, annexée au procès-
. verbal de la séance du 28 décembre 1916, et relative
à l'archiviste breton K , erlan-Raoul, qui mit en ordre,
vers 1782, les importantes archives du château de Les- ' .
quiffiou, près Morlaix, m'a d'autant plus intéressé que
j'ai été chargé moi~même, .par le marquis et la mar­ quise de 'Lescoet, de procéder à un nouve.auclasse­
ment de la portion de ces titres qu'a pu recouvrer leur
famille après la Révolution. Quoiqu'interrompu par la
guerre. , ce travail m'a pourtant permis de m· e réndre
compte' de ce que devait être üette riche collection dans.

son intégralité. Aux archiveg primitives du ' châte. au,
formées des papi, ers de la famiUe . Le Borgne de Les­
Quiffiou et de diverses maisons alliées, Keraliou, Kei'­
guennec, la Motte, etc., s'ei ùt ajouté au XVIIIe sièd· e

le chartrier, bien plus considérable, de la famine Bar-
bier de Kernao et de Lescoet, augmenté: des titres des
lignées qui s'y fondirent, GouzjUon, Lescoet,Penan- .

coët, Kerengar, .etc., , et d'un grand nombre de piè:es

originales ou de copies authentiques provenant des ar-
chives de Kerjean, château où le marquis de Lescoet .

retrouvait, , avec le berceau de ses ancêtres, l'affirma-
tion de leur puissance passée, et qu'il ~emble . avoir eu
le dessein d'acquérir, par voie de prémesse ·· ou à l'a­
miable, dès après le décès de sa vieille parente et amie
la mar-qui8ede ' Coatanscour. .

La Révolution ruina , ce projet : et bi, end'autres. Le

marquis quitta la Bretagne en 1.791 et se retira d'abot:::l

dans le Hainaut français, p.uis en Flandre, ainsi que sa

famille. J'ai trouvé à LesquiffiOu la lettre, écrite à l'ep.

cre sympathique, dans laquelle il ordonne à son homme
d'affaires, M. M.oreau, juge à Morlaix et père du géné-

raI, et à son régisseur Le Floch, de placer dans des
barriques vides Il es ar.chives du château et 'de les fair~
, charroyer- nuitamment à Morlaix, où Mlle Jacob de ,
Kerjégu se charger'ait de les cacher dans la , cave de sa
maison. Get acte fut plus tard imputé à crime à M. Mo-
'reau, aussi bien qu'à' la détentrice des papiers ; une
perquisitjon opérée par le juge de paix Jézéquel fit dp·
couvrjr ceux-ci, , et provoqua l'arrestation des deux per­
, sonnes qui les avaient dissimulés ; l'un et l'autre por-

tèrent leur tête sur r échafiaud de Brest.
Tout l'ensemble des titres de la maison de Lescoet
ne 'Se trouvait pourtant pas à Lesquiffiou, car j'ai lu, .
dans une pièce officielle (1) relatant une tournée (~e
trois émissaires de' Jean-Bon-Saint-André chargés en

t 793 de mettre au' pas les municipalités tièdes on récal-
citrante:s du Bas-'Léon, que ces envoyés ùécouvrirent,

'dans une échauguette m, urée du château de Kernao, .

dont les canons avaient déjà été enlevés par les gardes
nationaux de Le~neven, trois ~alles remplies, l'une

d"argenterie, les deux autres de par.chemins et de' pa-
piers. On expédia la vaissell-e à la. Münnaie, les' titres

de propriété à Quimper ;, quant aux « actes féodaux et
nobjliaires », on en fit une flambée sur la grande place

de Lesneven, et « nous avons tous dansé la Carmagnole
autOur du feu », ajoutent sans rire nos trois sans-culot-

tes ...

Retiré ensuite à Hambourg, le marquis de Lescoet ne

. rentra en France qu'en 1806, jl e crois (j'écris'tout ceei
de mémoir, e). De rares lettres de son ex-régisseur Le

(1) Aux .archives de Lesquifn'Û'u.

Floch lui ' (ivaierit appris toute l'étendue du désasfr- e
_ dans lequel semblait devoir s'abîmer pour jamais sa

fortune territoriale. Veutes nationales d'immeubles, .
dont la seule liste ' comprend des centaines d'articles,
pillages, spoliations, dévastations, chaque lettre lui ap­
portait des nouvelles de plus en plus affligeantes, et
aucune amertun1 e ne lui fut épargnée, pas même la pro­
fanation des restes de ses ancêtres, qui, arrachés à léur
caveau des Récollets de Lesneven .où ils reposaient

sous la dalle à effigiè guerrière sculptée · en 1638 par le
bon artiste landernéen Rolland Doré, / dépouillés de
leurs , cer, cuejls de plomb, se virent enfouis à l'écart
comme' des débris d'animaux. Les patriotes morlai­
siens se montrèrent moins féroces ; avant de démolir
. la chapeUe domestique de Lesquiffiou, dont le pignon
enli, erré se dresse :encore (iujourd'hui à l'entrée ' de l', a­
venue, ils permirent à un vieux domestique du château
d'en enlever pieusement le cœur de son a:ncien maître,

pèr, e de l'émigré, mort au manoir de la Villerault, en

Plérin, près Saint-Brieuc, mais lui refusèrent une sta- ·
tue d'albâtre d'une grande valeur qui décürait un des
autels de l'oratoire. .

De même, l'opulent patrimoine de la marquise, née
de Kergariou et dernière -héritière des maisons de Ker­
gariou-Kergrist, de Kermoysan, de Tréanna , et de Coe­
telez, fut émietté, · déchiqueté par les ventes révolutioh­
naires, tandis qu'on transportait à Saint-Brieuc le .char­
trier de Kergrist, qui enrichit .depuis les archives dépar­
tementales de eette ville.

L':aspect de Lesquiffiou dut serrer le cœur du mar-
quis, lorsqu'après son retour, il voulut r, evoir la belle

demeure qui avait abrité sa jeunesse et son bonheur

d'autrefojs. Dix ans d'abandon -et d'id1curie avaient fait · .
du noble et simple château Louis XV, reconstruit ver~ '

1 .740 par l'architecte P, errot, une ruine désolée, sans
vitres 'ni portes, aux toitures crev, assées, aux pièües
souillées et vides: Transformé en hôpital militaire pour
« gâteux », puis vendu avec s.a r: etenue à des bour­
geois morlaisiens qui en .exploitaient les bois et affer­
maient les terres, il apparaissait dans sa grandeur hu­
miliée sur la colline dont la hache des bûcherons dé-

peçait par lambeaux le somptueux manteau sylvestre. A

défaut du château ancestral passé en des mains étran-

gères, l, e marquis de .Les'coet retrouva du moins ce que
les r-évolutions n'avaient gu lui ravir, l', affection res­
pectueuse de ses anciens tenanciers et ·métayers ; LOus

regrettaient le seigneur débonnaire, àla main libérale,
. au · cœur facilen1:ent apitoyé, généreu'x et sensible, « le
plus loyal et le plus chevaleresque des hommes », disait

de lui quelqu'un qui le · connaissait bien, si mal rem-
placé par , de nouveaux maîtres âpr· es au gain. Aussi,

(lès avant le retour du marquis, accouraient-ils, même
des confins de la paroisse, pour peu qu'ils eussent l'es­
poir d', entendre parler de lui et de savoir ce qu'il était
devenu ; c'est en pl, eur.ant qu'. ils demandaient de ses
nouvelles : « Comment va-t-il ? Comment 'va Madame?

Comm·ent vont l, eursenfants ? Aurons-nous le bonheur

de les revoir · encore ?'»

Reconstituer pièce par pièce, autant que pare.ille
. chose était humainement possible, son patrimoine dé-

truit, fut désormais le but que s'assigna le marquis, et
dont la réalisation emplit le reste de sa vie. ' Il le pour-

suivit sans faiblir, à travers mille vicissitüdes, avec un:e
ténacité · et une volonté dignes d'admiration. Il racheta
Lesquiffiou, Kernao, Kergrist, retrouva de ses anciens
. meubles, de ses portraits di famille chez des brocan-

teurs ou des particuliers, réclama la bibliothèque de
son hôtel de Lesneven, qui pourrissait dans les galetas

de la mairie. En même temps, il s'inquiétait de rentrer .
en· possession de ses archives. Le Premier Empire lui
restitua quelques titres de propriété qui lui étaient né-

cessaires pour recouvrer certains biens invendus dans
les régions de Lesneven~ . Pont-Croix, Callae. L'avène­
ment de Louis XVIII lui permit de mieux faire écouter'

ses revendications. Son homIi1e d'affaires, M. Miorcec
de Kerdanet, se rendit à Quimper av, ec Inis§ion d'explo-

rer les grenier,; de la préfecture et d'y recueillir les ti-
tres énlevés à Lesquiffiou, mais les circonstances ne lui
permirent point de la remplir d'une façon . complète.
Rebuté par l'inextricable amoncellement des paperas- .
ses, jetées là , en un désordre sans nom, M. Mioroec de
Kerdanet se borna à pêcher dans le tas, réunissant pêle~ .
mêle les documents généalogiques, les . insipides procé-

dures, les correspondances, confondant au gré du ha-
sard titres précieux, parchemins, rentiers, baillées à

ferme ou conv, enancières, tout un fatras qu'il eût . pu
sans grand dommage abandonner aux souris préfecto­
rales. So.n c~oix, d'ailleurs judicieux et raisonnable le

plus souvent, dut porter à peine sur le tiers des ancien-

nes archives de 'Lesquiffiou, . et ce qu'il 'délaissa cons- .
titue aujourd'hui, réparti , en 120 eartons ou liasses, ·le
fonds Barbier de Lesco.et, le plus riche de notre dépôt
départemental. .
Chose - curieuse, je n'ai pas retrouvé une seule fois à
Lesquiffi.ou le nom de Kedan Raoul, bien que nombre
de sommaires ou d'analyses inscrits sur les chemises

des pièces soient incontestablement 'de sa main. Un

classemerlt antérieur , au sien fut fait. vers 1750 par

l'abbé Carluêr, chapelain du château, qui rédigea un
très succinct inventaire. Les . copies des titres de Ker­
j.ean etceUes que l'on rencontre parfois ' j ointes à
d'anciens parchemins ' d'une lecture difficüe sont 'de

l'écriture élégante et· fine de M. L' Hostis-Kerhor, . hom-
me d'affaires de la maison de Lescoet vers' 1770. « Nül
n'a été plus attaché à ma famille, plus consciencieux
et plus fidèle » écrivait de -lui le marquis, un demi-siè­
de plus tard. J'ai vu aussi deux ou trüis lettres de l'ar-

chiviste Delvincourt,ce faussaire si bien exécuté dans
une étude des Annales de Bretagne en 1915, lettres où
. il propose ses services à M. de Lescoet, en lui vantànt

verbeusement les avantages de sa. méthode. Celui-ci dé-
clina les offres de Delvincourt, mais ne put préserver

sa généalogie d'un ou deux de ces ancêtres apocryphes
dont le malheureux s'acharnait à , empoisonner les fi­
liations de nos meilleures lignées léonaises, Parcevaux,

. Trédern, 'Penmarc'h, en dünnant pour garants de leur
existence d'imaginaires titres du cabinet d'Hozier. La
palme revient surtout, en l'occurrence, à un Nominoë

et à un Con. voyon de Kersauson qu'il eut l'effronterie
de , camper aux origü1es de cette noble famille, , et qu'on
retrouve, non sans stupeur, dans la généalogie, d'allu­
res pourtant sérieuses, qu'tm a publiée un" de ses mem- .

bres. . .

. ' Les archives actuelles de Lesquiffiou' peuvent être · di-

visées en quatre catégories distinctes :

Fonds Le Borgne de Lesqujffiou et autr, es familles .
directement alliées. "

Fonds Barbier de Lescoet, et familles direCtement
alliées. .

Fonds de div- erses famines alliées indirectement

ou sans parenté ave, c les deux ci -dessus· . .

Collection de pièces 111anuscrites . ou imprimées
relatives à la B"retagne, réunie par feu M. de Lescoet
père, bibliophile émérite.
Le premier fonds comprend les titr, es de famille de la

m. aison Le Borgne~ originajre du Goëllo et transplantée

à Morlaix au XIVe siècle; plusieurs pièces scellées sont
de · cetteépoque. Une alliance avec les Kerguennec lui .
donna la belle terre de Lesqujffiou, et , elle ne eessa d'y

prospér, er jusqu'à .ce qu'elle se fut fondue, en 1714,
dans les Barbier de Lescoet. J'ai extrait de àes papiers

le procès-vetbal de l'élection d'Adrien Le Borgne com-

me recteur de l'Université d'Angers, par ses condisci··
pIes de la nation bretonne, au milieu du XVIe siècle, pu-

blié en 1912 dans le Fureteur breton. n'autres pièces

ayant trait aux services militaires du même, à son
élection à la .capitainerie de Morlaix, en 1568, sont in-
. téressantes. Ailleurs, on voit son petit-fils Jean · Le
Borgne, officier aux mousquetaires, qui se distingua
dans les guerres de Louis XIII, partager avec son ami
d'Artagnan, le héros d'Alexandre Dumas, le produit
d'une amende infligée à la · confrérie de la Trinité, à
Morlaix. Parmi les titres ' de proprjété, . dont la plus

grosse partie est demeurée à Quimper, quelques-uns

seulement. concernent les nombreux moulins· à papier
construits le long du Jarlot, sur le fief de Lesquiffiou,
. et qui payaient au seigneur d'originales cheffrentes, une

branche de laurier, une douzaine de pommes de reinette,
. une paire .ct' éperons, · des rames de papier portant en
fihgrane les armoiries du lieu trois souches déra'­
cinées accolées à celles des GjUouart et des Kersau-

son, et . plus tard remplacées par les deux fasces des

Barbier, avec la devise: Sur ma vie .

Les plus anciennès piè· ces du secçmd fOild's. pr.ovien-
nent du chartrier de Kerj.ean et foùrniraient d'utiles
renseignements sur les origines de -la famille qui . fit ' .
construite ce palais-forteresse. M. du Cleuziou y a
trouvé les précieux documents relatifs à la Ligue, let-

. tres de la Magnanne et papiers divers, qu'il a · publiés jl
y a quelques années dans .I, e Bulletin de la Société d'E-

mu.lation clr::s Côtes-du.-Nord. Certains autres lui ' ont
. échappé, p.armi lesquels un sauf-conduit donné par
Sourdéac au sieur de Kerengar pour venir commercer
par mer à Brest, et une sauv, egarde pour les maisons de '

Mézarnou et de la Palue qui, . pùstérieure aux pillages
üe du Liscoet et de Fontenelle, apparaît com111, e une

aIlIerB Irome ...

De volumineux dossiers ont trait à la fondation du

couvent des Récollets de Lesnev, en, au patronage dé
l'hôpital, de cette ville, aux prééminences à Saint-Mi­
chel et dans l'église de Ploudaniel ; ce dernier üontient
un curieux plancolürié de ladite église, œuvre du pein­
tre morlaisien Pierre Barazer ; il Y a figuré les fenê-

'tres, les tombes, le porche, le docher et le reliquaire
avec les Bcussons armoriés qui les couvraient. D'autres
dossiers concernent les convocations aux Etats, le gou-

vernem· ent de Lesneven, la capitainerie de la p~woisse
de Ploudaniel. Les titres de famille sont abondants et
variés : actes d'état-civil, enê[uêtes, contrats, partages,
inventaires, procédures pour successions, prièr, es nomi­
nales, adm,lssions dans l' ordr·e de Malte, dans celui de

Saint-Lazare, et au chapitre des chanoines de Lyon,'

et.c . Les liasses de correspondances renferment des let-
tres signées de noms illustres : Cossé-Brissac, Rohan, '
Montmürency-Tingry, Montmorency-Luxembourg, d'Ha­
vré et de Croy, de Chaulnes, du Harlay ; l.educ de
Richmond, fils de Louise-Renée de Penancoët, duchesse
de Portsmouth, signe Richmond, Aubigny et Lenox les
remer.ciements qu'il adresse à son pai'ent.'lecümte de

Lescoet du don de,!Cleux jeunes sangliers vivants. Une
mention spéciale doit être faite des comptes domesti­
ques du XVIIe et du XVIIIe siècle, dont 'le détail· nous

initie ' à ,la vie journaUèr· e des gentilshommes bretons,
et ôes , copies de lettr, es du comte de LBscoet, vingt ou

trente cahiers noircis d'une écriture' tellement minus­
culoe qu' il- faut s'aider d'une loupe pour la déchiffrer.
Dans sa jeunesse, ce M; de Lescoet avait été l'un des

conjurés de la conspiration de Pontcallec.,ce qui lui
valut une condamnation à mort par contumaoe et deux

ou trois ans d'exil. Ses papiers contiennent . quelques
documents sur cette affaire, entre autres une déclara-'
tion des gentilshommes bretons, qui pourrait être iné­
\lite, et une lettre de M. du Groesquer, alors réfugié au
Hanovre, que M. : Barthélemy Pocquet a citée -dans sa
continuation de l'Histoire de Bretagne d'Arthur de la

Borderie. .

Dans le fonds des familles diverses, une . charte de
1297 mentionne · un Hervei de Sylva Combusta (Hervé

de C08tlosquet), ce qui permet d'ajouter tin degré de
. plus à la filiation de cette vieille lignée léonaise au nom
toujours vivant. Enfin, car il importe d'abréger cet
aperçu qui, rèdigé uniquement de' mémoire, ne sauraÜ .
prétendre à inventorier, si peu que ce fût, les belles ar-

chives de Lesquiffiou, j'indiquerai seulement, dans
la quatrième catégorie, les papiers du üümte et.du mar­
quis de Langeron, gouverneurs de Br, est au XVIIIe siè-
. cle, leur correspondance avec les ministres, des mémoi- .
res, des plans, etc. une collection de factums impri-
més de très nombreus,es pièces relatives à la Révülu- .
tion eIi Bretagne; lettres de représentants en mission, .
certificats, affiches, proclama.tions, inventaires des ob- .

jets d'argent, erie provenant des églises des Côtes-:-du-
. Nord et fondus à la Monnaie, -correspondances concer­
nant les modèles de la Bastille dont « le patriote Pal­
loy » fit don aux municipalités des grandes villes de
France, ' autographes de rois, de ministres, de géné:..
raux, d'amiraux, de savants, parmi lesquels de -curieu­
ses . lettres du celtologue Le Brigant, de littérateurs,

-d'artistes, de prélats, de députés. La langue bretonne y
, est aussi représentée par la collection ' de mystères que
j'ai décrite dans .ce Bulletin, par un manuscrit de dom
Le Pelletier qui a , appartenu à La Tour d'Auvergne, et
par les Mémoir, es manuscrits de Jean Conan, auto­
biographie versifiée, et d'une sincérité émouvante, d'un '

süldat de la Révolution qui combattit les Boches d'alors

sur le Rhin et en Belgique.

Il Y aurait encore lieu de signaler un autre archiviste
breto~, plus connu que Kerlan-Raoul, ~inon comme
cl.asseur d.'anciens titres, du moins par oe ' qu'en a dit
Cambry dans le t.o.me 1

de son Voya'g' e clans le Finistère

en 1794 , et. par la notice que lui a .consacrée la Biogra-

phie bretonne. Il s'agit de J.ean-François Le Clech, ce
notaire de Plougasnou dont Cambry ,analyse avec élo­
ges le nébuleux système philologique, apparenté aux
rêveries de Le Brigant et des téméraires celtomanes de
l'époque. C'est à lui que, par sa. délibération du 15

mars 1779, le , corps politique de Plougasnou, « .conSl-

dérant que les archives de l'église tréviale de Saint-
J, ean ont besoin d'être reformées )), alloue la somme de
cluarante fraIi.cs par' mois « pour tr.availler à ladite 1'e­
formation dès le rétablissmuent de sa santé )) .

Jean-Franço, js Le CIe ch était en effet, nous apprend
Camb~y, d'une santé fragüe. Deux mois plus tard, Il
se trouvait en état de commencer sa besogne, m,ais dans
l'intervalle, le eorps politique sr était ravisé, et on le

chargea d'abord de mettre en ofidre les archives de la '
mère-paroisse. Il , est dit, à la délibération du 8 juin
1779, que « la santé du sieur Le Clech, archiviste, se
trouvant entièrem'ent rétablie, il commencer, a ses opéra.
tions demain, et à l'effet , de prendre . toutes l; es sûretés
requis, es, aUendu qu'il , est question d'une archive publi~

que sic), a ête arrêté qu'il sera assisté dans son travail
par l'un des délibérants chaque jour, et au surplus
comme dans les mêmes archives, il pourrait se trouver
des titres intéressant la communauté ecclésiastique, il
sera pareillement libre à un de J\rlessieurs les prêtres d'y
assister chaque jüur,.et en cas de recouvrement d'aucun
titre qui lesçoncerne, il leur sera délivré. sur une dé­
charg, e qu'ils seront tenus de donner et qui demeurera
aux archives pour mémoire.
« Comme la Chambre des délibérations actuelle pa-

raît l'endroit le plus commode pour ce travail, ü· sera
incessmmnent, et dans le jour si .c'est possible, établi ·

une porte fermant à une seule def sur ladite .chambre,

laquelle clef sera remis.e tous les soirs au délibérant as-
sistant qui sera tenu de l'a remettre à son successeur.

Aussitôt , que les archives de Plougasnou seront en état,

. on travaillera de suite et ' sans interruption à celles de

Saint-Jean du poigt sa trêve,süivant les mêmes ·arran

gementset par , continuation d'iceux ».
Ce luxe de précautions atteste quels soins pfé­
naient de leurs archives nos vieilles assemblées parois-

siales ; celles d'à présent, municipalités et conseils de

fabrique, ne leur témoignent malheureusement plus la
même sollicitu~le, et laissent s'anéantir, dans la moi-

sissure et la poussière, de précieux documents d'his-

toire locale dont rien ne pourra réparer la perte. Les

gens de Plougasnou, justem, ent fiers de lieurs deux égIi-

ses, de leurs vingt-quafr, e chapelles, de leùrs soixante
manoirs, tenaient à .conserver les titres constatant l, es
largesses de la duchesse Anne , envers la fameuse reli-

que du Précurseur, et leurs droÙs, maintes fois défen-
dus de haute lutte, à l'administration de l'église qui

, détena.it ce trésor. Ils s'en estimaient si bienIes maî-

tres, qu'ils employai,ent sans vergogne les abondantes

aumônes des pèlerins à soI~er des dépenses n

ayant

qu'un très lo.intaü1 rappo.rt av, ec le sanctuaire de Trao.n-
Mériadec. C'est ainsi qu'ils décidaient. le 18 juillet

1779, que « les quarante livres par mois convenues se-
ro.nt payées au sieur Clech par la rabriquede Sain"t-

Jean-du-Do.igt. »
La nlise en ordre des archives paroissiales 'et trévin­
les dura tout près d'un an, et une certaine so.lennité

présida à sa conclusion. Le 26 avril 1780, en présence

du corps politique -réuni .« dans l'apparten'lent dit la
Chambre des fabriques, au bas-bo.ut de l'église de St­
Jean-du-Dolgt », on dépo.sa « dans l'armoire étant à la .
gauche en · entrant, fermant à trois clefs, et dernière­
ment faite par o.rdre du co.rps po.litique, les titres et
pièces appartenant à l'église SaÎnt-J ean et à la co.n­ frérie du Sacre, après la reffo.rmation faite par le sieur
Franço.is Le Clech, archiviste, après quo.i l'armo.ir, e a
été fermée et les clefs remises à M. Etienne Le Mares-

chal, substitut du pro.cureur fiscal. »

Le 7 décembre 1780, le -corps po.litique, sur la de-
. mand, e « du sieur J.ean-François Le Clech, de , cette pa­
roisse », lui donne une attestation co.nstatant« que ledit
sieur CI, ech a travaillé dans nos archives de Plougas­
nou et de Saint-Jean-du-Doigt avec. assiduité et fidélité,

de faç, on à s'être attiré, avec no.tre estime et bienveil-
'lanc.e, l'approbation et l', éloge de Messieurs les avo.cats .
nos conseils, en foy de quoi nous voulons qu'un'e 0o.pie
par extrajt lui so.it délivrée pour luy valloir et s-ervir
a insi qu'il . appartiendra. »
. Gette appréciation lo~angeuse paraît dè tous points
méritée ; malgré les déplorables ravages du temps et

surtout des ho.mmes, il subsiste , encore d'assez nom-

breuses épaves des archives de Plougasno.u et de Saint-
J.ean pour permettre d'apprécier la sagacité, la cons- ' .

cience , et la méthode qu'il apporta à ,l' a, ccomplissement '
de sa tâche, groupant les piè:ces en un ordre , rationnel,
plaçant chacune d 'elles sous une chemise portant l'ana­
lyse détainée du .contenu, forniant des rentiers '8t des
répertoires distincts püur le .clergé, ta fabrique, les eon­
fréries . diverses. La preuve qu'il voyait dans ces archi-

ves, non pas seulement . de froids grimoires de tabel-
lions, mais des actes vénérables où Daluitr, , encore un

peu de la vie du passé, :c'est qu'il a laissé un recueil
de notes historiques glanées au cours de son' dassement
et d'autant plus appréciables, ' malgré leut brièveté,

que beaucoup des titres d'où il les a extraits ont aujour-
. d'hui .disparu. Une :copie de ce recueil, de la main de
M. de Penguern, et possédée par M. du Cleuziou, a

fourni d 'utiles indications àM. de la Rogerie pour son
attachante étude sur l'église de Saint-Jean-du-Doigt pu-

blée · en 1911 dans .ce Bulletin. Outre }es comptes qu'il

',a. analysés, et qui sontc'Onservés à la mairie de Saint-
Jean, j 'en ai retrouvé quelques autres à la mairie etau
}wesbytère de Plougasnou. Les ar.chives de Saint-Jean- .

du-Doigt sembl.ent av.oir souffert d'une disperSIon toute

particulière ; on , en rencontre des débris un peu par-
tout, dans les manoirs des .envirbns, aux archiv, es dé-'
partem, entales et à celles de l'évêché. J'ai sauvé moi-

même et .classé à l'intention de M. l'abbé Le Roy, 'der-
nier recteur, plusieurs pièces intéressantes ramassées
. dans un coin humide de la ehambr, e des délibérations,
au-dessus du porche de l'église. ,
Lors de la guerre int.estine à laquelle donnèl'ent lieu,
à partir de 1784, les v, elléités séparatistes, de la trève
de Saint-Jean, l.asse de la mise , en coupe réglée de son
budget par le eorps politique de la mère-paroisse, entre
les griefs des tréviens figure en bonne place la dépense
des 480 livres versées à Jean-François Le Glech. Plou-

gasnou riposte à cela, avec bon sens et concision, «qu'il

ll~y a rien de plus utile que de mettre les archives ën
ordre ». Sans doute, mais peut-être eût-il mieUx valu
ne pas faire supporter à ta, seule fabrique de Saint-

Jean la totalité des frais du travail effectué .au bénéfice
commun des deux églises ...
Le Clech dassa égalen1entles archives du .château du
Mesgouez, en Plougasnou, possédé alors par la ma­
mille Past.our de Kerjean, qui le tenait des Kerc'hoent

et des' Le Ségaller. Le -comte de Lauzanne, de Morlaix,
détient un cahier où notre archiviste a réuni Une notice

généalogique sur ladite famille Le SégaUer à des ana-

lyses d'anciens titres de propriété. L'un de ces titres,

du XV

siècle, fait mention de seigneurs de rréhen-
vel, en Plougasnou, du nom de Treguer, et Pon sait
qu'·un des piliers de la nef de Saint-Jean porte l'inscrip­
tion : B. TREGUER, , qu'on a longtemps prise pour la si­
gnature d'un ar-chitec-te. Ce n'est, sans. nu~ doute, que
celle du donateur du pilier, membre de üette maison
Treguer qui ne figure pas dans les Nobiliaires. La cou­
verture de ce cahier offre une carte finement dessinée et

coloriée, figurant la situation des différents manoirs et
terres qui appartenaient aux Pastour de Kerjean dans
le ressort de Lanmeur.

'En 1793, le citoyen Le Tertre, curé .co.nstitutionnel

de Plougasnou, dénonçait 'le paisible Le CI, ech à la So.-
ciété püpulaire de Morlaix, par une leUre .dont la mi-

nute fo.rme page de garde à un vieux cahier d'état-civil,
comme aristocrate et r· egrettant l'ancien régime, « pra­
ce qu'il ne peut plus êtré Arœbe ». J'igno.re à quoi peut
bien rimer üette biza-rre imputation, d'aut?-nt que l'hon-
. nête nqtaire . semble avoir été · trop glorieux de sa pure
ascendance celte pour vouloir prétendre à .la moindre
par, enté de race avec les enfants d'IsmaëL ·· - .

L. LE GUENNEC.
Moulin-Blanc, le 18 février 1917.

DU flNISTERE
Hôtel de Vitte
B.P.531
29107 QU1MPER

É PARTIE

'Table des mémoires pu.bliés en 1917 .

1. Note sur' la, stèl, e gravèe du Téven de K, e:i'IDorva;n

(commune' de' PIQùmogu,er-Finistère), ' par [A ~f.
DEVOIR} (planches) '." ......... ' .......... ... .... '~ .. '

II. Notice pa.roissial, e. : Landudec, par CONEN DE ' SAINT-
Luc (ca1'te) .. " ............. : .................... . . " .......................... ..

III. Note VI su.r une récente communkaüon de M. le

docteur Baudouin" relative à « l'existence d'une
glacia.tion néolithique dàns le c,entre d(~ la Bre-

tagne ", par [AH. DEVOIR] ......... ............. .

IV. Les ArchIves de LesauHfiou et, ~'archiv;ste JéEm-

François L.e · Cl,ech, par L. LE GUENNEC ......... .
V. Glanes archéolog,iques : Plouédern. Plo.unéven- ·
ter. -- Lanhouarneau. Ploue/ scat. Land,er-'

nea,u, paT le chanoine ABGRALL ................. ;
VI. RappOlrt' sur la. se.ssion normale des Comités régio­
naux des ar; ts appliqués à Par'is les 6, 7, 10, 11,
12 avril 1917> par Charles CHAUSSEPIED . . : .... ;
VII. Quimpe.r au XVIIIe 'siède. Notes et Docum,ents,
I. La COlnédi'eet les JeuX: à Quimper en 17~5,
par Daniel BERNARD ...................... : ... .. .
VIII . Comment étaient tra.ités les Pris.onnlerl s d, e guerre
en Bl~etagneà ,~'époque d·e la Guerr: e dl el Trente
ans, par Henri \VAQUET ..................... : ..
IX. Respe, ct et Conservation d.es œuvres du pa,ssé. Le/ t­
. tre o'live;y't,e à M. le cha'noine Abgra.ll, par Char-
l, es. CHA USSEPIED ............................... .

X. EXClus~on d'étud, e à Pont-l'Abbé le je'udi 2 août

1:l1
147
1917, p,ar le chan6ine ABGRALL .................. 15:l
XI. Une orise à l'abbaye du Relec, 1458-1462" par Henri
XII.
XIII.

"'\i\' AQUET " ................................................... ................ .o ..... .o ..
[Les Eglis.es et Chapelle1 s du diocès, e de, Quimper
(suite)] : Archiprêtré , de .lVlorlaix (suit1 e), d'oyen­ nés de Saint-Thégonec, de Sizun, de T.au~é.
Archinrêtré de SRint-Pol-de-Léon, doyenné de

Saint-Pol-d, e-Léon, paT le chanoine PEYRON.: ..
Discours de M. le PRÉSIDENT ................... .

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