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Bulletin SAF 1916


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Excursions archéologiques aux ruines romaines du Pérennou

Chanoine Abgrall

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1916 tome 43 - Pages 305 à 319

Excursion archéologique .
aux Ruines Romaines du Pérennou

L, e 27 septmbre, à 13 heures 40, soixante-dix excur-
sionnis tes. s'embarquai.ent sur le Tertel pour aller faire

une visite aux ruines romaines du Pérennou. Cette pro-
menade avait été organisée par le Président de la So­
ciété Archéologique du Finistère, M. le chanoine Ab­
grall, p01..1r les mem:br.es de cette Société, leurs parents
et leurs amis, et un bon nombre d'adhérents avaiellt
répondu à son invitation. La descente de l'Odet est une
promenade plèiI}e de charme et, si pour la plupart de
nos compagn_ ons c.e n', est pas une nouveauté, tous out

pu jouir, en cette calme après-midi d'automne, des as-
pects si beaux et si .variés que présente notre ·rivière

qUlmperOlse.
Loc-Maria, sa vieille église et ses vieilles maisons, les
bois de Poulguinan, le manoir .italien de Lanniron , avec
ses jardins et ses terrasses, la pointe du Corniguel défi­
lent rapidement sous nos yeux ; puis c'est la large baie
du Lédanou,avec ses manoirs de Kéraval, de Kerdour
et de Lanroz pour lui faire cortège . Ensuite la rivière
se rétrécit , aux environs de I\erbernez et s'infléchit en
coudes brusques, auxquels les marins ont donné le nom
de « Vire-courts », entre Kerambleiz et Boutiguerry et
ensuit, e sous Rossulien. Dans ce défilé étroit et tortu-

eux, les deux berges escarpées revêtent une physiono-
mie toute particulière : dans le bas ce sont des falaises
pierreuses, des entassements de rochers. au milieu des-

306
quels' des buissons et des arbres ont pris racine, plus
haul ce sont des taillis, des futaies aux variétés les plus

étonnantes; offrant toute la gamme des verts et des tein-
tes d'automne, jaul1e et brun, Nous avançons toujours,
On peut remarquer sur la rive gauche, un petit vallon

où coule un petit ruisseau ; si l'on est bien ' attentif on
découvrira, mais pour un instant seulem,ent, la pointe
du clocher de la chapelle en ruine de Sain~e-Barbe .

Sur la rive droite les pentes s'adoucissent et nous lais-
sent voir des cultures et des plantation's de pommiers:
c'est l'annonce de l'approche du Pérennou,

Nous y arrivons. Une échancrure dans le rivilge don-
ne naissance à une petite crique idéale tout ombragée
de grands arbres dont les racines plongent dans l'eau
. et dont les branches se reflètent dans c.e miroir d.' un
calme infini. A l'entrée de cette anse est une cale à la-

quelle le Tm 'fel va aborder. M. le vicomte et madame la
vicomtesse de Pompery nous y attendent avec leurs en­ fants et M. le comte de Carné. Deux petiles chaloupes

opèr, ent le transbordement. M. le Préstclent salue les

nobles châtelains, les remercie de leur affabilité' et de
leur gra cieux accueil, fait les présentations, et ünmé~

diatement, sous la conduite de M. le vicomte, le cor-
tè!ge se met en marche pour aller voir les monuments
qui sont le but de notre visite. Pour y accéder, c'est
tout un , coin pittoresque du pal'c que 1'011 par, court à
travers une sorte de labyrinthe et de laclS d'allées étroi­
tes: arche de pierres formant tunnel et accotant un pont
suspendu, admirable pièoe d'eau encadrée d'arbres de
toutes essences et dans laquelle se mire un hêtre-pleu­
reur aux branches tombantes, de l'effet le plus surpre·
nant ; fourrés de bambous, rocailles avec cascatelles,
toutes · couvertes par de vastes massifs de rhododen­
drons, wellingtonias , et autres arbres étrang, ers d'un

~. ' 307
élancement et d ' une hauteur qui font penser aux forêts
américaines . Et dans cette course sinueuse, c'est un
effet curieux que de voir, par les petites échappées, 'Ce
long cort èg.e marchant à la file indienne et s'égrenant

au milieu des verdures .
Nous avons contourn é la petite anse et nous voici au
Balneum, à la maison de bains, établie tout au bord de
la rivière. C'est un rectangle de 16 mètres de longueur
sur 7 de largeur, les maçonneries anciennes ayant en­
core enivron un mètre de hauteur . au dessus du sol. Les
excursionnistes donnent un coup d'œil à l'ensemble. de
la construction, puis M. le P·résident les prie de se pla-

cel' tout à hmtour, afin de mieux entendre la confé-
r· ence qu ' il va leur fair e, pour en décrire la structure
et la distribution:
, « MESDAMES, MES SIEURS,

Notre premier , devoir el. de saluer les maîtres de la mai-

son, mOl1sieurJe vicomte et madame la vicomtesse de Pom-
per)', d e les remercier d e leur trop gracieux accueil, et en
même temps d e nous excuser de notre indiscrétion en pa­
reille occurence, car ils viennent d 'être frappés d'un cou p
bien cruel, il s sont dans le deuil de leur fils, le jeune sous­
lieutenant de chasseurs alpins, Hugues de P ompery, glo­ rieusemen t tué en mont a nt à 1'assaut, le 3 de ce mois,
décoré d e la cro ix de g uerre, deux fois cité à l'ordre du
jour. Cher et vaillant Hug ues de Pompery ! je 1'ava is
connu enfant lorsq u'il étai t brillant et stud ieux éleve à
Saint-Yves; il Y a quelques mois je le voyais d ans les rues

de Quimper,' à côté d e son pere, à la fin de sa convales-
cence de blessure et prêt à repa rtir pour le front. C'était
une belle nature, droite et généreuse ; il a répandu SOl?
. sang pour la France, pour cette patrie si belle à laquelle
vont tous nos cœurs, les nôtres comme ceux de nos admi­
ra bles soldats. N oùs off ro ns donc ' nos hommages a u jeun e
héros, et ' à ses parents élésolés nous presento ns n'os con­
doléances les plus vives et les plus sinceres 'avec nos vœux

de pi"ofond e et douloureuse sympathie .. "

308 -

C'est aussi pour moi un deyoir de rappeler le souvenir
des anciens, dont la mémoire se rattache aux antiquités
que nous venons vis iter aujourd'hui: M. du Marhallac'h,
le châtelain du Pérennou, de la génération de 1820-185°,
. qui fut lié avec Arèisse de Caumont et qu i facilita à 'ce pré-
curseur et père . de la scierjce archéologique la première
étude de ces vestiges précieux. Ensuite son fils Félix, qui
dev int Monseigneur du MarhalJac'h et fut, pendant plu­ sieurs années vice-président de notre Société. Je ne d ois
pas oublier M . le comte de Carné, de l'Académ ie Fran­
çaise, s uccédant ~l M . Aymard de Blois comme notre se­
cond pr. ésident en 1875. Nous saluons ici son fils, M. le
comte Edmond de Carné, dont le nom figure sur la liste
des membres de la Société Archéologique depuis l'année
de sa fondatio'n, en 18ï3; il est un des rares membres fon­
dateurs qui existent actuellement. Ses relations avec le
Pérennou sont tout intimes, puisqu'if est le père de mada­
me la vicomtesse de Pomper} et que son château de Kerou­
s ien est tout voisin.

L'établissement autour duquel nous sommes groupés en
· ce moment est désigné sous le nom de Bains du Pérel111ou; ,
c'est le seur qu i soit connu du public de Quimper, ou pllf-
· tôt des rares personnes qui s'occupent de nos monuments
anciens; presque personne ne soupçonne l'existence d 'une
'villa de laquelle dépendait cette maison de bains o u bal­
l1eum. Il est de toute logique cepen'dan t que la présence,
d'une maison de bains suppose l'existence d '-une famill e

riche et fortunée qui en faisait usage. Il est intéressant
aussi de constater q ue les romains ou gallo-romains qui ont
habité notre pays de basse-Bretagne y ont transporté
, ou adopté, comme da ns toutes les contrées du reste ou il s
se sont établis, les mœurs, usages, maniè'res d e vivre, et
même les méthodes de construction' en honneur à Rom e
et en Ital, ie. A Rome, 'pays chaud, le~ bains étaient d'un
.usage quotidien, pratiq ue d'hygiène, de luxe et de plaisir.
Eh bien ! dans ce petit cOÎn de campagne bretonne, a insi
que dans un a utre balneum qui j'ai exploré à Gorré-Ploué

en Plouescat, dans les derniers mois de 1914, nous trou-
vons les mêmes dispositions que celles appliquées dans les
balneums romains et italiens, a in si que dans les grands,
thermes monumentaux destinés à l'usage du public.

A. Vestibule ..
309
BAl.l.NEUM

B. Chaufferie F m·nix.

Hypocauste et caldarium.
D. · 2" Hypocauste . et tepidarium.
E.. Frigidarium.
F . . - V estiaire.

Vo us voyez cette const ruction recta ng ula ire, divisée en
compartiments de d imensions variées . S ur le g rand côtt? ·

Est, fa isan t face à la rivière, un e porte surélevée de d e.ux
marches et d ' un seuil donne acces da ns un e sorte de g ale­
ri e oblong ue, mesuran t 10 m . 50 sur '2 m . 20, servant de
vestib ule ; à s6n extrémité Nord on descend pa r quelques
ma rches da ns une pièce en so us-sol, à peu p rès carrée.
Vous po uvez y remarquer deux ' pierres de g ra ni t posées
debout , une troisième qui est un peu déversée; un e qua­
trième a disparu. Cétte.pièce consti tuait ce qu'on peut.appe­ l~ r la cha ufferie, car c'est de · là que la chaleur. se distrέ
buait da ns l'étab lissement. Les R o ma ins avaient imaginé
déjà à cette époq.ue un systèm e q l,li répond à not re cha u f­
fage central.
E n tre ces quat res pierres était le foyer, « F ornix » et
ces quatre piliers form a ient un trépied ou plutôt un qu a.- .
tre pied. pour soutenir une cuve ou ba ssin en a iq in, desti­
née ~l chauffer et bouillir de l'eau pour fournir de la vapeur
à l'étuve. Des . t races de scelleme nts a u ha ut de ces pier­
res indiquent qu 'elles étaien t reliées pa r des ba rres de fer

13ULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉO . - - TOME XLIII (Mémoi re 21)

310

devan t empêcher leur écartement et servir de support a la
cuve. La chaleur produite par le feu du foyer, flamme et

fumée, passait par la petite arcade gue vous voyez ici dans
les deux compartiments voisins , gue l'on appelait hypo­ Gauste,ç '{chaleur en dessous).' Ils étaient coi1stitués par
un d ispositif de pilettes en brigues, rangées en dam ier,
mesurant 0 m. 20 de côté et laissant entre elles un inter­ !"alle vide de 0 m. 40. Elles étaien t hautes d e 0 n'l.' 60 ou
o m. ïO et supportaient une sorte de plafond fait de gran­
des dalles de terre-cuite, mesurant 0 m . 60 sur 0 m . 60, et
o m. 06 d'épaisseur. Sur ce plafond de dalles était établi
un léger pavé de béton, mélange tres résistant de chaux
et de briques concassées. La flamme pénétrait dans les
intervalles des pilettes, chauffait ces pilettes a in si que le
'plafond et le pavé qui les surmontaient. De la premiere
chambre, la chaleur s'en alla it , par les deux ouvertures en
arcades que vous voyez en place, dans le second compar­
timent ~iposé également de la même façon; . elle avait
nécessa irement s ubi une déperdition et devait, par la même,
prad uire un eJ1et moins intense. .
CO'mment cet air chauffé, ces gaz de combustion péhé­
traient-ils dans ces sous-sol? C'est qu'il y avait un appel,
comme dans nos foyers ou nos calorifères moderne>; . Dans
les deux salles qu i surmontaient ces deux hypocaustes

étaient établies des sortes de chem inées ou des tuyaux d'ap-
pel, composés de boisseaux en terre-cuite, appliqués aux
murs, comme une série de . tuyaux d'orgue; la chaleur prise
dans les hypocaustes y montait pour aller s 'échapper au­ dessus de la toiture, mais à son passage les tuyaux s'é­ chauffaient et faisaient ains i office de radiateurs, commu-

niquant leur chaleur à .l' a ir enfermé dan s ces salles .
- Ce dispositif des hypocaustes était en place, du moins
en partie, lorsqu'on a fait une première exploration de ce
Iml'l1 eum, en 1833. Quand on a établi à Quimper le musée
départemental d'archéologie en 1873, 6n en a transporté
les éléments dans la cour de ce musée, pour le reconstituer
et en mettre un specimen sous les yeux des visiteurs. On
peut juger ce [ait comme Tegrettable, car il eut été plus
intéressan't et plus instructif de l'étudier 'sur place.
Et maintenant parlons des salles qui surmontaient ces
1 hypocaustes. Les R.omains leur donnaient des noms d if-

31i
. férents, d'après leur destination et d 'après ie degre de
température qui y régnait.
La salle qu i surmontait le premier compartiment était
la salle chaude, il. chaleur seche ou ~l chaleur humide,
étuve il vapeur, à vo) onté : ca.lda 1'ittrlJ" sudarittm, L e pavé
était il peu pres brûlant, comm e da ns les bains turcs,
encore actuellement ; si l'on voul a it produire de la vapeur,
il n' y avait qu'a projeter de j'eau sur ce pavé brûlant, ou
bien ouvrir un e valve mettant en communictaion avec la
cuve d'eau bou illante posée au-dessus du foyer.
La seconde sall e, moins chauffée, était la salle t iède,
tePidarium,
La tro isième, à l'extrémité Sud, étail la sa lle h a ir
froid, frigidarium . Généra lement elle était contig uë à un e:
piscine oi.! l'on pouvait prendre un v rai ba in d 'eau fraîche,
alveus, avec marches pour y descendre. Ici la piscine était
inutile; on avait, a 10 mètres de d istance, la rivière avec
so n mélange d'eau douce et d'eau salée ; imposs ible d' i­
maginer une p iscine plus belle et mieux approp ri ée.
A côté de ce frij;idarimn éta it une a ùtre · piès:e de

dimensions pl us restreintes, faisant suite au vestibul y ; c'é-
tait probablement" le vestia ire, apodyterium, servant a ussi
de salle de massage , sa lle des hu il es fin es et parfum s dont
on s'oig na it le corps après la série des bains : unctuariunL.
Cette salle semble avoir été la plus riche et la plus orn ée :
le bas des murs y était lambrissé de plaq ues de marbre il
une lTauteur de 0 m. 40, et da ns le pavé on a pu parfaite­
ment reconnaître les vestiges d'une décoration en mosaïque.
Obse rvo ns avant de terminer que la maçonnerie de ces
mùrs est traitée avec g rand soin; les murs sont larges de
p m, 50 à 0 m. 60 ;, les parements intérieurs el extérieurs
sont fa its de petites pierres cubiques bien régulières , ana­
logues pour a in s i d ire aux petits quartier's qui forment le,
pavés d e nos rues; c'est ce qu'on appelle le petit appare il
romain ~ le tout reli é par un mortier ou ciment très rési s- .
tant, les joints assez épais , fa its avec une grande régul a ­ rité et marqués par urt trait passé a u fer, du moins pour
. ce qui est de l'extérieur, car les parements intérieurs
étaient couverts d'un enduit épa is et bien lissé, relevé par­ fois d'une décoratIon en cou leur , pe inte il fresque , 'et auss i
d 'une ornementat io n géo métriqù e de coquillages incrùstés .

312
C'est un genre de décoration que l'on t ro L\ve dan s les éta­
blissements voisins de la mer, au Poulker, en Bénodet, aux
Bossenos de Carnac. "
La .conférence est finie ; on contourne la construc­
tion pour que chacun , examine avec plus de SOÜl les
détails qui viennent d'être décrits, et, sous la conduite
de nos aimables hôtes, nous nous engageons dans une

longue et étroite allée qui monte en cOtoyant cette limite

Nord du parc ; elle est bordée de deux côtés de touffes
de buis arborescent, a,yant des tiges vigoureuses, mon- '
tant à 4, 5 et 6 mètres de hauteur, ce qui nous donne

lieu de confirmer cette observation que, dans le voisi-
nage d, es établissements romains, presque sans excep-

tion, on avait constaté l'existence du buis, et que la
dénomination de buixière, boixi ère, benzit, donnée à un
village, était l'indice très probable de vestiges anciens.
On s'avance 8l1 petite procession menue le long de l'al-

lée de buis ; par une br~che onen sort pour entrer dans
un champ qu'on traverse et l'on se trouve, dans le
champ VOiSÏJ1, aux abords des ruines de la vina .
Un tertre artificiel est là, form é des déblais extraits
de cette habitation, et c'est pour nous un exceU ent bel­
védère pour. embrasser d'un coup d'œil l' ensemble des.
murs qui ont 1 mètre et 1 m. 50 { le hauteur, nous ren-

dre compte des dimensions' et du tracé de cette maison
d'un autre âge; et en même temps, en se r, etournant du

côté Est et Midi, on a une vision admirable sur la ri-
vière et sur toute la vallée .

Lorsque les divers groupes ont pu conSidérer à loi-
sir ces vestiges et ces lignes de maçonneries, s'entre-
croisant, M. le Président invite les bons excursionnistes
à descendre au pied du tertre ~t au milieu même des
ruines, pour y être plus à l'abri du vent et y saisir
plus fa cilement la seconde conférence qu'il va pro-

noncer :

.. P::I 1

I-z; 1

P-It:

p::JC'?

'f:z:1 ,

L..o--"" . .t

- 31:-1 - -
1' --' -- ' --oq~~ .. _----~

314
« Nous venons de voir le balnet/.m où les vieux habitants
de cette maison ' se baignaient', il la manière romaine, il
y a 16 ou 17 siècles. Etudions maintenant leur habitation
d'après les restes que le temps a épargnés.
, Vous pouvez en distinguer le plan général : c'est un
corps de logis principal, long de 38 m .. 40, orienté du Sud
au Nord, avec deux ailes en retour aux 'extrémités, L'aile
p'rincipale es t composée de deux longues galeries don t il
nous est difficile , de déterminer la destination. Celle qui

forme la facade Sud-Est semble avoir été un couloir de

service, promenoir ou portique desservant les autres piè­
ces de l 'h.abitation ; quant il celle qui est il l'arrière ,et
qui mesure 3 l mètres de longueur sur 3 seulement de lar­ geur, on peut la considérer comme une salle commune, ser­ vant aux 'réunions, aux jeux, 'aux repas, aux exercices
corporels, ou même aux spectacles que pouvaient s'offrir
parfois ces raffinés dont le genre de vie a pour nous encore
bien des secrets.
Les salles et chambres destinées à la vie intime sont
réparties dans les deux a iles' ; on peut en compter treize,
de dimensions tres variées ; la plus grande mesure 24 mè­
tres ca rrés de surface, d'autres 18, 15 et 14 ; tandis que
les plus exiguës ne donnent qu'une surface de' 4 mètr,es
carrés, et ' même 3 m: 7I'. , Quell~ était l'affectation d f
chacune de ces pièces? Où était la cuisine, la caVe ou ce\.-

lier, le magasin des provisions, les chambres il coucher '?
Aucun indièe ne peut nous le dire maintenant. Aurait-on
pu trouver des données plus claires lors de l'exploration?
Nous ne saurions le dire. En tout cas on peut voir qu~ le
tracé de cette maison de campagne diffère absolument des '
plans classiques qui sont décrits dans les traités de Vitruve
et que l'on peut voir 'encore dans quelques ruines il Rome
et particulièrement dans les fouilJes de Pompéï. On com­
prend ,du reste que la vie à la campagne doit différer pro-
f Olldémen t du tra in ordinaire des ilgglomérations, car dans
les habitations des champs on se trouve en toute liberté
et indépendance, et l'on devait jouir bien plU:s du plein air
qu'on ne le pouvait faire dans les cités.
Je dois faire remarquer que cette habitation, l'une des
plus vastes que l'on ait pu observer dans nos parages"

315

de rapport avec d'autres qui ont pu être étudiées, soit en
entier . soit partiellement : le Poulker, en Bénodet, Plo- '
marc'h, en Ploaré, le Tréiz, en Tréboul, près de la gare·de
Douarnenez, la villa avoisinant le balneum de Gorré-Plouc,
en Plouescat ' ; quelques points de pare'nté aussi avec les

constructions des Bossenos, en Carnac,' explorés et dé-
crits par Nr. James Miln,

Observons encore une particularité : c'est que les vieux
gallo-rorr:ains choisissaient 'toujours pour leurs habitation~
un emplacement offrant il la vue une perspective agréable
ct un horizon étendu, c'est bien le cas ici,. où l'on a cette
vue si belle sur la rivière et sur la campagne qui l'en­
toure, Il en est de même au PoUlker, il Plomarc'h, au Ca­
V,1 rdy, en Saint-Evarzec, ~\ Parc-ar-Groaz, et en tous les
anciens établ issements que nous connaissons.
Quels étaient ces fortunés qui se bâtissaient des demeu­ res si somptueuses en comparaison des habitations du
simple peuple ? Etaient-ce des officiers en retraite? Des'
administrateurs ayant leur maison de ville et leur villa de
plaisance? D es commerçants retirés après fortune faite-?

Etaient-ce des Romains, des Italiens implantés dans ce
pays, où des Armoricains ayant adopté les mœurs et les fa­
çons de vi vre des conquérants? Autant de questions dif­
ficiles à résoudre, quand surtout on considère le nombre
incalculabfe d'établissements dont on reconnaît encore les
traces, particulièrement aU bord de nos rivières et le long
de notre littoral.
Pour ce qui est du chef de famille qui s'est faI t bâtir
cette villa où nous nous trouvons en ce moment; l'emploi
du marbre dans la décoration du balneum et peut-être aus ;i

de cette maison, n' indiquerait-il pas qu' il venait d'Italie et
qu'il désirait avoir autant que c'était possible cet élément
, décoratif en usage dans son pays d'orig ine. '
Comment se fait-il que dans toutes ces constructions on

ait employé uniformément les mêmes matériaux, les mêmes
méthodes en usage en Ital ie? Dans notre pays, ou l'on
trouve soit du g ranit en gros blocs ou en quartiers ' de
grande dimension, soit des tablettes de schiste qui pou-
vaient faire parpaing, on s'est ingénié' il débiter ces
pierres en petits blocs cubiques, absolumei1t comme on le
faisait en Italie, ou même a employer des galets arrondis

- 316
qu'on allait prendre au loin au bord de la !':.er. Quels ou­
vriers· occupaient-ils ~l ces travaux? Etaient-ce des équipes
venues d'au-delà des Alpes, ou des paysans armoricains

que des contremaîtres spéciaux formaient à ç;et ouvrage ·?
OÜ se fournissaient-ils de cette chaux .qu'ils employaient
en abondance dans leurs blocages, dans leurs enduits, dans
le béton de leurs pavés? Notre pays n'a que peu de g ise­
ments calcaires dans la rade de Brest et son entourage.
Je sais bien qu'on a trouvé un four à chaux romain .au bord
de la rivière du Pont-de-Buis, mais ceHI était bien peu de
. chose en regard de l'immense · conso~mat ion de chau x
·que l'on a faite dans les constructions de Carhaix, de
Douarnenez et · de toutes les villas disséminées sur notre
sol. 11 fallait donc !;e fournir ailleurs, dans les Charentes,
la Saintonge, le,Poitou, la Normandie; et par quelle voie?
Il me semble qu'on ne pouvait recourir qu'a la voie mari-

time . ; d'olt cette conclusion que la navigation était tre::.
étendue, tres p~ issante, tres développée. Ou fabriqua.it­
on les tuiles et briques employées en si grandes quantités?
n'ou extrayait-on l'arg il e nécessaire a leur fabrication?
Ou se trouvaient les fours s'occupant de cette industrie?
Autant de quest ions intéressantes mais qui pourront occu­
per encore longtemps l'ingéniosité des chercheurs.
Quels ont été les objets intéressants trouvés dans ce~
explorations? Quelques statuettes de Venus· anadyomène et
de Déesse-mère, du · même· type que celles g ue l'on décou­
vre hghi.tuellement dans les établissements de même nature;
puis un bon lot de fragments de poteries sigillées, dont ur,
portant l'estampille: ALBINVS.
Mais ici je me vois forcé d'ouvrir ;,In e parenthèse : j'~
vois au milieu de vous notre sympathique confrère M. Por­
quier ; on peut dire de. lui que, en fait d e poteries romai­
nes, il est un homme heureux. Est-ce hasard, chance ex­
ceptionnelle et prédestination du sort ? Le fait est que lui ,
ancien industriel faïencier, ancien manufacturier céramiste,
jo ignant à 1 'habilete et a la science professionnelIes le
t~oût et le savoir de l'artiste, il a eu la bonne .fortune, dan s
un espace assez restreint de son jardin de Loc-Maria, de
décou.vrir touL~ une moisson de débris de vases anciens,
poteries ornées, vaisselle d e luxe, que la cuisinière gallo­
romaine, tout romme celles de nos J OUI-S , brisait par étour-·

317
derie et œ jeta it a u dehors a vec les restes et dechets de
sa c uisine. Il semble que la ma nœuvre ait .dure assez long­
temps et que la maîtresse de maison ne se , . ;oi t pa s fâchee
trop viveme nt , car la récolte de tessons a ete étonnamment
abond a nte , si l.Jieà que comme nous avons pu le constater
da ns une visite dejà lointaine de plus i~urs mois, l'heu­
reu x prop riétai re a pu constituer, . non pas un ",! pe ti te col­
lectio n vu lgaire, ma is . un véritable musée, une serie admi­
rabh olt tout est classé pa r catégo ries, scientifiqu ement,
en se basan t sur ses propres connaissances. anté ri eures, el
. sur les études du tres savant e t tres regretté Joseph D echc-.
lette, mort a uss i pour la Fra nce le. 4 octobre J9 14.
L a riche collection de M. P orquier est une vra ie source
de documents, et pour la rendre encore plus instructive il
a eu 1 'heureuse idée d 'en fa ire dessiner les principales piè­ ces , fragme nts et reconstitutions. Les pla nches , d'une a d­ mira ble cor recti on, form ent un album d'un e valeur excep-

tioll nelle, o lt l' on pourra voir la classification de ces pote-
ries de lu xe , leurs différents g enres d' orn em entation, la
tech nique de l'?ur fabrica ti o n et aussi la div ersité des' a te­ liers qui les out fourni s. Je suis heureux d 'avoir profite de
cette occasio n pour redire il ~I'I. P orqui er mes sentiments
personnels , traduire aussi les sentiments d e ceux qui con­
na issent déjà son trésor d e céramique rom a ine · et la signa-
1 er , . à la sympat hie de ceux d 'en tre vous 011 in' f'n on t pas
encore connaissance. Je ferme ma pa renthèse. '
P o u r fi nir, disons que les ruines du P érennou ont fourni
quelques monnaies de bronze, en petit nombre il est vrai.

U ne specia lement d e Tiberins Cœsar , de l'an 14 à l'an 3ï
d e notre ère ; d'autres de Victorin, associé de Posthume
dans les Ga u)es (+ 264-268) . Cela, ne l'leut a ider il dater

8. vec j)récis ion cet é ta blissement, ma is donn e cependant a
la v ill a du Pérenno u de bea ux qu a rtiers de noblesse, car .
or , r-eu t être auto ri se il la faire remonter a u Ilo o u a u Ill'
s iècle de notre Cre.
Ajoutons que, en deho rs de ce g rand logis principa l, on
peu t constater encor e, de différen ts côtes , les vestiges de
. bâtimen ts de service. : g ranges, étables, ecuries ; notam­
ment, a 50 mètres devant i1ou s, à la limite du champ voi­
sin, j'ai pu mesurer, il y a quelques annees , les restes d'un

318

. bâtiment de 9 metres sur 7. Il est actue1Jem ent envahi
par les ronces et les b rouss· a illes . ,
El ma inte na n t d isons ad ieu ~ ces r estes vene r.a bles, t e­ moins grand ioses, on peut le d ire, d' une civilisation" qui a
pour no us bien des mys tères et qui , soit di t sans off ense,
on t le don de nous la isser rêveurs )) .
Les excursionnistes S' éparpillen t entre ces vi,eilles
JlJ urailles, tâtant les .pierres et le dur ciment d'autre­
,fois, furelant dans les coins, examinant ce fouillis d t,
'petites chambr, es, -et les plus fervents, comme reliqu-e et
souvenir de cette visite scientifique, emport-ent un frag­ men ~ ·de brique ou de tuüe, qui ' embaullle le « romain » .
Nous rebroussons chemin -et, traversant la prairie qui
occupe le peti t vallon, nous prenons la grande avenue
du châ tea u, -et nous arrivons à cette belle demeure, re-

llouv-elée, il y a quelque$ 10 ou 15 ans, dans de belles
proportions -et un style bien décoratif, au milieu du ca­ dre incomparable qui l'entoure.
La grande amabilité de nos hôtes nous y avait ap­
prêté Ull luneh ; nous avons lieu de nous , confondre en
excuses, mais il fallu L de bon gré faire honneur à ce qu i
nous était offert avec tant d-e grâce ; appétissantes sand­
wiches, vin de France et cidre breton.
Puis ce fut une apparition au salon pour offrir nos
hommages à Mme la comtesse douairière de Pompel'.V ,

,clonner un coup d'œil aux précieux portraits de famille,
à celui surtou t du ' vénérable M onse;gneur du Marhal-

lac'h, dont la figure patriarcale est toujours familière
aux Quimpérois Je ma généra tion, et dont la mémoir, e,
en mes p· ensées plane touj ours sur ce vieux Pérennou.
Rapide visite à la chapelle, petit chef~d'œuvre de
grâce el . de fraîchem ; déambulation sur l' esplanade ;
course à ta basse-cüur, aux si curieux aménagements;
défilé le long des pelouses, puis dans ·les aUBes, les unes

- 319-

droite.;;, les autres courbes et sillueuses, et nous arr1 -
vons au bord d'une seconç le petite anse, sœur jUlllelle
de celle où nous avons débarqué. En la contournant OIl
en admire le charme, et nous arrivons connne par SUl'­
prise à notre Tertel qui nous attend avec patience .

L'embarquement se fait avec rapidité, le moteur esl
, en marche, nous démarrons ; nos bonnes et fl;anclles
salutations, nos discrets merci disent à nos Mtes toutes
les impressions et toute la grati tucle que nous empor·

tons dm)s nos cœurs.

Notre retour est presque triomphal. Dans les vire-

courts la haute marée emplit les berges à plein bord ;
la baie de 'Kerogan a toute la majesté d'un grand lac.
A notre entrée au port nous dominons les quais, et les
paisibles promeneurs regarclenlavec surprise ceUe
étrange expédition :. dames et demoiselles, Sœlll's.blalJ­
elles, prêtres, civils et militaires. Et notre petit Tert eZ
lui-même semble se rengorger, tout fier de 'Port, er une

si noble compagnie : des sortes cl' académiciens et d'aca-
démiciennes, des membres et des amis d'une SOCIÉTÉ
SAVANTE!

Ch . J .-M. ABGHALL .

363

DEUXIEME PARTIE

Table des mémoiTes pub liés en 1916
1 Argud Absrwrac' h, Le Combat de l'Aberwracî1,
, çomposé par M. l'aBbé Goulven Morvan, tra­
duit par :\1. le chanoine Abgrall . ... ,....... 3,

2 Inscl"ptions gravées et sCLllptées sur les églis·es .

~ et (tlonuments, recueillies par M. !e chanoine
Abg rall ........ . .... .. .. .. ... . . .. ............. .
3 :\1ottes :éodales, par :\1. l'abbé Méve' et M, Yves
Le F'eb\'re .......... . ... . ... .. ... . .. . . . . .. ... .

4 · Le vra i texte de l'histoire rniracu'euse de N.D.
du Folgoët, par M. Lécureux .. . . . .. .. ... , . ... ,
5 Le P·rieuré de Lochrist-an-Izelvet, . par M. Ogés ..
6 L'hymne alphabétique et l·es vies de saint Gué­
nolé et de saint Idunet,' dans le cartu:ai·re . de
. Landévenn ec, par le P. de Bruyne .. , .. .. .. . .
7 Petite- chrenique· de l\1onsi,eur sainct Tugen, par
M. Le Carguet. . . .. . . ... ,. . ... . . . . . . 184, 213,
8 Notes sur l'établissement du Télégraphe Chappe,
par Daniel Bernard ............... , . , . ... . . , .
,9 Lettres d'un Tambour de la 1

Répub'ique r. e­ cueillie et publiées pal' M, Marzin... .. . 249,

10 Autour du Moulin-Blanc, 'avec planch'es, par
M. Le Gtiennec .. . ..... ......... .. . . .. . .... .. .
11 Que'qu,es bornes routières, du temps du duc
d'Aiguillon, paT M. le chan oine Abgrall . .. .. ,.
12 Ex· cufsiQn archéologique aux r uines romaines du
Pérenno u, par : -"'1. le chanoine Abgra' J .

13 Guilers, notic. e paroissiale, par M. le comte Co-
nen de Saint-Luc .......... . .. : . . .. . . ... . .... . .

14 Discours de fin d'année, par M. le Président. . ....

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