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Bulletin SAF 1916


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Petite chronique de Monsieur sainct Tugen

M. Le Carguet

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1916 tome 43 - Pages 330 à 385

- 293

tevendicallons. C'est peut-être comme 'indication et
affirmation de ses droits et de son autorité que le duc
fit dresser·des bornes telles que celle que nous trouvons
ail bout de la chaussée de l'étang de Rosporden, sur le
hord du terrain faisant la limite de Kernével, bornt:
dont l'\nscriptioll diffère absolument de celles que nous

reproduirons ensuite. Elle est ainsi libellée:

P. L. ct. M.
dvcdAJG
VILLON
C. G. cl. L .
H. ET . b. b.
1762

La premiere ligne est incertaine c.omme interpréta­
tion. Ces deux lettres : P. E . signifient-elles : pour édit .;
Les autres lignes, semble-t-il, doivenl être lues ainsi:
Par l'ordre de Monseigneur le duc d'Aiguillon, com­
mandant général de la haute et basse Bretagnè.
Ou bien ·encore, comme cette chaussée ou pont de
Rosporden est un travail fort remarquable et d'impor-
. tance pour la ville, en créant ce bel étang qui garde
encore sa belle physionomie quoique sectionné en trois
tronçons par les remblais de deux lignes de voies fer­
rées, · ces deuxpremièr·es lettres P. E. ne signifieraienl-

elles pas :
PONT ÉLEVÉ par l'ordre de ... ?
Cette borne avait été déjà mentionn ée par M. re vi­
comte de Villiers du Terrage, notr· e vénérable Prési­
jent , d'honneur ; il en est question ainsi que de quel~
ques autres clans le volume de notre . Bulletin, année

1901, pages XLIX-LrLI-LIII.
En dehors ' de celle-ci, qui est unique en son genre,
toutes les autres bornes porten t un nom de localité,

BULLETIN DE LA. SOCl8Té ARCHÉO -- TOME xun (Mémoire 20)

294, _ .
paroisse ou bourg, av· ec une indication de mesure chif­
frée en toises. Nous allons en citer quelques-unes, en
tâchant de les interpréter pour le mieux.
Commençons d'abord par la Cornouaille, ensuite

n0US nous occuperons du Léon. .
Je don}le en premier ' lieu les deux bornes que j'ai
observées et copiées vers 1882 ou 1883, au bond de la
vieille route de Pont-Croix à Audierne, et dans le
voisinage cl' un embranchement allant vers Plogoff et la
Point· e-du-Ras.

Cette route, apr.ès · avoir passé sur la queue des an-

ses du M oulin-Vert et de Lespoul, au lieu de suivre le
tracé de la nouvelle route rectifi ée, pour suivre la rive

droite du Goyen, gravissait les pentes de Kervénennec
. en touchant le bond d'un bealu camp romain, redescen­
dait daris le vallon de Suguen sou, contournait l'anse
et remontait par les bois du Petit-Ménez . C'est à mi­
côte de cette montée que se trouve la prem ière de ces
bornes, portant le numéro 23 ; quand je l'ai dessinée,
eUe était à moitié cachée dans les broussailles pous­ sant sur un petit talus au bord du vieux chemin, el un
peu ' penchée, par suite cl' affouillenlents qui s'étaient
produits sous sa base. . .

C'· est une sorte de stèle méplate, en granit, haute de
Lm. 18 et large de 0 11l . 25 environ, plantée dans tine

base grossièrement arrondie. Les quatre angles sont
abattus en · chanfreins jusqu'à mi-hauteur, mais la par-

. tie supérieure de la face g, arde toute sa largeur pour

. recevoir l'inscription, laquelle est ainsi conçue. , &elon

le petit dessin ci-joint : N 23 AVDIERNE 732 TOS (toises)

1763 . Au r evers on lit : PLOGOF, sans autre indœation.

Ces 732 toises, la toise valant 2 mètr, es, · correspon-
dent à 1464 mètres, près d'un kilomètre et demi, ce qui

. ~s t bien la distance de œ .point à la ville d'Audierne .

Mais ce .chiffre n'aurait-il pas une autre · signification,
. .comme l'indiquaient en 1901 M. Bourde de la Rogeri, e
et en 1899 1\1. Le Carguet, disant que ces sortes de
bornes marquaient la limit, e des corvées assignées à

chaque paroisse pour l'entretien des routes? En effet,

dans l, e mémoire de notre .confrère, M. Savina : (( Au- '
diem e cl la t in de l'ancien r égime », Bulletin de. la Soc.
Arch. du Finistère, 1914, nous lisons, p. 116", note 3 :
la tâche d'Audierne, sur l'a route de Pont-Croix, avait
732 toises. Il est donc à croire que c'est là réellemen t
la délimitatiori des corvées de deux PStroisses différen-

tes .
Que signifierait alors l'inscription qui est gravée au
revers de la borne et qui donne cette indication uni-

296 -
que : PLOGOF ? SeraÙ-ceque le tronçon allant jusqu;au
bas de la côte aurait été à la charge de la paroisse de
Ptogoff, parce que les gens de cette paroi sse , en bénéfi­
ciaient pour leurs voyages du fond du cap à Pont­
Croix ? On ne voit guère d'autre explication, et cel::t
semble corroboré par la seconde borne, un peu moins
haute que la première, qu i se trouve précisément i:)L! ~
au bas de la côte, près du pont passant sur le petit
ruisseau et portant cette inscription : N 22 PLOGOF 208
TOISES-1763, et au rev'ers: ESQVlBl EN . En effet la dis­
tance entre les deux bornes peut être d'environ 400

. ri1ètres, et la seconde serait là pour bien préciser la tâ-
che due par les gens de Plogoff, tandis que ceux d'Es­
quibien avaient pour obligation d'entretenir le reste de
la route, jusqu'aux confiins du terrain de leur paroisse,
c'est-à-dire jusqu'à Lespoul, ou même au-delà, dan s
la direction de Pont-Croix .

Les abOrds de Quimperlé nous offrent deux autres
born es à étudier. Elles m'ont été signalées par M. Lan-

dormy, receveur de l'Enregistrement à Quimperlé, et

voici, du resle la note bien .

détaillée qu'il a rédigée à

ce sujet :
« A une faible distan ce
de Quimperlé, sur deux .
routes tout à fait dis-

- 297

Bretagne, y créait des routes dignes de oe nom. Le
deuxième nombre, précédé sur l'une et suivi sur l'autre
des lettres 1'0: ES' :, doit signifier, le n0Î11bre de toises,
bien qu'il soit permis de se demander pourquoi on a
-recouru à une abréviation si' fantaisiste pour exprimer
le mot toises.
« Les autres abréviations paraissent signifier :
B : L : Borne iniquant l, es lieues.
D : Q : Distance de Quimperlé.
« Pour 1.a première {le ces bornes, située sur l'ao­
cienne route de Quimper qui traversait le quartier dit
du Poullou, le chiffre de 360 toises ou 720 mètres est
parfaitement .exact, car le quartier du Poullou est d'cr
rigine récen te. Les maisons qui le composent ont été
construites sur des ter~ains vendus vers 1840 par lVI. du
Couë-dic, qui était alors propriétaire du château du
Lézardeau et de toutes l'es terres avoisinantes . En 1760
les dernières ma-isons de Quimperlé ne dépassaient que
d'une centaine de mètres environ le carrefour sis en

haut ·de la rue Thiers actuelle, ce qui donne bien un
chiffre de 720 mètres pour la distance entre ce point

extrême et la borne.
« Pour l 'autre borne, qui se trouvait à Bec-an-henl
(bout-du-chemin), d'où elle a disparu depuis deux ou
trois ans, le chiffre de 860 toises ou 1720 mètr· es envi­
ron est plus diffi· cile à expliquer. Du point où eUe était
située, à celui où devait finir en t7 60 le faubourg QI.
Gorréquer, c'est-à-dire à la place Guthiern, il y a en­
v;ron 700 mètres ; de là à l'église Sainte-Croix, envi­
ron 400 mètres ; total : 1.100 mètres. Pour trouver les

600 mètres de différence, il faudrait faire partir le
mesurage du point -où aboutiss· ent les 360 toises de ia

première borne ; et il , est invr. a isemblable qu'il en soit
ainsi, puis: que le chemin sur lequel se trouve la borne

298 -

. de Bec-an-hent prend son origine sur l'ancienne route
du FaouU, à 50 mètres environ du point où se trouvait
cette borne. Il y a lieu de se demander si cette bome
était réellement placée en cet endroit en 1760, car le
chemin sur le bord duquel elle se trouvait ne devait

pas plus être une grande route à cette époque qu'il ne
1'-e5t aujourd'hul. On remarque sur plusieurs points de
. son parcours, entre Quimperlé et Querrien, de larges
. pierres symétriquement d isposées, qui tendraient i
faire croire qu'il représente une ancienne voie romaine;
mais la route de Quimperlé au Faouët, passant par
Bec-an-hent et le lieu dit Toul-Bado, était certainement
la seule voie carrossable dans cette direction en 1760;
et c'est sur cette route que devait se trouver cette
borne. On ne s'explique guère; à· la vér. ité, pourquoi,
si on l'avait enLevée du point où sa présence se com­ prendrait sur l'ancienne route du Faouët (à peu près
au dit lieu de Toul-Bado), on aurait pris la peine de la

transporter à 700 mètres de là, pour venir la planter

sur le bord d'un simple chemin rural; mais on ne s'ex-
plique pas davantage pourquoi elle y aurait éM mise
en 1760 )J .

Je me permets deux sùnples observations à propos
de l'exposé qui précède :

Les lettres B : L : pourraient bien signifier Borne

limite. C'est un e idée que je n'avais pas précédemment

et . qui m'est venue en transcrivant le texte de 1\1 . Lan-
. dormy ; et cette interprétation semble plus logique,
puisque ces bornes { levaient marquer les limites des
corvées à fournir pour l 'entretien des routes .

Le mesurage pour la route du FaouU devait par­
tir du pont près des moulins de l'abbaye, puisque c'est
là qu' est son point de jonction avec la route de Quim­
per à Vannes. De ce po:nt , en mesmant bien sur le plan

- 299-
ca.:lastral, on ne trouve que 1300 . mètres pour , aller
jusqu'à la séparation des deux communes de Quim-

perlé et de Trémév-eu. Où donc pouvait être l'emplace-
Illeut primitif et authentique de la borne 860 toises?

.La première des bornes de Quimperlé, dont nous ve- .
110ns de nous OGcuper, est placée au ' bord d'une roule
de première importance : celle de Quimper à Vannes,

ou plutôt d'audierne à Nantes . La seconde est sur une
route d' importance moindre, de Quimperlé au Faouët.
11 en est de même de celle que nous allons signaler ;
elle est située au bord Sud de la route allant de Con­
carneau à Tréguncet Pont-Av, en, à 1 kilomètre du
pont du Moros, sur le terrain de L_anriec, à 3 kilo-

mètres et demi avant d', arriver à Trégunc. Cette borne

. mesure 1 tn. 40 de hauteur, 0 rn. 53 de largeur, et
o m. 20 d'épais§eur . La partie supérieure est taillée en

une sorte de fronton demi-circulaire, crans lequel est
gravée une fleur de lis de France. L'inscription est ainsi
conçue :

TREGVC
. 3249
TOISES
1761

Ces 3249 toises ne marquent donc pas la distance de
ce point à Trégunc:, mais fa limite à laquelle aboutis­
sa it la contributioil de cette paroisse pour l'entretien

de la route, l' autr,eextrémilé se trouvant à une dis-

tance de 3249' toises ou 6498 · mètres, c'est-à-dü\: à .
3 kilomètres au-delà du bourg ; non pas à la ligne de
séparation de Trégunc et Nizon, mais:à 1 kilomètre en

deçà, au point de croisement de la route de Névez ;'1

300 -

l'extrémité Est de la paroisse, tandis qne dans la di­
rection Ouest elle vient- sur le terrain de Lanriec, vrai­
semblablement parce que les gens de Trégunc usaient
de . cette route en plus forte proportion que ceux de
Lanriec. . .
Notons encore la marchc ou progression dans l'exé­
cution des travaux. Les -deux bornes de Quimperlé

nous donnent la datc de 1760 ; üelle de Trégunc, 1761;
celle de Rosporden, 1762 et les deux d'Audierne et Es­
quibien, 1763.
Ce sont les seules que nous connaissions en Cor­ nouaille; il est possible, il est même probable qu'il en
existe d'autres; mai s elles ne m'ont pas été signalées.
- Passons donc à oelles du Léon.

PAYS DE LÉON
Prenons d'abord la vieille route de Paris à Br, est
passant par Rennes, Saint-Brieuc, Guing.arilp, Morlaix .
Absoiument r· ectiligne depuis Plouigneau. et au-dclà,
cette route dévale à lVIotlaix par une pente vertigineuse,
pour tomber sur le quai de Tréguier, contourne le port
et longe le quai de Léon sur un parcours de 500 mè­ tres, remonte par le quartier de la Villeneuve et re­
prend sa direction toute droite sur Saint-Thégonnec et
Landivisiau, sauf quelques légers fléchissements dont le
premier est près de Coatilézec, avant de descendre
dans le profond vallon de Coat-toul-sac'h, autrefois de
terrible renommée. A trois üll quatre kilomètres de
Morlaix, près de Sainte-Sève, elle traverse le parc de
. Bagatelle où il a été trouvé de nombreuses antiquités
romaines. A l'angle Ouest de ce parc, -où passe mainte­
nant la voie ferrée de Saint-Pol et Roscoff, est la limite
de la paroisse de Saint-Martin-des-Champs, et à ce
point est ou était plantée une borne baute de 1 m. 50

301 --
et large de 0 m. 50, portant une inscription sur .chacune
de ses faces : .
PSE
DE: ST
l'lATIn
2220
TOJSSE
Paroisse
·de Saint
Martin

2220
toises

PSE
DE: PR
CHnISSE
2220
TOJSSE
P. aroisse
de Pleiber
Christ
2220
toises

Les lllesures regardant Saint-Martin devaient aller

jusqu'au fond du port de Morlaix, c'est-à-dire un peu
au-delà ' du pied des piles du grand viaduc, car , autre­
fois le port avançait bien plus près de l'hôtel de ville ;
la place a été agrandie en couvrant d'une voûte environ

260 rnètr, es de la queue du bassin .
L'aulrecôté de la borne attribue à Pleiber-Christ une
longueur , exaclement semblable, 2220 toises, o8t c'est
ju-tement la mesure qui va jusqü ' au ruisseau de Coat­
toul-sac' h. formant la limite de la paroisse de Saint-

Thégonnec. Tout ce parcours, il est vrai, est sur le
terrain de Sainte-Sève ; mais Sainte-Sève n'était-elle
pas autrefois une trève de Pleiber-Christ ?
Sur la même route de Paris à Brest, elltre Landi ..
visiau et Land.erneau, à 3 kilomètres et demi de Lan­
divisiau, vers le milieu de la côte del,-,erroux o8t Kerri­ .chen, avant de rencontrer le croisement d'un chemin

qui s'en va vers Bodilis, on peut remarquer, o8n prêtant
beaucoup d'attention, une borne d'environ 1 mètre de
bauteur, encastrée ou engagée , dans le talus Nord et
prés, entant une in scription sur cha.cune ·de ses faces :

LANDI
VIZlEAV '
1800
TOISES

302 -

PAROISSE
DE SAINT
SETIVAIS
600
TOISES
1763
Les. 1800 toises, 3 kilomètres 600 mètres, font juste

la distance jusqu'à Landivisiau, mais la plus grande .

partie de cette route est sur le tei'r. ain de Bodilis. On

compr· end cependant que Landivisiau dùt contribuer ù
son entretien, parce que ses habitants y avaient un
grand . transit, pour les relations avec Landerneau et
Brest. Les 600 toises ou 1200 mètres dévolus à Saint­
Servais n'allaient p. as tout à fait jusqu'à la limite de
cette paroisse, mais setüement jusqu'à la maison isolée
et abandonnée, d'apparence un peu administrative,
qui servait autrefois de relais à la maUe-pos be et aux

diligen· ces. Ce tronçon regardait les communications ·

avec Landivisiau; il est probable que, en ce point ou
plus loin, il y avait une autre indication de corvée pour
la direction de Landerneau. .

Encore une autre borne sur la même route, mais tout
aux abor,Js de Brest. Elle a été signalée par M. J our­
dan de la Passardière, et copiée en octobre 1916 par
M. Le Guennec.
TRE
NIVES
})7 TO

Elle est siLuéeentre Guipavas et Brest,

, entre les hameaux du Pont-Neuf et de
Coatandon . Trénivez ou Trénévez, la
Trêve-Neuve étail l'ancienne dénomina­
tion de Saint-Marc de Brest. Sa contri­ bution était bien faible : 194 mètres.

303 -
Nous étions tout à l'heure dans le rayon de Landiv!·
siau. Retoul'l1ons en ces ' parages, mais SUI' une autre

route. A 3 kilomètres de cette vine, sur le cbemin de

Plougourvest, M. Paul du Chatellier a signalé une bor-
ne portant cette inscription :
THEVE
OE BODILl S Cette borne doit être dans les environs

1800 de Coat-Sablee et de J' ancie!l empla.cement
TOlSES de la foire de Saint-Mathieu; le tronçon

dé route n'est pas sur le terrain de Bodilis, mais les
tréviens pouvaient · et devaient en profiter pour se ren-

elre aux foires et marchés de Landivisiau .

. Roule de .Saint-Pol à Lesneven, en passant par Ber­
ven et Lanhouarneau . A 3030 mètres de Berven, à 4870

mèt res de Làhhouarneau, est une borne à double ins-
. cription :
pss

st vov
GAY
600 TOISE .

PSSDE

PLOVNE
VEZ
. 2687
TOISE

En effet, la paroisse de Saint-Vougay et toule la p8.r- .
ti8 Sud-Est de Plounévez-Lochrist usaient de cette roule

pour leurs relalions avec Lesneven.
La dernière borne à . mentionner a été dépla cée et

transportée loin de son gîte primitif . Je l'ai v - ue ·au tre-
fo is, et il est possible qu'elle soit toujours près de

Pennpoul de Saint-Pol-de-Léon, sur le talus voisin de
l'angle Nord-Est.du parc du Kernévez.
Cette pierre porte ces deux inscriptions :
DIST DE
SIBIHIL
716
TOISES
304 -

DIST DE

PLOV
COVLl\I

TOISES
EUe provient évidBlllment du point où, sur le chemin
de Saillt-Pol-de-Léon il Sibiril, Cl Mel' et Plouescat ,
s'embranche le chemin allant au bourg de Plougoulm .

La distance de ce carrefour à SibirJ est bien dB 716
toises, ou 1432 mètres ; le chiffre pour Plougoulmele-
vait être d'environ 350 toises.

. En dehors de ces bornes, M. BourdB de la Rogerie
Bn mentionne, sur la route du Conquet à Saint-Renan,

à l'embranchement du chemin aIl.ant au bourg de Tré-
babu, donc à 2 kilomètres et demi, environ, du Con­
quet.

La multiplicité des routes sur lesquelles nous avons

trouvé ces vieiUes bornes indique l'activité qui a été
déployée chez nous et l'importaDCte du réseau des voies .
créées ou mises en état sous le gouvernement du duc
d'Aiguillon ; encore faut-il admettre que beaucoup de
ces indices 0'nt . disparu et que d'autres sont encore

19nores.

Chanoine J .-M. ABGRALL.

Excursion archéologique .
aux Ruines Romaines du Pérennou

L, e 27 septmbre, à 13 heures 40, soixante-dix excur-
sionnis tes. s'embarquai.ent sur le Tertel pour aller faire

une visite aux ruines romaines du Pérennou. Cette pro-
menade avait été organisée par le Président de la So­
ciété Archéologique du Finistère, M. le chanoine Ab­
grall, p01..1r les mem:br.es de cette Société, leurs parents
et leurs amis, et un bon nombre d'adhérents avaiellt
répondu à son invitation. La descente de l'Odet est une
promenade plèiI}e de charme et, si pour la plupart de
nos compagn_ ons c.e n', est pas une nouveauté, tous out

pu jouir, en cette calme après-midi d'automne, des as-
pects si beaux et si .variés que présente notre ·rivière

qUlmperOlse.
Loc-Maria, sa vieille église et ses vieilles maisons, les
bois de Poulguinan, le manoir .italien de Lanniron , avec
ses jardins et ses terrasses, la pointe du Corniguel défi­
lent rapidement sous nos yeux ; puis c'est la large baie
du Lédanou,avec ses manoirs de Kéraval, de Kerdour
et de Lanroz pour lui faire cortège . Ensuite la rivière
se rétrécit , aux environs de I\erbernez et s'infléchit en
coudes brusques, auxquels les marins ont donné le nom
de « Vire-courts », entre Kerambleiz et Boutiguerry et
ensuit, e sous Rossulien. Dans ce défilé étroit et tortu-

eux, les deux berges escarpées revêtent une physiono-
mie toute particulière : dans le bas ce sont des falaises
pierreuses, des entassements de rochers. au milieu des-

306
quels' des buissons et des arbres ont pris racine, plus
haul ce sont des taillis, des futaies aux variétés les plus

étonnantes; offrant toute la gamme des verts et des tein-
tes d'automne, jaul1e et brun, Nous avançons toujours,
On peut remarquer sur la rive gauche, un petit vallon

où coule un petit ruisseau ; si l'on est bien ' attentif on
découvrira, mais pour un instant seulem,ent, la pointe
du clocher de la chapelle en ruine de Sain~e-Barbe .

Sur la rive droite les pentes s'adoucissent et nous lais-
sent voir des cultures et des plantation's de pommiers:
c'est l'annonce de l'approche du Pérennou,

Nous y arrivons. Une échancrure dans le rivilge don-
ne naissance à une petite crique idéale tout ombragée
de grands arbres dont les racines plongent dans l'eau
. et dont les branches se reflètent dans c.e miroir d.' un
calme infini. A l'entrée de cette anse est une cale à la-

quelle le Tm 'fel va aborder. M. le vicomte et madame la
vicomtesse de Pompery nous y attendent avec leurs en­ fants et M. le comte de Carné. Deux petiles chaloupes

opèr, ent le transbordement. M. le Préstclent salue les

nobles châtelains, les remercie de leur affabilité' et de
leur gra cieux accueil, fait les présentations, et ünmé~

diatement, sous la conduite de M. le vicomte, le cor-
tè!ge se met en marche pour aller voir les monuments
qui sont le but de notre visite. Pour y accéder, c'est
tout un , coin pittoresque du pal'c que 1'011 par, court à
travers une sorte de labyrinthe et de laclS d'allées étroi­
tes: arche de pierres formant tunnel et accotant un pont
suspendu, admirable pièoe d'eau encadrée d'arbres de
toutes essences et dans laquelle se mire un hêtre-pleu­
reur aux branches tombantes, de l'effet le plus surpre·
nant ; fourrés de bambous, rocailles avec cascatelles,
toutes · couvertes par de vastes massifs de rhododen­
drons, wellingtonias , et autres arbres étrang, ers d'un

~. ' 307
élancement et d ' une hauteur qui font penser aux forêts
américaines . Et dans cette course sinueuse, c'est un
effet curieux que de voir, par les petites échappées, 'Ce
long cort èg.e marchant à la file indienne et s'égrenant

au milieu des verdures .
Nous avons contourn é la petite anse et nous voici au
Balneum, à la maison de bains, établie tout au bord de
la rivière. C'est un rectangle de 16 mètres de longueur
sur 7 de largeur, les maçonneries anciennes ayant en­
core enivron un mètre de hauteur . au dessus du sol. Les
excursionnistes donnent un coup d'œil à l'ensemble. de
la construction, puis M. le P·résident les prie de se pla-

cel' tout à hmtour, afin de mieux entendre la confé-
r· ence qu ' il va leur fair e, pour en décrire la structure
et la distribution:
, « MESDAMES, MES SIEURS,

Notre premier , devoir el. de saluer les maîtres de la mai-

son, mOl1sieurJe vicomte et madame la vicomtesse de Pom-
per)', d e les remercier d e leur trop gracieux accueil, et en
même temps d e nous excuser de notre indiscrétion en pa­
reille occurence, car ils viennent d 'être frappés d'un cou p
bien cruel, il s sont dans le deuil de leur fils, le jeune sous­
lieutenant de chasseurs alpins, Hugues de P ompery, glo­ rieusemen t tué en mont a nt à 1'assaut, le 3 de ce mois,
décoré d e la cro ix de g uerre, deux fois cité à l'ordre du
jour. Cher et vaillant Hug ues de Pompery ! je 1'ava is
connu enfant lorsq u'il étai t brillant et stud ieux éleve à
Saint-Yves; il Y a quelques mois je le voyais d ans les rues

de Quimper,' à côté d e son pere, à la fin de sa convales-
cence de blessure et prêt à repa rtir pour le front. C'était
une belle nature, droite et généreuse ; il a répandu SOl?
. sang pour la France, pour cette patrie si belle à laquelle
vont tous nos cœurs, les nôtres comme ceux de nos admi­
ra bles soldats. N oùs off ro ns donc ' nos hommages a u jeun e
héros, et ' à ses parents élésolés nous presento ns n'os con­
doléances les plus vives et les plus sinceres 'avec nos vœux

de pi"ofond e et douloureuse sympathie .. "

308 -

C'est aussi pour moi un deyoir de rappeler le souvenir
des anciens, dont la mémoire se rattache aux antiquités
que nous venons vis iter aujourd'hui: M. du Marhallac'h,
le châtelain du Pérennou, de la génération de 1820-185°,
. qui fut lié avec Arèisse de Caumont et qu i facilita à 'ce pré-
curseur et père . de la scierjce archéologique la première
étude de ces vestiges précieux. Ensuite son fils Félix, qui
dev int Monseigneur du MarhalJac'h et fut, pendant plu­ sieurs années vice-président de notre Société. Je ne d ois
pas oublier M . le comte de Carné, de l'Académ ie Fran­
çaise, s uccédant ~l M . Aymard de Blois comme notre se­
cond pr. ésident en 1875. Nous saluons ici son fils, M. le
comte Edmond de Carné, dont le nom figure sur la liste
des membres de la Société Archéologique depuis l'année
de sa fondatio'n, en 18ï3; il est un des rares membres fon­
dateurs qui existent actuellement. Ses relations avec le
Pérennou sont tout intimes, puisqu'if est le père de mada­
me la vicomtesse de Pomper} et que son château de Kerou­
s ien est tout voisin.

L'établissement autour duquel nous sommes groupés en
· ce moment est désigné sous le nom de Bains du Pérel111ou; ,
c'est le seur qu i soit connu du public de Quimper, ou pllf-
· tôt des rares personnes qui s'occupent de nos monuments
anciens; presque personne ne soupçonne l'existence d 'une
'villa de laquelle dépendait cette maison de bains o u bal­
l1eum. Il est de toute logique cepen'dan t que la présence,
d'une maison de bains suppose l'existence d '-une famill e

riche et fortunée qui en faisait usage. Il est intéressant
aussi de constater q ue les romains ou gallo-romains qui ont
habité notre pays de basse-Bretagne y ont transporté
, ou adopté, comme da ns toutes les contrées du reste ou il s
se sont établis, les mœurs, usages, maniè'res d e vivre, et
même les méthodes de construction' en honneur à Rom e
et en Ital, ie. A Rome, 'pays chaud, le~ bains étaient d'un
.usage quotidien, pratiq ue d'hygiène, de luxe et de plaisir.
Eh bien ! dans ce petit cOÎn de campagne bretonne, a insi
que dans un a utre balneum qui j'ai exploré à Gorré-Ploué

en Plouescat, dans les derniers mois de 1914, nous trou-
vons les mêmes dispositions que celles appliquées dans les
balneums romains et italiens, a in si que dans les grands,
thermes monumentaux destinés à l'usage du public.

A. Vestibule ..
309
BAl.l.NEUM

B. Chaufferie F m·nix.

Hypocauste et caldarium.
D. · 2" Hypocauste . et tepidarium.
E.. Frigidarium.
F . . - V estiaire.

Vo us voyez cette const ruction recta ng ula ire, divisée en
compartiments de d imensions variées . S ur le g rand côtt? ·

Est, fa isan t face à la rivière, un e porte surélevée de d e.ux
marches et d ' un seuil donne acces da ns un e sorte de g ale­
ri e oblong ue, mesuran t 10 m . 50 sur '2 m . 20, servant de
vestib ule ; à s6n extrémité Nord on descend pa r quelques
ma rches da ns une pièce en so us-sol, à peu p rès carrée.
Vous po uvez y remarquer deux ' pierres de g ra ni t posées
debout , une troisième qui est un peu déversée; un e qua­
trième a disparu. Cétte.pièce consti tuait ce qu'on peut.appe­ l~ r la cha ufferie, car c'est de · là que la chaleur. se distrέ
buait da ns l'étab lissement. Les R o ma ins avaient imaginé
déjà à cette époq.ue un systèm e q l,li répond à not re cha u f­
fage central.
E n tre ces quat res pierres était le foyer, « F ornix » et
ces quatre piliers form a ient un trépied ou plutôt un qu a.- .
tre pied. pour soutenir une cuve ou ba ssin en a iq in, desti­
née ~l chauffer et bouillir de l'eau pour fournir de la vapeur
à l'étuve. Des . t races de scelleme nts a u ha ut de ces pier­
res indiquent qu 'elles étaien t reliées pa r des ba rres de fer

13ULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉO . - - TOME XLIII (Mémoi re 21)

310

devan t empêcher leur écartement et servir de support a la
cuve. La chaleur produite par le feu du foyer, flamme et

fumée, passait par la petite arcade gue vous voyez ici dans
les deux compartiments voisins , gue l'on appelait hypo­ Gauste,ç '{chaleur en dessous).' Ils étaient coi1stitués par
un d ispositif de pilettes en brigues, rangées en dam ier,
mesurant 0 m. 20 de côté et laissant entre elles un inter­ !"alle vide de 0 m. 40. Elles étaien t hautes d e 0 n'l.' 60 ou
o m. ïO et supportaient une sorte de plafond fait de gran­
des dalles de terre-cuite, mesurant 0 m . 60 sur 0 m . 60, et
o m. 06 d'épaisseur. Sur ce plafond de dalles était établi
un léger pavé de béton, mélange tres résistant de chaux
et de briques concassées. La flamme pénétrait dans les
intervalles des pilettes, chauffait ces pilettes a in si que le
'plafond et le pavé qui les surmontaient. De la premiere
chambre, la chaleur s'en alla it , par les deux ouvertures en
arcades que vous voyez en place, dans le second compar­
timent ~iposé également de la même façon; . elle avait
nécessa irement s ubi une déperdition et devait, par la même,
prad uire un eJ1et moins intense. .
CO'mment cet air chauffé, ces gaz de combustion péhé­
traient-ils dans ces sous-sol? C'est qu'il y avait un appel,
comme dans nos foyers ou nos calorifères moderne>; . Dans
les deux salles qu i surmontaient ces deux hypocaustes

étaient établies des sortes de chem inées ou des tuyaux d'ap-
pel, composés de boisseaux en terre-cuite, appliqués aux
murs, comme une série de . tuyaux d'orgue; la chaleur prise
dans les hypocaustes y montait pour aller s 'échapper au­ dessus de la toiture, mais à son passage les tuyaux s'é­ chauffaient et faisaient ains i office de radiateurs, commu-

niquant leur chaleur à .l' a ir enfermé dan s ces salles .
- Ce dispositif des hypocaustes était en place, du moins
en partie, lorsqu'on a fait une première exploration de ce
Iml'l1 eum, en 1833. Quand on a établi à Quimper le musée
départemental d'archéologie en 1873, 6n en a transporté
les éléments dans la cour de ce musée, pour le reconstituer
et en mettre un specimen sous les yeux des visiteurs. On
peut juger ce [ait comme Tegrettable, car il eut été plus
intéressan't et plus instructif de l'étudier 'sur place.
Et maintenant parlons des salles qui surmontaient ces
1 hypocaustes. Les R.omains leur donnaient des noms d if-

31i
. férents, d'après leur destination et d 'après ie degre de
température qui y régnait.
La salle qu i surmontait le premier compartiment était
la salle chaude, il. chaleur seche ou ~l chaleur humide,
étuve il vapeur, à vo) onté : ca.lda 1'ittrlJ" sudarittm, L e pavé
était il peu pres brûlant, comm e da ns les bains turcs,
encore actuellement ; si l'on voul a it produire de la vapeur,
il n' y avait qu'a projeter de j'eau sur ce pavé brûlant, ou
bien ouvrir un e valve mettant en communictaion avec la
cuve d'eau bou illante posée au-dessus du foyer.
La seconde sall e, moins chauffée, était la salle t iède,
tePidarium,
La tro isième, à l'extrémité Sud, étail la sa lle h a ir
froid, frigidarium . Généra lement elle était contig uë à un e:
piscine oi.! l'on pouvait prendre un v rai ba in d 'eau fraîche,
alveus, avec marches pour y descendre. Ici la piscine était
inutile; on avait, a 10 mètres de d istance, la rivière avec
so n mélange d'eau douce et d'eau salée ; imposs ible d' i­
maginer une p iscine plus belle et mieux approp ri ée.
A côté de ce frij;idarimn éta it une a ùtre · piès:e de

dimensions pl us restreintes, faisant suite au vestibul y ; c'é-
tait probablement" le vestia ire, apodyterium, servant a ussi
de salle de massage , sa lle des hu il es fin es et parfum s dont
on s'oig na it le corps après la série des bains : unctuariunL.
Cette salle semble avoir été la plus riche et la plus orn ée :
le bas des murs y était lambrissé de plaq ues de marbre il
une lTauteur de 0 m. 40, et da ns le pavé on a pu parfaite­
ment reconnaître les vestiges d'une décoration en mosaïque.
Obse rvo ns avant de terminer que la maçonnerie de ces
mùrs est traitée avec g rand soin; les murs sont larges de
p m, 50 à 0 m. 60 ;, les parements intérieurs el extérieurs
sont fa its de petites pierres cubiques bien régulières , ana­
logues pour a in s i d ire aux petits quartier's qui forment le,
pavés d e nos rues; c'est ce qu'on appelle le petit appare il
romain ~ le tout reli é par un mortier ou ciment très rési s- .
tant, les joints assez épais , fa its avec une grande régul a ­ rité et marqués par urt trait passé a u fer, du moins pour
. ce qui est de l'extérieur, car les parements intérieurs
étaient couverts d'un enduit épa is et bien lissé, relevé par­ fois d'une décoratIon en cou leur , pe inte il fresque , 'et auss i
d 'une ornementat io n géo métriqù e de coquillages incrùstés .

312
C'est un genre de décoration que l'on t ro L\ve dan s les éta­
blissements voisins de la mer, au Poulker, en Bénodet, aux
Bossenos de Carnac. "
La .conférence est finie ; on contourne la construc­
tion pour que chacun , examine avec plus de SOÜl les
détails qui viennent d'être décrits, et, sous la conduite
de nos aimables hôtes, nous nous engageons dans une

longue et étroite allée qui monte en cOtoyant cette limite

Nord du parc ; elle est bordée de deux côtés de touffes
de buis arborescent, a,yant des tiges vigoureuses, mon- '
tant à 4, 5 et 6 mètres de hauteur, ce qui nous donne

lieu de confirmer cette observation que, dans le voisi-
nage d, es établissements romains, presque sans excep-

tion, on avait constaté l'existence du buis, et que la
dénomination de buixière, boixi ère, benzit, donnée à un
village, était l'indice très probable de vestiges anciens.
On s'avance 8l1 petite procession menue le long de l'al-

lée de buis ; par une br~che onen sort pour entrer dans
un champ qu'on traverse et l'on se trouve, dans le
champ VOiSÏJ1, aux abords des ruines de la vina .
Un tertre artificiel est là, form é des déblais extraits
de cette habitation, et c'est pour nous un exceU ent bel­
védère pour. embrasser d'un coup d'œil l' ensemble des.
murs qui ont 1 mètre et 1 m. 50 { le hauteur, nous ren-

dre compte des dimensions' et du tracé de cette maison
d'un autre âge; et en même temps, en se r, etournant du

côté Est et Midi, on a une vision admirable sur la ri-
vière et sur toute la vallée .

Lorsque les divers groupes ont pu conSidérer à loi-
sir ces vestiges et ces lignes de maçonneries, s'entre-
croisant, M. le Président invite les bons excursionnistes
à descendre au pied du tertre ~t au milieu même des
ruines, pour y être plus à l'abri du vent et y saisir
plus fa cilement la seconde conférence qu'il va pro-

noncer :

.. P::I 1

I-z; 1

P-It:

p::JC'?

'f:z:1 ,

L..o--"" . .t

- 31:-1 - -
1' --' -- ' --oq~~ .. _----~

314
« Nous venons de voir le balnet/.m où les vieux habitants
de cette maison ' se baignaient', il la manière romaine, il
y a 16 ou 17 siècles. Etudions maintenant leur habitation
d'après les restes que le temps a épargnés.
, Vous pouvez en distinguer le plan général : c'est un
corps de logis principal, long de 38 m .. 40, orienté du Sud
au Nord, avec deux ailes en retour aux 'extrémités, L'aile
p'rincipale es t composée de deux longues galeries don t il
nous est difficile , de déterminer la destination. Celle qui

forme la facade Sud-Est semble avoir été un couloir de

service, promenoir ou portique desservant les autres piè­
ces de l 'h.abitation ; quant il celle qui est il l'arrière ,et
qui mesure 3 l mètres de longueur sur 3 seulement de lar­ geur, on peut la considérer comme une salle commune, ser­ vant aux 'réunions, aux jeux, 'aux repas, aux exercices
corporels, ou même aux spectacles que pouvaient s'offrir
parfois ces raffinés dont le genre de vie a pour nous encore
bien des secrets.
Les salles et chambres destinées à la vie intime sont
réparties dans les deux a iles' ; on peut en compter treize,
de dimensions tres variées ; la plus grande mesure 24 mè­
tres ca rrés de surface, d'autres 18, 15 et 14 ; tandis que
les plus exiguës ne donnent qu'une surface de' 4 mètr,es
carrés, et ' même 3 m: 7I'. , Quell~ était l'affectation d f
chacune de ces pièces? Où était la cuisine, la caVe ou ce\.-

lier, le magasin des provisions, les chambres il coucher '?
Aucun indièe ne peut nous le dire maintenant. Aurait-on
pu trouver des données plus claires lors de l'exploration?
Nous ne saurions le dire. En tout cas on peut voir qu~ le
tracé de cette maison de campagne diffère absolument des '
plans classiques qui sont décrits dans les traités de Vitruve
et que l'on peut voir 'encore dans quelques ruines il Rome
et particulièrement dans les fouilJes de Pompéï. On com­
prend ,du reste que la vie à la campagne doit différer pro-
f Olldémen t du tra in ordinaire des ilgglomérations, car dans
les habitations des champs on se trouve en toute liberté
et indépendance, et l'on devait jouir bien plU:s du plein air
qu'on ne le pouvait faire dans les cités.
Je dois faire remarquer que cette habitation, l'une des
plus vastes que l'on ait pu observer dans nos parages"

315

de rapport avec d'autres qui ont pu être étudiées, soit en
entier . soit partiellement : le Poulker, en Bénodet, Plo- '
marc'h, en Ploaré, le Tréiz, en Tréboul, près de la gare·de
Douarnenez, la villa avoisinant le balneum de Gorré-Plouc,
en Plouescat ' ; quelques points de pare'nté aussi avec les

constructions des Bossenos, en Carnac,' explorés et dé-
crits par Nr. James Miln,

Observons encore une particularité : c'est que les vieux
gallo-rorr:ains choisissaient 'toujours pour leurs habitation~
un emplacement offrant il la vue une perspective agréable
ct un horizon étendu, c'est bien le cas ici,. où l'on a cette
vue si belle sur la rivière et sur la campagne qui l'en­
toure, Il en est de même au PoUlker, il Plomarc'h, au Ca­
V,1 rdy, en Saint-Evarzec, ~\ Parc-ar-Groaz, et en tous les
anciens établ issements que nous connaissons.
Quels étaient ces fortunés qui se bâtissaient des demeu­ res si somptueuses en comparaison des habitations du
simple peuple ? Etaient-ce des officiers en retraite? Des'
administrateurs ayant leur maison de ville et leur villa de
plaisance? D es commerçants retirés après fortune faite-?

Etaient-ce des Romains, des Italiens implantés dans ce
pays, où des Armoricains ayant adopté les mœurs et les fa­
çons de vi vre des conquérants? Autant de questions dif­
ficiles à résoudre, quand surtout on considère le nombre
incalculabfe d'établissements dont on reconnaît encore les
traces, particulièrement aU bord de nos rivières et le long
de notre littoral.
Pour ce qui est du chef de famille qui s'est faI t bâtir
cette villa où nous nous trouvons en ce moment; l'emploi
du marbre dans la décoration du balneum et peut-être aus ;i

de cette maison, n' indiquerait-il pas qu' il venait d'Italie et
qu'il désirait avoir autant que c'était possible cet élément
, décoratif en usage dans son pays d'orig ine. '
Comment se fait-il que dans toutes ces constructions on

ait employé uniformément les mêmes matériaux, les mêmes
méthodes en usage en Ital ie? Dans notre pays, ou l'on
trouve soit du g ranit en gros blocs ou en quartiers ' de
grande dimension, soit des tablettes de schiste qui pou-
vaient faire parpaing, on s'est ingénié' il débiter ces
pierres en petits blocs cubiques, absolumei1t comme on le
faisait en Italie, ou même a employer des galets arrondis

- 316
qu'on allait prendre au loin au bord de la !':.er. Quels ou­
vriers· occupaient-ils ~l ces travaux? Etaient-ce des équipes
venues d'au-delà des Alpes, ou des paysans armoricains

que des contremaîtres spéciaux formaient à ç;et ouvrage ·?
OÜ se fournissaient-ils de cette chaux .qu'ils employaient
en abondance dans leurs blocages, dans leurs enduits, dans
le béton de leurs pavés? Notre pays n'a que peu de g ise­
ments calcaires dans la rade de Brest et son entourage.
Je sais bien qu'on a trouvé un four à chaux romain .au bord
de la rivière du Pont-de-Buis, mais ceHI était bien peu de
. chose en regard de l'immense · conso~mat ion de chau x
·que l'on a faite dans les constructions de Carhaix, de
Douarnenez et · de toutes les villas disséminées sur notre
sol. 11 fallait donc !;e fournir ailleurs, dans les Charentes,
la Saintonge, le,Poitou, la Normandie; et par quelle voie?
Il me semble qu'on ne pouvait recourir qu'a la voie mari-

time . ; d'olt cette conclusion que la navigation était tre::.
étendue, tres p~ issante, tres développée. Ou fabriqua.it­
on les tuiles et briques employées en si grandes quantités?
n'ou extrayait-on l'arg il e nécessaire a leur fabrication?
Ou se trouvaient les fours s'occupant de cette industrie?
Autant de quest ions intéressantes mais qui pourront occu­
per encore longtemps l'ingéniosité des chercheurs.
Quels ont été les objets intéressants trouvés dans ce~
explorations? Quelques statuettes de Venus· anadyomène et
de Déesse-mère, du · même· type que celles g ue l'on décou­
vre hghi.tuellement dans les établissements de même nature;
puis un bon lot de fragments de poteries sigillées, dont ur,
portant l'estampille: ALBINVS.
Mais ici je me vois forcé d'ouvrir ;,In e parenthèse : j'~
vois au milieu de vous notre sympathique confrère M. Por­
quier ; on peut dire de. lui que, en fait d e poteries romai­
nes, il est un homme heureux. Est-ce hasard, chance ex­
ceptionnelle et prédestination du sort ? Le fait est que lui ,
ancien industriel faïencier, ancien manufacturier céramiste,
jo ignant à 1 'habilete et a la science professionnelIes le
t~oût et le savoir de l'artiste, il a eu la bonne .fortune, dan s
un espace assez restreint de son jardin de Loc-Maria, de
décou.vrir touL~ une moisson de débris de vases anciens,
poteries ornées, vaisselle d e luxe, que la cuisinière gallo­
romaine, tout romme celles de nos J OUI-S , brisait par étour-·

317
derie et œ jeta it a u dehors a vec les restes et dechets de
sa c uisine. Il semble que la ma nœuvre ait .dure assez long­
temps et que la maîtresse de maison ne se , . ;oi t pa s fâchee
trop viveme nt , car la récolte de tessons a ete étonnamment
abond a nte , si l.Jieà que comme nous avons pu le constater
da ns une visite dejà lointaine de plus i~urs mois, l'heu­
reu x prop riétai re a pu constituer, . non pas un ",! pe ti te col­
lectio n vu lgaire, ma is . un véritable musée, une serie admi­
rabh olt tout est classé pa r catégo ries, scientifiqu ement,
en se basan t sur ses propres connaissances. anté ri eures, el
. sur les études du tres savant e t tres regretté Joseph D echc-.
lette, mort a uss i pour la Fra nce le. 4 octobre J9 14.
L a riche collection de M. P orquier est une vra ie source
de documents, et pour la rendre encore plus instructive il
a eu 1 'heureuse idée d 'en fa ire dessiner les principales piè­ ces , fragme nts et reconstitutions. Les pla nches , d'une a d­ mira ble cor recti on, form ent un album d'un e valeur excep-

tioll nelle, o lt l' on pourra voir la classification de ces pote-
ries de lu xe , leurs différents g enres d' orn em entation, la
tech nique de l'?ur fabrica ti o n et aussi la div ersité des' a te­ liers qui les out fourni s. Je suis heureux d 'avoir profite de
cette occasio n pour redire il ~I'I. P orqui er mes sentiments
personnels , traduire aussi les sentiments d e ceux qui con­
na issent déjà son trésor d e céramique rom a ine · et la signa-
1 er , . à la sympat hie de ceux d 'en tre vous 011 in' f'n on t pas
encore connaissance. Je ferme ma pa renthèse. '
P o u r fi nir, disons que les ruines du P érennou ont fourni
quelques monnaies de bronze, en petit nombre il est vrai.

U ne specia lement d e Tiberins Cœsar , de l'an 14 à l'an 3ï
d e notre ère ; d'autres de Victorin, associé de Posthume
dans les Ga u)es (+ 264-268) . Cela, ne l'leut a ider il dater

8. vec j)récis ion cet é ta blissement, ma is donn e cependant a
la v ill a du Pérenno u de bea ux qu a rtiers de noblesse, car .
or , r-eu t être auto ri se il la faire remonter a u Ilo o u a u Ill'
s iècle de notre Cre.
Ajoutons que, en deho rs de ce g rand logis principa l, on
peu t constater encor e, de différen ts côtes , les vestiges de
. bâtimen ts de service. : g ranges, étables, ecuries ; notam­
ment, a 50 mètres devant i1ou s, à la limite du champ voi­
sin, j'ai pu mesurer, il y a quelques annees , les restes d'un

318

. bâtiment de 9 metres sur 7. Il est actue1Jem ent envahi
par les ronces et les b rouss· a illes . ,
El ma inte na n t d isons ad ieu ~ ces r estes vene r.a bles, t e­ moins grand ioses, on peut le d ire, d' une civilisation" qui a
pour no us bien des mys tères et qui , soit di t sans off ense,
on t le don de nous la isser rêveurs )) .
Les excursionnistes S' éparpillen t entre ces vi,eilles
JlJ urailles, tâtant les .pierres et le dur ciment d'autre­
,fois, furelant dans les coins, examinant ce fouillis d t,
'petites chambr, es, -et les plus fervents, comme reliqu-e et
souvenir de cette visite scientifique, emport-ent un frag­ men ~ ·de brique ou de tuüe, qui ' embaullle le « romain » .
Nous rebroussons chemin -et, traversant la prairie qui
occupe le peti t vallon, nous prenons la grande avenue
du châ tea u, -et nous arrivons à cette belle demeure, re-

llouv-elée, il y a quelque$ 10 ou 15 ans, dans de belles
proportions -et un style bien décoratif, au milieu du ca­ dre incomparable qui l'entoure.
La grande amabilité de nos hôtes nous y avait ap­
prêté Ull luneh ; nous avons lieu de nous , confondre en
excuses, mais il fallu L de bon gré faire honneur à ce qu i
nous était offert avec tant d-e grâce ; appétissantes sand­
wiches, vin de France et cidre breton.
Puis ce fut une apparition au salon pour offrir nos
hommages à Mme la comtesse douairière de Pompel'.V ,

,clonner un coup d'œil aux précieux portraits de famille,
à celui surtou t du ' vénérable M onse;gneur du Marhal-

lac'h, dont la figure patriarcale est toujours familière
aux Quimpérois Je ma généra tion, et dont la mémoir, e,
en mes p· ensées plane touj ours sur ce vieux Pérennou.
Rapide visite à la chapelle, petit chef~d'œuvre de
grâce el . de fraîchem ; déambulation sur l' esplanade ;
course à ta basse-cüur, aux si curieux aménagements;
défilé le long des pelouses, puis dans ·les aUBes, les unes

- 319-

droite.;;, les autres courbes et sillueuses, et nous arr1 -
vons au bord d'une seconç le petite anse, sœur jUlllelle
de celle où nous avons débarqué. En la contournant OIl
en admire le charme, et nous arrivons connne par SUl'­
prise à notre Tertel qui nous attend avec patience .

L'embarquement se fait avec rapidité, le moteur esl
, en marche, nous démarrons ; nos bonnes et fl;anclles
salutations, nos discrets merci disent à nos Mtes toutes
les impressions et toute la grati tucle que nous empor·

tons dm)s nos cœurs.

Notre retour est presque triomphal. Dans les vire-

courts la haute marée emplit les berges à plein bord ;
la baie de 'Kerogan a toute la majesté d'un grand lac.
A notre entrée au port nous dominons les quais, et les
paisibles promeneurs regarclenlavec surprise ceUe
étrange expédition :. dames et demoiselles, Sœlll's.blalJ­
elles, prêtres, civils et militaires. Et notre petit Tert eZ
lui-même semble se rengorger, tout fier de 'Port, er une

si noble compagnie : des sortes cl' académiciens et d'aca-
démiciennes, des membres et des amis d'une SOCIÉTÉ
SAVANTE!

Ch . J .-M. ABGHALL .

GUILERS

. Ancienne trêve de Mahalon, Guilers depuis sa tran s-

formation en commune à la fin du XVIIIe siècle, fait par-

tie du . canton de Plogastel-Sain t-Germain. Cette {3om-
IllUne, lors du dernier recensement, comptait 795 habi­
l[wts. Son territoire, cl 'une superficie de 1.1~5 hectares,
comprend une trentaine de villages et trois moulins.
Monuments anciens
Ce territoire n'a conservé que de rares vestiges des.
temps préllistoriques. Un de ses villages qui porte le
1 10m significatif de Kerbeyou (ville des tombes), doit
occuper l'emplac· ement de sépultures anciennes .
Le bourg paraît êti'· e d'origine romaine. Sur ses dé­
pendances, principalement dans le cimeLière, on ren­ contre de nombreux fragments de brjques à crochets .
Au nord-est de Lansaludo, sur le sommet du {3oteau
dont les pentes couvertes de houx descendent jusqu'au
Goyen, existait un établissement gallo romain. Un mon­
ticule formé d· es débris ·d'une toituœ' en tuiles recou­
vrait la construction principale qui fut explorée et en
partie détruite, il y a quelques années. Les fouilles qui
ont déjà produit un petit bronze de Marc-Aurèle (1),
pourraient être util· ement reprises et continuées vers le
sud du bâtiment. Les ' substru{3tions que l' on retrouve
au nord et à l'est de cette construçtion montrènt qu 'il
(1) Marc AlIl"èle né ·en 121 de J .-C. ; empereur en 161 ;
mort en 180.

321
y a eu sur ce point un centre . assez important d'occu­
pation romaine. Il est à croire que le poste de Lansa­
ludo fut détruit àu , commencement du v

siècle comme

la plupart des établissetnents gallo-romains de notre
pays .
Dans les landes qui s'étendent au sud de Kerdrein,
sur la crête d'un mamelon.] on voyait uneenceint.e for-
tifiée qui n', a jamais été explorée. .

Une. voie ancienne reliant Keridreu-Pont-Croix ù
Quimper traversait Guiliers de l'ouest à l'est. A sa sor­
Le de Mahalon, eUe passait au midi de Kerbeyou, du .
bourg et de KeranIoal; puis, laissant sur la droit, e Stang
Corzou, enLrait dans Landudec où , elle r, encontrait, près
de la barrière du Guilguiffin, la voie romaine de la
. Pointe du Raz à 'Civitas Aquilonia .
On attribuait une origine Moyenâgeuse au vieux pont

nommé Pont-a: r-S:oazen SUl' lequel l'ancienne route (le
Guilers à Douarnenez franch issait le Goyen. Ce nom llli .
avait été probablement donné .en souvenir d'un épisode
. des guerres du Mo:yen-Age, pendant lesquelles la ville
de Quimper et les localités environnantes furent à main­
te~ reprises occupées par les Anglais.
En 1882, on découvrit près du bourg, dans un champ
bortlanlà l', est ·la route üe Douarnenez, un trésor qui
avait dù être , enfoui vers la fin de la guerre de Sucees·

sion. Cette trouvaille comprenait environ oent vjng!

monnaies, presque toutes en atgent, aux effigies . des
rois Philippe-Auguste, Louis IX , Philippe le Hardi, Phi­
lippe le Bel, PhiUppe V et Charles IV, des ducs de
Bretagne, J.ean II 'et Jean III, de Louis II, comte de
Flandre, de Charles de Blois et enfin du roi ,d'An­
gleterre Edward aIl. Une partie de ces monnaies a été
donnée au Musée de Quimper par M. l'abbé René Le
Berre de Landudec.

322

Eglise paroissiale

L'église de Guilers, bien qu'elle soit depuis longtemps

dédiée à Saint-Justin, semble avoir ' été originairement
placée sous un autre vocable. Suj"a~1t une an­
cienne traditi on qui devait avoir quelque fondement,
le culte de Saillt -J ustin aurait été substitué da11S -cette
église à celui d'un moine de Landévennec contemporaîn
de Saint-Guénolé, Saint -Gozien ou Gouzien, dont le sou- .
venir a persisté pendant plusieurs siècles (1). La fon­
taine de Guilers, ainsi qu'en témoigne une déclaratiœl
. du village de Kernavalei'l, étaii encore dénommée,. en
1561, t euntt'un sant Gmlzien . L'abbaye de Landév, ennec
par. aît avoir pris une grande part à l' évangélisation de
cette partie de la Cornouaille où ses premiers abbés
étaient honorés comme patrons de . nombreux sanctuai-
res (2). .
L'ancienne églis· e devait remonter au XIV· siècle, la
fenêtre du chevet était garnie d'une verrière datant de

1614 et contenant le blasoll des Jéga-do de Kerollain

auxquels appartenaient l, e bourg et plusieurs autres
villages. Une des cloches portait l'inscription suivante :
« MIS SInE PENFRAT-BASSEMAISOl\, DOCTEUR DE SOH-
BONNE, RECTEUR lITISSIRE R. LE GUELLEC, CURÉ

PIERRE LE BOSSER, PARRAIN RENEE DONNART, MAR-
RAINE 1742».
L'église actuelle, construite dans le style ogival, a été
consacrée en 1884 par dom Anselme Nouvel, évêque
de Quimper et de Léon, le maître-auIel est un don de
Madame Rosalie d'Andigné, comtesse de Saint-Luc .

(1) Saint-Cozien était le patron d'une chapelle dépendant
d e Lanvoy (paroisse de Hanvec).
(2) Les plns rapprochés de GuHers sont : l'église d· e Lan- .
dtld ec dédiée à saint Tud ec ; les chapelles de Saint-Guénolé
du . Loc (Lababan ) et de Saint-Guénaël (Pouldergat).

- 323

Cet autel polychrome, en chêne sculpté, fut exécuté SUl'
les dess:ns de M. le chanoine AbgralL
Une maison bâtie sOLisle rectorat de M. Lullien re111-

place depuis 1841 Je vieux presbytère couvert ,en ro-
seaux qui avait été vendu nationalement, puis racheté
en 1811 par la Fabrique, pour le prix d'e 600 francs.
Lorsqu'une vacance de la cure venait à , 5e produire, ce

qui arriva plusieurs fois au xvœ siècle, ce presbytère
était affermé à des particuliers. On y trouve comme lo­
cataire en 1679 Mo Jean Calvarin, notaire, auquel avait
succédé, en 1684." Guillaume Lagaclic, hoste, qui payai t

un loyer de 30 livres.
L' église possédait égalen~en t, aux iS8ues , de Kersibi l'­ vic, le fonds d'une garenne nommée, en 1541, Ar Staug
lanet plus lard Goaremou: IJoguion, ainsi que quelques

rentes assez !Il ;nimes sur Letrrambovo1l, Kergu illianet
et Cosquéric.

Curés de Guilers
1620 DOlll Henry Janic, du bourg (1).
1654-1672 Etienne Tréanton, curé.
1673-1674 Jean Dotion, de Maltalon, curé.
1678-1688 D'ttprès les anciensregistr, es qui remon-
tent à 1680, la trêve resla sans curé

pendant une dizaine d'années et fut
desservie par Guillaume Yannic, prêtre
. de Mahalon.
1688-1689 Jean Guézennec, curé.
1689-1690 Elie Le Bozec .

1690-1691 Le Huez.
(1) On tf'o uve au. XVII" siècle deu) autr, es prêtres Qngi­
na'res de Guilers : Vincent Queffurus (en '1648) et Pierre
L f:) Friant (en 1654) dont les familles habitent encore la
commune.

~ 324 . .
1691"1703 Antoine Melguen, de Mahalon.
1703-1708 Nicolas Coulloc'h, de Tromiliau (Meylar).
1708-1721 .Jean Le Queffurus, vicaire de Mahalon .

1721-1728 Yv, es Bacon, ancien vicaire de Plonéour.

n28-1743 Ronan Le Guenec, devint recte ur de Poul-
dreuzic .
'1743-17 47 Yves Tromeur.

1747-1752 .J ean îvlanac'h, nommé vicaire à Plogastel.
1752-175'5 Alain Gloaguen.
-1755-1778 Jean C0'lin, mort à Guilers, avait rebâti,
en 1769, l'édicule qui abrite la fontaine . .
1779-1783 A. OlLivier.
1783-1785 Gloaguen.
1785-1791 René Rochedreux, de Concarneau ,/ .fut
déporté en Espagne (1792) .

Croix de pierre
Guilers acons, ervé plusi· eurs de ses anciennes croix .
A l'entrée du cimetière, se trouve un calvaire auquel
est adossée une statue de saint Michel tenant de la
main droite sa lance enfoncée dans la gueule du dragoll
et ayant au bras gauche un éc u qui porte le chiffre
de ;'\. s. J.-c.
llne autr·e croix s'élève au inidi .du placitre, à la cro: ­ sée des chemins de Douarnenez et de Pont-Croix .. Un

peu plus l0'in, sur Je bord de cetle derni èr· e mute, on
rencontre la croix de Kerhoant qui doit remonter au
XV le siècl e.

Liste des Villages
La trève de Cuyler ne posséd.ait, en üül de manoirs.
que deux petites gentilhomm;ères, vOIsines l'une de
l'autre, J(ernec"h et Kerliongar, qui 'ne figurent pas SUl'
le plan cadastral, leurs dépendances étant -clepuis long·

325
temps annexées au village de Cosquéric . Kernec'h avait
donné son nom à une famille établie avant le XV· siècle
au manoir de Cloazrec (en Pouldergat) . . Kerliongar
dont la maison a deux étages (1) menaçait ruine en
1604, était tenu à domaine .sous les Tréganvez, en 1524,
par M e Jehan Kerrieu et par Yvon Le Bronic. En 1621,
la f.oncialité de Kernec ~h et celle de. Kerliongar apparte­
naient à Françoise Goulhezr.e, dame de Keranpape,
femme de .!ean Le Torcol'. '
La liste suivante contient les noms de tous l, es an-

ciens villages de Guyler avec l'ind~cation des familles
qui les habitaient, il y a trois ou quatre cents ans. Pl11~
sieurs de ces familles sontencüre aujourd'hui repré­
sentées par leurs descendants .
KERDIŒI;\
KERGARADE C
KERGUILLIA NET
L A:-.1SALUnO

(v illage des éPin es), tenu à domain e, en

1540, par Guillaume Cel ton.
(~Iill. de Caradec) , tenu, en . [535, par les
enfants d'Alain , Kerloueret.

ill. des mouches ), deux tenements ex­ ploites J'un, en 15°3, par Alain Le
ContaI et, en 1578, par Jehan L e
ContaI et les hoirs de Guillaume

. Coulloc', b . ; l'autre, en J54I, par
Yvon et Jehan Le Roy.
(monastère de Saluden) . Ce village,. le
plus important de Guyler comme
etendue (74 hectares), comprend trois
tenues qui dépendaient autrefois de '

Tyvarlen et qu'exploitaient, en 1426 ,
Guéguen Hascoet ' et consorts ; ell
1541, Etienne P ensee et consorts et,
en 1638, Henry Savina, Alain Cozie
et Henry Le Friant .

(1) Il a to uj ours été d'uêage dans ce pays de compter le .
rez-de-chaussée pour un étage.
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ARCHb;o. _. TQ~1E XLIII (Mémoire 22)

KERAMO;\~
KERNAVALEN

KERDAGAT

LE BOURG
DE GUILER
KERGOFF

KERGARADEC-

PENANROZ
KERGANVET
MOULIN
326
('vill du Moal), deux tenues cultivées, en
1679, par Yves Guéguen et Corentin
Pensee. .
('vill. du pommier). En 15°3, Pierre et
Yves Le Saux et, en 1536, François
Gourlaouen .
(vil!. d'Agat), appartenait en 154\0 il. la
famiIle Le Baud .
(du roman Villare), comprenant, outre
le presbytère, trois tenues. Colons en
1536, François Gourlouen, Yves Ha­
zennec et ~Henry Le Scuiller ; en
168 l, Henry Squividan et Le Bolzec.
(vill. du forgeron), tenu en', 1540 par
Le Roy et Hervé Le Scuiller et, en
1681, par Yves Donartz et les mi­
neurs Scuiller.
exploité,~ en 1540, par Guillaume Sa-

vina .
), tenu en 1541 par Guyon
Le Huez et Henry Sinou.
DE PONTGOUALC'H
(pont de la lessive), moulin il. blé et a
fouler, a dépendu du manoir de Ker­
drein.
PELLAY

OU PELLAHEZ
COSQUÉRI C

KERIVARC'H
KERllEYOU
KERSlBIRVIC

(penlahez, bout de la montée), exploité,
' en 1638, par Jean Le Bihan, Alain Le
Gall, Hervé Cabon et Hervé Stéphan.
Une partie de ce village dépend de Ma­
halon.

(a11ciennement Kerguymarch, nom d'hom-

(vill. des tombes), qui, au siècle dernier,
appartenait aux époux Le Goff dont
le fils Guillaume mourut en 1848 vi­
caire il. Bannalec, passa , par alliance
il. N . Sauveur (de Locronan), neveu
de Mgr François Sauveur, grand vi­
caire et protonotaire apostoliq ue:
(anciennement Kerbeuveret), tenu en
1550 par Alain et Henry Le Boczer
et J ehan Le Scuiller.

KERNEHBEN
ou KERNERMEN
KERANARGANT
KERSALlOU
327

(vill. des pierres). En 1443, Me Jehan
l{erriou possédait une des tenues de ce
village qu'habitaient, en 1517, Me Je­
han Kerriou, Yvon Le Friant et
Henry Le Lagadec, Jehan Le
Scuiller, fils d' Henry .
(vill. de l'Q, rgent). Domaniers, en 1540,
André Le Scuiller et J eh an Martin,
(vûl. des Salles). En 1599, Jean Le Scuil-
1er.
KERHOANT (Beaulieu) , En 1550, Jehan Le Scuiller
Tv-VIl',eENT a gardé le nom du domanier, Vincent
ou KERHOANT-izELA Le Castree qui le cultivait en 154J.
KERGOLVEZ (vill. des noisetiers). En 1648, Jean
POULGUIERS
PENENPRAT
LEURANBovoU

KEROAT
LEseuz IZÉLA
LEseuz BRAS
ou LE GALL

STA:-IG COR zOU

. Pensic et Guillaume Créou,
(mare de ·Gt!ilers). Trois tenues dont une
par - dehors exploités, en 1536, par
Hervé Pencic.
(bout du ' pratwu), En 1682, Yves Le
Bosser, procureur terrien de Guilers .
( ). En 1540, appartenait en
partie à )"von Le Roy, fils de Guil­
laume, mort vers 1490, à . charge de
payer 35 soulz de rente à Margarite
. Glazien, veuve d'Hervé Jahannic.
(anciennement Kernoueret), tenu en
J 540 par Pierre Le Courleau e.t, en
r681, par Le Lagadec.
(lieu caché, lec'h hûz) avait pour doma­
nier en 1540 Mahe Le Coz et, en
1612, Guillaume Le Scuiller.
domaine tenu, en 1540, par Domingo::
Demoraguer et Charlotte de Portes,
sa femme, demeurant au bourg de
Landudec ; en 1612, par Pierre Le
Berre, mari de Béatrix ' Le Gall, et,
en 1681, pa.r Dergat Thomas.
, (val. des roseaux) . En 1337, Yvon Stan-
gorzou figure comme témoin dans un
acte du Cartulaire de St-Co: rentin,
J ehan Pencic en était domanier en
r54I et Jean Le Friant en 1627,

328
TY-PWLOT (anciennement Ty-Stéphal1) tenu, en
1540, par Yvoi1 Gourlouan. Ce'. lieu
porte maintenant le nom des Piolot
qui, de 1659 a 1736, en possédèrent
la moitié .

. Industrie - Costume
Les touristes du siècle dernier, en parcourant cette

commune, pouvaient .constater l'ampleur de certains
fours aocolés aux granges. Nombreux en effet étaient
les villages où l'on se livrait à des travaux de boulan­
gerie et à la fabrication des fouaces, sorte de galette

dans laquelle entraient un peu de miel et un grain de

blé noir tenant lieu de fève. Une autr, e spécialité de
Guilers était le gâteau nommé KORNIC à cause de sa
forme triangulaire . .
Plus matinal que l'aurore, le boulang· er de Guilel":S
enfourchait .sa monture p.réalablement .chargée des deux
mannes contenant fouaces et kornigou et, par l, es .che-
· mins creux, se dirigeait, . à l'amble de son bidet, vers le
heu où devait se tenir la foir, e ou le pardon. On pouvait

· le voir, à l'issue de la première messe, sur la place,
écoulant ses friandises qui firent le régal de nos pères
mais dont l'âpre s, aveur serait sans doute moins appré­
ciéeaujourd'hui. ·Le XIX· siècle a vu disparaître .cette

industrie dont l'origIne de,rait être fort ancienne, mais

qui avait cessé d~être rémunératrice.
L'ancien costume breton s'est conservé à Guilers plus
· longtemps 'que dans les communes voisines. Ce costume
se rapprochait sensiblement de celui de Mahalon. Il

compIlenait, poûr l'es hommes, le bragou ber en toile
ou en laine brune (autou gloan), plissé de la , ceinture

aux genoux , avec molletières de même étoffe, gilet très
long ' d'un bleu clair orné d'une double rangée de bou-

---'. ' 329

tons en métal ; chupen bleu foncé, piqu é, plus long que
celui' des bigoudens ; chapeau en feutr e, à larges bords.
, Les femmes portaient la jupe en laine brune et un

. corsage avec manches couleur bleu de ciel. Pour les

deuils, elles s'habillaient , en drap noir .et leur grande
coiffe de toilé était empesée en jaune safran. Cet usage
du deuil jaune , paraît avoir été importé du pays de
Galles où ,son origine se perdait dans.la nuit des temps:

CONEN DE S-AINT-L uc .

PETITE . ~H"ONIQUE

Monsieur Sainct Tugen

TnOIsIÈME P.ARTIE .

ORGANISATION CIVIL E DU LAN

. 1. Les « Plou}) et les « Lait })
Sur la terr.e armoricaine, chaque groupé d'émigrés
bretons-Insulaires formait un îlot de population, sé­
paré, des groupes voisins, par dés espaèBs plus ou
moins vastes, déserts ou seulement parcourus par les
restes d, es populations précédentes retournéés à la bar-
barie. .

Ces espaces désertiques avaient le nom de Bro, ou

Douar MaTchus. Le mot marchus, eUn hent maT-
chus, indique, encor· e aujourd'hui, un endroit
mal famé, hanté, où il ne f 1it pas bon passer à minult . .
Les émigrés avaient apporté, sur le GOntü1ent, les lois
et la constitution politique qu'ils avaient outre-mer.
Mais chaque groupe se constituait séparément sous le
gouvernement du chef conducteur de l'émigration, soit
civil et militaire, soit simplement religieux. De là, deux­
états parfaitemep.t distincts, selon la direction qu'ils
. recevaient de leur chef :

- 331

Le plou, ou colonie civile;
2° Le lan, ou colonie ecclésiastique.

L'un et l'autre acquéraient une autonomie prop-re ;
et, au bout de peu de temps, des mœurs et des usages
qui influaient sur la prospérité - et la durée du groupe­ ment.

. , En effet, si, dans le début, la constitution politique

était la même dans le lan et le plou, l'application de cette '
constitution différait selon des nécessités locales,
peut-être ·encore plus selon l'origine et le car.actèreindi­
viduel de chaque -chef de groupe.

, 11. - Le Plou, - colonie civile

Le peuple du Plou se composait uniquement d'élé­
ments émigrés, br- etons insulaires, d'origine et de cou-

tumes identiques. Le rôle, bien compris des chefs ci-

vils, consistait donc à continuer, sur le continent, le ré-
gime politique d'outr- e-mer.
Mais « 1e goüt de l'indépendance individuelle inné

(( chez les bretons, était porté par eux, dans l'ordre
(( politique, jusqu'à l'extrême » (1). Le dernier de~
p-etits seigneurs du Lez trouvait, en soi, l'étoffe d'un

grand chef. L'autorité du chef du plou éta,it constam-
ment discutée, souv- ent méconnue. La division et l'é-

miettement du pouvoir s'en suivaient. Et, comme résul-
tat de ces intrigues, le peuple du ulou. forcr. vitale ùe
la colonie, était sans dir-ection définie ou stable, sans "
droit, ni jusbce. ,
La discorde entre l-es chefs insulaires avait été l'une ,

des grandes causes d'émigration . Elle régna aussi sur

(1) M. de la Borderie. - Hist. de Bretagne, T. II, p. ::lUi .

332 ~ .

le continent, dans les plou, et amena la disparition
des uns, ra faiblesse et la misère de beaucoup d'autres .

III. - Le. Lan, - colonie ecclésiastique

Hans le Lan, le chef fondateur, réunissait, en sa per­
sonne, les deux pouvoirs religieux et civil.
Par leur essence même, les règles de l'Eglise étaient
soustraites à la discussion des l.a, ïques. Il en résultait

que le pouvoir civil , en union avec ces . règles, devenait
incontesté. Dès lors l'autorité du chef du lan était

souverame. . .

. Comme chef , civil , sa seule ambition était de donner
vie et prospérité à la colonie groupée par lui. Son pou-

voir religieux lui inspir. ait les mesures à prendre; et
sQn pouvoir civil lui donnait l'autorité voulue pour les

faire exécuter. Mais - combien cette tâche était ardue !
Voici comment se constituait le lan

Au début, c'étaient seulement « quelciues moines
« avec leurs amis, leurs .clients, leurs serviteurs » (1)
- qui bâtissaient leurs cabanes autour de la chapelle
du chef religieux de l'émigration .
Plus tard, les hordes nom.ades d, es marches s'épara­ tiv· es des îlots de population, surprises de la vie cons­ tante de travœit d'étude et de pr/'ière, qui donnait, ft
ces inconnus, le confort et la sécuritéc:hoses qui leur
faisaient complètement · défaut, -- s'arrêtaient et trou­
vaient, près du lan, assistance, protection, justice .

Il n'était PaS possible d'astreindre le nouveau grou-
pement à toutes les lois insulair· es, comme dans le plou:
loi trop compliquées pour ces nomades, pa, iens, qui

(1) Rist. de Bretagne, T. l , p. 282.

. 333-

avaient désappris l'idée ' d'obéissance, et qui consti­
tuaient l' antiquus hostis dBS cartulaires . Mais le , chef,
s'inspirant des préceptes de la religion chrétienne, sut
créer une constitution, sous laquelle, à côté des bretons
insulaires du lan, se rangèrent les barbares armoricains
et gallo-romains, de loups devenant a, gneaux.
- En résumé, dès leur c.onstitution, il exista une clif­
férence essentielle Bntre le plou .et le lan.
Le chef du plou était le seigneur, le maître, dominus
1Jlebis, an otrou, régnant par la force.
Le chef du Lan, au contraire, était le saint, le père, ,
pater abbas, gouvernant par sa bonté, sa charité. '
C'est avec ces caractères qu'ont dû se créer le plou
d'Ono Pennek, Ono le têtu, le clominus Onneus des '
reg istres paroissiaux, ainsi que le lan de saint Tugell
qui a rBçu le surnom de Béni, comme saint Guénolé,
eelui de Sanctus Dei, le saint de Dieu .

, IV. - Le lan de saint Tugen
L'endroit où saint Tugen franchit le ruisseau maré­
cageux qui sépare la palue de Trèz-Goarem de la trève
actuelle, s'appelle encore Pontik-Eugen, le ponceau
cl' Eugen . A un kilomètre à l'est de ce ponceau, le saint
bâtit sa chapelle qui devinUe centre du lan.
D'après M. de la Borderie, voici comInent se bâtis­
sait le 1 an (1) : ,
- « A peine l'émigration débarquée, ... chaque moine
« fabriquait, à son usage personnel, une , cellule ou 10-

« gette de gazon et clayonnage ... Au milieu du terr8.m
« où étaient . ~mées les cellul'es, on construisait de la

(1) Hi st. de Bretagne, T. 1. , p, 282,

- 334

« même façon, une -chapelle, un bâtiment pour le réfeç-
« toire et la cuisine et c'était tout. On remparait sou­
« vent ce campement monastique d'un vaUum,c'est-à­ « dire d'un fossé profond et d'un rempart de terre pour

« se mettre à l'abri de toute surprise ... ))
Ce g.enre de construction, ,a, ppelé Till, dans le Cap­
Sizun, a été adopté aussi pour les cabanes des pergen­
nou ; l'on y trouve, en effet, un mortier durci, moulé
par des branchages.
Autour du lan, la population civile, bretonne insu­
laire, se groupa, aussi, par famille. Ce groupement

fut, dans l, a, suite renforcé par les nomades indigènes
et les gaNo-romains-de Roz an drei/{ (1), la colline des
dragolJ'!s. (Le dragon joue un grand rôle dans la vie de
heaucoup de saints bretons insulaires. Rien (j'Atol1nl1ut
à ce qu'onen trouve le nom aux environs du lan de
saint Tugen).
Ainsi constitué, « l, e centre du . Lan, avec ses divers
« ateliers pour les industries indispensables à la mai-

« son, forge, charpenterie, maçonnerie, et surtout les
« bâtiments agricoles: étables, écuries, granges, etc.,
« formait un village mal aligné et assez irrégulier,' mais

« fourmillant et vivant. )) (2). .
L' église actuelle de Saint-Tugen, avec son cimetière
muré, et l'entourage de vieilles maisons et de haies vi­
ves, rappellerait les dispositions de l'occupation pri-
mitive . .
. V. Institution civile du lan

Le chef du lan,
suivant les règles
outre la direction de son llivnastèn.,

scotiques, eut, aussi . . à nourvoü'léL
(1) Pluriel de draïg,
(2) His t. Bret., l, p .

draco .

- - 335 -

population civile d'un gouvernement qui serait compris
et aocepté par tous ses éléments si divers.
Ce gouvernement fut simplement 1JatTiarchal.
L'autorité du chef religieux y était souveraine. ]1
transmettait ses ordres aux chefs de chaque famille ; et

ceux-ci les faisaient exécuter par leurs serviteurs, an
twtt.

Dans la famine, le chef exerçait ég.alement une es-
pèce de royauté . Aux r, epas, il trônait au haut bout de
la table, entouré de ses serviteuTs mâles, compagnons

journaliers de ses travaux. Chacun, même le dernier
des porchers, av, ait, à la table du maître, sa place dési­
gnée selon l'importance de ses fonettons. ·
Cet usage, quasi . monastique, de tenir les femmes ct
l'écart; ou reléguées à leurs travaux, a raissé GoeS tra­
ces. Nous avons vu, dans plusieurs maisons de la trève,
les écuelles des hommes mises, seules, sur la table, tan­
dis que cenes_ des femmes étaient laissées, toutes, SUI
le foyer. '
Le servage n'existait pas dans le lan. Les moines,
maîtres . aZYr'ès Dieu:, dans le territoire occupé, auraient
manqué à la charité chrétienne en l'y ét, ablissant.
Les conditions des serviteurs leur permettaient d'ac-

quérir un certain avoir indépendant. Leurs gages con-
sistaient, principalement en objets d'entretien, plus le
droit de faire pâturer, à la suite des troupeaux du Inaέ
tre, une, ou plusieurs têtes de bétail, avec leurs pro­
duits. Cet usage était le h'o-ad, ou donaT pastur, lisière
ou teTTe â pâtu1"age. Les serviteurs trouvaient là les pre­
miers éléments d'une exploitation agricole que le père
de famille, à déf, aut d'enfants mâles, l, eur confiait.
Au début; tout était commun : la terre, les travaux,
les troupeaux, ·les récoltes. Le monastère en avait la
charge el la directi on. Les lois monastiques réglaient

- 336 --
la part revenant aux moines dans les biens de la: terre :
c' était strictement le nécessaire, selon leurs besoins .

Pour le surpl'lJs, les moines étaient les économes de la
population civile, les gar·diens des biens des pauvres.
Le lan était donc le grenier où puisaient, non seule­
lllent la population civile, mais encore, dans les débuts,
celle du plou; comme, entre temps, les étr. angers, les
gircvagues et les kork vagabonds.

Cela avait un inconvénient : c'était de faire croire
que le lan était le dépositaire de l'argent et des trésors
de toute la région . Cette réputation devait attirer les
. vûleurs. Le monastère de Landévennec en a· fait l'ex- .
périence (1).
Mais, au bout d'un peu de temps, un changement

notable dans la tenue du territoire mit fin à cet état de

choses. Chaque chef de famille s'habitua à tr, availler
les mêmes [err· es ; si bien qu'après quelques généra­ ti ons, la possession fut regardée comme propriété par- .
t iculière.

Nous avons relevé, dans l'intimité des tréviens d· e St-
Tugen, des souvenirs, des usages archaïques qui peu­
vent donner une idée de ce qu'a pu être le ran .

VI. Les terres

. . Lorsque les défrîchements eurent ' étendu les cultures
loin du centre du l, an, on fut obligé .j· e bâtir descaba­
nes, au milieu des labours, pour l'exploitation des ter­
res .. Ces cabanes, ou pergennou, avaient aussi, d'après

leur situation, le nom de ty er mœ, mœs-ty, ty e "reis '
an douar, cl ouar-ty (clow'cly), c'est-à-dire terres éloi-
. gnées avec habitations.

Cl ) Cart. Landév., cap. XXIII, p. 86 .

337 --

Le chef de f,arllille y détachait l' un de s~s fils. Ces oc-
cupants des terres éloignées s'appelaient ar B~az led. Ils

en avaient la propriété, mais c l:evaient partager les ré-
. coHe8, a vec leur père, pour l'aider à élever les cadets (1)
L'expression Br(lzec{ désigne les fils aînés, les grands;

la maison du père de famille, avec ses droits et ses dé-
pendances était l'apanage du plus jeune enfant.
Cette extension de la propriété ne portait pas at­ teinte au régime patriarcbal ; la maiSOn du père était
toujours chaude pour les enfants éloignés : tom, ato,
ty an tad . De plus, la propriété de ces dO'LCClr-ty n' était
pas absolue. Les transactions sur ces b ~,ens ne pou­
vaient se faire que du 'Consentement de toute la f, amille :

tratri bus suis annuentibus, dit la charte LIU du Cartu-
laire de Landévennec, laquelle concerne la terre sainte
de Cléden-Cap-Sizun.
Le mot tratribus doit donc être pris dans le sens Je
plus étendu. Il signifi.e toute 1a parenté proche, que la
tradition' du -Cap-Sizun fait remonter jusqu'au neu-
vième degré. .
Les serviteurs, devenus possesseurs d'un petit trou­
peau, recevaient aussi d· e ces terres éloignées. M ais, ici,
. les. conditions de possession du sol ne sont plus les mê­ mes. Le chef de famille ne livrait sous aucune forme,
même r estreinte, la propriété; mais seulement un droit

de culture, un droit usager d'une longue durée . Lui

s, eul' s'erigage, ait à laisser, sans clause -de retrait, la

terre, à la libre disposition de son serviteur, pour./
bâtir sa cabane et , en tirer profit. C'était, de la part du

(1) Cette aide existe · en :.or.e sous une autre forme : dans
les fermes importantes, plusieurs des enfants restent volo11_
tair, ement sans se marier. Ils font, da ns la m aison pater­ nelle, office de serviteurs non gagés près de leur père,

d'abord, puis de leur frère aîné, et de leu rs neveux.

. - 338
maître une libéralité, plutôt qu'un contrat. Aussi l'oc­ cupant pouvait fair· e abandon à toutes époques.
Mais, afin de sauvegarder le droit de propriété, les
tenanciers levaient payer, non une redevance onéreuse
annuelle, mais une simple marque de ce droit. Peut­
être encore devaient-ils, devant témoins, affirmer par
serment, pro. vero, dre vuir, qu'il" tenaient ces biens

de leurs anciens maîtres. En tous cas, ces anciens se1'-
vlt, eurs s'appelaient a7' guirourien, et restaient encore
moralement liés, à leurs maîtres, par un usage tou­ chant: l'aide et l' assistance, qui étaient encore la conti-

nuation du régime patriarchal du lan, sous une autre
forme. . .
Il ne faut pas confondre ce genre d'occupation de la
terre avec le ?nattage et le domaine congéœble, qui sont
d'institution féo-dale. L'expression: tond a guir des ac­
tes, sous la féodalité, répond, comme assonnance et
signification, au latin: tundus et vir, la glèbe et l' h01n­
me ; termes qui n'ont pas eu leur application sous le
gouvernement du lan de Saint-Tugen. L 'habitant des
pe1'gennou, ·d'.après la tradition, a toujours été un hom­
me libre.
Les exploitations des douar-ty étaient d'étendues va-:

riabl, es. Mais toutes contenaient, ces éléments : une por-
tion de lande, des terres labourables, un bois

des prés;
la plaine et le côteau. Au cadastre de Primelin, on
trouve souv, ent, à partir d'un ruisseau et en remontant
le flanc d'une colline jusqu'au milieu du plateau qui la
couronne, toutes ces n.atures de terre étagées et po1'- .
tant 1 e même noni. C'est la démonstration du procédé
(le débornement employé. Souvent -ces terres sont l~mi­
tées, à dr\oite et à gauche, par des fossés perpendicu­
lair, es au lit du ruisseau et se prolongeant le long de la
pente et sur le plateau.

339 -
Outre les habitations au milieu des labours, occupées
par les enfants ou les serviteurs du père de famille, il
y avait encore des cabanes bâties à la lisière des mar­
ches du territoire. Ces cabanes avaient le nom de ty­
kran, et étaient occupées par de pieux solitaires ou
par des étrangers à la famille du maître ,ceux-ci fai­
sant. la partie arriérée de la population du lan, homun­
culi, tuel disteT, que les registres tréviaux devaient plus

tard appeler pauvres lc{bounurs de teTte .

Ces cabanes des marches constituaient des -centres ou
ateliers de défrîchements.
A l'arrivée des émigrés, le pays était couvert de fo­
rêts . Pour la mise en culture, il fallait d'abord abattre
les arbres et brûler les souches. Mais, peu après sa
dénudation, le sol se couvrait de la fougèrè, si com-

mune, pteris aquilin a , qui pousse, à plus d'un mètre
de profondeur, sa na. cine noire, grosse comine I · e doigt.
Le sous-sol en est complètement couturé, ce qui donne
lieu à des travaux d'. extirpation, importants et de lon-

gue durée.
La racine de cette f.(y,ugère s'appelle, dans le Cap­
Sizun, kran, et ce nom . ·entr· e dans la composition de
pl'usieurs expressions usuelles. Ainsi : douar kran indi­
que la partie de la forêt, où le bois abattu est remplacé
par la fougère ; par abréviation, le seul mot '{Tan indi­
que la partie déboisée (1) .

(1) Le mot laan entre dans la composition d· e noms de
lieux du Cartulaire. de Redon ; entre autres Cranuuilwn'
et C1'anqua'Tima (Ch. XIII, p. 13) qui indiqu.ent deux par­
ties déboisées de la forêt ou ateliers. de défrichements.

Une autre charte (H. Bret. p. 41) énumère Ise travaux à .

faire et I· e re-P0f? donné l au sol, pour laisser po·usser le kran;
puis les travaux d'extirp.ation et d'aplaniss· ement, avant
de semer.

340 -

.4.1' grannec, la fougeraie ;' anciens défrîchemenls
laissés sans culture ~

Digranna, extirper la racine de fougère ;
Digtan, terre c léfrîchée deux fois, par l'enlèvement
des souches et l'extirpation du kran, et, par suite, pro-
pre à Vensemencement. .
Les ty-kran étaient les habitations les plus éloignées
cÎu centre du lan, Après la mise en .culture des défrîche­ ments, ils sont dev, enus des exploitations agricoles, tout
en conservant le nom de ty-kmn. Ces exploitations
étaient astreintes à des redevances, nulles ou minimes
au début ; plus importantes après que la série des cul­
tures eut amélioré les terres.
La. possession particulière de la terre ne s'étendait
pas à tout le territoire {iu lan. On en réservait une par­
tie, souvent de grands espaces, pour le pâturage en
commun de tous les troupeaux. Ces terres, comme, du
reste, toute la r€gion, à l'arrivée des émigrés, n'était

nominativement à personne, res nullius . Aussi, peu à
peu, sous l', empiètement des cultures des riverains, ces

espaces diminuaient d'étendue. Mais il en reste encore
de nombreux vestiges dans le Cap-Sizun. Ce sont les
Crnnmunaux cie villages . Dans la paroisse de Primelin,
chacun des villages, excepté ·ceux totalement à clo­ maine, possède ses communaux. Le bOU1'g de Saint-TH­
(Jen, d'une part, puis les hàbitants cle la trève, séparé-

ment, avaient les leurs . C'est là une indication d'an':
ciennel é , eL d' indépendance de toute attacbe fé odale.
VII, -- Assistance et solidarité

Lors de la constitution du lan, le produit du .travail
était mis en commun . Cbacun recevait, des gri eniers du

341

monastère, ce dont il avait besoin. La récolte était le
bién du bon Dieu, la propriété .de tous.
Mais les fonctions d'intendants et d 'économes de IH
populati on qu'exerçaient les moines, cessèrent , lorsque
la possession donna, à chaque chef de famille, la pro­
priété particulière du sol qu'il .cultivait. ·
Les chefs de fari.liU.e, producteurs de récoltes, conh­
nuèrent les usages établis par le monastèr, e. Ils 'se r e­ , connur, ent les gardiens des biens de la terre, et s'en
constituèrent, .chacun dans son -entourage, les dispen­
sateurs .
On ne reconnaissait pas de pauvres dans le lan. Le
Guiraër, l'habitant des pergennou, le pionnier des ty­
!;ran reoevaient de leurs anciens maîtres tout oe qui leur
faisait défaut. Celui qui av, ait besoin , quel qu'il fût , se
présentant de bonne amitié, hilariter, d'après le cartu­
laire de LaDldévennec, recevait.
Ce n' était pas une aumône, mais un don Q'ratuit. Ce­
lui qui avait r eçu, tenait à 'Obliger à son tour. Il payait
en travaux, en corvées volontairement offerts.
Ainsi se sont établis, entre maîtres et anciens servi­
teurs, cette assistance de l' un·, , cette aide de l'autrc,
qui ont continué, dans les perg, enno.u éloignées, le régi­
me patriarchal du lan.
Un usage, très répandu dans le Cap-Sizun, rappelle
encore cette institution. Ce sont les quêtes .
Le petit fermier, le pen-ty, l' ezommek, qui a défaut,
se présente , chez les cultivateurs aisés, disant t'Out sim­
plement : « Je suis venu faire une quête de blé, de
paiUe, de lard , d'œufs, etc ... » Et aussitôt l'on s'em­
presse de lui dOllDer oe qu'il désigne. Jamais un com­
mentaire. L'on sait que le quêteur ne serait pas venu,
s'il n'avait pas eu défaut. L'on sait aussi qu'il ces~
sera de quêter quand il aura reçu suffisamment pour
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉO. - TOME XLIn (Mémoire 23)

342
ses besoins présents. On évite, avec la plus grande déli-

catesse, au travaiHeur besoigneux, de formuler sa de-
mande, , car demander, c'est TO'Llgir sa ta ce ; et ce n'est
pas sa faute, si son , champ est trop petit pour le nour- .

1'11'.
Cette quête, faite par ceux qui possèdent un peu de
terre, n'est pas constante. Elle se fait en cas d'absolue
nécessité, ,et lors des mauvaises récoltes. Mais les ou­
vriers de métiers, charrons, forgerons, etc ., qui ne .
possèdent pas de t, erres, étaient, encore récemment, ha­
bitués à faire la quête, chaque année, -chez leurs clients.
En revanche, à l'époque des grands travl aux agri- .
coles, ces quêteurs, par reconnaissance et sans qu'on
clemancle lew' aide, vont taiTe des journées, chez ceux
qui les ont obligés. Pour la récolte, surtout, les bras
s'offr, ent volontiers, et ne chôment pas à ce travail gra­
tuit. Actuellement, la guerre a donné un nouvel essor
à œt esprit de solidarité du Cap . Dans la trève de tJl­
Tugen et daoschaque paroisse, l, es personnes valides se
sont entendues pour faire, en commun, d'une ferme à
. l'autre, la récolte, en commençant par -celles dont tous
l, es hommes étaient au' front. Le mot d'ordre était: -
« Il ne faut pas laisser perdre la récolte: c'est l, e bien
du bon Dieu.)) Nous l'avons, maintes fois, et tex­
tueUement, entendu, au mois . {l'août dernier .

Les vrais pauvres, les paouT-kèz de la paroisse, vieil-
lards et infirmes, dans l'impossibilité de gagner leur

vie, sont, aussi, .admis à la quête. En outre, un autre
mode d'assistance envers eux, est ùsité - chez les culti­
vateurs à .1',Rise : c'est de les recevoir à leur tabl, e. Ces '

pauvres ont leurs repas, à jours fix€s, d'une ferme à
j'autre. Ils sont attendus et reçus avec défér-ence com-

me membres de la grande famine trévial'e, ou parois-
siale. S'ils tardent.à venir pour l'heure du repas, on

-- 343 --
s'en inquiète ; lorsqu'ils meurent, on les r egrette. Pour
se montrer dignes de la réc.eption qui les attendent, ces
p, auvr, es se présentent toujours avec des habits propres
et d éoents. A la fin du repas, ils font discrètement le
signe de la croix .et . disent en silenceJ eurs prières. C'est
l.eur seule façon de témoigner leur reconnaissance.
D'autres usages arcbaïques. pourraient encore rap-

peler les relations et la solidarité d'autr· efois dans la
trève de S,aint-Tugen. Entre autres, cette coutume :
Au dîner du pardon, tous les énormes plats de vian­
de posés sur la table, devant les convives invités, doi-

vent y rester jusqu'au lendemain matin (1). Toute per-

sonne ,entrant dans la maison est invitée à prendre sa
part de ces reliefs du festin.
A ce dîner du pardon, dans chaque maison de la trè- .
v.e, sont invités. les. parents et l, es amis élo!gnés, comme
autrefois, les enfants et l'es serviteurs des pet­
gennou, dans la maison du chef de famiUe, au centre
du lari. Actuellement, au milieu du f.estin, le maître qui
reçoit dit publiquement les grâces : pater et ave pour

tous les parents vivants, présents et absents ; de pro-
tU/ulis, pour tous les parenls défunts de la lignée du
père et de celle de la mère de famill e, et pour tous ceux ' .
qui ont habité la maison, jusqu'à la neuvième généra~
tion. Après ces prières, le festin continue. Cet usage se
fait encore dans tout.es les circonstances qui réunissent,
à la même table, les membres éloignés d'une famille.
Nous n'avons pas trouvé, à Saint-Tugen, cet usage
du lan de Saint-Tudy. Tous les ans, le propriétaire de
Lan-Gaz, le vi6ux monastère, donnait un mangier, eun
tamik manger, à 'tous ses fermiers de Loctudy. Il est

(1) Voir le « M-angier lJ du sire de Quélen, in H. Bret. III ,
p. 102. .

-_. 314 _ .. -
vrai, qu'à Saint-Tugen, toutes les terres étaient doma­
niales du seigneur de Nahurek .
Les seigneurs de Saint-Tugen, v· enus après les moi­
nes, n'admettaient pas les pauvres à leur table, pas
plus qu 'ils ne conncùssaient les corvées volontaires. Il
est donccert, ain qu; e les mœurs et les usages Qè1· e nous

venons de décrire sont propres à la seule population du
lan, les seigileurs, venus après les moin~s, étant mal

vus et considérés comme étrangers.
VIIJ . Conc1usiollS

La principale cause déterminante des groupements
ethniques est la nécessité de pourvoir à l'exi.',tenc'l,
ainsi que la misère subie et surmontée en commun, plu- ·
tôt que l'affinité anthropologique des races et la forme

cr, amenne .
Le lan de Saint-Tugen a -obéi à cette loi.
Ainsi, les hordes du Cap-Sizun, représentant toutes
les races et toutes les c.ivilisations précédentes, sans

affinité, sans altruisme, en étal continu d 'hostilité, ont
formé, unies aux émigrés bretons-insulaires, une entité
ethniqu e chez laquelle était prépondérant l'esprit de
solidarité , et d'assistance.
Ce fut d'œuvre de l'idée chrétienne et de l'action
monacale .
Cette autonomie et ce particularisme survécur, ent à

la , disparition du lan, perpétuant, à travers les âges,
l'œuvre de son fondateur . La chapelle, due uniqu~9ment
à la piété des fidèles, est la r, eprésentante et comme
['emblème de cette œuvre . Dans cette idée les

tréviens eUrent toujours à cœur de l' orner, de
la restaurer, de la rebâtir. Ça été leur préoccupation
constante, ainsi qu'en témo ignent les compt, es de la

34,5 -
fabrique. Ils eurent aussi à la défendre contre leurs sei­
gneurs, qui ne leur plaisaient guère, et à qui la tradi­
tion a refusé la fondation du monument, pour l'attri­
buer, faute de mieux, aux angl, ais, quoique ennemis

séculaires des bretons. Cette préférence n'est pas fla t-
teuse pour les anciens seigneurs de la trève.
Le Lan de Saint-Tugen eut le so.rt des autres mor :1 ·
tères de Bretagne. La baie de Cabestan se trouvant sur
. . le passage des barques normandes, il est probable qu'il
fut l'un des premiers menacés, et les moines obligés de
chercher un refuge loin des bords de la mer.

Quel a été leur exode? Vers le centre de la Bretagne,
aux abords de la forêt de Brécilian, ou dans les mon­
tagnes ? On trouve le nom de saint Tug, en, dans le Pou­
trocoet, au plou de Wern, aujourd'hui Guer, comme
dans le Poher, entre Duault et. Callac. Mais il est plus
vraisemblable que les moines du lan de Saint-Tugen. se
réfugièrent dans ceUe région montagneuse, car il y
existe aussi un lan sous le vocable de Landug-en.
Le lan du Cap-Sizun ne fut pas reconstitué. Mab sa

chapelle, devenue baptismale, fut desservie par des
chapelains séculiers, ou prêtres habitués. En 1537, ils
étaient au nombre de cinq (1), habitànt le bourg de
Saint-Tugenet les villages environnants : KeronoU,
Kervrant, Kerhas, Kermohou.
Tous les vocables de Saint-Tugen
donations à des monastères rétablis
furent l'objet de
après la dispari-
tion des Normands, savoir : .

Le domaine, ou Ran Tutian, du plou de Wern, à
l'abbaye :de Saint-Sauveur de Redon ;

(1) Dom François Le Guall, dom Jehan Lo, stys, dom
G. lVIaduré, et dom Yv~s Le Dant ec. Pour la paroisse, on

- '346

L'église de ' Landugm du Poher, à l'abbaye de
Sainte-Croix de Quimperlé ;

Et te 1an de Saint-Tugen, du Cap-Sizun, cl, evenu
dépendance du prieuré de Saint-Tutarn, de Douarne-

neb, à l'abbaye' de Marmoustier,

IX. -- Chartes mentionnant le nom de Saint:Tugen

Gartulaire de Landévennec.

. Ego, Gradlonus do sanclo Uuingualoœo. ,. in neuued,
Lantutocan ...
(Charte XIX, p. 151).
Le Cap-Sizun était la partie occidentale de la grande
forêt de Névet, où saint Primel était ermite. Saint Pri­
mel est l, e patron de Primelin dont S, aint-Tugen est la
. trève. Ce rapprochement dolt localiser Lantutœ an,
dans la trèv, e de Primelin. .

Cartulaire de Redon, n O S 178-179.
" .Donavi ego Rethwobri tres virgadas quœ sic norni-

nantur ... Ran Tuiian .. . Sancto Salvatori et monachis ... ~

Les trois vergé6s, ou loties ' (Ran) données par le no-
ble brelon Rethwobri, aux moines de Saint-Sauveur

sont situ ées dans le plou de "Vern. Date de la charte en-
tre l'an 832 et 840 .
(Hist. Brel. II, p. 157) .

3° Actes inédits des ducs de Bretagne, n° 17.
Années 1079-1084, le duc Hoël donne, à l'abbaye de

Quimperlé, Landugen (Ecclesia S. Tutiani), qui était
clans le Poher, et Saint-()uijau (ecdesi~ S. Kigavi), trè­
. ve de Carhaix, chef-lieu du Poher. (Hist. BreL III,
p. 79).
4, 0 Cartulaire de l'abbaye de Marmoustiers.

(Fondation du prieuré de l'Ile Tristan, ou de Saint-
Tutuarn, et donation à l'abbaye de Marmoustiers).

- 347 -

(1) .. . Ego Robertus ... assensuet concilia. totius ca­
pituli mei, Maj üris monasterii monachis ... dare crevi ...
Ecclesiam videlicet Sancti Tuîuami, cum omnibus red-

ditibus et appendiciis suis .. . duas etiam partes deeime
Sancti Tuocei-, duas que partes decime Sancti Tuiani
et duas partes saoerdotii ejusdeni capeltée, duas insuper '

partes decime Tretlae, similiter etiam duas partes ...
Landu, gwan... .
Cette .charte est de l'an 1126 (2).

S. Tuocci doit être an üoc, partie ouest de la
terre sainte de Cléden, sur la voie romaine, entre Théo-
lenet Mescran . (Nombreuses substructions avec
poteries onctueuses). Le bretün San-t üoc paraît plus
rapproché du nom latin que Sant Oc'hou de la trève de
Saint-Tugen.
Le ruisseau qui sépare la trève de Saint-Tugen de la
paroisse, s'appeHe clour-Macliou. C'est le nom du cha­
noine Geoffroy Madiou, l'un des témoins de la dona-

tion. -
La ' clîrne qui formait la redevance annuelle des tré­ viens de Saint-Tugen correspondait à la trentième ger­
be. Elle était prélevée sur les blés « de toute espèce
« de grains cultivés sur les terres de la trève dé Saint­
« Tugen . Le droit de possession appartenait, de tout
- « temps immémorial, , a. ux prédécesseurs des prieur de
« l'Ile Tristan, et recteur de Primelin, pour raison du
« priüré et à cause du rectorat ». (Archiv, es trévia-

les, année 1588.)
Le bon accord a toujours existé entre les décima-
(1) Extrait. - Voir la Ch3!rte, Société Arch. Finistère,
t. XI, p. 4·4.
(2) Vie des Saints ..

de M. le chanoin€ P .
Catalogu.e des EvêCJll es ; annot:1tio:l
P eyron, p. 135

- 348
teurs et les tréviens. Souvent des transactions sont in­
tervenues pour en faciliter le prélèv· ement, ou la rem­
placer par une redevanoe fixe, toujours modérée .
. Aux rôles des décimes de 1 .574, (1) , le doyenné du
Cap-Sizun, comprenant la paroisse de Primelin et sa
trèv€ de Saint-Tugen était compris pour VI livres et le
'prieuré de Landugen, à l'archidiaconné du Poher, pour
VII. 10 1.
H. LE CARGUET.

Audierne, 30 novembre 1916.

(1) Bulletin diocésain 1901, p. 3.

363

DEUXIEME PARTIE

Table des mémoiTes pub liés en 1916
1 Argud Absrwrac' h, Le Combat de l'Aberwracî1,
, çomposé par M. l'aBbé Goulven Morvan, tra­
duit par :\1. le chanoine Abgrall . ... ,....... 3,

2 Inscl"ptions gravées et sCLllptées sur les églis·es .

~ et (tlonuments, recueillies par M. !e chanoine
Abg rall ........ . .... .. .. .. ... . . .. ............. .
3 :\1ottes :éodales, par :\1. l'abbé Méve' et M, Yves
Le F'eb\'re .......... . ... . ... .. ... . .. . . . . .. ... .

4 · Le vra i texte de l'histoire rniracu'euse de N.D.
du Folgoët, par M. Lécureux .. . . . .. .. ... , . ... ,
5 Le P·rieuré de Lochrist-an-Izelvet, . par M. Ogés ..
6 L'hymne alphabétique et l·es vies de saint Gué­
nolé et de saint Idunet,' dans le cartu:ai·re . de
. Landévenn ec, par le P. de Bruyne .. , .. .. .. . .
7 Petite- chrenique· de l\1onsi,eur sainct Tugen, par
M. Le Carguet. . . .. . . ... ,. . ... . . . . . . 184, 213,
8 Notes sur l'établissement du Télégraphe Chappe,
par Daniel Bernard ............... , . , . ... . . , .
,9 Lettres d'un Tambour de la 1

Répub'ique r. e­ cueillie et publiées pal' M, Marzin... .. . 249,

10 Autour du Moulin-Blanc, 'avec planch'es, par
M. Le Gtiennec .. . ..... ......... .. . . .. . .... .. .
11 Que'qu,es bornes routières, du temps du duc
d'Aiguillon, paT M. le chan oine Abgrall . .. .. ,.
12 Ex· cufsiQn archéologique aux r uines romaines du
Pérenno u, par : -"'1. le chanoine Abgra' J .

13 Guilers, notic. e paroissiale, par M. le comte Co-
nen de Saint-Luc .......... . .. : . . .. . . ... . .... . .

14 Discours de fin d'année, par M. le Président. . ....

Pages

111

201
261