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Bulletin SAF 1916


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Petite chronique de Monsieur sainct Tugen

M. Le Carguet

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1916 tome 43 - Pages 213 à 247

PETITE GHRONIQUE

Monsieur. Sainct Tugen
D"EUXIÈM.E PARTIE
LA RAGE
I. - Les saints qui protègent de la rage

D'après les renseignements cLue nous a bien voulu
donner Mgr X. Barbier de Montault, de _ vénérable

mémoire, les saints- que 1' 011 invoque spécialement con-
tre les chiens enragés, sont au nombre de quatr, e : .
Saint Pierre, saint Hubert, saint Tugen et saint Guy.
(liitÙ's). .
Le pouvoir des trois premiers s'exerce au moy, en de
clés, de formes, d'origines et d'usages différents .
Celui de saint Guy n'est .connu qu'à Rome.

D'autr, es saints sont , encore invoqués contre l, a rage ;
mais lem; rôle est secondaire. Ce sont des saints auxi-

liaires que l'on prie en même temps que saint Pierre,
saint Hubert ou autres saints.
Ils sont au nombr, e de huit :
Saint B-eLin, connu à Padoue ; saint Garin ; sainte
Hermelinde, à Béthune ' ; saint Patrice ; saint Pierre
Chrysologue, en Italie ; sainte Quiterie, au diocèse
d'Albi ; saint Adalric, à Augsbourg ; saint Othon, à
Bamberg (Bavièr, e)_
.BULLETIN DE LA SOCI~TÉ ARCHÉO . - TOME XLIII ( Mémoire 15)

214 -
A cette liste, il faut ajouter saint Gildas, invoqué
dans les Côtes-du-Nord.
Parmi ces saints, trois se rattachent à l'Eglise Scoto­
bretonne, ou scotique de la Grande-Bretagne ('1). Ge
sont : Saint Patrice, saint Tugen et saint Gildas .
. Les autres appartiennent à l'Eglise latine .

Cette distinction est importante, à cause de l'origine
,et de l'étendue différentes des pouvoirs des deux grou­
pes de saints. Elle permet aussi de déterminer: les em- .
prunts faits, par le culte scot de saint Tugen, aux légen­ daires des saints latins.
11. Les saints de l'Eglise latine
Les saints de l'Eglise latine préservent et guérissent
de la rage.
Ce double pouvoir dérive de celui de sain~ Pierre, qui
a reçu le sien du texte de l'Evangile de saint Mathieu (2),
lui promettant les clés -du royaume des cieux.
Ce pouvoir de sain1 Pierre est absolu, et la , clé en est
le symbole. . .
Pourquoi saint Pierre est-il invoqué spécialement .
pour la mge ?
A certaines époques, histoires et lég, endes seconfon­
dent. La légende d'OT du Bienheureux Jacques de Vora­
gine, du XIIIe siècle, répond à la question. Nous en don­
nons une court.e traduction :
- « Simon le Magicien, à toutes rencontres, réduit
« à quia par saint Pierre, lui en voulait à mort, et avait
« dressé un gros chien pour le harceler et le mordre.

« Un jour, saint Pi, erre devait sè rendre dlez Marcellus,
(1) Les Flandres possèdent aussi un saint Irlandais Fo-

rannan,dont l'étole est employée contre la rage.
(2) St. Math. XVI. 18-19 .

215 _ .
t disciple de Simon. Apprenant cela, Simon attacha

« son -chien à la porte de la maison. Saint Pierre se
« présenta, et, ?- la vue du chien furieux, fit le signe de
« la .croix. Aussitôt le chien, libéré de sa chaîne, se prît

« à caresser saint Pierre, puis sauta sur son maître
« pour le dévorer.
« Un autre jour, en présence de Néron, saint Pierre
« vit Simon. s'approcher de lui , accompagné de deux
« chiens qu'il ex-citai.t. 'Les chiens, fouaillés , se préci­
(1 pitèrent, Hvec rage, snrS

Pierre; mais ceIlli-ci leur
« ]Yrésenta des morceaux de p«in d'orge qu'il avait
« préaülblernent bénis et cachés dans sa manche ; et,
« aussitôt, les chiens s'· enfuirent. »
De là, cette croyance populaire que le pain bénit fait
crever les chiens.
Dans cette légende, le pouvoir de saint Pierre s'exerce
au moyen du signe de la croix et du pain bénit, rite et
objet conimuns _ .à plusieurs autres saints protecteurs

ou guensseurs .
Le pain était, autrefois, beaucoup employé, dans les
pratiques populaires de saint Tugen, pour se préserver

des chiens enragés. On l'employait aussi à Rome, après
l'avoir t.rempé dans l 'huile de saint Guy .

Ill. - Les clés de saint Pierre

M. de Blois, rép.ondant à la question de J'Association
bretonne, indique l'origine des clés de saint Pierre (1) .
- « Les Papes ont été dans l'usage d'envoyer, aux

« personnes notables, princes ou pontifes, auxquels ils .
« voulaient donner des témoignages de leur considéra-

« tiot:!, des clés d'or qui se portaient suspendues au
(1) Associa.tion bretonne 1873, p. 66.

- 216 --"
« " col (1). Ces clés regardées comme des reliques, non
« seulement parce qu'elles étaient un présent du Sou­
« verain Pontife ; mais parœ qu'on mêlait à l'or, dont
« elles étaient forgées, de la limaille-des chaînes de
« saint Pierre et saint " Paul on les nommait pour cela

« Clefs de saint Pierre, et surtout parce qu'elles repro-
« duisaient la forme des clefs dela porte d'entrée d, e la
« "crypte de la, Basilique Romaine, appelé:e la Contes-
« sion de saint Pierre. » "

Mgr Barbier de Montault est plus explicite : "
-- « C'étaient les clefs même de la: confession de saint
« ~Pier1'e qui étaient envoyées en présent et elles con­
« tenaient de la limaille des chaînes de saint Pierre.

« On avait foi en ces clefs qui provenaient de Rome,
« soit qu'elles eussent servi à ouvrir et fermer la: Con­
« fession de saint Pierre, soit qu'elles eussent été fai­
« tes à l' imitation d'e celles-ci et remplies de limaille, "
. « ou qu' elles eussent été " simplement aèposées sur le

(c corps de l'apôtre. Des unes et des auttes se dégageait "
(c une vertu secrète qui motivait la. confiance et aug-
« mentait la dévotion. .
« Or, là où l'on pouvait obtenir une de ces clefs salu­
« tair, es, c'était une vraie " fortun e. Mais, ailleurs, on
« se contentait, tantôt d'une parcelle de la clef authen­
« tique, tantôt d'une imitation que l'on av, ait sanctifiée
(c par le contact avec la clef envoy ée par le Souverain
« Pontife, à un tiers plus favorisé. (2).
La bénédiction des petites clés de plomb de saint Tu­
gen, se fait, de même, par le contact avec la clé miracu­
. leuse du saint. C', est l'un de ses rites.

(1) L'empereur Justin, Charles Martèl, Charlemagne et
le roi Alph onse d e Castille r-eçurent de ces clés,
(2) (Cf. Mgr Barbier de Montault. )

- 217
L'attribut de saint Pierre pour guérir de la rage est
bien une dé. Une vraie dé. Mgr Barbier de Montault
cite une dizaine de lücalités qui possèdent de .ces clés de
saint Pierre servant à guérir de la rage (1). .
Cependarit la clé de fer conservée dans l'Eglise abba­
tiale de Lodi Vecchio, en Italie, a une forme tout autre.
Longue de 0 m. 03, elle ressemble à une vrille munie
d'un anneaU, avec une tige tordue et un renflement à la
point, e. Il serait bien difficile d'en préciser l'époque,
comme aussi d'affirmer que ce fut une clé à l'origine . .
Cett, e dé aurait sa lég, ende rapportée dans un manus­
crit du XIIe siècle. ' D'après oe manuscrit, l'Eglise de

Lodi , aurait été dédiée, parles apôtres saint Jean et sain~
Jacques, sous le voc !,ble de la Vierge .et de saint Pierre.
Plus tard, le pape saint Sylvestre, en présence de sainte

Hélène, l'aurait consacrée à l'aide d'une clé particu-
lière, faite sur un modèle de la clé du Para:dis apportée
du ciel par un a:nqe. Dès lors, la clé, posée sur l'autel,

en vertu du même pouvoir de délier conféré à saint
Pierre, guérissait : _

Les démoniaques, en faisant, avec elle, le signe de
la croix sur l, es malades ;.

Les 81lragés, en les touchant seulement de la clé.
Le texte même de l, a; légende affirme positiv'ement qu'elle
guérissait de la rage déclarée :
Si quispat.iens malum rabiei tuerit, tactus illâ clave,
liberabitur.
. En 1653, la légende de la clé de Lodi av, a. it déjà va­
rié : la clé venait de JérUsalem apportée par sainte Hé-

lène. La légende de l'ange desCBndu du ciel apportant
la dé, avait disparu . Mais, peu d'.~nnées après, elle se .
retrouve .... à Saint-Tugen.

(1) Mgr de Montault. - ln les clés de saint Pierre , et de
saint Hubert. 1878.

--- 2-18 -

IV. La clé de saint Hubert

La légende dit que saint Hubert, lors de sa consécra-:­
tion, priant devant la Confession de saint Pierre, vit
appar"aîti'e le Prince des Apôtr, es qui lui remit une clé
d'or, .con:llne signe de sa puissanoe de lier et de délier,
ainsi que de guérir les fous et les furieux.
Mgr Barbier de Moritault explique cette légende en
disant que ce n'est pas saint Pierre, se manifestant, qui
remit directement la clé, mais Pierre vivant en son suc-
cesseur.

A l'origine, la dé de saint Hubert, venue de Rome,
était donc une vraie dé de saint Pierre. Mais La, dévo­ tion populaire, oubliant cette provenance, et ne son­
geant qu'au saint sur la tombe duquel elle venait prier,
l'appela simplement: Clé de sain~ Hubert. .
Cette clé a disparu, on n', en a même pas le dessin.
Mais on trouve encore des dés dites de saint · Hubert
dans plusieurs , chapelles à son vocable.
La dé actuelle de saint Hubert en Ardennes (Belgi-
œ · / que), n'a plus d'une dé que le nom. C'est un fer coni~
. que de 0 m. 10 de long, sur 0 Hl. 05 · d'épaisseur auquel
s'adapte un disque, ou sceau, marqué d'un cm'net de

chasse. Le sceau rappelle que saint Hubert fut chas-

seur, Cette clé, rougie au feu et appliquée sur le front
d'animaux rriordus, les préserve de la rage:
On bénit de petits COTS de ter ou de plomb qui servent
soit à préserver de la rage, ou à rappeler la visite de
dévotion, ou autre, faite à la chapelle du saint . L'Usage
de ces clés , est sOumis à un rite et des prières spéCiales.
Il semble qu'il , existe une lointaine .analogie entre les
clés de saint Tugen et celles de saint Hubert. Ce n'est
pas réel ; car l'origine, les pouvoirs, les usages, les ri­
les, en sont tout à fait différents.

- 219-

V. Les saints de l'Eglise Scoto=Bretonne

L'origine des pouvoirs de saint Patriüe, l'apôtre de
l'Irlande, se trouve dans le texte de l'Evangile de saint
Marc (1), où pouvoir est donné aux apôtres de guérir,
et' de chasser les démons .

Les autres saints l'ont reçu de saint Patrice lui-même,
ou de leur ordination.
D'après la croyance populaire, à part saint Patrice,
les saints scata-bretons préservent seulement de la rage .
mais n'en guérissent pas.
L'Eglise Scota-bretonne a été créée surtout par les
moines. Leur action ne s'étendait pas au-delà des limi-

tes de leurs monastères, ou de lefus Plou ou Trev, s'ils
étai.ent conducteurs d'émigrations. De même, après
leur canonisation populaire, leurs pouvoirs ont été limi- .
tés, en quelque sort.e, · à leurs anciens territoires, dont
ils sont devenus les protecteurs attitrés. Ainsi la.
croyance popuÜtire a spécifié etbQrné la qualité et l'é­
tendue de ces pouvoirs .
. L'Eglise Scoto-bretonne, comme l'Eglise ' latine,
avait, sans doute, ses formules et ses objets rituels pro­
pres, pour honorer ses saints et invoquer leurs pou-

vOlrs. .

Avait-elle, anciennement, des rites spéciaux pour la
rage? Comment intercédait-on près de saint Patrice,
de saint Tugen, de saint Gildas? Rien ne le fait actuelle-

ment soupçonner ' en Bretagne.
Mais il faut rappeler que les gr, ands saints d'autre-

fois, Patrice, Guénolé et autres, biographiés par le

P. Albert Le Grand, se · mettaient en prières pour opé-
rer leurs miracles, et, faisant le signe de la croix, gué­
. rissaient .

(1) Saint Marc, III. 13-14-15 .

- 220-
Cependant, saint Guénolé, pour guérir une morSUfll
de serpent, se servit d'un mélange d'eau et d'huile qu'il
bénit et donna à boire au patient (1) . Alberfle Grand
dit, au contraire qu'il oignit et frotta la morsure d'huile
sainte . Dans les .deux cas, c'étaient des remèdes qui
recevaient leur efficacité de la bénédiction du saint.
L'emploi de -remèdes est une exception dans l'ancienne

hagiographie bretonne-insulaire.
Il est donc probable que le princip, .ll, peut-être J e
seul rüe efficient était le signe de la croix.
Si des formules spéciales 'et des objets rituels parti­
culiers ont existé, il n'en reste plus même le souvenir.
Trois époques principales de l'Histoire cle la Breta-
gne ont contribu~ à lès faire disparaître : .
. 1 ° La réforme monastique de Louis le Débonnaire, au
IX" siècle ; , .
2° Les grandes invasions normandes, au XG sièdé ,
3° La suppression des droits Jllétropolita~ns de l'E-
. glise de Dol, au XIIIe siècle. .
Dès lors, disparut lB vi· eux culte national, d'origine .
scotique . Il fut remplacé, peu à peu, par les usages de

l'Eglise Romaine, que l'on trouve dans le culte actuel
de saint Tugen.
VI. Saint Patrice

L' Eglise Scotique reconnaissait, à saint Patrice, le
pouvoir le plus absolu, pour délivrer la province d' Ir-

lande de toutes bêtes venimeuses, et guérir de toutei>

morsures. Ce pouvoir lui était commun, avec plusieurs
autres grands saints bretons-insulaires, tels que saint
Guénolé, bien que celui-ci ne guérÏ~sait pas spéciale­
ment de la rage .

(1) Ca rt ulaire de Landévennec, p. 37).

- 22'1 -
Mais l'Eglis· e Romaine regarde saint Patrice seule­
ment comme saint auxiliaire, et son nom est toujour;:;
invo'qué -en même temps que celui d'un autre saint spé­
cial. Ainsi, dans le Tarn, commune de Milhau, regis­
tres des actes de la catholicité de '1709, existe une for­
mule ·de bénédiction du pain de saint; Hubert contre la
rage, dans l.aquelle les noms de saint Hubert et de saint
Patrice sont invoqués (i ).
, Chose .curieuse : cette formule contient aussi le cri '
de détresse Héli ! Héli! poussé par saint Patrjr::~, 'tians
une forêt déserte de l'Angleterre, après avoir fui l'Ir­
lande, lorsqu'une nuit,. dans son sommeil il se trouva
tenté et molesté par I· e démon (2). A remarquer aussi

. que le nom du chef chez qui Patrice .avait garà8 le::-

troupeaux et qu'il fuyait, s'appelait Milhu, même nom
que Mil/wu. , paroisse où s'est trouvée la formule .

La Revue des Traditions populaires (3), sous la signa-
ture de C. Savoye, donne un remède contre la rage, où

les pouvoirs de saint Patrice sont bien définis, ainsi
qu'une allusion à un fait de la vie de saint Paul, COill-
pagnon inséparable de saint Pierre. .
Voici le texte :
- c c Dans le Beaujolais, une famille administrait un
« remMe contr· e la rage. Le malade à genoux, . tenait
(( flans ses mains un verr· e d'eau dans lequel on avait
(( m is une dent de poisson trouvée à Malte. Pendant que
(( le patient avalait dévotement le liquide, le guérisseur

(( réci tait cette oraison :
- c( o. N. S. J. C. qui, -envoyant prêcher votre saint
(( Evangile par vos apôtres et disciples, leur donnâtes
(1) Cette formule a été communiquée par M.
, Pottier, à Mgr Barbier ùe Monta'ult.

le· chanoine

. (2) ln Légende Celtique, p. 19 .

(3) Rev. Trad. pop. avril '1900, p. 228 .

- 222 -

« pouvoir à eux et à leurs successeurs, qui feront COIl­
« fession de votre saint nom, puissance sur les démons
« et de guérir loutes sortes de maladies, et qui av- ez, à
« la s'Ltpplication de saint Patrice, e:r;empté la province
« cl' Irlande de l' habitation ou infection de toutes bêtes
« venimeuses et donné santé à lJ lwsieurs personnes qui
« auraient été mordues ou blessées de serpents, vipè­
« 1 'es, chiens, loups enragés et autres animaux veni­ « meux. Plaise à vous par les mérites de saint Patrice
« d'envoyer santé et guérison à votr, e serviteur N ... qui
« a été mordu, et que la morsure non plus faire de mal,
« ni nuire, que la blessure d'une vipère à saint Paul,
« prédicateur de votre Evangile, en l isle de Malte,

« lorsqu'il était mené prisonnier à Rome, pour le con-
« fondre de votre saint nom et par les mérites de votr, e
« mort et passion : qui vivez et régnez, et, c. »
VI. Saint Gîldas
Le pouvoirs de saint Gildas sont les mêmes que ceux
de saint Tugen : ils préservent des chiens enragés. .
Leurs légendes aussi se confondent. Cela provient de
ce que le P. Albert Le Grand a dépouillé deux grands
. saints du Cap-Sizun, de leurs légendes propres, pour
les attribuer à Gildas et à Triphine. Ces légendes sont
celles d- e saint Tugen et de sa sœur, p1.1is celle de sainte
Evette, naufragée à Plozévet , sur la baie d'Audierne,
territoire qu'il place au pays de Vannes, in plebe S. De-
metrii Venelensis diocesi (1). .
La légende de saint Gildas, recueill ie à Laniscat (CÔ­
te~-clu-Nord) , près de sa chapelle, vient compléter l'em­
prunt fait par le P . Albert Le Grand, aux traditions d u -
Cap-Sizun. .

'J ) Le P. Albert 'Le Gra,nd. - Vie de saint Gildas .

- 223
Voici cette légende (1) :
On rapporte, dans le pays de Goarec, que saint Guel-
tas, ou Gildas, avait, pour nièce, sainte Trifine. D'au­
tres disent que c'était sa pupille, et qu'il en avait la
garde. (Comme saint Tugen pour sa sœur).
Contre le gré du solitaire, la Jeune fille épousa le
comte Comorre .

Si cette union fut malheureuse, tout le monde le sait.
Il paraît donc que, lorsque Trifine, malgré Gueltas,
se maria, ce dernier s'écria:
-- « Gwel, ganen: mired chass klanv, evit merc' hed
« r iouank. ))
- « .J 'aimerais mieux garder des chiens enragés que
« des jeunes filles. »

Ce sont, à peu près, les mêmes paroles, prononcées
par saint .Tugen, en s'apercevant que son vœu de sau- .
vegarder la virginité de sa sœur qu'il ,avait vouée à

Dieu, n'avait pu s'accomplir jusqu'au bout:
- « Gueloc' have, ganin, komandi eur vanden chass
« klaon, evit eUT va()Uez. ))
« Mieux vaudrait, pour moi, commander une
« bande de chiens enragés, qu'une seule femme. ))
Voici maintenant, en résumé, le récit du P. Albert Le

Grand:

Dans la vie de saint Gildas, Guerok, comte de Vannes,
avait refusé, à Comorre,comte de Cornouaille, sa fille
Tri6ne, en mari, age . . Saint Gildas, pour entretenir la
paix en tr· e les deux princes, puis à la demande de Co­
morre, s'entremit ; ' et, sur ses instances, Guerok COll-
sentit au mariage : . « cl telle condition toutefois que,
« si le cor'hte de Comouâille maltmitait sa fille, Gildas
« s'obligeait à la lui umcZre )) .

(1) Cf : Lionel Bonnemère. Lettre du 1

. septembre
1895. -' Légende dite par Joseph Noël, sabotier, à Laniscat .

- 224-

Le saint promit de faire.
Après que Comone eut, d', après le P. Albert Le Grand,
coupé la tête à Triphine, Guérok alla, vers Gildas le
sommer de tenir sa promesse (c lui rendant sa fille en

VIe. »

lei le P. Albert Le Grand, paraphrasant la légende,

aurait pu mettre dans la bouche de Gildas, l'excLama-,
tion même de saint Tugen :
- (c Mieux vaut commander une bande de chiens en- '

ragés, que garder une femme ... entre les mains de Co-

morre. »
Mais plus heureux que saint Tugen, saint Gildas pùt
aocomplir sa promesse. Il prit La tête de Triphine, la
remit en place, et la sainte retourna à la vie.
Triphine en remercia Gildas et protes.a que jamais

. elle n'abandonnerait le saint. .
,Mais Gildas s'écria: «Non! ma tille, il S'erait mes-
séant de VOiT une tille suivre un mayne... »
Ce dernier lrait est la reproduction de la légende de
sainte Evette. '

Saint Démet et sainte Ev,ette, frèf.€ et sœur, avaient
été sauvés, par miracle, d'un naufrage, à la côte de
Plovézet. Aussitôt le saint se mit à construire son ermi­
tage, et, appelé).nt sa sœur, lui dit d'aller elle-même,

plus loin, bâtir sa üabane' ; car « Il n'était pas can-
( c venable de voir un saint et une sainte taire leuT péni- .
cc tence sous l'e même toit. »

Ces deux légendes, attribuées à des personnages .
contemporains, font un , anachronisme d'un siècle el
demi. Cette erreur disparaîtrait, si, , comme le P. Albert
Le Grand, on admettait deux Gildas : l'un, hibernois,
chanceher du Roy Gradlon ; l'autre, saint Gildas . Le
Sage, ,de l'époque des petits saints cl' Irlande.
Il existe un point de contact indéniable, entre ces

- 225 .
lé@endes du Cap-Sizun, et · celles de Lo.niscat et du
P. Albert Le Grand. .

Ce n'est pas tOut.
üans un voisinage assez rapproché de la chapelle de
saint Tugen, se trouvent encore quatre chapelles aux
vocables de personnages cités par le P. Albert Le
Grand, dans la vie de saillt Gil,das. · Ce sont: au sud-est,
sai. nt Démet, en Plozévet; sainte Evette, en Esquibien ;
puis, au nord-ouest, saint Trémeur, de Cléden, et, sous
le nom de sa mère, le village de Les-Trifine, en Plogoff.
Ces rapprochements légendaires et topographiques
demanderaient une étude approfondie qui, certaine-

ment apporterait de nouvelles données à l'hagiogra-
phie locale. Mais les documents, pour entreprendre
cette étude, n'existent pas dans la région.
. Saint Gildas exerce aussi sa protection sur les bêtes.
Sa chapelle de Laniscat est située sur une masse ro­
cheuse ,assez escarpée. Au pied de la colline qui la por­
te, se trouve une source, ou fontaine sacrée, surmontée

d'un édicule sans caractèr, e. L'eau qui en sort était,
autrefois, recueillie dans trois bassins contigus : le pre­
mier, pour les chiens, le deuxième est pour les chats, et
le dernier, pour saint Gildas. L'auge des chats n'exfSlt
plus. Le 29 j, anvier, fête de saint Gildas, on y amène les
chiens pour les préserver de toutes les maladies. POur
cela, on plongeait les malheureuses bêtes, d'abord dans
le premier bassin, et aussitôt dans celui du saint. Jadis
on y apportait aussi les chats (1) .
Saint Gildas possède encore une chapelle près de Pen­
vénan, dans l'île qui porte son nom. Tous les ehiens en­
ragés qui y prennent terre, crèvent par le pouvoir du
saint. Le pardon de la , chapelle a lieu le jour de la Pen-
tecôte. Il est d'usage d'apporter, à la chapelle du pain

(1) Cf : Lionel Bonnemère.

- 226

que l'on frotte contre la statue du saint, après l'avoir
offert au chien couché au pied de la statue. Ce pain pré­
serve de la morsure des chiens enragés, durant toute
. l'année, les hommes et les bêtes qui en ont mangé .
La Staiice armeria est appelée, à Penvénan, la fleur
de saint Güdas (1).

VII.

- Sain t Tugen
Le pouvoir de saint Tugen lui vient de saint Patrice.
Son culte a son origine propre ; il n'a rj· en de COn1-
mim avec celui de saint Pierre, ou celui de saint Hubert,
qui en dérive.

En effet, l'église de Saint-Tugen ne possède aucune
relique de saint Pierre ; des sept pardons qui s'y te­ naient anciennement, aucun ne commémore une fête du
Prince des Apôtres ; sa clé n'est pas exposée à la fête

de s.a. int Pierre ès Liens, comme plusieurs de celles qui
contiennent de la limaille des chaînes. .

Saint Tugen est donc, par son origine et clans ses
attributions, un saint exclusivement Scot. Nous ne
croyons pas que le cartouche, ornant l'autel de N.-D .

de Pitié, et représentant saint Pierre, in cathedrâ, avec

la clé et le coq pour attributs, suffise pour aller à l'en·

contre de cette proposition.
Son pouvoir, comme abbé régionnaire, s'exerce seule­ ment sur le territoire de sa trève. Mais il se manifeste,
partout ailleurs (2), au moyen des dés de s0'n pardon,
(1)' Revue des Traditions populaires, 1888-1892. Cf. G. Le
Calv, ez. . . .
(2) Il est même connu en Italie. M. Claquin, r ecteur de
Primel~n , nous a co-m~uniqué plusieurs lettres , de 1906 à
]912, .reclama~t des cles d, e· saint Tugen. Une, entre 'autre,
de VIterbe, ou, au monastère de la Du. chassa, la Mère
Maria Benedetta, gl~abataire depuis 1861 avait confiance
qu'elle en obtiendrait · soulagement. Le 'bourg àe Salnt­ Tug.en a eu , aussi, une gl~abataire , édifiante, mo'rte en
1733. Nous en parlerons dans la 3

partie de cette petite
chroniqu, e.

- 221-

bénites par le toucher de la Clé miraculeuse. Parmi les
saints Scots invoqués pour la rage, c'est le plus gr, and, '
puisqu'il a manif.esté son pouvoir, là même où com­
mande saint Gildas: de Lanniscat, à Noyal et à la grande
forêt de Branguilli . C'est affirmé par le Cantique des
Miracles, de la.. seconde moitié du XVIIe siècle.
Saint Tugen est surtout invoqué pour la rage ; c'est
sa spécialité. Mais il est si haut placé au ciel, que, par
son intercession, on peut obtenir toutes sortes de grâ­ ces, sur terre et sur mer. Pour cela, il suffit de porter,
sur soi, la dé bénite de son pardon et de l'invoquer.
Mais 1111e cond ition essentielle, c'est d'avoir une foi ab­
sol ueen son pouvoir; sinon on n'obtient rien. L'anti­
CJue tr, adition est formelle là-·dessus.
Attributs cultuels " -
Tugen, sont :

Les attribu ts cultuels de saint

La dé miraculeuse,enfermée dans son reliquaire

en argent, ou en métal argenté, en forme de dé ;
2° Une petile capse oval, e,çontenant une r, elique de
saint Tugen.
Ces deux ohjets servent à bénir l, es petites clés clu
parclon, et, naguère, le pain cle la clé. La bénédiction
solennelle leur est donnée p, ar le prêt~e, vêtu du surplis
et de l'étole blanche, après la procession du pardon.
Elle consiste à toucher, avec la clé miraculeuse et le
reliquaire, les objets à bénir, en faisant le signe de la
croix. Cette cérémonie est absolument gratuite. Du
reste, par ailleurs, l, e clergé est complètement étranger
au wrnmerce de ces petites clés qui sont fabriquées et
vendues par des marchands de Pont-Croix.

Les pèlerins attardés qui n'ont pu obtenir la béné­
diction solenneUe de leurs dés, croient pouvoir la rern-
placer par cette pratique : ils frottent leurs petites clés

. contre le dos du chien qui est à gauche de la statue du
saint, et cela, dans l, eur pensée, suffit.
L'on a dit que la seule r€lique d€ saint Tugen, une
dent, était -enfermée d.ans un reliquaire , en argent, en
forme de machoire, et monté sur un pied en vermeil:

A ce propos; l'exœllent recteur de Primelin nous

écrit :
- « Le reliquair, e de saint Tugen €st une capse en .
« vieil argent, renfermant un ossement, vén, éré de
« temps immémorial, comme relique de saint Tugen ;
« mais cette r€lique n'est pas une dent. »

D'où vierit la clé mimculeuse ?
Le Cantique des Miracles dit :

- « Cette dé, chrétiens, a été apportée à saint Tu-
« gen, par un ange du firmament", quand le saint était

« en pnere. »
C'est là, probablement un emprunt fait à la légendr:l-

de Lodi-Vecchio, vers 1662, lorsque fut au:;;~ ~~TFiÙ ia
clé de la relique, clé son reliquaire en argent, et, pour
la première fois, touché la clet et les reliques de saint
Tugen, au peuple,. le" j our du grand pw'clon. Alors,
aussi, furent créées les p· etites clés en plomb, irriitant le
reliquaire neuf, peut-être , aussi en souvenir de celle~
de saint Hubert. ..

En cetle. année 1662, Michel Le Corœ, chargé de d€s-

servir les fondations de Saint-Tugen, devint recteur de
Primelin ; €i messire Ollivier du Louet, seigneur de la
. Rive, archid iacre et chanoine de Cornouaille, fut aussi,

le 26 mars, en l'église de Saint-Tugen, le parrain de
Joseph-Olivier du Ménez Lézurec. N'y a-t-il pas eu en­
tente entre ces deux personnages pour la nouvelle dota-

tion d'attribut à la chapelle de Saint-Tugen ? L€ur .cor-
respondance, si. ell€ existe, éclaircirait oe point d'his­
toire locale .

- 229

Du rapprochement 'des deux légendes, il ressort que

'la chapelle de Saint-Tugen a été plus favorisée que
celle de Lodi. A celle-ci l'ange a apporté, pour modèle
seulement, la clé du Paradis; à Saint-Tugen, au con­
traire, la clé elle-même, apportée par l'ange, est restée;
c'est le cantique des miracles qui l'affirme.
Voici ce que dit Mgr Barbier de Monta:ult, au sujet de
la clé miraculeuse de saint Tugen :
- « L'iconographie de saint Tugen rend parfaitement
. cc compte de son pouvoir, car il a pour attributs spé­ cc claux, la clef et le chien . Cette def serait miraculeuse
c c dans ses effets et aussi son origine, puisqu'elle vien­
cc drait du Ciel ; en conséquence la vénère-t-on comme
c c une relique... Cette clé , est un poinçon de fer, long
« de ~luatorze . centimètres, muni d'uIle poignée en for- .

« me de double volute r, entrante. Il serait difficile d'en
« préciser la date. Mais il y a là comme la rédUctioIJ
Il d'un tau abbatial, ce qui viendrait eri confirmation
« de la trad.ition qui fait de saint Tugen un abbé.
« Les clés, bénies et sanctifiées par l'attouchen" .
« de la clef de saint Tugen ... ont le tort de ne pas re­
« produire strictement l'original. C'est une clef or6i­
c c naire, de quatre centimètres, av, ec un anneau rond,
c c une tige décorée de feuillages en spirale et, sur son
« pourtour,' les ' initiales S. T. »

Après cette définition, l'on peut conclure que la clé
miraculeuse est une imitation du tau abbatlal {ie 8aint­
Tugen ; et l'enseigne du pardon, la dé de plomb, une
imitation du reliquaire en argent.
Ces dés n'ont, par suite, rien de commun avec les
clés de saint Pierre et de saint Hubert, que le nom, qui
est ainsi généralisé.

Epingl es de saint Tugen. Avant la dé de plomb,
existait une autre enseigne du pardon, aujourd'hui dis-
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉO. - TOME XLIII (Mémoire 16)

230 -
parue. C'était l'épingle de saint Tugen., spillen sant
Tugen. Nous en avons vu quelques-unes conservées
dans les plus vieilles familles de la trève ; en 1892,
un marchand en a encore mises en vente, au pardon.'
. Cette enseigne est une épingl, e en laiton, ou fil de f.er,
de quatre centimètres, se terminant, en tête, par une
seule volute, au heu deJa double volute de la clé mira­
culeuse. Mais, telles que nous les ,avons vues, ces épin-

gles étaient une imitation de la clé même de sàint Tu-
gen. Elles se bénissaient comme les petites clés de
plomb. '
Pain de la clé. C'étaient de petits pains, sans le-

vain, bara an alte, que l'on bénissait aussi le jour du

. grand pardon. La bénédiction leur était donnée en les
piquant avec la clé miraculeuse. Ces pains, bénits, se

conservaient indéfiniment sans moisir. Sur les instanoes
qui nous on t ,été faites, nous en avons déposé un, en
1891, au musée départemental. Ce pain, long de 0 m. 13
et large de 0 111 . 06, arrondi aux extrémités, portait,
sur le côté, la marque de la piqûre. Ii venait de Ker­
laouen, en la trève de Saint-Tügen, et avait environ
soixante années de date.
C'est regrettable que ce témoin de l'une de nos vi,eil~
les croyances bretonnes ait, tout récemment, disparu
de la vitrine où MM. Luzel et de la Villemarqué l'avaient
. déposé.
Pouvoirs du saint. Quels sont les pouvoirs de saint
Tugen contre la r,age ?
La tradition populaire le dit tout puissant contre tou-

tes formes de rage: e-elle des dents, la rage des combats
et .celle des chiens. . .
Rage di e . dents. Autrefois, l'on aurait appliqué,
sur la dent malade, la mâchoire et la dent de saint Tu-

_ . 231.

gen. Il est probable que c'était plutôt le reliquaire en
argent de la clé miraculeuse et la petite capse que l'on
y appliquait, et que le patient aurait mal vus, le~ pre- .
nant pour la mâchoire , et la dent du saint.
Aujourd'hui l'on se contente, un lundi ou un ven~

dredi, de balayer la chapelle du saint, en ayant bien
garde de jeter la poussière du -côté sous le vent, sinon
le mal re.doublerait. Il n'y a pas de balai spécial pour
o~tte opération. Ordinairem, ent, on le prend dans une
auberge du bourg, cependant les jeunes filles d'Au­
([Jerne apportent, de , chez eUes, un balai neuf. Le ba­
layage . peut se . f, aire par procuration; on charge,
de la besoigne, moyennant quelques sous, une
de ces bonnes femmes réputées pour connŒî­
t1'e ce qui est des saints, a oar d'oc' h ar zent. Elles vi­
dent aussi la fontaine de Saint-Tugen.
Les jours fastes où. la vertu. du saint opère contre les
maux de depts s_ ont une réminiscence païenne : le lundi,
dies lunœ, .le vendredi, dies ven6ris.

. Un petit morceau de pain de la clé d, e saint Tugen,
bara an alte, appliqué sur la dent, guérissait aussi le
mal. Dans cette pratiqUe, on faisait, au saint, une
prière conditionnelle: balayer sa chapelle, si l'on était

guen.

Rage des combats . Saint Tugen modère aussi la
rage des combattants: Cetle eroyanee a donné lien fl
plusieurs usages.

Autflefois, chaque paroisse amenait, au pardon de
saint Tugen, ses meilleurs lutteurs, pour soutenir sa
prépondérance physique, et montrer qu'elle avait les
plus forts gâs de toute la région. Les luttes étaient mi-
ses sous la protection du saint. .

Il existait aussi un usage bien touchant, que' nous
avons relevé dans les comptes de 1537 et 1538. Saint

232 -
Tugen apportait la réconciliation au lit des mourants.
Une croyance populaire, aujourd'hui encore bien vi­
vante, dit qu'un moribond restera en agonie et cette
àgonie sera terrible, jusqu'à ce qu'il ait pardonné, ou

qu'il ait lui-même reçu son pa. rdon. Il faut que son
adversaire dise, même étant éloigné de la maison du
malade: « Je lui pardonne! », ou bien, si c'estl'ad­
versaire qui a eu tort, qu'il vienne dire au malade : -
« J'ai eu tort ! pardonne !» Aussitôt l, a, parole de
pardon prononcée, ou même le seuil de la maison fran­
chi, le malade meurt dans le , calme et sans souffrance. .

A saint Tugtm, si la réconciliation n'avait pas lieu, si
l'une des parties s'y refusait, l'autre faisait porter à
sa partie adverse les reliques de saint Tugen . Voici une
des mentions du compte de 1537 :
- . Item se cherge dauoir repceu de Yvon Le Guac
pour avoir administré les reliques à sa partie aduersse
à sa requête, '3 s, 4 d .

La rage. -- La rage, dlle aussj, du nom des saints

qui ont pouvojr contre elLe : mal de saint Gildas, mal
de saint Hubert, et mal de saint Tugen, reconnaissait,

autrefois, trois degrés, ou trois catégories:
Ar gounnar red : la rage blanche, où l'animal enragé
écume, mmd et court ; .
Ar gounnaT vud : la rage müe, où l',animal écume et
ne mord point ;
Ar gounnar asten : la rage qui fait trembler, allongé
. par terre. .
Dans chacun des - cas, surviennent des aüeès, ou gam­ mes, qui, se rapprochant, et se renforçant, amènent la
mort. .
Saint Tugen ne guérit pas la rage, comme le font les
saints de l'Eglise latine . Il préserve seulement de la
niorsure des chiens enragés, et des suit1 es de la morsure,

233
. s'il est invoqué à temps. Ma· is il n'a aucune action con­
tre la rage déclarée, lorsque }es gamines ont conunencé. ·

Chiens enragés . Lorsqu'on rencontre un chien en-

ragé dans l'un des états ci-dessus, il faut saisir la petite
clé bénite du pardon, que l'on doit toujours · avoir sur
soi ; faire avec cette clé, le signe de la croix et la jeter
devant le chien . C'est d'une simplicité toute primitive.
Le chien se précipit.ant, se couchera sur elle, la broiera
entre ses dents, écumant · et rageant. Pendant ce temps
vous aurez le temps de vous sauver : Saint Tugen aura

commandé au · chien de s'arrêter. C'est ainsi qu'il vous

aura preserve.
Autrefois, on se servait encore du pain de la clé,
qu'on devait aussi jeter devant le chien enragé. Le
chien se couchait dessus pour mourir.
On pouvait suppléer au pa~n de la clé, en prenant un
morœau {l· e pain.d'orge qu'on piquait avec l'épingle du
pardon, avant de le jeter au chien. Il ét.ait donc pru­
dent de garder une croûte de pain noir (1), de son dîner,
pour le retirer de sa manche ou de sa poche, et le bénir
par l'épingle, à l'occasion. Le pain béni par .la piqûre
de l'épingle avait le même pouvoir que le pain de la clé.
Cette légende, en quelque sorte, rappelle celle de
Jacques de Voragine.

Personnes mm'dues. Saint Tugen, d'après la lé-
gende,commande aux chiens enragés d'accourir, vers
sa chapelle, avant de mourir. Ils ont à lui rendre compte
de leurs méfaits, afin qu'il puisse en prévenir l, es con-

sequences.

(1) Le pain noir est très employé dans les pratiques su­
perstitieuses locales. A Audierne surtout, et dans le Cap,
les bonnes femmes qui portent l'enfant au baptême, ont
soin de cacher, dans leur maI1che, une croûte de pain noir,
pour préserver l'enfant du mauvais œil.

- 234
Les personnes mordues doivent aussi accourir à sa
chapelle, pour prier le saint d'intercéq, er'pour eux.
Si elles ont devancé le chien, saint Tugen a tout pou­
voir pour écarter d'eUes la rage qui ne s'est pas encore
déclarée.
. Si, au contraire, le chien a passé avant elles, il a
menti à saint Tugen, pour cacher ses méfaits. Le
Saint, ignorant alors le mal, ne peut pas le prévenir.
Cette croyance au chien attiré vers la , trève de saint
Tugen, avant de mourir, est basée sur l'observation.
. Le Cap-Sizun reçoit, plus fréquemment que les autres
p, ays, la visite de chiens , enragés. Quand on en signale
ailleurs, surtout dans l'arrondissement de Châteaulln,
il est rare qu'on ne les retrouve, quelques jours après,
dans le Cap-Sizun. C'est une question de configuration
territoriale . Le Cap est relié au continent par une par­
tie de sa base seulement, du coude de l'estuair, e d'Au­
dierne, à la baie de Douarnenez. C'est une bande de
terre, large de trois kilomètres, formant comme un
pont, pour y pénétrer. Les chiens enragés, qui
ont franchi ce pont, s'ébattent sur toute l'étendue du
Cap-Sizun, ne trouvant plus d'issue pour en sortir. Ils
courent à droite, à gauche, et s'affolent de plus en plus.
La plaine de saint Tugen s'étale devanf eux ; leur
course devient plus effrénée, leur rage s'accroît et ils
meurent .
Culte de saint Tugen . -- La dévotion à saint Tugen
est l'une des plus anciennes et des plus vives de la Bre-
tagne . .
Son église, d'après un document de la Fabrique, -

« est si antique, que l'on ne trouve aulcuns tiltœs, mé-
« moires, ny instruction quand à l, a première fonda­
« tion. »
C'est que le vocable doit remonter à l'occupation bre-

- 235 -
tonne-insulaire, à la , canonisation populaire du saint.
L'église n'est donc pas de fondation seigneuriale .

Un acte du 4 février 1418 justifie qu'eUe a été trévia"le
de tous t6mps. Quatre actes de 1437, 1513, 1520, 1530,
le .confirment encore.
« Au temps de la publication des monitôires des
« 17 septembre 1524 'et 1

mai 1534, et longtemps au­
(c pa. ravant, il se dis oit prosne et grand'messe en la dite
« église tl;éviale de Saint-Tugen" et il y avoit dès lors .
« nombre de prestres, et encore à présent davantaige,
« a. vecq de très beaux ornements, ce qui ne se fait pas
« en une simple ·chapelle quelque revenu qu'il y ait. »
EUe fut baptismale jusqu'en 1537, où a été démoli
le fond baptismal, pour la r, estauration de la .chapelle.
Des vitres blanches garnissaient alors la grande et
la petite fenêtre.
A .cette époque (1537), sept pardons avaient lieu an­
nuellement.

Celui de la chapelle, le dimanche précédant la
Saint-J ean ;

2° Le jour de l, a Toussaint ;
3 ° Le j our de la Saint-Clément, dédicaJ0e de l'Eglise;
4,0 Pardon, par bulle, le jour de Nod ;
5° Le premier février, jour de la fête de Monsieur
saind Tugen. Ce pardon portait le nom de pardon
de sainct Tugen et Brigitte ;

6° Pardon, par bulle, le jour de Pâques ;
. go Et, aussi, par bulle, le jour de la; Pentecôte.
A vec le XVIIe siècle, s'est encore aüerue la dévotion
. aux saints protecteurs de la rage.
La Ligue avait sévi sur une grande partie de la
France. Elle fut suivie de la famine. Les loups envahi­
rent la Bretagne, durant six années. La rage, pendant
la première moitié du siècle, se répandit partout. Les

236 -

fonnulaires médicaux donnaient de nouveaux remèdes,
aussi inefficaces que les anciens. La terreur croissait
avec l'impuissance des médecins. La cour de France
elle-même s'émut. La reine Anne d'Autriche fit immuni­
ser, contre toutes sortes de bêtes enragées, le roi

Louis XIV enfant, par l'imposition des mains du cheva-
lier dè saint Hubert, qui, par sa'descendance du grand
saint, avait hérité du pouvoir de préserver de la rage

et de guérir ; et, par lettres-patentes du 31 décembre
1649, la Reine octroyait, au chevalier, licence d'exercer
son n1erveilleux talent.
Dans les campagnes, on accourut aux -chapelles : à
Saint-Hubert d'Ardennes, à Lacour S, aint-Pierre, etc . ;

partout . .

A Saint-Tugen, de toute la Br, elagne, les pèlerins, en
bandes nombreuses, pour s· e prêter assistance dans le .
cours du voyage, affiuaient. En 1604, Alain du Menez
Lézurec faisait donation, à la fabrique, de la grande
maison du bourg, avec ses dépendances. Cette maison
,fut convertie en hôtellerie pour recevoir les pèlerins.
De toutes parts, les offrandes affluaient, tintant dans
le plat de saint Tugen, avant d'être versées dans lecof­
fre du t:r::ésorier. L'on savait que, toujours, saint Tugen
donnait sécurité ou soulagement, peoc' h, pe trankis,
d'après la tradition ; et la foule des pèlerins se mon­
trait reconnaissante.
Ces offrandes ont été gérées, avec une sagesse que
nous avons admirée et une probité que nous avons sui­
vie el constatée dans lous les comptes de la fabrique. Il
en a été , ainsi de tous temps ; si bien que l'on peut
affirmer que l' église actuelle de sa~nt Tugen et celles
qui l'ont précédée sur le territoire de la Trève, n'ont pas
d'autres fondateurs qu e la dévotion populaire.

Audierne, 27 juillet 191.6. H. LE CARGUET.

KANTIQ AR
MIRAKLOU ( 1)

Tad Eternel, me ho suppli,
Dre an hano a Jesus-Christ ;
Gred din ar e'hraç, dre garante,
Da finissa mad va büe.

Spered Sa'ntel, , me ho ---suppli,
Dre intercession Mari :
Gred din ar e'hraç a sklerijen,
D 'ober ur vers d'ar g ristenien.

Otrou Sant Tugen biniged,

C'hui peus bed, gand Salver ar bed,
Ar e'raç da breservi, var a'n douar,
Ar re ,ho ped, d'oe'h ar ' gounnar.

Kemen-se a m'obl ij brenian,
Dre ar sujed eus ar vers-man,
D a zond d'ho pidi a galon,
Pa-s'oe'h, da Zoue, g ui r vig non.

(1) 'Nous donnons ici , ce cantique, ·tel qu e nou s l'avons

recueilli oralement et par bribes. Il n e doit plus se trou-

ver, d, ans la région, d'exemplaire anciennem ent imprimé,
tel que celui que !,lOUS avons laissé entre les mains de
~vI. Luzel en 1891

238

Ar c'hantiq-ma, kristenien,
A so komposed da sant Tugen,
Dre ar c'raç a Zoue an Tad,
Ac inspiracion va El-mad .

Mes kent evit mont davantaj,
Kleved an hol malhe'uriou bras
. A so, er bloa-man, errued
Gand kals a dlld, ac a loened !

En Eskopti eus a Leon,
Ranna-ra, siouas, va c'halon,
o veled ar malheuriou bras
A deus bed gred c'hoas an arraj.

E Ploneour, e Kommana,
E c'hoarved ar malheuriou-ma .

A so tost, da Vene-Are,
Approuved mad e kement-se. ·

En Eskopti, eus a Vened,
C'hoarved, er Voyal, mà entented !
Er Forest-vras a Vrengili,
Ez eus klanved daou vlei, en-hi.

En Eskopti eus a N aoned,
Malheurioll bras a so errued ;
Kals a dud a so devored,
Gad ur vanden chass arrajed.

En Eskopti a Sant-Vriek,
K.als a dud a so istoned ;

- - 239

Gand ur blei a oa arrajed,
Kals a dud a so perissed .

En Eskopti eus a Roazon,
Goalled e vise a l' galon,
o veled ar goad 0 redek
Gand an dud a oa devored .

En Eskopti a Landreger,
Eun nosvez, pevar gemener :
Daou aneu a so surprened,
o veled ur chi arrajed.

An daou al -zouge gand respet
Alfe sant Tugen biniged _ :
An daou-se so bed preserved ;
AD daou-al so bed devored .

T ri g raouadur 0 c'hoarn loened,
E P levin, tost da sant Briek :
Daou aneu a so devored
Gand daou g i a oa arrajed .

T ad unan eus ar vugale,
o devoa prened an Alfe­ Eus a sant Tugen biniged :
Raktal hen devoa preserved.

Un den oa bed er pardon
E Kelven, gand devocion :
o tond d'ar ger, var an hent bras
A rankontr ur chi en arraj ;

240

An den-ma gomanças neuze
Pidi Doue ' var an Alfe
E us a sant Tugen biniged :
Raktal e ma bed preserved .

U n den a u bed 0 labourad :
o retorn, d'ar ger, d'eus ar parc,
Rankontras ur c'hi arrajed,
Prest da zevori he bried ;

Tostad ras, desi, aneuse,
Rei a ras, desi, an .alfe

E us a sant Tugen biniged :
Ho daou es-int bed p~eserved.

Ur batimant, var ar mour bras, .
E n'hem gavas en danjer bras :
A mado'u, a martoloded
E oa prest da veza kolled ;

U nan eus ar vartoloded,
Zouge, gand henor a resped,
Alfe sant Tugen . biniged :
E maint, dre he c'hrac, preserved .

Impossubl ve, da zen, 'kompren '
Miraklou Otrou sant Tugen,
A deus gred, partout, dre ar bed,
. Andred ar re deus e beded .

. Kals a dud hen deus preserved, .
An Otrou sant Tugen biniged ;

24i

A c'hoas, eon a raïo, bemde,
Da neb e ped, gand karante .

Pedomb hol, a galon parfed !
Dougomphe alfe bïniged !
_ Ni yeso, gant han, preserved
D'oc'h ar · chass klaon ac arrajed.

il n alfe-ma, kristenien,
So el'igased aa sant Tugen,.
Gand un el eus ar firmamant
. Pa oa, lm he beden, ar Sant .

Il e e goude an amser-se,
E ma, dre Brovidanç Doue,
lle e ehomed e ' B'reis-lzel,
Er ba.rres sa hanved Prevel.

E ma., va.r borelik ar mowr bra.s :
11' e gaver ked santeloe'h plaç.
Demelost d'ar ge' /' eus a. V oayen
E ma. an lllis sant Tugen .

Ni han eus bonhew', Bre'Î:s-lzel
E ma batissed ur ehap el
Da Sant-Tugen binigeel.
Un teneor bra.s d'ar Vretoned.

Ma.r a fel d'oe'h haout remission
D'oe'h ho pee'hijou" a pardon,
D eud hol, da. sul. hent gouèl Sant Yan :
Es-eus pardon er ehapel man .

242

Otrou Sant Tugen biniget,
Sikoured an hol V retoned !
Pere a zoug, a vir galon,
Ho alfe, gand devocion .

Evit goude ma viomp bed,
Ganoc'h, er bed-man, sikoured,
Ma bo ar bonheur d'ho kueled,
E touez ar zent ac an eled.

LE CANTIQUE DES MIRACLES

Pere ' Eternel, je vous supplie, au nom
Christ! D onnez-moi la grâce, par amour,
de ]ésu-,;­
de bien
fini r ma vie.

Esprit Saint, je vous supplie, par l

lnt
·:\t"Ct'c:;, '· · ..... )1 (,. ':>

Marie : Donnez-moi la grâce de lumière,

- !)ou r ! ~llre un
gwers ,aux chrétiens.

Monsieur Sainct Tugen le Béni, il. VOU'5 , le Sauveur
la terre, du monde a donné la grâce de r réserver, Sur
- ceux qui vous prient, de la rag,;. .-

Cela m'oblige, aujourd'hui, pour composer ce ' canti-
que, il. venir vous prier, de tout cœur, puisque' ous
êtes véritablement l'ami de Dieu.

243

Ce cantique, chrétiens, a été fait pour saint Tugen,
- par la grâce de Dieu le père, - et l'inspiration de mon
bon Ange.

Mais avant de poursuivre davantage, - ' écoutez tous les
affreux malheurs arrivés cette annle, à beaucoup de

monde et d '.animaux.

Dans l' Evêché de Léon, mon 'cœur, hélas, se fend, -
à la vue des grands malheurs, occasionnés encore par
la rage.

A Plonéour, ' à Commana, sont arrivés ces malheurs,
- tout auprès des montagnes Arrées, et ils sont avérés.

Dans l'Evêché de Vannes, ceci est arrivé à Noyal,
écoutez-moi: Da ns la grande forêt de Branguili,
deux loups sont pris de rage. .

Dans l'évêché de Nantes, de grands ' malheurs sont
survenus : beaucoup de personnes dévorées, par un e
bande de loups enragés.
Dans
grande
monde.

l'évêché dè Saint-BrieJlc,
; un loup enragé a fait

la stupéfaction
périr beaucoup
Dans l'évêché de Rennes, les cœurs défaillent,
est

à la vue du sang répandu - 'par les personnes dévorées.

Dans l'évêché de Tréguier, . une nuit ,
leurs. .. deux d 'entre eux sont surpris,
d'un chien enragé. -

de quatre tail­

244

Les deux autres portaient, avec respect, la cie de
saint Tugen l~ Beni : tous les deux ont été preservés,
.les deux premiers, devorés.

Trois enfants gardaient les bestiaux, a Plévin, pres .
de Saint-Brieuc: Deux d'entre eux ont été dévorés par
deux chiens enragés.

Le père de l'un des enfants,
de saint Tugen le Béni ; Et
avait achete une clé -
son fils a été préservé.

ün homme avait été au pardon il K elven, avec dévo-
tion : En s'en retournant chez lui, sur la grand'route, _. -
il rencontra un chien en ral2'e· : -

Cet homme commença alors, - a prier Dieu sur la Clé
- de saint Tugen le Béni ; . aussitôt il fut preservé, .-

Un autre avait été au travail ;
chez iui, du champ, il rencontra un
le point de dévorer sa femme ;

en s' en retournant,
chien enragé sur

Il s'approcha d'elle,
saint Tugen le Béni ;
servés. ~ . -
vite, et lui donna la clé . - de

et, to us les deux ont été pre-

Un navire, sur la mer, au large, se trouvait en grand
danger: . biens et matelots allaient périr ;

L'un des matelots, portait, avec respec t et honneur,

- la clé de saint Tugen le Béni; ils sont, par sa grâce, -
préserves.

245

Il est impossible d'enumerer les miracles que Mon-
sieul' saint Tugen a faits, partout, ' dans le monde,
en faveur de ceux qui le prient.

Il a preserve beaucoup de monde,
Tugen le Béni, et il le fera encore,
ceux qui le prient avec amour.

Monsieur
chaque jour,
saint

Prions tous, d'un cœur parfait! - portons sa clé bénie!
Nous serons, par lui, preserves, des chiens malades
et enrages.

Cette clé, chrétiens, a été
par un ange du firmament,
apportée à saint Tugen,
quand le saint était en

prlere.

De ce jour, la clé, par
restée en Basse-Hl'etagne,
P· rimelin .
la Providence divine,
dans la paroisse
est
appelée

C'est Stt-r le bord de la grande mer :
pas Plus saint lieu. ; Près de la. ville
Est située l'église ' de Saint-Tuge.ll.

on ne trouve
d' A t~diernlJ,
Nous avons le bonheur, Bas-Bretons, ~ , - qt~' on ait lJ ', 1,

une chapelle, à saint Tugen le Béni: C'est un grand
trésor pour les Bretons.

Si vous voulez avoir rémission de 'vos Péchés et par-
dOli, venez tOt~S, le d'imanche' avant i~ Saint-Jean,

le pardon se fait dans cette chapelle.

_. 246

o saint Tugen le Béni, secourez tous les Bretons,-
qu i portent, d'un cœur sincère, votre clé, avec dévo-
tian ;

Afin qu'après avoir été, par vous, en ce h1onde, se-
courus, nous ayions le bonheur de vo us voir au mi-
lieu des Saints et des Anges .

Ce cantique n'est pas de la facture bretonne du Cap-

. Sizun. Il semble être la réunion de trois cantiques ; et
d'origine Trécorroise.
Le .cantique primitif devait remonter, vers 1662, et
indiquer seulement l'origine miraculeuse de la clé, les
invocations à faire et les grâces demandées. C'était le
Cantique de la Clé .

Bientôt, d'après la tr, adition, l'usag, e s'introduisit
d'énumérer les miracles opérés par le Saint: il fallait
.tllonger le cantique qui se chantait, à la procession du
pardon ,allant de la chapelle de Saint-Tugen, à la fon­ taine de Saint-Ono, à travers tout le Trez-Goarem. D'où
le nouveau eantique, dit : des Miracles.
Plus tard, aJYrès une épidémie de rage, un poète crut
bien faire, en traçant, aux nouveaux miracles, un ca-

'dre 'comprenant tous les évêchés de. Bretagne, à l'ex-
ception de celui de Quimper, qui figurait déjà au canti­
que local des Miracles. D'où le cantique imprimé, com- .

posé en l' honnew de Monsieur Sainct Tugen . Les dé-

tails complets. donnés pour l'évêché de Tréguier seule-

ment, indiquent l'origine Trécorroise du poète .

247 -

Un a, cte cies registres paroissiaux donnerait l'époque
de la composition du Cantique Trécorrois : ,
Le 3 février 1715, mourut de la rage, àSaint-Tugen,
après avoir reçu avant ses gammes, les sacrements de

Pénitence et d'Eucharistie, Jan Lorent:e, de Guiclan,
mordu par un loup enragé, et conduit, au pardon de
la Chapelle, par Guillaume Lorence, son frèr, e, Yves
Kerriou et Yves Keroulas, ses voisins, ou par, ents.
C'est donc aux premières années du XVIIIe siècle que
remonte le cantique qui a été imprirrié. '
Les illettrés 'ç le la Trève de Saint-Tugen l'appellent.

toujours: Cantique de la clé, ou Cantique des Miracles.
H. LE C.

363

DEUXIEME PARTIE

Table des mémoiTes pub liés en 1916
1 Argud Absrwrac' h, Le Combat de l'Aberwracî1,
, çomposé par M. l'aBbé Goulven Morvan, tra­
duit par :\1. le chanoine Abgrall . ... ,....... 3,

2 Inscl"ptions gravées et sCLllptées sur les églis·es .

~ et (tlonuments, recueillies par M. !e chanoine
Abg rall ........ . .... .. .. .. ... . . .. ............. .
3 :\1ottes :éodales, par :\1. l'abbé Méve' et M, Yves
Le F'eb\'re .......... . ... . ... .. ... . .. . . . . .. ... .

4 · Le vra i texte de l'histoire rniracu'euse de N.D.
du Folgoët, par M. Lécureux .. . . . .. .. ... , . ... ,
5 Le P·rieuré de Lochrist-an-Izelvet, . par M. Ogés ..
6 L'hymne alphabétique et l·es vies de saint Gué­
nolé et de saint Idunet,' dans le cartu:ai·re . de
. Landévenn ec, par le P. de Bruyne .. , .. .. .. . .
7 Petite- chrenique· de l\1onsi,eur sainct Tugen, par
M. Le Carguet. . . .. . . ... ,. . ... . . . . . . 184, 213,
8 Notes sur l'établissement du Télégraphe Chappe,
par Daniel Bernard ............... , . , . ... . . , .
,9 Lettres d'un Tambour de la 1

Répub'ique r. e­ cueillie et publiées pal' M, Marzin... .. . 249,

10 Autour du Moulin-Blanc, 'avec planch'es, par
M. Le Gtiennec .. . ..... ......... .. . . .. . .... .. .
11 Que'qu,es bornes routières, du temps du duc
d'Aiguillon, paT M. le chan oine Abgrall . .. .. ,.
12 Ex· cufsiQn archéologique aux r uines romaines du
Pérenno u, par : -"'1. le chanoine Abgra' J .

13 Guilers, notic. e paroissiale, par M. le comte Co-
nen de Saint-Luc .......... . .. : . . .. . . ... . .... . .

14 Discours de fin d'année, par M. le Président. . ....

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