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Société Archéologique du Finistère - SAF 1916 tome 43 - Pages 3 à 64
ARGAD ABERWRAC'H
LE COMBAT DE L'ABERWRAC'H
1486
Poème breton par l'abbé GOUL VEN MORVAN
Traduction française par M. le Chanoine ABGRALL
Le combat de Saint- Cast, 11 septemlll'e 1708, a été
. chanté par un bard e Breton , et nOLI s en trouvons le réeit
dans le Barzaz-Breiz ne M. de la Vill cmarqué; aux pages
335-339. Le poè te m et dans la bouche des miliciens has
Bretons marcbant contre les Anglais les strophes sui·
vantes :
« Neb en de uz gonect teir gwech
« A c'honeo n'euz fors peL kevecb 1 eL c ...
« Celui qui a vaincu trois fois, celui-là vaincra touj ours.
« A Camaret, dans ces tem ps-ci, les AnglaJs ont fait
une descente , ils sc pavanaient S~lr la mer, SO LIS leurs .
blanches voiles gonflées; .
« Ils sont tombés sur Ie rivage, abattus par nos halles,
comme .des ramiers; de quatrè mille qui débar'què rent, il n'en es t pas ret ourné un se ul dans so n pays.
« A Guidel ils sont descendus, à Guid el, en terre de
Vannes; à Guidel ils ont été enterrés, comme ils l'ont
été à Camaret. .
« Au pays de Léon , en face r Ie l'îl e Verte, j adis il s
descendirent aussi; il & répandirent tant!p, e sang, qu e la
mer bleue en devint rouge.
« Il n'y a pas en Bretagne une butte, pas un tertre qui
ne soit fait de leurs ossements, que les chiens et les cor
beaux se sont disputés, que la pluie et le.s vents ont
blanchis. »
Ces défaites des Anglai", rappelées en ce chant, se
rapportent, pour Camaret, à 1694, pour Guidel à li46, et
celle de Enez-C'hlaz, Ile Verte, un nes Hots semés à
l'entrée rle l'Aberwrac'h, à l'année 1486 ; ce sont rlu
moins les dates indiquées par M. de la Villemarqué à la
suite du texte du combat de Saint-Cast.
Le fait d'armes de l'Aberwrac'h a inspiré un rle
nos poètes morlernes, M. l'abbé Goulven Morvan,
le premier rérlacteur de notre premier journal breton
FeÎz-ha-BreÎz. Il en a fait une véritable épopée et
l'a célébré en des vers d'une correction, d'une ins-
piration, d'une vie, d'une couleur vraiment magis
trales. Son petit poëme, d'environ 950 yert:, a été
pu blié en 1868, mais en un tirage très restrein l ;
j'estime que je suis désormais seul au monne à en pos
séder un exemplaire. Or, à mon appréciation, il est
tellement beau, tellemtlnt précieux que ce serait péché
de le laisser périr. Ce serait une perte irréparable pour
la philologie, pour l'histoire régionale, pour l'élude de
notre vieille chevalerie et de nos trarlitions locales; car
elles sont encore vivantes dans les souvenirs de nos
armoricains, les différentes actions audacieuses qui se
sont déroulées sur notre littoral pour chasser les enva
hisseurs, tentant à différ'entes reprises des débarquements
sur nos côtes bretonnes. .
. Rééditer cette pièce, ce n'est pas réveiller l'ancien
antagonisme des deux races ni raviver l'animosité contre
les Anglais qui sont à cette heure nos alliés, mais c'est
ressusciter la mémoire d'un heau fuit d'armes et remettre
Combat des Trente, du Tribut de Noménoë et des grands
coups d'épée de Lez-Breiz.
Le devoir de la Société Archéologique est de recueillir
toutes les' miettes pour ne pas les laisser perdre; le texte
de Argad Aberwrac'h, avec sa tranuclion française, a sa
plaee toute marquée nans les pages de notre Bulletin.
Cette date de 1486, indiquée par M. de la Villemarqué,
est-elle exacte ? Aucune mention n'est faite de cette
petite expédition dans D. Morice ni dans D. Lobineau,
d'autant plus qu'une trève avait été signée entre la Bre
tagne t'lt l'Angleterre en 1484, mais, il semble qu'elle n'é
tait pas bien gardée, puisl/u'on crut devoir la renouveler.
Elle fut signée à Londres Je 22 juillet 1486, mais ne fut
ratifiée par le flue rle Bretagne, François II, que le 7 sep
tembre suivant. Il faut noter du reste que, soit qu'on fût
en paix, soit qu'on fût en guerre, les écumeurs ùe mer
travaillaient avec la même rage, et une descente d'aven
turiers anglais sur nos côtes, à cette date, n'est pas du
tout invraisemblable.
Chanoine ABGRALL.
ARGAD ABER RAC'H
KENTA KAN
AR C'HANNAD
Etre Brozaoz ha Breiz-Izel
Ez euz bel er bloa-ma bre, zel ;
Eur sLourmaL ben, mes kriz ha tenn,
Ruziet gant al' goad an dachen.
Ar Zaos daousL d'he zislealdel, '
A zo bel adarre kannet ;
Ranket en deus lec'het buhan,
E Breiz n'eus ket chomet unan.
Marc'heien Br, ozaoz a bell zo
A ra falla griei dre'r vro ;
Skrij eo comz euz ho zorfejou
Kiripg da gemenl a zaelou ;
Ne deus kristen na kri sL enez
A oure baie dienkrez,
Ken na ell mui an Arvoris
Gouzaon eur va c' herez ker kris.
Aberz an Dug euz an Naonet
Eur c'ha nnadour a zo casset
Gallt urs da gemen d'ail estl'en
:'l'font l'al' eur zao d'ho eneze n.
« IL, eme' r C'hannad d'al' iaozon,
« Il d'ho pro, treuzil al' mol' don,
Le COMBAT de l'ABER RAC'H
PREMIER CHANT
LE MESSAGER
Entre les Anglais et les Bretons
. Il Y a eu guerre cette a n née ;
Un combat court, mais terrible et dur,
La plaine toute rougie par le sang.
L'Anglais ma Igré sa déloya u té,
A été de nouveau battu;
Il a dû fuir précipitamment,
Il n'en est pas resté un seul en Bretagne.
Les chevaliers Anglais depuis longtemps
Commettaient des forfaits par tout le pays;
Comment nombrer tous leurs méfaits
Et les larmes qu'ils ont fait couler?
Il n'y a chrétien ni chrétienne
Qui puisse marcher sans crainte,
. Si bien que les gars de l'Arvor
Ne peuvent plus supporler pareille tyrannie.
De)a part du duc de Nantes (françois II)
Est envoyé un messager
Avec ordre d'intimer à ces étrangers
Qu'ils ont à retourner à leur île.
« Allez, dit le Messager aux AnglaIS,
«( Allez à votre pays, traversez la,.mer profonde,
Il fliosit da vad bro Breiz-Izel,
(( Pe ractal 0 pezo brezel,
I( Brezel 0 po, brezel garo,
c( Brezel ac'hann bete'r maro ;
(( Birviken mui n'o pezo peoc'h
« An Arvoriz hen loue deoc'h.
Ar zaos ne rea oemel goapât
Ar c'hanhadour hag he gannad :
« Ne daimp kel ac'hann d'al' vro ail
I( Evil clevel chas oc'h harzal ;
I( Abars ma lreuzimp ni al' mol',
I( E vo rouez an dud en Arvor.
D'an trede a vis Guengolo
Ar stourmad vraz a zigoro, '
Da zao-heol e mez Salll Anton
Elre'n Arvor hag al' Zaozon. .
E Joaius-Goard petra a nevez
Ma zeus kement a levenez,
Ma cll\Ver ar c'berlliel-guiFlêl
Hag al' c'herniel-boud 0 voudal,
Ha lrompillqu ken na dregern
Koad ha kaslel al' Penntiern ?
Euz a bevar c'horn Breiz-Izel
Eus deuL marc'heien d'al' c'hasLel
Da gere'hat an Aotrou Roban
A zo pentiern en emganll.
Selu displeget al' baniel
Ha stag e beg an Lour huel,
Ha varc'hoaz e penn al' vanden .
E vl eillio an argadourien.
Me \'el mal'c'heien daou ha daou,
Va al Jeton gallt ho goafaou
1 Videz pour de bori notre Bretagne;
« Ou tout de suite vous aurez guerre,
(1 Guerre vous aurez, et rude guerre,
(1 Guerre acharnée jusqu'à la mort;
(( Jamais plus, jamais vous n'aurez paix,
« Ce sont les Brelons qui vous le jurent.
El les Anglais de se moquer
Du Messager et de son message:
« Nous Ile nous en irons pas chez nous
(1 Pour entendre des chiells aboyer.
If Avant que n'bus traversions la mer,
Il Ils seront rares les hommes en Bretaglle.
Au troisième jour de septembre
Se livrera la grande bataille,
Au lever du soleil, dans la piaille de Saint-Antoine
Entre les Bretons et les Anglais.
A Joyeuse-Garde quoi de nouveau
S'il ya tant de bruit et de joie,
Si l'on entend les trompes de guerre
Et les cornes-baud retentir,
Et les trompettes qui font résonner
l"orêt et château du Grand Chef?
Des quatre coins de la Bretagne
Sont venus des chevaliers au château,
Ils sont venus prendre le Seigneur de Rohan
Qui est le grand chef du combat
Voilà la bannière déployée .
Flottant au sommet de la haute tour,
Et demain en tête de la troupe
Elle conduira les comballants.
Je vois les chevaliers deux à deux '
Sur le pré avec leurs lances ~.>
Oc'h ober neuz d'en em daga
Araog mont el' Zaoz da bega.
Me vellod' an argadourien
Ovale var roz al' grec'bien ;
, Diskennet zo eul loden ail
Var riz an aod da ebatal ;
Darn anezho' ia da c'hoari
Darn ail a ia d'en em voa Ic'hi.
Markiz Brezal ive zo eat
D'an aod da gemeret ebat ;
Hogen p'en deus guelet diou vag
Oc'h eur c'bef dero enD stag,
He ga Ion a zo faziet
Gant keuz d'he flloc'h, muia caret,
Gant keuz d'he floc'hik, d'he niz ker
Beuzet tri bloaz zo' kreiz al' ster .
Hag hen d'al' c'haslel gant anken,
Bete'n noz oue tenval be benn.
III.
la , lannig Lann, an neun-ze
A voue kiriek d'as varo-le !
P'edoaz 0 tont euz a Vrezal
Ke! Jijel' hag eun Dremedal
Ne zonjes ket, a dra ser~en
Ne dajez en çlro birviken !.
Piqu la varje oc'h da velet
Ken drant 0 fringal, 0 Jamet,
o vont d'an aod da ebatal
Edo'n ankou oc'h da c'hedal ?
Duk Rohan e renn al' vanden
Voa azezet var eur vouden,
Hag 011 dud chentil al' c'harter
A voéÏ enD en he gen ver.
Simulant des assauts
Avant d'aller s'accrocher aux Anglais.
Je vois une partie des combattants
Marcher au sommet de la colline-:
D'autres sont encore descendus
A u bord de la grève prend re leu rs éba ts ,
Les uns jouent et s'amusent,
Les autres s'en vont se baigner.
Le Marquis de Brézal aussi s'en est allé
A la grève pour se distraire;
Or quand il a vu deux barques
Amarrées à un tronc de chêne,
Son cœur s'est tout resserré
Par deu il à son page préféré
Par deuil à son petit page, son cher neveu
Noyé voilà trois ans au milieù de cette rivière ';
Et lui de rentrer au château tout assombri,
. Jusqu'à la nuit il a des idées noires.
III.
Oui, Petit Jean Lann, c'est cette baignade
Qui a éLé cause de ta mort! .
Lorsque tu t'en venais de Brézal
Agile et léger comme un jeune coursier,
Tu ne pensais pas, à coup sùr,
Que jamais plus tu n'y retournerais!
Qui aurait dit en te voyant
Si vif t'ébattre et sauter,
. T'amuser au long de la grève
Que Id mort venait l'y guetter?
Le Duc de Rohan en tête de la troupe
Etait assis sur un tertre.
Et Lous les gentilshommes du quattier
Etaient là qui l'entouraient. ,"
Ha d'a r floc'bel e la va raz
P'ho guel 0 vl'agal var an lréaz : '
« Pehini ac'hanoc'h so guest mad,
Da dreuzi'r ster en eur pennad ?
Guelet a ril-bu e Ke'rne
Eul liors leun' a vez froue
Hag e creiz al liorz eur vezen,
A zo goloet a ber melen ?
An hini' zigaso din -me
Diou beren euz ar vezen -ze
A vezo grea t Ma rc'heg eber
Ama dioc'htu var ribl ar ster.))
Ha Iannig Lann an eskuita
A vouie nelln ive guella,
A veac'h edo'r l'e a Il el' ster
, p'edo Iannig er vezen ber.
Eur scourrig guezen a dOrl'as
A ioa enba c'huec'h peren vras,
Ha gant he c'hinou hen dale'he
Ar ster en dro dre ma trellze.
Var dro'n anter p'oa e}Tuel
'Kl'ogaz ar c'hlaz en he vorzet ;
Hag hen leskeul eur iouaden
Ha sevel be vreac'h bag he benn,
He vreac'b a voa outhi staget
Eur groaz aour hag eur chapelet
En devoa bet digant he vam
Pa' zeas da Vrezal iaouank flam ;
Ractal d'ar gouelet ez eas
Ha pelloc'h goude ne zavas.
An Duk Rohan gant he anken,
A zao buhan divar he vouden
Hag a gri fors, strafuillet 011 ;
, Erna Iannig 0 von t da goll !
Et aux jeunes pages il déclara, .
Quand il les vit s'amuser sur le sable ·:
( 1 Leqllel' de vous est. assez bon nngellr
Pour traverser la rivière d'lIne traite?
Voyez-vous sur la l'ive de Cornouaille
Un verger pleill d'arbres fruitiers,
Et. tOllt au milieu UII poirier
Couvert de belles poires jaunes ?
Celui de vous qui m'apparIera
Deux poirf's dA ce poirier,
Sera fait chevalier ce soir,
Ici même a LI bord de la ri vière.
Et Iannig Lann le plus nlerle
Et aussi le meilleur nageur,
A peine If'S autres étnient entrés dans l'eau
Que Jannig grimpait dans le poirier.
Il en détacha une branchette
A laquelle penda ien t six gra ndes .poi l'es,
Et illa tenait de ses ueuts
En retravcrsant la rivière.
Mais quand il fut arrivé vers le milieu,
Voilà que la crampe le prend,
Et lui de jeter un grand cri,
Et de Icver le bras et la tête,
Son bras auquel étaient aLLachés
Une (:roix d'or et un chapelrt,
Souvenir précieux de sa mère
Quand il parlittout jeune pour Br~zal,
Et tout d'un coup il coula au fond
El jamais plus ne se releva.
L.e duc de Rohan dans sa douleur
Se lève éperdu de son tertre
Et crie d'une voix angoissée
lannig se Iloie, lallnig se noie l ·1;
Saveteit-hen, me ho ped,
Ho poan ne vezo ket collet.
An dud chentil 011 a vouele,
Hag al' floc 'heL keiz her c' hla ske_
En aner 0 deveus poaniet,
He gorf maro a zo cavet.
lannig so lakeL en douar
Ganl ca lz a zaelou, a c'hlac'har
Ha var he vez al' Varc'heien
o deveus savel eur vouden ;
Ha bevech ma zeon l d'al' 'vrezel,
Bevecb ma lrislroon l d'al' c'haste l,
E leveronl en eur dremen
Evil ho mignon eu r beden,
Abaoue dre urz an AOlrou
Ez eus lakfll ober bagou,
EviL cas sicour d'an hini
A goesse var val' da veuzi.
Markis Brezal a hirvoude
En he floc'hi g paour pa zonje,
En he fl oc'h pa deue da zonjal
Hag en he c'hoa r a Gerroua 1.
« Va c' hoar gez, pebez ca lonad
Pa glevi eo beuzel da va p !
Pa wezi ez eo douarel
Ep beza galleL he vel et!
SkilLrit, kleier, ha skilLrit sfJlam
Ma rooL da glevet d'he vam !
Siouas ! ne ga yi n bi l'vi ken
Eur potrik koanl, dl'alll ha laO ti en, .
Eur polI' eskuit, skanv ha lijer
Potr evezianl e pep amzer ;
Biken ne gavin eur floc'hik
Da blijout din evel lahnik !
Oh ! sauvez-le, je vous en prie,
Vous aurez bonne réeompense.
Les gentil shommes gémissa ient,
Et les pa u vres pages le cherchn ien t.
C'est en vain qu'ils ont pe in é,
On n'a reliré qu'un cadavre.
Iannig a été mis en terre
Avec force larmes el force douleur;
Et sur sa tombe les chevaliers
Ollt dressé un lertre de gazon;
Et chaqu e fois qu'ils vont au combat,
Chaque fois qu'ils retournent au château,
Ils disent en passant près de sa tombe
Ils disent une prière pour leur ami.
Depuis, par ordre du seigneu r de Rohan
On a construit des barques
Pour [.JorLer secours à ce lui
Qui serait en péril de se noyer.
Le Marquis de Brézal gémissait
Quand il pensail à son cher pag~
A son page quand il pensait
El à sa mère, la Dame de Kerroual.
(( Oh 1 pauvre sœur quel coup pour loi
Quand tu apprendras que ton fils est noyé!
Quand lu apprendras qu'il a été enterré
Sans que tu aies pu le revoir!
Sonnez cloches el sonnez fort,
Jusqu'à faire elltendre à sa mère!
Hélas 1 jamais je ne trouverai
Un garçon si gentil, si gai,
Alerte, léger, dégagé,
Clairvoyant, attentionné;
J ama is je ne trouvp.rai un page
Qui puisse me plaire comme landlg 1
Eur potr c'hoek, gant an 011 caret,
Eur marc'heg mad en dije grel ! »
Edo al' vam baour en he zal
p'erru'r c'helou e Kenoual .
« De mad ha grean el' maner,
Setu deoc'h, lLron, eullizer,
Eul lizer digant ar Markiz,
Zo e Joaius-goard gant hé niz. »
Ar ziel du dre ma torre
An Itron geaz liou a jenche :
Hag a r c'helou trist pa lennas
Ranna he c'halon a vennas ;
Guiska eure eulliou hr guenn
Ma son jet ez ea da dremen.
Eur pennad mad eo bel malltrel
Ep ga Ilou t flach e tu ebel.
Ken na ellas skui lla daelou
Da frealzi he allkenniou,
Neuze oa truez he c'hlevet
Oc'h en em glem hag 0 laret :
Iannik, siouas ! pelra l'in·me?
Penaoz eh-d -hout e "evin-me?
Peleac'h emaout, va map lannik ?
Eb-d-hout me.a zo reuzeudik.
lannik, va map ! lan, va mnp ker,
N'es kuelin-la mui em c·henver !
Ne glevin-la mui da vouez
Evel ma l'ean kent pa deuez
En eur gana euz a Vrezal
Da bardaez-noz da Gerroual !
Ne glevin mui trouz da voulou
o lonten li dreistan lreuzou!
Diou vech el' m iz da via na
Es kuelen em c'hichen ama,
1 viziken 'vo en a np.r
Un bon garçon, de tous aimé,
Il eut fait un bon chevalier! ))
Elle était la pauvre mère dans la salle
Quand arriva la nouvelle à Kerroual.
« Bon jour je vous souhaite dans ce manoir,
Voici pour vous, Madame, une lettre, .
Une leure de votre frère le Marquis,
Qui est à Joyeuse-Garde avec son neveu. Il
A mesure qu'elle rompait le cacbet noir
La pauvre Dame changeait de couleur;
Et quand elle lut le triste message
Elle faillit avoir le cœur brisé;
Et son visage devint si pâle
Qu'on crût qu'elle allait trépasser.
Longtemps elle est restée éperdue
Sans pouvoir marcher ni bouger,
Jusqu'à ce qu'elle pût fondre en larmes
Pour décharger sa grande douleur .
Alors ce fut pitié de l'entendre
Se lamenter et gémir: .
«( Iannig, hélas! que ferai -je désormais?
Comment pourrai-je vivre sans toi?
Où es-tu mon cher fils Iannig '?
Sans toi je suis une pauvre malheureuse.
Iannig, mon fils! lan, mon cher fils.
Je ne te verrai plus à mes côtés!
Je n'entendrai plus ta voix
Comme je l'eQtendais autrefois
Quand tu revenais en chantant de Brézal
Arrivant à la tombée de la nuit à Kenoual!
Je n'entendrai plus le bruit de tes pas
Quand tu franchissais le seuil du manoir!
Deux fois par mois pour le moins
.le te voyais à mes côtés"
Et maintenant ce sera en vain .1. , .
BULLETI~ DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉO. - TOME XLIll (Mémoires 2) .
Es kortozin 'barz em maner ! »
Setu penaoz al' vam baour-ze
Bemdez c'houlou a hirvoud e ;
An daelou euz he da ou la gad
A boullade var he diJlad.
Ha da benn an tri bloas go ud e
Mari Rohan c'hoaz a \Vele ;
« Va map Iannik, peleac'h emaoul?
Me n'em boa ken mêlp Il emed-bout,
Ha brema, siouas ! n'em eus den
D'am frealzi 'barz em anken !
Va Doue, pelra'm boa-me gret
Da veza 'velen dilezel ?
Me garje gueleL fin Lan -goall
o Levi maner Kerroual ;
Me a garje co ll va 011 vad
GanL ma vije beo va map?
Pa n'am bije tan na goulou
Na tam da JakaL em gin oll,
Pa n'am bije na li nag oz
Na toen d'am golo en noz !
Laouen el' meaz me a gouskje
Ma vije beo va map ganhe ! )
EIL KAN
AR SALE
Setu ar boulLren 0 sevel,
An douar a gren vardro'r c'basLel,
Adalek dourik Guennorgent
BeLe BeuziL e Jeun an hent ;
Que je t'attendrai au manoir 1 »
Voilà comment cette pauvre mère
A chaque jour se lamentait;
Les 'larm es coulant de ses ye ux
Ruisselaient sur ses vêtements.
Et encore a u bau t de trois a n nées
M ari e de Rohan pleurait touj ours :
« Mon fil s Iannik , où es- tu?
Je n'avais d'autre fil s que toi, '
Et maintenant hélas ! je n'ai perso nne
Pour me so ul age r dans ma peine !
Mon di eu, qu 'avais-je don c fait
Pour êlre ainsi aba ndonn ée ?
Je voudrais voir l'in ce ndi e
Dévo rer le manoir de I{erroual - ,
Je vo udrais voir périr L ous mes biens
Si je pouvais avoir mon fil s vivant!
Lors même qu e je n'aurais ni feu ni lumière,
Ni un morcea u à me mettre sous la dent,
Quand je n'aurais ni maiso n ni foyer,
Ni toit pour m'abriter la nuit!
Heureuse dehorg je dormirais,
Si j'avais av ec moi mon fil s vivant! ))
DEUXIÈME CHANT
LA MARCHE
Voilà la poussière qui se so ul ève,
La terre tremblea utour du châ l.ea u,
Depuis le ruiss'eau de Gu ennorgant
Jusqu'à Beuzit la route est pleine
Ne veler nemet marc'heien
o vont d'an emgann a vanden .
Ne velel' penn-da-benn al' c'hoad
'Met marc'heien hern ezel mad ;
Ha gantho pep a dok· houal'Il
Peb a glenv dil' en ho daoual'n,
Peb a skoet kevl' l'UZ oc'h ho bl'eac'h .
Peb a voaf dir oc'h ho c'hroas-Ieac'h
Val' ho ronseet dibrou kev l' guenn .
Bridou al'c'chantet en ho fenn.
Sellet outho so eun dudi
Kement a reonl 0 lu gerni ;
An heol va mezho 0 pa ra
Dl'elli an daoulagad a ra .
E penn ema'n Aotl'ou Rohan,
Hag he vap en lu deo u dezhan ;
A gleiz ema'n Aoll'ou Lesvern,
Hema eo an eil pen -liern.
Goude 'vale Mal'c'heg Elorn
Al' baniel gantha en he zorn.
Pel ra' r marc'heg a vela n· me
O'vont val' gein eun inkane ?
Ganth' eul' e'hos gourgleze merglet
Hag hen'vel eut' e'holler gll iskel.
Ganlha eul' voareg, ellr penn baz
Eu!' stroillat birou oc'Il he seoaz ?
Ar Gouez braz a ia d'an emgamm
Dre gemen an Aotrou Rohan,
Abalamour m'en deus goanet
Lies a vech al' Saozon et.
Ken alies ha ma cave penn
E waske slard a r vac'herien,
Ha nikun ne stage dezhan,
OU 0 doa krenvan dirazhan.
On ne voit partout que chevaliers
Allant p~r troupes au combat.
On ne voit tout du IOllg du bois
Que chevaliers ilrmés de pied en cap;
Chacun a la tête couverte d'uil casque,
Chacun tient une épée d'acier
Avec un bouclier de cuivre rouge au bras,
Et une longue lance en bandoulière,
Sur leurs chevaux des selles en cuivre blans
Et brides argentées à leurs têtes.
Les comtempler est un plaisir
Tant ils sont brillants el étincelants;
Le soleil en les éclairant
Eblouit vraiment les regards.
En tête est le Sire de Rohan,
Avec son fils à sa droite;
A ga uche est le Seigneu l' de Lesgucrn ;
C'est lui qui est le commandallt en second,
Ensuite vient le chevalier Elorn -
C'est lui qui .est le porle-bannière.
Quel est ce cavalier que j'aperço is
Monlé sur ulle pauvre haquenée?
Il .n'a qu'une vieille dague rouillée,
Il est vêtu en paysan,
Il porte un arc et un penn-baz,
Un paquet de flèches à son épaule?
C'est le grand Gouez qui va au combat
Invité par Monseigneur de Rohan,
Pour la raison qu'il a malmené
Plus d'une foi les Anglais maudits.
A chaque fois qu'il trouvait l'occasion
Il secouait ferme ces envahisseurs,
Et aucun n'osait lui chercher allaire,
Tous trouvaient plus fort devant eux .
AI' vare'heien 0 deus men net
Ma vije'r Gouer braz hern ezet
Da vont en ho mesk d'an argad ,
Hirroc'h ee' h alj' he ga lon pad.
Hag e lavare' r Gouez braz
En eur ei lpennal he benn -baz :
(c Keit 'ma vo houma em dao uarn
'Meus kafer na dir nag houarn ;
Gant bouma , ep hern aeh ebet,
M e don G d'al' Zaoz he zee' hel !
Va mare' h-me zo evel elll' e' huil,
Elouez kezeg an c1ud -ehellli l ;
M es evi tha n bea ga J'l'et ber,
Hema zo skanv, buhan ha ter;
Pa'z aimp da rei c1'ar Zaoz he ge re' h.
Ne kel va marc' h-m e vo varl erc'h ! ))
Mare'heg Elorn a lavare
Ebio u'r gwer ruz pa c1J'emene :
(( Ha e'hui na vel eUll toul foe nn og
A zo enhi ieot a slog
Hag en he c' hreiz eur wa? dour-recl
Géln t goad hon lud-ni bel ru ziel ?
Er foennog -ze nan fores tad
o tonl d'a l' gea r cuz al'· marc' had
o deus l'anket co ll ho bu ez
Taget gan t al' Zaos diclru ez ;
A zo bella ze t ,ha draill et
Ga nt a l' zaozo nel milli ge l ?
'Mel unan ella z ell emd enn
. Elouez al' spern hag ar c' helen.
Dao uzek mare'hek ga nt ho arm ou
Kuzet e doug al' bodenn ou
A ioa aze var - ho api
Us chevaliers ont décidé
Que le grand Gouez serait armé
Pour les accompagner au combat,
Cela lui ferait du bien au cœur.
Et il disait, le grand Gouez
En brandissant son penn-baz "
" Tant que je l'aurai celui-ci en main,
Je n'ai besoin ni d'acier ni de fer;
Avec mon penn-baz, sans autre arme
Je me charge d'apai~er leur soif aux Anglais!
Mon cheval est comme un petit escarbot noir
Au milieu des coursiers des gentilshommes;
Mais pour avoirîes jambes courtes,
Il est léger, vif et rapide;
Quand nous irons donner son avoine à l'Anglais.
Ce n'est pas mon bidet qui sera le dernier.
Le chevalier Elorn disait
Quand il passait à Ker-ruz :
(1 Ne voyez-vous pas une prairie
Remp lie d'herbe drue et serrée,
Et au milieu un ruisseau d'eau courante
Qui a été rougie par le sang des nôtres?
Dans cette prairie neuf habitants de la Forêt,
Revenant un soir du marché
Ont dù perdre la vie,
Attaqués par les Anglais sans pitié;
Ils on t été tués et dépecés
Par les Anglais maudits?
Sauf un seul qui rut s'échapper
Parmi les épines et les houx .
Douze cavaliers avec leurs armes,
Embusqués derrière les buissons
Etaient là faisant le guet,
Oc'h ho gedaI da zistrei,
Evel bleizi var an denvet
ln t l'actaI varn ezho lamet,
Mes unan elouez al' c'boa t bras
A dre bo·s kilfou a dec'b as ' ,
An eiz ail a zo bel c' huill et,
Hag bo c' horf a bezi ou draill et
Ha lezel aze var al' prad
A voa ru s-glao u ga n t ho goad.
Antronoz vintin 0 tremen'
An dud a zave bl eo bo fenn
Hag a zanl' ho goad 0 vir vi
o velet eun seur kri sderi ,
o velel eis corf di spenn et
Evel chatal gant al leo nel. ))
Ell'e da ou edo'n Duk Rohan
Di go uezet ga n t li al lea n,
Eullean koz abao ue pell
o cham el' c'hoad' doug eur roc'he!.
En deiz-ze en hé benili
' Edo al lean mad 0 pidi ;
Hag al' strol P'C I) deveus guelel
Var beg he l'oc' hel eo savet.
Dirazhan' I' val'c' heien a sloue,
Hag allean a b(~de Doue :
(( Pennti ern bl' ë1z an ti ern ez
Skuillil, m'ho red, ho tru ga rez
Va r an nep a ia d'al' vrezel
Ev it savelei Brei.z-Izel.
Mil benn os d'al' Argad ouri ell
'la da herzel al' waskeri en ;
Ben nos Doue da bep marc'bek,
Bennos da bep den calonek,
Attendant leur retour du marché :
Comme des loups sur des brebis
Ils se sont précipités sur eux,
Mais l'unà travers le grand bois
A pu s'échapper de leurs griffes . .
Les hllit autres ont été massacrés,
Et leurs corps hâchés en pièces
Et laissés là sur la prairie
Qui était toute rougie de leur sang.
Le lendemain malin en passant
Les gens sentaient leurs cheveux se dresser
Et leur sang dans leurs veines bouillonner
En voyant pareille barbarie,
En voyant huit corps dépecés
Comme du bétail par des lions.
C " epen(Jant le duc de Rohan
Etait arrivé près de la maison de l'ermite,
Un vieil ermite qui depuis longtemps
Demeurait dans le bois au pied d'une roche.
Ce jour là dans sa pauvre hulle
Le bon moine était en prière;
Et quand il a vu s'avancer la troupe
Il est monté à la cime de son rocher.
Devant lui les chevaliers se sont prosternés
Et l'ermite s'adressant à Dieu:
« Grand Chef des chefs de ce monde
Répa ndez, je vous prie, votre protection
Sur tous ceux qui s'en vont au combal
Pour délivrer leur pays de Bretagne.
Mille bénédictions aux Gueri"iers
Qui vont chasser nos oppresseurs;
Bénédiction à chaque chevalier,
Bénédiction à cbaque homme de cœur,
o deus Id evet klemmou Breiz,
Hag 0 dells truez oc'h an dud keiz.
Bennos Doue da gement hi ni
la da stourmat evid omp ni.
Nep a vari 0 ti oual he vro,
A ia d'an envou var eun dro;
Doue 1'0 dezhan he vennoz.
Hag ben loj en he va rad oz.
Mil mallos d'al' wenn milliget
E deus keit 'aImer hor goasket;
Cant ha mil mallos d'a n dud criz
o deus sunet goad arvoris .
« Me vel al' goad ruz 0 redet,
Argadourien dihernezet,
Me vel marc'heien e bagou
o slourmat oc'h al' e'houao'o u .
En dra e'he ll on t e rouenvont,
Gant counllar ho denl a serignonl,
Ha dam a bleg ho fenn gant mez
Croumet dindan ho beac'h despez. ))
Neuze e tao allean coz,
Hag an 011 da grial bennoz.
Evel al' gliz e miz mae
A lac' pep tra da zevel gae ;
Evel eur bari'ig glao en han
Pe eur e'horen beol el' goan
Evelse ivez he gomzou
A renl laouen al' ç'balonou.
Ha p'oant diblaset adarre,
An eil d'egile' lavare :
Ma lavaI' gu ir a'i lean coz . .
E raimp foar gant potred brozoz !
VIl
Ebiou Foigoat pa dremene.
Qui a ent.endu les plaintes de la Bretagne
Et a eu pitié des pauvres gens.
Béllédiction à chacun de ce ux
Qu i s'e n VOII tau cam ba t pou r nous.
Celui qui meurt en défendant so n pays
S'en va tout droit au ciel;
Dieu de tout cœur le bénit
Et le loge en son paradis,
Mille malédictions à la l'a ce maudite
Qui nous a opprim és si 10n~ l.emps;
Ce nt et mille mal édicLio ns aux ge ns sa ns cœ ur
Qui ont sucé. le sa ng des armoricains.
« Jè vois le sang rouge qui co ul e,
Des co mbattants dése mparés . ..
Je vois dp.s cheva liers dans des barq)J es
Luttant contre la fureur des vagues:
Autant qu'ils le peuvent ils font force de ram es,
Ils grincent. des dents de colère,
Et d'a utres bai ssent la tr, te de honte, ..
Co urbés so us un poids humiliant. l)
Le vieil ermite cesse de parler
Et tous de le remercier.
Comme la rosée au mois de mai
Donne vie et ga îté à la nature;
Co mm e un e légère pluie en été
Ou un rayon de soleil en hiver .
De même ses bonn es paroles
Ve rsent la joie dan s les cœ urs
Et quand ils se remirent en marche
Chac un disait à'so n voisirl:
S'il dit vrai le vieil ermite ..
No us ferons leur allaire aux Saxons.
VII
Par le Fol goat qu,?,od O . 'passait . \.
An Aotrou Rohan a bE'de ;
(' Itron Varia al' Foigoat,
Grit ma c'hello hor c'haloll pad ;
Grit ma liwennimp tro var dro
Marc'heien Brozaoz euz hor bro ;
Ho pet truez ouz an arvoriz,
80 flastrel gant trubardet criz.
Mar deuan-me biken d'am c'hastel
Goude savetei Breiz izel,
Eurc'hloc'h vosaveten ho tour
A vo clevel ac'hann d'ar mour
o son da c'hervel arvoris
Da zont d'al' pardon d'hoc'h ilis;
A vo clevet ac'hann a bell
o tregarni deiz ho kouel. ))
VIII
Digouezet e pleg an dachen
A guz adre eun huelen,
o deveus savel eun dinel
Evil gorloz heur -ar breze\ .
Hag eur gedour 0 deus lakel
D'ho diwal epad ho . c'houskel.
Lavar din-me, gedour, gedour!
Na le a vel an enebour ?
Il \';ma an d ra c'hell a r zaozon
o roueaL var ar mol' don,
Hag hi·o kerc'hat a bep \eac'h
Bagou da zigas d'Aberwrac'h.
Me vel lregon L bag, hag o .uspen
Dirazomp e traon an dachen,
Val' riz an aod ganlho staguet,
Hag e pep giz 011 pourchasset. ))
Ha pa deu an noz varnezho
Lakeont ho lian d'ho golo,
Le Seigneur de Roha n priait :
Il 0 Notre-Dame du Folgoat,
Donnez réconfort à nos cœurs;
Faites que nous puissions chasser
Les Anglais de chaque coill du pays;
Ayez pitié de vos Bretons,
Ecrasés par des traîtres cruels,
Si je puis retoUrIl er à mon ch:'tleall
Après avoir délivré ma Bretagn e
Je mettrai dans votre Lour une cloche
Qui s'entendra jusqu'à la mer;
Elle sonnera pour appeler les Bretons,
QLI'iis viennellt à votre grand pardon;
On l'entendra au loin, au loin
Sonner le jour de votre fêLe. Il
VIII
- Arrivés à portée de la plaine,
A l'abri derri ère une colline;
Ils ont dressé une Lente
Pour attendre l'heure du combat,
Et ils ont posté une sentinelle
Pour les garder pendant leur sommeil .
. Dis-moi, sentinelle, sentinelle!
Vois-tu venir l'ennemi?
« ( Je vois les Anglais de touLes leul's forces
Ramant sur la mer profonde,
Réu'nissa nt de toutes parts
Des batea ux pour débarquer à l'Aberwrac'h.
Je vois trente barqu es, et plus encore
Devant nous au bas de la plaine
Amarrées au rivage,
Toutes bien gréées et armées.
Et quand vient la nuit, ils se font une Lente de leurs
Nemel c'huec'h marc'heg hernezet .
A jom da zioual al' ronseet,
Hoguen Pen ngou n a l' pen n liern
Kelen net ga n l mouez an ifem
Ne aile kouskel beraden,
Eur goal ïoul a ioa en he benn.
He varc'heieri a zibunas
Ha d'al' riz ganlho e teuas,
Hag e lavare 'n eur c'hoarzin :
Deomp ni da denna eUH laol lin.
Setu 'ma lost d'an anlernoz,
Tud ha chala l deslumet cloz;
Potred arvor so kousket c'hoek,
Savomp eta var hor c'hezek
Ha deomp ac'hann en eul' vanden
D'entana dezho ho zinen.
Dale'hit ela mad d'hoe'h hel'nach,
Ho li l', ho koafou e pou l'saeh
Evil ma lazimp ar gedollr,
Bars ma tihllnô'n enebour,
Goude siou la ma e'hellimp
Var an arvoriz e saillimp;
Braoa taol ev it poll'ed Breiz
Mont ep 'gout dare gant ar bleiz !
. [{oanta maro zo var ar bed
Eo IDprvel divar gre iz kousket !
Penngoun a gomze evelse
Hag al' e'heler noz her bleinie.
Edonl tostik da benn ho hent,
An dislera trollS na glevent;
An êzen epken a e'hoeze,
Ha gedoul' arvor a 1'0e'lIe,
Ar gedour ne l'ea man ebet,
A terre six cavali ers arm és
Demeurent pour ga rder les chevaux.
Penll go ull , (tête riA chi A n), le chef des An glais
Co nse illé par la vo ix de l'e nfer
Ne parvenait pas à clore les ye ux ,
Il avait dans le ce rvea u un mauvais dessein.
Vo ilà qu'il éve ille ses chevaliers
Et gngne nvec eux le rivage,
Et il di sa it ell riant d'un rire méchant :
Allons jouer un bon tour .
Voici qll ' il est près de minuit,
Homm es et bêles salit biell ramassés;
Les ga rs d'Arvor font. un bon so mm e,
Mo ntons sur nos co ursiers,
Et all ons en troupe sen ée
Me Ure le feu à leur tent e
Tenez.donc bien vos a l'm es.
Vos épées, vos lances en arrêt,
Po ur mellre à mort la se lltinelle
Avant qu e ne se réveille l'adversaire,
Puis dans le plus·grand silence
No us po uiTons assaillir la troupe endormi e,
Joli coup pour les gars breton s
D'être croqués par le loup sans s'e n douter!
La plus l ' elle mort qu'il y ail au monde
C'est de mourir dans son sommeil!
C'es t ainsi que Penngoun parlait,
Et un feu follet le guidait.
Ils arri va ient déja à leur but;
Et ils n'entendaient aucun bruit ;
La bri se se ul e so ufflait doucement ,
El la se nUnell e des Bretons r onfl ait.
La senti ne lle était sans so upçon,
Hogen Doue fi 'oa keL kousket,
Evit beza tenval an noz
E vele sclear petra rea'r Zozo
Hennez ne vez kat pell nec'hel,
o Libuna'r guden 1'0esLlet,
Eur blouzen etre be zaoual'O
A dal keit ha dir hag houal'O.
Pa zao he vrec'h 011 galloudus
E flastr al' pennou orgouillus,
Hag e lak' da vont e moged,
An ta oliou caera' rel' el' bed.
Eur c'hi a zigas da scrabat
Doug an dinel, ha da chilpat,
Hag al' gedour 0 tihuna
A zao en eul lam en he zao
Pebez enkrez ha pebez sponL,
Pa vel eun seurl. banden 0 tout!
Pa vel erru eun .seurt banden,
Hag hen da grial abouez penn:
(( AI' zaoz ! Ar zaoz ! Var zao! Var zao!
Buhan- La ! buIJan ! me vel eis .... nao ....
Oaouzeg .... ugent .... me n'oun ket pet
o Lonl val'O'homp ganl ho rOllsepl !- ))
N'oa ket peur lavaret he c'her,
Na doa' n a rvoris ter ha tel'
Ho hernach 011 ganLho 'sLernieL
Ha val' gein ho c'hezeg pignet.
Dre ma comansont tousmac'hat
Hag ho hernez da stirlincaL,
Dre ma ·cleo Lrouzlreid ho rouseeL
Ar zaoza vel ema koll et,
Hag hi d'an daou lam ruz en dro
Ken.a gren an douar ganlho
Souden marc'heiell Breiz-izel
Azo eaL pell dioc'h ho zinel ;
Mais Dieu ne dormait pas,
Qu oiq ue la nuit fût bie n sombre
Il voyait bien le jeu des Anglais.
Dieu n'est pas longtemps em barrassé
Pour dévider un échevea u brouill é,
Une paille entre ses mains
Vaut un e barre de fer ou d'acier,
Qu an d Il lève so n bras tout pui ssa nt
Il éc ra se les têtes orgueill euses,
Et il réd uit en fum ée
Les projets les mieux ordonnés.
Il envoie un chien qui se met à gratter
Et à aboyp.r autour de la ten te,
Et la sen tin elle de s'éveiller
Et de se leve r en un coup debout.
Qu elle angoisse et qu elle terreut'
Quand il voit s'avancer pareille troupe!
Quapd il}perçoit pareille troupe,
Et lui de cri er à tu e-tête:
L'Anglais ! L'A nglais 1 Debout! Debout!
Vite donc ! vite! je vo is huit ... neuf.. .
Douze .. . vingt. .. je ne sa is com bi en
Qui viennent sur 1l 0 US avec leu rs chevaux 1 ))
Il n'ava it pas acbevé d'appeler
Que les Breton s préci pila m ment
Avaient endossé leurs armures
Et monté sur leurs chevaux.
A mesure qu'ils commencent à remu er
Et que leurs armures résonnent,
En attelldant les pas des cbevaux
Les Anglais se sentent perdus.
EL eux de L ourll er bride au grand ga lop
Si bien que tout le sol en tremble.
La troupe des chevaliers Bretons
S'est portée loin à leur poursuite;
Ha ma vijent hi bet lezet
Var ar Zaoz dioc'htu oanllammet
P'ho guel evelse e counna l'
An Aotrou Roba Il a la va r :
(, Argadouriell- , lud ka lo nek,
Fae ve ganhen larcoc'h red ek
Varlerc'h kaillerieo, sklissou fall,
Varlerc'b lud diwil', disleal ,
A ra vel al' bleiz d'an dellvel
Pa gl'ed e vez an dud cousket,
A deu dre la el' da glask lagi
Ar re n'ellonl kel da drec'hi ,
Mes ni zo ma rc'heien gui ri on
Ha rag hor skeud n'on eus ket aon,
Ne ket l'et deomp stoarmad en noz
Evit kempen potred Brozoz.
Pa vem p zoken ga n lho trec'het
Ho brud vad ganlho ne dai ket.
Da zao heol varc'hoas beure,
Ar gann digeri a dlie,
Ar Zaoz enep he c'her zo el
Mes evidoinpni ne daimp ket.
Marc'heg a Vreiz izel biscoas
Enep he c'her touel Il e deas,
Varc' hoas vintin ar vretolled
A ziskuezo d'al' zaozolled
Penauz ep mont morse dre la er
Et reonl avechou têlOliou caer. ))
Pa zeant en dro tram' an dinel
E lavare Paolik Guendel :
« Doganet sa oz ! lern diskrognet !
C'bui grede n'o pije kavet
Nemel ier en hon tinel-ni,
Kudonel don ])ag ouidi ;
Paket oc']) euz eur souezen
Et si on leur avait permis
Ils se seraient jetés immédiatement sur les Anglais.
Quand ils les voient ainsi animés
Monseigneur de Rohan leur dit:
( Braves guerriers, valls gens de cœur,
Je ne daignerais courir plus loill
Après de pareils vauriens,
Des gens sans foi ni loya uté,
Qui font comme le loup aux brebis
Quand il croit que le berger est endormi,
Qui viennent par fourberie attaquer
Ceux qu'ils ne peuvent vaincre autrement.
Mais nous, nous som mes de vrais chevaliers,
Nous n'avons pas peur de notre ombre,
Nous n'avons pas beso in de combattre la nuit
Pour venir à bout des gens d'Angleterre,
Lors même que nous serions vaincus par eux,
Ils ne-partiraient pas avec bon renom.
Au lever du soleil demain
Devait s'ouvrir le combat,
Les Anglais so nt allés contre leur parole,
Pour nous, nous ne trahirons pas la nôtre.
Chevalier Breton jamais
N'est allé contre sa parole jurée.
Demain matin les Bretons
Feront bien voir à ces Saxons
Comment sans all er par fourberi e
Ils peuvent faire parfois de bons coups, )1
Quand ils retournRient vers leur lente
Paolik Gendel disait:
« Dogues anglais! renards rusés!
Vous vous imagini ez que vous n'a uri ez trouvé
Que des poules dans notre tente,
Des pigeons Li mid es et des oies:
Am 'eus chas droug ba Marc'heien
Pere, panefe'r penliern
o doa ho tiloslel, banden lerll !
la, ma cal'je'n Aoll'OU Rohan
Bea lezel al' varc'heien-rnan,
Bars ma vije larzet an deiz
C'hui poa lanvet dir pOlred Breiz,
C'hui voa laket da vuzula
Gant ho keinou an dachen-ma ~
TRE D E K AN
AR STOURMAD
PE AN EMGANN
Anlronoz pa zavaz an heol
Edo pep marc'heg en he reol,
Re 'n arvor ba re 'n enezen
Eur rum e pep penn an dachen,
o c'horloz ar c'herniel guinal
Da zini an urs da slou rLl1a 1.
Elouez al' varc'heien estren
Eur c'hrenn varc'heg var eur marc'h guenn
Eur glazard var dro lrivac'h vloas,
Nag emgam ne velas biscoas,
Ore ma vele an a rvods
A droe oc'h he genvrois,
Da c'hoarzin ha da arieza,
Da laca l he varc'h da vressa.
li Dioual, labousig var al' skour,
Dioual mad oc'h an herzeour,
Ici il ya de bO llS chi ens de garde et des chevaliers
Lesquels, sa ns 1I 0tre granrl chef
NO lls aurai ent coupé la queue, bande de renards!
Oui, si MOllseign eur de Rohan
Avaitillissé ces cheval iers,
Avant que le jou r n'eût lui
Vous auriez goû té l'acier des Bretons,
Ou vous aurait fait mesllrer
CRlle plaine à la longueur de vos dos!
TROISIÈME CHANT
LE COMBAT
Le lendema in quand se leva le soleil
Chaque chevalier était à son rang,
Ceux de Bretagne et ce ux d'An glete rre
Ulle troupe à chaq ue bout de la plaine,
Attendant que les co rs de guerre
Eussent son né le signa l du combaL.
Au milieu des guerriers anglais
Un petit cavalier sur un cheva l blanc,
Un jouvencea u devers dix-huit ans
Qui n'ava it jamais vu de bataille,
A mesure qu'il rega rd ait les Bretons
Se retournait vers ses compatriotes
Pour l'ire et pO Ul' plaisanter,
Et faire piaffer so n cheval.
Prends bien ga rde petit oiseau sur la branche,
Prends bien garde à l'oiseleur, .
Re di ous vi,ntin nep a c' hoa rza s,
Bar? an noz ali ez a welas ! Il
Ar Gouez braz oc' h he velet,
Gant co unnar en deus lava ret ;
( Setu ahont eur marc' heg goa l c' hae
Me gred vamoll -me e ra rae,
Dre 'n abeg m'eus gan hen dillad
Marc'h ha stertliou eu l' c' houeri ad.
GO rl O, bu gel, m'hes ti ZO UII O,
So uden ep cavel te go usko,
Ma ne kel beg va birou fall
M'h es lakai d'obel' eur c' hoa rz ail. »
He warek stign a zizan tel,
Eur bir a vinl 'vel an ave l,
Hag a ia reud en eur voud al
A dreuz he ge rll beteg he dal,
A drouc'h de?han en eun ta ol !nenn
He c' hoa rz, he vu ez hag he empe nn ;
V a l' he benn d'an dM lar eo coeze t,
He va rc' h gant a l' goad zo ruzieL.
Eno neuze e sac breta
Den ne jom m'ui da varc' hala,
An eil rum a slag d'eg ile
En eur ioual, a bris bu e:
En em stl eja 'ru 'r vreloned,
Vit pilat var al' zaozoned,
Ha g a l' Zaoz ' vi t en ern zifen
En em zestum en eur vanden,
En ho raog bizet ho goafo u
Evit herpel oc' il an lao lio u.
E vean 'ez int ell em stal'd el .
Re 'Il arvor a zal'c' ho bep rel ;
'Vel a l' c' houm oul pa vez al'Il e
A ia enep an avel gre,
Pe va r an dour, an ao uri eo ten
Qui a ri de Irop bon malin
Saurent avant la nui t a pl euré ! »
Le grand Gouez en le voya nt
Avec colère a dit:
« Vo ilà là-bas un cheva lier bien ga i,
Je so upço nn e qu e c'es t de moi qu'il se moque,
Sous prétexte qu e j'ai les habits
Le cheval et l'éq uipemel;t d'un paysan.
Aue nd s, mon petit, je va is te se vrer,
Bien tôt tu vas dorlll i r sa ns bercea u.
Si les pointes de mes fl èches so nt bonn es
Je va is te faire chêl llter une autre chanson. 1)
Il tend s.on arc et lâche so n co up,
Une fl èchE' part co mm e le vent
Qui s'e n va ra pide ell sifllallt
A travcr~ sa visière jusqu 'à so n front,
Et lui co upe en un sPo ul co up
Son rirfl, sa vie et son ce rveau;
La tête la premi ère il tO Jllbe à terre,
So n cheval est rougi de so n sa ng.
Alors il se lève gran d bruit
Persa n ne ne reste ma rchander,
Les deux troupes se ru en t l' un e sur l'autre
En criant de toutes leurs forces .
Les Bretons s'avancent ense mbl e
Pour fra ppe r sur les An glais
. Et ce ux -ci pO Ul' se défendre
Se for men t en masse se rrée
Dressa nt devant eux leurs lances
Pour se ga rer contre les co ups.
C'es t en vain qu'ils se so nt massés,
Les Brelans ti endront bon touj ours :
Co mm e les nu ées pendalltl 'o rage
Marchent à r enco ntre du vent,
Ou sur le rui sseau l'herbe d'or
A ia varzu ail e eielle ll
:\1arc'heg Gournad ec'b a grene,
Ha PennfeunLeu n her goa pee :
- Pelra na c' beus-le diga sse t
Ganez da vantel 1 er bleveg ?
Me gred eo sin euz eur c' hl anvollr
Cao ut ri ou dirag an ene bou r !
- Ne ket ga nt annoe l e h enan,
Ga n L en krez kell nebeul ne I"a Il :
Mar d'o mp 011 clan eveldon me,
Ar Zaoz a droi kein ep dale.
Brema zouden vezo guelet
Piou e vezo'r ia c'ha pou'el.
Setu hen 0 vont va l" he giz
Eun nebeut da gemel"el Liz
Ha prim evel eul luc' heden
En em strink e creiz a l" vand en.
Ne velet a bep lu c1ezha
Nemet marc' heien 0 ko eza
Evel ma koez ieo t a steiou
Gant eul' falc' hp, r en he vreou.
Hogen ne deo ket ea L a bell
Eun L ao l goaf c1indan he gazel
En deus dezhan he vreac'!1 so unn eL
Hag etre lreid he varc'h pilet.
Ne glevel mui ll ern el L aol iou,
Ha tousmac'h ha iOllaclennou,
An dil", an hern ach 0 stracal
Hag ar c'hezeg 0 C Î1 0U I"icha 1,
An dachen 011 0 ll"ega l"ni
Gan l an c1i spac' h a rea l enhi.
Kiev ha goa f an Aol roll Rohan
So bel ank ou meur a unan
S'en va contre le courant.
Le cheva li er de Kergo urn adec' h tremblait,
Et Pennfeu ntelllliou le rlaisantait :
- Pourquoi tl'a s- tu pas appo rté
Ton épais manteau de fourrure?
Il me sem bl e que c'est signe de maladie
Que d'avoir froid devan t l'enn emi!
- Ce n'est pas de fr oid que je trell1ble,
Ni de peur, pas davantage;
Si nous sommes tous malades comme moi,
L'Anglais tourn era bride sans tarder.
Bielltôt certes on pourra voir
Quels so nt les gens en meill eu re sa nté.
Le voilà qui rec ul e de quelques pêlS
Afin de prendre plus d'élan,
Et d'un coup prompt comme l'éclair
Il se jette au milieu de la troupe.
- On ne voyait autour de lui
Qu e cavaliers abattu s,
Comme tombe l'herbe par jonchées
S ur le passage du faucheur.
Mais il n'est pas allé loin
Qu'un co up de lance so us l'ai sse lle
Lui a raidi le bras
Et abattu en tre les pieds de son cheva l.
On n'entendait plus que co ups,
Ettumult.e et cris,
Les épées, les armures s'entrechoq uant,
EL puis les cheva ux hen rJÏ san ts,
Et toute la plaine rai so nn er
Pour la t f~rrible besogne qu'on y faisa it.
L'épèe et la lance de Monseigneur de Rohan
OBt donné la mort à plus d'un.
He va p ker goaz hag hen pe woaz
A ra var al" Saoz dislruch braz.
Pa vele Pengoun kemenlze,
Varzu al' penn li ern e kerse
Hag a bep tu d re ma lremen
E pil arvoris 'vel kellien.
lLl'on iaouang a Lezerek
Gouela a rit, goue la dourek,
Ne de kel ep abek. siouas.
Intanvez oc'h 'bars penil al' bloas !
Emis Gen ver bel eu reugel,
E Guengolo disparLiet !
Eun lao l Id eze diganl Pengoun
'Deus lre uzel d'ho pried he galoun !
Ha c'hu i, Jenovefa Kergoal
C'hui oc'h euz ive kal onat,
C'hu i oc'h eus co ll et ho map ker,
Goalen ho kosni , ho penher,
Am eus guelet var an dachen
Aslennel var goenn he groc'hen !
Elre Pengoun ha Duk Rohan
Ne kel padel hir an emgann
Pengoun so bel dihernezP,l,
He gleze dezhan bruzunet
He waf strinket euz he zaouarn ;
Ha digergnet he dok-houarn ;
He varc'h 50 lij er, rag anez
En doa collet SUI' he vuez.
Morlekdeut da rei dezhan skoazel
En de us l'a n ket rei he va n tel.
'Vel eun den diboel e sa ill e,
Val' zibrat ga lltha he gleze,
Gant eun taol eo bel discaret,
Ha bressel ganllreid al' Ronseet.
Son fil s aussi terribl e que lui, sinon pire,
Fait grand carnage parmi les Anglais.
Quand pengo un a vu celle besog ne
Il s'est dirigé vers le grand chef
Et des deux .cô tés SUI' so n passage
II abat les Bretons co mm e mou cll es .
o jeull e Damede Lezé rec
Vous pleurez, à.larm es abondantes,
Ce n'est pas sa li S l'a ison hélas !
Vous voilà veuve ava llt un ail de mariage!
Mariés au mois de janvier,
Au mois de septembre sépa rés !
Un coup d'épée de la mÇlin de Pengoun
A traversé le cœur de votre époux!
Et vous, Geneviéve de Kergoat
Vous avez aussi votre épreuve,
Vous avez perdu votre fils,
Le bâton de votre vieillesse, votre uniqu e enfant ,
Je l'ai vu sur le champ de bataill e
Etendu ayant rendu l'âme !
Entre Pengoun et le Duc de Roh an
La pa rtie n'a pas été longue.
Pengoun a été désarmé,
Son épée bri sée en écla ts
Sa lan ce arrachée de ses main s,
Et son casque défoncé ;
SOli cheva l est agile, ~ans quoi
II eût à coup sû r perdu la vie.
Morlek venu à son seco urs .
A dû abandonner son mantea u,
Comme un furi eux il s'élança it
Brandi ssallt bien haut so n épée,
Par Ull coup il a été abattu
Et fou lé aux pieds des chevaux.
'N Aotrou Lezvern so bet var var,
Discaret eo bet d'an douar,
Mes 0 coeza en deus pilel
Ar zaoz en doa he zisca rel.
Selu hi ho daou krog-ha-krok,
D'al' penn, d'al' bleo, a zacb, a slok,
'Vel daou vaout var eul lelonell
En em dourl ken na slracl ho fenn,
Disparliel ma na vezont,
Ken na varf unan'n em gannont.
Hogen bleis lremor al' c'hrea
A dap al Lezvern dindanha ;
Hen lacal eun dorn var he chouk
Hag eun dorn ail var he c'houzouk ;
AI Lezvern keaz a dourlonke,
He zaoulagad a zifuke ;
Mougel 'vije bet a dra sur
Panefe Marc'hek Keranfur ;
Pa her guel da re da vervel
Hema ker buban hag an avel,
A lam var al' saos didruez
Hag a sa k 1 he waf en he lez.
Ar zaos 'vel eur c'hi counnarel
En eur iudal a zo lamet
Gant he goslez, gant al' gouli
o klask tenna'r c'hlao anezhi,
'Hlask stanka'r goad a ziruille
'Vel eur stifel dioc'b he goste.
Selu he vizach 0 slella,
He zaoulagad 0 koc'henna,
Souden eo en em asten net
Ha mar" mig eo enD chomel.
lzeloc'h e lraon an dachen
Ez oa c'hoas goassoc'h abaden.
Ar Gouez bras n'eus nemel-han
Monsieur de Lesguerll a été en grand danger,
11 a été abattu à terre,
Mais en tombant il a terra ssé à SOli tour
L'Anglais qui l'avait frarPé.
Les voilà tou s les deux agrippés,
A la tête. aux cheveux, tirants. heu l'la li ts,
Comme deux béli ers sllr le pré
Qui se heurtent à faire craqller les tètes,
Si on ne vient les sépa rer
Ils se battront jusqu'à extinction.
01' le loup d'outremer est le plus fort,
Et il immobili se Lesguern so us ses ge lloux ;
D' un e main il lui saisit l'épa ul e
Et de l'autre lui étreint la gorge;
Le pauvre Lesguern râlait
Et les yeux lui sortaient de la tête:
II eût été étouffé à coup sûr
Saris le chevalier de I{eranfur ;
Quand il le voit en si grand danger,
Au ssi prompt que le vent
Il saute sur l'Anglais sans pitié
Etlui enfonce sa lan ce dans le flanc.
L'Anglais com me un chien courrollcé (e nragé )
En rugi ssa nt porte la main
A son côté. à sa blessure,
Cherchant à en tirer le fpr,
Et arrêter le sang qui coulait
Comme l'eau jaillit d'une fontain e.
Voilà son visage qui pâlit,
Voilà ses yeux qui se voilent;
SOUdflili il s'est étendu
Et mort de bon , est demeuré.
Plus ba s, au bout de la plaine
La partie était encore plus chaude.
Le grand Gouez est là tout seul
Ha trego nt saoz en dL'o dezhtlL1 ,
Seizis va rnezhan a bep tu
Ha lazel dezhan he varc' h du ;
He c'hourgleze a zo L O rl'el
M es he ben Il baz en deus da Ic' hel,
Eun den a ziscar bep baza t
MaL'c'h eg ebet ne ell toslaa l,
Evel eun den dall e larc' ho
A ziou, a gleiz, ha Ll'o va l' dro,
Dival' al' penn , di va r al' ge L'n
Ken na vruzum d' he ho eskern.
0 11 en dij e ho c'hempenn el
Ganl he bellL1 baz ep ma l' ebet
M a yij ellL beL en dL'o dez ha
Chomel pell cl a glas k he dUlI1fla.
XII
M es eLre dao u al' vreL oned
o doa lazet ca I s saozo ned,
Ha g al' zaos prim a l'ank l'in sa
An clachen hag en em clen na'
En elln lao l crenn e Ll'ojo nt 011
Val'zu an oad evel a goll ,
Ha Gouez braz a voue kenliz
Lamel divarnh an a l' seiziz.
Tou lI eL oa dezh a n he V O l'zet
He go rf blonseL ha bl'ondn eL ,
Ha ne cl oa mlli e doa l'e .
Da heuill a' l' zaos dL'e ma lec' he.
o velel·se, ga nl he gO Ui1 I JaI',
Gouez a sloke he dre id en do uar,
Hag a gri r va l' bouez he ben n :
(( Darc'hoil varn 'ho- la , Ma l'c' heien !
Da lc'hil mad. Breizi s, creoc' h c'h oas !
Darc' hoil alo ! c'hoas, goasoc' h goas !
Et trente An glais l'entourant.,
L'assiégrant de tous côtés,
So n cheval noir tu é ~ous lui;
Sa dague a été bri sée
M ais il a ga rdé so n pe nlJ -baz,
D e chaqu e co up il abat un homm e,
Au cun cheva li er Il e peut l'approcher:
Il frap pe co mm e un aveugle,
A droite, à ga uche, de tous cô tés,
Sur la tête. SUI' le crâne,
Ecrasa nt et broya nll es os.
Tous il les aurait dése mparés
Par so n penll·baz, et sa ns l'elard ,
S'ils élaient res tés autoùl' de lui ,
S' ils ava iellt. co ntinu é à I·atl aq uel '.
XII
Entre temps les Bretons
. Avai'ent tu é force Anglais
Et ceux-ci doivent promptement
Vider la plaine et s'e n all er.
Tous, co mm e à un signal donn é,
Ils se retourn ellt éperdus vers le ri vage,
Et grâce à ce~te retraite subiLe
Le gra nd Gouez fu t dégagé.
II avait le jarret percé
Le co rps meurtri et roué de coups,
Et il n'était plus en état
De po ursuivre l'A nglais dans sa fuite.
En se voya llt si im puissant, plein de colère
Gouez frappait la terre du pi ed
Et criait à tu e- tête :
(( Frap pez donc dess us, Che va li ers !
Tenez bons, Brelans, plus fort encore !
Tapez touj ours ! plus fort, plus fort!
Ac'banla , saoz ! Ac'ban, lud fall !
Laboused noz, lud disleal !
Tee'hel a rez, saos milligel !
Aoun ac'h eus da veza goanel !
Gorlo-la, c'h oas, lorgnez tre-mor,
Ma vo rouez and ud en a l'VOl' !
Eur marc'hek mad out, eme' r brud ,
la, pa ga vez eousket and ud !
Ne kel red bea re zivorfil
'Vit da laea l oc' h an isp il ;
Da vont adren oul eur c' hounnar !
Da vont araok n'out kel!'e dea !' !
Ma d e deoc' h eo prest ho pagou,
Panefe ze uc'h ho :;e uli ou
'Vije koezel birio lru ez ;
C'bui poa pa el ho fal lag ri ez.
An nos diara og al' vrezel,
N'oa ket kous ket 011 Breiz-Izel,
An dud a VOH nleurbeL nee' hel
Na vije'n arvoris trec' hel.
« Siouas, mar collomp emezho,
Ema greal he zaol gan l hor bl'o ;
N'on eus pell zo nemet allkell,
Goal wasket omp bel belcg henn,
Ha neuze'vez im p goaskel el lU:1s
Gant al' saos goaz evil bi scoas.
011 ez ai ganlho hon dèlnvez
Ha douelus br8z hor buez. »
Selu dre ali'r c'harleris
An dibab euz al' iao ual lki s
En em lak' en hent a valluen
Ep gout dare d'al' varc' heien ,
Evit lamel var re lre ·mor
Eh ! bien , Anglais! Loin d'i ci canailles!
Oiseaux de nui!., gens déloyaux!
Tu prends la fuite, Anglais maudit!
. Tu as peur d'être alléanli !
Attellds enco re, charogne d'outremer
Que les homm es soient rares en Bretagne!
Tu es bon cheval ier, rappo rle- t- on,
Oui, quand tu trouv es les ge ns endormis!
li n'est pas nécessaire d'être bien réveillé
Pour pouvoir !.e tenir en respect; .
Pour rec ul er ri en ne te vaut!
Pour avancer tu n' es pas si prompt!
C'est beureux pOUl' vous que vos barqu es soient prêtes
Sans quoi sur vos talons
Il serait tombé aujourd'hui mll lheur ;
Vo us auriez payé votre traitrise.
XIII
La nuit qui précédait le co mbat,
Tout le pays d'Arvor n'était pas endormi,
Les gens étaient bien anxieux
Quelle serait l'iss ue de la lutte.
Héla s, si nos guerriers sont vaincus
Notre pauvre pays es t perdu;
Dep ui s longtemps nO lis n'avo ns que malheur,
Ju sq u'ici nous avons élé bien acca blés,
Et nous seroll s étreillts encore plus fort
Par ces Anglai s pleins de mali ce.
Hs nous dépouillerollt de tous nos bien s,
Et lnème sans doute de notre vi e. Il
Voilà qu e sur l'avis de la population
L'élite de la jeun esse
Se met en route par grande troupe
A l'insu des chevaliers
POLIr assaillir les ennemis d'outremer
-150-
Mar bijenL treac'h da re'n arVOI",
Hag ho c'hontraign en eun dro grenn
Da vont raktal d'ho enezell.
An noz a dregarlle sponLlIs
Gant al' boudadennou skiltrus
A glevet 011 dre Vreiz Izel,
Iaouankiz oc'h en em c'hervel.
!{er scrijus-se ne vOlle biscoas
Clevet an hu er c'hoajou bras.
Darn a zQuge en ho daouarn
Benviachou, feier houarn .
Dam ail epken pennou bizier
Ha filsier-med 'vil klezeier;
Pephilli'n doa casset gantha
Eur benvek mad d'en em ganna.
Etre Lanniliz ha Folgoet .
Eno int en em zestumet,
Ha pa e'houlaouaz an deis
'Vouent bleiniet gant al' e'harLeris
Da vont a dreus d'an Aberwrac'h
. Ep obel' da le enep leac'h.
Dre ma tremenent al' meziou
Eleae'h Il'oa ket eat al' c'helou
Euz an Laol a dlient di'l obel"
E lilkent ar spont el' c'hi'lrler .
o velet ouspen eis ca n 1 dell
o tonl a bell en eu!' vallden,
An dud keiz a zonje dezho
Ez eat d'ho lacat d'al' maro;
Goudeze p'ho anavezent
En em lakeant ganLho en hent.
Selu penaus 'vezer aouniet
Pa zao arneu dioc'h al' c'hevret ;
Ar c'houmoul savet bem var vern,
Darn anezho du ken a lugern ,
S'ils venaient à vaincre les guerriers d'Arvor,
Et pOUl' les forcer par un bon coup .
De retourner de bon à leur île.
La nuit résonnait terriblement
Des sons retentissants des COl'1lS-bOLld,
Sonnant de tous côtés dans le pays,
Faisant l'appel de la Jeunesse .
Si terrible on n'entendit jamais
Le bruit des battues dans les forêts .
Les uns s'étaient armés à l'aventure
D'instruments de labour, de fourches de fer,
D'autres de simples penn-baz
D'autreh de faucilles en guise d'épées.
Chacun avait apporté à sa guise
Un outil de son choix pour combattre .
Entre Lannilis et le Foigoat
Ils ont fait le rassemblement.
Et quand le jour s'alluma
Les gens du pays leur servirent de guides
Pour s'en aller tout droit à l'Aberwrac'h
Sans s'attarder nulle part en chemin.
A mesure qu'ils passaient dans les campagnes
Où n'avait pas encore pénétré
Le bruit de leur escapade
Ils mettaient l'épouvante dans le quartier
En voyant plus de huit,cents jeunes hommes
Venallt au loill en un e bande formidable,
Les pauvres gens s'imaginaient
Qu'on allait les mettre à mort;
Mais quand ils arrivaient à les reconnaître
Ils se joignaient à eux pour marcher.
Voilà comment on est alarmé
Quand l'orage se forme au Nord;
Les nuages s'accumulent,
Quelques-uns d'un noir intense,
Talmou kurun ha flamou tan
A lak' da grena pep unan.
Mes oc'h a n tan n dre ma LosLa
An arneu a zeu da freuza,
Ha souden eur barrik glao puil
A lam an dud euz a drubuil,
o c'hlibia'n douar dizec'heL
Hag 0 l'en La laouen a Il ed.
Evelse goude an enkrez
E Leu el' galon levenez .
DigouezeL var eun huelen
A leac'lI ma veleL an dachen
Ho c'ha lon a zrid ganL dudi
o sellet oc'h eur seurL c'hoari.
Vel eun hed guenan 0 voda
Edo'r zaozon pa ra via
Var ar riz 0 clask gouL piou
A bignje kenta er bagou.
Kement ez oa foulgas gantho
Ma Lroe al' bagou dindanho,
Ha ca lz anezho gant ho frez
A ruille'n dour ha var an Lrez.
Ne gleveL mui var ar mor rton
NemeL grosmol gan t al' zaozon.
Leoudouet, goal bedenlioLl,
Ha freuz ha Lrouz al" rOllenVOLl .
GanL mali pellat dioc'h Breiz-Izel
Peb bag a ia en be avel
Var ar mor braz da vransellat
Hag ouz an . Lal'ziou da stourmat.
Tud iaouank arvor pa velont
D'al' gcer Limad e tisLl'oont
Da denna ho zud a a n ken
o cas eur c'helou kel laou en.
Co ups de tonn erre et éclairs étincelants
.Font trembler d'épouvante.
Mais à mes ure qu 'app roche le tonn erre
L'orflge se dissi pe
Et bientôt un e ondée de pluie battante
Vient aussi dissiper les craintes,
En arrosant la terre desséchée,
Et en rafraîchissa nt les moi sso ns.
De même après grand e frayeur
L'allégresse revi ent dans les cœurs.
Arrivés au haut d'un co tea u .
, D'où l'o n dominait le champ de bataill e,
Leur cœur se remplit de joie
En voyant ce qui se passait so us leurs yeux.
Comme ùn véritable essaim d'abeilles
Les Anglais tous se remuai ent
Sur le rivage, pour sa voir à qui le premier
P(){1rrait s'embarquer dans leurs bateaux.
Ils y allaient avec tant de précipitation
Qu'ils fai sai ent chavirer les barqu es
Et quelques-uns dans leur élan
Roulaient dans l'Rau et sur le sable.
On n'entendait plus sur la mer profonde
Que bruit et tapage des Allglais,
Blasphèmes, impréca ti ons,
Désordre et grincement des rames.
Pou r s'éloigner a u plus tôt de la cô te,
Chaqu e'barqu e cherche le vent, .
Et s'e ll va balan cée par les flots
Et soulevée par les vagues.
Les jeun es bretons quand il s on t vu
S'en retourn ent promptement à la maison
Pour l'a ss urer leurs fam ill es .
Et leur porter ce LLe heureuse nouvell e .
« Savit ho pennou, Breizadis
Erna tec'hel kuit an dud kris,
Breizis, savit hue! ho penn, .
Erna diwennet an es lren !
Ernaint eh ho.bagou pignel;
Hogen 011 ne di n t ket tec'heL
Ker stang eo e rnez Sanl Anton
Ar re varo var al leton
Vel paziskennaz eun dervez
Ar vosen venn eMontroulez;
Pa voue guelet eun dernezel
E crei.z her eun devez goue l,
Eu n demezel guisket e guen n
En he dom ganthi eur voalen,
Eun dernezel gant eul los t pesk .
(Do ue hor miro dioc'h he arvest !)
Ha kement ma ~elle outho,
Ma vize he goalen dezho.
A bell ne allent mui monel
Na doant ganl ar rnaro skoel.
Siouas 1 neuze oa eun lru ez
Beza e kear Montroulez,
Ne velet dre ail lachellnou
Nemet re varo a sleiou ;
En liez n'oa nrmet goclvan
Nemetlud var ho zrernenvan ;
Nemel al' re a ioa prellnel
Ganl al' vosen gou londeret.
Selu pellflUZ ellla hirio
E Sant Anton al' re varo,
Li\'iril an De profundis,
Lod anezho so arvoris.
Breizis, list brema ho taelou,
Hoc']) enkrez, hoc'h huanadou,
Klaskit ho kuiskamanchou caer,
Levez la tête, chers Bretons,
Ils sont partis ces gens cruels.
Bretons, I(wez haut la tête,
Nous sommes dèb!-lrrassés de CAS étrangers!
Ils so nt remontés dans leurs barques;
Oh ! mais tous ne SOllt pas partis,
Car sur la plaine de Saint-Antoine
Ils sont 'nombreux les cadavres gisants sur le gazon
Comme quand un jour descendit
La peste au pays de Morlaix;
Quand on vit une jeune dame
Sur la grand'place un jour de fête,
Une dame vê.tue dA blanc
Tenant en main une baguette,
Et le corps term i né en Ci uelle de poisson .
(Dieu nous préserve de ce malheur! )
. Et tous ceux qu'elle fixait de son J'('gard
. Et qu'elle visait de sa baguette
Ne pouvaient plus s'en aller loin
Sa ns être fra ppés pa r la mort.
Hélas! alors c'était Ulle pitié
D'être dans la ville de Morlaix,
On ne voyait sur les places
Que morts et cadavres par monceaux;
Les maisons pleines de gémissements,
Pleines d'hommes à l'agonie;
Si ce n' es t les logis qui étaient fermés,
Complètement vidés par la peste,
Voilà comment sont aujourd'hui
A Saint-Antoine les cadavres des combattants.
Récitez le De profundis,
Car quelques-uns sont des Bretons.
Bretons laissez maintenant vos pleurs .
Votre frayeur, vos gémissements,
Cherchez vos plus beaux vêtements,
Ho tillad voulouz ha mezel'
Ho seizennou, ho tanlelez,
Ho karkan iou hag ho perlez,
Ho kroa ziou are'bant alaourel,
Da vont da bardon al' Foi gop t
Da drugarecal al' Verc'bez
E deus siJaouet hor mouez.
Eno velot ar Varc'heien,
En d istro euz a n a baden
Deut da seven i bo gwesl lou
Da di Rouanez an Envou.
Ar Verc'hez a velot dO llget
Gant daou varc'hek'tro bou rk I."olgoel,
Gant an daou argadour c'hoeka
A zispak kleze el' vro -ma,
An daou 0 dellz e Sant Anton
Douaret ar muia saozon ;
Hag elln ail a zOllgo'l' baniel
Dre m'eo bet var var er brezel.
PEV ARE KAN
AN DISTRO
XIV
Brao oa gllelel al' Varc'heien
Skignel dre veziou Kerodren
Oc'h eba tal, 0 lrompillat
Goude distrei euz an argacl.
M es al' pardaez dre ma loslee
Ali aillzer en em c' holoe;
Hag e lare marc'heg Derien,
Deomp- ni ac'hann, argadollrien
Vos habits de velours et de drap,
Vos cei ntures de soie, vos dentelles,
Vos co lliers d'or et de perles,
Vos croix d'argent doré
Pour aller au pardon du Folgoat
Rendre grâces à la Vierge
Qui a écouté nos prières.
Là vous verrez les Cheva liers
Revenus de ce rude combat,
Venus accomplir leurs vœux .
A lil Souveraine des Cieux .
Vous verrez la Vierge portée
Par deux cheva li ers autour du bourg du l'olgoat,
Par les deux guerriers les plus braves
Qui portent épée dans ce pays,
Les deux qui à Saint-Antoine
Ont terra ssé le plus d'Anglais;
EL un aytre po rtera la bannière
Parce qu'il a été en gra nd danger.
QUATRIÈME CHANT
LE RETOUR ·
XIV
C'éta it beau de voir les cheval iers
Dans les grands champs de Kerodren
S'éba ttre, sonner de la trompelle
Retournant de la terrible lulte.
Mais à mesure qu'approchait la nuit
Le ciel se couv rait de nuage5 ;
Etle chevalier Derrien disait,
Allons- noùs -en, bl'a ves hom mes d'armes,
Deomp-ni ac'hann da glasc disc'hlao,
Rag eur goal var amzer a zao.
An avel spontuz a zourre
Hag en diouscouarn a iude,
Bep en amzer e scoe taoliou
Hag a groze evel tennou.
Eur scrij oa sellet oc'h ar mol'
Oc'h eonenna gant fulor;
Gant an tourmant, al' mordarziou
A zave vel kern meneziou ;
Ar c'houagou, en ho c'hounnar
A zilame varzu'n douar,
Hag a slrinke an eonen
Dreist al' c'herreg azioc'h hor penn;
Ar vri gant al lemm a grene
Hag al' c'herreg a horjelle,
An dour a venn' ho dibrada
Kement ez oa cas varnezha ;
Hag ar mordrouz a ioa ker kre
Ma trubuille nep her c'hleve,
Ouspen peder leo tro var dro
E tregarne gantha al' vro.
Eul lestr a veljomp euz a bel!
Hag hen kan net gant an avel ;
Stlaped e voue ha distlapet
Ha goude var eur roc'h taolel;
Broustel he voue li ou, he verniou ,
An ter zigor he gosteziou ;
Korden a l' vag vi ha n a dorras
Ha d'an aod al' mol' he stlapas,
Gant alJ ouliou-inor digassel
Ouz al' c'herreg oue bruzunel;
o vOlJl var ho c'hiz an tarliou
A zache galJlho al' skiliou
Hag ho strinke a nevez flam,
Parlons pour chercher un abri,
Car nous allons avoir une forte tourmente.
Le vent souillait avec violence
Et hurlait comme un possédé,
De temps en temps éclataient des coups
Qui résonnaient avec un bruit d'épouvante.
On frémissait ell regardant la mer,
Toute couverte d'écume dans sa fureur;
Soulevées pa r la tem pète les vagues
S'élevaient comme des montagnes;
Les houles dans leur colère .
Se précipitaient vers la côte
Et faisaient voler leur écume
Par-dessus les rochers au-dessus de nos tètes.
Le rivage tremble sous la secousse, .
Et les rocbers de granit oscillent sur leur base,
Les flots semblent les soulever
Tant est grallde leur violence.
Le vacarne de la mer était si fort
Qu'il faisait frémir ceux qui l'entendaient.
A plus de quatre lieues à la ronde
Toute la campagne en retentissait.
Un navire nous vimes au loin
Ballu par le vent déchaîné;
Etlui jeté et déjeté
Et précipité sur UII rocher;
Ses voiles déchirées, ses mats brisés,
Ses flancs entrouverts;
L'amarre de la chaloupe se rompit
Et la barquette fut poussée au rivage
Les vagues la jetèrent contre les récifs
Et la voilà toute brisée;
En se reliralltles houles
Charriaient ses débris en arrière
Et les rejetaient à nouveau
Ken na doant laket e mil dam.
Ar bar amzer dre ma stracle
Marc' hek Kerlaz a lavare :
« C'boez-ta, avel, var al' mol' don,
Ha kas d'al' gouelel al' Za ozon l
Taol -bi d'al' pesked da zibri ,
Na \'0 hano anezbo mui l 1 )
Kerlaz a gomze evelse
Hag al' varc'beien a c'h· oa rze.
An Aotrou Rohan p'her c' bl evas
Eleac'b c'boarzin ber gourdrouzas.
« Tao I(prlaz, le ac'h eus pec'bet,
Nèl c'boul en ket ma vUll beuZP.t,
Goulen epken ne zislroi n l mu i
D'obel' distrllch en bor bro-nÏ.
Eu n deis ga n L ])oue ba l'I1eL e vi n l,
Oioc'h m '0 devo gret e ca vi n t. «
Kar d'an Arvoris ne vije
Ar ga lon pehini ne c' hoa rsje,
Nep ne zr id je ket he ga lon
E Folgoat derc'henl al' pardon;
o velet Marc'heien hor bro
Trec'hel a l' Zaozoned gant-ho
o L ont d'ar Folgoal a vanden
Eur baniel huel en ho fenn,
Hag e kanent 011 a eur vO li ez :
« Mari, c'hui eo hon Roua nez,
C'hui 1'0 bep ret deompni skoazel,
C'hui eo a zifen Breiz-Izel;
Rag c'hui ne zil ezit nepred
Ail nep ouzoc'h en em erb ed. ))
Kaer oa guelet dre' ll 011 henLchou
Tud oc'h erru out a vandenn ou
Ju sq u'à c~ qu'ils fu ssen t réduits en miettes.
Penda nt que la tempête fai sait rage
Le cheval ier de [(erl nz disait;
(( Souffle donc, vent, sllr la mer profollde,
En\!o ie au fond ces maudits Anglais!
Jette-les en pâture aux poissons,
Et qu'on n'en en tende plus parler! ,)
Kerlaz parlait aillsi
Et les cheva liers riaient en l'écoulant.
Quand Monseigneur de Rohan l'en tend it,
Au li eu de rire il réprimanda,
« Ta is-toi K erl a,z, tu as péché,
En sou haitant qu'ils soien t noyés,
Demande seulemellt qu'ils ne rev iennen t plus
Dévaster el saccagf~ r le pays,
Un jour par Dieu ils seront. jugés,
Ils seront jugés cl'après leurs œuvres .
li n'eût. pas été am i des Bretons
Le cœur qui n'aurait pas ri ,
Le cœur qui n'aurait pas tressailli
Au Folgoal la veille du pardon;
En voyanlles Chevaliers du Pa ys,
L es Cheva liers vainqueurs des Anglais
Venan t au Folgoal en tronpe
Une hilute -bann ière à le"u r tête,
El ils chantaieut tous d'une seu le voix:
(( 0 Marie vous êtes notre Reine,
Vous nous dOli nez toujou rs appui,
C'est vous qui défende? notre Bretagne;
Car jamais vous n'abandonnerez
Ceux qui se recom mandent à vous_ ))
C'était beau de voir par les chem ins
Les ~èlerills ven ant par groupes
'Tout da bardona d'ar Folgoet
Hag hi 011 var gorf ho rochet,
Diskabel caer ha diarc'hen ,
En ho dol'l1 pep a via len ;
A gement kol'l1 a so e Breiz
'Teue pardonerien leun a feiz ;
Ha g 011 e kanent meuleudi ,
D'an Itron al' Verc'hez Vari,
Iia er oa guelet deiz al' pardon
Ar" prc'hez e procession,
Ha var he feon eur gurunen,
Great gant perlez hag aOtH melen ;
Ha g hi douget gallt al Lesvel'l1
Ha map hena al' Pentiern,
A voa gantho pep a zae venll
Var ho c'hroaslez pep a zeizen
Pep a zeizen c'hlaz alaouret
Ha peb a ga rkanl arc'hantet,
Peba gleze ouz ho c'hostez,
Var ho [ellll peb a c'harlantez,
Ar Gouez braz a va lee seder
Gallt al' balliel dre al leUl'ger,
Eu dro dezhan eur se izen venn
Hag CUIl tog houarn var he benn ;
Ha dre ma zeaut et tru Folgoet
Mouez an Arvoriz a glevel :
« Benuos deoc'h, Itrou ha Guerc'he.z,
Skoazel Breiz hag bon Rouanez ! ))
GOl"UlEN MORVAN .
Venant pèleriner au Foigoat.
Et tous en corps de chemise
Têtp- nue et déchaussés.
En leur main la baguette du pardon;
De tous les coi ns de la Bretaglle
Accouraient des pardonneurs pleins de foi.
Et tous chantaient louanges
A Notre-Dame la Vierge Marie.
C'était beau de voir le jour dl) rnrdon
La Vierge en procession.
Et sur sa lête "une couronne
Faite dE' perles et d'or brillant,
Portée par le cheval ier Lesguern
Elle !ils aîné du grand chef,
Vêtus chacun d'une aube blanche
Les reins entourés d'une ceinture,
D'une ceinture bleue brochée d'or,
Autour du cou un collier d'argent,
A leur côté l'épée de comhat,
A leurs cheveux un flot de rubflns .
Le grand Gouez s'avançait triomphant
Portant la bannière autour de la pl(lce,
Ceint d'une ceinture blanche
Et la tête coiffée du casque;
Et pendant qu'ils faisaient le tour de la procession
La voix des gens .d'Arvor chantait:
(( Merci à vous, ô Notre-Dame,
Soutien de la Bretagne, el. notre Souveraine! »
Chanoine ABGRALL
EPILOGUE
Les derni ères pages de ce poëme guerri er étaient so us
presse au moment où se déroul aient les terribl es épi sodes de
la lutte titanesqu e qui po rte déjà et qui ga rd era dans l'his
toire le nom de Bataille de Verdun. Depuis le '19 févri er
jusqu 'au 1 "" mars et au delà proba bl ement, nos rég iments
français so uti elllleilt vail la mm ent et victori eusement la ru ée
monstru euse des Allemallds. C'es t la poussée la plus violente,
la plus féroce qui ait jamais eu lieu dep uis le co mm ence ment de cette guerre, et mème da lls tout le co urs des siècles
passés.
Ce lte mêlée formidabl e es t hors de toute proportion et de
toute co mparaiso n avec le petit mais glorieux fait d'a rm es
chanté par Il ot.re poète. M ais il nous es t bon de constater qu e,
à la di stall ce de cinq siècles, les Bretons sont touj ours dignes
de leurs devall ciers, qu e les gentilshomm es, les bourgeois,
les pa ysa ns, les étudiant s, les illstituteurs, les professe urs,
les prêtres, les sé min ari slesde H) 1 4, 19 1 5, 191 6, montrentla
-même bravo ure, le même dévoilement, le même am our du
pays, que les chevali ers, le grand Go uez et les jeun es ca m
pagnard s de 1 486 .
Il nous paraît juste, après avoir admiré la vaillan ce de nos
héros de la fi n du XV" siècle, de paye r Ull tribut 'd'homm age
et de reco nn aissa nce patri otiqu e à nos fusiliers-marins, à
notre infanterie coloniale, à 1l 0S 19" et 118
régiments d'in-
fanterie, co mposés dl' Bretons jeun es e t. vieux, qui ont été les
gra nds fl cteurs de l'épopée de Dix mude et de 1 Yser, des
grands co mbats de Cha/llpag ne l' II se ptem bre 19 15, et main-
tenant du drame gig::lllt PS qU8 qui se joue autour de Verdun.
1·" iHars 1916.
J. -i\L A .
363
DEUXIEME PARTIE
Table des mémoiTes pub liés en 1916
1 Argud Absrwrac' h, Le Combat de l'Aberwracî1,
, çomposé par M. l'aBbé Goulven Morvan, tra
duit par :\1. le chanoine Abgrall . ... ,....... 3,
2 Inscl"ptions gravées et sCLllptées sur les églis·es .
~ et (tlonuments, recueillies par M. !e chanoine
Abg rall ........ . .... .. .. .. ... . . .. ............. .
3 :\1ottes :éodales, par :\1. l'abbé Méve' et M, Yves
Le F'eb\'re .......... . ... . ... .. ... . .. . . . . .. ... .
4 · Le vra i texte de l'histoire rniracu'euse de N.D.
du Folgoët, par M. Lécureux .. . . . .. .. ... , . ... ,
5 Le P·rieuré de Lochrist-an-Izelvet, . par M. Ogés ..
6 L'hymne alphabétique et l·es vies de saint Gué
nolé et de saint Idunet,' dans le cartu:ai·re . de
. Landévenn ec, par le P. de Bruyne .. , .. .. .. . .
7 Petite- chrenique· de l\1onsi,eur sainct Tugen, par
M. Le Carguet. . . .. . . ... ,. . ... . . . . . . 184, 213,
8 Notes sur l'établissement du Télégraphe Chappe,
par Daniel Bernard ............... , . , . ... . . , .
,9 Lettres d'un Tambour de la 1
Répub'ique r. e cueillie et publiées pal' M, Marzin... .. . 249,
10 Autour du Moulin-Blanc, 'avec planch'es, par
M. Le Gtiennec .. . ..... ......... .. . . .. . .... .. .
11 Que'qu,es bornes routières, du temps du duc
d'Aiguillon, paT M. le chan oine Abgrall . .. .. ,.
12 Ex· cufsiQn archéologique aux r uines romaines du
Pérenno u, par : -"'1. le chanoine Abgra' J .
13 Guilers, notic. e paroissiale, par M. le comte Co-
nen de Saint-Luc .......... . .. : . . .. . . ... . .... . .
14 Discours de fin d'année, par M. le Président. . ....
Pages
111
201
261