Responsive image
 

Bulletin SAF 1915


Télécharger le bulletin 1915

Mottes féodales

Chanoine Abgrall

Avertissement : ce texte provient d'une reconnaissance optique de caractères (OCR). Il n'y a pas de mise en page et les erreurs de reconnaissance sont fréquentes

Société Archéologique du Finistère - SAF 1915 tome 42 - Pages 54 à 85

Sur notre sol breton on rencon tre assez fréquemment des
tertres de dimensions variables, manifestement construits de
main d'homme. La plupart ont une forme assez déprimée,
une courbe un peu ap~atie, et mesurent une hauteur assez

faible comparativement à la largeur de leur base. A leur pied

il n'y a ni douve ni dépression de terrain et l'on peut cons-
tater que les matériaux qui les composent n'ont pas été pris
autour du monument, mais ont été apportés d'une certaine
distance.
Ce sont des Tumttlus : tertres funéraires préhistoriques,
recouvrant un ou plusieurs tombeaux, constitués par des
chambres dolméniques ou par de simples dépôts de cendres
ou d'urnes funéraires. Ces monuments ont été, en très grand
nombre, explorés par notre ancien Président., M. Paul du
Châtellier, qui a décrit ses fouilles dans de multiples notices,
brochures et volumes, et y a donné la nomenclature des mo-
biliers variés que renfermaient ce5 tombeaux. , .
Mais il y a d'autres éminences artificielles qui diffèrent
absolu'ment d'aspect et sont d'une autre nature. Elles sont
généralement placées sur la déclivité d'unecolline, ou sur un
promontoire s'avançant en éperon dans une vallée, de ma­
nière à n'être facilement accessibles que d'un seul côté; de
plus, elles ont leurs parois beaucoup plus abruptes et sont

entourées de douves larges et profondes qui en rendent l'accès

plus difficile et l'assaut malaisé.
Ce sont des Mottes Seigneuriales ou Féodales.
A quelle époque doit-on en attribUAI' la construction?
Il serait peut-être imprudent d'adopter pour cela llne règle
stricte et de leùr assigner à toutes une même date fixe. Ces

mottes sont des refuges, des fortins, des citadelles primitives,
et à toutes les époques on a dû choisir, pour ces asiles et ces
travaux de défense, des positions naturelles s'y prêtant par
leur configuration.

Nous avons des oppidums gaulois dans certains promon- .
toires du Cap-Sizun et sur quelques sommp-ts des Montagnes­
Noires. où les réfugiés n'avaient que peu de travaux de pro­
tection à exécuter pOUl' se mettre à l'a bd des allaques de leurs
ennemis et des incursions des envahisseurs; mais ces oppi-

dums servaient à toutp une tribu, tandis que les mottes sont
de dimensions plus restreintes et ne pouvaient en somme ser-

vil' de refuge ou de citadelle qu'à ulle seule famille ou à un
chef avec un nombre limité d'hommes d'armes.
y a-t-il des Mottes ou petites forteresses datant de l'époque
préhistorique? Dans le pays nantais il existe toule une
série de ces éminences forlifiées, qui ont éveillé la curi.osité

des cherctJeurs et ont donnné liell à des théories dIverses. On

les dénomme des Châteliers, et on est arrivé à conclure que
ce sont des ChâteLiers IndustrieLs, des ateliers fortifiés, des

fonderies de fer ou autres métaux, des fours à potiers, elc ... ,
que l'on voulait mettre à l'abri de l'indiscrétion des curieux
et de la rapacité des pillards. Ces châteliers n'ont rien de
commun avec les Mottes de chez nous.

Ces Mottes sont-elles romaines ou gallo-romaines? .

M. Jourdan de la Passardièl'e, dans sa Note sur l'occupation
militaire de l' l11'morique par les Romains, (Bulletin de la So­
ciété Anh.éologique du Finistère, année 1904, p. 82), s'exprime

aInSI:
« Mais le nom de Castel est aussi donné à certains restes
d'ouvrages fortifiés le plus souvent en terre ; et l'on a pu

reconnaître fréquemment dans ces ouvrages ' les vestiges

caractérisés de stations militaires romaines, et même par-
fois préromaines, puis romaines successivement. )) .
Le nom de Castel en effet est· donné à d'anciens çamps

romains, soit de grande dimension, soit quelquefois de di­
mensions assez réduites, mais qui sont encore différents des
monuments qui nous occupent, lesquels aussi sont dénommés
Castels par le peuple. Je sais que le regretté et très savant

M. Jourdan de la Passardière, dans certains entretiens que
nous avons eus ensemble prétendait que les Mottes féodales
sont d'anciens postes romains, exécutés 'par une teoupe assez
nombreuse de passage, représentant le travail d'une ou deux
journées d'un corps de deux cents ou trois cents légionnaires,
et qu'on laissait ensuite à la garde de quelques horn mes et
d'un chef subalterne, pour former une liaison avec d'autres
postes établis en avant et en arrière. Cela peut être vrai pour
de véritables camps ou petits postes; mais je suis porté à croire
que M. Jourdan n'avait pas examiné d'assez prps les ouvrages
stratégiques que sont les mottes. pour se rendre compte du
travail qu'ils avaient demandé, bien connaître leur structure ·

intime et les matériaux qui les constituent.

La plupart de ces mottes représentent des semaines et des
mois de travail d'une équipe de terrassiers associés à des
manœuvres et à des maçons qui ont transporté et mis en
œuvre les pierres entrant dans la maçonnr.rie des .murs d'cn-

~ ceinte et daos celle du donjon central ou des habitations. De
plus, dans aucune de ces mottes, si mes observations sont
justes, on n'a trouvé le moindre vestige de maçonnerie romai­
ne, de tuiles ou briques, de poteries caraetéristiques de cette
époque, tandis que ces éléments se rencontrent toujours, en

grande ou en petite quantité, dans les camps ou postes vrai-
ment romains.
En outre, les postes et camps romains ont toujours une

. relation pl us ou moins proche avec le parcours des voies

romaines; pour ce qui est des mottes en question, il semble
qu'il y ait une indépendance complète avec ces voies ancien­
nes; elles sont simplement établies sur des points qui sont
favorables à la défense. .

Si l'on s'en rapporte à la vie de saint Ténénan, ce serait

lui qui aurait construit la motte de LesquéLen en Plabennec,
au vn

siècle. Quelques-uns de ces ouvrages de , défense datent­
ils de cette époque? Cela se pourrait. Les viE'iIles chroniques
citées par M. de la Borderie dans le 2

volume de son Histoire
de Bretagne (p. 356, dernières lignes), disent que cc les Danois
et les Normands brûlent les villes, les châteaux, les égli­
ses, etc ... )) Ces châteaux ne seraient-ils palS ces petites forte­
resses dont nous nous occupons?
En tout cas nous trouvons des exemplaires au XIe siècle, et
la tapisserie de Bayeux, qui retl~ace les prouesses de Guil~au­
me le Conquérant, représente les châteaux de Rennes, Dol et
Dilian sous formes de tertres artificiels, entourés de douves

et surmontés de palissades et de donjons en bois ou en ma­
connerie. Ce sont bien là les caractères des mottes dont nous

allons nous occuper, et ils concordent avec ceux que signalent
Arcisse de Caumont et Viollet-Le-Duc en attribuant au XC et

au XIe siècles ces petites rorteresses primitives qui furent les
précurseurs de nos châteaux féodaux d'une toute autre impor­
tance édifiés au XIIe siècle et au XIIIe, mais dont il ne reste
plus que des ruines: le V~eux-Chastel, dans la forêt de Névet,
en Plonévez-Porzay; Coat-Meur, su r la lisière Nord-Ouest
du bois de ce nom, en Landivisiau; La Hoche-Maurice; -
T7'émazan, en Landunvez; le Penhoat, en Saint-Thégon­
nec, à proximité de Penzé.
Voici la liste des mottes dont j'ai l'intention de parler, en
commençant par celles que j'ai pu observer en Cornouaille,
Sud du département, et en continuant par quelques autres
situées dans la région du Nord, correspondant a u Léon:
Cornouaille
1. Coat-M01"Van, en Mahalon.
,, 2. Bois du Quilliou, en Plogastel-Saint-Germaiu.
3. Stang-Rohan, en Pluguffan. ,

4. Bois de Boissavarn, en Plomelin.

4. Le Dréau, en Saint-Evarzec.
6. Luzuen, en Nizon.
7. Le Faou.

Léon
-8. - Morizur, en Plounéventer.
9. . Tournuz, en Plounévez-Lochrist.
10. Castel-HueZ, en Coa t- Méa!.

11. Lesquelen, en Plabennec.
12. Lamber, au bourg de ce nom, entre Saint-Renan et
Plou moguer. ·

1. Ooat-Morvan, en Mahalon .

A la distance de 1 petit kilomètre Sud-Est du bourg de
Mahalon, canton de Pont-Croix, est un petit bois taillis, dé­
nommé Coat-Morvan. Ce nom lui vient-il de notre fameux
roi Morvan; du IX

siècle, qui combattit contl'eLouis-le Dé­
bonnaire, ou bien le doit-il à un chef ou à un propriétaire

moins illustre? Daris la partie Ouest de ce bois au haut d'une

déclivité de terrain, se trouve un tertre fait de main d'homme,
de forme à peu près ovalaire, mesurant environ 4:5 mètres de
longueur sur 37 mètres de largeur entouré de douves de tous
côtés et avant une dizaine de mètres de hauteur au-dessus du

fond de la douve de l'Est, tandis que vers l'Ouest la pente du
sol descend à plus de 20 mètres en contrebas du sommet.
En mars '1882, M. le comte de Saint-Luc, du château du

Guilguiffen en Landudec, parent de M. le comte de Salaberry,
propriétaire du terrain, entreprit d'explorer . cette 'curieuse
éminence, où l'on voyait émerger quelques vestiges de ma­
çonneries. En déblayant le plateau supérieur, il arriva à

dégager les murs à demi-éboulés de trois corps de logis. Le
principal, qui semblait former la pièce de résistance, ayant
des murailles de t m35 d'épaisseur, mesurait en creux 14

sur 7

6fl. Ce devait être le donjon, ou du moins le refuge,
destiné à la défense et à la résistance.

COAT-MORYAN. Plan

Soudée à ce bâtiment, en équerre dans la direction Nord­
. Ouest, est une aile ayant des murs moins épais: om75, et

F ' 60 .'

lE' - ..pp 1 C). - - -

tsi.~

dont le creux mesure H

50 de longueur sur 4

75 de largeur.
Un mur de refend" de Olll45 d'épaisseur, la divise en deux
. pi'èces, l'une ayant une longueur de 4

80, l'autre 6

70. Vers

'':- .. .....;:~.':t" .. !II.~ .. _.

COAT-M on VAN. Reconstitution
(Vue cavalière)

le milieu de celte dernière, un foyer carré, surélevé de Om40
au·dessus du sol qui sert de pavé et ayant 1

10 de côté, pré-

sente â son sommet une dépression de Omi8 de profondeur

pour recevoir le combustible ou retenir la cendre. L'emplace-
ment de ce foyer, presque au · milieu de cette salle, semble
une persistance des huttes et maisons gauloises, et se trouve
encore continuée d'e .·nos . jours dans les huttes de sabotiers.

Nous aürons ocçasion de signaler un foyer analogue, mais
rond cette fois, .dans la motte du Quilliou .

. A Coat-Morvan, ces deux bâtiments que je viens de dé-
èrire, occupent l'extrémité Sud de la plate-forme, et vers le

bout Nord est' un autre logis enclos de murs de Omn> d'épais-

seur, et formant deux salles d'inégale largeur, l'une mesurant

50 de large sur 6 mètres de long, l'autre 5

40 sur '13 mè- ·
tres. Ce sont de belles dimensions.
Chacune de ces quatre pièces est desservie par une porte
de Om80 d'ouverture. La salle oùse trouve le foyer offre seule

la trace d'une fenêtre; il est possible que les autres pièces en
eussent aussi, mais à un niveau supérieur, car il n'y a que
les parties basses des murs qui soient en place sur une hau­
teur d'environ 'lm50, exception faite pour le donjon, où la

hauteur intérieure dépasse 2 mètres.
Le sol intérieur de ce donjon est en contrehaut de celui des
autres bâtiment de t)

60; dans les murs on ne voit aucune
trace de porte, ce .qui indique que, par mesure de précaution,
on y entrait au moyen d'une échelle mobile, par une ouver­
ture supérieure correspondantà un étage. C'est un dispositif

que l'on retrouvera plus tard à Trémazan, peut-être aussi à
la Roche-Maurice, et qui est assez général dans les donjons
du XIIe siècle.
M. le comte de Saint-Luc, dans son exploration, n'a trouvé
qu'une clef en fer à tige courte et anneau carré, un morceau
de bois de cerf et quelques fragments de poteries.
II termine ses notes en disant: « La construction du don-

« jon de Coëtmorvan ne saurait être postérieure à la fin du
« XIe siècle .et il est probable qu'elle remontait à une date

« plus reculée. Les ruines, malgré leur état de dégradation
« fort avancé, peuvent encore donner une idée de ce qu'é­
« Laient les premières forteresses de la féodalité dans nos
« contrées. )) La vue cavalière qu'il a dressée de cet éta­
blissement nous aide à en mieux comprendrel'aspecl primi- .
tif.
A 1 kilomètre, à vol d'ois(~au, au Nord-Est, de l'autre côté
- du vallon, sur le terrain de Meilars, rive droite du Goayen,
se trouve le petit camp romain de Lesvoayen, oUrant une
plate-forme bordée de parapets. Il accuse franchement son
caractère romain, par sa position, sa structure et les poteries
que l'on y rencontre, et l'oll peut dire qu'il n'a aucune rela­
tion avec la moLLe de Coat-Morvan.

.... Castel-Coz, dans Le bois du Quilliou,
en PlogasteL-Saint-(;ermain.

A 300 ou 400 mètres à l'Ouest du bourg commence le bois
du Quilliou, qui peut avoir '1 kilomètre '1/2 de longueur sur
1 kilomètre de largeur. Faut-il chercher une étymologie à ce

nom? Quilliou signifierait: Enceintes, Cellules'. Kel-Cella .

Pluriel: Quilli, Quilliou. . .
. Dans la même année où il fouilla la butte de Coat-Morvan,
M. le comte de Saint-Luc entreprit aussi l'exploration de celle
du bois du Quilliou, voisine de sa résidence du Guilguiffen.
La configuration des deux tertres est à peu près identique;
. mais celui du Quilliou est un peu moills étendu, de forme
triangulaire, à côtés et angles arrondis, présentant également

à son sommet les substrucLions de deux bâtiments différents,
diversement orientés. L'un mesure 1'1 mètres de longueur

intérieure sur 7 mètres de largeur; l'autre est divisé en deux

pièces de largeur inégale: 8

;:)O sur 4

t)0, puis 4

t)0 sur 3

La première de ces salles comprend aussi un foyer vers le

milieu, mais rond au lieu d'être carré comme celui de Coat­
Morvan, et ayant 1

50 de diamètre.

Auprès du pignon Nord-Ouest de ce bâtiment sont deux

CASTEL·COZ. - Plan

murs de soutènement qui traversent l'épaisseur du parapet,.
p'our former entrée; un pont mobile devait y accéder, passant

au-dessus de la douve, pont que l'on pouvait enlever en cas
d'alerte, ou même dresser comme un pont-levis pour servir
de herse ou de fermeture.
Chose curieuse, sous les maçonneries du premier bâtiment
existaient les substructions de deux autres, qui semblent
gallo-romaines; puis, à Hi ou 20 mètres au Nord des douves,
d'autres substructions de quatre pièces, dont deux offraient
des traces de foyers. '
Partant des angles Est et Nord-Ouest des douves, un re­
tranchement de moindre hauteur allait former une enceinte
en forme de trapèze, qui pouvait mesurer environ 60 mètres
dans les deux sens, longueur et largeur. Cette clôture devait
enfermer des bâtiments de service, étables, parc à bestiaux.

On pourrait rattacher à cet établissement une autre motte
qui en est distante de 3 kilomètres, à vol d'oiseau, située à
l'Ouest des bois du Guilguiffen, au point marquant la
cote 123 dans la carte de l'Etat-major et dans celle du Mi-

nistère de l'Intérieur; à 1 kilomètre au Sud de la route de
Quimper à Landudec, à 1 kilomètre 1/2 au Sud-Est de ce
bourg. La butte n'a guère plus de 4, ou Q mètres d'élévation,
et les douves ne sont pas profondes, mais de son sommet on dé­
couvre un vaste espace. Il ne semble pas qu'elle ait comporté de
construction en maçonnerie, mais probablement une tour en
bois ou en clayonnage. En revanche" à ses pieds, du côté
Nord-Est, on trouve des restes 'assez considérables de maçon­
neries, et la tradition du pays dit même qu'il y a eu en ce lieu

une chapelle sous le vocable de Saint-Nicolas.

3. - Stang-Rohan, en Pluguffan
Quand on prend le chemin de fer de Quimper à Pont-l'Abbé,
après avoir franchi les hauteurs de Penhars, à environ 4 kilo-

mètres de la gare de départ, on traverse un vallon assez pro-
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉO. ' " TOME XLI (Mémoires 5.)

fond, et dès que le train a entamé le versant opposé, on peu t

apercevoir à main droite, c'est-à-dire à l'Ouest, un coteau qui
s'avance en promontoire dans la vallée, et qui est couronné
par des travaux affectant la forme de retranchements de tracé
presque circulaire; c'est la motte de Stang-Rohan. Si vous
interrogez les autres voyageurs, les gens bien avertis, · ou qui
se croient tels. vous diront avec une petite suffisance mêlée
d'un léger dédain : « c'est un camp romain ». C'est assez

pour eux, ils n'ont pas poussé plus loin leur documentation.
Cet établissement est loin d'être romain, et l'on n'y trouve
aucun des éléments habituels des stations romaines: ni

maçonneries en petit appareil avec mortier dur et solide, ni
tuiles, briques, poteries, pavé en béton, etc. Ce n'est pas non

plus un camp, comme nous le verrons par la description du
monument.
Stang-Rohan : étang de Rohan. Pourquoi Etang? Le
minuscule étang du moulin voisin n'a pas assez d'importance
pour imposer son nom à tout son entourage. Il est à croire
que le vallon a été autrefois barré par une chaussée, pour
créer au pied de la butte, à l'emplacement des prairies
actuelles, un étang assez vaste ou une sorte de marais for­
mant une excellente défense naturelle.
Stang-Rohan. Pourquoi cette attribution de propriété
aux Rohan, dans ce pays de Quimper? -
. La ville de Quimper et le pays d'alentour formaient autre-

fois six fiefs différents:
Le fief de l'Evêque ; celui du Duc et plus tard du Roi; -
les fiefs du Plessis Ergué ; -- du Hilguy ; de Coat-Fao

et Pratauras ; de Quéménet. .
Ce fief de Qu,éménet, originairement Quéménet-Even, appar-

tenait au xe siècle à Even, comte de Léon, et a appartenu à
sa postérité jusqu'en 1363. A cette époque, Jeanne, dame de
Crozon et de Kéménet-Even, épousa Jean 1

, vicomte de
Rohan, à qui elle apporta les biens de sa maison. Le Quémé-

net-Even, outre le pays du Porzay: Plonévez, Ploéven, Qué-
ménéven, Saint-Nic, Plomodiern et une portion de Locronan,
étendait encore sa juridiction autour de Quimper, sur la plus
grande partie des paroisses de Saint-Mathieu, Plonéis, Plu­
guffan, · Plomelin, Penhars. De là deux noms que nous trou­
vons dans les vieux actes : JJ1 énez-Rohan, montagne de
Rohan, ou colline de la Justice près de l'Ecole normale actuelle
d'Instituteurs, emplacement des fourches patibulaires de ce
fief , ; puis Stang-Rohan, en Pluguffan ; c'est justement le
nom de la motte dont nous nous occupons," et qui doit remon­
ter aux premiers âges du fief en question (1).
Le coteau sur lequel elle est assise est séparé du plateau
Midi par une dépression de terrain, dans laquelle on a prati­
qué deux lignes de retranchements et de douves, parce que
c'est le côté le plus faible. A l'Est · et à l'Ouest se creusent
deux ravins qui donnent de l'escarpement à ces deux flancs
de la butte, et celle-ci s'avance au Nord en véritable éperon
d"ans la vallée, laquelle a, au moins, une profondeur de 30 ou
35 mètres, ce qui rend l'escalade très difficile ou presque
impossible sur cette pointe du promontoire.
Au sommet de la butte on rencontre une douve qui con­
tourne une levée de terre haute de 4

50 à 5 mètres. Ce retran­
chement n'est pas absolument circulaire, mais affecte plutôt
la forme d'un rectangle irrégulier, à côtés légèrement courbes
et angles arrondis. Il mesure environ 4!j, mètres dans le sens

Est-Ouest, et 30 dans le sens Nord-Sud, ce qui lui donne, à sa
partie inférieure, un pourtour d'environ 140 à 150 mètres.
Quand on a gravi ce rempart, on constate qu'il forme mur de
défense autour d'une sorte de cuvette, et s'il est revêtu de

terre et de gazon du côté extérieur et du côté intérieur, on
peut reconnaître sur un poi.nt Nord-Ouest de l'intérieur

(0 Conf. Ogée, art. Ploéven, p. 3'l3. Quéménéven, p. 386. TRÉVÉDY,
Promenades autour de Qllimper : Blllietin de la Société archéologique, 1.882,
p. 32, 33, 34 '1883, p. 2 H.

,~ 9 6S r .:'!,

qu'il est constitué par une vraie muraille en maçonnerie,

dont les assises supérieures se sont éboulées et ont formé
terrassement des deux côtés. Cette muraille d'enceinte, était

~TANG-ROHAN. Plan

autrefois verticale et formait un rempart d'une bonne résis-

tance, eu égard aux armes et aux moyens d'attaque de l'épo-

que.
Vers la partie centrale de - cette cuvette, on retrouve les
maçonneries d'une construction rectangulaire, mesurant une

lbngueur totale de 12

70 sur 7

90 de largeur. Les murs de
pourtour ont 1 m20 d'épaisseur, ainsi qu'un mur de refend qui

69 n'

partage la construction en deux pièces, les deux ayant om~o
de -creux, dans le sens de la largeur, et J'une 4

10, l'autre
D mètres dans le sens de la longueur. Les débris éboulés à
l'intérieur ne permettent pas pour le moment de reconnaître
l'aire qui formait le sol ou le pavé, ni de voir s'il y a des traces
d'un foyer comme à Coat -Morvan et au Quilliou.
Cette habitation, qui formait une sorte de donjon, pouvaj it
être assez élevée et être composée de un ou deux étages .

,Actuellement les murs s'élèvent à 1

aO au-dessus des déblais
et éboulis intérieurs, et 3

oO au-dessus du sol de l'enceinte
qui l'entoure; tandis que le mur de précincLion , n'a, pour le
moment, que 2 mètres au-dessus de ce sol. Il devait être u.n
peu plus élevé autrefois, mais n'avait guère besoin d'une plus
grande hauteur de ce côté, puisqu'il offrait à l'extérieur un
bien plus grand escarpement: 411\50, du CÔlé de la douve Su~,
escarpement qui s'accentuait à l'Est et à l'Ouest, et devenait
, beaucoup plus considérable à l'Ouest en face de la vallée.
A 2 ou 3 mètres de l'angle Nord-Ouest du donjon, on voit
l'orifice d'un puits carré; presque entièrement comblé. C'était .
yne ressource précieuse en cas de siège .

Ajoutons que, à 500 mètres de distance, à vol d'oiseau, sur
la colline qui domine le vallon au Nord-Est, à la cote 92 mè­
tres, il y a un camp ancien, de forme à peu près carrée, mesu­
rant au moins 200 mètres de côté, avec retranchements et dou­
ves. II est dénommé: camp de Kercaradec, du nom du hameau
voisin. On aurait pu croire que c'est un camp romain, mais
les explorations qui y ont été faites n'ont fourni aucun vestige
romain, mais seulement une fusaïole, un tranchant de
hache en pierre, des fragments de poteries gauloises et

des pierres de fronde (1). II est donc à croire que ce camp
est gaulois; il a dû servir à une troupe considérable, la posi­
tion qu'il occupe est excellente pour la défense et domine

admirablement tout le pays d'alentour.

(i) P. DU CHA'fELLlEIl.. Les Epoque:; prf/listol'iques, p. 333.

La motte de Stang-Rohan est aussi fort bien organisée pour
la défense, mais ne pouvait servir de refuge qu'à un chef avec
sa famille et une garnison très restreinte. C'est bien le châ-
teau féodal à l'état embryonnaire. .

4. Motte de BOÎêsavarn, en Plomelin.

Au côté Est de la route de Quimper à Plomelin, dominant
. le vallon de Boissavarn et du Nénez, est un bois taillis dans
lequel on reconnaît, à bonne distance, une éminence se dessi­
nant au haut de la pente. Pour s'y rendre il faut traverser des

prairies par un petit sentier qui n'est sec qu'à la belle saison.
Ce sentier continue dans le bois et mène directement à la
motte qu'on a aperçue de loin. Il faut monter un raidillon
assez rapide, puis on descend dans une douve dominée
par un terrassement très escarpé, d.'une haut8ur d'environ
6 mètres. Faites l'escalade et vous vous trouverez sur un
parapet de terre, de 1

50 à 2 mètres de hauteur, entourant
une cuvette mesurant environ 16 mètres de largeur sur 20 de
longueur. Faites le tour de ce petit rempart pour constater la
présence d'une douve profonde creusée à ses pieds et régnant
sur tout le pourtour. Du côté Est il y a comme une entrée ou

chemin d'accès .. Dans l'épaisseur du parapet en terre on peut
observer aussi les traces d'un mur en maçonnerie. Lorsque
ce quartier du bois est dégagé par une des coupes périodiques,
on peut reconnaître à quelque distance à l'Est, une autre
enceinte plus vaste, mais à retranchements beaucoup moills .
élevés.
Cette motte de Boissavarn a-t-elle quelque rapport avec le .
château de Kerlot distant de 1 . kilomètre dans la directi'on
Nord-Ouest, et près duquel on a trouvé le groupe du ca' lJalier
anguipède que l'on peut voir maintenant au manoir de Kéra­
val?

o. - Le Dréau, en Saint-Evarzec
Connaissez-vous la chapelle du Dréau ou de Saint-André?
Elle est bien renommée dans toutes les paroisses d'alentour,
et bien fréquentée au jour du Pardon annuel,2

dimanche
de juillet; ·on y amène bon nombre d'enfants affligés de la

coqueluche, (an DTéo).
Quoique faisant partie du territoire de Saint-Evarzec;
cette chapelle est à bonne distance, 0 kilomètres Nord,
du bourg paroissial, à t kilomètre environ de la route
· de Quimper à Rosporden, vers le 8

kilomètre, tout sur
le bord de la grande ' vallée du Jet, que longe la ligne
du chemin de fer. On ne peut y accéder que par des sentiers

assez difficiles et par des voies charretières tantôt boueuses,
. tantôt caillouteuses.
La statistique monumentale publiée dans notre BuLLetin de
la Société 11 rchéologique, année 1870, page 143, indique, tout

près de la chapelle: Tuiles et camp Tomain. J'ai pu constater
les restes de quelques vestiges et recueillir quelques rensei­
gnements auprès du fr.rmier.
A 400 mètres à l'Est s'élève la Motte connue sous le nom
de : Tuchen an Dréau. Elle est de forme à peu près elliptique
et mesure à sa base environ 18 mètres Est-Ouest, sur

22 mètres Nord-Sud, entourée d'une douve d'assez peu de
profondeur actuellement, mais qui a dû être en partie comblée
par les labours. Les parois du tertre sont fort abruptes, et on
ne peut guère les escalader que par l'angle Nord-Est. Tout est
envahi par une végétation fort dense; ajoncs, ronces, bou-

leaux ; un mauvais petit sentier mène au sommet, mais
barré à chaque pas par des ronces aux crochets perfides. Ce

n'est que très péniblement qu'on peut faire le Lour du parapet
et constater au milieu la. présence d'un massif de maçonnerie

qui n:est pas très considérable et qui pouvait servir de base à
une tour en bois. Impossible de prendre des mesures pré-

çlses.

Absence d'indices romains. Amoncellemen t de terre et de
pierrailles, maçonnerie de mauvais moellon dans le parapet
de couronnement.
Ce petit fortin domine le vallon d'environ 70 mètres, car le
plateau sur lequel il est situé, correspond à la coLe 94. A
30 mètres du pied de la butte est une fontaine où les pèlerins

j/IIJJflJlJl~jJlll\\ \\\\\\\\\\\ :
-- f~tPo. -~
LE DnÉAu. Plan et coupe

vont faire leurs dévotions. Ce n'est pas la fontaine primitive;
celle-ci était située à quelques mètres plus à l'Ouest et fut
bouleversée un jour par un fermier peu respectueux, en suite
de quoi elle se tarit. C'est à cette première fontaine qu'ont dû
s'abreuver les vieux occupan Ls de la vieille forteresse.

6. ' Luzuen, en Nizan
Luzuen est un hamea u qui se trouve à peu près à mi-distance

entre Nizon et Melgven, à 1 kilomètre Nord-Est de, la grand'
route qui rejoint ces deux bourgs. Dans son volume des Anti­
quités du Finistère, le Chevalier de Fréminvillfl signale dans
les parages de ce hameau un monument du Moyen-âge:
« C'est une de ces tours isolées, premiers édifices féodaux,
et dont nous avons trouvé de nombreux vestiges dans le
Finistère. Deux de ses côtés sont encore debout et ont une

assez grande hauteur. Elle est construite en pierres qui ne,
sont ni appareillées ni équarries, et. s'élève, selon la coutume,
au sommet d'un keep, ou butte artificielle de forme conique
entouré d'un valLum. ou fossé, avec un retranchement exté-

rieur et circulaire. »
, En date du 27 mars 1883, M. le Maire de Nizon écrivait en
ces termes à M. Hersart de la Villemarqué, Président de notre
Société Archéologique: '
« Je viens prévenir le Président de la Société d'archéologie

que la propriétaire de Luwen, la veUVfl Le Guével, a fait
marché avec quelques ouvriers pour le nivellement du tumu­
lus de Luzuen, à l'effet d'en tirer le moellon ou' la taille qui

lui sont nécessaires pour bâtir. Le travail et les fouilles sont
commencés. Peut-être jugera-t-on opportun de se rendre sur
les lieux. ))
Ayant eu connaissance de ces faits, et me trouvant dans

les premiers jours d'avril à Pont-Aven, je crus qu'il était de
mon devoir d'aller faire un pèlerinage à ce vieux monument
menacé de disparaître, après quoi j'adressai au Président une

lettre que l'on trouvera au BuLLetin de cette année 1883,
p. 140, et que je transcris ici: ,
Pont-Croix, le 12 avril 1883.
« MONSIEUH LE PRÉSIDENT.
Je viens de recevoir le dernier Bulletin de la Société archéo-

logique, et je vois porté à l'ordre du jour du samedi 14:
Communication du Président sur Les premières fouiLLes du
tumulus de Luzuen. Pensant que vous .n'êtes pas allé vous­
même sur les lieux et que vous n'avez pour base que des
communications qui vous ont été adressées je me permets de
vous soumettre les notes que j'ai prises moi-même, dans l'ex­
cursion que j'ai faite à Luzuen, samedi 7 avril.

. « Au Nord du village, belle motte de 8 mètres de hauteur
sur 21 de diamètre. Les douves qui en forment.l'enceinte onl
' 2 mètres de profondeur et 4 mètres de largeur. '
« Au sommet de la motte on reconnaît les murs d'une tour,
ayant 4 mètres de creux à l'intérieur. Les murs ont une
épaisseur de 1

15. Les pierres de la partie supérieure de cette ,

tOUf, se sont éboulées et en ont rempli l'intérieur, avec

mélange de terres.
« Le côté Est de ce grand tertre a été dégradé et coupé à
pic, dans le courant du mois de mars, pour aplanir le champ
dans lequel il est situé. On en a retiré une quantité considéra-

ble de moellons.
« Dans la section qui est faite, il est facile de reconnaître
les murs de la tour qui descendent à une profondeur de 3

dàns l'intérieur ùe la motte, c'est-à-dire à environ q.m50 au­
dessus du bord des douves. Ces murs sont- construits en
moellons reliés par un mortier de terre glaise. Presque au bas
de ces fondations, correspondant à l'intérieur et à l'extérieur
de la tour, et même dans l'épaisseur des murailles, règne
une couche de cendres méla ngées de charbon et de terre brû­
lée, et ayant une épaisseur de '10 à ' 15 centimètres.
«( Quelques-uns disent que parmi ces cendres on a trouvé
des grains de blé carbonisés. Au milieu des débris retirés du
tertre, se trouve une pierre creusée en auge et polie par le
.frottement; c'était une meule destinée à concasser et à broyer
]e grain, chose assez extraordinaire à l'époque où l'on cons­
truisait cette forteresse, car au VIlle et au IX

siècles on avait

dù abandonner cette façon de préparer la farine, et on em-
ployait depuis longtemps les moulins à bras. .
« La motte de Luzuen est couverte de beaux arbres et offre

un aspect réellement pittoresque. Il est regrettable qu'on ait
pensé à la détruire ou à l'explorer de cette façon. La première
inspection devait faire connaître que ce n'est point un tumu­
lus, mais une motte servant de base à une tour fortifiée.)) ...
Malgré les démarches de M. le Maire de Nizon et du Prési­
dent de notre Société, j'ai appris quelques mois après :que le
vieux monument avait disparu.
C'est le sort qu'attend actuellement un autre vieux Castel,

proche parent de ceux de Stang-Rohan et de Luzuen. Le 5 mai
1915, j'ai été faire une reconnaisssance du côté de la vieille
motte de Coat-Fao, au village du Pors en Pluguffan, dont le
. Président Trévédy s'est beaucoup occupé dans ses Promena­
des autour de Quimper. Déjà du temps de M. Trévédy beau­
coup de dévastations y avaient été commises; maintenant on
avait recommencé à y mettre la main et à faire tout disparaî-
. tre, quoique le-profit à en tirer ne . valût pas le prix de la
main-d'œuvre. Laguerre, en enlevant les hommes, a
arrêté le travail de destruction. J'espère m'entremettre assez

efficacement auprès de la propriétaire pour qu'on ne s'y

remette pas, et pour que les derniers restes soient épargnés .

7. Le Faou

Dans le dictionnnaire d'Ogée, article, I,e Faou, tome l,
p. 148, on lit : « L'an 680 on ne connaissait au Faou qu'un
château qui a donné son nom à cette ville )l. 'puis dans ·la
note qui suit: « Le Faou, (Fao), la ville du hêtre, était jadis
« défendu par un château qui se rattache aux guerres intestines
« de notre Bretagne. Tout ce qu'on en voit maintenant est un

« terrain environné çà et là de quelques fossés à de~i-com-
« blés. » -

Albert Le Grand, dans sa vie de saint Jaoua (première
moitié du VIe siècle), parle d'un seigneur du Faou, qui attenta
à la vie de ce saint et mit à mort saint Judulus et saint Tadec.
Le château primitif du Faou peut donc remonter à cette épo­
que ou même plus haut. Les seigneurs· et vicomtes. du Faou

ont eu un grand rôle dans l'histoire, Rn Bl~etagne et en
France. Il ont dû résider en leur château dll Faou jusqu'au
moment où ils se construisirent, au XIIe ou au xnr

siècle, plus
au centre du pays, une forteresse à laquelle ils donnèrent le
nom de Château neuf du Faou, château qui est devenu
tellement vieux qu'il a complètement disparu, mais en lais­
sant son nom à la petite ville qui s'était bâtie à l'abri de ses
remparts.
Quoi qu'il en soit, la motte ou levée de terre sur laquelle .
était établi le premier château du Faou existe toujours. On la
voit à environ 40 mètres à droite ou à l'Est de la route venant
de Châteaulin ou de la gare de Quimerc'h avant d'entrer Rn
ville, près de la place où se dresse la statue de Cérès,érigée

par M. de Pompéry vers 1880. Cette motte, élevée de 4 ou
5 mètres au-dessus du sol naturel, est couronnée d'un assez
vaste plateau, mesura'nt 40 ou 45 mètres de longueur, sur
environ 20 de largeur; on y devine encore quelques traces de
maçonneries. Les anciennès. douves sont à peine visibles,
mais on peut reconnaître qu'elles pouvaient être autrefois
remplies d'eau; un ruisseau coule encore au pied du tertre,
et une sorte de marais règne tout autour.

Région du Léon
8. Morizur, en Plounéventer
Le vieux manoir. délabré de Morizur est dans Lanhouar-
neau, mais la commune de Plounéventer pousse une pointe
aiguë vers cette extrémité Nord, entre deux petits cours d'eau,

·b 78

et c;est sur cette pointe qu'est sise une motte
doit être l'aïeule du Morizur actuel.

anCienne qUi

Cette motte est aussi escarpée que celle du Dréau et de
Luzuen dont nous avons déjà parlé et elle mesure autant de

hauteur que cette dernière, au moins 8 mètres. Elle a aussi
ses parois embroussaillées, comme celle du Dréau et néan­
moins on peut constater que les visiteurs et les curieux ne .la
négligent pas, car un petit sentier étroit mène aussi à son

sommet. Là on rencontre la cuvette habituelle, entourée de
parapets et, au milieu, une sorte de puits profond, de forme
carrée ayant 2

50 ou 3 mètres de creux; c'est la partie infé­
rieure de la tour ou petit donjon.
A 30 ou 40 mètres dans la direction Sud est un champ
carré, qui est un ancien camp dépendant certainement de la
motte.
Nous ne sommes éloignés que de 2 kilomètres du vaste
établissement romain de Kerilien, et cependant, avec la meil­
leure volonté, je ne crois pas que l'on puisse établir le moin- .
dre rapport entre ces deux stations, absolument indépendan~
tes l'une de l'autre.

9. . Tour-Nuz, en PLounévez-Lochrist .

A 9 kilomètres Nord-Est de Morizur, à vol d'oiseau, sur le
territoire de Plounévez-Lochrist, tout près du village de Goa­
rillac'h, à 3 kilomètres Nord-Ouest du château du Maillé,
au bord d'un profond vallon, est la motte de Tour-Nuz. Pour­
quoi ce nom? Il s'appelait Nuz, le jeune gentilhomme qui
s'offrit à accompagner saint Pol Aurélien a,llant dompter
et faire captif le terrible dragon de l'Ile-d~ -Batz ; et le saint,
après cet exploit, en témoignage de sa bravoure, lui donna le
nom de goul'-na-dec' h, celui ,qui ne fuit pas. Mais le nom de
Nuz a pu se perpétuer, et cette vieille forteresse a pu appar­
tenir à une branche de la famille, tandis que ' le jeune héros

habita la terre que lui donna ·Ie comte Guitur dans le terri­
toire de Cléder et qui, depuis, porte le nom de Ker-gour-na­
d ec' h . . .

La petite ligne du chemin de fer départemental enÙe Plou-
névez et Plouescat passe à moins de 200 mètres de cette motte
et, par les portières des wagons, on peut en admirer la belle

disposition. Quand on la voit de près elle est encore bien plus
imposante: c'est un monticule à parois escarpées, fait de
main d'homme, entouré d'une douve du côté de la plaine. et

ayant 7 Ol! 8 mètres de hauteur au-dessus du fond de cette
douve, tandis qu'il en a 18 ou 20 du côté de la vallée. Le som­
met forme un plateau elliptique de 20 mètres sur 14, bordé
par un parapet de terre et de maçonnerie. .

10. Lesquelen en PLabennec.

A moitié distance entre Plabennec et Kersaint se trouve
l'emplacement de la chapelle ruinée de Notre-Dame de Lesque­
len et, tout à côté, on voit une immense butte artificielle dont

le P. Albert le Grand indique ainsi l'origine, dans la vie de
saint Ténénan, 16 juillet:

« Saint Tenenan avec ses Prestres et Clercs faisoit le divin
« Service en ces Eglises (de GouëLet-FoT('st et de PLou-bennec)
« et preschoit le Peuple avec grand frllit et édification : et,
« non content de cela, veillant aussi-bien à la conservation
« de leur personne et commoditez, qu'à leur instruction au
« fait de la Religion, outre les barricades qu'ils avoient .

« faites aux avenuës de la Forest, il fit, à force de bras, éle-
« ver un grand monceau ou tas de terre ample et spacieux,
« cerné tout à l'entour de larges et profonds fossez, et, des­
« sus, bâtit un petit oratoire, où il se tenoit avec ses prestres;
« y retiroit leurs meubles et commoditez, et en cas d'exigence,
« s'ils se fussent trouvez pressez de l'ennemy (les recueilloit

(( comme dans une forte ville: là, se disoit le service Divin,
« se faisoient les exhortations, et se tenoient les Assemblées;
« on y administroit la Justice, et le Saint luy-même faisoit
« la leçon et instruisoit la jeunesse, rendant cette place au­
« tant fameuse et célèbre, comme une Ville bien policée,
« et fut nommée .f,es-(Juelen, à cause des deux principales
« fonctions qui se faisoient en ce lieu, qui étoient d'instrllire
« les Enfants et d'administrer la Justice. » (T.les COUT de
justice, (Juelen, instTuiTe, conseilleT.)
Cet ouvrage construit par les soins de saint Thénénan garde
toujours un aspect imposant, avec son immense levée de terre
et les douves pro· fondes qui l'entourent. Sur le tertre mainte­
nant couvert d'arbres, on recon naît des restes de maçonnerie
et l'on a bien l'impression que c'était là un refuge sérieux
contre les envahisseurs.

-1 ' 1. Coat-Méal

Coat-Méal est un petit bourg, absolument modeste, ent'1.'e
Bourg-Blanc etPlouguin, doté d'une église dont quelques piles
sont du XIIIe siècle, ainsi que l'arcade d'ouverture du porche .
C'était autrefois une Vicomté et le siège d'une juridiction qui
s'étendait dans les paroisses de Coatméal, Plouguin, Landun­
vez, Tréglonou, Ploudalmézeau, Plourin, Porspoder et Gui­
pavas. (BOURDE DE LA ROGERIE : /jull. soc. arch. FinislèTe,
année 1910, p. 271 -272.)
L'origine de ce fief a dû être la motte appelée Castel-Huel,
qui se trouve à peu de distance du bourg, sur le bord de la
route de Bourg-Blanc, grand tertre ' artificiel, avec douves
profondes. . .
A quelle époque remonte cette motte ? L'histoire de la vi­
comté de Coat-Méal a une certaine importance. On aurait
souhaité avoir aussi des documents sur l'histoire de ce monu­
ment primitif.

12. - Lamber
C'est encore un tout petit bourg isolé, entre Saint-Renan et
Ploumoguer, chef-lieu d'une paroisse de 400 habitants. Mais

si la paroisse est petite, elle est ancienne, puisqu'elle date du
passage de saint Paul-Aurélien en ce pays, après son débar­
quement à l'île Melon. Le saint s'arrêta dans un site qui fit
plus tard partie de ses possessions; il Y trouva une source
abondante et limpide et, à côté, bâti t Un petit oratoire et
quelques huttes pour sa troupe; mais il n'y résida que quel­
ques jours, laissant ce premier établissement à l'un de ses
compagnons du nom qe Pierre, qui était en même temps son
cousin, d'où on lui a conservé jusqu'à nos jours la dénomi­
nation de Villa Petri, Lann-Per, monastère ou peuple de
Pierre. (Wormonoc, vUa S. Pauli Leonensis, cap. XII,
num. 37.) . .

La fontaine existe toujours avec ses , eaux fraîches et clai-
res. L'église actuelle doit dater du XIe siècle; les piles et les
arcades portent franchement le caractère de cette époque.
A VO mètres Nord-Ouest de cet édifice, sur le versant Midi
d'une pente, se dresse une motte de 8 mètres de hauteur sur
30 de diamètre. Le sommet forme un plateau d'environ 20 mè-

tres de diamètre, environné de substructions de maçonnerie
de 2 mètres d'épaisseur. De ce plateau on domine tout le pays,
on découvre la mer et les falaises de Camaret et de Crozon,
on voit le Ménez-Hom, Saint"Martin de Brest, Lambézellec,
on plane sur tout le bassin de Plouzané, Loc-Maria et Plou-

moguer.
Et maintenant, quelle conclusion tirer de cette courte . étu­
de ? Quelques-unes de ces mottes peuvent bien être préro­
maines ot;! romaines, d'autres peuvent ·dater de l'époque mé­
rovingienne et carlovingienne ; mais le plus grand nombre
semble réellement devoir être attribué au IX

siècle el au xe.
Mai 1915. Chanoine ABGRALL.
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉO TOME XLI (Mémoires 6.)

CHAPITRE ADDITIONNEL

Pour ne pas être . trop incomplet, il convient d'ajouter
quelques autres monuments à ceux dont il vient d'être fait
mention: .

13. Coat-Jleur, en Landi\'isiau.
14. Ker-Hamon, près de Landerneau .
Puis trois autres situés dans des bas-fonds ou marais:

1?l. - Castel, près le moulin du château, en Plogonnec .

16. - Roudoushir, en Kernouès.
17. - Castel-ar-Roue Cesar, en Plouguin.

13. - Coat-Meur

A la lisière Nord-Ouest du bois de Coat-Meur, en face du
Ty-Guenn, au-dessus de l'ét3ng et du moulin, Milin-Goz, on
. peut voir se dresser la maison du garde-forestier. Elle occupe
l'extrémité Nord d'un grand tertre entouré de profondes
douves. Ses dimensions sont approximativement de 60 mè- '
tres N .-S. et de 25 mètres E.-O. La moitié Sud de la sur­
face est couverte d'épaisses broussailles qui empêchent toute
exploration. Vers le milieu, dans ce qui constitue l'aire ou le

jardinet de la maison du garde, il y a une dépression plane
. et dégarnie, qui permet de reconnaître les restes d'un mur
d'enceinte, et comme une tour d'angle, analogue à celles qui
existent aux vestiges du château de Kergunus en Tl'égunc .

(Bull. Soc. Arch. du Finistère. ' 1906, p. ' 18'1.)
Certaines pierres de taille, ornées de gorges ou de chan­
freins, que l'on voit dans les jambages de la porte et des

fenê~res de la maison actuelle, semblent avoir appartenu à
une construction du XIVe OU du xv

siècle, qui devait faire

partie de l'habitatio'n des anciens occupants. Toute la p~rtie
Nord qui a un niveau inférieur au reste de la butte, paraît

avoir formé cour ou redoute sur ce côté peu accessible, affron-
tant le vallon.
La présence d'u- n moulin et d'un étang barré par uQe forte

chaussée, indique l'importance ancienne de ce poste; et auto-

Tise à y voir le siège primitif de la Ohâtellenie de Daoudour-
Coat-Meur, formant avec les châtellenies de Lesneven, Saint-

Renan et Landerneau, les quatre grandes divisions du comté
de Léon. (A. DE LA BORDERIE, Rist. Bret., t. III, p. 82.)
C'est là que les traditions locales placent la résidence d'un
seigneur ayant pour épouse sainte Pitère, patronne du Trehou,
et pour fille sainte Anastase, qu'il mit cruellement à mort,
parce qu'elle refusait de prendre pour mari un comte Arthur
du château du Penhoat, près Penzé. Cette petite martyre est

honorée de . temps immémorial à- la fontaine qui porte son
. nom, (Feunteun Santez Anastaz), sur le terrain de Lampaul­
Guimiliau, près de Traon-louarn, non loin de la lisièrè Sud

du bois de Goat-Meur.

14. ' Ker-Hamon
Cette motte doit-elle son nom à Hamon, vicomte de Léon
en '10t>3, ou à un autre personnage moins important? Elle

est située à la queue de l'étang de la Filature de Landerneau,

sur la rive gauche de l'Elorn, à 2.200 mètres exactement en
amont du vieux pont féodal de la ville, entre la ligne du che-

min de fer et la rivière, en contre-bas d'une maison de garde
et d'un passage à niveau. L'ancienne voie romaine de Mor­
laix à Landerneau toujours utilisée passe à 100 mètres au

Sud, et il semble qu'une vieille voîe, descendant de La Mar-
tyre, devait aboutir à un gué en cet endroit. ,
Le tertre, à peu près rectangulaire, mesure dans sa plate- .

forme, entre les parapets, 22 mètres de largeur E.-O., et
26 mètres de longueur N .-8. Les pa 'apeLs, détruits en partie,
mesurent à l'Est, 3 mètres au-dessusEie l'aire intérieure, et
au moins 6 mètres au-dessus du fond de la douve. Le pied du
talus Nord descend dans l'ancien lit de l'Elorn, où coule

encore un assez fort ruisseau.

14. Castel, dansla 1 ) allée du Steïr

A l'extrémité Nord-Ouest de la commune de Plogonnec, à
2.100 mètres avant d'arriver à la station de Quéménéven, la

ligne du chemin de fer de Quimper à Châteaulin laisse à sa
droite, c'est-à-dire à l'Est, un moulin dénommé: Meil-ar­
c'hastel, le moulin-du-Château, puis franchit un passage à
niveau. A ~O mètres derrière la maisonnette du garde-bar­
rière, toujours du même côté Est, on remarque dans la prai­
rie une élévation de terre formant un assez large plateau
émergeant du vallon. C'est une motte, ou castel, d'où le
moulin voisin a dû tirer son nom. Primitivement elle mesu­
rait environ 32 mètres dans chaque sens; depuis quelques
années le côté Midi a été fortement entamé pour fournir les
matériaux du remblai de la route voisine .
Elle s'élève à environ 6 mètres au-dessus du uiveau de la
prairie. On ne remarque plus de traces de douves; il est
probable qu'il n'yen a jamais eu ; le cours du Stéïr, du côté
Est, la prairie marécageuse sur les trois autres côtés, for­
maient une défense suffisante. Ici encore on trouve des para­
pets élevés d'environ 2 mètres. Les habitan.ts du voisinage,
qui ont vu la butte dégarnie de ses broussailles disent que
l'on peut y retrouver des pierres de taille, des vestiges d'ha­
bitations et que, en certains points, le sol-sonne creux.

- stS

15. - Roudoushir, en Kernou.ès

Dans le vallon, non loio de la grand'route, on découvre
une enceinte barlongue, qlli semble avoir près de 60 mètres
de longueur, et fait plutôt l'effet d'un petit camp noyé dans
un bas-rond. C'est pal' conséquellt le système de défense par
l'isolement naturel et l'entourage d'un marais.

16. - Castel-ar-Roue-César

Enceinte ronde de 60 mètres de diamètre, également située
dans un vallon marécageux, à 500 mètres à l'Est du bourg de
Plouguin, au bord de la route conduisant à Lannilis. Para­
pets de 5 mètres de large sur 3 mètres de haut. D'où lui
vient cette dénomination'? Est-elle moderne? Lui a-t-elle été
donnée par un de ces érudits qui voient partout des camps
de César? .

Les détails que nous avons fixés au cours de ces notices

nous montrent que nos ancêtres mettaient à profit toutes les
défenses naturelles: escarpements, bois touffus, cours d'eau,
vallées marécageuses, et accentuaïent encore ces protections

par des ouvrages de fortification en rapport avec la stratégie
et les armes de l'époque.
Ch, A .

231 _.

DEUXIEME PARTIE

TabLe tles memoires pnb/.iés en 1915
Barbares d'autrefois, Barbares d'aujourd'hui,
par Frédéric LE GUYADER .................. .
Notes sur deux monuments de la fin de la Re­
naissance en Rret.l'lf.me.'l 0 Porche de l'Eg'l ise

de Sainl.-Houal'don. 2°0ssuaiI'e de Sa inL-

Pagea

Tbégonnec, pal' Charles CHAUSSEPIED ........ 15,20
III. La RévoluLion en BreLagne. Les Derniers Mon-

VIL
lag:naeds, 1795, (suiLe), pal' Pl'. HÉMON ..... 26, ' 157
. NoLes SUt: la fonLaine de Gouesnou, par Charles '
CHAOSSEPIEn (planche).. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 L
MoLLes féodales, par le chanoine ABGRALL

(7 plane hes). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . .....
Les MoLLes féodales du pays de Morlaix, par
Louis LE GUENNEC (planche).. . . . . . . . . . . .. . ..
NoUces paroissiales. Mahalon, par le com te

Conen de Saint-Luc (5 planches)............. 106
VIII. L'Église de Pencran et ses annexes, par L. LÉ-

CU [{EUX . . . . . . . . .. . ..... -. . . . . . . . . . . . . 139
IX. luscl'ipLions gravées eL sculplées sur les p.glises
et monumenLs ' du IriIlisLèl'e, recueillies par
le ehanoine ABGHALL.. . . .. ................ 189

X. Discours dè M. le Président. ... . " ........... , 217

ARCHEOlOG
DU FI N1STERE

B.P.531