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Bulletin SAF 1914


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Excursion archéologique du 10 mai 1914. Compte rendu

Chanoine J.M. Abgrall

Avertissement : ce texte provient d'une reconnaissance optique de caractères (OCR). Il n'y a pas de mise en page et les erreurs de reconnaissance sont fréquentes

Société Archéologique du Finistère - SAF 1914 tome 41 - Pages 211 à 237

Compie rendu~ par M. Le Chanoine A bgrall, présiden. t.
Au premier jour de ce mois de mai, M. le Président
rédigeait le programme suivant et l'adressait aux membres

de la Société Archéologique habitant Quimper et les environs .
Il en fit également part à quelques amis ayant le culte des
monuments bretons et désireux de faire plus ample connais­
- sance avec ceux de la région.
SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIUUE
Quimper, le 1

Mai 1914.

FINISTÈRE
A G;!UIMF' R

EXCURSION ARCHÉOLOGIQUE

p.our les Sociétaires et les ,membres de leurs familles, en au,tobus
o à 20 places, dans l'après-midi du Dimanche 10 Mai. ' ..

Départ à
Musée.
1 heure précise, place Saint-Corentin, en face de la porte du

MONUMENTS A VISITER :
L ,Chapelle de Quilinen, à if kilomètres SUl' la route de Châteaulin.
- Calvaire. - Fontaine.
2, Saint-Vennec, 16 kilomètres. . Statues. Calvaire. Fontaine.
3. Quéménéven.
4. Kergoat. Chapelle. Cal vaire. Vitraux.
5. Locronan. Eglise. Pénity. - Vieille place. Vieilles rues. .
Vieux puits.. Chapelle et fontaine de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle.
6. Plogonnec. Eglise. Vitraux.
7. Le Juch. Eglise. Vitrail. Statues. Emplacement du vieux
château.
8. Guengat. Eglise. Cal vaire. Vitraux.
Retour à Quimper vers 7 heures.
Prix des places : 2 fr. 60. .
Le Président de la Société Archéologique,
Chanoine ABGRALL .

Prière d'adresser les lettres d'adhésion en indiquant le nombre de places
demandées, à M. le Chanoine Abgrall, aumônier de l'Hôpital, Quimper, au
plus tard pour le Mercredi 6 Mai.

. - 2'12 -

Au bout de quelques jours le nombre des inscriptions mon-
tait au chiUre de 27. M. le Président fut même obligé, à Son

grand regret, de refuser quelques demandes arrivées en
dernier lieu. La grande voiture automobile comportait 23 pla­
ces; M. Kerhuel, Directeur des l'ransp01'ts automobiles "lJre-

tons, faisant partie de l'expédition, prit obligeammenPet très

aimablement dans sa propre voiture trois des excursionnistes;

qu'il en soit vivement remercié.

Au jour dit et à l'heure indiquée, nous embarquions tous
en face du Musée municipal, et nous voilà sur la route de
Brest longeant lé joli vallon du Frout, tout égayé par la
première verdure de Mai et par les pommiers en fleur, lais­
sant bientôt à notre droite le manoir de Coat-Billy avec sa
tourelle à toit pointu, montant continuellement en pente
douce, et arrivant, après le sixième kilomètre, à la cote de
114, mètres d'altitude, bifurcation de la route de Briec et de
celle de Châteaulin. .
.. Nous prenons cette dernière direction et nous courons
désormais sur un plateau d'où nous découvrons les hauteurs
de Locronan, et parfois les crêtes des montagnes de Gouézec
et les mamelons du Ménez-Hom .

Au 11 e kilomètre, arrêt. A 150 mètres de la grande route,

nous trouvons la chapelle de Notre-Dame de Quilinen, dépen-

dant de la paroisse de Landrévarzec, ·dont le bourg n'est dis-

tant que de un kilomètre et demi. Un premier coup d'œil nous

donne la physionomie de l'ensemble: partie absidale de la .
chapelle se développant en ligne droite · et ajourée de larges
fenêtres; petit clocher sur le pignon Ouest; calvaire élégant
à l'angle Sud-Estde l'enclos. .
Au pied de ce calvaire M. Je Président groupe tous les
excursionnistes et promulgue les articles d'un petit règlement

'- 21 3 ' ro

qu'il faudra observer, pour que tout se passe avec ordre et
qu'il n'y ail pas dé temps perdu:
« A chaque monument, ou à chaque détail important, M. le
« Président donnera des explications, lisant une notice rédi­
« gée à l'avance, ou décrivant verbalement les particularités
« qu'on aura sous les yeux, en indiquant le style, la date
« approximative, les rapports avec d'autres œuvres analo-
« gues. » .
« Une fois la · petite conférence terminée, les assistants
« auront quelques courtes minutes pour poser leurs ques­
« tions, échanger leurs observations et demander les éclair­ « cissements désirables. »
« Après avoir étudié l'extérieur des églises et chapelles, en
« pénétrant à l'intérieur, on restera quelques instants silen­
« cieux et recueillis, pour saluer les maîtres de la maison ;
« le bon Dieù, la Sainte-Vierge et les saints qu'on y

« venere. »
Au milieu du groupe tassé sur un tertre d'où l'on saisit
très avantageusement l'ensemble du calvaire, M. le Président
commence:
Le monument que nous avons sous les yeux est d'un intérêt
tout particulier; on peut le classer comme le premier et le
plus harmonieux des calvaires de second ordre; on ne peut
rien imaginer de plus heureux comme groupement de person­
nages et comme silhouette originale. La base est composée de

deux massifs triangulaires se superposant et se compénétrant,
les angles du second correspondant a u milieu des côtés du
massif inférieur; et tout autour de la deuxième base, sur des

culs-de-lampe en cariatides, les apôtres sont diversement éta-
gés, pour donner plus de mouvement à l'ensemble. La plupart
des cariatides tiennent de longues banderolles qui courent con­
tre les parois du socle et qui ont pu recevoir autrefois des ins­
criptions en couleur, mais ne portant pas de traces de
gravure.

214 -

Au pied de la croix, par devant, est Notre-Dame de Pitié, .
tenant le corps de son fils et accompagnée c d'une des Saintes­
Femmes; plus 'haut, à deux niveaux différents, deux autres
Saintes-Femmes et l'apôtre saint Jean .
Au dos de la croix on voit la Sainte-Vierge tenant l'Enfant
Jésus dans ses bras, plus haut la Madeleine tenant un vase
d'aromates, et au sommet, derrière le crucifix, Notre-Sei­
gneur ressuscité. Les larrons, surtout celui de gauche, se
tordent dans des convulsions étranges, et il y a peu de
sculpteurs modernes qui auraient assez de hardiesse et d'habi-

leté pour traiter et mouvementer les corps humains comme
l'a fait le vieil imagier du XVIe siècle. .
Les traces de peinture conservées sur les statues, demeu­
rées surtout plus visibles dans les replis de leurs draperies,
indiquent que primitivement tout ce calvaire était peint et
doré: Qu'on ne se récrie pas à cette idée. Ce n'était point un
exemple isolé. Au Moyen-âge comme au temps de la vieille

Grèce classique, on a aimé l'architecture polychrome.
Les temples en marbre de la Grèce étaient rehaussés d'une
. décoration colorée. Au XIIIe siècle, la façade de N ,-D. de Paris
était en grande partie dorée et peinte, et pour ce qui est · de
notre pays, nous retrouvons les témoins de rehauts de pein­
ture et de dorure aux porches de Lampaul·Guimiliau et de
Rumengol, et au portail de l'évêque Alain à l'église du Fol­
goët, sans compter une foule d'autres croix ou statues exté-

neures.

Il ne faut pas du reste se faire illusion ni être trop puriste
ou trop exclusif, cette décoration extérieure pqlichrome, lors­
qu'elle conservait encore toute la ft'aîcheur de' ses couleurs et
tout l'éclat de ses ors, devait offrir un effet saisissant sans
exclure l'h'armonie dans l'ensemble, et ce qui en reste donne
encore au monument des touches chaudes très heureuses,
corrigeant admirablement la monotonie grise et froide de·

notre granit, lorsqu'il n'est pas recouvert de sa patine de lichen.

- 9HS-

Façade Sud de la chapelle
Trois jolies fenêtres flamboyantes, une petite porte élé­ gante; deux contreforts, dont l'un très massif, qui supportait
autrefois un petit clochet' ou campanile, dans le genre de
ce qui existe à la chapelle de la Mère de Dieu, en Kerfeun­ teun. Ce clocher a été maintenant reporté sur le pignon
Ouest. Sur la face de ce contrefort, une niche contient une

statue de saint Pierre, en pierre blanche, maintenant dégra-
dée mais offrant toujours sur les bordures de ses vêtements
des broderies gothiques d'une extrême finesse, rappelant les

ornementations des draperies de l'ancien sépulcre de Sainte-

Croix de Quimperlé. Ces statues en pierre blanche semblent
provenir des ateliers de la vallée de la Loire: AnjQu ou

, Touraine. ,
Presque au bas de ce, côté de la nef, est un porche ou
grande arcade encadrant une porte géminée, et dans le tym­
pan se trouve une gracieuse statue de la Vierge, à genoux,
ayant à sa droite un ange portant sur une banderolle l'ins­
cription gothique: Ave. (:fTatia. Plena.
A sa gauche un autre ange, aussi à genoux, tient l'inscrip­
tion : NotTe-Dame de Bonnes-Nouvelles.
Le cul-de-lampe qui soutient la Vierge est formé d'un aigle
tenant un écusson; ceux qui soutiennent les anges sont aussi
formés de deux lions tenant également des écussons sur les­
quels ont été peints des blasons de fantaisie. Au-dessus de la
grande arcade sont trois ou quatre autres écussons martelés,

dont un timbré d'un casque. .
Ce joli porche de Quilinen est absolument analogue comme
forme et comme dimensions à celui de la chapelle de N.-D.
des Fontaines, en Gouézec.

Intérieur
, On est agréablement surpris de trouver une architecture
riche et savante dans la partie absidale, c'est-à-dire une tra-

-- 216 ' 2 '
vée de la nef, le chœur et la branche de croix qui forme
équerre du côté du Nord. '
Des piliers revêtus de colonnRttes soutiennen t des arcades
et des voûtes élégantes recoupées de nervures moul urées.
Quatre écussons forment les clefs à l'entrecroisement de ces
nervures: l'un, 'dans le chœur, est chargé d'hermines sans
nombre; deux, dans la nef et le transept, portent les macles

des Rohan; un autre,à la dernière travée nord, porte une
tiare à trois couronnes et une clef' ?
Les statues en vénération dans la chapelle so'nt :

1. Saint Corentin en chasuble, mitre et crosse.
. 2. Saint Yves entre le riche et le pauvre. Saint Yves est

représenté assis, revêtu du surplis et du camail, et coiffé de
la barrette ou bonnet carré. Le riche, vêtu magnifiquement,
tient dans sa main des piècE's d'or, qu'il a retirées de son
aumônière ou escarcelle. Le pauvre a une attitude h'umble et

suppliante, il est couvert de haillons et son costume rappelle
deux autres statues du même personnage dans l'église de
Gouézec et dans celle de Plonéis. Dans cette dernière surtout,
la représentation du patw' re [azare est la perfection du men­
diant affamé et déguenillé.

3. Saint Cadoc, en chape et mitre, avec crosse en main.
Sur la base est l'inscription:

S. CADOCVS : ABBAS
Cette statue est en pierre, saint Cadoc était J'ami de saint
Gildas. La bonté de son âme le porLait à avoir comme un
culte de vénération pour Virgile dont il savourait les poésies.
D'après la légende ce fut lui qui converlit et baptisa l'enchan-

teur Merlin. ,

4. - Saint Roch, accompagné d'un petit ange.
5. - Résurrection: N.-S. sortant du tombeau.
6. Sainte Anne.
7. Près de l'autel principal, dans une large niche accro­
chée à un pilier, est un groupe remarquable de la descente de

- ' . 217 ".

Croix, dont le style se rapproche singulièrement des sculptu- _
res et des peintures flamandes. Cette œuvre a-t·elle été inspi·
rée pour les copies et gravures des compositions exécutées
dans les ateliers de ce pays? .
La Sainte-Vierge est assise, tenant sur ses genoux le corps
inanimé du Sauveur. Elle a les mains jointes, et, plongée dans
la douleur, elle ' regarde la tête ensanglantée de son fils.
Derrière elle saint Jean qui la soutient et Marie-Madel. eine
pleurant et s'essuyant les yeux avec un mouchoir ou un voile.
La Madeleine a les manches serrées sur les poignets et for-
') mant bouffantp.s sur les épaules, la tête coiffée d'une sorte de
turban retenu par une bande d'étoffe formant mentonnière .

Cette particularité se retrouve dans un des personnages du pre-

miel' panneau du retable de Kerdévot, dans la mise au tombeau
de l'autel Nord de l'église de Rosporden et dans une petite
statue de sainte Barbe à Guengat.
Joseph d'Arimathie, qui se tient près de la tête du Sauveur,
est costumé très richement; toutes les pièces de son vête­
ment sont décorées de franges et de bordures; les extrémités
de ses manches retombent en pointe, ainsi que les coins du
camail qui lui couvre les épaules et du capuchon très original
qui lui sert de coiffure.
En face de lui, près des pieds dl] Sauveur, est Nicodème
qui tient dans ses mains la couronne d'épines.
8. A l'autre angle de l'autel est une statue en pierre
de Notre·Dame, portant sur son bras gauche l'Enfant-Jésus
vêtu d'une robe et tenant un livre. Cette statue a beaucoup
de style et rappelle, par son genre et ses draperies à plis

amples et un peu lourds, certaines sculptures bourguignonnes.
9. Dans la nef, une statue d'évêque, en pierre, tenant
une crosse et un livre, d'un style noble et gi'ave. comme le
saint Morice de Plonéis, le saint Maudet de Plogonnec et le
saint Méen de Ploéven.

10. Sur un tref ou poutre transversale tenant . à l'arc

- 2fS ~

triomphal, d'après l'usage ancien, se trouve Notre-Seigneur
en croix et, à ses côtés, Notre-Dame et saint Jean. Sous les

mains du Sauveur sont deux anges suspendus en l'air par
des tiges de fer,etqtli recueillent le Précieux-Sang . coulant
de ses plaies .
. Autrefois une roue garnie de clochettes, formant carillon,

était suspfmdue au fond du transept Nord, au-dessus de

l'endroit où se trouve le groupe de saint Yves. Une petite
charpente fixée au mur reste là comme témoin de l'ancienne

installation; mais la roue, dégarnie de ses clochettes et toute

démembrée, est actuellement reléguée au bas de la chapelle,

en compagnie d'une côte de baleine qui a dû être donnée par
quelque marin à titl'e d'Ex- Voto à Notre-Dame, comme celle

que l'on voit encore dans le cimetière de Notre-Dame de
Populo, à Landudal, ou comme pièce curieuse, comme la ma­
choire de cachalot qui a longtemps séjourné près des fonts
baptismaux de Primelin, en mémoire de la bande de cétacés
qui étaient venus échouer en 1784 sur la grève voisine de la
chapelle de Saint-Tujean .

Anciennement les fenêtres de la chapelle étaient garnies de
vitraux peints, comme on le constate par un procès-verbal de
prééminences et droits honorifiques, dressé en novembre

1648, à la requête de Hervé de Kerguélen, seigneur de
Penanyeun, manoir distant de un kilomètre, et dont les
anciens seigneurs, les Launay-Penanyeuri, étaient fondateurs
de la chapelle, ainsi que l'indiquaient leurs armes: d'azur
au croissant d'or, figurant dans les différents écussons de
ces fenêtres, soit seules, soit avec leurs différentes allian-

ces.

Il ne serait pas surprenan t que la construction de celte
chapelle de Quilinen pût être attribuée à un Jehande Launay
dont on trouve le nom au portail Midi de la chapelle de Saint­
Herbot, en Plonévez-du-Faou, dans l'inscription suivante :
Messire J ehan de Launay prebtre, gouverneur de céans,

- 219-

fist faire cest portail, commencement le premier jour de juil­ let mil quatre cents quat~e vingts dix huit.
En quittant la chapelle nous allons visiter la fontaine sainte
qui en dépend, distante de trente ou quarante pas, au Nord­
Est de l'abside. Un bel édicule couvre le bassin où jaillit la
source, et sur la façade se voient trois écussons. Cel ui du
milieu porte les armes pleines de Launay-Penanyeun : d'azur
au croissant d'or; les deux autres le même blason parti d'une

alliance où l'on: trouve une croix?

C'est fini pour Quilinen et nous remontons en voiture,

continuant toujours par la route de Châteaulin, jusqu'après
le 16

kilomètre. Nous nous arrêtons à t'entrée d'un large
vieux chemin qui se trouve à main droite, et nous voyons
devant nous, à la distance de 100 mètres, le calvaire et la
chapelle de Saint-Vennec.

Le calvaire rappelle un peu celui de Quilinen, en ce sens
que la base est constituée également par deux massifs trian­
gulaires superposés; mais le groupement des personnages est
un peu différent; ils ne forment pas un ensemble pyrami­ dant aussi harmonieux qu'à Quilinen, quoique l'on constate
cependant que les deux monuments sortent du même atelier.
Autour de la seconde base sont rangés les douze apôtres, avec
leurs noms inscrits sur le socle qui les porte, et un article du

Credo gravé en belles lettres gothiques sur la banderolle
qu'ils tiennent de la main:
S. Petrus. Credo in Deum ...
S. Jacobus. Major. S. Joannes. etc... .
Au pied de la croix, par devant, se trouve le groupe de
Notre-Dame de Pitié entourée des Saintes-Femmes et tenant
le corps de son di vin Fils sur ses genoux. PI us haut, la
·Madeleine, les mains jointes et pleurant; puis, de chaque
côté, sur des cariatides, la Sainte-Vierge e, t saint Jean assis­ tant à la mort du Sauveur; aux côtés de Celui-ci~ des anges
recueillant dans des calices son Précieux Sang. Deux

"p 220 - -

croix latérales, plantées sur la base supérieure, portent les
deux larrons qui. se livrent à des contorsions où se peint la
plus grande douleur. La date de HS!)6 se lit sur le dos de la
croix principale, et semble bien concorder avec les détails de
ce calvaire.
La chapelle n'a d'autre ornementation extérieure que les

deux portes moulurées, voisines de l'angle formé par la nef
et la branche du transept sud, et le contrefort qui les sépare,

dans lequel est creusée une jolie niche abritant une petite
statue en pierre de saint Jean-Baptiste.
Le petit clocher est posé à cheval sur la séparation de la
nef et du transept. .

Le saint Patron que l'on vénère ici est saint Vennec, le même
que saint Guennec, Gu~zennec, Guéthénoc, fils de saint Fragan
et de sainte Guenn, et frère de saint Guénolé et de saint Jacut.
M. le Men, ancien archiviste du département, lui a consa­
cré une longue étude dans le Bulletin de notre Société Archéo­
logique, année 187!), page 104 et suivantes, et d'après lui
saint Ven nec pourrait être le même que sain t Cadouan,
patron de Poullan et d'une ancienne chapelle de Brasparts,
saint Cadvan, saint Cavan ou saint Cava, qui a sa chapelle
sur la côte Ouest de Plouguerneau. Mais le Rév. Baring­
Gould, qui a beaucoup étudié les s. aintsbretons, p' rétend que
saint Cadouan serait un quatrième fils de sainte Guenn, pro-

venant d'un second mariage.
A l'intérieur de l'édifice sont des statues nombreuses que
. nous étudierons d'après leur ordre de placement.
L A l'angle du transept Nord, sur un gra.nd cul-de­
lampe en pierre et dans une grande niche en bois, est un
saint Yves assis entre le riche et le pauvre. Ce groupe Ast en
bois et diffère un peu de celui que nous avons vu à la cha­
pelle de Quilinen. Sur le cul-de-lampe est sculptée en relief,

en caractères romains, l'inscription suivante donnant le
commencement de l'oraison de saint Yves:

- 22'i

DEVS. QVI. BEATVM . . YVONEM. CONFESSOREM.-
Y. MOEZ.
2. De l'autre côté de la fenêtre est un saint Sébastien .

3. Au coin du maître-autel, côté de l'évangile, un grand
cul-de-lampe en pierre portant cette inscription en caractères

romaIns:
NOTRE. DAME. MERE. DV. REDEMPEVR. 1;592
Sur ce cul-de-lampe, une niche en bois, dans le style de la
fin de la période gothique, abrite deux statues: sainte Anne
eLÎà Sainte-Vierge, la première en bois, la seconde en pierre.
La Sainte-Vierge allaite l'Enfant-Jésus ; elle porte la cou­
ronne et tient une pomme de la main droite. Une inscription
sur le socle la désigne sous le nom de : N. D. DE. TREGVRON,
ce qui d'après quelques-uns signifierait: N.-D. des trois eou-
ronnes ou du Rosaire. .
La Sainte-Vierge est vénérée sous le même vocable à la .
chapelle de N.-D. de Tréguron, en Gouézec, où elle. est priée
surtout par les mères et les nourrices demandant un lait

abondant pour leurs nourrissons.
Le haut dp, la niche est orné de sculptures en bas- relief
représentant: l'Annonciation, Notre-Seigneur ressuscité
apparaissant à sa Mère, et le couronnement de Notre-
Dame; .

4. Au coin de l'épitre, une large dalle en pierre, formant

cul-de-lampe, porte cette inscription: S. GVEZNOCE : 1578,

et soutient une niche gothique en bois dont le dais, mainte-

nant écroulé, avait autrefois des découpures flamboyantes
d'une grande finesse. Dans cette njche est la statue en pierre .
du saint Patron, saint Vennec ou Guesnoc. Il est représenté
en guerrier, casque en tête, revêtu de la cuirasse et du reste
de l'armure de fer, portant sur le tout un manteau qui le ·
. drape élégamment. De la main droite il tient une épée nue,

et de la gauche un livre ouvert. A ses pieds et dans la même
niche, sont deux petites statues de bois représentant ses

- 222 '-

deux frères, saint Guénolé et saint Jacut, vêtus en àbbés,
avec chape, mitre et crosse. .
5. Entre le maitre-autel et la fenêtre du transept Sud,
est la représentation la plus curieuse et la plus extraordinaire
qui soit dans le pays: c'est la statue de la mère de saint
Vennec : Santez Guenn Tei-rbronn, Sancta .Alba Trimam­
mis, Sainte Blanche aux trois mamelles, parce que, d'après
la légende populaire consignée dans le cartulaire de Landé-

vennec, Dieu lui donna un troisième sein à la naissance de
son troisième fils. C'est un groupe de pierre peinte et dorée .

La sainte est représentée assise, couronne en tête, avec une
chevelure opulente qui tombe sur ses épaules et est retenue
par des rubans ou bandeaux. Elle porte sur ses genoux un

petit enfant vêtu d'une robe dont le bas est orné d'une frange.
Cet enfant tient de la main gauche le bout d'une banderolle
sur laquelle est inscrit en caractères gothiques du XVIe siècle:
S. GVENOLAE .
Aux côtés de la mère sont deux autres enfants plus grands
et debout, vêtus d'une robe courte ou casa.que, les pieds

. chaussés et les jambes prises dans des bas-de-chausse. Celui
de droite tient une banderolle avec l'inscription: S. GVES­
NEC. Celui de gauche: S. JACVT.
La sainte est vêtue d'une robe longue, par dessus laquelle
est un autre vêtement plus court dont le bas est orné d'une
bordure de pierreries et d'une frange formée de glands trian­
gulaires.

. Une particularité de cette statue c'est qu'elle a le corsage
ouvert et qu'on lui voit trois mamelles, les deux latérales plus

petites et, au-dessus, une plus grande sur laquelle elle pose
sa main droite ; le petit saint Guénolé y pose aussi la

maIn.

Un tableau, dans la chapelle du manoir de Lesven, en Plou-
guin, reproduit le même phénomène particulier à sainte
Guenn.

- 223-

6. A l'angle du transept Sud est la statue de sainte
Marguerite.
7. N.-D. de Bonne-Nouvelle.
1 8. A l'autre angle du même transept, saint Antoine,
~ermite.

9. Notre-Seigneur sortant du tombeau. .
Quelques ' débris de vitraux attestent qu'autrefois les fenê··
, . tres étaient richement décorées. Dans ces restes on reconnaît
deux anges tenant des banderolles, puis la Sainte-Vierge et

saint Sébastien.

Fontaine

. A 2G ou 30 mètres de l'abside de la chapelle du côté Sud, .

est la fontaine monumentale de saint Vennec, un des plus
- jolis édicules du XVIe siècle qu'on trouve dans notre pays.

Elle est accostée de deux élégantes pyramides gothiques por­
tées sur des colonnettes à torsades et à losanges. Au fond,
une petite niche renferme une statue en pierre de saint

Vennec, armé en guerrier, revêtu d'un manteau, portant un

casque sur sa chevelure opulente, tenant de la main droite
une épée nue et de la gauche un livre ouvert.
Après avoir admiré tout cet ensemble d'un caractère vrai­
ment breton, nous contin, uons notre excursion et prenons le
chemin de Quéménéven.

Eglise moderne; mais on a conservé sur la façade du porche
Midi trois' vieilles statues en pierre, qui ont du style: saint
Méen et deux évangélistes. De plus, le portail Ouest du
XVIIe siècle subsiste toujours et on est heureux d'y retrouver
une bonne architecture ancienne: porte ornée de pilastres et
fronton, contreforts riches, moulures, statue du saint patron,

le tout de la date de 1736.
·A l'intérieur également, dans le chœur, se trouve une belle

- 224 ..

statue du même saint Méen, datée de 1571, en chape avec
orfrois très riches, et une seconde statue en chasuble du .
Moyen-âge, avec grande mitre et livre, dans le style de saint
Tujean dans sa chapelle de Primelin.
La maîtresse-vitre -est ancienne; elle comprend les tableaux

suivants:
1° Dernière cène .
2° Lavement des pieds.
3° Prière au jardin des Oliviers.
4° Baiser de Judas.
5° Flagellation.

6° N .-S. devant Caïphe.

7° N .-S. en croix, larrons, et nombreux . personnages,
scène prenant la largeur des trois baies .

De Quéménéven à Kergoat il y a trois kilomètres et demi,

et dans le parcours nous voyons à notre gauche les taillis' du
Bois du Duc couvrant les pentes du deuxième mamelon des
montagnes de Locronan. Puis, arrivant à la grand'route de
Douarnenez à Châteaulin, nous apercevons, à travers un
rideau de beaux arbres la vaste chapelle, centre d'un impor­
tant pèlerinage, qui a fourni à Jules Breton le sujet de l'un .
de ses plus beaux tableaux: La Procession du pardon de
Kergoat, dont il a, du reste, parlé avec tant de complaisance
dans son autobiographie: La vie d'un artiste.
Examinons d'abord la grande façade Midi, majestueuse et
sobre, toute en maçonnerie de belles pierres de: taille, mais
oUrant les grandes lignes un peu monotones de l'archi tecture _
du xvm

siècle. Le clocher, à dômes superposés, porte cette
inscription:
DOM. IAN. ROLLAN. RECTEVR. DE. QVEMENEVEN. 1764
Mais cet édifice relativement récent a été précédé d'un
autre bien plus ancien, datant au moins du xv

siècle, puisque

-225 -
dans les vitraux que nous étudierons tout à l'heure nous en

trouverons un dè cette époque, sans compter que quelques-uns
des autres vitraux, répartis maintenant en deux ou trois fenê-

tres différentes formaient autrefois un ensemble logé dans
une grande fenêtre ogivale à trois ou quatre baies.
Dans le cimetière est un petit calvaire dont la ba, se en
triangle est ornée de trois clochetons gothiques, avec autel
en granit sur la façade. Le fût de la croix semble presque
disproportionné en hauteur. Au pied de cette croix est posée
une Pieta, et autour du socle, la statue de saint Guénolé, un
grand saint Jean-Baptiste et un petit saint Jean l'Evangé­
liste.
A l'intérieur nous trouvons une nef très élevée, séparée de
ses bas-côtés par de hautes piles et arcades; elle est conti-

nuée par un transept à deux branches et par une abside au
fond de laquelle, derrière le maître-autel, est posée sur un
trône la statue vénérée de Notre-Dame de Kergoat. On y

accède par un escalier à deux rampes, permettant aux dévots

pèlerins de venir lui baiser les pieds et les bords de son

manteau.

Ce que nous avons à étudier ici spécialement ce sont les

vitraux; ils remplissent sept fenêtres, mais il n'en était pas
ainsi primitivement, car une ·ou deux verrières anciennes ont
été dédoublées. Les sujets les plus intéressants sont les quatre
du côté Nord; ils ont. été restaurés en 1900 par les soins de
la Commission des Monuments historiques.

A -- Fenêtre à deux baies. Histoire de Joseph. Les pan-
neaux ont été bouleversés par des remaniements; rétablis-

sons-les d'après l'ordre historique.

'1. Joseph expliquant à ses frères le songe des gerbes de
blé qui se courbent devant la sienne, pOUT lui rendre hom-

mage, Il est vêtu d'une robe blanche semée de broderies d'or.
2. Joseph est descendu dans la citerne par ses frères.
3. Il est vend u à des marchands Ismaélites.

BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉO. TOME XLI (Mémoires iD.)

&:. Les frères de Joseph présentent à Jacob sa robe '
lei n te de sang. ' .

5. Joseph résiste à la femme de Putiphar. Celle-ci ' est
assise sur un lit à badalquin rouge, avec courtines bleues;
ses mollets sont ornés d'anneaux d'or. ..
B . Deux baies. . Les sujets de cette fenêtre et ceux de

la suivante, figurant le Jugement dernier, formaient primiti-

vement ' un seul vitrail à quatre baies, dans une chapelle

antérieure à la chapelle actuelle.
, .-1. Enfér, représenté par la gueule d'un monstre dans

laquBlle se trouvent une foule de damnés.
2. Continua~ion : un diable bleu et un réprouvé.

" ' 3~ .. Sa'int 'et donateur: prêtre en chape, à genoux· devant

uh prie-dieu; " . . .
> 4~ , ' . Un personnageréssuscité, tenant sa main sur sa tête,

probablement poqr l'assujéLir. ' Un ange en dalmatique,

recevant un 'autre personnage ressuscitant; trompettes. .'

C. ' Trèsnombreux personnagès faisant partie du Juge-

ment dernier, continuatio'n de la fenêtre précédente: saint
Michel, sainte Marie-Madeleine, saint Pierre, saint Jean,

saint Sébastien,saint -Laurent, saint Etienne, saint François

. d'Assise, saint Paul, saint Barth~lemy, deux Saintes-Femmes;
anges snnnant de 'la trompette. Au haut: Notre-Seigneur

assis, dans la l'attitude traditionnelle de Juge suprême .

D . Verrière du xv

siècle; très précieuse comme · style et

comme facture. Elle contient les Apôtres et les Prophètes en

j'egard,' tenant des banderolles avec inscriptions gothiques.
E Côté Midi. Saint Docteur, saint Michel, saint Evê-

que, Apôtre, en haut, Père-Eternel bénissant.
'F . Facture et caractère du xv

siècle. Sainte-Femme
ou abbesse tenant un livre; robe brune, manteau bleu, guim-

pe blanche; Nativité de l'Enfant-Jésus; Agonie au jardin
des Oliviers ; .. Flagellation; . Mariage de la Sainte­ Vierge.

.-... 227 _ ._

. G' . Saint Jean-Baptiste; saint Pierre; saint Laurent:
. . saint Sixte, avec mitre et croix. " .,'

'.On peut remarquer qJJe tous ces sujets sont :plus ou moins

bouleversés et qu'ils devaient aut(efois former un bel en sem- ,

hIe dans l'ancienne chapelle du xv

siècle. '

, Cette chapelle -renfermait ~ncore nombre de belles statues

et groupes en pierre. Comme ils étai. ent plus o~ moins brisés

et avariés, on avait pris le parti d~ )es enfouit dans,le eime-

Hère, près de la' sacristie. On aeu la- · bQnn~ fortune de les

déco'uvrir 'et de. les exhumer;, il Y a quelq~es :_années; 'et ils

font maintenant partie du musée icon'ographiq, l;lede FEvêché

de Quimper.' . " ',., ., ,.;,:- _J' ~;:~ _ :;..:

NotI;e . visite terminée. notre q.utobuti , nous conduit, vers

Locronan par une ro. ute montante d'où ,nous découvrons. tout

le bassin de Plonévez-Po~zay et la baie de , Douarnenez, m~l-
heureusement uh peu embrumé, e. :-' ',' . , ,.'

Locrnnan.!' On dit : Br-uges la morte. ~e . même q~~lifi-

catif :pourraiLs'appliquer: à Locronan; :m~ispas ·,~ son dèsa-

vanlage, loiri de- là. Il , n'y a pas ge , ville bretonne , quI aH

,conservé aussi pure, aussiintact~ ' sa vieitle -p~ysion.omie,
empreinte,de noblesse et ,de dignité .: gr~nde place 'encadrée

de,bonnes vieilles maisons cossues, du xv~e et du XVIIe siècle;

puits central autour duquel se sont groupées t~~nt ,de généra-

tions, église grandiose qu'envieraient plusieurs cités épisco-
pales, rues montantes, rue descendantes, ménageant nombre

de surprises artistiql)es aux touristes qui savent observer;

de. tous côtés, vision et sensation de la vie et des mœurs d'au-

trefojs, remémoration des âges passés, sans presque aucune

des notes discordan tes de notre xx

siècle . . Il les a corn prises,
cès beautés, il s'en est imprégné, Taché l'aquarelliste, qui,

dans son exposition d'il ya trois ans, a montré aux Quimpé-
roIs , tous .les , charmes de ce vieux Locronan. '

- 228

Contournons l'église à l'extérieur. Et d'abord contemplons
la grandiose façade Ouest donnant sur la place, formant
comme un groupe de deux portails monumentaux: celui de
l'église même s'ouvrant par une large arcade à plein ' cintre
et s'appuyant contre le pied de la grosse tour, puis celui de
la chapelle du Pénity, ' percé d'une porte toute moulurée et
feuillagée, orné de contreforts d'angle e~ couronné par un

élégant et svelte campanile. -
Passons dans la route qui borde le côté Nord, nous trou­
vons d'abord un petit porche fort original, faisant .presque
figure d'ossuaire en appentis, avec porte centrale accostée de
deux fenêtres géminées; ensuite la sacristie, avec une . ingé­
nieuse petite fenêtre éclairant l'étage supérieur; puis nous
arrivons à l'abside où nous admirerons l'allure fière de la
grande · fenêtre à six baies avec son remplage magistralement
dessiné. Avançons jusqu'au milieu du cimetjère pour examI­
ner tous les détails de la croix: qui y est plantée, éhoisissons
un point favorable pour voir l'ensemble de l'édifice, lesfenê­
tres à meneaux flamboyants, les deux étages de galeries lon-

geant le bas des toitures, le petit campanile central, frère
jumeau de celui du Pénity, si frèle, auprès de la lourde
masse du grand clocher. Suivons le bas-côté Midi, contour­
nons la chapelle du Pénity et entrons par le grand porche, en
saluant la statue de saint Ronan adossée a u trumeau qui
sépare les deux portes. . .

En pénétrant à l'intérieur on trouve une belle ordonnance

de piles avec colonnettes, séparant lil nef des bas-côtés, et
tout l'édifice recouvert de voûtes avec nervures, de pierre, ce
qui n'a lieu chez nous que pour les églises de premier ordre.
Les deux premières travées du bas-côté Sud s'ouvrent sur
la Chapelle du Pénity, longue de '16 mètres et large de ~ ID 70.
C'est au milieu - de cette chapelle que se trouve le tombeau de
saint Ronan, et au-dessus de ce caveau est un monument qui
fut érigé par la Duchesse Anne vers l'an '1~0~. Ce monument

est en pierre de Kersanton et consiste en une table sur

laquelle est couchée la statue du saint, représenté en habits
pontificaux, la mitre en tête, bénissant de la main ' droite,
tenant la cros~e de la main gauche et foulant aux pieds un
animal monstrueux. La table est élevée de '1 mètre au-dessus
du sol et supportée par six pilastres, a uxquels sont adosses,
des anges tenant des écussons.
Une des fenêtres de cette chapelle du Pénity a conservé
quelques panneaux d'une vieille verrière; une autre fenêtre a
reçu ,une verrière moderne ayant trait à Jeanne d'Arc ; la
maîtresse-vitre de l'église contient dix-huit sc' ènes de la
Passion.
Comme statues remarquables dans l'église, il faut signaler
-celles de saint Ronan et de saint Corentin aux deux côtés du
maître-autel; celle de saint Roch, portant la date de '1509.
puis un grand saint Christophé; au Pénity, une grande
statue de saint Michel, foulant le dragon eL tenant une b~lance
pour peser les âmes, un très curieux groupe'de Notre-Dame
de Pitié. Il faut indiquer en outre l'autel du Rosaire avec ses

colonnes torses, et la chaire à prêcher, entourée de huit ou
dix médaillons 1 en bas-reliefs" représentant les différents
, épisodes de la vie et dé la mort de saint Ronan. .

M. le recteur, se faisant aimablement notre cicerone, nous
donne de la meilleure gl~âce, des explications archéologiques'
et historiques, et nous fait entrer à la sacristie pour examiner

, sur les parois des murs diverses marques de tâcherons et ·
pouvoir observer de très près une rare pièce d'orfèvrerie, un
joli ostensoir du temps de Louis XIII.
Quelques-uns des excursionnistes montèrent dans le clocher
et purent, du haut de la plate-forme contempler un très vaste
et très beau panorama. Cette ascension est assez difficile, à
cause de l'étroitesse de l'escalier, elle était ptatiquement im­
possible pour tout l'ensemble d'un groupe aussi important
que le nôtre. Nous nous en dédommageons en escaladant la

. . 230 : " '7_.
rue montante et escarpée, formée par l'ancienne route de
Quimper. Arrivés à mi-côte, nous sommes au niveau 'de la
plate·forme de la tour, et nous n'avons qu'à nous retourner
pour voir à nos pieds la villotte pittoresque avec ses vieilles

maisons grises aux murailles de granit et aux toitures mous-
sues . Au loin, malgré une brume un peu malencontreuse,
nous pouvons distinguer tout le ' magnifique bassin de Plo­
névez-Porzay, la baie de Douarnenez encadrée au Nord par
les côtes de Crozon et dé Telgruc, puis la ligne des mamelons

du Ménez-hom. . .

Après avoir monté sur les hauteurs, il faut descendre dans

les profondeurs; traversons donc de nouveau la grande place
. et déva'Ions par une longue ruelle étroite jusqu'à la chapelle
de Notre-Dame 'de Bonne-Nouvelle et la fontaine monumen­
tale dont elle partage le vocable avec saint Eutrope, qui avait

aussi son église à Locronan.

La chapelle possède encore quelques fragments d'anciens
vitl'aux. déplorablement délabrés, puis deux groupes sculptés

en pierre: une Sainte-Trinité et une Notre-Dame de Pitié,

sBmblable à celle qui se trouve au Pénity, mais peut-être
plus finement et plus correctement modelée.
L'édicule qui domine le bassin de la fontaine 'comporte une
niche sur chacune de ses faces: la niche de devant abrite une
statue de Notre-Dame; celle de l'arrière-façade est réservée
à saint Eutrope. Sur la frise est gravée une inscription ains'i

conçue : .
VEN. ET. DISC. MISSIRE. MATHVRIN~ SENE.V. PPL.
(vicaire perpétuel). . .

I. CONAN. MARCHAND. DE TOILE. LAN 1698. ' .

. Pour ' être complet, il eût fallu' raconter tout au long la
légende de saint Ronan, exposer l'histoire religieuse, indus­
trielle et économique de la ville, gravir la montagne de PLa~- '
ar .. c'hotn, expliquel~ ce que c'est que la gi'ande Troménie ·et
indfquer succintement le cUI'ieux parcours de. ,cette ' phéno-

.. 23f ...... .

ménale procession. Mais le moyen de remplir complètement
un pareil programme, da ns u ne excursion de six heures .

Donc nOlIS nous remettons en route et, au bout d'un kilo­
mètre et demi nous sommes su·r le versant de Plogonnec dont
nous apercevons l'élégant clocher, en même temps que - nous
découvrons un horizon immense, bordé · au loin par les mon":
tagnes de Gouézec, les hauteurs de Coray, de Saint-Yvi, de
Plonéis et de Ploaré. .

Plogonnec: petit bourg modeste mais propret; ég.lise de

grand style, dont il faut remarquer surtout l'abside droUe
constitué par trois pignons surmontant autant de belles fenê­
tres, puis la façade Sud que décorent des fenêtres aux fron­
tons aigus, · des portes moul urées, . un porche gothique de .

1!:>89. Mais ce qu'il faut surtout admirer et étudier, c'est le
clocher, couronné par une série de dômes et lanternons su­
perposés, et accompagné de deux tourelles octogonales à cou-

ronnements semblables. On pourrait lire sur ce clocher un

certain nombre d'inscriptions, contentons-nous d'une seule,
qui a son genre de singularité, et qui est gravée sur le tympan

de la porte principale, sous la statue du patron saint Thuriau;
tous les mots du premier vers commencent par un T, comme
le nom du saint patron :
TV TVRIA VE TV AM TVRRIM TEMPLVMQVE TVERE
NE NOCEANT ILLIS TELA TRISVLCA IOVIS
o saint Thuriau, garde ta tour et ton temple, défends-les
bien contre la foudre - (Contre les traits à trois pointes de
Jupiter). Ce distique, qui sent si bien son humaniste, doit

avoir été composé par M. RENE: · SEZNEC : RECTEVR :
16!:>7.
A l'intérieur de l'église il n'y a qu'une seule statue an-

cienne qui ait réellement de la valeur, c'est celle de saint

,- 232-

Maudet, costumé en abbé, en chape, mitre et crosse, et qui
doit dater du commencement du XVIe siècle. Mais si l'édifice
est pauvre en statues anciennes, il est heureusement riche
en vitraux, dont les trois principaux ont été restaurés par les
soins des Monuments historiques. .
. Du reste, voilà M. le recteur qui vient nous faire les hon-

. peurs de son église, et comme il possède admirablement
ses vitraux, dont il est justement fier, c'est lui qui va nous
en donner l'explication avec une compétence et une verve que

je ne pourrai pas traduire en ces lignes:
A Fenêtre du bas-côté Nord: sujets disparâtes dont
quelques-uns doivent provenir de la chapelle de Saint-Thé­
leau et peut-être d'autres chapelles: saint Nicolas dans un

navire, apaisant une tempête. Un saint Evêque. Saint

Eloy ferrant le pied détaché d'un cheval. · -- Saint Edern

sur un cerf. Garde endormi au pied du tombeau du
Sauveur. Saint Theleau, en chape et mitre, à cheval
aussi sur un cerf. Saint évêque. Notre-Seigneur
ressuscité. Ermite ou pèlerin sonnant une cloche, proba- .

blement saint Cado ou saint Gildas. Dans les soumets du

remplage, des anges.

n . Deuxième fenêtre du bas-côté Nord: saint Sébastien.
C Fenêtre absidale du fond du bas-côté Nord: Zone du

bas: sainte Marie-Madeleine. Sainte-Vierge assise, nvec . '
l'Enfant-Jésus. . . Sainte Catherine d'Alexandrie, martyre.­
Zone du haut: grande scène de la transfiguration; Moïse
porte sa verge et les tables de la loi, le prophète Elie est vêtu
du costume des religieux du Mont-Carmel: deux des apôtres,

saint Pierre' et saint Jacques élèvent une main pour protéger
leurs yeux éblouis par l'éclat du Sauveur transfiguré.
D La maîtresse-vitre contient neuf ou dix scènes de la
Passion; dans les panneaux du bas, donateurs présentés par
. leurs saints patrons. .
, E Fond du bas-côté Sud: saint Michelet un chevalier

- 233 -
donateur. - Sainte Barbe et une châtelaine donatrice.

Grande scène du Jugement dernier.
/ ' Sainte Marie-Madeleine présentant une châtelaine
dona trice.

Ou tre ces vieilles verrières, il y a de chaque côté du chœur
deux vitraux modernes qu'il n'~~t 'p 'as défendu ' d'étudier et

d'admirer, car ils sont d'excelleilte composition et de très
bonne facture, et retracent fort bien la légende des deux

patrons de la paroisse: saint Thuriau et saint Trégonnec .

Le temps marche, il est plus de six heures, une petite pluie
fine commence à tomber; force nous est de sacrifier le Juch
et de nous diriger tout droit sur Guengat. Nous trouvons le
bourg en fête, la place toute couverte par les petites boutiques
traditionnelles des pardons bretons; c'est en effet, la fête
patronale, le pardon de sain t Fiacre. La foule n'est pas encore

entièrement dispersée et l'on nous regarde débarquer avec
une dose de curiosité mêlée de sympathie.

L'église, avec tout son entourage a un air un peu vieillot,
mais vénérable: vieux petit arc de triomphe fonnant l'entrée
du ci metière ; vieux ifs, trois fois séculaires, plantés le long
du vieux mur d'enclos; vieux peti~ calvaire un peu écrasé
par le voisinage de l'édifice. La façade Sud se compose d'un
ossuaire à deux baies en accolade, avec l'inscription: Respice
F'inem, (pensez à la fin), -1557 ; puis d'un porche surmonté
d'une chambre des archives, et de trois pignons dont deux'
ont été remaniés avec les fenêtres qui y sont percées, par
suite des accidents qui y étaient survenus lors de la ~ chute de
la flèche, vers 1706. A l'abside, le grand pignon du sanctuaire
est de grand effet, avec ses contreforts ' et sa large fenAtre à

six baies. . .
A l'intérieur nous trouvons un plan fort original et très
irrégulier, et aussi quelques vieilles statues d'excellent style:

-,' 234 ..,.

saint Fiacre, saint Jean-Baptiste, saint Roch, saint Michel,
sainte Catherine, sainte Marguerite, sainte Barbe, Notre­ Seigneur en croix, entre la Sainte-Vierge et saint Jean.
Mais ce qui doit nous intéresser surtout, ce sont les vitraux,

au nombre de cinq, et qui tous, malheureusement, ont été
bouleversés, sauf la maîtresse-vitre.
1. Fenêtre absidale Nord: les trois panneaux du bas.
appartiennent à une grande scène incomplète du Jugement
dernier: cinq bustes d'apôtres, parmi lesquels on recon­
naît saint Pierre portant. les clefs, et saint Jean tenant une
coupe d'où sort un dragon; cinq têtes de Saintes-Femmes
dont l'une porte un vase de parfum; groupe de cinq anges,
l'un sonnant de la trompette, les autres les mains jointes.
Saint Michel portant la croix et la b:ilanc@, présentant un
seigneur donateur. Saint Jean-Baptiste présentant un sei­
gneur et une dame.· Nativité de l'Enfant-Jésus. la Sainte­
Vierge et saint Joseph en adoration devant le divin Enfant
couché sur la paille. Circoncision, le Grand-Prêtre est
coiffé d'une mitre. 'Baptême de Notre-Seigneur. Les
trois baies sont couronnées par des dais Renaissance d'une

bonne composition.

2. ' Maîtresse-vitre. La Passio'n : Notre-Seigneur
chargé de sa croix. Notre-Seigneur portant sa croix. -
Crucifiement. On attache à la croix le mauvais larron, vêtu'
d'une chemise et la corde au cou. A côté de lui se tient un
démon, . tandis qu'un ange emporte au ciel l'âme du bon
larron. Chose étrange, le mauvais larron tient une petite
croix entre ses mains enchaînées. Au bas se trouve la Sainte­
Vierge en pamoison, assistée de saint Jean et d 'es Saintes-

Femmes. Au pied de la croix est la Madeleine, puis des
bourreaux, le centurion à cheval. Sur le harnachement d. e ce
cheval et les bordures des vêtements des personnages sont
des semblants d'i nscriptions, composées d'une suite de lettres
sans liaison ni sens', formant seulement une ornementation

·_d. 23H -::
brodée. · Déposition de Notre-Seigneur de la croix par
Joseph d'Arimathie et Nicodème. Au bas est la Sainte-Vierge
soutenue pû saint Jean et entourée par les Saintes-Femmes

portant des aromates. -- Notre-Seigneur ressuscité sortant
du tombeau. . Au bas de la sixième baie, saint Fiacre,
patl'on de l'église, vêtu d'une robe blanche et d'un scapulaire
et capuce rouges ;il tient un livre ouvert et une bêche de
jardinier. Au bas de ce panneau est inscrite la date: L'AN
157'1.

Dans les soumets du tympan, des anges port~nt les ins-
truments d · e la Passion: croix, colonne, fouet, verge, cou­
ronne d'épines, clous, échelle,' marteau, tenailles, vase de

myrre et d'aloès; dans le panneau central, un agneau cr!]ci-
fère. Six panneaux contiennent pes écussons dont . les
blasons ont disparu, mais qu'on pourrait identifier au moyen
des devises. qui sont restées ..
3. Autel Sud, trois baies. Saint Michel. Notre-

Dame assise, portant "Enfant-Jésus. Saint Jean-Baptiste.
4. Bas-côté sud près de l'autel, quatre baies. Saint
Michel présentant un seigneur donateur et une dame. Le sei-
neur est vêtu d'une cotte d' hermine au chf/, endenché de sable.
_ Saint à genoux; vêtu d'une peau de bête, entouré de nuées
et surmonté d'un arc-en-ciel. Est-ce Noé, ou le prophète Elie,
ou saint Jean-Baptiste suppliant, dans la scène du Jugement
dernier'? Quatre anges, les mains jointes; un cinquième
sonnant de la trompette. Ce sujet doit être la continuation du
troisième panneau du premier vitrail. - Deux ou trois saints,

dont un lient une épée. . Notre-Sei. gneur fait prisonnier,
baiser de Judas;. . Notre-Seigneur devant le Grand· -Prêtre.
Sainte Catherine présentant un seigneur -et une dame. La
cotte du seigneur est armoriée d'hermine ; au chef endenché- de

sa: qle. ' . Notre-SeigneUl' attaché à la colonne et flagellé. .

S~inte Barbe· présentant un seigneur et · une dame. · Le

seigneur-porte une-cotte· , de gur;uLes à trois . Losanges d~œrgent, .

.7 236

2 et 1. La dame a une robe d'azur au lion rampant d'or,
couronne P,t lampassé d'argent. Notre-Seigneur en croix.
Le bon larron regardant le ciel; le mauvais larron, la tète

renversée vers la terre. Au pied de la croix, Notre-Dame

soutenue par saint Jean, puis deux pharisiens. Notre-

Seigneur ressuscité. Sainte Marie-Madeleine, présentant

On seigneur et une dame, portant tous deux d'azur au lion
rampant d'or, couronne et lampassé d'argent. Ce son t, peut­
être, les armes de Kerigny, Sr de Kervrac'h. Comme cou-

ronnement, . dais flamboyants ; dans les soumets, deux

anges jouant de la · viole ; croix, échelle, deux écussons
détruits.

5. Fenêtre au-dessus de la porte du portail ouest, au bas

de la nef; deux panneaux seulement sont conservés: -
Femme entrant dans une maison suivie d'une autre qui porte
une quenouille. Cette scène pourrait bien se rapporter à

l'histoire de saint Fiacre, patr' on de la paroisse. On trouve
quelque chose d'analogue au jubé de Saint-Fiacre du Faouët.

- Un évêque en chape et mitre, ayant devant lui un moine
portant la tonsure monacale, les mains jointes, vêtu d'une

robe blanche et d'un scapulaire bleu. Ce pourraient être

saint Faron, évêque de Meaux, et saint Fiacre auquel il con-
céda des terres. .

Croix processionnelle .
Grâce à la coïncidence du pardon, nous avons eu la bonne

chance de trouver, dressée à la balustrade du ,chœur, la belle
croix processionnelle, dont l'église de Guengat , est fière, à

juste titre. Cette pièce d'orfèvrerie; en argent doré, mesure,
en dehors de la hampe, 1 lU 30 de hauteur, sur 0 lU 74- de lar­
geur aux croisillons. La tige et les bras sont cylindriques,
avec leurs extrémités terminées par des boules ornées de

godrons. De chaque côté du Christ sont les statuettes de la
Sainte-Vierge et de saint Jean, portées sur des consoles dé-

-' 237 -
corées de feuilles d'acanthe, au-dessous desquelles est un
gros nœud architectural à six pans, contenant deux étages de

niches à coquilles. séparées par des pilastres et de colonnettes

et abritant les statuettes des douzes apôtres. 'Aüx pieds du
Christ est un médaillon ovale contenant un gros cabochon.
Au haut de la première niche de la face a ntérieure, est gravée
la date de 1584.

Là se terminait notre , rapide course archéologique. En

l'espace de six heures nous avions vu sept groupes de monu-

ments, en tout quatorze monuments différents, et à sept

hellres et demIe nous rentrions , à Quimper, heureux de notre
confraternelle randonnée, heureux aussi d'avoir donné uh
un bon exemple et une leçon instructive aux habitants drs

localités visitées, en leur montrant J'estime et l'admiration

que des esprits cultivés professent pour leurs richesses artis-

. tiques.

Chanoine ABGRALL,

Président.

- 247

DEUXIE E PARTIE

Tables des mémoires publiés en 1914

Abri et sépulture sous roche à Keramengham,
en Lanriec, par le chanoine J.-M. ABGRALL ....
Liste des juridictions exercées au XVII" et au
XVIII" siècles dans le ressort du présidial de
Quimper (suite: Sénéchaussées de Gourin et
de Lesneven), par H. HOURDE DE LA ROGERIE ..
IlL La période révolutionnaire à Gouesnac'h par

Pages

L.OGÈs .... ................ .................. 36
IV. La Révolulion en Bretagne. Les derniers monta-
gnards, 1795, (suite), par PRo HÉMON. ....... 62,156 .

V. Première contribution à l'inventaire des monu-
ments mégalithiques du Finistère (suiLe :
Cantons de Lannilis, de Plabennec et de Plou-
dalmézeau), par A. DEVOIR. . . . ..... . . . .. .. . . . 91
VI. A udierne à la fin de l'ancien régime par J. SAVINA 112
VII. NoUce sur la ohapelle de Saint-Herbot 'en Plo-
névez-du-Faou par CH. CHAUSSEPIED.. . . . . . . . . . 128
VJII. Elude arcbéologique du cadastre par H. LE CAR-
GUET ..... ....... ...... · .... ................. 140
IX. Excursion archéologique du 10 mai 1914. Compte

rendu par le chanoine J.-M. A BGRALL ........ .
Lettre circulaire des membres du bureau . .. .. .
La Cathédrale de Reims par,.le chanoine J.-M.

ABGRALL ......... .

dt " " 7 77 "

211
238
242

DU FIN ISTERE
Hôtel de Ville
B.P. 531
29107 QUIMPER