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Bulletin SAF 1914


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Etude archéologique du cadastre

H. Le Carguet

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1914 tome 41 - Pages 140 à 155

ÉTUDE AROHÉOLOGI

DU ' CADASTRE

Le cadastre a remplacé, au commencement du dernier siè-
cle, les anciens livres terriers. Ses débornements géométri­
ques permettent de situer avec précision les monuments
archéologiques déjà connus. Les noms archaïques des terres,
soit comme étymologie, ou comme appellation, indiquent sou­
vent d'anciens monuments ' détruits, ou des recherches à
faire.
A ce double point de vue, son étude est de la plus grande
u tili té. .' ,

Toutes les communes, excepté les îles de Sein et de
Molène dans le Finistère et quelques îlots du groupe des

Hyères dans la Méditerranée, ont leurs cadastres. Les minutes
se trouvent à la direction des Contributions directes de chaque
département, et des copies dans toutes les communes.
Tous ces documents ont été tenus à jour pour la répartition
de l'impôt foncier. Mais cet impôt devenant, au premier jan­
vier prochain, un impôt de quotité, a nécessité la confection
de nouvelles matrices cadastrales.

Les anciennes matrices, auxquelles il ne sera plus apporté
de modification, ne seront désormais que des documents d'ar-'

chives. .
Actuellement, comme encore pour le nouveau régime de
l'impôt foncier, le cadastre, dans les mairies, est à la dispo-
sition du public. Mais peu de personnes, à part l'administration
et quelques propriétaires fonciers, ou leurs commettants, les
consultent. C'est qu'à moins d'y être intéressé, la vue de ces

141 ~
énormes manuscrits, aux 'multiples colonnes remplies de

chiffres et de noms bizarres en grand nombre barrés, est

vraiment effarante. . . .
Rien pourtant de plus simple, que de s'y reconnaître. Mais

il Y faut une initiation; et c'est cette initiation qùe nous nous
proposons d'exposer, mais au seul point de vue archéologi­
que.

1 Documents cadastraux:

Le cadastre se compose, pour chaque commune:
1° D'un état de section; , ,

2° D'un plan d'assemblage de ces sections;

ao D'un plan parcellaire;

4° D'une matrice générale; .
nO D'une matrice cadastrale, ou cadastre.

1° - Etat de Section

ctl

Noms,

Canton' Nùms Nature

prenoms,

ctl
profession et demeure ou des des

fLl Cl.)

des propriétaires

lieux-dits parcelles propl'iHés

i lb

L'état de section est une refonte des anciens - livres: terriers

qui comprenaient, par le menu et en détail, tous les hé.rita-

ges, tant féodaux que roturiers. On trouve au nouveau livre, les

noms souvent archaïques, des parcelles de terre, telles qu'elles

.- 142-

dht été reconnues par leurs propriétaires, au commenèement du

: XIX

siècle. Pour son établissement, la commune a été sec-

tionnée par triages, ou lieux-dits. La sec~ion,qui comprend
lin groupe de villages adjacents, prend le nom du quartier où
. elle est située: (section de Bon-voyage, section de Lescoff, en
· Plogoff). Mais elle est surtout qualifiée par une des lettres 'A,
B, C, etc. ; et dans chaque section les parcelles de terre sont
numérotées de 1 à n. Le nom breton de la section est Pastel.

.20 Plan d' a~semblage des sections

C'est le plan général de la commqne, donnant, à une grande
échelle, fréquemment au i0000

, les cours d'eau, chemins,
villages, maisons.

Ce plan est aussi divisé par s~ctions correspondant à l'état

spécial; chaque section comprend une ou plusieurs feuilles
du pla n parcellai re. .
Il est regrettable que èes' pians, au moins pour chaque can­
ton, comme ils le sont pour celui de Concarneau, ne soient
pas à une même échelle. On aurait été ainsi en possession de
cartes cantonales qui, déposées au musée départemental, au­
raient servi à pointer tous les monuments archéologiques,
sans cause d'erreur possible. .

. Plan parcellaire

Les cartes de cet atlas donnent le plan de toutes les parcel­
les de terre d'une commune, avec leurs nOS de l'état de section

L'échelle la plus commune est au i2QO'\ soit 0 m 008 pour

10 mètres. On'peut donc, sur un relevé de ce plan, situer ma-

, thématiquement une découvertp archéologique dont on a calcu-

ié les dimensions et noté les débornerhents' sur lé terrain.

C'est la méthode que nous 'avons toujours employée et ' que
nous recommandons fortemen t à nos confrères de la Société

archéologique;

-- Matrice génirale

Matrices
Noms,

pl'enoms,
Foncier
Cadastrales surnoms

rfJ

des propriétés

profession ou

Rerenu imposable

qualité

bâties non bâties propriétés
des contribuables

non
Folio

bâties case
520 Masson, Jean le bouro
Ce volume sert de table au cadastre. Il est renouvelé tous

les quatre ans. Outre les noms des propriétaires fonciers, il
donne le foLio auquel sont énumérées, parcelle par parcelle,
les terres dont chacun paie l'impôt.

FOLIO S13
Noms, prenoms,.
on et de-
innée de la
mutation
des proprie-I ~ . __ _
ires et usnfrui­
tiers

eméncr Jean- I II X
Michel Brénellee
i!lH
1903

FOLIO 1!l3
-( lS95
CalleZ Franrois 1 1 HIH 1 B

(lSD4)
i897

FOLIO 520

iS97 ! H
'feu," et enfants lll03 1 H
(190~i) .
50 Matrice cadastrale, ou cadastre.

DESIGNATION
Contenance
imposable
du n°

plan

Cantons
et lieux
dit8

Noms
des
parcelles

Nature de
la propriété

par
parcelles'

H. A C.
23 1 Brénellec 1 peul ven lande 1 17.20

H7 1 Créac'h
15 Ile bourg

15 le bourg

le l'un vague 1 6.30
al' bern 1 terre labou. iS »
al' bern 1 terre labou. lS »

Revenu

12 l i3

Folios de la matrice
d'où sont tirés, et où
!ont passes les articles
fendus ou acquis .

tiré de 1 porté à, .

i4 1 15 16
193
i93
Si3
193
S13
193 .
520
. S13

RENSEIGNEMENTS ARr.UEOLOGIQURS :
X. 23, parcelle l'es tép. a
nom du pl'emier p
priétaire cadastral.
Achetée vers lS95
3) de Calvez
çois, (folio r93, col
15) et revendue
même, vers 19H.
Fraction de
(col. 5, signe p
acquise de
vers i897 et revendu
vers 1903, à Masson .
Calvez Simon (11
barré) a été
cé vers 1.894, par
vez François.
S13·520 1 Parcelle vendne
1.897, à Quéméner
à veuve Masson.
la col. 15 qni donne Ips
des deux 31'. quereurs).
Ma8son Jean, rempla
cé vers 1903, par
veuve et ses enfan
La parcelle H. 15 a
dl visée, une
acquise en l897,
Caf vez François,
utre moitié,

La matrice cadastrale sert à la répartition de l'impôt fon­
cier. Chaque propr.iétaire paie pour les parcelles énumérées à
son folio. ·
Au contraire de l'état de section, qui est resté intangible
depuis l'établissement du cadastre, cette matrice est mise à
jour chaque année. Les changements opérés sont indiqués par
des signes conventionnels qui permettent de reconnaître tous
les propriétaires successifs d'une parcelle de terre, depuis
le cadastre jusqu'en 1914.
Il est nécessaire de connaître le propriétaire, en vue d'au­
torisation d'exploration ou de fouille.
Il . Utilisation archéologique du cadastre

L'état de section est le guide le plus complet poufle classe-
ment ou pour la découverte des stations archéologiques.
Le sectionnement de la commune et le numérotage des par­
celles permettent de désigner, sans erreur possible, tous les
champs. Une terre sera toujours reconnue avec ces seuls élé­
ments :

Le nom de la commune; 2) la lettre de la section; 3° le

numéro du plan. Ainsi: Primelin. C. 20~ indiqüe la parcelle
où est situé le dolmen de Saint-Théodoray, à gauche de la

rou te d'Audierne à la poi n te du Raz (1). La désignation est enco-
re p!ùs précise en ajoutant, à ces données, le nom du village

ou de la section.

Outre la précision dans la situation des monuments connus,
l'état de section présente' une au. tre utilité aussi importante: .
les noms des terres, en termes archaïques ou en breton médié-

val, dénomment ou signalent, souvent, d'anciennes occupa-
tions. . .

(il C'est dans l'auge de pierre placée sous le dolmen, que les fébrici-

tants, il n'y a pas encore 25 ans, allaient trembler le stade de froid, pour
se guérir de la fièvre. La période de chaleur survena~t, ils se disaient

guel'ls ..
BUJ.LETIN DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉO. TOME XLI (Mémoires 10).

-' 146

· Une étude onomastique et étymologique s'impose donc.·

Mais cette étude, au premier abord, paraît aride. Les agents

chargés de confectionner le cadastre ignoraient, pour la pl u-

part

la langue bretonne. Ils ont reproduit les noms des terres

qu'ils entendaient prononcer, en agglutinant les syllabes des

mots bretons qui, pour eux, n'avaien t aucun sens. Mais il est

relativement facile de s'y reconnaître. Voici ' quelques-unes

des nombreuses remarques que nous avons faites:
Syllabes et mots agglutinés. Il fàut les décomposer, e'n

faisant ressortir un mot breton mono ou bi~syllabique, domi-
nant, comme men, run,-bàn, tan, ludu, etc. Ce mot étant
trouvé, les préfixes, suffixes, articles, qualificatifs etc., s'en

dégagent et donnent, au mot cadastral contrefait, un sens
normal et; fréquemment, une indication archéologique:
Ainsi: A'Ientan : mot dominant : men, pierre ; complé­
ment : tan, feu. La pierre du leu, station gauloise sur la baie
des Trépassés, Plogoff, A.713 à 71H, etc.
Lagad yar, textuellement œil de poule, est mis pour la­
geyer, lagunes, Cléden E. H35 : mot dominant, Zag, boue.
· Mutation~ des consonnes initiales. -- L'un des caractères
de la langue bretonne est la mutation de consonnes, plutôt
par euphonie et habitudes locales, que par règles immuables.
Dans la recherche étymologique des mots, il y a lieu de ré-

tablir la consonne initiale d'après le parlér de chaque région.
Une étude présentée à la Société archéologiquè 'vers 1892,

donnait les anciens noms de rues de la ville de Kel'ity Pen-
marc'h, parmi lesquels, la 'rue Velen; traduction faite .: la rue
jaune; ce qui n'a pas de sens. , . ' .

Ce mot velen se trouve aussi au Cap-Sizun, Le Velen,
Cléden C. 710, est une alluvion (1) qui barre, par le travers

(t) Cette alluvion, de formation géologiquement récente, a donné
lieu a un phénomène curieux, le refoulement d'tine partie du ruisseau
'vers sa source. Si bien qu'aujourd'hui, dans le même thalweg, deux cours
d'eau coulent à l'encontre l'un ·de l'autre, l'un de l'est à l'ouest, l'autre
de l'ouest à l'est, pour se réunir en un estuaire commun nord-sud, au

le vallon entre les communes de Cléden et Plogoff . . Le mot a

le sens de hauteur, de vue étendue; un dicton l'affirme: ..
. Pa na verd e ma [( eper en eun toul, a vise bed gueled oud
ar Velen.

Si Quimper n'était pas situé dans un trou, on l'apercevrait
du Velen.
Or, V, initial, est pour gv, gü, on a donc Velen güeleil,
avec le sens de vue: la belle vue, le belvéder.
Phonétique bretonne. .. Parfois elle se · rapproche d'un
mot fran~ais, créant une étymologie erronée. Tel Porched-men,
E. 867 de Cléden, est écrit: Parchemin, au cadastre; Of,
Porche-men, ou Porched-men, indique l'ouverture d'un champ,
barricadée par des pierres. La construction des anciens por­
ched-men donne uné indication archéologique ; les deux
extrémités de la brèche sont soutenues par des pierres de­
bout, ou Korn'-porched, sortes de menhirs souvent reliés à
leur sommet par une traverse de bois, ou par un linteau de
pierre, formant, dans ce dernier cas, un tri..;.lithe. Les korn­
porched sont ordinairement tirés de dolmens démolis.
Collage de l'article breton au nom. Il en peut résulter
des étymologies curieuses au point de vuè du folk-lore, mais
fâcheusement loin de la réalité. Ainsï le nom actuel de la baie
des Trépassés est Boe an A naon, qui est la traduction exacte

du mot français. Or le nom réel est Boi an A on, la baie où se

jette le ruisseau, aon. La réunion de l'article au substantif a
fait le mot anaon. L'article an, de nouveau ajouté pour Sépà:­
rel' les deux noms, a fait Boe an A naon, la baie des Trépas-

Ms, donnant naissance à ces légendes lugubres de naufrages

et de. morts, la plupart apocryphes; telle celle-ci: {( Tous

Loch. Primitivement, ce ruisseau, al' ster-vras, ou an aon, prenant sa
$ource en Esquibien, avait, après un parcours de trois lieues, son es­
tuaire naturel à Boé an aOll, la baie du ruisseau, devenue la baie aèluelle
des Trépassés. Par quel refoulement des eaux s'est formée cette colline du
Velen, qui recouvre en partie ~e gite houiller du Cap-Sizun, et a déter~
miné la formation de l'étang de Laoual, où une légende place la ville d'ls ?

-, ' 148 .....

H les cadavres de ceux qUi se noient dans le Raz de Setn vien­
(c nentattèl'rir dans la ' baie des Trépassés,» . Or, ,il est
avéré que jamais' épave n'accoste dans cette baie,' les courants
portant tous vers le large. Il faut se méfier , de ces légendes

merveilleuses qu'on débite à loisir sur la Pointe du Raz.
Beaucoup sont. œuvres de romanciers, à court de documenta­
tions locales, ou fictions récentes de capistes, pburattirer les
gros sous des étrangers. ,' .
Ces qu'elques exemples montrent le côté défectueux de la
linguistique du cadastre. Mais 'c'est peu, en compaJ'aisondes
documents'importantsque l'archéologie peut y trouver. '
Toutes l'es époques sont indiquées par des expressions par-
ticulières. , .

Epoque neolithique

Les stations préhistoriques comprennent ces quatre élé-

ments : 1

habitation ; in pierre levée et probablement
centre cuItufll ; 3° emplacement des cérémonies funèbres;
4° sépultures. L'habitation sera indiquée' par des dorgleuen,
vieilles constructions en terre formant cercle. Les ' endroits

nommés ar budu, ker-a-pudu, en contiennent souvent. A rele-

ver'également à l'état de section,les mots kleu karek; kleu
douar, etc., puis goarive, goari1Jan. '
La pierre levée porte au cadastre les noms ' de menhir ;

peulven ;'pilerou ; men-sao; lec'h; kromlec'h; liaven; ado-ven,
etc. ' '

Le lieu des cérémonies funèbres est le karn. Ancien-
nement ce mot signifiait amas de pie/ l'Tes. Leskarn du

Cap-Sizun justifien t cette acception, mais avec un sens plus

étendu. Ils se composent en effet, d'un amoncellement de
pierres, déjetées, sans ordre, comme pour éteindre un grand
feu, un bûcher. Sous ces pierres, des cendres souvent d'une'

épaisseur d'un mètre, parmi lesquelles des éclats de silex avec
Îes rognons dont ils ont été éclatés; des charbons, dont on re~

- 149 ~ . "
connait l'essence: landes, genêts, chênes ; des restes d'ar·
gileayant servi à faire des poteries, des tessons; des os impar­
faitement brûlés. Du mot kœrn, paraît dériver le verbe kai'na,
du Cap-Sizun, qui signifiè combattre, par tou, s les moyens,
. "l fi . K oud b contre 1
Jusqua a tn. arna beteg ar . mato ; corn attre jusqu'à a

mort. Le karn semble avoir été le lieu d'incinération des ca-

davres. Il correspondrait à l'Ustrina des romains.
Au cadastre, le mot karnest quelque fois remplacé par korn ;

mais il ne peut y avoir confusion, si l'on rencontre à proximité
les autres noms indicatifs du néolithique.
La sépulture sera indiquée par les moLs: run ; runiel ;
duchen ; torgen ; bretuken ; bern, tous indiquant les tumulus .

Puis, par, dolmen, men-pLad, ty-korik, et tous autres noms
de pierres, pouvant signifier les dolmens. L'enveloppe du
tumulus contient un revêtement de pierres appelé galgal. Ces
pierres, situées entre deux couches de terre, enveloppent
toute la surface conique de la butte. Elles paraissent rangées

avec un certain ordre. Le galgal ne peut donc êtrê .confondu
avec le karn où les pierres sont jetées en amas informe.

Dans le langage populaire, les habitants de l.'époque néoli-

thique sont désignés sous le nom de kOl'ik, du mot garé
ou habitants des hauteurs .

La pierre levée, le karn et la sépulture sont souvent reliés
par des sentiers bordés de petites pierres posées à plat ou
fichées en t@rre. Ces sentiers, qui parfois s'entrelacen t, ont
dû servir à des déambulations rituelles. .
. On trouve toujours groupés, sur une même hauteur, et
dans un rayon de quelques centaines de · mètres, ces · quatre

éléments qui caractérisent t'époque néolithique. Il est facile
de relever ces groupements à l'état de section. Nous nous
sommes souvent servi de ces renseignements et toujours
l'étude sur place nous a confirmé cette règle. Si l'un ou l'autre
des éléments manquait, par suite des défrichements et des

changements de nom de la parcelle de terre, on trouvait les

- - 150 .'
autres noms répétés. Ainsi, au cadastre de Primeli. n, . on .
,trouve groupés; A. 31.3-316-317, ar peulven (pierre levée) ;
314, parc-men (dolmen ou sépulture) : 315 ar peulven-bras;

318, bar dal ar gored ; 319 etc., cumunal dal ar goret (gor~d
ou koriked : habitation) 355 - peulven bian. Nous possédons

une hache polie de cette station. . .

Epoque gauloise

Cette époque est indiquée, au cadastre, par les mots: not;

celinoc ; kelinoc, qui signifient forteresse. Le mot not est sou·,
vent confondu avec od, rivage, de Kernod, etc. .'
. Ces établissements sont d'une grande étendue, et semblent
plutôt avoir été des habitations ordinaires entourées de re­
tranchements, douves et talus; à peu de distance de ces en-

droits, on rencontre, gUI' les pointes isolées, s'avançant dans

la mer, des occupations fortifiées du côté de la terre, par
deux ou ' trois vastes retranchements. En avant de ces

retranchements se trouvent aussi des chemins couverts. Ce

sont des lieux de refuge en cas de danger. La population de
ces refuges était très dense. Au I{astel-meur, nous avons
compté l'emplacement. d'environ 200 huttes. 'Ces lieux de
refuge portent ordinairement le nOIJl de kastel, qui est com-
mun à toutes les époques. ' '
Le mot geor, geour, se rapporterait ainsi à l'époque gau­
loisp. Les grottes qui ont laissé des poteries et des traces d'oc-

cupation gauloise ont le nom de torn ar geôr, le four du
géant; kramb ar geour, la chambre du géant. Kougon c'heour,
la caverne du géant. '

E1JOque gallo-romaine
A la fin du IVe siècle, la population du littoral'se replia vers
l'intérieur du pays et vers les frontières de l'est menacées
par les incursions des barbares. L'Armorique paraît avoir,
pour.cette cause, perdu sa population; si bien que Procope a pu

- . 151'-
dire que l'Armorique était la contrée la plus déserte de toute
la Gaule. Avant cela, les rigueurs du fisc avaient aussi obligé
les propriétaires à abandonner leurs terres ; celles-ci res­
tèrent sans maîtres et sans culture. Aussi les noms donnés
aux champs par les Gallo-romains ont été oubliés. Le cadastre
actuel ne fournit pas d'jndication, à part le nom de Romanis,
donné par les émigrés Bretons insulaires, a ux Gallo-romains
restés aux marches de Bretagne. Ce mot se trouve à Primelin.
C. 1574 à 1581, Castel 'romanis.
Il n'en est pas de même du plan d'assemblage des sections .

Les voies romaines, étaient construites en ligne droite, et à ce

plan, il est facile d'en suivre le tracé.

M. Ducourtioux, ancien directeur des Contributions directes

de Quimper, mettait grâcieusèmentà la disposition de ses

confrères de la Société archéologique, les plans d'ensemble

de toutes les communes de son servièe. Avec ces documents,
~talés :. à la file les uns des autres, .on pouvait, malgré les
lacunes des champs cultivés, relier entre eux les tronçons des
voies romaines du département. .

Gomme les romains avaient leurs camps et leurs villas, le
long de ces voies, c'était la meilleure préparation pour étudier,

sur le terrain, leur occupation.
. Etablissements bretons insulaires
La plupart des noms du cadastre sont en langage breton.
Un relevé étymologique de ces mots, complété par les légendes
des saints . locaux qui étaient des conducteurs d'émigration,
permettrait de situer un certain nombre d'occupations bre-

tonnes insulaires jusqu'ici inconnues.

L'état de section présente donc, dans les noms des champs,
une foule de renseignements susceptibles d'amener des décou­
vertes archéologiques. Il serait utile, pour. chaque commune

à explorer, de faire, à ce registre, un relevé des anciens noms
qui, par leur signification, seraient une indication. Ce serait .
là le meilleur guide que l'on puisse trouver. Les difficultés

152

d'interprétation d'un mot mal conçu seraient résolues en faisan t
prononcer ce mot par quelque bretonnant local, qui ne man­
querait pas d'y ajouter ses explications.
III. Exploration sur le terrain
Les défrichements détruisent, chaque année, quantité d'ob­
jets archéologiques. Mais la mise en culture d'un champ laisse
parfois des parties intactes: un espace garni de pierres et de
broussailles au milieu, ou à côté d'un labour; un talus avec
renflement; ·le point de jonction de deux fossés; l'endroit
d'un champ où parfois se brise le soc de la charrue, etc., sont
des indications d'explorations: tumulus englobé dans une

clôture, dolmen sous terre, etc.
Des ombres de turons ou de cailloux épars sc profilent-elles,
sur le sol ? Ce~ ombres, reconnues à difIérentes heures dr, la
journée, surtout le matin et le soir, lorsque le soleil est plus
ou moins bas, indiquent souvent des lignes continues (t). Ce

sont des dorgleuen, restes d'enceintes, ou de fortifications· en

terre, néolithiques, ou gauloises. . .
. Un chemin creusé à1 mètre, ou plus, au dessous des sou­
bassements des murs qui le bordent, peut être une ancienne

voie gauloise.
Au milieu des landes arides, des cuvettes quadrangulaires,
ou arrondies, où pousse l'herbe, sont des emplacements d'ha­
bitations .
Des pierres brellées, sur un grand espace, au milieu d'une
lande, sont les débris de stations gauloises ou romaines .
Un ancien chemin, large de 30 mètres et plus, en ligne
droite, pourra être une voie romaine.
Les · tranchées pour l'ouverture ou le redrAssement des

chemins donnent, surtout, lieu à nombreuses observations. On

(1) Nous avons heureusement appliqué ce procédé à l'exploration des
staLions gauloise et romaine de l\:ersigneau, en Plouhinec. (Mémoires de
la Société d'Emulation des Côtes-du-Nord, 1890.)

oC "1B3 n °

y réncontre des gisements de telTe -no-ire, ou bnllée, au milieu
d'un 'sous-sol argileux; des pierres bl'isées, éparses, ou ali­
gnées, noyées dans le mortier; des charbons, du silex, des
poteries, etc. Ce sont là de précieuses indications qui " nous
ont fait connaître trois tumulus et deux stations gallo-l'o-

mawes. . "
'. Dans une excursion archéologique, riep n'est à négliger, pas
même les taupinières, où, parfois la taupe a ramené à fleur

de terre, des écla ts de silex, des tessons de poteries grossières
ou samienn~s provenant de stations enfouies de 0 In 60 fi

Désignation de nouveLLes découvertes

Une découverte ayant eu lieu, comment lui. donner la dési-
gnation cadastrale? Voici quelques indications:
1° Faire sur place un croquis de la parcelle .archéologique
et de quelques parcelles adjacentes avec l'orientation, pal' rap-

port à un village, un chemin, etc., et rapprocher ce croquis du

plan d'assemblage, pour connaître la section et la feuille du plan

. parcellaire ~le tracé du chemin surtout donnera l'indication.
2° Rechercher à la feuille du plan parcellaire indiqué, un
groupe de tracés de parcelles se rapportant au groupe pris
sur le terrain; si l" e relevé fait est exact; on reconnaîtra la
. parcelle d'après sa configuration~ Au milieu de la parcelle du
plan est inscrit son n° cadastral.
On aura ainsi toutes les indications archéologiques de la
parcelle: nom de la commune, lettre de la section et no du
plan. ..'"

Restent à trouver le nom de la parcelle et celui de son pro-

priétaire.

Pour cela, il faut:

1° A l'état de section, chercher le n° donné par le plan; à

(t) Découverte du camp gallo-romain de Kersigneau .

- - 454 _.

la lettre'qe la section déjà indiqué' e par le plan d'assemblage
on aura le nom du premier propriétaire cadastral, le nom de
la parcelle, sa contenance, etc.

A la mattice cadastrale, au nom du premier propriétaire"
se trouvera inscrite la parcelle. ' " .
Si la parcelle est · barrée d'un trait, c'est qu'elle aura été
mutée à un autre propriétaire; la colonne HS indiquera le
folio du nouveau propriétaire~ .

. Dans ce cas rechercher la parcelle aU, nouveau folio indiqué
à la colonne 10. . '
Une parcelle de terre peut avoir appartenu à divers . pro­
priétaires successifs. Alors continuer les recherches à chaque
folio, colonne Hi, indiqué en face du nom de la parcelle.
jusqu'à ce qu'on la trouve sans rature. A ce folio sera le nom

du propriétaire actuel.

Une parcelle peut êtreaussi vendue à plusieurs propriétai-

res. Alors la colonne HS indique les folios de chaque acquéreur

partiel; et la fraction portée à chacun de ceux-ci est signalée
par le signe p, à droite et au bas du no de la parcelle. (Voir

l'exemple fictif d'une matrice cadastrale: page V, parcelle H .

10 et 10 p. aux noms de divers. '
, Tels sont Les procédés d'investigations archéologiques que
nous avons. déduits d'une manipulation quarantenaire du

cadàstre. En appli iuant ces, procédés, nos jeunes confrères

de la Société archéologique feront, nous en avonsJa certitude,

des découvertes merveilleuses.

Un conseil utile, cependant, pour terminer cette étude; -

« se bien garder de donner, aux propriétaires ruraux, cette

(1 impression, que l'on cherche des trésors.» Ce traité préa-

. lable nous a toujours été utile: « Au propriétaire tout l'or

« et l'argent déterrés; à nous, les tessons de poterie et les
« caHloux. \l

Des explications archéologiques à la portée des assistants,
quelques pièces blanches et l'exposition des trouvailles il la

- 155

vue de tous, pour écarter tout soupçon de soustraction d'ob-
jets de valeur, achevaient la bonne entente.
Avec ces procédés nous avons pu intéressser la population ·

du Cap-Sizun à nos recherches. Aussi, partout, dans nos tra-
vaux, nous avons obtenu aide et protection; jamais refus, ni

violence.

Audierne, le 25 mai 1914.

H. LE CARGUET.

- 247

DEUXIE E PARTIE

Tables des mémoires publiés en 1914

Abri et sépulture sous roche à Keramengham,
en Lanriec, par le chanoine J.-M. ABGRALL ....
Liste des juridictions exercées au XVII" et au
XVIII" siècles dans le ressort du présidial de
Quimper (suite: Sénéchaussées de Gourin et
de Lesneven), par H. HOURDE DE LA ROGERIE ..
IlL La période révolutionnaire à Gouesnac'h par

Pages

L.OGÈs .... ................ .................. 36
IV. La Révolulion en Bretagne. Les derniers monta-
gnards, 1795, (suite), par PRo HÉMON. ....... 62,156 .

V. Première contribution à l'inventaire des monu-
ments mégalithiques du Finistère (suiLe :
Cantons de Lannilis, de Plabennec et de Plou-
dalmézeau), par A. DEVOIR. . . . ..... . . . .. .. . . . 91
VI. A udierne à la fin de l'ancien régime par J. SAVINA 112
VII. NoUce sur la ohapelle de Saint-Herbot 'en Plo-
névez-du-Faou par CH. CHAUSSEPIED.. . . . . . . . . . 128
VJII. Elude arcbéologique du cadastre par H. LE CAR-
GUET ..... ....... ...... · .... ................. 140
IX. Excursion archéologique du 10 mai 1914. Compte

rendu par le chanoine J.-M. A BGRALL ........ .
Lettre circulaire des membres du bureau . .. .. .
La Cathédrale de Reims par,.le chanoine J.-M.

ABGRALL ......... .

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DU FIN ISTERE
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29107 QUIMPER