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Bulletin SAF 1914


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La période révolutionnaire à Gouesnac’h

L. Ogès

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Société Archéologique du Finistère - SAF 1914 tome 41 - Pages 36 à 61

A GOUESN AC'H

Les pages qu'on va lire ne sont pas un panégyrique de la
Révolution de 1789; elles ne sont pas davantage le procès
de l'œuvre sociale de cette Révolution. Il m'a semblé inté-

ressant de rechercher, sans d'ailleurs prendre parti, les faits
saillants qui se sont déroulés dans une commune à l'époque
révolutionnaire, et de constater ainsi que les boulever­
sements sociaux et les incidents tragiques de cette période
. troublée y ont eu leur répercussion. .

Mais, dans le cadre étroit d'une commune, les événe-

ments se présentent souvent comme isolés et détachés de
leur cause; c'est pourquoi, pour donner quelque intérêt à
cette étude, il importe de les rattacher parfois aux faits
d'ordre général qui les caractérisent.
Des recherches dans les Registres de correspondance du
district de Quimper et dans les archives communales, m'ont

fourni un certain nombre de documents qui permettent de
retracer, je n'ose dire l'histoire, mais du moins les événe­
ments qui se déroulèrent à Gouesnac'h pendant la période
révolutionnaire. '
Avant 1789, la paroisse de Gouesnac'h, quoique située à
moins .de 10 kilomètres en droite ligne de Quimper, faisait
partie de la sénéchaussée de Concarneau; elle relevait du
roi, et était soumise, partie à la juridiction du Mur-Henvès
et Guériven, partie à la juridiction de Cheffontaines. Les
seuls nobles qui habitaient la paroisse étaient : Michel­
Joseph ... Anne Bobet de Lanhuron, « Conseiller du Hoi et

_iiiZ_ _Ji

son lieutenant ci vil et criminel au présidial de Quimper» ;
et Tanguy-Julien-Yvonnet du Run, « Conseiller du Hoi au
présidial de Quimper, pré.sident des traites dans la même
ville ». Quoique exerçant des fonctions judiciaires à Quim­
per, ces nobles avaient leur résidence principale à Goues ..
nac'h. . -
Le sort des paysans à la veille de la Révolution n'était
guère enviable; ils avaient comme partout ailleurs à souf­
frir de vexations et d'iniquités; ils étaient les victimes rési·
gnées de tous les impôts, de tous les privilèges. Mais voici
que le roi les appelle pour faire acte de citoyens; l'annonce
de la convocation des Et.ats généraux provoque parmi eux

un grand enthousiasme. Ils prennent au sérieux la · convo-
cation du peuple pour rédiger les cahiers des paroisses ; ils
sentent qu'un grand événement va se produire. Dans leur
réunion, ils évoqueront d'abord l'image de leur roi qui sym­
bolise pour eux 'la bonté, la justice,'et qui est pour eux,
comme l'a dit Aulard, « le reflet de la patrie ». Ce roi dont

. ils attendent tout, va S'Dccuper de leurs -maux, et c'est

sérieusement qu'ils vont les exposer.

Les électeurs, au nombre de 45, 'se réunirent à l'église
paroissiale le 5 avril 1789, à l'effet de èhoisir leurs députés
et de rédiger leur cahier des doléances. Le nombre des
comparants paraît faible à première vue, mais si l'on tient
compte de ce fait que la paroisse ne comptait que 500 habi­
tants environ (1) et que les électeurs devaient avoir plus de
vingt-cinq ans et. être compris dans le rôle des impositions,
on remarquera -que les abstentionnistes furent peu nom-
breux. .: . .

Le cahier rédigé à l'assemblée du 5 av, ril, contient des
revendications ·très hardies. Un certain nombre d'articles

auraient bien pu être l'œuvre propre des paysans, mais il ne

(i) Le recensemeilt 'de .iSOO accuse une population de 5i2 habitants.

faut" pas 'ogblièr ,qrie'l'ignorancé était génerale . dàns:' nos-:
oampagne's,";sur' 45 : électeurs, : 2 seulemenLsavaieI)t .signer. )
Il est doticprdbablé, qu'un grand nombre despélibérateurs:

n'"étai~nt pas',A m'ême de comprendre la portée detQutesce'sl
réclamations, Les ,éle,cteurs se sont fortement :inspirés d'une:
brochure publiée à Nantes et intitulée: Les charges d'un ,bon
citoyen des campagnes. Un certain nombre d'articles ont ,été
reproduits ,sans modification. :,f ; , . , : ' !, ' ,

Voici du' reste ce, document: . . , .' . '"

Cahier des doléances ' 1

. :« Aujourd'hui cinquième avril :milsept cent quatre vingt!
neuf, en l'assemblée de .couesnac'h, convo'quéé, tant au son
de la Gloche :q).l' au prône et par des avertissements partièu;':) .
liers, par devant '·nous Tristan Le " Berre

, gre'ftier ' ordi-,

nai1'" e de" s délibérations, ont I comparu: ' ,' '' ,' ' ' ~,', ,,' J
'-André Le Berre, Maurice~ Nédélec" Noël -Le €osqué~ic"
Noël Le Gùi1lou', Yv.es :Le Divanach;' FrançOIs Le ;,C}oaree,'
Yves Goarin fabrique, Yves Nédélec syndic, autre André~ .

Le Berre, Yves Boujou, Jean Boujou, 'Jean Le 'Divahach,
Vincent Le 'Clùarec, Tristan Le Mener,' Jean / Le Meur, Yves
Piriou, Hel'vez ,Car~dec; ' 1\1 oël Le Quéffélec, Yves Nédélec': :,
AI~lÎn Le , Guillou, Guillaume Le Cloa'rec, Alain Le Cloarec,'
Jean Nédélec, ' Guillaume Lalaizon, Louis Biger, Etienne Le
Cloarec, Jean Guéguen, Jacques Le Guillou, Je, an Le Bons­
sard, Guillaume ' Cotten', ,Michel Le 'Divanaç'h' , 'Jean Cos­
quer, Jean Nédélec; Joseph Le Neild'é, Guillaume Le " Quéf-

félec, Jean Le Berre, Yves Cotten, Maurice Lalais6n, Jean

Le Marec, Jean Coré, Joseph Simon, François Le Calvez,
Corentin Le Ca.rric, Allain 'Clemens,'.Yvès.Lè Guilloa, tous
représentants' du corps politique:de cette paroisse; lesquèls,
poui- 'Obéir aux qrdres' de SaMaj'esté~ : port(~s 'par :ses le'ttres
données à Versailles le 24 janvier 1789 ·pour la convocation
et t.enudes EtaLs générp.u,X de ce royaume etsatisfair.e ~ux

l' 39 . ,

1 0. Que le Roy notre Bon Roy, conserve et maintienne
son authorité · et puissance dans son royaume. .
' 20. ' Se pla' ignent d'être seuls assujettis , à la corvée des
grandes routes qui augmente la misère des gents des campa-

gnes. '" " .

3°. Se plaignent des c01'véeS et servitudes féodales . trep

étendUf~set tr'op onéreu'ges, et d'autant plus odieuses' qu'elles
donnent lieu à la vexation des seigneurs, à la dévastation des

campagnes. .. ' "
4°. Se plaignent de L'inégalité de la répartition des
impôts, qui (ait qu'ils sont trop imposés. . , .
5°. Se plaignent de n'avoir eu jusqu'ici aucun
représentant · au':!) Etats de la province, d'où vient que

les charges et (ràis de l'Etat, les pensions qu'on y accorde et
les différents droits,. retombent sur eux seuls. , .
6°. Se plaignent d'être assujettis à payer les fouageç;
extraordinaires. ' .

7~ '. Se plaignent d'être assujettis au Rachat, Lods et ven-
tes, droits de champart (2) ; de n'avoir à leur disposition les

(:1.) Conq : abréviation -pour Concarneau,
(2) Le fouage était une imposition qui se payait par « feu », Le
Rachat ou franc-fief était un impôt que tout roturier devait payer pour
posséder une terre noble. . Les lods et ventes étaient un droit 'que le
seigneur exig'eait lorsqu'un roturier faisait un héritage. Enfin, le droit
de ehampart (part du champ) était le droit de lever une certaine quan­
tité de gerbes, de pommes, etc. sur les terres du fief. ,

arbres qui se trouvent sur leurs terres à domaine contJéable,
pas même pOU1' les choses les plus nécessaires aux laboura-

ges.
8°. Se plaignent d'être assujettis au droit arbitraire de
mouture.
Déclarent vouloir

1°. Conserver lès droits de citoyens et être admis à l'ave-

nir à se faire représenter à toute assemblée nationale.
2°. Que dans ces assemblées leurs représentants soient au
moins en nombre égal à celui des autres ordres et que leurs
voix y soient comptées par tête.

3°. Que leur liberté soit aussi sac1'ée que celle des seigneurs .
4°. Que toute loi qui empêche de parvenir à tOUf) emplois

civils et militai'l'es de même que toute loi qui distingue à rai-

son de la . naissance, les peines pour les crimes de même nature,
. soit supprimée.
5°. Que leurs propriétés ne soient pas moins respectées
que celle des seigneurs.

Que tous les impôts soient à l'avenir s'lJPportés d'une
manière égale par tous à proportion de la fortune.

Que (entretien des grandes routes ne soit plus à leur
seule charge, puisqu'elles sont utiles à tous .

8°. Que les lois qui rendent les corvées, servitudes et

prestations fëodales, imprescriptibles et infranchissables,
soient remplacées par une loi qui permette, à chaque vassal de
s'affranchir sur le pied de leur valeur fixée par notre coutume,
et que le Iranc-aLeu soit de droit public. C'est le seul moyen de

les attacher à lCl1/rs propriétés et de se sauver des suites rui-
neuses de la fiscalité des seigneurs.
go. Que la justice soit approchée des justiciables et rendue

mO'tns coutageuse.
10°. Qu'ils ne soient plus obligés à payer aux seigneurs
de fortes rentes affectées à des espèces particulières de bleds
que les terres ne portent pas. ,

, Que le sort de le'ur recteur soit amélio ré et son re' "e··

nu augmente.

Déclarent adopter en général tous et chacun des arti~les,
et doléances.
Le dit cahier a été signé par Yves Nédélec syndic et Yves
Goarin fabrique qui ont accepté la mission de se rendre à
Concarneau pour prendre part à l'élection des députés du .

tiel's état et leur présenter ces doléances. Ils ont promis
de s'en acquitter fidèlement.
Tous les autres ont déclaré ne savoir signer.
, . Le Berre, greffier.
Yves Nédélec, syndic .
Yves Goarin, fabrique.
Contrairement à ce qui est dit plus haut, les délégués
n'ont pas pris part à l'élection des députés du tiers état.
Les sénéchaussées de Quimper et de Concarneau ont formé
un seul arrondissement électoral. Les délégués choisis dans

chaque paroisse ont élu de nouveaux électeurs qui, eux,
ont pris part à l'Assemblée d'arrondissement à Quimper.
Les députés élus par cette assemblée furent ; Le Goazre de
KervéLégan, séné'chal au présidial de Quimper, Le Guillou­
Kerincuft, avocat à Quimper et le Dean de Quimper. .

Un décret de l'Assemblée Nationale en date du 12 nov(jm-
bre 1789, ordonnait la création d'une municipalité « dans
chaque ville, b01?-rg, paroisse ou communauté de campagne».
Le ' nouvel état de choses fut organisé par les décrets des 14
et 22 décembre 1789 (1). La nouvelle assemblée municipale
qui remplaçait le « Corps politique » prit le nom de Conseil
général ou plus simplement de Général.

Pour être électeur, il fallait payer une contribution au

moins équivalente à trois journées de travail. Pour être eli-

(i) Aulard : Histoire politique de la Révolution française .

gible, cette, conir'ibution d~vait 'égaiel' la valeur 'd:au ' moins
dix journées de travail. Ces électeurs étaient les citoyens ac­
tifs r' les - autres à qui le ,titre de citoyen devait suffire, étaient
les citoyens passifs. Le taux de la journée de travail va,riait
dans chaque comm'Une, de sorte qu'un tel, citoyen actif av'ec
une contribution de 40 sols à Gouesnac'h, ne le' serait pas
à Quimper avec une contribution de 50 sols (1).
A Gouesnac'h, la liste électorale fut affichée fi la porte de
l'église. Les élections eurent lieu à l'église même; il s'agis­
sait d'élire un maire, un procureur,' trois officiers municipaux
et un certain'nombre de notables. Yves Nédélec, ancien syndic,
fut élu' maire, et F. M. Saint-JaIme, recteur, devint procu-
,reur de la commune. '
'te procureur était ,chargé de présenter à l'assemblée « les
motions que son zèle, revolutionnaire lui inspirait» ; il devait
donner son avis sur les questions soumises au Conseil'géné­
ral;après quoi l'assemblée arrêtait ses délibérations.
Le p'résideùt du Directoire du District de Quimper, s'éton­
nant qu'un -prêtre-ait été nommé à ces fonctions, le maire,
de, (;ouesnac'h' lui répondit: ' ,
(('Je soussigné, ,maire deGouesnac'h, certifie que le cHoyen '
F. M. ' Saint-Jalme, recteur de cette paroissé et Procureur de
cette commune, prêta, non seulement expressément le serment

civique le Il lévrier 1790, mais qu'il le prononça très respec-

tueûsement, èt si posément que chacun des citoyens composant
l'Assemblée du dit jonr, le purent et le prononcèrent à mesure
qn'il le prononçait, et que ce ne tut qn' en conséqnence qu'il/nt

éln Piocureur de cette commune. " ,

30 décembre 17YO.
Yves Nédélec, maire.

François Saint-JaIme est né à Plouguernével en 1750, Il
reçut la prê'trise en 1775, devint vicaire 'à Goarec, trève de

(1) Le suffrage ,universeJ ne sera établi que le 1.0 août i792 .

Plouguer:nével en 1782, puis recteur de Gouesnac'h en 1786. ,
Il,prêta serme'lit le ,11 févl.'ier 1790,. En 1792, ,il, quitta l~&

or rés, se ,maria et se retira à ostnenen .. : , , :,,: , , ' " ..

.. On! sait qu ~en .1790" la ,division :adrninis.trative de IÇ\, France;
fut refaite. Le département du, Finistère fut formé . ,d~Ja Cor:..

nQuaille, du, Léon" ,etd\ine partie des évêchés de Vat;lnes et

de Tr,éguier .;·Il fut part.agé .. en9 districts. La com.mune , de
Gouesnac'h garda 'les anciennes .limites de lapar.oisse et fu t
rattachée au district, de, Quimper et au canton de Fouesnant.
Ce canton comprenait six communes : Goue~nac'h1 Çlphars; ,
Pleuven, Le Perguet" La Forêt et Logaman.,Aup6(nt de yue
religielj.x, il fut ;.divisé en 3 paroisse.s : .Fouesnant,Clohar:s et:
G, oues,nae'h . ; les~utres çQmmunes formaient :des succursales

ou vicariats . C'est ainsi que Pleuven était succursale de

Gouesnaç'h ;;La Forêt et Logaman(S: aint-Evarzec), dépen-
daient de Foqesna~t; Le ~ergu :et (Bénod~t), dépengait 4e;
Clohars. ,' ,

. En 1792,> ,cette, distribution fut modifiée ';, Gou.esnf.1c'h de-
vint simple vieariat. Après le Concordat Go~esnac'h. red~- .
vint paroisse.

. Le 27 novembre 1790, l'Assemblée 'N ationale rendai~ : un

décret, prescrivant le serment aux ecclésiastiques. Le roi'

accepta ce décret le 26 décembre de la même année'(1} . .
Le serment devait ~tre pr'êté le dimanche à la grand'messe,

devant les fidèles et les officiers municipaux qui rédigeaient

le procès-verbal. " ' "

Da:ns 'le Finistère; la constitution civile ' duclerg'éne fut
pas bien accueillie: les insoumis furent la grande majorité.

Cependant, le district de Qui~per compta 39 prêtres assér-

mentés' contre 38 insoumis. ' . ,

Les curés constitutionnels étaient élus par les électeurs du

(i) DUVERGŒR : Collection des lois et déc)'etsde la Révolut.ioll. ' ,

district réunis au chef-lieu. Les prêtres ne pouvaient exercer
leurs fonctions qu'après avoir reçu l'institution canonique
de l'évêque constitutionnel. On sait que le premier évêque
constitutionnel. du Finistère fut l'abbé Expilly, curé de Saint­
Martin-Morlaix; il se fit sacrer par T elleyrand .

A Quimper, l'assemblée électorale se réunit le27 mars 1791,

à la Cathédrale. Les électeurs étaient au nombre de 37 .
. Après chaque élection de curé, on faisait sonner les clo­
ches, et les résultats étaient proclamés dans la chaire de
Saint-Corentin (1). .

Le « civisme» des prêtres de Gouesnac'h s'était manifes-
té dès le début de la Révolution, aussi se soumirent-ils à la

loi qui exigeait le serment ci vique, et demeurèrent-ils à leur
poste.
Nous aVons vu que la prestation de serment du recteur
F.-M. Saint-JaIme eut lieu le 11 février 1790. Le procès-ver- .
bal n'a pas été conservé.
Voici le procès-verbal du serment fait par le vicaire Co-

rentin Caugant .

" (( Ce jour, 23 janvier 1791, à l'issue de la grand'messe célé-
brée dans cette église paroissiale par messire F. M. Saint-J al­
me, recteur de cette paroisse de Gouesnac' h, le Conseil Géné­
ral de la paroisse et les fidèles présents, en conséquence de
l'avertissement .qui leur a été lait il ya aujourd' huy huitaine,
le sieur Corentin Caugf!:.nt, vicaire de cette paroisse, se tour­
nant /Jers le Conseil et les fidèles, du milieu du sanctuaire, a
dit à voix intelligible: « Pour me conformer au décret de l'As­
semblée Nationale, du 27 novembre 1790, je fais le serment
de remplir mes fonctions avec exactittf,de, d'être fidèle à la
Nation, à la Loi 'et au Roy, et .de maintentr de tout mon
pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée Nationale, et

(i) « Documents pour servir à l'histoire du clergé dans le Finistère pendant
la Révolution» par M. l'abbé Peyron .

ft ~~ t

Sdnctionnée par le " Roi, et suis dans l'intention ' de signer le
procè's-verbàl qu'on voudra en rapporter. )) ..
Et s'est ens' uite retiré dans ra sacristie et 'a signé sur le l'e-

gistre. ' .
C. Caugant, vicaire. Yves Nédélec, maire ...
Les prêtres qui refusèrent de prêter serment furent pour:'"

suivis comme prêtres réfractaires. Quelques-uns trouvèrent
asile à Lanhu. ron, au château. de. Bobet de Lanhuron « Con-

seiller du Roy et son lieutenant civil et criminel au présidial
de Quimper' ». .'
Une dénonciation vint apprendre au Directoire du District
la présence de prêtres réfractaires à Lanhuron (L). ,

Ken,ern ce 2 juiLLet 17Y2 .

M onsieu1' et hon ami,

Il est grand temps, s'il n'est même pas passé, de dénicher
. le nid dont je vous lis part samedy.

Il est co' nnu et notoire que la maison Bobet est un repaire

de prêtres réfractaires. Je viens moi-même d'en trouver en-
core un déguisé en paysan, à cheval sur un bât qui y allait . .
Encore hier matin, des gens de la paroisse m'ont assuré

qu'ils avaient vu huit chevaux en revenir.
Il Faut prévemr le mal et déjouer leurs desseins. Envoyez au

moins treize hommes sûrs avec Uft chef sage, et qu'ils ne vien-

nent pas sans munitions. Il leur taud ra' un guide jusqu'à chez
moi; je me charge de les conduire jusqu' à Lanhuro'ft~ N'ébrui­
tez pas votre pmjet, et qu'ils partent de Quimper sans qu'on

s'en aperçoive. Il faudrait être rendu au plus tard à dix heures.
D'ailleurs, agissez d'après vous, ce sera bien lait. .
. Votre ami,
Du Run.

Aucun document ne nous apprend les résultats de cette
dénonciation. La tradition rapporte . que sous la Hévolu-

(i) Archives départementales, L. 250. .

tion, des p'rêtre' s cachës ·à L;anhuron disaient 1a messe ,dans
]a chapelle de Saint-Maudé, 'chapelle particulière, bâtie à
proximité du châteaU:. Ces prètres Furent arrêtés- , embarqués
de force dans un canot faisant eau de toutes parts, et cO,nduits
au milieu de l'Odet très large en cet endroit. Bientôt le
bateau coula; entraînant aVéc'lui les malheureux accrochés

à ses ,flancs. " ' 1 ', : "

, Il n'y a·pas lieu de 'prêter' grand' crédit à c'ette tradition,
'sans doute inspirée par uné réminiscence ' des noyades de
Carrier dans la Loire. M. le chanoine Pey.ron, dàns, ses

Documents pour servir à l' histoire du clergé d'ans Le Finistère
pendant La Révolution, rie mentionn'e pas ' ces faits qui n'au­
ra.ien~ ',su passer inaperçus. D'autre part, nous verrons plus
loin que, si Bobet de r.>anhul'on, soupçon.né d'avoir récélé ces

,prêtres,a été emprisonné, il ,ne le fut qu'en 1793, et, dans

l'exposé des motifs de 'son arrestation, Il n'e~tpas fait men-
tion du réc~l dé , prêtres ' insoumis .. ,. Du reste, la . loi · dù
27 mars 1792, 'punissait de la déportation le récel des prê-

" tres' , et Bobet, ·déjà ,taxé d'incivisme n'eût pas échappé aux

',rigue~rs dè la loi. ' " . ,,' , ' ,', ,

La plainte ci-dessus n'a-t-elle pas ,été prise en"considé-

,ration, ou bien les prêtres ont-Us pu regagner un ' autre

abri avapt l'ar, rivée des,soldats, nous ne saurions le dire.

L'auteur de cette. dénonciation est Charles-Eléonor Yvon-

net du Run, homme' de Jois,-fils de Tanguy-Julien Yvonnet

. du , Run , « , cy-devant- Conseill~r du , H, oy au présidial , de
(~uimper et l présid-ent" des , traites dans 'la' même ville. » 6e

24 juillet 1791, il épousa.Marie-Reine ;-Thérèse· Le Breton de

Villeblanche, fille de Pierre-François Le Breton de Ville-

blanche, ,( Conseiller du Roy et son bailli au cy-devant siège

,royal de Q4imperlé .. Il Il habitait d'abord Boutiguéry, mais

après son mal'iag-e il demeùra an mano\r de Ker.vern, rési-

dence (lctué~ledu général Potier. Nous le l'etr'ouvonsen

1793 officier municipal à Gouesnac'l;t. ,

. Le vicaire constitùtionnél Corentin" Caugant ,après" le
départ de Saint':J alme ' resta à la' tête de laparoi'sse: Il fut
élu procureur, puis officie~ municipal ;.:il mouruta:u presby­
tère de Gouesnac'h le 8 ventôse an 7 de la République (1799)
à l'âge de soixante-douze ans. Une lettre de ' son successeu,r
A. Pau], nous apprend que deux conjoints mariés par lùi
voulurent faire légitimer leur mariage ' par un cRré . non

assermenté.

Gouesnac'h le 17 janvier 1806~
MONSEIGN'EUR, . ,
J'ai l'honneur de vous exposer que les nommés Vincent
Le Cloarec et Françoise Le Cloarec de cette succursale,
parents du tiers au quart, ont, en vertu, d'une dispense de
Monsieur Expilly, premier évêque co'nstitutionnel du Finis-

terre, contracté mariage devant un . prêtre 'assermenté ;
mais dans un temps où, à la vérité~ ils ne pouvoient sure­
ment et facilement trouver un ecclésiastique, revêtu des
pouvoirs légitimes. Les susnommés cohabitent depuis envi­
ron le mois de janvier 1793, et de cette cohabitation sont
issus quatre enfants. Mais, . actuellement inquiets :sur la

validité de leur alliance, et désireux de s'assurer sur' un
point si iinportant pour leur salut, . ils défèrent, saps balan:­
cel', au ju'gement qu'il vous plaira de prononcer sur leur
état devant Dieu. . .' .

Considérant le grand désir qu'ilR m'ont témoigné de réva-
lider leur mariage, si vous le jugez.nécessaire, je vou$prie;
Monseigneur, de me faire connaître votre volonté à ce
sujet et de m'indiquer le mode que vous trouvez le plus
convenable pour cette revalidation. .
Je suis etc ...

A. PAUL, desservant de Gouesnac'h.

La dispense fut accordée, et le « remariage» fut célébré
le 15 février 1806 après .que les conjoints eurent reconnu les

quatre enfants c( issus de leur cohabitation. Il

Sous la ' Convention, le Comité de Salut publié .créa dans
les villes des :groupes d'origine élective qui prirent le nom

de Comités · révolutionnaires. Ces Comités, créés par le
aécret du 21 mars 1793, se composaient de douze membres
(ni ex-nobles ni ecclésiastiques). Ils étaient chargés surtout

de s'assurer du civisme des étrangers. ; mais leur rôle dégé-
néra et les Comités s'érigèrent en juges des ennemis de la
Révolution (1) ~
Quimper eut aussi son Comité de surveillance dont le
registre des délibérations nous renseigne sur les arresta­
tions des suspects. On lit dans ce registre:

Cl. Bobet, pour cause d'incivisme, averti de' se rendre en
prison n'a" pas encore obéi. On le recherchera dans le cou

rant du premier décadi, à ses frais» 18 février 1794.
Quelques jours plus tard, Bobet de Lanhuron fut incarcéré
dans la Prison du Roi~ située à l'angle de la rue Royale et
de la rùe Verdelet à' Quimper (2).
Le 30 avril, Mme de Toulgoët, sa fille, demande à entrer
. à la maison d'arrêt pour voir et soigner son père malade.
Sur attestation d'un médecin, l'autorisation est donnée ;
mais le lendemain le ComÏté retire son arrêté de la veille,
cc attendu qu'il serait dangereux d'accorder indistinctement
des permis d'entrer aux différentes maisons d'arrêt ».
Le décret du 18 thermidor « autol'Ïsait les prisonniers à

demander les motifs de leur incarcération )~ .Le 12 septem-
bre, Bobet de Lanhuron, s'appuyant sur ce décret, demande
les causes de sa détention. Le 13 septembre, le Comité
répond: Cl. Bobet est détenu pour n'avoir pas acquitté ses
devoirs civiques (art. 2 du décret du 21 septembre 1793),
en ce qu'il ne s'est jamais présenté aux assembl~s de sec­
tion et de commune, et n'a pas présenté de certificat de

(1) AULARD : Histoire politique de laBévolution .
(2) Les femmes étaient détenues à Kernisy .

civisme (1) ; pour avoir manifesté des sentiments contraires
à la Révolution, ce qui est attesté par l'opinion publique
dont le jugement est irréfragable, et à laquelle nous le ren­
voyons; pour avoir recélé des effets appartenant à l'émigré
Cheffontaines, preuve qu'il en était l'agent».
Nous ne savons pas à quelle date Bobet fut remis en
liberté. Toujours est-il qu'en 1795, nous le retrouvons à
Lanhuron. Avant la Révolution, Bobet s'était déjà fait
remarquer. « Il comptait devenir membre du grand baillage
établi par l'édit de mai 1788 ». Le Parlement et les Etats fai­
saient opposition à cet édit. Le Pro0ureur général syndic
des Etats, le comte de Botherel, cherchait des adhésions
aux protestations des Etats. Son arrivée à Quimper le
15 août soulève une véritable émeute. Au premier rang des
manifestants se trouve Bobet. Son domestique, croyant ser­
vir son maître, lance son bonnet de laine au visage du comte
de Botherel. Celui-ci relève le bO.flllet, et, le tendant en sou-

riant à son propriétaire : « Reprenez-le mon ami, et cou-
vrez-vous : vous pourriez avoir froid (2). »
Bobet de Lanhuron était l'un des six magistrats dénoncés
par Le Goazre de Kervélégan comme n'ayant « cessé de se
montrer les ennemis du bonheur des justiciables de leur ­ ressort .... et ayant déclaré que le roi n'avait pas le droit de
faire procéder à la convocation des Etats généraux dans la
forme prescrite (3).
Après le Consulat, Bobet se rallia au régime Napoléonien
et devint Procureur impérial .au tribunal de Quimper. 11
mourut à Lanhuron, le 4 juillet 1812, à l'âge de soixante-

O.) Le certificat de civisme était exigé de tous les citoyens (décret du
24 août 1.792). Il était déli vré par les municipalités et visé par le Comité
révolutionnaire.
(2) Histoire du Comité révolutionnaire de Quimper, par J. , Tn:ÉvÉDY.
(3) J. SAVINA : Les premières élections législatives dans le Finistère. (Mé­
moire publié par le journal Le Citoyen, i9t3.)

BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉO. . TOM,E XLI (Mémoires 4).

dix-sept ans suivant son acte de décès
jour à Gouesnac'h.

enregistré le même
Dans un rapport du Directoire du district de Quimper, en
date du 27 pluviôse an If, on lit : (

({ En vertu de la loi et de t'arrêté du Comité de Salut Public,
les cloches ont été descendues à l'exception d'une dans chaque
commune. Elles sont déposées à notre chef-lieu avec les cuivres,
et t ers provenant des domaines nationaux de toute espèce.
D'ap-rès les ordres des Représentants du peuple à Brest, tous
ccs objets vont être embarqùés pour cette commune. ))
Un grand nombre de cloches confisquées aux paroisses
furent en effet envoyées aux arsenaux de Brest et de Lorient;
pour y être fondues. .
Gouesnac'h possédait deux cloches. L'une d'elles pesant
97 kilos fut envoyée à Brest, mais elle ne fut pas fondue.
En 1802, le Préfet maritime de Brest fut autorisé à la res­
tituer, ainsi que 261 autres cloches retrouvées intactes.
En 1829, les arsenaux de Brest et de Lorient détenaient
encore 28 cloches, dont celle de Gouesnac'h qui n'avait pas
été réclamée (1).
En 1830, Charles X la fit rendre à la commune; elle fut
remise dans le clocher, à la place qu'elle occupait avant la
Révolution .
On lit au registre des délibérations:

(( Le 9 juin 1830, nous, Michel Larhant, curé desservant;

Alain Le Quinquis d'LI! Cosquer, maire; François Le Cloarec

de Kéridre, adjoint; Alain Le Uuillou du Costorn et Yves
lJodivit de Kervern, fabriques, avons fait remettre au clocher
de l'église paroissiale de Gouesnac' h, une ancienne cloche de

(1) Bulletin de la Société al'cl1éologique, procès-verbal de la iD' livraison
J 903. . ,

cette église enlevée pendant la Révolution et que le mi Charles X

nous a rendue dans le courant du mois de mai dernier. »
Cette cloche datait de 1621. Elle portait l'inscription sui­
vante:
Sancte Petre ora pro nobis
Messire Allain Coroller, recteur de Govesnac'h et Charles
Fichant fabrique de Saint-Cado et Pierre Bauguion et Fauniel,
Govesnac' h '
Faicte l'an 1621.
Cette vieille cloche n'a malheureusement pas été conser­
vée. Elle était sans doute en mauvais état; en 1839, elle
fut redescendue du clocher et envoyée à la fonderie. Trans ..
formée en cloche neuve, elle reprit de nouveau son ancienne
place. On y lit cette inscription :

Sancte Petre ora pro nobis
Parrain: Alain Le Quinquis.
Marraine : Marguerite Berrou.
Guillaume Cotten, président de la fabrique. Guillermou tré-

soner.
Larhant, recteur de Gouesnac' h... Le Goazre de Toulgoè't

matre.
F. Briens, Morlaix - 1839.

Dans le rapport du 27 pluviôse an II, mentionné plus
haut, on relève encore ce qui suit:
(( Argenterie et Ornement d'église. " , Nous a'vions senti la
ressource que trouverait la lUpublique dans l'argenterie amas­
sée dans les églises. Sur nos invitations, les communes de
notre arrondis iiement ont fait déposer à l'administration tout
ce qui n'en était pas indispensable pour l'exercice de leur culte.
Nous nous flattons que l'instruction et le décret salutaire qui
mettrait à la charge de chaque citoyen les dépenses de son culte
auquel tiennent encore nos bons frères des campagnes, feront

rentrer ' dans les caisses de la République, les restes de la
superstition et du 1 anatisme expirant )) (1).
L'église de Gouesnac'h possédait une superbe croix pro­
cessionnelle en vermeil, susceptible d'être fondue et tt'ans­
formée en monnaie. Elle aurait suivi le sort d'un grand
nombre d'autres objets d'art, si le vicaire constitutionnel
C. Caugant ne l'avait soustraite aux perquisiteurs et sauvée
en la confiant au capitaine d'un navire en partance pour

l'Angleterre. La tourmente révolutionnaire passée, la croix
fut ramenée à Gouesnac'h. On la débarqua à Lanhuron où
l'attendait une nombreuse procession de fidèles. La hampe,
également en vermeil ne put être retrouvée. Le capitaine du
navire la garda-t-il en payement du service rendu? Je ne
saurais le dire. Cette croix) œuvre tout à fait remarquable,
a été classée comme monument historique par décision mi-
nistérielle du 14 juin 1898. .
En voici la description, d'après M. le chanoine Abgrall
( A rchitecture bretonne) : « La croix, en vermeil, a un mètre
de hauteur et est ornée de deux branches en consoles, por­
tant les statuettes de la sainte Vierge et de saint Jean.
Derrière est la statuette du patron, saint Pierre, surmontée
d'un joli dais. Le sommet et le bout des croisillons sont
terminés par des gloires à rayons pointus et flamboyants
alternés. Le nœud forme lanterne terminé en dessus et en
dessous par deux demi-boules ou calottes gravées de poin-

tillés. Autour sont six niches séparées par des contreforts
cylindriques et contenant les bustes en bas-relief des apôtres .
saint Pierre, saint Paul, saint André, saint Jacques, saint

Jean et saint Philippe. A la jonction du pied avec la hampe,
est gravée cette inscription:
M. G. ~VZORE. P. E. H.

(1) En une seule année, le district de Brest envoya aux hôtels de la
Monnaie de Paris et !le Nantes un poids total de 500 kilos ' d'argent, de

Sur la naissance des deux branches:
NOBLE. E. DISCRET.
RENE. BLANCHARD.
RI'. DE. GORENNER. E. PROMOTEVR. DE. CORNO V ALE
1691
Ces inscriptions doivent se lire: Messire Guillaume Keru­
zoré prêtre et recteur· Noble et discret René Rlanchard,
recteur de Gouesnac'h et promoteur de Cornouaille.
Keruzoré mourut en 1662. René Blanchard fut recteur de
Gouesnac'h de 1686 à 1704. C'est donc ce dernier qui fit
ajouter la deuxième inscription: 1691 ne serait par consé..,)
quent pas la véritable date . .
A Gouesnac'h comme dans nombre d'autres communes,
on enleva pendant la Révolution les bancs seigneuriaux et
l'on fit disparaître tous les écussons et autres marques de
prééminences (1).
Jirancquetot de Coigny, Maréchal de France, « haut jus­
ticier et fondateur de l'église de Gouesnac'h avait ses armes
sous le vitrail du chœur, au pignon de l'autel de la
chapelle Saint-Alain, près des fonds baptism'aux et au-
dessus du portail.
Yvonnet du Run, « Conseiller au présidial de Quimper et
président des traites dans la même ville», demeurant au
château de Botiguéry en Gouesnac'h posséuait « un banc de
4 pieds, 6 pouces en tous sens, dans le bas-côté de l'église,
adossé au second pilier, du côté de l'Epître » .

Bobet de Lanhuron avait « droit d'enfeu dans la chapelle
du Rosaire, du côté de l'évangile, avec armes sur l'enfeu et
sur le banc ».
Sur la porte du porche étaient les armes de l'évêque de
(I) Le décret du 14 septembre 1793 ordonnait aux municipalités la des­
truction des armoiries dans les églises, avant la fin d'octobre, et cela sous
peine de destitution.

Coëtlogon et près des fonds baptismaux celles de René
Blanchard «recteur et promoteur de Cornouaille. »
Il ne reste plus aujourd'hui aucune trace de ces écussons;
ils ont été parfaitement grattés. L'enfeu de la famille Bobet

fut transporté au cimetière.
C'est aussi sous la Révolution que fut brisé le vieux cal- .
vaire du Cosquer. On voit aujourd'hui la croix au Musée
Breton de Quimper (ancien évêché). Elle est remarquable
par l'originalité et la naïveté de ses sculptures .
Dans sa délibération du 6 novembre 1793, ]e Comité de
surveillance de Montagne-sur-Odet (Quimper) exigea que
chaque commune du district soit pourvue d'une école, et
que les maîtres 0. instruisent les enfants d'après les prin­
cipes de la Convention et de la Montagne)}.
Un décret en date du 24 pluviôse an Il, établit. une école
primaire à Pleuven, pour les communes de Plèuven et de

Gouesnac'h. Mais les événements se précipitent: la tour-
mente révolutionnaire emporte ce projet comme elle en
emporta tant d'autres. L'idée n'eut pas de suite; avant 1865
il ne sera plus question d'école à Gouesnac'h .

La loi sur les réquisitions ne semble pas avoir été bien
accueillie à Gouesnac'h. La municipalité ayant déclaré ne
vouloir fournir de blé à une réquisition de grains pour la
marine, s'attira les remontrances du Conseil de district:

Citoyens de G ouesnac' h.

Nous vous avons ' engagés maintes {ois à satisfaire à la

réquisition que nous avons 1aite dans votre commune pour
les grains 'requis pour la Marine. l\ous a1JOnS entioyé des com- .
missaires, enfin, nous n'avons rien négligé pour vous détermi­
ner à satisfaire aux besoins de nos frères de la marine à Brest .

Il nOus est prescrit impérativement de faire enlever vos g1'ains
, par la force armée. Nous allons donc L'y envoyer si dans 4 jours,
les grains que vou, s devez fmtrnir ne sont pas arrivés à
. Quimper.

Germinal an II.
Le 12 thermidor an Il, le Directoire du district envoie
une .lettre au Commandant de la gendarmerie pour le
requérir d'envoyer un gendarme à Gouesnac'h « pour faire
venir Yves Nédélec de Keridré rendre compte de sa cùnduite
à l'administration pour son refus réitéré de participer aux
charrois militaires».
Le 10 prairial an II, ordre est donné à la municipalité de
faire parvenir quatre voitures à Quimper. «Ces voitures
devront être rendues à Quimper le 13 prairial à 4 heures
du matin pour charger des grains destinés à Lorient. »
Le 14 prairial, le district fait une réquisition de chanvre
pour la marine. « Le chanvre sera payé conformément à la loi
du maximum. » Enfin le 2 nivôse, ordre est donné au maire
de faire parvenir à Quimper six cochons.
La Constitution civile du clergé votée par l'Assembléè Na­
tionale le 27 novembre 1790, stipulait que les biens du clergé
étaient déclarés biens nationaux et mis à la disposition de
l'Etat. En compensation, les membres du clergé devaient
recevoir un traitement convenable.
A Gouesnac'h, l'église ne possédait que le presbytère et
une ferme. Le presbytère fut mis en vente le 25 messidor

an II et acheté par Rivan. Les prêtres continuèrent à y de-
meurer.
La métairie du Reuniou, appartenant à la fabrique, fut
vendue le 20 aoftt 1793 et achetée par Jean-Jacques Le
Breton de V illeblanche.
Les biens des émigrés furent aussi déclarés biens na-

tionaux. Des propriétés appartenant à l'émigré Jonathas de .
Cheffontaines, furent vendues nationalement. La ferme dite
Convenant Kerhuré fut vendue le 4 germinal à Célarier Paul
et Damiguet Paul. .
Keranheuré fut acheté le 16 brumaire an II par Canivet
François. Kersaluden fut acheté le 29 nivôse par Jean-Jac­
ques Le Breton. Kersaluden était un fief dont les habitants
étaient soumis directement aux juges royaux (1). Les divers
. possesseurs du fief ont été: le maréehal de Hichelieu, la
comtesse d'Acigné et le sieur de Keraldanet. Par lettres '

données au mois de février 1769, Louis X V joignit à la
châtellenie de Cheffontaines en Pleuven, la seigneurie dA
Kersaluden. A dater de cette époque, le marquis de Cheffon­
taines exerça le droit de justice sur le fief de Kersaluden.
Les autres événements de la période révolutionnaire :

mort du roi, proclamation de la République, chute de Robes-
pierre, etc. ne semblent pas avoir eu leur réper'cussion dans
notre commune. Nous ne possédons pas de détails circons­
tanciés sur la fête de l'Etre suprême qui, sur la proposition
de Robespierre et à la suite du décret du 7 juin 1794, devait
être célébrée dans toutes les communes « avec amour, pompe
et magnificence ». Nous n'avons aucun renseignement sur
le lieu où fut planté l'arbre de la liberté. Nous ne savons
s'il convient de le rechercher parmi les arbres qui s'élèvent
à proximité de l'église: la tradition est muette à ce sujet.

Pour être complet, il nous reste encore à mentionner la
révolte de Fouesnant qui eut une certaine répercussion à
Gouesnac'h.
En 1792, le canton de Fouesnant fut le siège de troubles
très graves qui dégénérèrent en révolte contre l'autorité.
Alain Nédélec, nommé juge de paix à I-i'ouesnant, refusait

(1) Archives du Finislere, série A.

de rendre la justice avant d'avoir obtenu une nomination
(( signée de la main du Toi )). Les habitants du canton se
plaignaient de cet état de choses. Par une délibération du
Conseil municipal, les communes de Gouesnac'h, de Clohars
et de Pleuven demandèrent et obtinrent le renvoi du fameux
juge. On sait qu'à cette époque, les juges de paix étaient
élus par les électeurs de chaque canton. On convoqua donc
les électeurs à l'effet de choisir un nouveau juge. Avant la
fin des opérations du scrutin, Alain Nédélec, accompagné de
quelques partisans armés de bâtons, pénétra dans l'église où
les électeurs étaient assemblés, saisit l'urne et déchira les
bulletins, disant qu'il n'était nullement déchu de ses fonc­
tions et qu'il attendait une nomination signée du roi.
Voici, au sujet de cette première affaire la déposition de
(( Tristan Le Berre de Keridéal en Gouesnac' h, cultivateur
fonctions de scrutateur à l'assemblée primaire de Fouesnant,
il a vu Alain NédéLec, ci-devant juge de paix, ent1'er à

l'égLise, accompagne de beaucoup de personnes, que, malgré
les observations de M. Keraflen, commissai1'e du département
et celles des officiers de L'assembLée, le dit Nédélec s'est opposé
à la continuation des travaux et a porté la violence au point
d'ôter de La boëte, les bulletins qui y étaient déposés .))
L'élection est reportée au 10 juillet: 150 gardes nationaux
sont envoyés . de Quimper pour assurer la régularité du

s~rutm.
Entre temps, Nédélec parcourt les villages et se recrute
des partisans. La révolte s'étend sur tout le canton. Nédélec
promet à ceux qui le soutiendront, qu'ils ne paieront plus ni
contribution ni redevance d'aucune sorte, et, pour exciter
les esprits, il raconte que « les gars de Quimper» (paotred

(t) Les documents qui suivent ont été puisés dans la liasse Procès
Alain Nédélec (Arch. départ.)

Quimper), veulent mettre le canton de Fouesnant à feu et à
sang. La bande augmente sans. cesse, et, lorsque le 10 juil­
let, les gardes nationaux arrivent à Fouesnant, ils trouvént
les révoltés, armés de fusils et rangés en ordre de bataille.
La fusillade commen'ce, il y a des morts de part et d'autre.
Mais les soldats, mieux disciplinés mettent les paysans en
déroute et font de nombreux prisonniers. (Voir au musée de
Quimper le tableau de J. Jirardet, intitulé (( Les Révoltés de
Fouesnant )).)
Alain Nédélee, caché par ses partisans, demeure long­
temps introuvable. Quelques mois plus tard, il est enfin arrê­
té, condamné à mort et exécuté à Quimper le 20 mars 1793.
On se rappelle que le conseil municipal de Gouesnac'h
avait demandé le renvoi de Nédélec. Celui-ci résolut de se
venger en obligeant les principaux membres du conseil dont
Yves Nédélec, maire, et Tristan Le Berre, tnatienar, à se
rendre à Kerbader où étaient rassemblés ses partisans.
Voici, d'après les dépositions conservées au dossi81', les
faits rapportés par le maire et l'agent national de Gouesnac'h.
(1 Yves Nédélec, maire, déclare que:
Le lundi 9 juillet 1792, vers 3 heures du matin, arrivèrent
chez lui 15 ou 16 personnes armées de fusils qui lui dirent de
se lever, qu'il fallait aller avec eux chercher Tristan Le Berre
puis à Kerbader. Ayant voulu raire résistance, il/ut tiré de '
son lit par quelqu'un des cy-après dénommés: Charles Rivoal
de Pqnt":l~qué (KerangY'el), Jean Nédélec de Bot-garvan en

Uouesnac'h, et Pierre Nédélec, frère du }uge de paix, demeu-
rant à Pleuven, lesquels il a reconnu dans le nombre. Après
cela, il le forcèrent à prendre son fusil et à les suivre, ce qu'il
lit }'usqu'à Kel'idéal. Là, une partie des hommes armés resta

le garder dans un champ pendant que l'autre partie entrait
dans La maison de Tristan Le Berre agent national à Goues­
nac'h.
Quelques instants après, déclarant vouloir allumer une pipe,

il put entrer dans la maison et laissa son fusil dehors, près de la
porU. A yant allumé.sa pipe et bu une chope de cidre, il se sauva
par une porte de derrière à l'insu de ses gardiens et s'en tut
se cacher. Il n'a pas su depuis ce qu'est devenu son fusil. ))
ff Tristan Le Berre fJJgent if6atiortal, demeurant à Keridéal
en Gouesnach a déclaré que: le lundi matin 9 juillet, pendant
qu'il était au lit, plusieurs hommes armés étaient entrés dans .
sa maison et que Pierre Nédélec, frère du juge de paix, lui
avait dit qu'il fcûlait aller avec eux à la Montagne de Kerba­
den où les partisans du juge étaient rassemblés. Il lui demanda
pourquoi faire et il lui fut répondu tout simplement qu'il fal-
lait s'y rendre / '
Aussitôt, Le Berre fit partir la charge d'un fusil chargé de
petits plombs et le chargea avec trois balles, ce qui fit croire
aux autres qu'il allait avec eux. Alors, il engagea Yves Nédé­
lec maire de Gouesnac'h et Pierre Nédélec à boire une chopine
de cidre, ce qu'ils firent.
Mais, les hommes armés ayant e~core insisté pour qu'il les
suivit afin de les défendre contre les gens de Quimper qui de­
vaient venir les attaquer, il leur répondit qu'il ne ferait jamais
rien contre les lois, qu'il aimait mieux mourir chez lui de
leu1's mains que de rien faire de contraire à la Constitution 1
En leur disant cela, il s'a1'ma de son fusil et coucha en joue
sur eux. A lors il se retirèrent.
Le Herre n'a reconnu parmi eux que Charles Rivoal de Pon­
tusqué, paroisse de Gouesnac' h, François Sourin de Kermao de

ladite paroisse, et PieTre Nédéleésus·dénommé. ))
D'une autre déposition, il résulte que Jean Cosquer du

village de Treffélen, reçut l'ordre de sonner le tocsin pour

appeler aux armes les habitants de Gouesnac'h. Mais la
femme dù bedeau lui refusa les clefs du clocher, disant
qu'elle ne les donnerait que sur l'ordre du maire. « Alors,
Jean Cosquer alla à l'auberge, y but son content de cidre et
s'en fut à la maison». .

Le département profita du déploiement de troupes né­
cessité par la recherche des coupables pour recouvrer les
contributions de 1791 qui n'avaient encore été acquittées
qu'en faible partie; les 2/3 étaient cependant exigibles de­
puis le 1

1' avril.
Le 8 mai 1792, les Commissaires nommés pour cet objet,
firent assembler les Conseils généraux des communes du
canton, et leur ordonnèrent de se rendre à Fouesnant pour
y prendre connaissance des ordres dont ils étaient porteurs,
et aviser à leur prompte exécution. Le sieur Clarennec fut
chargé d'apporter ces ordres au maire de Gouesnac'h. Ces
ordres stipulaient que les communes auraient en outre à
payer les frais de garnison : logement et nourriture des
troupes (1).
La réunion des représentants des communes eut lieu à l'é­
glise de Fouesnant.~( Plusieurs membres ont pris la parole
pour exposer qu'ils n'étaient pas les moteurs des troubles
qui avaient eu lieu, et qu'ils ne devaient pas en conséquence
supporter les frais de la force armée envoyée pour saisir ceux
prévenus d'en avoir été les auteurs. Quant aux contributions,
ils ne les avaient pas non plus refusées et s'ils se trouvaient
arriérés dans les recouvrements, on ne pouvait l'attribuer
qu'au retard de l'assiette et confection des rôles, et peut-être,
ont dit quelques-uns, aux inquiétudes et menaces répandues
par des malveillants pour persuader aux contribuables que
le nouvel ordre de choses ne peut tenir».
Les Commissaires exigèrent le payement intégral des 2/3
des contributions pour le 11 au plus tard. « Le. s officiers mu­
nicipaux ont senti qu'il n'y avait qu'à prendre' ce parti et se
sont répandus dans les communes pour y faire les avertisse-

ments necessalres. »
Le 10 au matin, le peuple accourait enfouIe pour s'acquitter .

(' 1) Les renseignements qui suivent sont puisés dans la brochure pu­
bliée par M. Peyron: Alain Nédélec et la Révolte de Fouesnant en 1792

« Les contribuables de Gouesnac'h dont le collecteur fai­
sait la recette au bourg de Fouesnant, manifestaient un grand
empressement. )
Le 12 au matin, les officier:s municipaux payaient au sieur
Daniélou, trésorier du district, 2055 livres pour acompte des
contributions de 1791, et 150 livres pour part des frais de

garnIson.
Lors de la seconde insurrection en date du 10 juillet 1792,
les communes eurent encore à rembourser les frais occa­
sionnés par l'envoi de la force armée. La part de Gouesnac'h
s'éleva à la somme de 500 livres.
Une question se pose: comment expliquer, dans ce sou­
lèvement, la conduite d'Alain Nédélec? Il convient d'y voir
autre chose qu'un vain orgueil et qu'un sot entêtement.
Quelqu'un, dans les coulisses, tirait les ficelles qui faisaient
mouvoir ce pantin.
Dans son interrogatoire, lors de son procès, Nédélec dé­
clare que « celui qui le conseillait en savait plus long que lui,
et plus que tous ceux de Quimper ». Mais, interrogé sur la
demeure, l'âge et la taille de ce dernier, il déclare « n'avoir
de compte à rendre à personne ».
Quelques partisans de Nédélec, ont avancé que l'instiga-

teur de sa conduite était Bobet de Lanhuron, ancien juge au
tribunal de Quimper. Tout ce que nous savons de Bobet,
nous autorise à accueillir ces présomptions: Bobet, ancien
juge lui-même, pouvait avoir une grande influence sur
l'esprit de Nédélec. Il s'était maintes fois fait remarquer
par son caractère frondeur. Voulant soulever le pays contre
l'administration nouvelle, il a pu trouver en Nédélec un par­
tisan à qui il met en tête cette idée puérile d'obtenir « une

nomination signée du roi », et cette idée, ancrée dans la cer-
velle d'un breton têtu, a suffi pour mettre en révolte tout le
canton de Fouesnant.

L. OGÈS .

- 247

DEUXIE E PARTIE

Tables des mémoires publiés en 1914

Abri et sépulture sous roche à Keramengham,
en Lanriec, par le chanoine J.-M. ABGRALL ....
Liste des juridictions exercées au XVII" et au
XVIII" siècles dans le ressort du présidial de
Quimper (suite: Sénéchaussées de Gourin et
de Lesneven), par H. HOURDE DE LA ROGERIE ..
IlL La période révolutionnaire à Gouesnac'h par

Pages

L.OGÈs .... ................ .................. 36
IV. La Révolulion en Bretagne. Les derniers monta-
gnards, 1795, (suite), par PRo HÉMON. ....... 62,156 .

V. Première contribution à l'inventaire des monu-
ments mégalithiques du Finistère (suiLe :
Cantons de Lannilis, de Plabennec et de Plou-
dalmézeau), par A. DEVOIR. . . . ..... . . . .. .. . . . 91
VI. A udierne à la fin de l'ancien régime par J. SAVINA 112
VII. NoUce sur la ohapelle de Saint-Herbot 'en Plo-
névez-du-Faou par CH. CHAUSSEPIED.. . . . . . . . . . 128
VJII. Elude arcbéologique du cadastre par H. LE CAR-
GUET ..... ....... ...... · .... ................. 140
IX. Excursion archéologique du 10 mai 1914. Compte

rendu par le chanoine J.-M. A BGRALL ........ .
Lettre circulaire des membres du bureau . .. .. .
La Cathédrale de Reims par,.le chanoine J.-M.

ABGRALL ......... .

dt " " 7 77 "

211
238
242

DU FIN ISTERE
Hôtel de Ville
B.P. 531
29107 QUIMPER